Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 8 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Le Vampire et l’homme aux cheveux d’argent

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Chapitre 3 : Le Vampire et l’homme aux cheveux d’argent

Partie 1

J’avais couru dans la direction indiquée par Wolf jusqu’à ce que je rencontre un groupe d’aventuriers cherchant quelque chose. Me demandant s’ils étaient à la recherche de thralls, je les avais écoutés.

« Où s’est enfui le vampire ? Il se battait avec un type costaud aux cheveux argentés, mais ils ont tous les deux disparu ! »

« Comment le saurais-je ? Peut-être qu’ils se sont téléportés ou quelque chose comme ça. Les grands vampires peuvent utiliser des magies folles, d’après ce que j’ai entendu. »

Il semblerait que le vampire soit passé par ici, mais apparemment ces aventuriers l’avaient perdu de vue. L’idée qu’ils aient pu utiliser un sort comme la téléportation dans ce chaos était pourtant absurde. Ils étaient juste en train de se crier dessus de frustration parce qu’ils ne trouvaient pas le vampire. En tout cas, je m’étais approché d’eux pour leur demander s’ils avaient trouvé des indices.

« Hé ! » avais-je dit.

« Oh, tu es ce drôle de type qui est venu à la guilde de Maalt récemment. J’ai entendu dire que tu avais un certain talent. »

J’avais mon masque qui couvrait entièrement mon visage, donc l’aventurier m’avait vu comme Rentt Vivie. Je ne savais pas que les gens disaient ça de moi. Enfin, le côté bizarre, je suppose que je le comprenais, vu mon apparence. Mais j’avais mis cela de côté pour le moment.

« Je vous ai entendu dire que le vampire était dans le coin, » avais-je dit. « Avez-vous une idée d’où il est allé ? »

« Oui, » dit l’aventurier d’âge moyen en hochant gravement la tête. « Le vampire était en fait sur le toit de ce bâtiment. Il se battait avec un type costaud aux cheveux argentés, mais ils sont partis tous les deux quelque part. Je me demande où. »

C’était la même chose que ce qu’un autre aventurier avait dit il y a un moment. Cependant, je ne savais pas qui pouvait être cet homme aux cheveux argentés. Les cheveux de Nive étaient gris, et si les cheveux de Myullias étaient argentés, elle était aussi une femme. Et Nive était aussi une femme, d’ailleurs. Mais ce n’était pas aussi important que de savoir où se trouvait le vampire.

J’avais pensé aux endroits où il aurait pu aller jusqu’à ce que j’entende un gros boum venant de quelque part. Alors que je regardais autour de moi pour voir d’où ça venait, Edel avait sauté de mon épaule et s’était mis à courir.

« Connais-tu l’endroit ? » lui avais-je demandé.

« Sqreak ! » Il avait répondu, alors après avoir regardé Lorraine pour voir ce qu’elle en pensait, nous avions décidé de le poursuivre.

L’aventurier d’âge moyen nous avait jeté un regard empli de curiosité, et j’avais pensé lui dire que nous savions où le vampire était allé. Mais vu mon secret, il vaudrait mieux qu’il y ait moins de monde. Et si la plupart de ces aventuriers étaient des vétérans, ils étaient aussi de classe Bronze. Les thralls étaient une chose, mais un grand vampire serait trop fort pour eux. Mon niveau de compétence n’était pas très différent du leur, mais j’étais aussi physiquement difficile à tuer. Lorraine était également une aventurière de classe Argent, et je pouvais servir de bouclier humain si nécessaire, il n’y avait donc aucun problème. Je n’étais toujours pas certain de nos chances, mais nous devions essayer. Une fois cela réglé, nous nous étions mis à courir.

 

◆◇◆◇◆

Edel nous avait conduits quelque part sous terre. C’était probablement un ancien égout.

« Je n’avais jamais réalisé que cet endroit existait, » dit Lorraine en courant.

Moi non plus. Nous avions utilisé une entrée cachée sous les tuiles d’une vieille maison, mais ce n’était probablement pas la seule façon d’entrer. Maalt avait une longue histoire, mais c’était quand même étrange de voir ça dans une petite ville. Un passage caché comme celui-ci aurait eu plus de sens près de la capitale qu’ici. Il était inutile de se demander pourquoi il existait, alors nous avions continué à avancer.

Le couloir étroit et sombre se termina soudainement par une grande ouverture. La pièce avait la forme d’une demi-sphère avec un haut plafond. Il y avait de nombreuses statues le long du mur. Celles qui se trouvaient dans les coins nord, sud, est et ouest étaient des statues de femmes. Elles avaient été placées de façon à ce qu’elles regardent vers le centre de la pièce. Je n’avais aucune idée de qui étaient ces statues, mais au milieu de la pièce se tenait un homme en robe avec une épée. Il avait le pied sur un homme tombé qui tenait une rapière.

« Oh ? Avons-nous des invités ? » déclara l’homme en robe. « J’arrivais juste au meilleur moment. Ne gâchez pas le plaisir. »

L’homme en robe avait levé sa main libre. J’avais senti le mana se rassembler dans sa main et je l’avais entendu marmonner une incantation. Nous avions immédiatement su qu’il prévoyait de lancer un sort sur nous, et nous nous étions séparés juste au moment où une boule de feu avait carbonisé l’espace où nous nous tenions. L’homme s’était renfrogné, surpris que nous ayons esquivé un sort avec une incantation aussi rapide.

Lorraine riposta avec sa propre magie. Sept lances de glace volèrent vers l’homme. Il les évita frénétiquement, s’éloignant de l’homme au sol. J’étais resté prudent vis-à-vis de l’homme en robe alors que je m’approchais de l’homme tombé pour l’aider à se relever. C’était probablement le puissant combattant dont les aventuriers avaient parlé. J’avais regardé son visage.

« Isaac !? » J’avais sursauté, reconnaissant ses cheveux argentés et ses traits froids.

C’était Isaac Hart, le serviteur de la famille Latuule que j’avais rencontrée au marais de la Tarasque. Je n’avais aucune idée de la raison de sa présence ici, mais il était certainement puissant. Les humains ordinaires étaient intimidés par le marais, mais lui pouvait le traverser avec rien d’autre qu’une armure légère, comme s’il se promenait simplement.

« Rentt, » Isaac chuchota quand il vit mon visage. Je n’avais pas vu de blessures. Quelque chose dans toute cette situation semblait un peu anormal.

« Rentt ! » cria Lorraine. Je savais pourquoi elle le faisait. L’homme en robe s’approchait. Lorraine l’avait retenu avec de la magie, mais elle avait atteint ses limites.

Isaac entendit aussi Lorraine. « Nous parlerons plus tard ! » dit-il. Il ramassa sa rapière et s’éloigna en sautant. Je m’étais aussi rapidement éloigné, juste avant que l’épée de l’homme en robe ne frappe le sol.

Ils étaient trois contre un, et l’homme en robe était encerclé.

« Je vous jure, aujourd’hui n’a été qu’une série d’interruptions, » grommela l’homme.

« C’est ce qui arrive quand tu tourmentes cette ville, Shumini, » dit Isaac.

Si l’on se fiait aux autres vampires, Shumini était le nom de leur chef.

« Êtes-vous le cerveau derrière tout ça ? » avais-je demandé.

« J’apprécierais que vous restiez en dehors de cette conversation avec mon ami, humain. Mais vous semblez être un citoyen de cette ville, alors je suppose que je peux vous offrir une explication. Oui, je suis celui qui a plongé cette ville dans les profondeurs de l’enfer. Je suis Shumini Essel, un vampire et chevalier de la rébellion qui sert le grand souverain. »

Il y avait beaucoup de choses que j’aurais pu contester dans sa déclaration. Je n’étais même pas humain, mais ça ne semblait pas utile d’en parler. Je pouvais lui dire que j’étais un monstre, mais je ne pensais pas que cela le convaincrait. Ce n’était pas le personnage le plus sympathique, alors je ne voyais pas l’intérêt de le mentionner. De plus, ce dont il parlait avec le Grand Souverains et les Chevaliers de la Rébellion ne me disait rien. Mais j’avais l’impression qu’il se mettrait en colère si je le lui faisais remarquer, alors je ne savais pas quoi dire. Parler à ce type, c’était comme marcher dans un champ de mines.

Heureusement, Isaac avait parlé pour moi. « Dans ce cas, Shumini, en te détruisant, vas-tu arrêter les thralls ? » demanda-t-il.

« Eh bien, je suppose que oui, mais j’ai d’autres subordonnés. Ils pourraient me remplacer, » répondit Shumini à Isaac, en ayant l’air plus gênés qu’avec moi.

« Ceux du donjon de la Nouvelle Lune ? Ils ont déjà tous été détruits, » avais-je ajouté.

Shumini avait perdu son sang-froid et des veines avaient commencé à apparaître sur son front. Je suppose que j’avais marché sur une mine. J’avais aussi été surpris de constater que les vampires avaient des veines qui pouvaient se gonfler comme ça. On pouvait se demander si leur cœur fonctionnait, mais le sang coulait à travers eux, c’est sûr. Je saignais aussi quand on me coupait, mais ces blessures guérissaient instantanément. Quoi qu’il en soit, il était logique qu’ils aient des veines gonflées.

« Les avez-vous tués ? » avait-il demandé.

La question de savoir s’il était techniquement possible de tuer les morts-vivants plutôt que de les détruire dépendait de la personne à qui vous demandiez et de ses opinions religieuses et morales. Du point de vue d’un vampire, il semblerait qu’il pensait être vivant et qu’ils pouvaient être tués. J’aurais probablement ressenti la même chose si j’avais été détruit, donc je le comprenais. Mais les humains ressentaient les choses différemment.

« Quand nous détruisons les morts-vivants, nous ne disons pas que nous les avons tués, » avais-je déclaré. « Nous les avons purifiés. »

Ça semblait creux quand je l’avais dit, mais c’était la perspective humaine normale. J’étais aussi un monstre, donc j’aurais été offensé si quelqu’un m’avait dit la même chose, mais je me sentais suffisamment en sécurité pour parler ainsi à quelqu’un qui faisait du mal aux humains. J’étais un bon vampire, donc je serais sûrement épargné. Ou peut-être que c’était un vœu pieux.

Inconscient de ce que je pensais, Shumini avait grincé des dents et m’avait lancé un regard furieux. « Comment oses-tu ! » s’était-il exclamé. « Sais-tu ce que tes idées bigotes ont fait aux vampires ? »

Il tremblait de rage. C’était effrayant, mais je l’avais vu venir.

« Shumini, » interjeta Isaac. « Est-ce que tu rêves toujours de créer un monde juste pour les vampires ? Penses-tu vraiment que c’est possible ? »

Les subordonnés de Shumini avaient dit qu’ils créaient une nation, mais cela semblait plus important que cela. Créer un monde uniquement pour les vampires signifiait sans doute éliminer les humains qui le dominaient. De toute façon, ce sont surtout les humains qui considéraient les vampires comme une opposition. Les elfes et les nains étaient aussi considérés comme des humains, mais ils étaient traités comme une sous-espèce, et ils faisaient rarement de la discrimination envers les autres créatures. J’avais entendu dire que les elfes et les nains ne s’entendaient pas très bien entre eux, mais ce n’était pas tant de la discrimination qu’une différence de disposition.

« Ce n’est pas un simple rêve, Isaac, » répondit Shumini. « Je t’ai dit que la victoire est à portée de main. Tout ce qui n’était qu’un rêve est maintenant possible. Je veux juste partager un peu de cette joie avec toi. »

« J’ai l’impression de me répéter, mais ça ne m’intéresse pas. Quitte cette ville. Si tu le fais, je ne te poursuivrai pas. »

Cette dernière partie était surprenante à entendre. On aurait dit que ces deux-là étaient amis, qu’ils se connaissaient depuis longtemps. Je m’étais demandé si Isaac pouvait aussi être un vampire. J’avais déjà eu des soupçons, mais Isaac ne dégageait pas l’aura d’un vampire. Shumini, d’un autre côté, l’avait fait. Je ne savais pas si Isaac avait une façon spéciale de le cacher, ou s’il y avait une raison totalement différente pour laquelle ces deux-là se connaissaient.

Mais il semblait clair qu’Isaac s’opposait à Shumini et avait l’intention de défendre Maalt. C’était suffisant. Je regardais les gens en fonction de leur position, pas de leur espèce. C’est ainsi que j’espérais que les autres me traiteraient. Cependant, même si Isaac et moi ne chassions pas Shumini de Maalt, Nive n’abandonnerait jamais. Mais j’avais décidé de ne pas lui dire. Il le savait probablement de toute façon et avait ses propres contre-mesures.

« Après tout cela, je ne me laisserais pas avoir aussi facilement, » dit Shumini, comme prévu. « En tout cas, je vois qu’il ne sert à rien de te parler. Très bien, alors je renonce à toi, Isaac. Si c’était possible, j’aurais aimé pouvoir te confier le reste. »

« De quoi parles-tu ? » demanda Isaac en penchant la tête.

Cependant, Shumini avait soudainement sorti un couteau de sa robe et l’avait brandi. Le couteau était noir de la poignée à la lame, et j’avais senti une forte présence. Il avait pointé la lame non pas vers nous, mais vers lui-même. « Je vais compenser ce qui me manque en m’utilisant comme sacrifice ! Adieu, Isaac ! » Il cria et enfonça le couteau dans sa poitrine. Des fissures avaient commencé à se répandre sur son corps, divisant sa peau pâle en écailles. Une lumière bleue brillante brillait à travers les fissures.

« Shumini, » marmonna Isaac, mais ce n’était pas le moment de s’inquiéter pour lui.

« Rentt, ça s’annonce mal ! » cria Lorraine. « Nous devrions courir. »

Il semblait vraiment que quelque chose était sur le point d’exploser. Si on en arrivait là, je ne pouvais pas imaginer l’ampleur de l’explosion, mais il semblait qu’Isaac savait quelque chose.

« Isaac ! Qu’est-ce qui se passe ? » avais-je demandé.

« Je ne sais pas, » dit-il. « Je dirais simplement qu’il vaudrait mieux partir d’ici. Allons-y. »

Nous avions couru vers la sortie. En sortant de la pièce, nous avions entendu une forte détonation et senti une forte rafale nous projeter en avant. Il ne faisait pas chaud. On n’aurait pas dit qu’une bombe avait explosé, mais quelque chose dans ce vent nous avait profondément écœurés. C’était comme un vent tiède pendant l’été. Mais bien que ce soit désagréable, je ne m’étais pas senti affecté négativement par ce vent.

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Partie 2

« Alors, s’est-il autodétruit ou quoi ? » avais-je chuchoté.

« Je me base sur de vieux souvenirs, mais Shumini n’a jamais fait une telle chose auparavant, » répondit Isaac. « Il était prêt à faire des sacrifices pour atteindre ses objectifs, mais s’autodétruire pour vaincre ses ennemis est bien trop irréfléchi pour lui. Il devait avoir un autre objectif. »

« Il a parlé de s’utiliser comme sacrifice. »

« Un sacrifice ? » dit Lorraine. « Pour un rituel d’invocation, peut-être ? Un puissant monstre aurait-il pu apparaître dans cette pièce ? »

Ça avait l’air plausible. On s’était regardé, se demandant si on devait aller voir.

« Cela pourrait être dangereux, mais nous devrions vérifier, » déclara Isaac, et c’était réglé.

Isaac voulait probablement aussi juste savoir ce qui était arrivé à Shumini, mais de toute façon, nous devions vérifier avant de partir. Faire un rapport à la guilde d’abord était aussi une option, mais au moins, nous devions voir ce qui est arrivé à Shumini.

Nous étions retournés prudemment sur le chemin par lequel nous nous étions enfuis. Nous avions jeté un coup d’œil dans la pièce depuis l’extérieur de l’entrée et avions vu quelque chose de massif assis au milieu.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Isaac. « Ça ressemble à un dragon. »

« Si c’est le cas, ce n’est pas très intéressant. C’est comme un alligator qui se tient debout, » dit Lorraine en donnant son avis sur la créature.

J’avais l’impression que l’évaluation de Lorraine était plus précise. Il était nettement plus grand qu’un alligator, avec une longueur d’environ dix mètres. Il était aussi construit différemment, avec des muscles et une peau bosselée sur tout le corps qui lui donnaient l’air d’être incroyablement fort. Peu importe ce que c’était, je ne voulais pas le combattre.

« Est-ce le visage d’une personne ? » avais-je demandé en désignant l’estomac de la créature.

« Aucun doute là-dessus. C’est Shumini, » répondit Isaac avec tristesse.

L’estomac de l’alligator géant était en grande partie recouvert de peau verte, mais une partie dépassait de façon anormale. En regardant de plus près, cela ressemblait au visage d’une personne. Non seulement cela, mais c’était clairement Shumini. Soit le monstre l’avait absorbé, soit il était lui-même le monstre.

Quoi qu’il en soit, nous devions décider de ce que nous allions faire ensuite. La décision la plus importante était de savoir s’il fallait combattre le monstre ou retourner en ville pour signaler cet incident. Lorraine et moi avions convenu qu’il valait mieux retourner en ville pour le moment. Nous n’étions pas sûrs d’être assez forts, et si nous étions tués ici, les habitants de la ville n’en sauraient peut-être rien avant un certain temps. J’étais assez confiant dans ma force ces derniers temps, mais je n’étais pas assez naïf pour penser que j’étais sûr de gagner ce combat. Je n’étais encore en fin de compte que de classe Bronze. Lorraine était de classe Argent, mais elle ne travaillait pas souvent, donc son intuition au combat n’était pas si grande. Elle connaissait cependant beaucoup de sorts, y compris des sorts puissants.

Isaac, d’un autre côté, semblait prêt à agir. Il voulait probablement faire quelque chose à propos de Shumini. Ils étaient opposés l’un à l’autre il y a encore quelques instants, mais ils étaient encore de vieilles connaissances. Quant à savoir si Isaac voulait l’aider ou être celui qui le tuerait, c’était probablement la seconde solution, mais il était facile d’imaginer qu’il ressentait un mélange des deux. Mais alors qu’Isaac ressentait cela à l’intérieur, il semblait réaliser ce qui était le plus important en ce moment.

Isaac jeta un coup d’œil au monstre et secoua la tête. « Je ne peux pas laisser mon égoïsme exposer Maalt à un danger supplémentaire. Revenons en arrière pour le moment. Je veux l’arrêter, mais cela peut attendre que cette situation soit signalée. »

Lorraine et moi avions hoché la tête et nous étions retournées lentement dans le couloir, en essayant d’échapper à la vigilance du monstre.

◆◇◆◇◆

Quelque chose d’étrange s’était produit un peu après que nous ayons commencé à nous diriger vers la sortie. J’avais entendu un grognement familier. Isaac l’avait aussi entendu et m’avait regardé. « Rentt, avez-vous entendu ça ? » avait-il demandé.

« Oui. »

Cela venait d’un peu plus loin, donc un humain normal comme Lorraine ne pouvait pas l’entendre. « Y a-t-il eu un son ? » avait-elle demandé. Mais elle avait appris ce que c’était peu après.

Un peu plus loin dans le couloir, une flèche avait volé vers nous depuis le coin du chemin. Lorraine avait gardé un bouclier magique en place presque tout le temps, et j’étais prêt à arrêter la flèche avec mon épée, mais Isaac l’avait attrapée dans sa main. Nous avions entendu un autre grognement, puis nous avions vu d’où elle provenait.

« Un gobelin ? Qu’est-ce qu’il fait ici ? » se demanda Lorraine.

Les gobelins pouvaient apparaître n’importe où, donc certains diraient que ce n’est jamais une surprise d’en rencontrer un. C’est généralement vrai, mais seulement en dehors des villes. La seule fois où vous les voyez à l’intérieur d’une ville, c’est lorsqu’il s’agit de gobelins pacifiques qui font du commerce avec les humains. Les monstres sont généralement interdits dans les établissements humains. De minuscules monstres comme les puchi suris pouvaient passer entre les mailles du filet, mais un seul gobelin pouvait à lui seul blesser un homme adulte, aussi les traitait-on avec prudence. Des magiciens spécialisés installaient des barrières pour les informer de la présence d’envahisseurs, et des chevaliers ou des aventuriers étaient alors envoyés à leur recherche. Pour cette raison, il était étrange de rencontrer un gobelin sous Maalt.

Bien sûr, nous ne pouvions pas le laisser là, alors nous avions dû nous battre. Il y avait deux autres gobelins avec lui, mais à nous trois, nous n’avions aucun problème contre des gobelins. Le combat s’était déroulé aussi facilement que prévu. Les gobelins excellaient à travailler ensemble, et on disait que l’idéal était de les éliminer un par un, donc c’est ce que nous avions fait. Bien sûr, chacun de nous aurait pu s’occuper d’un seul gobelin, mais leur présence ici était inhabituelle et ils pouvaient avoir des pouvoirs étranges. Il s’est avéré que c’était des gobelins ordinaires.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? Je sais que nous sommes sous terre, mais c’est quand même Maalt. Que font les gobelins ici ? » demanda Lorraine à nouveau, mais personne n’avait de réponse.

« Peut-être que ça a quelque chose à voir avec ce que Shumini a fait, » avais-je spéculé. « Quoi qu’il en soit, nous devrions retourner à la surface et voir ce qui se passe en ville. »

Lorraine et Isaac avaient accepté. Nous nous étions précipités vers la sortie.

◆◇◆◇◆

Lorsque nous étions sortis de la maison qui contenait l’entrée du souterrain, nous avions vu des aventuriers combattre des monstres dans toute la ville. Il y avait de nombreux types de monstres, notamment des gobelins, des slimes et des squelettes. Cependant, je n’en ai vu aucun qui était particulièrement fort. Personne ne semblait menacé par eux, donc nous n’avions pas besoin de nous joindre à eux.

« Qu’est-ce qui se passe ? » dit Lorraine, bouleversée par l’état de la ville.

« Demandons à quelqu’un ce qu’il en est, » suggéra Isaac. Il s’approcha d’un homme combattant un gobelin et tua le monstre d’un seul coup. « Mais qu’est-ce qui se passe ici ? »

L’homme était quelque peu décontenancé par l’apparition abrupte d’Isaac, mais il lui répondit quand même. « Eh bien, je ne le sais pas moi-même, mais des monstres sont apparus de nulle part ! Tous les aventuriers sont allés les combattre ! »

« Sont-ils apparus sans prévenir ? »

« Ouais. Vous devriez aider les gars. Il y a aussi des thralls, alors faites attention ! » dit l’homme avant de courir pour vaincre un autre monstre.

« Avez-vous entendu ça ? » demanda Isaac.

« Oui, mais je ne sais pas pourquoi c’est arrivé, » avais-je dit. « Peut-être que nous apprendrons quelque chose si nous allons à la guilde. »

« Qui sait ? » répond Lorraine. « Mais nous devons signaler ce qui s’est passé sous terre. Il y a de fortes chances que ce soit la cause de tout ça. »

Nous nous étions précipités vers la guilde.

◆◇◆◇◆

Tout le monde dans la guilde était en train de courir. Tous les membres du personnel étaient présents et travaillaient. Il y avait des blessés allongés jusqu’à ce qu’ils soient soignés par des guérisseurs, après quoi ils quittaient immédiatement la guilde. Cela ressemblait à une routine infernale. Peu de personnes semblaient mortellement blessées.

J’avais vu Wolf, encore lui-même lourdement blessé, mais persistant à prendre les choses en main, et je m’étais approché de lui. « Rentt ! As-tu encore fait quelque chose ! ? » avait-il demandé dès qu’il m’avait vu.

Je m’étais senti un peu offensé, mais je savais ce qu’il ressentait. Cela s’était produit quelque temps après que j’ai commencé à poursuivre Shumini, il était donc naturel de supposer que c’était ma faute. J’aurais pu en voir la cause, c’était une raison de plus pour ne pas discuter.

Nous avions expliqué la situation à Wolf. Nous avions caché certaines choses au cas où d’autres personnes pourraient l’entendre, mais Wolf avait compris l’idée générale.

« Je ne sais toujours pas ce qui s’est passé exactement, mais c’est probablement ce qui a déclenché tout ça, » avait-il déclaré. « Quelqu’un va devoir exterminer cette chose. » Il nous avait regardés avec espoir.

Wolf ne nous avait pas explicitement dit de partir, peut-être parce qu’il avait l’impression de nous faire travailler trop dur. Vu la situation, cependant, tous les aventuriers étaient surmenés. C’était évident après avoir jeté un coup d’œil à cette guilde. Wolf lui-même était gravement blessé et travaillait encore après avoir reçu quelques premiers soins. Nous n’étions pas en mesure de refuser, et nous n’en avions pas l’intention.

Même Isaac voulait y aller. Il n’était pas membre de la guilde, mais il n’y avait aucune règle l’empêchant de venir. Ce que nous avions dit à Wolf l’avait probablement convaincu que Isaac était assez puissant. De plus, Isaac donnait beaucoup de travail à la guilde. Wolf ne pouvait pas s’y opposer.

« D’accord, on y va, » avais-je dit. « Isaac peut venir avec nous, non ? »

« Bien sûr, on dirait qu’il pourra aider. Ça ne me dérange pas qu’il vienne. Le seul problème est le paiement. »

« Aucun paiement n’est nécessaire, » dit Isaac. C’était probablement à la fois parce qu’il était personnellement investi dans cette affaire et parce qu’il avait plus qu’assez d’argent.

Mais Wolf n’était pas au courant de tout ça. « Non, nous ne pouvons pas agir comme ça, » avait-il dit. « Si vous risquez votre vie, vous devez être compensé de manière appropriée. Je vais vous traiter comme un membre temporaire de la guilde et vous payer plus tard. Laissez-moi calculer votre salaire après que tout se soit calmé. Maintenant, allez-y ! »

Nous avions hoché la tête et quitté la guilde.

◆◇◆◇◆

Nous avions rencontré et tué de nombreux monstres en courant dans la ville.

« Aucun de ces monstres n’est aussi fort, mais ils sont si nombreux, » murmura Lorraine. « D’où peuvent-ils bien venir ? Est-ce que quelque chose les invoque en permanence ? Comment est-ce possible sur une zone aussi étendue ? »

Mais la réponse avait été claire lorsque nous avions vu un groupe de personnes courir dans la ville. Il y avait un grand nombre de personnes qui essayaient de fuir Maalt, ou du moins de se rendre dans un endroit plus sûr que leur maison. Nous avions entendu des cris soudains d’un de ces groupes.

« Quoi ! ? » cria Isaac. Lorraine et moi avions regardé pour voir ce qui s’était passé.

« Je vois, c’est donc comme ça, » murmura Lorraine.

« Quelle horreur ! » avais-je crié.

Nous avions vu un habitant de Maalt se transformer en monstre.

◆◇◆◇◆

Finalement, je n’avais eu d’autre choix que de tuer le monstre, même s’il avait été un citoyen de Maalt. Les autres autour de moi m’avaient regardé avec inquiétude. Ils n’avaient pas l’air de critiquer ce que j’avais fait, mais je pouvais voir la peur dans leurs yeux. Ils craignaient que s’ils se transformaient en monstres, nous n’hésitions pas à les tuer.

Il n’y avait pas de quoi rire. J’étais aussi un humain qui s’était transformé en monstre contre sa volonté. Si possible, je ne voulais pas les tuer, qu’ils deviennent des monstres ou non, mais celui-ci était sur le point d’attaquer une femme enceinte à proximité. Une fois qu’il était évident qu’ils n’étaient plus humains dans leur esprit et dans leur corps, je devais les tuer.

Nous avions abandonné la zone et couru vers l’entrée du souterrain. Nous n’avions rien dit en partant. Personne ne savait comment se sentir.

« Rentt, je suis désolée. J’aurais dû être celle qui le fait, » chuchota Lorraine.

Mais je n’étais pas d’accord. Lorraine n’était pas responsable de quoi que ce soit. J’avais réagi en premier, et j’étais le plus proche du monstre. Lorraine s’était figé un instant, ce qui était une réaction parfaitement humaine, mais je ne m’étais pas du tout figé. Indépendamment de ce que je ressentais, je suppose que j’étais finalement un monstre. J’étais un peu déçu par moi-même.

« Rentt, vous êtes un bon aventurier, » dit Isaac. « Vous avez protégé une femme et son futur enfant, vous savez. »

Il avait tout à fait raison. Si je n’avais rien fait, ils seraient peut-être morts. Mais j’étais plus concentré sur mon humanité ou son manque. Ce n’était pas bon.

« Oui, vous avez raison, » avais-je dit en secouant la tête. « Désolé. »

« Ne le mentionnez pas. »

Nous nous sentions tous étranges, et si c’était l’humeur dans laquelle nous étions en arrivant à Shumini, il pourrait y avoir des problèmes. Nous devions nous ressaisir. J’avais essayé de changer de vitesse et de me concentrer sur ce qui allait suivre en me précipitant vers l’entrée du souterrain.

« Qui est-ce ? » demanda Lorraine.

Lorsque nous étions sortis de la maison qui contenait l’entrée du souterrain, nous avions vu quelqu’un se tenir dehors. Ce n’était pas un monstre ou un thrall, mais une fille dans une robe noire.

« Maîtresse Laura, » chuchota Isaac.

Oui, c’était le chef de la famille Latuule, Laura Latuule. Je m’étais demandé pourquoi elle était là. Maalt était dans un état extrêmement dangereux, et ce n’était pas le moment pour une jeune fille d’une famille célèbre de se promener. Mais en même temps, je ne pensais pas que c’était un gros problème pour elle. Elle était après tout la maîtresse d’Isaac. J’étais presque sûr de savoir ce qu’était Isaac à présent, et s’il servait Laura, il n’était pas difficile de deviner qu’elle était la même que lui. Elle était elle-même très mystérieuse. Je n’avais cependant pas besoin de le lui demander pour le moment.

« Laura, pourquoi êtes-vous là ? » avais-je demandé à sa place. J’étais brusque et peut-être pas aussi poli que j’aurais dû l’être avec quelqu’un de son statut, mais j’avais cessé d’essayer d’être poli depuis un moment.

« Je suis ici pour expliquer la situation, » répondit-elle. « Je veux que vous sachiez ce qui arrive à Maalt en ce moment. »

Son explication ne semblait pas si importante pour le moment. Tuer ce monstre qui était Shumini était une plus grande priorité pour moi.

« Il faut que vous sachiez exactement ce qui se passe si vous voulez régler le problème, » poursuit-elle. « Vous comprendrez bientôt ce que je veux dire. Tout le monde, posez vos mains sur les miennes. »

Laura avait tendu la main. Isaac s’était empressé de poser sa main sur la sienne, mais Lorraine et moi avions hésité. Mais ce n’était pas comme si nous pouvions dire non. Nous n’avions pas beaucoup de temps et devions nous dépêcher, aussi n’avons-nous pas tardé à poser nos mains sur les siennes.

« Je vais emprunter vos yeux. Cela peut sembler un peu étrange, mais ne vous inquiétez pas. Vos corps seront toujours là, » déclara Laura.

Le corps de Laura dégagea une étrange aura. Ce n’était cependant ni du mana, ni de l’esprit, ni de la divinité. J’avais essayé de deviner ce que c’était, mais avant d’y parvenir, j’avais brusquement eu la vision de quelque chose d’autre. J’étais maintenant plus près du ciel. Je voyais les crêtes des montagnes au loin. Il y avait aussi des forêts et des plaines. J’avais regardé en bas et j’avais vu la ville entière de Maalt en dessous de moi.

« Qu’est-ce que…, » avais-je dit et j’avais clairement entendu ma propre voix. C’était plutôt inhabituel.

« Je suis sûre que vous réalisez que vous voyez à travers les yeux d’un oiseau dans le ciel. Rentt, c’est la même chose que d’utiliser les yeux de votre souris, » expliqua Laura.

J’avais entendu sa voix de mes propres oreilles. Mon corps devait être encore à l’extérieur de la maison, comme elle l’avait dit. Mais ce n’était pas important pour le moment. Elle avait dit quelque chose que je ne pouvais pas ignorer.

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