Chapitre 6 : Un endroit qui m’appartient
Table des matières
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Chapitre 6 : Un endroit qui m’appartient
Partie 1
L’auberge ressemblait à n’importe quelle autre auberge. L’hôtesse était une dame dynamique mariée à un chef silencieux qui excellait dans son travail. Ils avaient une fille de sept ans à qui il manquait visiblement des oreilles de chat, ce qui était vraiment dommage.
La fille ressemblait beaucoup à Colette, selon Mitsuha. Malheureusement, il était encore trop tôt pour lui rendre visite, le moment aurait été mal choisi.
Rien ne m’empêche de m’amuser avec cette beauté ! Oh, elle est trop occupée à aider ? D’accord… soupira-t-elle.
Mitsuha était allée dans sa chambre, avait rassemblé ses affaires, et s’était rendue sur Terre pour les déposer, puis elle retourna à l’auberge avec de nouvelles provisions. La robe et les chaussures avaient rempli leur fonction, alors elle les avait laissées à la maison en faveur de sous-vêtements de rechange et de nécessités quotidiennes. Réputée ou non, Mitsuha pensait que l’auberge n’était sûrement pas à l’abri des voleurs.
Cela ne me dérangerait pas trop si mon savon ou mes sous-vêtements se faisaient pincer, mais c’est une autre histoire pour cette robe. Elle m’a coûté beaucoup d’argent !
Mitsuha s’était habillée comme une roturière afin de se promener en ville. Stratégie 101 : gagnez un avantage en vous familiarisant avec les habitants !
Elle avait deviné que les routes principales seraient sûres pendant la journée, mais elle portait une arme de poing dans son étui à bandoulière et un couteau dans sa cuissarde, au cas où. Je devrai probablement faire plus attention une fois que j’aurai commencé à me démarquer.
L’endroit avait vraiment donné l’impression à Mitsuha que c’était la capitale. Même si ce monde était encore en développement, elle trouvait les bâtiments impressionnants. Elle avait trouvé les brochettes de viande assez savoureuses aussi, bien qu’elle avait choisi de ne pas penser à ce qu’elles contenaient. Elle évita les ruelles sombres et les bidonvilles. Elle n’avait pas besoin de clichés, de rencontres qui mettraient sa vie en danger.
Quand le soleil se coucha, Mitsuha était retournée à l’auberge. Le dîner était… louable, peut-être ? Beaucoup d’efforts y avaient été consacrés, mais les épices étant tellement hors de portée que le repas avait un goût fade. Ce n’était pas mauvais en soi, mais elle trouvait qu’il manquait quelque chose. Ah ! Je peux juste apporter quelques épices de la maison, pensa Mitsuha en nettoyant son assiette. Elle retourna ensuite dans sa chambre, rentra à la maison et prit la douche la plus rafraîchissante qu’il soit.
Après le déjeuner du lendemain, elle n’avait pas perdu de temps pour aller voir l’agent immobilier. Bien qu’il devait sans doute être tôt, elle s’était réveillée si tard qu’elle avait failli manquer le petit déjeuner, alors elle était presque certaine que le magasin serait ouvert. Elle avait dû demander son chemin plusieurs fois, mais elle avait fini par trouver le bon endroit. Il portait le sceau d’approbation du comte, donc elle n’avait sûrement pas à s’inquiéter. Quoi qu’il en soit, elle entra doucement. Elle aurait pu faire irruption comme si l’endroit lui appartenait, mais c’était comme une habitude maintenant.
« Soyez la bienvenue ! », dit le jeune homme derrière le comptoir.
Évidemment, ce n’étaient pas les mots qui sortaient de sa bouche, mais c’était ainsi que le cerveau de Mitsuha les avait traités.
« Bienvenue dans notre établissement. En quoi puis-je vous aider ? »
Wôw, il me traite comme un client même si je ressemble à un enfant, pensa Mitsuha. Il est doué pour ça. Je savais que je pouvais compter sur vous, comte Bozes ! Légèrement impressionnée, elle lui tendit une enveloppe.
« Umm, je voudrais une boutique ayant des pièces d’habitation attachées, s’il vous plaît. Tenez, j’ai une lettre de recommandation. »
L’employé l’avait prise et avait jeté un coup d’œil au nom au dos. Aussitôt, son visage pâlit. Il demanda à Mitsuha d’attendre un moment, puis se dépêcha de franchir la porte derrière lui.
Wôw, regardez-le aller… La parole d’un comte est vraiment efficace, pensa-t-elle.
Quelques instants plus tard, il avait été remplacé par un homme beaucoup plus âgé. Ce monsieur était lui aussi un peu paniqué, mais il avait gardé son sang-froid en disant :
« Mes excuses pour le retard. Je suis Lutz Zoltan, le propriétaire. Bienvenue dans mon humble établissement. En quoi puis-je vous être utile ? »
Le grand manitou en personne, hein ? pensa Mitsuha. C’était logique. Cette lettre prouve que j’ai des liens avec un noble assez puissant.
« Enchantée de vous rencontrer, monsieur », répondit-elle courtoisement.
« J’aimerais ouvrir une boutique. »
« Oui, c’est écrit dans la lettre. Nous avons plusieurs propriétés qui pourraient répondre à vos besoins. Pouvons-nous avoir des détails ? »
Il l’avait conduit dans un salon plus loin à l’intérieur du bâtiment. Les clients normaux étaient très probablement traités au comptoir, donc c’était sûrement un traitement VIP.
Peut-être qu’ils m’offriront des bonbons ?
Ils l’avaient fait, et Mitsuha les avait trouvés en très grande majorité… bof bof. Elle pensait qu’ils devaient être bons selon les normes du monde, mais ils ne pouvaient même pas se comparer aux desserts japonais. Son visage avait peut-être révélé son manque d’enthousiasme, mais M. Zoltan n’avait pas l’air contrarié. Il avait probablement supposé qu’elle mangeait de meilleurs bonbons tous les jours. Ou il aurait pu être trop tendu pour s’en soucier.
« Voici ce que nous avons à notre disposition », avait-il dit en présentant et en expliquant les options qui s’offraient à elle.
Dans un premier temps, Mitsuha décida que tout ce qui se trouvait dans le quartier noble devait être exclu.
Bien sûr, c’est sûrement un endroit paisible, et la clientèle serait bonne, mais ces prix sont insensés, et je ne veux pas avoir affaire à des nobles tout le temps. Il n’y aurait pas beaucoup de roturiers non plus. Ce n’est pas comme si je n’aimais pas les nobles. Je sais qu’il y a des gens bons et mauvais dans toutes les classes, de la royauté aux esclaves. Mais j’ai l’impression que je m’ennuierais et que je me fatiguerais assez vite si je devais traiter avec des nobles toute la journée. Ce n’est pas un vrai magasin sans le soutien occasionnel d’un nigaud naïf. Uh-huh.
On ne lui avait rien recommandé qui soit proche des bidonvilles pour commencer, alors, à l’exclusion du quartier noble, il lui restait des propriétés dans le quartier des roturiers. Elle pouvait choisir d’être plus proche du centre ou plus proche des nobles.
Hmmmm… Je suis presque sûre que j’aurai besoin de l’argent des nobles si je veux faire fortune, pensa-t-elle. Il y a aussi de la bonne nourriture dans le coin. Et non, ce n’est pas pour ça que je me suis promenée en ville hier ! Honnêtement !
« Puis-je jeter un coup d’œil à celle-ci, à celle-ci et à celle-ci ? », demanda-t-elle.
« Certainement », dit M. Zoltan.
« Voudriez-vous partir tout de suite ? »
« Oui, s’il vous plaît », répondit-elle
Les deux se préparèrent à partir. Mais cependant pas avant que Mitsuha ait mis le reste des bonbons dans sa poche.
Hein ? Pourquoi la serveuse avait-elle l’air si triste ? Attendez ! Allaient-ils prendre les bonbons restants ? Utiliser deux fois les mêmes bonbons n’était peut-être pas idéal pour la réputation de l’établissement, alors il n’était pas inhabituel de penser qu’ils donneraient les restes aux membres du personnel ou aux enfants. J’ai vraiment merdé… Désolée ! Je me rattraperai avec des bonbons japonais, promis !
Peu de temps après, Mitsuha et M. Zoltan étaient arrivés devant le premier magasin qu’elle avait choisi. Il est bien situé, observa Mitsuha. Le fait d’être près de la route principale signifie que j’aurais un bon flux de clients, mais ça a l’air si étroit. En plus, je ne veux pas trop de clients. Ça m’épuiserait. Je me contenterais d’une clientèle modeste qui ne me connaît que grâce au bon vieux bouche-à-oreille. Mon modèle d’affaires sera « Gros profits, rendements lents »… ! OK, ça n’a pas l’air génial.
Immédiatement après avoir vu la deuxième propriété, Mitsuha se dit à elle-même : M. Zoltan pense-t-il que je suis un multimillionnaire ? Qu’est-ce que je ferais de quelque chose d’aussi énorme !? Quoi, pense-t-il que je vais en faire un orphelinat afin que les enfants travaillent pour moi ? Me prend-il pour une sainte philanthrope ? Non, ce n’est pas moi ! Je passe mon tour ! Suivant !
M. Zoltan l’emmena devant le troisième bâtiment, qui était un peu à l’écart de la route principale. Il n’y avait pas beaucoup de gens qui passaient par là, et la région avait clairement connu des jours meilleurs. Il s’agissait d’un bâtiment en briques de trois étages qui abritait autrefois une auberge et un restaurant.
Comme tout établissement de ce genre, il possédait aussi une cour arrière, avec un puits. La pièce qui était autrefois la salle à manger était un bon endroit pour Mitsuha afin d’exposer ses marchandises, tandis que la cuisine avait un drain, ce qui signifiait qu’elle pouvait installer une salle de bain. Dans l’ensemble, ce lieu semblait parfaitement adapté à ses besoins. Le premier était trop petit, le second était trop grand, ce dernier était à la bonne taille. C’était une technique de vente de base et fiable. M. Zoltan savait vraiment comment faire.
« Je le prends ! », dit-elle comme une petite fille capricieuse qui achète des bonbons bon marché. Ce n’était pas le ton le plus approprié, car il devait probablement coûter des centaines de pièces d’or.
Ah, mais au fait… J’ai complètement oublié d’en demander le prix !
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Partie 2
« Bienvenue, Mademoiselle ! », cria une foule de serviteurs à l’unisson.
« Bonjour… », répondit Mitsuha, un peu décontenancée.
M. Zoltan, par contre, était encore frigorifié. Elle lui avait demandé de l’accompagner pour discuter du paiement dans le manoir du comte Bozes, et à leur arrivée, ils avaient été accueillis par une foule de serviteurs.
M. Zoltan transpirait tellement que Mitsuha se sentait coupable. Il pourrait penser que je suis la fille du comte. Une servante les conduisit à la salle de réception, où ils rencontrèrent un homme à l’aura raffinée.
« Enchanté de faire votre connaissance. Je suis Rufus, le majordome », dit-il, bien qu’il n’ait dirigé son introduction que vers M. Zoltan. Mitsuha ne savait pas pourquoi il l’avait exclue, mais elle avait choisi de s’en désintéresser. Le majordome lui fit face et lui demanda :
« Mademoiselle, qui est cet homme, si je puis me permettre ? »
« Oh, voici M. Lutz Zoltan, un agent immobilier. J’achète l’une de ses propriétés pour en faire mon magasin. »
« Je vois. Maître Lutz, merci de faire affaire avec Mademoiselle Mitsuha. »
« S’il vous plaît, ce n’est pas la peine ! », dit M. Zoltan avec humilité.
Au cours de son entretien personnel avec Mitsuha, Stefan lui avait dit que les majordomes des nobles influents étaient assez puissants pour ne pas avoir à se soucier d’un quelconque vendeur. Il lui avait aussi parlé de Rufus en lui disant :
« Bien qu’assez jeune, il n’est pas mauvais du tout. »
Toutefois, il avait souligné que Rufus ne devrait jamais entendre parler de ses compliments. Mitsuha ne savait pas pourquoi elle avait prêté serment de garder le secret, mais elle pensait que c’était une forme d’éloge parmi les majordomes.
« Oh, mon Dieu. Mademoiselle, vos cheveux ont l’air un peu négligés », nota Rufus.
« Bertha, faites en sorte que cela soit corrigé dans les meilleurs délais ! »
« Compris ! », cria la bonne en question.
H-Huuuuh ? Mais nous étions sur le point de conclure un marché, pensa Mitsuha.
La bonne l’avait traînée par la main et l’avait assise dans une loge avant qu’elle ne puisse protester. Après avoir subi un bon peignage, elle avait finalement été autorisée à retourner à la salle de réception. Hein ? Pourquoi M. Zoltan me donne-t-il l’impression d’être mourant ? Est-ce qu’il respire au moins ?
« Ohh, Mademoiselle, bon retour parmi nous. Je vois qu’elle a fait un travail merveilleux avec vos cheveux. Vous avez l’air en pleine forme. Maintenant, où en étions-nous... Le prix, oui ? Combien vaut donc cette maison, M. Zoltan ? »
Le vendeur semblait encore privé de la plupart de ses points de vie. Désespéré dans sa voix, il avait dit : « Deux cent quatre-vingts pièces d’or ! »
Hein ? C’est si bon marché ! Quelle affaire ! se dit Mitsuha à elle-même. Il avait été convenu que la famille des Bozes paierait directement M. Zoltan. Lorsque Mitsuha avait demandé de l’argent pour des rénovations, elle avait reçu vingt pièces d’or, ce qui avait porté les dépenses totales à trois cents. Quelle belle somme !
Mitsuha avait vu M. Zoltan devant le manoir. Il l’avait informée qu’il rédigerait les documents et les enverrait à une date ultérieure, puis lui avait donné la clé de la maison. Elle était maintenant libre d’entrer et de sortir comme bon lui semblerait. Normalement, elle aurait hésité à signer un contrat sans d’abord vérifier les documents, mais comme Rufus et beaucoup d’autres serviteurs avaient été témoins de la signature, elle n’était pas du tout inquiète. Un vendeur professionnel savait ce qu’il se passerait s’il enfreignait les conditions.
C’est génial d’avoir un sponsor !
◇ ◇ ◇
« Bonjour ! »
Mitsuha avait appelé, et la réponse vint presque immédiatement.
Un homme lunatique et tendineux — qui aurait pu être d’âge moyen ou âgé — était sorti de l’arrière-boutique.
« Yeh ? Qu’est-ce que tu veux ? », demanda-t-il sèchement.
Mitsuha avait mis les pieds dans une menuiserie. Après s’être séparée de M. Zoltan, elle avait essayé de trouver quelqu’un à qui elle pourrait confier ses rénovations. Elle s’était alors demandé : oh oui, M. Zoltan doit connaître quelqu’un ! On vient de se séparer, mais je suis sûr que ça ne le dérangera pas si je vais le voir encore un peu. Je ne connais pas encore beaucoup de monde, alors je dois utiliser le petit réseau que j’ai !
Elle était retournée au Japon, avait acheté des bonbons occidentaux de haute qualité et s’était dirigée vers l’établissement de Lutz. Les bonbons, bien sûr, étaient un souvenir pour la fille. L’offre l’avait prise au dépourvu, mais Mitsuha l’avait persuadée d’une manière ou d’une autre de l’accepter et de faire appeler M. Zoltan.
« Pourriez-vous m’indiquer quelqu’un qui est bon dans ce qu’il fait, qui est fier de son travail et qui a l’esprit suffisamment ouvert pour essayer de nouvelles choses ? »
Elle ne savait pas pourquoi il avait hésité à l’aider. Cependant, elle n’avait pas reculé, et il avait fini par céder, à la condition qu’elle ne lui fasse que cette seule demande.
« Si je vous mets en contact avec quelqu’un, puis-je vous demander de ne pas marchander leurs tarifs ? »
« Hein ? Je ne le ferais jamais. Essayer de réduire le coût d’un artisan est une insulte à son métier. La qualité de l’exécution mérite une compensation appropriée », avait-elle dit, ajoutant qu’elle paierait directement cette fois-ci.
Après cela, M. Zoltan s’était enfin détendu et lui avait indiqué un ouvrier fiable.
C’était quoi tout ça, d’ailleurs ? se demanda Mitsuha. Est-ce que le marchandage a fait remonter de mauvais souvenirs ou quelque chose comme ça ?
« J’aimerais que vous les construisiez pour moi, s’il vous plaît ! », dit-elle en étalant quelques documents sur la table.
Kunz, le charpentier, les regarda avec admiration.
« Qu… Qu’est-ce donc… ? »
La première source de son choc avait été le papier lui-même. Il était mince, lisse et résistant en même temps, ce qui devait certainement être une rareté dans ce pays.
« Attendez, ce - ! »
Sa mâchoire tomba encore plus bas quand il vit les détails nets des images (qui étaient des photos) et l’écriture étrangère. Le coup de grâce avait été donné par les meubles exposés sur les photos. Chaque pièce était aussi nouvelle que belle.
« Cette chose est une table !? Et c’est une… armoire ? Et ça, c’est… »
« Ah, je n’ai pas besoin de celle-là », interrompit Mitsuha, lui montrant les meubles qu’elle avait besoin.
« J’ai besoin de ça, de ces étagères, et de ces vitrines à exposition. J’aimerais aussi des sécurités sur mes portes et fenêtres. Comme ceux-là, voyez-vous ? Je fournirai les pièces métalliques moi-même. J’aurai aussi besoin de ces supports pour les réservoirs d’eau. Vous pouvez voir à quoi ils ressemblent sur cette photo, je veux dire, le dessin. Vous voyez comme ils sont grands ? J’aimerais aussi que la salle de bain soit installée près de ma cuisine. Je m’occuperai de l’eau moi-même, alors divisez la pièce. Je vous en dirai plus quand on y sera, et — »
« … Je le prends », marmonna Kunz.
Ses yeux étaient fixés sur les dizaines de feuilles que Mitsuha avait imprimées à partir de son ordinateur. Il les avait tellement serrées qu’elle crut qu’il allait les déchirer.
« Mais on n’a même pas parlé des financements… »
« J’ai dit, je le prends. JE PRENDS CE BOULOT ! »
Eh bien, peu importe. Il est motivé, et c’est suffisant pour moi, pensa Mitsuha.
« Ces documents resteront avec moi, entendez-vous ? »
Hein ? C’est ce que tu voulais ?
« Bien sûr », elle avait accepté.
« Ce ne sont que des échantillons. Je vous apporterai quelque chose de plus détaillé plus tard. Et si vous voulez, je peux même vous donner des plans pour des meubles et des trucs qui n’ont rien à voir avec ma commande. »
Elle pensait qu’elle pouvait lui en donner autant. Les conceptions de base n’étaient pas une technologie extraterrestre futuriste. Mais elle leur laissait les méthodes et la durabilité entièrement entre leurs mains.
« Je vais le faire », déclara l’artisan.
« Je rattraperai ces génies même si c’est la dernière chose que je fais ! »
Wôw, il est vraiment excité, hein ?
Vous vous souvenez quand j’ai dit que je n’apporterais rien qui pourrait affecter l’avenir de ce monde ? Eh bien, j’ai menti ! Je plaisante, je ne vendrais rien de tout ça, mais il n’y a pas de mal si c’est juste pour moi, n’est-ce pas ? Il n’y a pas de problème à ce que j’utilise quelque chose qui ne dépend pas de moi. Même si les gens tombaient sur la technologie que j’ai en tête, ils ne pourraient pas l’analyser, et encore moins la rétroconcevoir. En plus, je ne veux vraiment pas y aller à moitié avec la sécurité.
Je dois aussi faire attention à ce que je mets sur le marché. Ce doit être quelque chose qui ne créera pas de problèmes si je disparaissais soudainement. Petits objets luxueux, petits outils pratiques… ce genre de choses. Les gens pourraient être tristes de les voir partir avec moi, mais cela ne leur causerait pas vraiment de problèmes. Oh, et je ne veux pas trop attirer l’attention des gens puissants. Cela compliquerait les choses, surtout si ces « gens puissants » comprenaient des marchands importants.
Oh, eh bien. Quoi qu’il arrive, ça arrivera. Si les choses tournent mal, je peux réessayer dans un autre pays ou faire une très grosse vente et ensuite me barrer d’ici. Non pas que ce soit l’idéal. Si possible, je veux faire fortune à un rythme confortable, en m’amusant avec tout le monde. Hein ? Ça ne sera jamais aussi lisse ? OK…
Quoi qu’il en soit, il était temps pour Mitsuha de rassembler certaines choses et de mettre en œuvre la phase suivante de son plan. D’où viennent-ils, me demandez-vous ? De sa maison sur Terre.
Normalement, elle aurait été contente de revenir, mais elle sentait que l’épreuve était épuisante. Huh. Je viens de réaliser qu’on ne peut pas lancer le sort « drainage » sans le sort « pleuvoir », s’était-elle dit. C’était assez ironique. Sottises mises à part, la voiture de sa famille était partie avec eux, de sorte que la place de parking des Yamano était toujours vacante. Mitsuha l’utilisait maintenant pour les livraisons, donc elle était occupée par un flux constant d’expéditions de magasins de rénovation, de grands magasins, de détaillants en ligne, etc.
Mitsuha avait acheté à un vendeur de carburant six gros réservoirs de propane. Elle les avait divisés en trois groupes de deux, en accrochant des tuyaux factices à l’extérieur de sa maison pour donner l’impression qu’ils étaient en service. Six bonbonnes de propane, c’était un peu trop pour une maison moyenne, mais elle avait convaincu le vendeur qu’elle en avait besoin pour l’alimentation de son nouveau travail à domicile. Elle le connaissait depuis longtemps, alors il était probablement un peu indulgent avec elle.
Elle utilisait du propane pour le four, la cuisinière et le bain dans son magasin, mais elle avait une raison différente d’utiliser deux réservoirs de cette taille à la fois — l’électricité. C’était l’épine dorsale de la vie moderne, et un générateur de propane était le meilleur moyen pour elle de l’obtenir dans l’autre monde. En réalité, les bouteilles de propane supplémentaires étaient des pièces de rechange qu’elle pouvait apporter à la capitale chaque fois qu’il n’y en avait plus.
Les génératrices à essence et au diesel avaient beaucoup de problèmes : elles étaient bruyantes, difficiles à remplir, mauvaises pour l’environnement, consommaient du carburant dangereux et pouvaient causer des inquiétudes si elles fonctionnaient trop longtemps. Ils ne pouvaient même pas se comparer aux générateurs à propane.
***
Partie 3
Bien sûr, Mitsuha n’avait pas négligé l’installation des panneaux solaires et une grosse batterie, ainsi qu’un système de contrôle de l’énergie électrique. Ce dernier était essentiellement un standard téléphonique pour l’aider à gérer ses multiples méthodes de production et de stockage de l’électricité.
Elle avait fait installer les panneaux solaires sur le toit pour qu’ils ne se démarquent pas. Le toit plat et ouvert — par opposition à un toit ordinaire à pointes — était une autre bonne chose au sujet de l’immeuble en brique qu’elle avait acheté. Les anciens propriétaires l’avaient utilisé pour suspendre leur linge.
Pour se divertir, Mitsuha avait apporté un téléviseur DEL qui ne consommait pas trop d’énergie, ainsi que plusieurs consoles de jeux. Étant donné que je vais passer beaucoup de temps dans l’autre monde, j’en aurai besoin pour regarder les achats dans mon carnet de commandes et jouer aux jeux vidéo. Une fille doit avoir un moyen de se détendre les jours calmes.
Elle avait acheté des barreaux en métal pour les fenêtres, ainsi que d’autres équipements de sécurité, et les avait transportés — ou simplement « transférés » — dans l’autre monde. Les marchandises qu’elle vendrait resteraient à la maison un peu plus longtemps. Elle était allée faire du shopping dans des magasins de rabais et avait acheté toutes sortes d’articles bon marché et utiles. Tout un tas d’entre eux se vendrait pour plusieurs pièces d’argent — des milliers de yens — chacun. D’autres valaient probablement une petite pièce d’or chacun. C’était un véritable trésor.
Mitsuha avait également fabriqué des cachettes pour dissimuler ses gains : une à la maison et une au magasin. Elle les appelait les « poches profondes ». Comme la zone autour du magasin n’était pas si paisible, et parce qu’elle était souvent loin de chez elle, elle avait besoin d’endroits sûrs pour garder son argent. Les faire était un jeu d’enfant. D’abord, elle avait fait l’acquisition d’un grand contenant de plastique et d’un tuyau de PVC de vingt pieds de long.
Ensuite, elle avait ouvert le plancher et avait sauté d’un monde à l’autre, tout en imaginant la Terre en dessous sous la forme d’un trou de vingt pieds de profondeur avec un espace ouvert au fond. Dans l’autre monde, elle était apparue à côté d’un morceau de terre ayant la forme d’un très grand cylindre de terre qui en sortait. Ensuite, elle avait sauté de nouveau dans le conteneur ayant le tuyau, en s’assurant qu’ils apparaissaient dans le trou qu’elle avait créé — avec le conteneur au fond, bien sûr — et le tour est joué. Succès !
Elle y avait pensé en parcourant le « mode d’emploi » interne qui lui avait été donné par l’être sans forme à côté de ses pouvoirs de guérison. Bien que son pouvoir ne puisse pas être utilisé pour transférer seulement un objet, elle pourrait apporter des choses s’ils étaient collés à elle. Elle n’avait même pas besoin de les toucher directement, ce qui était logique. Si elle devait toucher à tout ce qu’elle voulait transférer, elle se montrerait à la fin d’un transfert en sous-vêtements et en chemise, laissant les manteaux, jupes, chaussures et articles dans ses poches. Quelle tragédie ça aurait été ! À ce moment-là, elle avait suffisamment expérimenté ses pouvoirs pour en comprendre le processus.
Quand ces coffres seront pleins, je vais vraiment savourer le son que font les pièces de monnaie en les jetant dans le tuyau ! pensa-t-elle joyeusement.
Voler son stock d’or exigerait la connaissance des « poches profondes », creuser un trou de vingt pieds sans que personne ne s’en aperçoive, puis soulever l’or de cette profondeur sans utiliser aucune machine lourde.
Il ne pourrait pas entrer dans la maison, après tout. Le bruit, la manipulation de la terre déterrée, le danger du passage des personnes, les délais… C’était vraiment impossible pour tout le monde sauf Mitsuha. Elle pourrait simplement le transférer.
Même si quelqu’un découvrait les tuyaux, il n’aurait aucune idée qu’ils étaient à vingt pieds de profondeur et qu’ils contenaient un mine d’or au fond. Et si Mitsuha perdait sa capacité de sauter dans son monde, elle pourrait embaucher des gens pour la déterrer. Si elle n’avait pas à cacher le travail ou à le faire dans un délai limité, elle serait réunie avec ses pièces en quelques jours. Les deux mondes étaient assez avancés pour avoir au moins une bonne capacité de creusage.
Elle avait également fréquenté l’auto-école, puisqu’elle n’avait qu’un permis de conduire de scooter. Évidemment, elle n’avait pas besoin d’un permis ou d’une carte grise pour utiliser une voiture dans l’autre monde, mais elle devrait en acheter une sur Terre, elle devra aussi penser ensuite à l’entretien et les vidanges d’huile. Dans l’ensemble, c’était un investissement qui en valait la peine. En fait, Mitsuha n’avait pas l’intention de conduire Scooty ou une voiture dans l’autre monde. Cela la mettrait trop en valeur. Elle avait l’intention de les utiliser uniquement pour faire du shopping au Japon, mais elle était prête à faire une exception si la situation l’exige.
Les rénovateurs avaient rencontré des problèmes de temps en temps, mais ils faisaient des progrès décents. Pendant qu’ils étaient occupés, Mitsuha avait profité de l’occasion pour transférer ses marchandises au deuxième étage. Elle avait prévu de mettre en place des systèmes de sécurité pour ce niveau par la suite. Elle avait choisi le troisième étage pour ses quartiers personnels. C’était un déménagement qui privilégiait la sécurité à la commodité.
Elle avait entreposé une échelle de corde et d’autres outils d’évacuation sur le toit et prévoyait d’entreposer un sac à dos rempli de fournitures d’urgence ailleurs. C’était des préparatifs au cas où elle embaucherait des employés. Si l’endroit subissait un raid ou une attaque similaire et qu’elle ne pouvait pas sauter à cause d’eux, elle aurait besoin d’une alternative fiable. Mitsuha était une personne prudente et lâche qui était inquiète jusqu’à la moelle. Elle porterait cette revendication dans sa tombe, même si ses pairs n’étaient pas tous unanimement d’accord.
Après les préparatifs de sa boutique, Mitsuha se transféra à la base de mercenaires et se hâta de demander au capitaine ce qu’elle mourait d’envie de savoir.
« Bonjour, capitaine ! Alors, as-tu vérifié la valeur ? »
« Bordel, pourquoi ai-je toujours l’impression que tu sors de nulle part… ? Oui, on l’a fait évaluer. La pureté est de 90 %. Chacune d’elle vaut environ deux cent trente dollars sur le marché actuel, y compris les frais. »
230 dollars… C’est environ 25 000 yens (200 euros), pensa Mitsuha. C’est bien moins que ce à quoi je m’attendais. En plus, ça gâche mes calculs. D’après les prix de la nourriture et de la pension, Mitsuha avait estimé la valeur d’une pièce de monnaie à au moins 100 000 yens (800 euros). Ah, attendez. Je n’avais pas tort — c’est juste que les gens sur Terre accordent des valeurs différentes aux choses. Les Terriens ont beaucoup de dépenses — taxes, loyer, électricité, gaz, eau, voitures, divertissement, vêtements, nourriture, éducation, associations de quartier, etc.
Les gens de l’autre monde en ont beaucoup moins. Les gens qui ont une maison paient des impôts, puis il y a de la nourriture, des vêtements, du bois de chauffage, et… de l’alcool, peut-être ? De toute façon, ils n’ont pas à payer autant que les gens sur Terre. Bien qu’ils aient des revenus plus faibles… Si le revenu mensuel d’une famille de quatre personnes est de deux pièces d’or, alors oui, une pièce d’or vaut 100 000 yens. Mais le taux de change entre l’argent de ce monde et l’argent de la Terre est de 25 000 yens. C’est tout ce qu’il y a à faire.
Comparer les prix des produits de base entre les mondes était stupide. Dans l’autre monde, les récoltes étaient beaucoup moins chères, alors que les vêtements, la vaisselle, les ingrédients rares et les produits de luxe étaient absurdement chers. Les normes variaient énormément selon ce que vous aviez comparé. En fin de compte, de telles comparaisons n’avaient aucun sens, et Mitsuha ne pouvait sûrement pas dire si elle devrait vivre dans ce monde plutôt que dans l’autre.
Donc, comme j’aurais besoin d’un milliard de yens (8 millions d’euros) pour vivre au Japon jusqu’à mes 100 ans, il me faudrait 40 000 pièces d’or. Quant à l’autre monde… si je voulais vivre en mangeant de la bonne nourriture, en portant des vêtements confortables, en veillant tard et en achetant les nouveaux produits ménagers — une vie standard au Japon, mais en y vivant bien — il me faudrait aussi 40 000 pièces d’or, pour un total de 80 000. C’est mon objectif final… J’économiserai ces 80 000 pièces d’or et j’aurai une retraite paisible et heureuse !
*Point final *
S’il vous plaît, surveillez bien les autres œuvres de Mlle Mitsuha !
… OUAIS, D’ACCORD !
Quoi qu’il en soit, je suppose que dans l’autre monde, une pièce d’or vaut 100 000 yens, une petite pièce d’or vaut environ 10 000, une pièce d’argent vaut mille, et une petite pièce d’argent vaut cent. Et puisqu’une pièce d’or vaut 25 000 yens sur Terre, je dois faire une différence entre ma façon de penser à l’argent dans ce monde et dans l’autre.
Je vais devoir fixer des prix assez élevés, je n’ai pas vraiment le choix. Si mes affaires sont trop bon marché, elles s’envoleront des étagères et je n’aurai pas une seconde pour respirer. Sans parler de l’impact que cela aura sur le monde. Mais je ne veux pas non plus que mes biens me coûtent un bras et une jambe. Je suis sûre que j’aurais encore des gens prêts à payer pour les acheter, ce serait donc un moyen rapide et facile de faire fortune, mais le magasin général de Mitsuha n’a rien à voir avec ça !
Si je voulais faire quelque chose comme ça, je ferais le tour du monde pour vendre des perles et des pierres précieuses artificielles à des prix insensés. Ensuite, je pourrais me déguiser, changer de nom, embaucher des gens et amasser rapidement assez d’argent pour mener une vie confortable. Mais je ne ferai pas ça. Voulez-vous savoir pourquoi ?
Ce serait beaucoup trop ennuyeux ! La vie n’est pas qu’une question d’argent. Il en faut juste assez pour que ce soit amusant. C’est difficile de ne pas en avoir assez, alors « assez » est tout ce dont j’ai besoin. Mais à quoi cela servirait si je ne les gagnais pas sans m’amuser ? La vraie richesse, ce sont les amis qu’on se fait en chemin… ou quelque chose comme ça. Quoi qu’il en soit, si je peux, je veux obtenir l’argent à un rythme tranquille. Et heureusement, mon pouvoir rend ça très facile. Je vais partager ses bénédictions et passer un bon moment en le faisant ! Mais si ça m’amène des ennemis, je vais devoir les écraser. Je ne peux laisser personne menacer ce bonheur.
« Est-ce bon pour vous ? » demanda brusquement le capitaine.
« Hein ? Avec quoi ? », Mitsuha avait été ramenée au présent.
« En rêvassant. J’ai eu un long moment d’absence, désolée. »
Oups… Désolé !
« Bref, allons-y. »
« J’arrive ! »
Aujourd’hui, c’était une séance d’entraînement au fusil d’assaut. Mitsuha avait d’ailleurs depuis longtemps abandonné les grenades. Ses lancers faisaient en sorte qu’elles étaient au final toujours trop proches d’elle, alors les soldats qui l’entraînaient lui interdirent de les toucher. Je ne pourrais les manipuler que dans des jeux RPG ou quelque chose comme ça.
Surveillez bien le prochain travail de Mlle Mitsuha, « RPG-22 » !
Arrête cette blague, DOA (Dead Or Alive)