Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 3 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Artisanat magique

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Chapitre 4 : Artisanat magique

Partie 1

J’étais maintenant capable d’utiliser la magie, probablement au niveau d’un vrai mage. Bien que j’aie été techniquement capable de le faire, j’avais quand même trouvé tout cela très difficile, principalement parce que mes connaissances théoriques sur la magie étaient très insuffisantes. Un peu d’étude de ma part était nécessaire, puis le reste devrait naturellement venir. J’avais demandé à Lorraine de me donner des cours particuliers sur le sujet et, avant même de m’en rendre compte, je prenais des leçons avec Alize.

Pour sa part, Lorraine m’avait rapidement accepté comme son étudiant, bien qu’elle m’ait dit que je devais payer le double des frais.

Deux fois ! Et elle l’a dit sans hésitation !

Lorraine voulait simplement dire que je devais payer ma juste part, non pas que je devais payer le double du taux en vigueur. Vu qu’elle donnait des cours particuliers à Alize et à moi, ce n’était pas trop déraisonnable. Je me demandais si je méritais un petit rabais, étant donné que je m’occupais de toutes les tâches ménagères de cette maison depuis aussi longtemps que je me souvienne.

Mais je suppose que ce n’est pas quelque chose qu’un parasite comme moi devrait dire…

Pour commencer, il n’y avait que deux options réalistes lorsqu’il s’agissait d’apprendre la magie : soit on devait devenir disciple d’un mage célèbre, soit on devait fréquenter une académie de magie. Les deux choix impliquaient des dizaines de pièces d’or — ce n’est pas une petite somme, en aucun cas. Les honoraires de Lorraine étaient caritativement bas en comparaison — peut-être un peu trop bas.

Quoi qu’il en soit, je pouvais dire en toute confiance que Lorraine nous avait déjà accordée une sorte de remise… C’est ainsi qu’Alize et moi étions assis devant Lorraine, à écouter sa toute première leçon. D’ailleurs, le programme d’études avait un nom : « Le premier cours en Magie ~ l’Art de la Magie expliquée ! Même un gobelin l’aurait compris…, » Lorraine avait elle-même inventé le titre.

Déjà, Lorraine avait une question pour nous. J’avais fait signe pour y répondre, pour être interrompu par une voix joyeuse.

« Oui ! Je sais ! »

C’était Alize, elle levait la main avec empressement.

Lorraine, impatiente de jouer le rôle, pointa sa baguette en bois sur son élève tout aussi enthousiaste.

« Alors, Alize. Allez-y, » déclara Lorraine.

Alize s’élança de sa chaise et lui donna sa réponse en toute confiance. « Oui ! Pour pouvoir utiliser n’importe quelle forme de magie, il faut du mana ! »

« Bien joué. Vous pouvez vous asseoir, Alize, » déclara Lorraine.

J’avais été laissé de côté…

Ce n’était pas comme si je ne connaissais pas la réponse. J’avais juste… été lent à lever la main.

Oui. C’est tout ce qu’il y avait à faire.

« C’est comme Alize l’a dit. Le mana est nécessaire pour toutes sortes de magie. Il est également intéressant de noter que le fait d’avoir de grandes réserves de mana ne signifie pas qu’un individu deviendrait automatiquement un grand mage. Cependant, tous les grands mages s’efforcent d’obtenir une capacité de mana plus grande et plus efficace. La raison en est simple… »

« Oui ! Moi ! Je sais ! »

J’avais coupé la parole à Lorraine au milieu de la phrase, en agitant désespérément la main en l’air. Alize, qui était assise calmement à côté de moi, m’avait jeté un rapide coup d’œil de côté, murmurant quelque chose sur mon immaturité. Cependant, je n’y avais pas prêté beaucoup d’attention.

Rentt Faina détestait perdre. Une défaite, c’était bien, mais la prochaine fois, je m’en sortirai très bien.

Le regard de Lorraine s’était déplacé de ma main levée, puis vers l’expression exaspérée d’Alize. Elle soupira, pointant sa baguette en bois vers moi à contrecœur.

« Oui, allez-y, Rentt…, » déclara Lorraine.

Un ton de voix tout aussi exaspéré.

« Avec une petite capacité de mana, » avais-je rapidement répondu à la question, « les types de sorts qu’un individu peut utiliser sont limités. Par exemple, ils seraient limités aux cantiques et autres sorts faibles, parfois appelés magie de base. Ils seraient également incapables d’utiliser n’importe quel type de sort d’attaque — de telles circonstances sont courantes. En fait, j’étais pareil, il y a longtemps. »

« Oui, bien joué. N’êtes-vous pas content, Rentt ? » demanda Lorraine, manifestement pas impressionnée.

Cependant, les derniers éléments de ma réponse semblent avoir attiré l’attention d’Alize.

« Hein ? Vraiment ? Vous ne pouviez rien faire du tout dans le passé, Rentt ? » s’interrogea-t-elle, ne prenant pas la peine de cacher sa surprise.

Quoi ? Alize me voit-elle comme une sorte d’être tout puissant et surhumain ?

Elle n’avait pas adopté sa façon plus décontractée de parler après que je lui aie dit que c’était très bien d’être elle-même. Même Lorraine était d’accord avec l’idée — du moins, en dehors des heures de cours. Quand Alize étudiait la magie, elle devait s’adresser à Lorraine en tant que « professeur » et observer toutes sortes de respects sociaux… un étrange ensemble de règles auxquelles même moi, j’étais tenu.

Selon Lorraine, de telles pratiques étaient courantes dans le système scolaire dont elle avait fait partie dans sa jeunesse.

Je me demande comment étaient les écoles dans le royaume de Yaaran.

Je n’avais jamais été dans un lieu d’apprentissage auparavant, donc je ne connaissais pas la réponse. Les leçons données par la guilde de l’aventurier étaient aussi relativement décontractées, et tout le monde était traité de la même façon, peu importe son âge ou son expérience. En comparaison, l’insistance de Lorraine sur ces méthodes d’adressage était curieusement rafraîchissante.

« Je ne suis pas omnipotent, Alize. En fait, il y a beaucoup de choses que je ne peux pas faire, même maintenant, » déclarai-je.

Alize ne semblait pas très convaincue. Lorraine intervint, acquiesçant d’un signe de tête pendant qu’elle parlait.

« Vous voyez, ma chère Alize… Rentt est le genre de personne qui fait ce qu’il peut faire. S’il ne peut pas faire quelque chose, il en est totalement incapable. Il est, bien sûr, raisonnablement capable et compétent dans de nombreux domaines maintenant… malgré tout, il a ses défauts. Vous comprenez, Alize ? Bien sûr, les aventuriers cachent généralement leurs déficiences lorsqu’ils se lancent dans leurs activités… Telle est la nature des choses, » déclara Lorraine.

Alize hocha lentement la tête, apparemment toujours incrédule. En ce qui concerne Lorraine, Alize continua.

« Donc Rentt ne pouvait pas utiliser de magie sauf pour… la magie de base dans le passé… ? » demanda Alize.

« C’était la réalité, oui. Rentt n’a pas été capable d’utiliser des sorts compliqués, du moins jusqu’à récemment. Pour la plupart des gens, leurs réserves de mana restent stagnantes après la puberté, n’augmentant ni diminuant avec le temps. Il existe toutefois des exceptions. Une personne peut voir sa capacité de mana augmenter soudainement en raison de circonstances spéciales. »

Je suppose que c’était une bonne façon de cacher la vérité. Lorraine avait déjà trouvé une justification pour la raison pour laquelle je suivais ses cours. Selon Lorraine, il valait mieux mentionner une telle raison en présence d’Alize le plus tôt possible.

« De quel genre de circonstances s’agit-il ? » demanda Alize.

Comme je m’y attendais, Alize avait été attirée par les circonstances soi-disant spéciales responsables de ma soudaine augmentation de la capacité de mana. Lorraine semblait plus que préparée à sa question.

« Une liste exhaustive est impossible. Je peux, cependant, penser à quelques exemples communs, tels que… la consommation d’un élixir spécial, peut-être, ou peut-être la mort d’un monstre particulièrement fort. Certains individus peuvent aussi recevoir des bénédictions divines d’une sorte ou d’une autre, tandis que d’autre part, on peut former un pacte avec un démon, échangeant une partie d’eux-mêmes contre le pouvoir… Et ainsi de suite, » déclara Lorraine.

Alors que la capacité de mana de la plupart des individus était restée relativement stagnante, il était tout à fait possible de l’augmenter avec des moyens spéciaux. Cependant, toutes ces méthodes étaient risquées, et elles coûtaient souvent très cher. En plus, il y avait la question de la chance, quelque chose pouvait, contre toute attente, tourner très mal.

Par exemple, un élixir de mana serait difficile à trouver et, même si c’était le cas, il serait vendu aux enchères à des prix astronomiques. Il faudrait tuer une bête aux proportions légendaires pour obtenir de tels pouvoirs — un exploit difficile, dans tous les cas. Quant à la bénédiction des fées et du divin… une question de chance. Mais encore une fois, les individus chanceux ne courraient pas les rues. Enfin, les contrats avec des entités démoniaques étaient dangereux dans tous les sens du terme, et le nombre de vies qu’un individu pouvait hypothétiquement avoir n’avait souvent aucune importance. Même moi, j’aurais déjà augmenté ma capacité de mana dans la vie si c’était si simple.

J’avais continué à tuer des monstres et à absorber leurs pouvoirs, mais l’augmentation était au mieux minime. J’avais tué des Gobelins et d’autres créatures pendant une décennie, mais je ne me sentais pas différent.

Même ainsi, tuer des monstres était probablement la voie la plus simple, mais j’avais fini par me faire manger et tuer à un moment donné, alors il y avait eu ça.

« Je n’ai rien fait de spécial, dans mon cas. Peut-être que c’était juste une question de chance qu’elle ait soudainement augmentée, » déclarai-je à Alize.

Comme l’avait dit Lorraine, des exceptions étaient possibles dans de très rares cas. Il était impossible de dire que de tels événements ne pouvaient absolument pas se produire, et cela concordait parfaitement avec les explications de Lorraine. Les connaissances d’Alize sur la magie étaient encore assez limitées, après tout.

« Oh… c’est vrai ? C’est pour ça que vous prenez des leçons avec moi, Rentt…, » déclara-t-elle, apparemment convaincue.

Je suppose que le jour viendrait où Alize finirait par réaliser que j’étais étrange ou différent d’une certaine façon, mais c’était une explication pour une autre fois…

***

Partie 2

« Et voilà, c’est fait. Pour qu’un mage puisse utiliser la magie, il doit d’abord être capable de sentir la présence de mana dans son corps, puis de puiser dans cette réserve de son plein gré. Même si l’on a des réserves de mana en soi, une incapacité à le sentir et à le commander empêcherait de devenir un mage. Un scénario plus courant qu’on ne le pense. Alors, Alize, sentez-vous le mana en vous en ce moment même ? » demanda Lorraine en levant les yeux vers son élève.

« Non…, » Alize secoua lentement la tête. « Je ne sens plus rien. Hum… Professeur Lorraine. Ne suis-je pas fait pour être un mage… ? »

Les traits d’Alize étaient remplis de malaise, comme si une porte qui lui avait été ouverte auparavant lui était maintenant violemment fermée au visage. L’interprétation la plus directe des paroles de Lorraine serait lugubre pour Alize, car si elle ne pouvait pas sentir le mana en elle, elle ne deviendrait pas un mage. Il était facile de comprendre les craintes d’Alize.

Mais Lorraine secoua lentement la tête en souriant de façon rassurante à sa nouvelle élève.

« Il n’y a pas besoin de se précipiter. Ce n’est pas tout à fait comme ça que ça marche, Alize. Bien que je ne puisse faire aucune promesse maintenant, il est trop tôt dans le processus pour que vous puissiez vous inquiéter. En fait, les exemples que j’ai donnés tout à l’heure, disons, d’individus qui ne pouvaient pas sentir le mana en eux, plus de la moitié d’entre eux seraient autodidactes… ou auraient au moins essayé d’apprendre la magie de leur propre gré. Bien sûr, prendre conscience de ses propres réserves de mana est un exploit difficile. Il y a cette légende, oui, du “Magicien dès le départ”… Bien qu’il ait découvert et utilisé le mana en lui sans aucune aide, peu d’individus cherchent à imiter ses actions. Je suppose qu’il pourrait y avoir quelques personnes ici et là qui réussissent… s’ils ont le sens inné pour cela. On pourrait dire ça comme ça, » déclara Lorraine.

Alize leva la main. « Professeur Lorraine, et vous ? Comment l’avez-vous appris ? »

« Ah, oui, oui. Ça ? J’ai été capable de sentir et de tisser le mana en moi en sorts. N’êtes-vous pas impressionnée ? » demanda Lorraine, sans la moindre trace d’embarras.

Même si je m’étais retourné et que je l’avais regardée droit dans les yeux pendant qu’elle faisait ses déclarations, il ne semblait pas y avoir la moindre once d’humilité dans les propos de Lorraine.

« Qu’en est-il de Rentt… ? » demanda Alize.

Je suppose que ce serait la suite logique à la question d’Alize…

« Bien sûr que non, Alize. Je ne suis qu’un individu normal, » répondis-je.

C’était vrai, dans une certaine mesure. Bien que j’avais des réserves de mana en moi, je n’avais pas les moyens de les utiliser. Alize me demanderait sûrement comment j’étais capable d’utiliser le mana à d’autres fins et, comme prévu, elle l’avait fait.

« Que fait-on s’il ne parvient pas à faire sortir son propre mana ? » demanda Alize.

« Il y a plusieurs façons, oui. La méthode la plus simple serait d’obtenir la coopération d’une personne déjà habile dans l’utilisation de son propre mana, qui canaliserait ensuite son mana dans le corps du destinataire. Cela leur donne une idée de ce qu’est le mana, pour ainsi dire. En supposant que l’individu en question n’est pas particulièrement idiot, il sera en mesure de sentir son propre mana en temps voulu. La période varie d’une personne à l’autre, bien sûr, et certains disent même que ceux qui ont de grandes réserves ont tendance à s’en rendre compte assez rapidement, » répondit Lorraine.

« Y a-t-il d’autres façons de prendre conscience de soi, professeur Lorraine ? » demanda Alize.

« Hmm. Bien que je ne le recommande pas, on pourrait se battre contre des monstres et autres. Comme vous le savez peut-être, ceux qui vainquent les monstres absorbent souvent leur force dans le processus, et ce pouvoir est souvent composé de plusieurs types d’énergies. Le mana est l’une de ces énergies. Si l’on absorbe cette puissance, on ressent une sensation similaire à celle de la méthode précédente, où un peu de mana coule dans le corps. Il s’agit cependant d’un petit fragment d’énergie, de sorte qu’il faudrait beaucoup de temps pour qu’un individu devienne capable d’utiliser ses réserves si cette voie était empruntée, » répondit Lorraine.

« Hmm… N’y a-t-il pas une méthode rapide à laquelle n’importe qui pourrait s’essayer ? » demanda Alize.

Peut-être qu’Alize trouvait cela gênant, car les deux méthodes décrites par Lorraine présentaient leurs propres défauts, d’où sa question. Dans des circonstances normales, on supposerait qu’il était impossible pour une personne d’acquérir soudainement des pouvoirs ou des capacités sans lever le petit doigt. La plupart du temps, c’était vrai et, d’un point de vue éducatif, cela devrait peut-être être renforcé. Lorraine, cependant, n’avait pas secoué la tête.

« Il y a un moyen, oui. Encaisser avec son corps l’impact d’un sort. Simple, non ? » demanda Lorraine.

« Hein ? » s’exclama Alize.

« Vous connaissez des monstres capables de jeter des sorts, n’est-ce pas ? Des sorts primitifs aux sorts complexes… La complexité de la magie en question dépendrait largement de l’espèce du monstre. Prenons l’exemple d’un mage gobelin typique, dont les pouvoirs magiques sont primitifs, n’est-ce pas ? Mais ils connaissent la magie… dans une certaine mesure, » répondit Lorraine.

« Oui, mais… pour faire face à l’impact… ? » demanda Liza.

« Littéralement, Alize. Foteia Borivaas, ou peut-être un Gie Vieros… tout va bien. Vous n’avez qu’à vous faire frapper par ça, » déclara Lorraine.

C’était déjà assez terrifiant d’entendre une telle idée, et encore moins d’essayer sérieusement de faire une telle chose. Peut-être que ce n’était pas censé être pris au sérieux.

« Mais Professeur Lorraine, même si c’était un sort faible, une personne qui ferait ça va mourir, » Alize semblait stupéfaite, alors que sa voix diminuait pendant qu’elle terminait sa phrase.

Lorraine hocha la tête en réponse.

« Eh bien, oui, ça pourrait arriver. Si l’un d’eux est malchanceux, il va mourir. Inversement, si l’on est relativement chanceux, on vit. Ce n’est pas une méthode normale, mais c’est certainement une méthode qui fonctionne. Si l’individu survit, il sera sûrement capable de sentir le mana en lui. Maintenant, vous pourriez peut-être demander pourquoi. La raison en est simple : le mana dans le corps humain normal est habituellement stagnant. Il est donc quelque peu difficile à détecter. Si l’on est incapable d’utiliser ces réserves internes de mana, alors l’alternative serait d’absorber l’énergie magique de sources externes. Si un individu devait être frappé par un sort, cela enverrait une vague, ou une ondulation, peut-être, d’énergie magique résonnant à travers lui. S’il se réveille un jour de l’épreuve, il pourrait sûrement sentir l’énergie magique qui s’agite en lui, » déclara Lorraine.

Lorraine avait décrit un certain nombre d’avantages de cette méthode, mais Alize y était farouchement opposée, et il n’était pas difficile de comprendre pourquoi.

« Mais Professeur Lorraine… il ne peut sûrement pas y avoir quelqu’un de vivant qui tenterait quelque chose d’aussi dangereux que ça… ? » demanda Alize.

Lorraine leva brusquement sa baguette de bois.

« Oh, mais bien sûr que si ! L’un est assis juste à côté de vous, » déclara Lorraine.

La baguette levée était maintenant pointée clairement et délibérément dans ma direction. Alize avait élargi ses yeux. Son choc, où sa crainte était immense. C’était comme si elle avait vu un dragon ou une autre bête mythique dans les rues de Maalt.

Bien qu’elle soit trop stupéfaite pour dire un mot, les yeux d’Alize remettaient clairement en question ma santé mentale. Mais j’étais, en fait, relativement sain d’esprit. J’avais simplement envie de boire du sang frais de temps en temps. Même moi, je savais que c’était une excuse, mais je devais dire quelque chose.

« Eh bien, même moi, j’ai essayé d’autres méthodes plus courantes. Le village dans lequel je suis né était relativement petit, donc il y avait peu de gens qui pouvaient même utiliser la magie, et encore moins la magie compliquée. Même si j’avais demandé à recevoir des cours, il n’y avait pas de telles ressources en place… Je devais faire quelque chose pour ma propre situation, vous voyez, » répondis-je.

Quand j’étais devenu un aventurier, j’étais déjà capable de tisser du mana d’eau et de projeter une ou deux étincelles occasionnelles. Ce n’était pas comme si je n’étais pas au courant des risques encourus, mais, quoi qu’il en soit, j’avais fait quelques recherches sur les moyens possibles d’activer ses réserves de mana, puis j’avais agi selon mes propres choix.

Pour le dire simplement, j’avais cherché un mage-gobelin vivant dans les environs de mon village, puis j’avais encaissé l’un de ses sorts en pleine face. Bien que j’aie fini par sentir le mana en moi, c’était une chose assez imprudente à faire. Même moi, j’étais étonné de voir que je respire encore aujourd’hui.

Mais ce n’était pas quelque chose que j’avais fait avec insouciance. J’avais entendu parler d’un mage-gobelin qui avait vieilli dans les bois. La magie du gobelin était affaiblie à cause de son âge, et je l’avais approchée avec soin. Le sort qui m’avait frappé n’était rien de plus qu’un petit Gie Vieros. De plus, j’avais été frappé à un endroit plutôt favorable, donc cela ne m’avait pas fait grand-chose d’autre que de laisser une petite cicatrice sur le ventre. Avec cela, j’avais pu m’échapper avec une relative facilité.

Après l’incident, je m’étais apparemment évanoui chez moi et, pendant quelques jours, j’avais eu de la fièvre et des évanouissements, du moins, m’a-t-on dit. Certains avaient même dit que j’étais dans un coma fébrile.

Maintenant que j’y pense, je n’avais jamais entendu parler de la chasse au Mage Gobelin pendant toutes ces années, peut-être qu’il était encore vivant. Si tel était vraiment le cas, je devrais lui rendre visite et lui adresser mes remerciements.

Telle était l’histoire que j’avais racontée à Alize. Mais Alize n’avait pas semblé impressionnée, se tournant plutôt vers Lorraine avec un mélange d’exaspération et de choc sur son visage.

« Je… Je ne veux pas apprendre la magie de cette façon, » déclara Alize.

Telle était son rejet catégorique de mes méthodes. Comme c’est terrible.

Ou, peut-être que j’étais celui terrible… ?

En repensant à mes actions, j’étais vraiment imprudent : Rentt Faina, qu’est-ce que tu faisais ?

J’étais, bien sûr, maintenant un non-mort vivant, mais je n’avais toujours aucune idée de ce que je faisais.

« Mais bien sûr, c’est ce que vous ressentiriez. Rassurez-vous, aucun mage sain d’esprit ne recommanderait une telle méthode à ses élèves. Une méthode plus normale vous va mieux, Alize. En d’autres termes, tout ce que vous avez à faire est d’avoir une connexion de mana déjà établi à travers vous. C’est une méthode simple, et nous pouvons commencer tout de suite. Êtes-vous prêtes ? »

***

Partie 3

« Est-ce que ça… fait mal ? » demanda Alize, avec la même expression sur son visage quand elle se tourna vers Lorraine.

« Non, pas du tout. Avoir le mana d’une autre personne qui s’écoule dans votre corps pourrait ressembler à… peut-être une force qui appuie sur votre ventre. Même ainsi, cela n’est pas assez puissant pour vous causer de la douleur. Comment le décrire… ? Ah, oui, un essoufflement momentané, ou quelque chose comme ça. En tout cas, il n’y a pas de quoi s’inquiéter, Alize, » déclara Lorraine.

« Dans ce cas… s’il vous plaît, Professeur Lorraine. Faites ce que vous voulez, » déclara Alize.

Alize, apparemment soulagée par l’explication de Lorraine, inclina la tête profondément. Lorraine hocha la tête.

« Eh bien, alors. Présentez-moi vos mains, » déclara Lorraine.

« Oui, » déclara Alize.

Alize avait fait ce qu’on lui avait dit de faire, et Lorraine avait rapidement saisi les mains de l’enfant dans les siennes.

« Très bien, je vais maintenant faire couler un peu de mon mana dans votre corps. Êtes-vous prête ? » demanda Lorraine.

« Oui… Euh, j’avais une question. Si tout ce dont j’ai besoin est d’être frappé par un sort, est-ce qu’un sort d’enchantement ou quelque chose de similaire ne fonctionnerait pas de la même manière ? » demanda Alize.

« Ça marcherait, oui, » la réponse de Lorraine avait été rapide. « Cependant, il n’y a aucun avantage pour un mage à faire une telle chose à son futur étudiant. Le processus que j’ai décrit tout à l’heure s’adresse aux personnes qui n’ont pas accès à un enseignant de quelque nature que ce soit, ou à un mage capable de transmettre la magie aux autres. »

« Je ne comprends pas, professeur Lorraine… Qu’est-ce que ça veut dire ? » demanda Alize.

« Si vous choisissez d’être frappé par un sort, Alize, le mana de votre corps se mettra à tourbillonner, un peu comme les vagues d’une tempête. Si vous ne savez pas comment utiliser le mana en vous, mais qu’un mage vous a jeté un sort, la même chose se produira. Dans un tel cas, votre corps sera secoué par la douleur et vous aurez des nausées pendant des jours. Vous aurez aussi des vertiges, bien sûr, pendant un bon moment… Rentt en a fait l’expérience de première main. N’est-ce pas, Rentt ? » demanda Lorraine.

J’avais acquiescé face aux paroles de Lorraine. « Honnêtement, il y a eu des moments où j’ai pensé : “Il vaudrait mieux que je sois mort”. Je ne voudrais pas le revivre. »

C’était mes pensées honnêtes. Ce fut une expérience terrible — la conscience vacillante, la perte de conscience, la fragilité du sens du temps, le sentiment d’ambiguïté et de douleur qui allait continuer pour l’éternité… Personne ne voudrait vivre une telle chose.

Un masochiste, par contre, peut trouver une deuxième expérience… attrayante. Je n’étais pas masochiste, bien sûr.

« Si vous êtes d’accord avec ces conséquences, Alize, je pourrais vous enchanter avec un simple sort. Serait-ce acceptable ? » demanda Lorraine.

Alize secoua violemment la tête d’un côté à l’autre à la question de Lorraine.

« N-Non ! Une méthode normale, c’est tout à fait mieux, Professeur Lorraine ! » dit Alize, en criant presque quand elle l’avait fait.

Une réaction raisonnable. Comme je l’avais déjà mentionné, peu de gens choisiraient volontiers de vivre une telle expérience. Même moi, je n’avais pas été frappé par un sort juste pour le plaisir ! Il n’y avait tout simplement pas d’autre moyen pour moi de prendre conscience de mon mana.

Un mage typique n’hésiterait pas à exiger d’un simple villageois d’incroyables sommes d’argent. Peut-être que c’était dans leur droit de le faire, étant donné qu’ils avaient assez de mana en eux pour être appelés mages. C’était néanmoins un service onéreux. J’avais à peine de quoi survivre, et j’avais voulu éveiller les énergies en moi, donc il n’y avait vraiment pas d’autre moyen.

« Hmm. Voilà, Alize. Eh bien, alors… Cette fois, je vais canaliser le mana à travers vous. Concentrez-vous, Alize. Sentez l’étrange sensation qui va se répandre dans tout votre être, » déclara Lorraine.

« D’acccccordd !? »

Alize hocha la tête et, à ce moment-là, Lorraine serra les mains de l’enfant. Les yeux d’Alize s’étaient élargis, plus que jamais. Rien que de cela, j’avais compris que c’était ce que ressentaient ceux qui avaient la chance d’avoir du talent.

Je me sentais… envieux…

« Eh bien ? Vous comprenez maintenant ? » demanda Lorraine, tenant toujours les mains d’Alize quand elle posa la question.

« Oui…, » Alize hocha lentement la tête. « Je pense. Je crois que je comprends. Quelque chose comme… quelque chose de collant, suintant, comme de la boue, coulant à travers… mon corps… »

C’était au tour de Lorraine d’élargir les yeux, mais sa réaction était plus faible que celle d’Alize.

« Vous avez plus de mana que la plupart au début, mais de penser que vous êtes au courant de tout cela… Impressionnant. Oui, c’est du mana, Alize. Je l’ai fait couler avec mes propres énergies tout à l’heure. Mais pouvez-vous le déplacer de votre propre gré ? » demanda Lorraine.

« C’est… un peu difficile…, » déclara Alize.

Des perles de sueur avaient commencé à se former sur le front d’Alize. C’était comme si canaliser et déplacer le mana dans son corps n’était pas une tâche simple.

Poussé par les luttes d’Alize, j’avais essayé de déplacer le mana en moi — de mon estomac, je l’avais fait couler dans mes bras, et même le placer autour de mon corps. C’était… simple, du moins pour moi. Mais c’était peut-être une évidence, car j’avais plus d’expérience. Après tout, j’utilisais le mana depuis une dizaine d’années, et la seule chose qui me retenait était ma petite capacité de mana.

Le mana était une chose étrange, le fait d’en avoir une grande partie en soi permettait de le sentir facilement. Le contrôle et le mouvement appropriés du mana, cependant, devenaient plus difficiles plus on avait de mana. Peut-être un peu comme déplacé beaucoup d’objets dans une pièce exiguë.

Prenez, par exemple, un sac bien rempli — même si on le secouait, les objets qu’il contient ne bougeraient pas beaucoup. Le contenu d’un sac un peu plus vide, par contre, s’agitait si on le secouait. C’est pourquoi j’avais pu facilement contrôler mon mana après m’en être rendu compte. De plus, je m’étais entraîné à l’utiliser pendant une longue période, d’où la relative facilité d’utilisation.

Mais ce seul fait n’avait pas fait de moi un mage habile d’aucune sorte. Alors que j’étais devenu capable de déplacer le mana dans mon corps à volonté, en plus d’ajuster son intensité et de devenir capable de tisser des sorts rapidement, c’était tout ce que je pouvais faire. Pour lancer des sorts complexes et puissants, il fallait une plus grande capacité de mana. Certains avaient même dit qu’avoir un bon contrôle de son mana était particulièrement précieux pour les femmes, ne serait-ce que parce que l’individu en question serait capable de canaliser le mana vers n’importe quelle partie de son corps. La création de l’eau, à son tour, était un sort simple que la plupart des débutants avaient appris en premier, il était donc facile pour une femme de pleurer des larmes de crocodile à l’aide de son mana. Ainsi, les mages femelles avaient fini par maîtriser cette technique assez rapidement…

En y repensant, c’était une chose vraiment effrayante.

« Alors, si on se reposait un peu ? » demanda Lorraine.

Lorraine regarda Alize avec une certaine inquiétude. Lorraine lâcha les mains d’Alize, interrompant le flux de mana. La respiration d’Alize devint immédiatement irrégulière, et elle tomba bientôt à genoux.

Pas vraiment une sensation de douleur, mais certainement pas une promenade proverbiale dans le parc. Avoir le mana de quelqu’un d’autre couler dans son corps n’était pas fatal, mais ce n’était pas vraiment une bonne chose non plus. Une exposition prolongée pourrait nuire à l’organisme.

À l’origine, le processus prenait des jours, pour être répété après que l’élève se soit suffisamment reposé. Alize, cependant, avait pu sentir le mana dans son corps presque instantanément. Comme Lorraine l’avait dit, elle avait vraiment beaucoup de talent.

« Est-ce que ça va ? Peut-être devrions-nous nous arrêter ici pour aujourd’hui, » déclara Lorraine.

La respiration d’Alize était plus stable maintenant, mais elle n’avait pas l’air d’aller bien avec son visage encore strié de sueur. On aurait dit qu’elle s’était poussée un peu trop loin.

Alize semblait quelque peu troublée par les paroles de Lorraine.

« C-Comment… Combien de temps. Combien de fois… dois-je… ? » demanda Alize.

« … faudrait-il pour que vous vous y habituiez ? Mais bien sûr, jusqu’à ce que vous soyez capable de manipuler le mana dans votre corps librement, Alize. Jusqu’à ce que vous soyez capable d’un tel exploit, je vais continuer à canaliser le mana en vous. Il n’y a pas d’autre moyen. Ce sera probablement difficile, oui, » déclara Lorraine.

« N-Non… Vraiment… ? » demanda Alize.

Le visage d’Alize était rempli de désespoir. On aurait dit qu’elle souffrait vraiment.

Lorraine avait souri ironiquement face à la réaction d’Alize.

« Vous n’avez pas besoin de tout apprendre en une journée, Alize. J’avais prévu que le processus en prendrait plusieurs. D’où…, » commença Lorraine.

Lorraine suggérait que nos leçons prendraient fin — pour aujourd’hui, du moins. J’avais tendu la main, allumant une petite flamme au-dessus d’un doigt. Dans mon autre, l’eau coulait librement de ma paume. Après avoir fait ces choses, j’avais regardé droit dans la direction d’Alize, avec l’espoir de communiquer que la magie n’était pas si difficile.

Il n’avait pas fallu longtemps pour attirer l’attention d’Alize.

« Combien... Combien de temps ça va durer jusqu’à ce que je puisse faire ça ? » demanda Alize, haletant entre deux respirations et me fixant avec un dédain marqué.

Alize avait interprété ma petite manifestation comme une provocation. Je suppose que c’était une façon de voir les choses, car pour Alize, j’avais l’air d’un frimeur. Rien de tout cela n’avait été fait exprès, bien sûr, c’était une simple démonstration.

Lorraine s’était rapidement tournée vers moi, à peine amusée par mes efforts.

 

 

« Tu devrais vraiment arrêter de provoquer l’enfant, Rentt…, » chuchota-t-elle avant de se tourner vers Alize et de la rassurer d’une voix douce. « Vous pourrez faire tout ça bientôt, Alize. Ce sont de simples sorts, donc ça ne vous prendra pas longtemps. »

Ah, dix ans de mon dur labeur, banalisé par une seule déclaration…

Lorraine avait cependant raison. Je ne nierai pas que la magie que je venais d’utiliser était simple, au contraire, j’avais maintenant l’impression que je pouvais facilement envoyer un jet d’eau de mes mains si j’essayais. Un simple sort de la petite bibliothèque de la Magie de Tous les Jours. Un sort à petite échelle, bien sûr, mais si j’y introduisais assez de mana, je pourrais peut-être amplifier ses effets…

Peut-être même que ça valait le coup d’essayer, du moins je le pensais. Une exclamation d’Alize en se levant avait interrompu ma pensée.

« Bien, alors… jusqu’à ce que je puisse le faire, je vais continuer d’essayer ! » déclara Alize.

Alize semblait stimulée pour une raison ou une autre, avec de l’empressement évident dans ses traits. Elle était fatiguée, mais maintenant elle se tenait debout par la force de sa volonté.

« Vraiment ? » Lorraine sourit à son élève enthousiaste. « Eh bien, alors… essayons encore un peu. »

Lorraine me jeta un léger regard, avec un bref sourire sur son visage. Avant que j’aie pu répondre, elle avait saisi les bras d’Alize une fois de plus, et le processus de canalisation avait recommencé.

***

Partie 4

« Ughhhh…, » Alize avait gémi, alors qu’elle tentait désespérément de canaliser le mana dans le bout de son index.

Tant qu’on y était habitué, le mana pouvait être canalisé vers pratiquement n’importe quelle partie du corps. Pour la plupart des individus humains, les mains étaient l’endroit d’où le mana coulait habituellement et d’où il sortait.

Dans ces pays, il était courant pour la plupart des gens de penser à la magie qui jaillissait de leurs paumes ou de leurs doigts. De nombreuses explications avaient été avancées pour expliquer ce phénomène : qu’il était plus facile de canaliser le mana dans ses bras, ou que c’était quelque chose que la plupart des gens pouvaient facilement imaginer. Quoi qu’il en soit, le phénomène était vrai et courant.

Personnellement, je connaissais un mage qui avait la capacité de lancer de la magie de ses yeux, et je sentais que la théorie de l’imagination était juste. Le mage en question pourrait canaliser le mana à travers ses mains. Je lui avais demandé un jour pourquoi il avait choisi d’utiliser ses yeux à la place, et sa réponse avait été mémorable : « Parce que c’est impressionnant. » Ah, une personne vraiment inoubliable.

Blagues mises à part, j’avais supposé que ma connaissance-mage tirant des sorts magiques de ses yeux était le choix le plus rapide et le plus facile pour lui. De tels mages existaient, même si leur nombre n’était pas très élevé.

« Hmm… Oui. Pas trop mal du tout. Vous êtes maintenant capable de déplacer le mana en vous, je vois. C’est encore une petite quantité comparée à ce qu’il y a en vous, mais, avec cette quantité de mana, vous serez peut-être capable de lancer une ou deux boules de neige sans trop de problèmes, » déclara Lorraine.

Alize n’avait pas réagi, sa respiration devenant râpeuse. « Arghh... Ha… Ha… »

Sa concentration interrompue, le mana du doigt d’Alize s’était dispersé.

« Ça va, Alize ? Cette prochaine infusion sera vraiment rude…, » déclara Lorraine.

Lorraine avait averti Alize d’un ton de voix quelque peu inquiet. Alize était courbée à quatre pattes sur le sol, essayant toujours de reprendre son souffle.

Les précédents efforts d’Alize étaient comme des sprints de courte distance et à pleine vitesse — deux ou trois fois. La fatigue actuelle d’Alize ressemblait beaucoup à celle qu’elle avait couru quelques marathons autour des murs de Maalt, de sorte que l’enfant était près de ses limites.

On pouvait penser que c’était un peu trop pour son premier jour, mais c’était peut-être pour le mieux. Les régimes les plus stricts doivent être appliqués dès le début. Penser qu’Alize s’approcherait de ses limites physiques rien qu’en apprenant la magie… Elle ferait sûrement une bonne aventurière à l’avenir.

Bien que les mages aient généralement moins de force physique et d’endurance que leurs frères aventuriers, Alize devrait avoir un niveau d’endurance beaucoup plus élevé que la moyenne des habitants de la ville pour survivre. Même Lorraine, qui était une érudite de profession et n’acceptait les demandes de la guilde que lorsqu’elle en avait envie, était une véritable force de la nature. Par exemple, elle ne perdrait jamais face à des voyous de la rue quand il s’agissait de bras de fer. Après tout, les aventuriers étaient tenus d’effectuer des travaux et des exploits physiques sur une base régulière, ou ils deviendraient éventuellement capables de le faire. Les méthodes par lesquelles cela se produirait variaient. Peut-être que c’était un entraînement, ou peut-être que c’était juste de la puissance absorbée par les ennemis qu’ils avaient tués.

« Je vais… tout à fait… bien. Jusqu’à ce que je puisse faire ça… Rentt… Ce que Rentt… a fait… Je continuerai… à essayer…, » déclara Alize.

Alize m’avait regardé avec des poignards dans les yeux tout le temps. C’était peut-être la fontaine d’eau qui jaillissait encore de l’une de mes paumes.

Une force de caractère admirable, pour un enfant de son âge. Si j’étais à sa place, j’aurais déjà terminé la séance.

Lorraine se tourna vers Alize, et l’inquiétude était évidente dans sa voix.

« Ça ne me dérange pas… mais vous ne devriez vraiment pas vous forcer autant, Alize. Rentt vous provoque, évidemment. Pendant qu’il jouait peut-être, l’entraînement qu’il avait suivi pour être capable de faire exactement cela était un enfer. C’est sa façon de vous encourager, Alize, de vous dire de travailler dur, même si vous êtes déjà si fatiguée, » déclara Lorraine.

C’est n’importe quoi ! Je n’avais pas de telles intentions…

Probablement…

Les humains étaient une race capable de réaliser de grands exploits s’ils essayaient. Alize, cependant, avait souri à Lorraine entre ses halètements.

« Je comprends. Je ne suis… pas… tellement en colère. Mais vraiment, Professeur Lorraine… est-ce vraiment possible ? Pour que je puisse faire quoi... Rentt le fait ? En un jour ? » demanda Alize.

« Hmm. Eh bien… Rentt ne suggère pas quelque chose qui est clairement hors de votre portée. Si je devais dire… vous y êtes presque. Un peu plus, peut-être. Si vous devenez capable de ça… alors notre leçon pour la journée peut se terminer, » déclara Lorraine.

« Eh bien… Je vais le faire. Alors, je vais le faire… Que dois-je faire ensuite ? » demanda Alize.

Lorraine hocha la tête. « Ensuite, il y aura les instructions pour le lancement du sort de Rentt. En d’autres termes, c’est ce qui vous fait penser à l’image du sort en question. Il y a peu de façons de le faire : avec une incantation complète, une incantation raccourcie, ou sans incantation du tout. Il existe d’autres méthodes plus spéciales, oui, mais, pour l’instant, ces trois méthodes sont bonnes. Vous comprenez, Alize ? »

« Je crois que je comprends l’essentiel de tout ça, » Alize hocha lentement la tête, mais son expression trahissait le fait qu’elle comprenait peu, voire rien du tout.

Il fallait s’y attendre, et Lorraine l’avait bien compris.

« Oui, oui, oui. Je suppose qu’une démonstration s’impose. Eh bien, dans ce cas, donnons la parole à Rentt, vous qui avez fait de nombreuses provocations à partir de la ligne de touche. Assumez la responsabilité de cette tâche. Vous vous souvenez de l’incantation, n’est-ce pas, Rentt ? » demanda Lorraine.

Lorraine semblait amusée quand les mots sortaient de ses lèvres, si l’on en croit son sourire.

 

◆◇◆◇◆

« … »

C’était un spectacle étrange. J’étais resté silencieux, au milieu de la pièce, pendant qu’Alize et Lorraine regardaient.

C’était la démonstration de la Magie Commune en question. Bien que j’étais un aventurier, de la classe Bronze, j’étais aussi un vétéran dans le métier, il était donc naturel de m’utiliser comme un outil pédagogique magique, une transition en douceur dans le curriculum.

Cependant, je ne pouvais pas dire que j’étais confiant… Mais encore une fois, ce n’était que de la simple magie, le même sort qui avait encouragé Alize à continuer quand elle en avait été témoin pour la première fois.

Le problème était la demande de Lorraine, à savoir l’incantation de ce sort. La raison étant que je n’avais pas vraiment utilisé d’incantations d’aucune sorte. Dire que je n’utilisais pas du tout les incantations serait inexact, car je me souvenais de quelques exemples des manuels scolaires que j’avais appris dans ma jeunesse.

La magie était une chose qui devenait de plus en plus instinctive au fur et à mesure que l’on s’y habituait. Les incantations longues devenaient courtes et, avec le temps, aucune incantation n’était nécessaire pour un sort familier. Pendant une dizaine d’années, j’avais jeté ces trois sorts simples, encore et encore. En tant que tel, je n’avais presque pas besoin d’incantations pour invoquer ces sorts une fois de plus. C’est pourquoi je me souvenais peu des incantations que j’avais utilisées dans ma vie…

Attends… Lorraine m’a demandé de faire ça parce qu’elle savait que ça arriverait ? Argh…

« Hmm… Ah. “Oh, flamme. Que mon mana soit comme un grain, et qu’il se manifeste devant moi”…, Ignite Aryumage, » déclarai-je.

Dès que l’incantation s’était terminée, une petite flamme s’était matérialisée au bout de mon doigt. C’était un sort qui m’avait soutenu pendant toutes ces années où j’avais campé dans la nature. C’était tout naturel que je puisse l’utiliser aussi simplement.

Le problème, c’était l’incantation — m’en suis-je bien sorti ? Le plus gros, peut-être, mais qu’en est-il des détails ? Je n’étais pas certain de la formulation… C’était une flamme ? Ou de la braise ? Du feu ? Y avait-il quelque chose qui manquait ? Manifeste-toi devant moi ? Se présenter devant moi ? Êtes convoqué devant… Hmm. Non. Je ne m’en souvenais vraiment pas.

Le doute se manifestait probablement sur mon visage, car Lorraine n’avait rien dit. Au lieu de cela, elle m’observa silencieusement avec une expression marquée d’amusement. Le sentiment du doute s’était infiltré plus profondément dans mon âme.

Alize, pour sa part, me regardait avec admiration, comme si j’étais un grand pionnier, éclairant le chemin devant elle… Enfin, si l’incantation était correcte.

Pendant quelques minutes terribles, Lorraine garda le silence avant de finalement décider de parler.

« Ho… Tu t’en souviens, après tout ? Comme c’est inattendu. Bravo, Rentt, » dit-elle, ce même sourire sur son visage.

J’avais poussé un soupir de soulagement. Avec ça, mon épreuve était enfin terminée.

« J’étais incertain… Tout à fait… Quoi qu’il en soit, je suis content de m’en souvenir. Seriez-vous capable de faire la même chose, Alize ? » demandai-je.

Je m’attendais à ce qu’Alize soit irritée par mes provocations constantes, mais elle avait répondu d’une manière quelque peu inattendue.

« Hmm… Je ne sais pas vraiment. Puis-je vraiment le faire ? Je pense toujours que vous êtes génial, Rentt…, » déclara Alize.

Il n’y avait aucun sens de malice dans sa déclaration. Entre Alize et moi, je ne savais plus qui était le plus mature.

Eh bien… ce n’était pas tout à fait vrai. J’étais de toute évidence plus puéril. Je savais au moins ça.

Lorraine avait rapidement repris la conversation. « Bien sûr que vous pouvez le faire, Alize. Il existe de nombreux trucs et astuces de base que vous pouvez utiliser… Vous feriez mieux de demander à Rentt, bien sûr. Après tout, c’est un vétéran quand il s’agit de magie pour débutants. »

La maîtrise d’une magie spécifique affectait directement la vitesse et la puissance de lancer d’un sort. Ayant pratiqué les trois mêmes sorts pendant plus d’une décennie, je pouvais dire en toute confiance que ma maîtrise de ces trois sorts avait même rivalisé avec celle de Lorraine.

Se retournant, Alize m’avait regardé avec impatience. Je demande déjà conseil, je vois.

« Concentrez votre mana sur un seul point. Puis stabilisez ce mana concentré. Imaginez dans votre esprit le résultat souhaité… Ce sont des étapes qui s’appliquent à toutes sortes d’autres magies. Il n’y a pas de mal à imaginer ce que vous voulez faire… du moins, je pense, » déclarai-je.

Même si j’étais un vétéran en la matière, je ne pouvais pas utiliser d’autre magie que la magie de base, donc je ne pouvais pas faire de déclarations générales sur la magie de niveau supérieur.

« Les paroles de Rentt sont vraies, » Lorraine acquiesça d’un signe de tête. « L’imagination est une chose puissante. Imaginez le résultat dans votre esprit, cela vous aidera dans d’autres types de magie. Des trucs et astuces pour d’autres types de sorts existent aussi, bien sûr… Dans tous les cas, il est plus rapide pour vous de simplement l’essayer. L’incantation vient en premier, mémorisez-la, puis chantez-la. Pouvez-vous faire ça, Alize ? »

Alize hocha rapidement la tête, se levant et se préparant une fois de plus.

***

Partie 5

« Eh bien, alors. Vous devez d’abord concentrer votre mana, Alize. Comme vous venez de le faire, concentrez-vous sur le bout de votre index, » déclara Lorraine.

Alize fit un bref signe de tête à Lorraine avant de se concentrer intensément, rassemblant le mana dans son être. Alors que je ne pouvais pas voir les mouvements du mana dans le corps des autres, Lorraine le pouvait apparemment.

« Comment va-t-elle ? » demandai-je.

« Hmm… Très bien, je dirais. Pas aussi vite que la façon dont tu déplaçais ton mana avant, Rentt, mais, quand même, c’est un bon progrès pour sa première journée. Le fait qu’elle puisse faire cela est plus que suffisant, » Lorraine hocha la tête avec sagesse.

« D’accord, c’est bon. C’est maintenant l’heure de la magie pour débutant, Alize. Essayez d’imaginer ce que vous avez vu faire Rentt tout à l’heure. Imaginez la scène dans votre esprit, puis dites l’incantation. Celle-là, juste là, » déclara Lorraine.

Lorraine pointa sa baguette vers le tableau de bois, elle avait déjà écrit l’incantation pertinente à un moment donné, probablement quand je ne regardais pas.

Alize, avec des perles de sueur se formant sur son front, hocha de nouveau la tête et ouvrit lentement les lèvres.

« “Oh, Flamme… que mon mana soit… comme le grain… et se manifeste… devant moi… Ignite Aryumage” ! » déclara Alize.

Après ça, le mana au bout de son doigt vacilla, trembla, ondula, avant de briller de mille feux sur son doigt tendu. C’était quelque chose qui ne s’était jamais produit lorsque je m’étais essayé. Un tel spectacle était observé lorsque le mana n’était pas correctement converti en magie. L’excès de mana inutilisé s’était dispersé sous forme de lumière.

Comme j’avais constamment converti le mana en magie ces derniers instants, il n’y avait pas eu de perte de mana. Alize, cependant, était une débutante et n’était pas encore habituée à la magie. Au fur et à mesure que l’on se familiarisait avec l’art de la magie en général, il y avait moins de perte de mana et de gaspillage. C’était le rêve de tout mage de convertir complètement et rapidement le mana en divers phénomènes. Donc une faible perte de mana était inévitable dans le cas d’Alize.

Alors que la lumière s’éteignait, une petite flamme apparut, dansant paresseusement sur le doigt d’Alize. C’était environ deux fois plus petit que celle que j’avais générée plus tôt. C’était une flamme vacillante et instable, trop petite pour même servir de braise ou d’étincelle.

Alize la regarda avec émerveillement, les yeux grands ouverts. Il lui semblait difficile de croire qu’elle était capable de faire de la magie, même si elle avait appris les théories et était devenue capable de manipuler le mana dans son corps.

 

 

Les mages étaient rares, du moins chez les humains ordinaires. Ils possédaient le pouvoir de transformer un homme en cendre d’un seul coup, et même de plier tout type de matière à leur volonté sans même les toucher. Il n’était pas surprenant qu’Alize soit incrédule maintenant qu’elle était l’un de ces mages. La plupart des personnes qui utilisaient la magie pour la première fois avaient réagi de cette façon. On pourrait vouloir devenir un mage, ou parler de devenir un mage, mais peu étaient préparés pour le moment présent.

« Incroyable… Même… Même moi, je peux utiliser la magie ? Ah ! » s’exclama Alize.

Pendant qu’Alize parlait, la flamme clignotante avait disparu, probablement à cause de sa concentration perturbée. Bien qu’un individu puisse maintenir un sort inconsciemment s’il y était habitué, un tel exploit serait pratiquement impossible au début de son voyage puisque toute sa concentration était alors nécessaire.

« C’est parce que vous avez pensé à autre chose, Alize. Quoi qu’il en soit, après quelques répétitions, vous pourrez le faire sans hésiter, » expliqua Lorraine.

« Je ne savais pas que je devais faire tant d’efforts juste pour une petite flamme comme celle-ci… Je n’ai pas vraiment l’impression que je serais capable de faire ce que vous dites, professeur Lorraine…, » déclara Alize.

« Non, non, non, » Lorraine secoua la tête de son élève. « Rien de la sorte. Pensez-y : même Rentt en était capable, non ? En fait, si vous vous y habituez encore plus, vous pourriez même le faire. »

Une petite flamme s’était formée spontanément sur le doigt de Lorraine. Un petit ruisseau d’eau avait jailli de ses paumes avant de danser longuement, formant les contours d’une carte à l’allure compliquée.

Ah, les techniques d’un vrai maître. Peu d’individus pouvaient aussi bien contrôler la forme de leur mana.

Mais c’était quelque chose que même moi, je pouvais faire. Mais c’était ce que Lorraine avait fait ensuite que je n’aurais jamais pu espérer imiter.

La flamme et le jet d’eau de ses mains devinrent lentement plus grands, formant les formes d’animaux et de créatures diverses. Les flammes avaient pris la forme d’un oiseau, et les jets d’eau flottants étaient devenus des dragons, puis des éléphants — un cirque qui tournait en silence dans les airs. De toute évidence, ce n’était pas de la magie de débutant, si je peux dire.

Il serait impossible pour un débutant d’agrandir ses flammes et son eau à cette taille, sans parler de les projeter loin de son corps tout en gardant le contrôle. Le fait même que cela ait été fait signifiait que ce dont nous étions témoins n’était plus fondamental sous quelque forme que ce soit. Si j’avais pu réaliser un tel exploit, j’aurais déjà commencé à jouer avec mes propres animaux volants.

« Wôw…, » la bouche d’Alize était ouverte.

« Et ça aussi, » Lorraine avait plus de tours dans son sac.

D’un geste de la main, la terre s’était matérialisée à partir de l’air, prenant la forme de nombreux bâtiments flottants. D’abord les nombreux bâtiments de la Guilde des Aventuriers, puis la demeure de Lorraine, un hôtel particulier, puis un magnifique château. Chacun de ces bâtiments était de couleurs différentes, on ne croirait pas qu’ils étaient faits de fragments de terre.

J’avais reçu un douloureux rappel de la distance qui me séparait de Lorraine en termes de compétences.

Finalement, Lorraine avait fini par rejeter tous ses sorts.

« Qu’est-ce que vous en pensez ? Impressionnant, n’est-ce pas ? En tout cas, plus que ce qu’a fait Rentt, » se vantait Lorraine.

Ah, je vois. Elle ne montrait pas à Alize les possibilités de la magie… mais simplement qu’elle était la meilleure mage entre nous.

Comme c’est puéril, Lorraine.

Mais bien sûr, moi plus que quiconque, je ne devrais rien dire de tel. Cependant, Alize avait été évidemment étonnée.

« C’était génial ! Professeur Lorraine, et Rentt aussi ! Je vais travailler dur ! Pour que je puisse être comme vous deux ! » déclara Alize.

Les louanges sincères d’Alize avaient apporté une nouvelle nuance de cramoisi sur les joues de Lorraine.

« V-Vraiment ? Ah, oui, oui. Bien sûr que oui. Tu t’en es aussi bien sorti, Rentt…, » déclara Lorraine.

Il n’y avait pas non plus de malice dans ses paroles. Elle avait peut-être été stupéfaite par les éloges incessants d’Alize.

Alize était plus enthousiaste que jamais.

« De penser que vous deux, vous apprendriez à quelqu’un comme moi… Je vais le faire ! Je vais travailler très dur ! J’espère que vous continuerez à me guider à partir de maintenant ! » dit-elle, s’inclinant profondément en le faisant.

C’est ainsi que notre première leçon de magie s’était finalement terminée…

◆◇◆◇◆

« D’accord, à bientôt ! » déclara Alize, étreignant le manuel scolaire que Lorraine lui avait fait contre sa poitrine alors qu’elle retournait à l’orphelinat.

Lorraine et moi lui avions fait signe en la voyant partir, jusqu’à ce que l’enfant ne soit plus qu’une tache au loin. Ce n’était qu’alors que nous étions retournés à l’intérieur.

« C’est un sacré tour de main, n’est-ce pas, Rentt ? À ce rythme, elle serait bientôt en bonne route sur le chemin de l’érudit-mage, » murmura Lorraine, s’étirant sur le canapé avec une expression détendue sur son visage.

« Non, non, non… Alize n’allait-elle pas devenir une aventurière ? Elle a peut-être appris la magie aujourd’hui, mais à partir de demain, elle apprend les rudiments du métier d’aventurier, » répliquai-je.

Même si Lorraine avait promu le chemin de l’érudit-mage de façon un peu agressive, Alize elle-même avait dit qu’elle souhaitait être une aventurière. Cet objectif ne pouvait pas être simplement écarté. Je l’avais même confirmé avec Alize, alors qu’elle sortait de chez elle, qu’elle étudierait les façons d’être un aventurier lors de sa prochaine leçon. Elle s’était ensuite tournée vers moi, hochant la tête avec un sourire innocent. Aujourd’hui encore, les aspirations d’Alize étaient fermement du côté des aventuriers.

Que pourrait-elle être d’autre ? Elle deviendrait une aventurière, non ? Ça devait être une aventurière.

Oui… C’est ça, c’est ça.

Lorraine semblait plisser légèrement ses sourcils avec mépris.

« Hmph. Tu es têtu, n’est-ce pas ? Je suppose qu’il n’y a pas vraiment le choix. Nous en resterons là… pour l’instant, » déclara-t-elle, comme si elle m’accordait la permission pour le cours d’aventurier.

Quelque chose clochait ici. Non, cela ne faisait aucun doute. Quelque chose…

C’est du moins ce que je pensais.

Mais même dans ce cas, il n’y aurait pas grand-chose de bon à se disputer sur les détails.

« Eh bien. Qu’est-ce que tu as en tête ? Qu’est-ce qu’Alize devrait faire en premier dans ton cours d’aventuriers ? » demanda Lorraine.

Lorraine semblait avoir mis de côté ses blagues — pour l’instant. Je n’avais pas répondu tout de suite, mais je m’étais arrêté pour réfléchir.

« D’abord… Je devrais lui apprendre les bases de l’épée. Après ça, je l’emmenais dans la forêt, ou peut-être dans les labyrinthes… et je lui apprendrais les bases : les matériaux, les règles de l’aventure… tout ça. »

Une vague de nostalgie s’était emparée des traits de Lorraine.

« Je vois. Tout comme ce que tu m’avais appris dans le passé, Rentt… Ces mêmes endroits…, » Lorraine s’arrêta, comme soudain frappés d’une étincelle d’inspiration. « Dis, Rentt. Ça te dérange si je vous accompagne ? »

C’était des terres libres, mais il y avait aussi l’idée que Lorraine soit l’enseignante de magie d’Alize. Il serait prudent de la faire venir si Alize utilisait la magie au combat.

Alize avait besoin d’expérience. Pour cela, elle me suivait dans les labyrinthes, et je devais lui montrer les manières adéquates sous ses yeux. Je ne pouvais pas m’attendre à ce qu’Alize batte un monstre toute seule… mais si nous en trouvions un qui était suffisamment faible, ou un que j’avais affaibli avant… Hmm. Je suppose qu’elle ne ferait pas que regarder.

« Ça ne me dérange pas. Mais qu’en est-il de tes recherches, et d’autres affaires de ce genre ? » demandai-je.

« Tout va bien, Rentt. De plus, il ne s’agit pas seulement d’Alize. Je t’ai vu te battre plusieurs fois avant ton évolution, mais qu’en est-il maintenant ? Les choses ont sûrement changé, » déclara Lorraine.

Même moi, je n’avais pas pu répondre à cette question. Mes méthodes avaient considérablement changé entre les évolutions, et je me battais différemment quand j’étais une Goule ou un Thrall. Il serait prudent de supposer que mes capacités étaient maintenant différentes. J’avais aussi dû tenir compte du fait que je pouvais tourner mon corps dans toutes sortes d’angles étranges et impossibles pendant mon temps comme Thrall et goule… Je pourrais toujours faire la même chose… si j’essayais. Cependant, la chair de mon corps n’accepterait probablement pas avec gentillesse de telles manœuvres bizarres. En fait, ce serait plus qu’un tribut physique, car il y avait aussi l’aspect mental où je me contorsionnais d’une manière tout à fait inhumaine.

Je suppose qu’il était sage d’établir ses limites, car il serait trop tard après coup. À ce titre, je suppose que certaines observations de Lorraine s’imposaient. Il se peut que nous comprenions encore mieux ma physiologie et mes capacités actuelles à ce moment-là.

J’avais hoché la tête à Lorraine lentement, tandis que ces pensées disparaissaient de mon esprit.

***

Partie 6

Bien que nous ayons longuement parlé d’enseigner à Alize les bases de l’aventure, il y avait d’abord quelques articles que nous devions obtenir.

Les leçons de magie de Lorraine ne nécessitaient qu’Alize elle-même, le manuel que Lorraine avait écrit pour elle, et la tutelle de Lorraine. Par contre, un cours de courte durée sur les rudiments de l’aventure exigeait divers outils, instruments et équipements. Étant donné qu’Alize avait la chance d’avoir une réserve de mana, elle pouvait se battre comme une mage si elle le décidait, mais l’aventure n’était pas si simple. Alize aurait des difficultés si ses réserves s’asséchaient au milieu de la bataille, ou si elle avait rencontré un monstre qui reflétait ou était immunisée contre les sorts. C’était mieux pour elle d’avoir d’autres moyens de défense.

Même les aventuriers mages avaient besoin d’un certain degré de prouesses martiales, ainsi que d’endurance physique. Lorraine n’avait pas fait exception, car elle était suffisamment entraînée pour gérer des situations où sa magie ne pouvait pas être utilisée efficacement. C’est précisément pour cette raison qu’Alize avait besoin du même degré d’entraînement, sous une forme ou une autre d’arts martiaux.

L’entraînement d’un aventurier consistait principalement à se rendre dans des labyrinthes ou à la périphérie des villes et à découvrir les monstres qui y vivaient, ou à comprendre où certains matériaux pouvaient être récoltés. Si les connaissances acquises dans les livres et les études étaient importantes, l’application pratique l’était aussi, ne serait-ce que pour mieux comprendre comment appliquer ses connaissances. Les aventuriers qui s’étaient livrés à leurs activités sans comprendre ces applications étaient souvent, au mieux, inefficaces.

Avec toutes ces pensées en tête, le plan d’action suivant était simple : Alize avait besoin d’une arme. Comme elle était orpheline et qu’elle vivait dans un orphelinat, Alize n’aurait que peu de biens personnels et encore moins d’armes de toutes sortes. Je devais lui fournir l’objet, et il fallait de l’argent pour cette tâche. Heureusement, une débutante comme Alize n’avait pas besoin d’une arme coûteuse. Malgré tout, elle avait besoin d’une sorte d’arme, et j’étais plus que disposé à lui en offrir une. Cependant, Alize, étant la personne qu’elle était, ne serait guère d’accord avec une telle chose, secouant la tête et refusant catégoriquement. Au contraire, Alize exigerait que le coût de l’acquisition de l’arme soit ajouté à son compte.

Alize aurait besoin d’une arme relativement bien forgée, mais abordable. À cette fin, des fonds étaient nécessaires, mais ma situation à cet égard faisait quelque peu… défaut. Il y avait, bien sûr, la pièce que je n’avais pas encore reçue de Laura, parce que je n’avais pas encore livré de fleurs, en plus de tout le matériel que j’avais vendu jusque-là et qui avait été utilisé pour mon propre équipement et mes propres armes. J’avais aussi utilisé une somme douloureusement importante pour acheter une poche magique de grande capacité. Pour empirer les choses, j’avais acheté un étui sur mesure pour mon modèle de dirigeable dans le feu de l’action — maintenant que j’y avais pensé, ce n’était peut-être pas un achat particulièrement judicieux. Compte tenu de ma situation financière actuelle, je n’étais pas en état de payer l’arme d’Alize, et encore moins les frais pour les cours que je devais encore à Lorraine.

Cependant, j’avais mes plans en ce qui concerne l’argent, ou mon manque d’argent.

Il y avait un matériel que je n’avais pas encore vendu — mais bien sûr ! Je parle de la Tarasque. J’avais reçu un avis de la guilde il y a quelque temps, m’informant qu’il y avait certaines discussions à avoir au sujet de la carcasse. Si je devais le deviner, les matériaux avaient finalement été vendus, avec cela, le long hiver dans ma bourse vide serait enfin terminé.

Avec une mélodie sur les lèvres, j’avais fait un signe de la main à Lorraine avant de franchir les portes de sa demeure.

« Ne te l’auraient-ils pas simplement dit si la chose s’était vendue, Rentt ? Une discussion, cependant… Ce n’est pas vraiment une déclaration typique. Quoi qu’il en soit, prends soin de toi au fur et à mesure que tu vas de l’avant, » déclara Lorraine.

C’était peut-être juste son imagination. Il n’y avait pas besoin d’une conversation aussi désagréable.

Sans plus attendre, je me dirigeais joyeusement vers la Guilde des Aventuriers.

 

◆◇◆◇◆

« Ah, Monsieur Rentt ! »

La voix de Sheila avait retenti dès que j’étais entré dans les couloirs de la guilde. On aurait dit qu’elle m’attendait depuis tout ce temps et qu’elle voulait que je la suive.

Combien, exactement, cette carcasse et ses matériaux se vendaient-ils ? Ça valait une sacrée somme, n’est-ce pas ?

Sheila s’était approchée de moi alors que je me perdais dans mes pensées de richesses potentielles.

« La Tarasque s’est vendue, non ? Combien ça a rapporté, Sheila ? » demandai-je.

Sheila ne me regardait que d’un air surpris. « Oh… ? Rentt… Tu parles si… en douceur, maintenant… »

En y repensant, Sheila n’avait pas encore vu ma forme évoluée. Dans son esprit, je devrais encore être un cadavre chancelant.

Déplaçant mon masque pour qu’il montre la moitié inférieure de mon visage, j’avais enlevé mon chapeau, répondant sans mot à sa question. Les yeux de Sheila s’élargirent à la vue.

« Eh… ? Rentt, est-ce que c’est... Comment appelles-tu ça ? Tu as évolué, n’est-ce pas ? » demanda Sheila, d’une voix plus douce que d’habitude. « Évolué » en particulier avait été dit en chuchotant un peu.

« Oui, » j’avais hoché la tête. « Juste la veille. Selon Lorraine, je suis maintenant… Une sorte de petit vampire. J’ai l’air d’un humain maintenant, oui. Cependant, juste un peu pâle. »

Sheila avait ri nerveusement face à mon explication avant de lentement hocher la tête.

« Oui, il y a un manque de… couleur, à ton visage. Mais tu ressembles à ce que tu étais dans la vie, Rentt. Ah… ta peau est aussi… si lisse, » déclara Sheila.

« Oui, Lorraine l’a aussi dit. C’est un étrange effet secondaire…, » déclarai-je.

« Hmm… En regardant cette… douceur, Rentt. Ça me donne envie de devenir comme toi… juste un peu…, » déclara Sheila.

Les questions de teint semblaient toujours être le sujet de prédilection des dames, si l’affirmation quelque peu troublante de Sheila était quelque chose qui allait de soi.

J’avais lentement secoué la tête. « N’y pense même pas, Sheila. J’ai commencé à partir d’une pile d’os, si tu t’en souviens. »

C’était la première étape à partir de laquelle j’avais évolué, après tout. S’il y avait d’autres moyens, je ne les connaîtrais pas.

Avec ce corps qui n’arrêtait pas de claquer, j’avais continué à vaincre des monstres, devenant lentement un cadavre desséché, puis un cadavre avec de la viande suspendue dessus… pour finalement devenir un Petit Vampire après avoir miraculeusement obtenu du sang de Vampire. Même moi, j’avais compris que c’était un chemin extrêmement difficile.

Peut-être que j’avais eu de la chance que ça se soit si bien passé. Même si une personne était compétente, il fallait ne partir de rien au tout début. Peut-être que c’était la partie la plus difficile.

Sheila semblait comprendre mon raisonnement tacite.

Je comprends. Que ferais-je même si je devenais vraiment comme toi ? C’est ce que j’aurais aimé demander, mais… ce serait inapproprié.

« Ah, oui, » continua Sheila. « Puisque tu ressembles plus ou moins à ton être humain, que voudrais-tu faire de tes vieux enregistrements ? Tu pourrais continuer en tant que Rentt Faina… Ou préfères-tu continuer en tant que Rentt Vivie… ? »

Une question valable, cependant, il n’y avait qu’une seule réponse que je pouvais donner :

« On devrait de toute façon continuer à utiliser Rentt Vivie, » répondis-je.

« Pourquoi est-ce que c’est comme ça ? » Sheila semblait un peu perdue par ma réponse soudaine et rapide.

« C’est très simple, Sheila. Pour commencer, ce masque ne s’enlèvera pas… et il y a la question de savoir pourquoi Rentt Faina aurait un tel masque. Ensuite, il y aurait la question de mes… capacités accrues. Si on me demandait soudainement d’expliquer toutes ces choses… Eh bien, ce serait difficile, » répondis-je.

Il y avait toujours une option encore plus simple : je pouvais leur dire que j’étais devenu un monstre. Même si c’était un argument convaincant, je serais quand même traqué et exécuté sommairement, donc, au bout du compte, ce n’était pas la meilleure solution. Tant que je ne pouvais pas dire que j’étais humain sans l’ombre d’un doute, il serait assez difficile de se faire appeler « Rentt Faina » dans la ville de Maalt. Trop de gens me connaissaient ici.

« Je vois… Alors, Rentt. Je m’occuperai de tes demandes et de tes missions comme demandé à partir de maintenant. Ah, oui… Il y avait aussi la question dont nous devions discuter…, » déclara Sheila.

« C’est vrai. La Tarasque, oui ? Je me demande si elle s’est vendue pour une bonne somme…, » déclarai-je.

Mes attentes avaient vite été brisées en deux par les paroles de Sheila.

« Hein ? Non, ça ne s’est pas vendu du tout, Rentt. Il ne s’agit pas de cela — comme nous l’avons dit, d’une discussion ! En tout cas, s’il te plaît, suis-moi dans la salle de dissection…, » elle avait parlé avec une légère expression de surprise.

Mais… qu’en est-il de mes finances… ?

J’avais peut-être compté mes poulets bien avant qu’ils n’éclosent…

Il n’y avait rien que je pouvais faire maintenant, alors j’avais donné à Sheila la meilleure réponse que je pouvais trouver pendant que je hochais la tête :

« Ah… Ah. Oui. C’est vrai, » déclarai-je.

J’avais suivi Sheila avec un sentiment de déception imminent.

 

◆◇◆◇◆

« Oh ! Alors vous êtes passé, hein. »

Dario nous avait accueillis à l’entrée avant les pièces de dissection. Il semblait que Dario avait attendu un peu trop longtemps pour me voir, et je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qui s’était passé pendant la vente de la carcasse. D’après le comportement de Sheila, et d’après ce qu’elle venait de dire, il était difficile d’imaginer que les matériaux Tarasque avaient même été vendus.

« S’est-il passé quelque chose ? » avais-je demandé, en regardant Dario, le maître en dissection de la guilde.

« Eh bien. Vous feriez mieux d’entrer, » déclara-t-il en nous faisant signe d’entrer dans l’établissement en se tournant.

Je n’avais aucune raison de refuser. Je suppose que Dario avait ses raisons, alors j’avais hoché la tête en le suivant rapidement.

***

Partie 7

« Eh bien… ? S’est-il passé quelque chose ? » demandai-je alors que Sheila et moi étions assis dans le bureau de Dario. Des chaises nous avaient été gracieusement fournies.

« Oui… Ce n’est pas un gros problème, mais…, » répondit Dario.

Dario semblait perturbé. Contrairement à ce qu’il avait dit, cela semblait vraiment un gros problème, si l’on en croit son ton.

« Eh bien, la Tarasque que vous avez apportée…, » Dario continua, un peu lentement. « Nous avons fini le travail et par sa qualité… nous avons pensé qu’il valait mieux la mettre aux enchères. Donc ce marchand avec qui nous travaillons, il était censé venir et le récupérer… C’est à ce moment-là… »

Qu’est-ce que c’était ? Que s’est-il passé ensuite ? Je sentais mon inquiétude grandir devant les déclarations énigmatiques de Dario.

Dario n’avait-il pas mentionné que les matériaux de cette Tarasque étaient de grande qualité, qu’il y en avait peu de semblables à travers les terres, et qu’ils pouvaient rapporter un bon prix ? Je pouvais difficilement penser qu’il y aurait une raison pour le commerçant de trouver des défauts avec les matériaux que j’avais fournis…

Comme s'il lisait mes pensées, Dario continuait.

« Non, ce n’est pas un problème avec le produit, vous voyez. C’est le contraire. C’est trop bon… Si bon que notre ami marchand commissaire-priseur veut l’apporter directement au client, » déclara Dario.

C’était donc de cela qu’il s’agissait…

Je suppose que ce genre de choses arrivait de temps en temps. Des gens de tous les milieux s’étaient présentés aux ventes aux enchères, et parmi eux, il y avait des gens très riches, ou certains qui utilisaient de grosses sommes d’argent à des fins très précises. Les Latuules m’étaient venus à l’esprit, car ils avaient une grande influence politique et une grande richesse matérielle.

Ces personnes, la plupart du temps, avaient des passe-temps très spéciaux. Par conséquent, ils n’hésiteraient jamais à suivre leurs inclinations. L’argent ne leur était d’aucune utilité — le passe-temps de la famille Latuule de collectionner des objets magiques en était un exemple.

Dans le même ordre d’idées, un client fortuné était prêt à payer une fortune pour des matériaux de Tarasque en bon état — mais je ne saurais dire pourquoi. Au moins, le marchand de la vente aux enchères en cause estimait maintenant que le fait d’apporter la carapace directement au client constituait une vente définitive.

Rien de tout ça n’était une mauvaise nouvelle pour moi. J’avais chargé Dario de la vente de ce matériel, et il pouvait en faire ce qu’il voulait. N’aurait-il pas pu la vendre au marchand ? Pourquoi cette discussion maintenant ?

« Ça ne me dérange pas si vous le vendez comme bon vous semble, Dario… Alors, qu’est-ce qui ne va pas ? » demandai-je.

Dario secoua la tête, une expression compliquée à travers ses traits.

« Vous le pensez bien, non ? Ce serait bien si je pouvais le vendre. Ce que vous m’avez dit de faire. J’aurais aimé le faire afin d’obtenir les meilleures offres, oui, mais… cette fois… C’est un peu différent, » déclara Dario.

J’avais incliné ma tête d’un côté de façon dramatique. Je ne comprenais pas où Dario voulait en venir, pas du tout.

« Certaines conditions, vous voyez, » continua Dario. « Le double, Rentt. Ils payent le double du prix qu’on leur demande. Mais en retour… ils veulent que vous leur soyez présentés, Rentt. L’aventurier qui a tué la Tarasque. »

« Que… »

C’était comme le disait Dario : ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait décider tout seul.

Quelle que soit la nature de l’enchère, il était logique que la plupart des personnes enchérissent sous des pseudonymes. Cela s’appliquait à la fois aux acheteurs et aux vendeurs, aucune des deux parties n’étant désireuse d’exposer sa véritable identité lors d’une vente aux enchères, la raison en étant que la plupart des objets présents à ces ventes étaient soit extrêmement précieux soit rares. Si un acheteur ou un vendeur avait révélé son identité, il pourrait être cambriolé ou même menacé. Par conséquent, le besoin de protection de la vie privée était primordial dans le secteur des ventes aux enchères.

Bien que la maison de ventes aux enchères elle-même connaisse l’identité de ses clients, toute fuite d’information serait un désastre en soi. Si une telle chose se produisait, la maison de ventes aux enchères perdrait la confiance de ses clients et, avec cela, de toutes ses affaires.

Il y avait toutefois des exceptions, auquel cas l’autorisation du client en question était requise. Dans le cas présent, il semblait que Dario avait besoin de ma permission pour procéder à la vente.

Mais quelque chose dans cette transaction m’avait semblé un peu bizarre. Le fait que l’acheteur en question souhaitait être présenté à moi signifiait qu’ils cherchaient des aventuriers capables de traquer des Tarasques. En soi, cela n’avait pas été trop difficile.

Il n’était pas rare non plus que le prix de rachat lors des négociations soit fixé à un montant élevé. Bien que les enchères aient parfois dépassé ce montant, l’idée même de doubler le prix demandé à l’origine était une idée redoutable. S’ils avaient autant d’argent à leur disposition, ils n’avaient pas besoin de se donner tant de mal. Tout ce que ce client mystérieux avait à faire était d’approcher la guilde et d’engager les services d’un aventurier de classe Or. Pourquoi faire tous ces efforts pour me demander ? Je n’arrivais pas à m’y faire.

Dario, qui m’observait encore de l’autre côté de la table, avait probablement déduit ce que je pensais, alors il avait continué à parler.

« Ce client a vraiment de bons yeux. Il est venu une fois. Il a regardé la Tarasque que vous m’avez apportée et il a été ému… C’est vraiment de la qualité. Il a dit quelque chose à propos d’une Tarasque parfaitement décapitée. Sans autres blessures. Presque parfaite. Beaucoup d’aventuriers sont capables de chasser les Tarasques… mais de les tuer et de préserver la qualité du matériel ! Peu d’aventuriers en sont capables. Il a dit qu’il voulait en savoir plus sur cet individu. Plus… c’est ce qu’il a plus ou moins dit, » déclara-t-il.

J’avais presque l’impression d’être couvert d’éloges…

Bien que j’aie pu obtenir des matériaux à partir de la carcasse Tarasque relativement intacte, je savais que la chance jouait un rôle important dans ces développements. Mais ce mystérieux client semblait comprendre que j’avais délibérément relevé le défi de tuer la Tarasque de cette façon particulière. Malgré tout, les éloges semblaient un peu trop élogieux.

Quelque chose à propos de cette proposition de réunion m’avait rempli de malaise. Que se passait-il si le client refusait d’acheter le matériel après m’avoir rencontré ? Si je n’étais pas ce qu’ils attendaient ? Je voulais faire profil bas — si possible, je ne voulais pas que mon nom, ou les histoires de mes réalisations se répandent.

Si je devais vraiment rencontrer ce client mystérieusement riche et puissant, je détesterais me retrouver les mains vides. L’argent était une question de la plus haute importance. Si l’on était pauvre et sans le sou, il fallait ne survivre avec rien d’autre qu’un petit morceau de pain pour toute la journée. Ah, quelle nostalgie… j’étais ainsi quand j’avais commencé ! À l’époque, je m’aventurais même dans les forêts voisines, à la recherche de légumes comestibles pour assouvir ma faim… Et le fourrage, je l’avais fait, de tout mon être. Les hivers avaient été rudes…

« Allez-vous bien ? »

Les paroles de Dario m’avaient fait sortir de mes rêveries nostalgiques. Il y avait une pointe d’inquiétude dans ses paroles.

« Ça va…, » j’avais lentement levé la tête. « Mais… je pensais à quelque chose. Dites-moi, Dario… Votre client : reviendrait-il sur la vente s’il me rencontrait ? Ce n’est pas quelque chose que je répéterais souvent, mais c’est une coïncidence si j’ai réussi à tuer le Tarasque de cette façon. Vous le savez, n’est-ce pas ? »

Les mensonges ne m’aideraient pas beaucoup à ce stade. Cependant, Dario semblait déjà avoir anticipé cela.

« Vous n’avez pas besoin de me le dire. Le client le sait, même moi, je le sais. Même si vous dites ça, Rentt, même si vous avez de la chance, vous pensiez aux matériaux, hein ? C’est évident, vous voyez, » déclara Dario.

« Je suppose que c’est vrai…, » déclarai-je.

Un examen superficiel du cadavre révélerait que j’avais attaqué le cou de la Tarasque dès le début, ne voulant pas endommager ses écailles. C’était la réalité.

« Je peux plus ou moins deviner ce que c’est, » poursuivit Dario, apparemment satisfait de ma réponse, « mais je pense que votre client est à la recherche d’un aventurier averti, vous voyez. Vous devriez savoir que beaucoup sont incapables de cela, même dans le Rang Or. C’est pour ça qu’il veut vous voir. Rencontrer quelqu’un qui peut… apprécier leurs inquiétudes. Croyez-vous toujours qu’ils refuseront d’acheter après vous avoir rencontré ? Penses-y, Rentt. D’avoir imposé autant de conditions, alors il n’achète pas après ? C’est une honte pour des gens comme ça, vous voyez. Maintenant, si vous avez sorti tous ces soucis de votre esprit… que diriez-vous de le rencontrer ? »

***

Partie 8

Les paroles de Dario ne m’avaient fait que m’inquiéter encore plus, mais je n’avais pas peur de rencontrer ce client.

Il y avait juste quelques… problèmes. Un problème en particulier…

À savoir, le fait que j’étais un monstre. Parler avec des gens que je connaissais ou que je connaissais bien, c’était une chose. Parler soudainement avec une personne qui possédait la richesse et le pouvoir me troublait, surtout, étant donné la nature de la conversation. Si on me découvrait, on pourrait me traquer et me tuer, et j’aimerais beaucoup l’éviter à tout prix.

Cependant, cela arrivait aux aventuriers de temps en temps. La fréquence de ces événements augmentait au fur et à mesure qu’on montait dans les rangs d’aventuriers. Laura était un bon exemple, elle avait vu mes capacités et avait jugé bon de me confier une tâche. Plus la demande était difficile et payante, plus il était probable que le client souhaite rencontrer l’aventurier en personne et vérifier ses capacités. D’où l’augmentation des convocations personnelles.

Mais le cas de Laura était très différent. Plus précisément, Isaac avait eu la chance de m’examiner avant de me recommander à sa maîtresse. Le marchand et le client, par contre, m’avaient à peine rencontré auparavant et ne connaissaient que peu de choses sur mon caractère et ma personnalité. C’est pourquoi j’avais ressenti un sentiment imminent de peur…

Si possible, j’aimerais refuser. Mais je voulais devenir un aventurier de la classe Mithril. Ce serait une erreur de refuser une telle réunion — même moi, je l’avais compris.

Si mes contacts parmi les riches et les puissants se multipliaient, la nature des demandes que je pourrais entreprendre changerait également en conséquence. Donc, les aventuriers de ce calibre seraient chéris par la guilde, et beaucoup de choses deviendraient… pratiques, si je pouvais m’exprimer ainsi.

Aussi désagréable que cela puisse paraître, la guilde était, finalement, une entreprise. Il était dans l’intérêt évident de la guilde de côtoyer des aventuriers qui avaient de grandes bourses d’argents… et des amis dans la haute société. Même le système de classement, dont on disait qu’il organisait les aventuriers par leurs compétences et leurs prouesses, avait à l’origine une fonction plus simple, celle de séparer les forts des faibles, ne serait-ce que parce que les aventuriers plus forts gagnaient naturellement plus d’argent. La guilde s’intéresserait alors davantage à ces personnes.

C’était un fait connu, mais non dit parmi les aventuriers. Mais les aventuriers étaient des individus fiers avec des points de vue spécifiques, certains s’opposant à être dépeints comme n’étant que des canailles avides d’argent. Même si je ne pouvais pas parler au nom de tous les aventuriers, une compréhension silencieuse de la nature de l’entreprise était en place.

Par exemple, qui était le meilleur aventurier ? Un fort qui avait gagné de grosses sommes d’argent, ou un honorable qui s’était rangé du côté des faibles ? Un héros prônant la justice, peut-être ? Si je devais le dire simplement, la guilde préférerait certainement le premier, mais la plupart des aventuriers seraient du côté du second. Les deux apporteraient, d’une certaine façon, un grand avantage à la guilde. Les deux individus hypothétiques étaient aussi de bons exemples de qui était vraiment un aventurier. Cependant, il serait difficile pour la guilde de déclarer l’un supérieur à l’autre, ce qui posait un autre problème dans ces cercles. En fait, ce sujet avait souvent fait l’objet de débats dans les tavernes à travers le pays, parmi les aventuriers.

Si je devais choisir, je choisirais certainement le dernier. Il serait inexact de dire que je ne gagnerais rien du tout, alors peut-être qu’une approche plus modérée de la position de ce dernier serait plus… appropriée. Il fallait faire des compromis avec la réalité, comme toujours.

Peut-être, qu’un idéaliste comme moi ne devrait pas dire de telles choses, mais quoi qu’il en soit… ma situation actuelle n’était nullement terrible. Alors que les dangers se cachaient dans de nombreux recoins, j’avais évolué avec succès ces derniers temps, et mes sens étaient plus forts que jamais. À moins que mon client ne soit quelqu’un de très spécial, il ne serait pas capable de me distinguer de l’être humain moyen… à moins que j’enlève tous mes vêtements.

Bien sûr, si je devais soudainement placer une main sur ma hanche et prendre une gorgée profonde de mon flacon rempli de sang pour le déjeuner, même les enfants dans la rue me montreraient du doigt et me déclareraient vampire. Mais je n’étais pas si stupide.

Je m’étais une fois de plus tourné vers Dario.

« Je le rencontrerai, au moins. Si je devais vendre le matériel à un prix élevé, je devrais le faire. En plus… apprendre à connaître un client riche et puissant n’est pas vraiment une mauvaise chose, » déclarai-je.

Le visage de Dario s’était illuminé en entendant ma réponse. « Oh ! C’est vrai ? Alors, c’est ce que je leur dirai. Mais oui… désolé pour ça. Pour vous poser cette question… J’ai l’impression d’avoir tout gâché. Avec ce bon matériel et tout ça. »

D’après ce qu’il avait dit, je pouvais dire que Dario n’était pas vraiment enthousiaste à l’idée dès le début. Mais j’aurais dû m’y attendre puisqu’il était un expert en dissection de monstres et d’autres créatures. Sa vocation première était de disséquer les carcasses en matériaux de haute qualité, et d’entrer en contact avec des acheteurs potentiels et d’être harcelé par tous leurs caprices. Dario avait sûrement vu pas mal de transactions à son époque, et peut-être que quelque chose dans toute cette affaire lui avait aussi semblé un peu bizarre.

Ce n’était, bien sûr, pas une situation entièrement négative pour moi, alors j’avais été un peu surpris de le voir montrer autant d’inquiétude à ce sujet. Mais, encore une fois, alors que j’étais un client de Dario, Dario était un client de l’encanteur en question. Bien que chaque partie concernée ait ses propres intérêts et un sens général de l’éthique, Dario était d’abord et avant tout un artisan, on pouvait ressentir sa passion pour la dissection rien qu’en regardant son travail.

Il va donc de soi que Dario soutiendrait l’aventurier qui apportait du bon matériel dans son atelier, par opposition, disons, à un marchand quelconque.

« Ça ne me dérange pas. Si j’avais des réserves, je dirais que oui… J’ai une question, cependant. Faites-vous confiance à ce commissaire-priseur… ? » demandai-je.

Je n’aurais pas voulu avoir affaire à un commissaire-priseur intimidant ou contraire à l’éthique discutable qui avait essayé de faire des ventes forcées. Heureusement, Dario m’avait rassuré.

« Ah, ça ? Pas de problème. C’est quelqu’un que je connais depuis longtemps. De la Société Commerciale Stheno… Avez-vous entendu parler d’eux ? » me demanda Dario.

Bien sûr que je les connaissais. Il s’agissait d’une entreprise célèbre et d’une organisation mercantile à Maalt — l’une des plus importantes au sommet. En plus d’une vente aux enchères effrénée, ils avaient aussi quelques boutiques et devantures de magasins dans les rues de Maalt.

J’avais même été dans la vie dans l’un de leurs magasins, mais je les évitais depuis mon incursion dans la mort, mais le fait d’apprendre que le commissaire-priseur en question venait d’un tel établissement m’avait soulagé de mes soucis. C’était en effet une entreprise digne de confiance.

« Oui. J’ai acheté des sortes de contenants d’eaux, et d’autres articles d’épicerie… Des casse-croûtes et tout ça. Quoi qu’il en soit, Dario, je comprends les circonstances maintenant. Quand dois-je rencontrer ce commissaire-priseur ? » demandai-je.

« Je devrais leur dire en premier que vous êtes d’accord pour la réunion et tout ça. Ensuite, ils voudront un jour pour décider… et peut-être me contacter à nouveau, d’accord ? Peut-être demain… ou après-demain. Est-ce bon, Rentt ? » demanda Dario.

Je suppose que ce serait étrange si je m’étais soudainement présenté devant leur porte, alors j’avais hoché la tête.

« S’il vous plaît. Je le laisse entre vos mains compétentes, » déclarai-je.

Dario hocha lentement la tête en réponse, avant de s’asseoir soudainement. « Oh, ouais… J’ai failli oublier… Ceci, » il avait placé une sorte de livret sur la table, me montrant plusieurs pages.

« Cet… ah, oui, oui. Je présume que c’est le document concernant tout ce que j’avais laissé sous votre garde, » déclarai-je.

J’avais parcouru le contenu des reçus. Le livret contenait des inscriptions à propos des autres matériaux que j’avais laissés avec Dario, ainsi que le matériel et l’équipement nécessaires pour le processus de dissection. Les matériaux et les ingrédients qui n’étaient pas vendus aux enchères avaient été vendus par d’autres canaux, et la valeur gagnée finale avait été enregistrée sur les papiers que je parcourais maintenant.

Je pouvais dire d’un coup d’œil que j’avais gagné une somme assez importante grâce à leur vente, et j’étais reconnaissant pour un tel résultat.

« Je vois que vous avez fait beaucoup d’efforts pour vous charger des autres matériaux…, » déclarai-je.

« Ouais, eh bien… je vous ai placé avec tous ces problèmes cette fois, vous voyez. Ce n’est pas pour compenser, bien sûr… Mais même les autres matériaux sont bien conservés. Même pas endommagé. J’obtiendrais plus que le prix demandé standard si je les vendais normalement, vous savez ? Les acheteurs peuvent reconnaître la qualité quand ils la voient, » Dario avait déclaré encore plus d’éloges sur les ingrédients que j’avais récoltés.

J’étais juste un aventurier de classe Bronze qui ne gagnait presque rien. Comme j’avais voulu vendre autant d’ingrédients de haute qualité que possible, j’avais étudié la façon dont on pouvait utiliser des matériaux de monstre. J’avais pris des notes et mené des recherches sur la façon de ne pas endommager les matériaux pendant l’extraction, et sur les méthodes pour vaincre les monstres tout en assurant une carcasse facilement récupérable.

Je suppose que mes efforts avaient porté ses fruits.

« Je suis content que vous ayez une si haute opinion de mes matériaux. Si je rencontre du bon matériel lors de mes voyages, je m’assurerai de vous l’apporter… et en aussi bon état que possible, » déclarai-je.

« Je vous achèterai toujours votre matériel, Rentt. Et puis… êtes-vous d’accord avec les prix que j’ai fixés pour ça ? » demanda-t-il.

J’avais hoché la tête. « Oui, tout à fait. »

Dario déposa une série de pièces de monnaie sur son bureau en réponse, et je les emportai rapidement toutes dans mon portefeuille… ou plutôt, dans ma pochette. Cette affaire terminée, je m’étais retourné, laissant les salles de dissection derrière moi.

***

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