Chapitre 3 : Le royaume de l’ambition
« Quel plafond vide », murmura Mitsuha.
Et j’essaie de faire le maximum pour m’en souvenir.
« Tu comprends ce que je dis, mon petit ? »
Euh, bien sûr, merci beaucoup. Et ne m’appelle pas petit !
« Tu comprends ce que je dis, mon petit ? »
Oh, donc c’est comme l’un de ces jeux merdiques connus pour ne pas vous laisser faire de progrès jusqu’à ce que vous disiez « oui ».
« Tu comprends ce que je dis, mon petit ? »
« Ouais, ouais ! Je comprends, c’est bon pour toi !? »
« Un seul “oui” aurait suffi, mon petit. »
La ferme ! Et arrête de m’appeler petit !
Mitsuha pensait que cela ne servirait à rien de répondre à une voix désincarnée si ce n’était qu’un rêve. Après tout ce qu’elle avait traversé, elle s’était dit qu’il était tout aussi possible que ce soit la réalité. Après tout, si c’est un rêve, je n’aurais alors rien à craindre. Mais si ce n’était pas le cas, et que je le traitais comme tel ? Oups.
« Umm, je suis Mitsuha Yamano. Et toi ? Es-tu Dieu ? »
« Hmm… Curieusement, tu n’as pas l’air surprise. Peu importe. Je suis ici devant toi pour te dire quelque chose de très important. Mais pour commencer, je ne suis pas un dieu, et je n’ai pas de nom… »
La « chose » avait ensuite révélé l’histoire de son évolution. Il savait seulement qu’il s’agissait d’une forme de vie ancienne et extrêmement rare. La « chose » avait théorisé que ses ancêtres aient été des créatures extraterrestres qui avaient évolué au-delà de la forme physique et étaient devenues des êtres faits d’énergie pure, ou de pensées, ou quelque chose de cette nature. Il n’avait pas de corps, ne connaissait pas la mort, et n’avait pas de désirs ou d’objectifs.
Honnêtement, son existence semble plutôt inutile, pensa Mitsuha.
Mais après des siècles de dérive sans but, l’être avait fait une découverte remarquable — il avait le pouvoir de voyager entre les mondes ! Armé de cette nouvelle capacité, il avait acquis son tout premier désir : un intérêt à apprendre des choses qu’il n’avait jamais connues auparavant… Une soif de connaissance ! Sa conscience avait tremblé dans l’attente d’avoir trouvé un sens à son existence.
« Ouais, ouais, va directement à l’essentiel », interrompit Mitsuha.
« Encore une fois, un simple “oui” aurait suffi. »
Quoi qu’il en soit… La « chose » avait parcouru et observé d’innombrables mondes et avait appris à connaître le concept de « plaisir ». Mais un jour fatidique, alors qu’il flottait au-dessus d’un certain monde, il avait soudainement été assailli par une sensation intense, désagréable et déroutante. Plus tard, il s’était rendu compte qu’il aurait pu endurer ce que les animaux au corps physique appelaient la « douleur ». L’expérience était tout à fait nouvelle, donc elle était intrigante, mais il se sentait aussi perplexe quant à la façon dont un être non physique pouvait ressentir la douleur.
La « chose » s’était interrogée en elle-même pour trouver une explication, et avait découvert qu’il manquait une partie de lui-même. L’agresseur inconnu était entré dans sa zone d’influence — l’équivalent d’un corps pour les formes de vie normale — et avait utilisé une puissante énergie mentale pour lui arracher une partie de son essence. L’assaillant avait ensuite voyagé dans un autre monde, mais l’arrivée de la « douleur » dans son être l’avait rendu confus et incapable de le suivre. Il avait continué à observer le monde jusqu’à ce qu’il sente que la partie manquante était à proximité. Lorsqu’il avait senti que la présence se déplaçait à nouveau dans un autre monde, la « chose » avait finalement pu le suivre.
« Hein ? C’est moi qui ai fait ça ? »
« En effet, il semblerait que cela soit le cas. Mais n’aie crainte… Je ne t’en voudrai pas pour ça. Il semblerait que l’événement ait été accidentel, et cela ne m’a pas incommodé. En fait, je pense que je devrais te remercier de m’avoir fait connaître la “douleur”. C’était tout nouveau pour moi. »
Ouf, quel soulagement ! Je pensais qu’il allait me demander de payer ses frais médicaux ou quelque chose comme ça.
« Alors, qu’est-ce que tu voulais me dire ? », demanda-t-elle.
« Oh, oui… J’ai omis de le dire. Il semblerait que ton esprit porte une telle force et intensité alors que tu as absorbé la fraction de mon énergie que tu as arrachée. »
« Hein !? Est-ce si grave que ça ? »
« Ne t’inquiète pas. Cela ne te fera aucun mal, ni au niveau physique ni au niveau mental. Cependant… »
« C-Cependant ? »
« Il semblerait que tu as acquis la capacité de voyager entre les mondes. »
HUUUUUUH !? Attendez, c’était donc ce qui s’était passé !
Mitsuha avait arraché une partie de la « chose » et avait ainsi acquis le pouvoir de voyager entre les mondes. Et à cause de son fort désir de survivre à sa chute, elle avait été propulsée dans un autre monde, emportant une partie de la « chose » avec elle. Apparemment, c’était le dernier monde que la « chose » avait visité avant la Terre. De plus, le fragment avait maintenant fusionné avec Mitsuha à tel point qu’essayer de l’enlever causerait des dommages irréparables. Ouais, je pense que je vais rester comme ça, merci !
« En fait, t’expliquer la situation et te parler de ton pouvoir n’était qu’une façon d’exprimer ma gratitude. S’il y a autre chose que tu désires ou que tu veuilles simplement savoir, alors parle. La partie de moi en toi a la capacité de te donner plus de pouvoirs. »
Tout ce que je veux, hein ? Eh bien, je… Ah !
« Pourrais-tu m’apprendre de nouvelles langues ? »
« Les langues, dis-tu ? C’est effectivement une chose importante quand on voyage entre les mondes… Très bien, très bien. Je te permettrai de comprendre et de parler les langues de ceux avec qui tu échangeras. N’oublie pas que cela se limite à la langue. Je te déconseille de chercher le pouvoir d’absorber la connaissance au-delà de cela. Le montant que tu pourrais acquérir serait trop élevé pour ton esprit faible. En plus, avoir la capacité de lire absolument n’importe quoi en réduirait l’intérêt. »
J’ai de la place dans ma tête ! Je ne suis pas stupide, bon sang ! Mitsuha s’écria intérieurement.
Néanmoins, l’être supérieur avait un but, alors elle sentait qu’il valait mieux l’écouter.
« Faisons comme ça, alors. Au fait, est-ce que le fait de se déplacer d’un monde à l’autre demande de l’endurance ou quelque chose comme ça ? Quels sont les coûts et les limites ? »
« Un coût ? Eh bien… Le fardeau que cela t’imposera ressemblera à un déplacement entre des pièces adjacentes. Répéter ce déplacement plusieurs centaines de fois te laissera assez fatigué et à bout de souffle. »
Ohh Eh bien, c’est vrai que passer d’une pièce à l’autre une centaine de fois serait épuisant — Attends, est-ce tout !!?
« D’autres questions ou demandes ? »
« Hmm, je ne pense pas… »
« Un tel manque de désir. Il y a encore de la place pour un autre pouvoir, alors permets-moi au moins de t’offrir une fonction réparatrice. »
« Des détails, s’il te plaît. »
« Elle sera faible, et donc lente, mais cela cicatrisera graduellement toutes les blessures que tu auras obtenues. Avec le temps, les membres perdus repousseront et les cicatrices disparaîtront comme si elles n’avaient jamais existé. Pense aux blessures sur ton bras gauche. Ils laisseront une marque, non ? »
Wôw ! Ça m’aiderait beaucoup ! C’est vraiment incroyable !
« J’aimerais bien obtenir un tel pouvoir de guérison, alors, s’il te plaît ! »
« Certainement. Je suis bien conscient qu’une longue vie avec des déficiences physiques est difficile. Ce n’est pas du tout un problème, et ça ne prendra qu’un instant. »
« Hehehehe ! »
« J’ai l’impression que ton attitude envers moi a changé. »
L’être avait exercé sur Mitsuha une puissance invisible et s’était ensuite préparé à partir.
« Je reviendrai te voir quand cette planète aura tourné quelques dizaines de milliers de fois. Sois en bonne santé d’ici là. »
Ce furent ses derniers mots, et il avait fallu quelques secondes à Mitsuha pour réaliser qu’il parlait de centaines d’années. Je serai morte d’ici là ! Ou est-ce que ça voulait dire autour du soleil ? Mais je serai morte de toute façon… Sa conversation avec la « chose » avait en fait été une sorte d’interférence directe dans son cerveau, et une fois qu’il était parti, elle s’était automatiquement endormie. Alors que sa conscience s’évanouissait, elle avait enfin fini par comprendre quelque chose.
« Je ne suis donc pas morte… »
◇ ◇ ◇
Je reconnais ce plafond, s’exclama Mitsuha à sa façon habituelle. Le lit aussi. Et il y a Colette, la gentille petite fille qui dort sur mes jambes. Alors, ses parents m’ont fait revenir ici, hein ? J’espère que ce n’est pas une tendance. Oh, je suis couverte d’une sorte de pansements. Ça a dû leur coûter de l’argent… Je suis désolée. Quel que soit son sentiment, il était temps pour elle de penser à ce qui allait suivre.
Ce qu’elle avait supposé être un village dans un pays en développement faisait vraiment partie d’un monde totalement différent — un monde qui était loin derrière la Terre en termes de technologie et de civilisation. Elle avait également acquis le pouvoir de voyager librement entre ce monde et la Terre.
OUAIS, JACKPOT ! Maintenant, je n’ai plus à me soucier du travail, de l’université ou de quoi que ce soit d’autre ! Ce monde doit être plein d’or et de bijoux et de toutes sortes de choses qui rapporteront de l’argent sur Terre… et les choses de la Terre pourraient valoir une fortune ici. Si j’en apportais et le vendais, je serais riche !
Mais encore une fois, si Mitsuha en faisait trop, elle risquerait de nuire au développement de l’autre monde. Si j’apportais quelque chose de trop avancé et que je le rendais populaire, tout ce qui s’y rapporte finirait par s’effondrer, parce que les fondations ne seraient pas là. Et si j’apportais quelque chose de concret, je pourrais faire effondrer l’économie ou détruire certaines industries, ce qui coûterait des emplois aux gens et les pousserait au suicide, ou peut-être même qu’ils formeraient des foules haineuses !
Elle avait aussi exclu les choses qui dépendraient tellement d’elle que les abandonner provoquerait le chaos. Les choses super influentes qui sont centrées autour de mon existence, ce sera un non franc et massif. Une autre chose qu’elle devait garder à l’esprit était que si elle attirait trop l’attention, elle pourrait être ciblée. Je dois garder les choses secrètes jusqu’à ce que j’aie trouvé du renfort. Bien sûr, elle pourrait toujours s’échapper sur Terre, mais ce ne serait qu’en dernier recours.
Et bien que la manière de pensée de Mitsuha était un peu inhabituelle, elle avait toujours été une jeune femme bien élevée et sincère. Cette attitude lui avait permis de se faire beaucoup d’amis qui l’aimaient encore beaucoup, même s’ils s’étaient éloignés à cause du travail ou de l’université. Parce qu’elle avait une telle personnalité, Mitsuha avait décidé de gagner de l’argent avec ses nouveaux pouvoirs sans déranger personne d’autre.
Mitsuha était en fait très prudente, bien que cette qualité ait souvent surpris les amis qui pensaient qu’elle n’était qu’un danger public. Elle n’hésitait pas à prendre des initiatives risquées chaque fois que c’était nécessaire, mais elle n’avait jamais pris de tels risques quand ce n’était pas le cas. C’était probablement parce qu’elle avait grandi en admirant son frère.
Quoi qu’il en soit, Mitsuha considérait que son aptitude à changer de monde pourrait disparaître un jour. Bien qu’elle ait trouvé cela peu probable, elle ne pensait pas que cela soit impossible, et elle avait donc fait ses plans en gardant cela à l’esprit. Elle établirait une base à la fois dans ce monde et sur Terre et gagnerait assez d’argent pour vivre confortablement de part et d’autre. Elle avait décidé de gagner un milliard de yens (huit millions d’euros) dans chaque monde, pour un total de deux milliards de yens (soit 16 millions d’euros).
C’était la somme que Mitsuha avait calculée afin de pouvoir vivre confortablement jusqu’à son centième anniversaire, même si l’économie devenait turbulente. Elle ne vivrait pas dans le luxe, mais un revenu annuel de vingt millions de yens (160 000 euros) était plus que suffisant pour elle. Au-delà de cela, ses gains n’auraient pas beaucoup d’importance. Elle pouvait simplement s’asseoir et faire quelque chose qu’elle aimait, comme écrire des livres ou vendre de l’artisanat fait main, même si cela ne lui rapportait pas beaucoup d’argent.
Je ne sais pas si c’est un royaume, un empire ou une république, mais je vais accumuler deux milliards et devenir une GAGNANTE À VIE ! BWAHAHAHA ! BWAAAAHAHAHAHAHA !
Ce fut la naissance de son ambition.
Négociante en import-export ?
Vu les couvertures des LN, j’ai l’impression qu’elle fera plutôt des braquages de banques 😉