Nozomanu Fushi no Boukensha – Tome 3 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Une nouvelle Évolution Existentielle

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Chapitre 3 : Une nouvelle Évolution Existentielle

Partie 1

Une douleur fulgurante irradiait à travers mon être au moment même où une seule goutte de sang touchait ma langue. Pendant un moment, j’avais pensé qu’il valait mieux arrêter de boire ce liquide, quoi qu’il en soit, mon instinct, cependant, n’était pas de cet avis. C’était comme si j’étais stimulé par une voix étrange et invisible. C’était probablement juste mon imagination.

Cependant, dans le cas de l’Évolution Existentielle, je suppose que je n’avais pas d’autre choix que de me fier à mon instinct. On pouvait demander une explication ou une justification logique, mais je n’en avais aucune.

J’avais basculé la bouteille vers le haut, vidant son contenu.

Clank.

La fiole vide avait lentement roulé sur le dessus de la table. La fiole en question était un précieux objet magique en soi. J’avais voulu le mettre sur la table correctement, pour qu’il ne roule pas ou qu’il ne finisse pas fêlé dans un accident. Mais je n’avais pas vraiment le choix.

Une lueur de couleurs cramoisie m’avait inondé les yeux. Des vagues de douleur et de souffrance immatérielle avaient frappé tout mon corps.

C’est mauvais…, c’était la toute première chose qui m’était venue à l’esprit.

Mais je n’avais pas l’impression de mourir. Au contraire, je me sentais comme quelqu’un, quelque chose, qui changeait de force l’intérieur de mon corps comme bon lui semblait. Je le sentais, au plus profond de mon corps, dans des endroits ou des poches qui avaient été autrefois creux. C’était comme si on m’avait volé toute ma force et qu’on m’entassait des choses étranges une à une dans mon corps.

Si je devais deviner, ces choses étranges n’étaient rien d’autre que des organes vivants, car je n’en avais pas beaucoup avant ça. Ce qui ressemblait à une grande quantité de fourmis rampant à la surface de mon corps à une vitesse stupéfiante n’était probablement rien d’autre que la formation rapide de la peau.

Tout le processus ressemblait beaucoup à une gueule de bois, ou peut-être comme quand on était ivre, sauf que c’était cent fois pire. Ma vision continuait à se tordre et à tourner, et les objets devant moi semblaient être constamment affligés par un tremblement de terre invisible que moi seul pouvais sentir. J’avais fait de mon mieux pour me calmer, mais j’avais découvert que c’était un effort infructueux. Tout autour de moi et à l’intérieur de moi se trouvaient des plaintes, la tirade sans fin de mon corps qui m’avertissait que quelque chose n’allait pas, que quelque chose était différent. Bien que j’aie compris le processus, le sentiment ne s’était pas arrêté.

Combien de temps cela va-t-il durer… ? Est-ce que ça va finir ?

Est-ce que ça va finir ?

Ces pensées m’avaient inondé l’esprit, et sans aucun sentiment de diminution, le torrent m’avait bientôt submergé.

Je vois…, tous ceux qui, avant moi, qui avaient bu du sang de vampire se sentaient-ils comme ça ? Un goût désagréable et profond… Sans parler de ses effets. J’avais maintenant compris pourquoi certains étaient morts dans le processus, incapables de résister à la tension, alors que d’autres étaient devenus fous.

Cependant, j’avais semblé être capable de maintenir ma santé mentale.

Est-ce à cause de ma force… ?

Non, ce n’était pas tout à fait juste.

C’était parce que j’étais immortel.

Depuis que j’étais devenu un mort-vivant, j’avais remarqué que mon état mental s’était beaucoup amélioré depuis l’époque où j’avais encore un souffle de vie. Bien que j’aie essayé d’agir comme un être humain autant que je le pouvais, et que la plupart d’entre eux me voyaient comme un être humain, quelque chose avait changé en moi. Mes émotions étaient encore, silencieuses, peut-être même faibles par rapport à l’époque où j’étais encore en vie.

Pendant tout ce temps où j’étais un squelette, une goule et finalement un Thrall, j’avais toujours réussi à rester calme et relativement sain d’esprit… ne serait-ce que parce que je me sentais vraiment calme. Pour une raison inconnue, je ne ressentais plus les émotions aussi intensément qu’avant.

Malgré tout, certaines choses m’avaient encore fait vibrer d’émotion dans mon cœur. Par exemple, mon rêve de devenir un aventurier de la classe Mithril avait provoqué une réaction du fond de moi. C’était peut-être une évidence, parce que j’en avais rêvé toute ma vie. C’est pourquoi j’étais resté captivé par ce rêve, et je me sentais encore plus captivé que je ne l’avais jamais été, encore plus que lorsque je respirais encore.

Et pourtant, mon dévouement à ce but pouvait facilement être oublié, comme une pensée qui disparaissait après qu’on se soit réveillé d’une période de sommeil. J’avais dû m’y accrocher fermement, pour ne jamais oublier.

C’est pourquoi je ne pouvais pas abandonner et lâcher prise, même avec cette douleur qui me fouettait le corps. Si j’avais vécu la même chose alors que j’étais encore humain, j’aurais très probablement perdu la tête après quelques secondes dans le processus.

« Ah ! Ahhhh !! »

Je pouvais entendre une voix quelque part, très, très loin. Dans ma vision tordue et tourbillonnante, c’était le visage de Lorraine. La vue d’elle me mettait à l’aise, ne serait-ce que parce que je ne ressentais plus le désir de sa chair et de son sang, contrairement à l’époque où j’avais évolué vers un Thrall.

Il y avait cependant un autre sentiment…

Je sentais ma conscience s’évanouir.

Que se passerait-il si je lâchais… ?

Rien de mal, ça semblait… vu ce que je ressentais, je m’évanouirais tout simplement, car il était difficile de rester conscient longtemps dans cet état. Peut-être que ça serait mieux de s’asseoir et de lâcher prise.

Bien que j’étais préoccupé par le progrès global de mon Évolution Existentielle, j’avais le sentiment d’avoir surmonté en toute sécurité le plus difficile des défis, à savoir rester sain d’esprit malgré la douleur et ne pas mourir mentalement face à la souffrance apparemment sans fin.

D’une autre façon, j’étais déjà mort dès le départ. Je suppose donc qu’il n’y aurait aucun problème…

J’avais finalement décidé de lâcher prise.

Un voile de ténèbres avait bientôt obscurci ma vision. J’avais l’impression de flotter, de tomber au ralenti alors que ma tête approchait lentement du sol. Avant l’impact, je pouvais me sentir bercé par quelque chose — puis je m’étais évanoui.

◆◇◆◇◆

Tout semble en ordre, comme prévu.

C’était la première pensée qui m’avait traversé l’esprit alors que je reprenais lentement mes esprits.

Mon corps se sentait… en conflit. Il semblait grincer à de nombreux endroits.

Comment pourrais-je décrire cela... Cela ressemblait à ce que l’on ressent quand on se fait mettre une attelle après s’être cassé un os. Une étrange sensation d’oppression dans les membres.

Qu’est-ce que c’était… ?

C’était étrange et pas trop inconfortable. Mais en ouvrant les yeux, j’avais été choqué par la lourdeur de mes paupières.

Maintenant que j’y pense, je n’avais peut-être même jamais cligné des yeux pendant ma période en tant que Thrall. Je me souvenais d’avoir l’impression d’avoir fermé les yeux, mais je ne me souvenais pas d’avoir vu des paupières de quelque sorte que ce soit, pas même lorsque j’avais fait réarranger le masque pour une inspection plus approfondie.

Ce sentiment que je ressentais maintenant…

Une faible lumière s’était mise au point devant mes yeux alors que je les ouvrais lentement. C’était la flamme d’une bougie qui vacillait doucement dans l’obscurité.

Cette demeure était équipée d’objets magiques émettant de la lumière, mais je suppose que Lorraine avait diminué la lumière avant d’aller se coucher. Lorraine avait probablement laissé une bougie allumée près de moi pour m’éclairer si je me réveillais.

Il m’avait semblé que j’étais allongé horizontalement — sur un lit, pour être exact. La première chose que j’avais vue en ouvrant les yeux était… le plafond. Le plafond, et une ombre projetée sur lui par le scintillement des bougies.

L’ombre de quelqu’un… quelqu’un que je connaissais.

Mais bien sûr. Je m’étais tourné lentement sur le côté, en jetant un coup d’œil par-dessus le côté du lit. Là, assise tranquillement avec un livre lourd sur les genoux, il n’y avait personne d’autre que Lorraine, qui feuilletait doucement les pages du livre.

Je l’avais regardée fixement pendant un certain temps alors qu’elle continuait à lire. Ses yeux s’étaient rapidement dirigés vers le coin supérieur gauche d’une nouvelle page, remarquant à leur tour mon regard.

« Alors, tu es réveillé, Rentt, » déclara Lorraine.

On aurait dit que Lorraine avait veillé sur moi tout ce temps. Je suppose qu’elle pensait que je me lèverais après un certain temps, mais elle avait fini par lire un livre après avoir réalisé que je serais inconscient pendant une plus longue période.

Il faisait déjà nuit dehors, alors vu que je m’étais évanoui le matin, j’avais dormi presque toute la journée. C’était la première fois depuis longtemps que j’éprouvais un sommeil profond, bien qu’il semblait s’être terminé avant même que j’en aie profité pleinement.

« Ah… qu’est-ce que tu lis ? » demandai-je.

Face à ma question, Lorraine avait fermé son livre d’un coup de poing, offrant une réponse en passant ses doigts sur la couverture.

« Un livre qui décrit l’écologie des vampires — une sorte d’encyclopédie, en fait. Les entrées détaillent divers types de vampires, mais je suppose que même toi, tu connais les différences communes entre eux. Des Thralls, Des Petits Vampires, des Grands Vampires, et Vampires Majeurs… Tous les détails sur eux. Bien sûr, à mesure qu’ils augmentent en force, certains types de vampires commencent à défier les tentatives de classification. Les classifications ci-dessus ne sont pas du tout exhaustives — par exemple, les vampires qui ont vécu pendant une période exceptionnellement longue sont connus sous le nom de Vampires Anciens, et nous avons les Princesses Vampires classiques qui apparaissent dans les contes populaires et autres. Comme tu peux le constater, tu n’appliquerais pas les classifications ci-dessus à ces deux exemples précédents. »

« Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui a rencontré l’un de ces vampires. Alors, ce ne sont peut-être que des contes populaires. Même si nous prenions en compte les capacités d’un Grand Vampire, ses familiers et les membres de sa famille de sang ne constitueraient qu’un village, au mieux. Bien sûr, cela poserait problème s’ils avaient en quelque sorte infiltré une ville et créé leur propre société de vampires en son sein. Sur une autre note, ce n’était qu’une rumeur que j’ai entendue, mais… une légende dans un pays lointain parle d’un vampire crépuscule, qui avait réussi d’une certaine manière à usurper le royaume entier pour lui-même. C’est, je dirais, une véritable légende, et rien de plus. »

« Garde à l’esprit que les légendes peuvent encore avoir une part de vérité pour elles. Après tout, Rentt, n’as-tu pas rencontré un dragon légendaire, et n’as-tu pas été mangé en entier ? Peut-être que les vampires crépusculaires existent — et je pourrais même dire cela de l’Église du Ciel Oriental qu’ils adorent dans les pays de l’Est. Ai-je tort ? »

Lorraine avait signalé une faille fatale dans mon argumentation future. Après tout, j’avais personnellement vécu une rencontre avec une légende en personne. Je devrais au moins être la dernière personne à dire que les légendes n’étaient que des contes populaires.

Si je m’asseyais et que j’y réfléchissais, j’avais déjà vécu quelque chose qui dépassait les légendes typiques dont j’avais entendu parler, celle d’être mangé par un dragon et transformé sommairement en monstre. Bien que l’on puisse aussi devenir un monstre par des rituels étranges, ou en buvant du sang de vampire, les chances de succès étaient relativement faibles.

Je n’avais pas d’autre choix que de hocher la tête.

« Eh bien… Je suppose que oui. Alors… pourquoi tu lis encore ce livre ? » demandai-je.

« C’est très simple, Rentt, » Lorraine m’avait montré du doigt en réponse à ma question. « Ce que je veux dire, c’est que… »

« C’est… ? »

Ah… Je suppose que c’était pour me féliciter pour mon Évolution Existentielle.

Un léger sourire reposait sur ses lèvres pendant qu’elle prononçait ces mots.

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Partie 2

Évolution Existentielle ? Pourquoi aurait-elle soulevé cette question… ?

Je n’étais pas vraiment dans l’idée de faire l’idiot, mais je ne l’avais simplement pas remarqué jusqu’à ce que Lorraine en parle — cela m’avait fait me demander si même mon cerveau s’était décomposé depuis que je faisais partie des morts-vivants. Je n’avais pas pu trouver une bonne réplique en retour, car Lorraine avait raison.

Cependant, en toute honnêteté, j’avais ressenti un changement significatif dans tout mon corps. Comme j’étais encore très endolori après mon récent réveil, je n’arrivais pas à saisir la réalité de la situation. Mais… ça faisait vraiment un moment que je me sentais ainsi, ou que je pouvais dormir. Jusqu’à ce matin, de telles impulsions avaient été enfoncées profondément dans les recoins de mon esprit.

Je possédais une sorte de calme mortel à l’époque où j’étais un Thrall. C’était presque comme si mes émotions restaient stables, sauf quand j’avais subi ma récente évolution. Je me forçais à rire si tout le monde autour de moi riait, un signal social pour me rappeler que le spectacle devant moi était hilarant. Pour une raison ou une autre, toutes mes expériences passées me donnaient maintenant la même impression.

Douloureusement creux, oui… mais je suppose que c’est ce que c’était.

Quoi qu’il en soit, par rapport à ce que j’étais avant, je ressentais maintenant les émotions d’une manière beaucoup plus forte. J’étais encore loin d’être ce que j’étais quand je vivais, mais dans tous les cas, je me sentais moins… vide qu’avant. Le vide et le calme que je ressentais étaient moins un attribut des morts-vivants que, par exemple, le vide littéral dans les cavités de mon corps. Mon cœur, lui aussi, se sentait vide au sens figuré.

Mais je sentais mes entrailles maintenant. Mon corps, auparavant vide, était maintenant correctement rembourré. J’avais supposé que je pourrais me déchirer l’estomac et regarder… bien que cela n’ait pas du tout l’air d’être une très bonne idée.

Quoi qu’il en soit, je ne savais toujours pas de quoi j’avais l’air, si seulement j’avais un miroir à portée de main…

Comme si elle lisait dans mes pensées, Lorraine avait porté un miroir assez grand jusqu’à l’endroit où je me tenais. Le miroir avait apparemment été appuyé contre le mur tout ce temps — Lorraine l’avait probablement préparé. Elle n’avait pas de grand miroir avant, alors c’était peut-être un achat récent.

Tout bien considéré, c’était un assez grand miroir, et je me sentais un peu désolé d’avoir demandé à Lorraine de transporter une telle chose.

« Je ne vois pas vraiment la différence, » déclarai-je en me regardant dans le miroir, seulement pour être réprimandé par une Lorraine exaspérée.

« Enlève ta robe et ton masque, imbécile ! Bien sûr que tu serais pareil si tu restais habillé comme ça, Rentt. Es-tu si idiot ? » s’écria Lorraine.

J’avais obéi à ses instructions, mais dans ce cas… comment Lorraine avait-elle su que j’avais évolué… ?

Lorraine, toujours observatrice, m’avait donné une explication avant même que je puisse en demander une.

« J’ai simplement enlevé l’un de tes gants, Rentt. Même toi, tu le remarquerais rien qu’en voyant ça, » déclarai-je.

Je vois… Comme on s’y attendait de Lorraine. En levant les yeux, j’avais vu mes gants bien placés sur une petite table dans la pièce.

En regardant mes mains, j’avais été pour le moins surpris. Mes mains étaient maintenant lisses et un peu normales, ce qui contraste fortement avec ce qu’elles avaient l’air ce matin. Quiconque les avait regardées auparavant se demanderait si elles étaient faites de bâtons de bois, avec de la chair humaine séchée collée maladroitement sur elles. Ah, oui, mes mains étaient grotesques.

Bien que mes mains soient maintenant lisses et quelque peu humaines, elles étaient très pâles, comme si peu, voire pas du tout, de sang coulait à travers elles. Au moins, elles ne semblaient plus mortes-vivantes ou monstrueuses, et personne ne voulait courir vers moi pour me dire : « Ah, un mort vivant, oui ? Puis-je avoir votre signature ? » Mais bien sûr, on ne m’avait pas demandé de signature à aucun moment, que je sois un squelette, une goule ou un Thrall… simplement parce que je n’avais pas été découvert. Même si j’étais découvert, des scénarios terribles n’arriveraient plus.

Hmm… Un exemple d’un scénario terrible serait, disons, une bande de vieux hommes musclés avec des épées s’approchant de moi, en disant quelque chose du genre : « Hé, tu es un non-mort, n’est-ce pas ? Cette demande de la guilde est bien payée, tu vois… Ça te dérange si on te prend la tête ? » Argh…

Je ne voulais plus y penser. Mais avec cela dit…

« Suis-je un peu plus humain maintenant ? » avais-je murmuré.

« Je dirais que certains progrès ont été réalisés. Pour commencer, il y a des doutes quant à savoir si tu pourras un jour redevenir pleinement humain. Pour l’instant, c’est difficile à dire. Au premier coup d’œil, tu as bien sûr l’air humain. Quoi qu’il en soit, Rentt, enlève ton masque et ta robe — je ne peux pas porter un jugement de valeur sans le voir par moi-même, » déclara Lorraine.

La réponse de Lorraine semblait un peu troublée au mieux, mais elle avait raison. Comme toujours, il était insensé de s’attendre à ce que ses espoirs deviennent réalité, il était important d’être capable de faire la distinction entre les deux dans des moments comme celui-ci.

C’était comme le disait Lorraine : personne ne savait si je pourrais un jour redevenir humain. Mais le choc de cette révélation ne m’avait pas semblé m’affecter aussi durement que je le pensais. C’était peut-être à cause de la déclaration de Lorraine selon laquelle ça ne la dérangeait pas si je restais immortel pour l’éternité. Au moins, je n’avais pas eu à passer toute ma vie seule, à vivre comme une sorte de monstre paria.

« D’accord, d’accord…, » avais-je, en enlevant ma robe.

J’avais des vêtements sous ma robe, mais c’était au mieux des vêtements bon marché. Plus précisément, je ne portais que des sous-vêtements et des pantalons. Je l’avais fait exprès, principalement parce que mon corps était plein de trous à un moment donné. Si j’avais porté peu de vêtements, je craignais que ma chair ne tombe si elle en avait l’occasion.

D’un point de vue réaliste, je pourrais facilement réparer n’importe quelle zone affligée avec de la magie curative ou de la divinité. Si quelque chose tombait malheureusement, cela ne poserait pas trop de problèmes. C’était vraiment une question de préférence personnelle. Même si cela ne changeait pas grand-chose sur le plan visuel, j’avais fait preuve de diligence dans l’entretien de mon corps, tout comme certaines jeunes femmes étaient terriblement passionnées par l’hydratation de leur peau. En raison de leur obsession, le liquide visqueux avait maintenant un prix élevé — mais qui suis-je pour dire aux jeunes femmes passionnées d’arrêter de faire ce qu’elles faisaient ? Si j’avais vraiment dit quelque chose comme ça en public, on ne savait pas quand et comment je me ferais massacrer dans une ruelle sombre. Dans bien des cas, il vaut mieux tenir sa langue — tel est l’état des choses dans le monde.

« Hmm…, » Lorraine hocha lentement la tête en regardant mon corps maintenant exposé.

« Vois-tu des différences visibles… ? » demandai-je.

« Eh bien… non, pas vraiment, du moins pas de face. Il y a longtemps que je n’ai pas bien vu… Tu es bien bâti, comme prévu. Mais bien sûr, avec tout l’entraînement que tu as fait, il fallait s’y attendre… Je ne vois pas beaucoup de changements. Pourquoi ne pas le voir par toi-même, et me dire si tu te sens différent ? » dit Lorraine, après m’avoir jeté un coup d’œil.

Hmm… Y a-t-il des différences ?

J’avais regardé mon reflet dans le miroir. Malheureusement, il n’y a pas du tout eu de changements marqués. Jusqu’à présent, mon corps était relativement sec et malheureusement plein de trous. Je pouvais à peine me rappeler à quoi j’avais ressemblé dans la vie, mais c’était peut-être tout près.

La principale différence était que j’étais extrêmement pâle. J’étais même légèrement bleu dans certaines parties, probablement à cause d’un manque de sang. Mais un étranger qui verrait mon corps tel qu’il était aujourd’hui ne conclurait pas immédiatement que j’étais un non-mort. Personnellement, cela me semblait suffisant pour le moment.

J’avais maintenant de la peau, et je n’avais plus de trous dans mon corps… C’était vraiment une chose magnifique.

Les sentiments que j’avais éprouvés quand je m’étais réveillé étaient probablement la tension de ma peau nouvellement formée. Il n’avait pratiquement pas de rides, ce qui contrastait fortement avec ce que j’étais avant. C’était comme si je venais de naître.

« Froid…, » murmurai-je.

Un frisson sur mon dos — un peu alarmant, sans doute, mais ce n’était que la main de Lorraine, caressant doucement la peau de mon dos.

« … Une peau que la plupart des jeunes femmes envieraient, oui, » elle hocha la tête, apparemment satisfaite. « Ce n’est plus une régénération… plus une nouvelle naissance, une nouvelle création de peau — d’où la douceur. Tu es un homme, bien sûr, et surtout un aventurier qui a vécu une vie très difficile, à parcourir les labyrinthes et tout ça. Ta peau était rugueuse avant, mais maintenant… »

Dans le passé, Lorraine s’occupait de moi quand j’avais été blessé, et regardait mon haut du corps nu de façon claire, en plus de le toucher pour soigner mes blessures. Je suppose que ma peau était beaucoup plus lisse maintenant que dans ses souvenirs.

« Pas une seule blessure ou cicatrice non plus…, » Lorraine avait poursuivi. « Tu as déjà eu une vieille blessure ici, non ? Cette grosse entaille dans le dos… Elle avait laissé une sacrée marque, celle-là. Mais tout est parti maintenant. »

Comme Lorraine l’avait dit, toutes les cicatrices que j’avais dans ma vie antérieure avaient maintenant complètement disparu. Je suppose que mon corps s’était littéralement reconstruit après que je sois devenu un non-mort vivant, expliquant leur disparition. Quoi qu’il en soit, je ne pouvais pas en être absolument sûr, mais ce n’était pas comme si je me souciais vraiment de mes cicatrices.

Lorraine m’avait interrompu avant que je n’aie pu exprimer mon opinion sur le sujet.

« Aucune de tes vieilles cicatrices ne reste… même pas celle-là. Les aventuriers aiment avoir des cicatrices de cette nature, non… ? Eh bien, rien ne peut être fait maintenant qu’elles sont parties…, » déclara-t-elle, comme si elle pleurait la perte d’un grand artefact.

Elle semblait plus déprimée que je ne pourrais jamais l’être. C’était peut-être comme si les enfants se sentaient quand les points de suture d’un doudou bien-aimé disparaissaient.

« Eh bien, pas trop de changements ici et là, vraiment, à part ces petites ailes sur le dos…, » Lorraine poursuivit, d’une manière très décontractée. « Rien d’autre d’intéressant, non. »

Elle avait livré la révélation soi-disant surprenante avec un ton de voix impassible.

***

Partie 3

« Des ailes ? » demandai-je.

J’avais incliné la tête d’un côté, un peu théâtralement à cause du choc. Lorraine avait fait de même en réponse.

« Ne l’as-tu vraiment pas remarqué, Rentt ? » demanda-t-elle simplement.

Ce n’était probablement pas l’intention de Lorraine de garder le silence sur ça. Si je devais le deviner, elle avait simplement supposé que je savais pour les ailes présentes sur mon dos. Malgré tout…

« Comment pourrais-je me tourner et regarder mon dos ? Je ne peux pas vraiment m’attendre à le remarquer, non ? » avais-je dit à Lorraine que je me sentais un peu incrédule face à toute cette situation.

« Eh bien, elles bougeaient — ou plutôt, elles tremblaient — un peu plus tôt, Rentt. J’ai juste supposé que tu les déplaçais consciemment. Toutes mes excuses. Donc, elles bougent inconsciemment, de leur propre chef ? Comme les paupières, peut-être… ? Ah, oui, oui. Un autre miroir. Je vais en chercher un… Il est probablement difficile de se retourner et de fixer son dos. J’ai exactement ce qu’il faut… Attends un peu, » déclara Lorraine.

En disant cela, Lorraine avait fouillé dans une zone proche de quelques étagères dans sa chambre avant de faire une pause et de ramasser un miroir.

Même si je vivais temporairement ici, c’était la maison de Lorraine. De plus, j’avais très peu de biens personnels, et la plupart de ce qui restait dans les étagères et les coffres de rangement de cette pièce appartenaient à Lorraine.

Tenant le miroir qu’elle avait trouvé, Lorraine se tenait derrière moi, reflétant une image de mon dos dans le miroir que je regardais. Avec cela, je pouvais voir mon dos, et reflété dans le miroir n’étaient nul autre que…

« Je suppose que c’est bien des ailes…, » déclarai-je.

« Oui, Rentt. Des ailes. Les membranes de vol sont également un terme acceptable à utiliser — quel que soit le nom qu’on leur donne, en fait. Exactement comme je te l’ai dit, non ? » demanda Lorraine.

Des ailes… Les protubérances sur mon dos étaient indubitablement ça. Deux ailes symétriques, l’une à droite et l’autre à gauche, poussaient de quelque part le long de mes omoplates du milieu de mon dos. Elles n’étaient pas à plumes, pas comme celles d’un oiseau. Elles ressemblaient plutôt aux ailes minces et coriaces d’une chauve-souris, aux membranes et tout ça. Bien qu’elles aient été pliées en une forme un peu compacte, j’avais découvert que je pouvais un peu les déplacer si je me concentrais sur ça.

 

 

Témoin de cela, Lorraine semblait satisfaite du spectacle.

« Ah, donc tu peux les déplacer tout seul. Que se passait-il à l’instant… ? » demanda Lorraine.

Lorraine posa ses mains sur mes appendices nouvellement germés, inspectant apparemment leurs membranes et les étirant doucement. C’était chatouilleux, mais Lorraine savait mieux que quiconque vu qu’elle était après tout une universitaire respectable dans le domaine de la recherche sur les monstres.

Permettre à Lorraine d’inspecter minutieusement mon corps avait contribué à ma propre connaissance de mes capacités. Je n’avais pas d’autre choix que d’accepter ses comportements de curiosité pour le moment…

« Hé maintenant, Rentt. Tu ne devrais pas essayer de t’envoler…, » déclara Lorraine, un peu catégoriquement.

« M’envoler ? Je ne me souviens pas avoir tenté de le faire, » déclarai-je.

« Ah, mais c’est exactement ce que tu fais, Rentt. Pas ton corps, peut-être, mais tes ailes, certainement. Où devrais-je plutôt les appeler membranes de vol ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas de fortes convictions quant aux termes que je devrais utiliser pour décrire tes mécanismes de vol, alors je suppose que l’un ou l’autre terme est acceptable. Cela étant dit, ne bouge pas tes ailes. Elles s’échappent de ton contrôle, et elles voltigent par-ci par-là, » déclara Lorraine.

Désireux de les maintenir immobiles, je m’étais tenu dans un silence relatif.

« Bien. Cela ne semble plus bouger maintenant, » dit Lorraine d’un ton de voix satisfaisant.

Pourtant, Lorraine semblait encore perplexe devant ce qu’elle avait vu il y a peu de temps. Elle marmonnait en tournant la tête partout, en grande partie pour elle-même.

« Pourquoi l’avoir fait… tout à l’heure. Hmm. Je vois. C’est peut-être…, » murmura Lorraine.

Lorraine avait commencé à me toucher les ailes d’une manière étrange, presque comme si elle avait l’intention de me chatouiller. En jetant un coup d’œil au miroir, j’avais aperçu l’expression de Lorraine — bien sûr, elle avait un léger sourire bien visible sur son visage.

Il semblait que Lorraine me chatouillait délibérément les ailes.

Quoi qu’il en soit, je n’étais pas du genre à céder. En gardant mon calme, j’avais voulu garder mes ailes immobiles et, pendant un moment, je n’avais pensé qu’à ça. Même si c’était chatouilleux, je pourrais tolérer ça. S’il y avait une volonté, il y avait un moyen, même si elle l’avait fait pendant des heures.

Oui, des heures… sur des heures… sur la fin. Non… Pas de problème… Argh ! C’est trop !

Après ça, ma lutte pour l’indépendance contre les secousses d’ailes involontaires s’était terminée. Et à ce moment précis…

« Oh ! Le voilà. Tu viens de bouger tes ailes consciemment, Rentt ? » demanda Lorraine.

« Non. C’était chatouilleux, mais j’ai tenu aussi longtemps que j’ai pu… C’est ce que je voulais faire, » déclarai-je.

Je ne pouvais plus tolérer les mouvements de mains diaboliques de Lorraine vers la fin de ma courte résistance, mais il était vrai que je n’avais pas consciemment bougé mes ailes à un moment donné.

« Alors, c’est comme je m’y attendais, » Lorraine hocha la tête en entendant ma réponse. « Tu peux les déplacer de ton plein gré… Mais elles se déplacent aussi involontairement de temps en temps. Tes ailes voltigeaient ici et là pendant que j’essayais de les chatouiller, comme si elles avaient leur propre volonté… Par moments, il semblait presque que deux entités distinctes se battaient pour le contrôle de ces ailes. Tu as abandonné à la fin, n’est-ce pas ? »

« Oui. C’était un peu trop pour moi, » répondis-je.

« À ce moment-là, le subconscient a arraché le contrôle de tes ailes à ton toi conscient. C’est pourquoi tes ailes s’éloignaient de moi de leur propre gré… comme la queue d’un animal, si tu veux, » expliqua Lorraine.

Il semblait que Lorraine en était arrivée à une étrange conclusion. Voulait-elle dire qu’elle pouvait lire mon état d’esprit et mes émotions actuelles et que tout cela affectait les mouvements de ces ailes ? Même si les observations de Lorraine n’allaient pas si loin, le fait que mes ailes bougeaient parfois de leur propre chef posait quelques problèmes, l’un d’eux étant que je ne serais plus capable de cacher mes pensées efficacement. D’un autre côté, il serait impossible de marcher dans les rues de Maalt avec une paire d’ailes dans le dos.

Hm… ?

Oui, il y avait quelque chose d’autre à cela… peut-être, un autre problème.

« Ne serait-ce pas un peu terrifiant pour mes ailes de sortir de mon dos, ou de se déplacer par elles-mêmes sous mes vêtements ? » demandai-je.

« Nous verrons bien, » répondit-elle.

Lorraine alla chercher ce qui semblait être des vêtements bon marché, apparemment en lin. En m’habillant, je m’étais retourné, permettant à Lorraine d’inspecter mon dos.

« Eh bien ? » demandai-je.

« Hmm… Eh bien, oui, c’est vraiment terrifiant. Il semble que quelque chose sur ton dos fait saillie et bouge. C’est très inconfortable à regarder, » répondit Lorraine.

Je ne le voyais pas moi-même, mais je pouvais imaginer l’horreur que cela inspirerait au Maaltesien moyen. Après tout, il y avait des monstres qui avaient la mauvaise habitude de pondre leurs œufs à l’intérieur des humains, et j’avais moi-même vu des spectacles si horribles dans ma longue carrière d’aventurier. La surface de leur peau bougeait et ondulait, comme si mille vers de terre les traversaient. C’était vraiment un spectacle révoltant et horrifiant. Enfin… ils perceraient la peau, éclatant à travers l’hôte dans un spectacle malheureusement explosif.

C’était l’un des souvenirs les plus grotesques que je puisse me rappeler de ma vie antérieure. En fait, c’était probablement l’un des trois premiers.

Les deux autres souvenirs grotesques étaient les morceaux pourris de mon corps que j’avais vu pendant ma période en tant que goule et Thrall. Pouvoir voir ses organes — ses organes desséchés, en plus — était horrible. Il n’y avait tout simplement pas d’autre solution.

Je m’étais habitué, pour le meilleur ou pour le pire, à les voir ces derniers temps… Mais maintenant, une chose tout aussi grotesque était sur mon dos ? Non. Ça ne suffirait pas du tout…

Non. C’est terrible !

Lorraine, qui m’observait depuis le début, m’avait finalement fait une suggestion.

« Maintenant que j’y pense, Rentt… Ne pourrais-tu pas simplement plier ces ailes ? La plupart des monstres sont capables de le faire, rétractant leurs ailes dans leur corps ou autre, » demanda Lorraine.

« Je suppose que tu as raison. Certains monstres sont capables de tels… Mais comment je m’y prendrais ? » demandai-je.

« Comme si j’allais connaître la réponse ! Commence par l’imaginer dans ta tête, Rentt. Peut-être se déplaceront-elles avec une pensée forte ou deux… ? » demanda Lorraine.

Pendant un bref instant, nos yeux s’étaient croisés, et j’avais pu discerner du regard de Lorraine que nous étions tous les deux du même avis. Oui, c’était une conversation idiote, mais nous avions malheureusement dû en avoir une. D’un point de vue réaliste, il n’y avait pas vraiment de solution, étant donné que j’étais le seul dans la zone qui se trouvait dans des circonstances aussi étranges. Ce n’était pas comme si je pouvais simplement regarder quelqu’un d’autre pour m’inspirer de ce que je devais faire.

Quoi qu’il en soit, il serait sage de suivre les indications de Lorraine pour l’instant.

J’avais fermé les yeux et j’avais pensé à replier mes ailes dans mon corps — et avec une force soudaine, j’avais ressenti quelque chose me pousser légèrement sur le dos.

« Oooh ! » Lorraine, qui avait regardé tout ce temps, avait lâché un peu d’encouragements. Elle avait l’air très impressionnée en me tapotant le dos. « Tu as réussi, Rentt ! Ils sont pliés proprement maintenant. »

Levant la chemise de lin que je portais, Lorraine m’avait regardé dans le dos, apparemment sans avoir encore terminé son inspection.

« Hm… Oui. Je ne peux plus les voir, Rentt. Hmm… Je commençais juste à m’amuser avec elles aussi. Je suppose que ces comportements se situent à l’intérieur des paramètres acceptables…, » Lorraine hocha la tête, surtout à elle-même. « Est-ce que cela fait mal quelque part, Rentt ? »

« Il y a un sentiment de pression, » avais-je répondu honnêtement, « comme si mes organes étaient pressés en moi. Même ainsi, je suppose que mes ailes ne feraient pas que sauter — . »

« BOO !! » s’écrie Lorraine, soudain et bruyamment.

J’avais été, bien sûr, surpris. Comme c’est différent d’elle ! J’avais bien envie d’exiger une réponse de Lorraine, mais j’avais été accueilli par un regard exaspéré quand je m’étais retourné. Lorraine n’avait pas l’air très amusée.

Et tout ce que je voulais, c’était d’assurer à Lorraine que mes ailes ne bougeraient pas d’elles-mêmes…

« Je vois que ce tu n’es pas bon avec les surprises…, » déclara Lorraine.

Lorraine leva le miroir qu’elle tenait, et à l’intérieur se reflétait mes ailes déployées et tendues. Pour empirer les choses, elles n’étaient pas détendues et quelque peu pliées, comme elles l’étaient avant, mais elles étaient grandes ouvertes. Je ne pouvais qu’imaginer ce qui se passerait si quelque chose me faisait sursauter dans la rue. Est-ce que des ailes jailliraient soudainement de mon dos, suivies par des cris aigus des citadins à propos du diable, ou quelque chose du genre ?

C’est une bonne chose que nous l’ayons découvert si tôt… Oui, c’est une bonne chose…

***

Partie 4

« Eh bien. Je suppose qu’il n’y avait rien que nous puissions faire à ce sujet… Fais de ton mieux pour ne pas te faire surprendre souvent, Rentt, » déclara Lorraine, d’une voix un peu décontractée.

Comme c’est terrible.

Bien que j’aie essayé de trouver une solution avec Lorraine, le problème en cause semblait intrinsèquement insoluble, et c’était l’impression que j’avais eue de notre conversation. Mais, être mentalement résistant aux surprises n’était pas une compétence que je pouvais acquérir du jour au lendemain… Le mieux que je peux faire avait été de replier mes ailes immédiatement après avoir été surpris, et peut-être d’être conscient de garder mes ailes repliées tout au long de la journée. C’était là les deux solutions les plus réalistes au problème.

« Il vaudrait mieux que je puisse faire quelque chose par pure volonté…, » déclarai-je.

« Rentt, tu devrais au moins faire plus attention à Maalt. Ce serait un peu plus facile dans les labyrinthes en explorant seuls, sans qu’aucun autre aventurier te regarde dans le dos. Maintenant, même si quelqu’un a vu, tu pourrais simplement prétendre que c’était un de tes tours de magie originaux, ou une autre excuse créative que tu aurais pu trouver. »

Ce n’est pas vraiment une explication ou une excuse, mais je suppose que je n’aurais pas vraiment le choix dans une telle situation.

En y pensant calmement, même si mes ailes perçaient les vêtements que je portais, elles ne perceraient probablement pas ma robe. Après tout, ma robe était assez solide pour me défendre même contre les attaques de monstres. Peu importe la volonté ou la violence que mes ailes avaient décidé d’obtenir, un simple déploiement ne serait pas à la hauteur d’un coup intentionnel. En tenant compte de cela, ma robe resterait très probablement intacte.

« Par ailleurs, Rentt. Tes ailes… penses-tu que tu es maintenant capable de voler ? » Lorraine me regardait encore dans le dos.

Alors que je m’inquiétais des étranges appendices qui surgissaient soudainement de mon dos, il était tout à fait possible qu’ils aient eu leurs propres fonctions bénéfiques. Honnêtement, même moi, j’étais curieux de savoir ce que ces ailes pouvaient faire.

Pour commencer, les ailes étaient faites pour voler, et la plupart de ce que j’avais vu dans ma vie le suggéraient. Bien sûr, il y avait des oiseaux qui ne volaient pas sur ces terres. Bien qu’ils aient eu leurs propres ailes, elles avaient été ignorées dans une certaine mesure, d’où l’absence de vol de ces créatures.

« Je suppose que je devrais l’essayer…, » déclarai-je.

J’avais enlevé ma chemise et déployé mes ailes. Elles n’étaient en aucun cas grosses, pas même déployées, un simple coup d’œil suffisait pour m’informer que ces ailes étaient physiquement incapables de voler.

Mais pouvoir voler était une sorte de romance en soi. Comme je n’étais pas capable d’utiliser la magie du vol, un dirigeable ou ces ailes étaient les seuls moyens possibles pour m’élever dans le ciel. J’avais donc battu des ailes aussi fort que je le pouvais, impatient de voir si je pouvais réaliser mes rêves de vol.

Et pourtant…

« Je vois. Peut-être devrions-nous vérifier d’autres aspects de tes nouveaux appendices, » déclara Lorraine, sans le moindre signe de pitié en observant mes battements futiles.

Il était clair quant à ce qu’elle voulait dire : j’étais physiquement incapable de voler. J’avais beau essayer, mes pieds avaient à peine décollé du sol. Tout ce que j’avais pu faire, c’est créer une légère rafale dans la pièce.

« Non… Pas encore. Je dois juste mettre plus de puissance dedans ! Il doit y avoir des pouvoirs cachés dans ces ailes ! » déclarai-je.

J’avais intensifié mes mouvements, refusant d’abandonner.

Lorraine hocha la tête sagement. « Utile en été, sans doute. Ça crée une bonne brise, tu vois. »

Une déclaration froide.

Maudite soit-elle !

Était-ce tout ce que je pouvais faire ? Est-ce que toutes ces ailes en étaient capables ?

Non. C’est impossible ! Je devrais être capable de voler. Je devrais pouvoir voler à travers les cieux !

Manquait-il quelque chose ? Était-ce pour ça que je ne pouvais pas voler à ce moment-là ? C’était quoi ce mystérieux… quelque chose ?

Hmm. Je m’étais souvenu que certains dragons n’étaient pas capables de voler simplement parce qu’ils avaient des ailes… Les ailes seules ne pouvaient pas espérer soulever un corps aussi lourd… ou quelque chose comme ça ? Si oui, ne serais-je pas dans la même situation ?

Je m’étais tourné vers Lorraine pour obtenir des réponses.

« Eh bien… Blague mise à part, on dit souvent que les monstres aux masses corporelles énormes s’envolent souvent à l’aide de réserves de mana ou d’esprit. Dans tous les cas, je ne connais pas les détails précis et les détails exacts, bien sûr, mais cela vaudrait la peine d’essayer, » déclara Lorraine.

Lorraine venait de faire l’idiote, alors elle avait maintenant une suggestion légitime à me faire.

Je suppose qu’il fallait s’y attendre, puisque Lorraine était du genre à penser à toutes les solutions possibles à un problème. Étant donné son caractère, il ne serait pas étrange qu’elle en soit déjà arrivée à cette conclusion avant même que j’y pense.

En hochant la tête à Lorraine, j’avais commencé à infuser du mana dans mes ailes.

« Ah… Comme je m’y attendais…, » déclara Lorraine, avec un soupçon d’admiration dans sa voix alors qu’elle continuait à me fixer dans ma direction.

Comme le montrait sa réaction, j’avais décollé du sol et flottais maintenant en l’air. L’expérience m’avait semblé être un succès, et l’infusion de mana dans mes ailes était la bonne approche.

Cependant…

« Ne peux-tu pas aller plus haut, Rentt ? » demanda Lorraine.

Pour répondre à la question de Lorraine, la hauteur à laquelle je volais était un peu basse — tout au plus, on pouvait mettre environ deux gros livres entre mes pieds et le sol. Il serait peut-être plus approprié de dire que je flottais plutôt que de voler.

Il n’était pas difficile de comprendre pourquoi Lorraine disait ça, car même moi, je ressentais la même chose. Pour moi, voler, c’était s’envoler librement dans le ciel, et peut-être même faire quelques virages serrés. Je ne pouvais en aucun cas me satisfaire de ce maigre degré d’élévation.

J’avais essayé beaucoup de choses pour augmenter mon élévation, du renforcement de mon flux de mana et à la flexion de diverses parties de mon corps. Hélas, rien de ce que j’avais fait ne semblait affecter la hauteur à laquelle je pouvais voler.

« Je suppose que c’est tout…, » déclarai-je.

Lorraine m’avait donné quelques bonnes claques dans le dos alors que je m’étais affalé les épaules en signe de déception.

« Là, là, là. Dans tous les cas, tu peux éviter les pièges au sol grâce à cela. Pas trop mal, non ? Après tout, les trous au sol sont le roi des pièges — les plus simples, mais aussi les plus meurtriers, lorsqu’il s’agit de tuer des aventuriers, » déclara Lorraine.

Lorraine me consolait de toute évidence. Malgré tout, elle n’avait pas tort. Alors que les labyrinthes étaient souvent pleins de pièges, le plus mortel de tous ces engins compliqués n’était autre que les pièges les plus simples. Ils étaient souvent apparus en grand nombre, et leur construction simple les rendait difficiles à détecter.

Les pièges qui s’activaient lorsqu’on les piétinait étaient trop courants, peut-être comme une lance qui surgirait d’un trou dans le sol ou d’une flèche venant dans les crevasses d’un mur. Peut-être qu’un mécanisme plus ingénieux était en place, et qu’un danger invisible attaquerait l’aventurier s’il levait le pied. Malgré cela, on pourrait s’habituer à ce genre de pièges, et éventuellement voir à travers leur trahison.

Le piège à fosse, cependant… Il pouvait exister n’importe où, et il était difficile à détecter. Même moi, j’avais failli être leur proie à de nombreuses reprises… et à quelques reprises, j’étais tombé dans ces fosses. Heureusement, j’avais réussi à sortir de peu avant d’être tombé au fond, par exemple en balançant un grappin sur une corde que j’avais heureusement apportée et sortis. Bien sûr, une seule erreur dans une telle situation conduirait sans aucun doute à la mort. Ce n’était pas vraiment la chose la plus joyeuse à se rappeler, mais maintenant que j’avais ces ailes, je pouvais au moins éviter ces pièges mortels terriblement simples.

« Quoi qu’il en soit… si possible, j’aimerais quand même voler à de plus grandes hauteurs… Pour s’envoler dans les cieux…, » déclarai-je.

Dans mon chagrin, j’avais attrapé la télécommande du petit dirigeable. Comme prévu, il avait décollé rapidement et avec élégance — j’étais loin de ses mouvements de vol raffinés.

Le petit dirigeable volait librement dans les airs.

Ah… oui. C’est ce que je veux réaliser…

Soudain, j’avais légèrement incliné la tête, vaincu par un profond sentiment de perte. Lorraine m’avait rapidement rassuré, avec un soupçon d’inquiétude dans sa voix.

« Attends, attends. Il doit y avoir plus que ça, Rentt. Tu n’as toujours pas essayé certaines choses ! Que dirais-tu de l’esprit ou de la divinité, et non de la magie, la prochaine fois ? »

Lorraine avait raison : cela valait la peine d’essayer.

Il y avait encore de l’espoir. Je n’étais pas encore interdit de volé haut dans les cieux.

Solennellement, j’avais reposé le petit dirigeable au sol avant de ranger la télécommande. Revenant au centre de la pièce, j’avais déployé mes ailes une fois de plus. Avec le signe de Lorraine, j’avais insufflé tout mon esprit dans mes ailes.

Oui. Ça doit être ça !

Un bruit étrange avait rempli mes oreilles, un gémissement ? Avant de pouvoir identifier correctement ce son, j’avais réalisé que ma tête avait été violemment poussée dans le mur.

« R-Rentt ! Vas-tu bien !? Rentt ! » cria Lorraine.

La voix alarmée de Lorraine résonnait dans mes oreilles alors que ma tête restait à moitié enfoncée dans le mur de sa demeure.

***

Partie 5

Il n’y avait aucun dommage… à ma tête.

Encore une fois : aucun dommage.

« C’était quoi… ? » avais-je demandé en sortant lentement ma tête du mur.

La structure s’était légèrement effondrée en réponse, des morceaux du mur s’étaient détachés et étaient tombés sur mon visage. C’était peut-être à cause de la vitesse à laquelle je l’avais percuté, mais des morceaux du mur avaient été réduits en poudre, recouvrant mon masque d’un mince film blanc.

« Ce sont mes mots, Rentt… Vas-tu vraiment bien ? Tu as foncé la tête la première dans le mur à une vitesse assez élevée, » déclara Lorraine.

Lorraine affichait sur son visage l’expression de quelque chose entre le choc et l’étonnement. Si j’étais elle, j’aurais aussi porté la même expression. Nous étions au milieu d’une expérience de vol inoffensive, après tout, on ne se précipite pas dans des espaces clos plus vite que l’œil ne peut le voir quotidiennement. Pour empirer les choses, j’avais à moitié enterré ma tête dans le mur de sa demeure.

« Hmm… Oui, en fait, oui. C’est peut-être à cause de l’Évolution Existentielle, mais je ne ressens pas vraiment de douleur. J’ai l’air en grande partie indemne, » déclarai-je en inspectant mon corps alors que je répondais à la question d’une Lorraine préoccupée.

« Je vois ça, Rentt. Tu es en effet indemne — non pas que je puisse cependant dire la même chose pour ma maison. Je devrais réparer ça maintenant…, » déclara Lorraine.

Lorraine se tenait debout, enchaînant un sort sous son souffle. En quelques secondes, le mur endommagé recouvrait lentement son trou béant, et en peu de temps, il était à nouveau entier.

C’était un mur simple, fait de briques et d’autres choses du genre, donc il ne nécessitait pas de réparations magiques compliquées. Mais les sorts utilisés pour réparer les trous et autres dégâts n’étaient pas aussi simples que la magie d’attaque. Il s’agissait de sorts très compliqués et techniques, qui exigeaient beaucoup de connaissances de la part du lanceur. Lorraine semblait se spécialiser dans les sorts de cette nature et était capable de réparer les dégâts sans même lever le petit doigt.

La plupart des gens qui connaissaient bien les sorts de cette nature étaient des mages appartenant à une guilde d’architecte ou à une autre, et ils vendaient souvent leurs services à des nobles et à d’autres riches clients dans la capitale. Inutile de dire que de tels mages étaient relativement rares.

Il n’était pas facile d’apprendre les sorts en question, et même si l’on en comprenait les bases, l’application réelle de telles magies était au mieux difficile.

Mais Lorraine, en revanche… Elle n’avait pas l’air d’avoir trop de problèmes de son côté. Même si elle cessait un jour d’être érudite, il ne faisait aucun doute qu’elle pourrait facilement gagner sa vie dans d’autres domaines, plus variés.

Mon avenir, en comparaison, était un peu plus ennuyeux. Que ferais-je si j’arrêtais de m’aller à l’aventure ? Peut-être, devenir membre du personnel de la Guilde des Aventuriers ? Si ma mémoire était bonne, Sheila avait dit quelque chose de ce genre. Mais je n’avais pas l’intention de le faire, bien sûr.

« Et c’est comme avant que le mur s’effondre. Maintenant, si je devais deviner… c’était toi qui insufflais de l’esprit dans tes ailes, oui ? » demanda Lorraine.

Lorraine s’était tournée vers moi alors qu’elle terminait ses dernières réparations. J’avais hoché la tête en réponse.

« C’est vrai. J’ai infusé une grande quantité de mana dans mes ailes, mais je ne pouvais flotter qu’à basse altitude. J’ai supposé qu’il serait sûr d’infuser une quantité tout aussi grande d’esprit à la fois, et ainsi…, » déclarai-je.

« Parfois, je ne suis pas tout à fait sûre si tu réfléchis trop, ou si tu ne penses pas du tout, Rentt… Expérimenter lentement ne te tuerait pas vraiment. Pourquoi cette hâte ? » demanda Lorraine.

Lorraine me réprimandait avec son expression exaspérée, que j’avais connue au fil des ans.

Mais c’était comme elle l’avait dit : j’aurais dû en infuser une petite quantité dans mes ailes par précaution. J’avais été consumé par ma soif de voler, et ma hâte avait fini par causer un accident mineur. Je n’avais pas pu réfuter les arguments de Lorraine.

« Je ferai plus attention la prochaine fois, » déclarai-je.

« Veux-tu bien le faire, Rentt ? J’espère que tu t’en souviendras. Que dirais-tu d’infuser lentement de l’esprit dans tes ailes cette fois-ci ? » demanda Lorraine.

J’avais acquiescé d’un signe de tête obéissant à la suggestion de Lorraine. Ce serait un problème si je m’envolais à nouveau au hasard dans une direction étrange.

Je m’étais positionné au centre de la pièce. Il aurait peut-être été sage de tourner le dos au malheureux mur, car je n’avais aucun moyen de savoir où je m’envolerais ensuite. Quoi qu’il en soit, on pouvait supposer que je ne ferais plus de trous dans la maison de Lorraine tant que je n’aurais pas insufflé une quantité déraisonnable d’esprit dans mes ailes d’un seul coup.

Étonnamment, une petite quantité était suffisante pour générer une quantité notable de poussées vers l’avant avec mes ailes — comme Lorraine l’avait dit, ce que j’avais auparavant déjà fait de façon drastique.

Ma vitesse de poussée augmentait avec l’intensité de mon infusion d’esprit — un peu simple. Mais j’avais vite atteint un seuil de sécurité. Si j’en faisais plus, je provoquerais des rénovations non autorisées.

Il semblait difficile d’effectuer d’autres tests à l’intérieur. Lorraine, qui observait mes mouvements, avait une autre suggestion à donner.

« Hmm. Ainsi, l’esprit génère la poussée, et le mana te permet de flotter librement… Ne pourrais-tu pas bouger avec une infusion de mana seule ? Ou n’est-ce pas possible ? » demanda Lorraine.

« Je ne dirais pas que… peut-être un peu, » déclarai-je.

Pour le démontrer, j’avais laissé la puissance de l’Esprit de mes ailes s’estomper, puis je les avais à nouveau imprégnées de mana. Je flottais un peu à gauche et à droite, bien qu’il s’agissait de mouvements très lents. Mais je bougeais quand même un peu. Si je devais le dire, alors je flottais d’un côté à l’autre à la même vitesse que si je marchais.

« Ne serais-tu pas capable de voler si tu flottais avec le mana, et que tu te poussais ensuite en avant avec l’esprit, Rentt ? » demanda Lorraine.

« Je n’ai jamais essayé ça. Je suppose que je devrais… voilà, » déclarai-je.

L’utilisation des deux forces serait quelque peu difficile d’un point de vue technique, mais j’avais été capable de faire quelque chose de similaire avec mon Art Fusionnel mana-esprit. Bien sûr, une personne qui aurait formé ses compétences d’une manière plus classique considérerait probablement mes méthodologies comme étranges. Personnellement, cependant, j’étais habitué à mes applications désordonnées, il m’était donc tout à fait possible d’infuser mes ailes d’esprit et de mana en même temps.

J’avais des soucis, comme m’envoler soudainement dans une direction aléatoire à nouveau. Les effets de l’Art Fusionnel mana-esprit étaient aussi pour le moins inquiétants, surtout qu’une telle attaque avec ma lame avait fait imploser violemment les organes internes de ma cible… Dans cette veine, je préférerais de loin que mes ailes ne fassent pas la même chose.

Je devrais être très prudent…

C’est ainsi que j’avais commencé à infuser de petites quantités d’esprit et de mana dans mes ailes, d’une manière un peu effrayante et appréhensive. Étonnamment, je n’avais pas explosé et aucune partie de moi n’avait implosé. En fait, j’avais avancé d’une distance considérable et j’étais maintenant capable de modifier ma vitesse en changeant la quantité d’esprit dans mes ailes. C’était plutôt bon.

Non, très bien ! Je vole ! Je vole !

Au moins, j’avais l’impression de voler. En réalité, je flottais encore à une courte distance du sol. Néanmoins, l’excitation que j’avais ressentie était sincère.

Avec une forte poussée d’esprit, je pouvais voler jusqu’à des hauteurs importantes, puis glisser lentement à partir de ces altitudes. Strictement parlant, je planais plus que je ne volais. Puis, une soudaine compréhension s’était manifestée en moi.

J’ai évolué ! L’Évolution Existentielle m’a fait devenir un écureuil volant.

Attends…

Ce n’était pas tout à fait ce que je voulais dire. C’était loin d’être le cas.

Pourquoi étais-je passé d’un Thrall à un écureuil volant ? Cela n’avait aucun sens. Et pourquoi n’avais-je pas encore implosé… ? Je m’étais concentré, et j’avais vite découvert la réponse dans le flux d’énergies qui coulait à travers mes ailes.

Pour être précis, il s’agissait de flux d’énergie distincts, contrairement au mélange volatile que j’avais utilisé dans mes attaques d’Art Fusionnel mana-esprit. Mes ailes en forme de chauve-souris étaient composées de membranes de vol souples et d’une structure de soutien plus rigide. Selon les observations scientifiques de Lorraine, les membranes étaient des membranes de vol et les parties rigides étaient des os phalangiens. Quoi qu’il en soit, le mana avait traversé ces membranes, et l’esprit avait traversé mes os — dans des circuits séparés, bien sûr.

Curieux, j’avais essayé d’insuffler de l’esprit dans les membranes et vice versa, mais cela ne semblait pas physiquement possible. Je suppose que les deux ne devraient pas vraiment être mélangés quotidiennement, surtout parce qu’ils exploseraient autrement. Mes ailes avaient-elles été conçues en tenant compte de ces considérations ? Je ne connaissais pas grand-chose à la physiologie des monstres.

J’avais expliqué mes pensées à Lorraine.

« Très intéressant, Rentt… Mais oui, bien sûr, compte tenu des implications des Arts Fusionnels en physiologie… C’est logiquement sain, oui. Je ne peux pas faire de déclarations concrètes avant d’avoir procédé à un examen approfondi. Mais avec ça, on dirait que tu peux voler avec tes ailes. Tu vois, Rentt ? Pas si inutile, après tout. Tout est bien qui finit bien, » déclara Lorraine.

Un doux sourire illuminait ses traits. Elle avait continué.

« La dernière expérience serait la divinité…, » annonça-t-elle.

Ayant imprégné mes ailes de mana et d’esprit, je suppose que c’était la chose logique pour rayer la liste proverbiale.

La divinité était, à bien des égards, une capacité spéciale. C’était puissant, mais la nature de la divinité variait aussi, selon l’entité qui avait conféré la bénédiction au départ. Dans mon cas, j’avais été béni par certains esprits qui avaient habité un sanctuaire en ruines que j’avais été contraint de réparer. D’après ce que j’avais vu, il s’agissait d’une sorte d’esprit végétal — enfin, si l’on en croit les observations de Clope. Cependant, pour canaliser une telle divinité à travers mes ailes monstrueuses… Il y avait beaucoup trop de variables en place pour que je puisse penser à des précédents plausibles ou à des possibilités quant à ce qui pourrait arriver.

Quoi qu’il en soit, je devais quand même l’essayer. Il serait crucial d’avoir des connaissances, surtout dans les situations de vie ou de mort. Connaître ses outils était tout aussi important que savoir quand et où les utiliser — l’un des nombreux principes de base de l’aventure, et tous les aventuriers les plus expérimentés les connaissaient.

À l’aide d’une profonde respiration, j’avais calmé mon esprit, me préparant mentalement à ce qui pourrait se passer. Lentement mais sûrement, j’avais senti la divinité couler dans mes ailes. Et puis…

« Vraiment… Magnifique…, » des mots étranges, surtout de la bouche de Lorraine.

« Hein ? » demandai-je.

« Eh bien… tu vois, Rentt. Tes ailes… brillent, » déclara Lorraine.

Il va sans dire que même moi, j’avais été surpris par ces mots.

***

Partie 6

Que veut dire Lorraine ? Mes ailes brillent-elles littéralement ?

C’est la première chose qui m’avait traversé l’esprit lorsque j’avais analysé les paroles de Lorraine. Je me retournai quand même, ne fût-ce que pour affirmer ce qu’elle disait, puis je fixai aussitôt mon reflet dans le miroir.

C’était exactement ce qu’elle avait dit : contrairement à leur état il y a quelques instants, les ailes sur mon dos brillaient, enveloppées d’une lumière blanche et vive. Ce n’était pas une lumière forte, certainement pas la lueur de la magie d’attaque ou une lueur agressive. Au contraire, elle était douce, avec des taches de lumière qui en tombaient comme des flocons de neige silencieuse.

Je comprenais pourquoi Lorraine disait cela. La lumière qui enveloppait mes ailes était fantastique, presque incroyable dans sa nature.

Maintenant, alors que tout cela était bien, j’avais comme de la suspicion face à mes nouvelles ailes qui brillaient.

« Magnifique… peut-être. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement… ? » J’avais réfléchi, en inclinant la tête alors que je continuais à réfléchir.

L’infusion de mana et l’esprit génèrent respectivement de l’élévation et de la poussée. C’était un phénomène facilement observable, mais c’était toute autre chose.

La divinité était une puissance forte et beaucoup plus puissante que le mana et l’esprit. Alors que j’espérais un effet plus marqué et dramatique, il me semblait que le fait d’infuser mes ailes de divinité les faisait briller. J’avais ressenti une grande déception.

Que devais-je faire du fait que je pouvais maintenant devenir une torche humaine à volonté ? Si je devais comparer une torche humaine à un écureuil volant ou à l’un de ses homologues évolutionnaires, ce dernier serait certainement plus utile. J’avais préféré de loin le vol à une source de lumière étrange.

« Rentt, ça te rendrait certainement plus facile à repérer dans le noir… Hm ? Ce…, » comme si elle avait remarqué quelque chose, Lorraine s’était détournée, laissant sa blague inachevée dans l’air.

En suivant son regard, je m’étais rendu compte qu’elle regardait le pot d’herbes que j’avais laissé dans un coin. Elle était placée dans l’endroit le plus ensoleillé de ma chambre empruntée, et j’utilisais souvent les plantes à des fins culinaires, c’était parfois même pour conserver la nourriture avec leurs feuilles. Qu’y avait-il de si inhabituel dans une plante en pot que je cultivais pendant mon temps libre ?

Lorraine était restée silencieuse, observant la plante intensément.

« Rentt… Je crois que ta plante pousse, » déclara Lorraine.

Elle avait l’air un peu plus grande qu’elle ne l’était il y a quelques instants, mais je pourrais dire que ce n’était rien de plus qu’une sorte d’illusion d’optique. Lorraine, comme si elle lisait dans mon esprit, s’approcha rapidement du pot, le ramassa et l’exposa à la lumière de mes ailes. Presque immédiatement, les herbes dans le pot avaient commencé à pousser à un rythme rapide, s’étirant et traînant par-ci par-là.

« Ce… »

« Donc, si tu infuses la divinité dans tes ailes, Rentt, les plantes autour de toi poussent plus vite ! Mais… Je ne sais pas trop comment interpréter cette observation…, » déclara Lorraine.

Lorraine semblait satisfaite du fait que son hypothèse s’avérait correcte, mais elle s’était vite retrouvée au beau milieu de sa propre célébration et s’était de nouveau profondément plongée dans ses pensées.

J’avais fait écho aux sentiments de Lorraine : y avait-il un sens à ce que mes ailes se comportent ainsi ? Hélas ! Même moi, je n’avais pas de réponses.

« Peut-être pourrais-je voler dans le ciel, m’arrêter de temps en temps pour bénir les gens avec une moisson abondante ? » demandai-je.

« Je vois. Comme c’est noble de ta part, Rentt. Es-tu en train de dire que tu arrêteras de partir à l’aventure et que tu explorerais plutôt les possibilités de devenir un marchand d’engrais mobile ? » demanda Lorraine.

Non. Ça n’avait pas l’air d’être une carrière très attirante.

Mais je ne pouvais pas nier que j’en étais apparemment capable.

Même moi, j’avais entendu des rumeurs sur ceux qui avaient été bénis par des esprits ou des dieux de la terre, et comment ils étaient capables de faire des exploits semblables à ce que je venais de faire. Ceux qui étaient bénis par la terre avaient la promesse d’une récolte éventuellement abondante, mais leurs champs devront encore être cultivés et récoltés naturellement après un certain temps. Dans mon cas, je semblais capable d’accélérer la croissance d’une plante en sautant complètement cette période d’attente. C’était sans aucun doute une capacité utile.

Si je devais entrer dans une église ou une organisation religieuse quelque part dans ces pays, je serais sûrement adoré comme un saint de la moisson, ou quelque chose comme ça. Ceux qui ne m’appréciaient pas trop, par contre, me considéreraient très probablement comme une sorte de service de fertilisation à la demande.

Cependant, il va sans dire que je ne m’intéressais aucunement aux métiers agricoles. Comme j’aimais tant me le rappeler, mon but était de devenir un aventurier de classe Mithril.

Comme on pouvait s’y attendre, je m’étais tourné vers Lorraine et je l’avais informée. « Je n’ai pas l’intention d’arrêter. Mais… Je suppose qu’il doit y avoir d’autres utilisations auxquelles je n’ai pas encore pensé… »

« Même moi, je peux le supposer. Peut-être… Hm. Oui, pourquoi pas…, » murmura Lorraine.

Peut-être Lorraine pensait-elle qu’elle devrait prendre la responsabilité de me suggérer de devenir une agricultrice magique.

Comme si une idée lui venait à l’esprit, Lorraine s’était mise à fouiller dans sa robe et puis elle avait tenu quelque chose dans la paume de la main.

Qu’est-ce que ça peut bien être… ?

« Que vas-tu faire avec ce couteau, Lorraine… ? » demandai-je.

« Pas grand-chose, tu vois. Juste… ça, » Lorraine répondit avec désinvolture en se frappant le dessus du pouce avec la lame de l’instrument.

C’était un mouvement familier à Lorraine, visible dans la façon dont elle manipulait le couteau. C’était probablement prévisible, étant donné que les contrats magiques et certaines techniques alchimiques exigeaient souvent une goutte ou deux de sang. Lorraine, pour sa part, semblait à peine gênée par la petite coupure sur son pouce. De plus, Lorraine m’avait fourni des fioles de sang ces derniers temps, alors je suppose qu’elle serait plus habituée à l’acte maintenant que jamais.

Ce que je n’avais pas compris, c’est pourquoi Lorraine s’était coupé le pouce. Comme pour répondre à mon regard curieux, Lorraine leva simplement son appendice blessé vers mes ailes luisantes.

« Parti, comme prévu, » déclara-t-elle.

Lorraine m’avait montré son pouce.

« Je vois. Ton pouce est complètement guéri… alors je suppose que la lumière a des capacités curatives, » déclarai-je.

« Oui, c’est une façon de le dire. Ça ne vaut-il pas la peine de fêter ça, Rentt ? Non seulement tu peux fertiliser leurs champs, mais tu peux aussi guérir les blessures et les maux des fermiers qui travaillent dur, non ? » déclara Lorraine.

J’espère que c’était une autre de ses blagues, mais Lorraine avait raison. Nous venions de découvrir un autre usage potentiel de ces ailes brillantes.

Il était raisonnable de supposer qu’un vol au-dessus d’une certaine région tout en ayant la divinité infusée dans ces ailes guérirait les gens qui y habitaient. Alors qu’un prêtre ou une prêtresse — un saint doté de pouvoirs curatifs — pouvait facilement accomplir de tels exploits, j’étais auparavant capable de guérir une seule personne à la fois. Une petite amélioration de ma part, mais une amélioration quand même.

« Un simple effet… mais c’est beaucoup mieux que de ne pas en avoir du tout, » déclarai-je.

« Tout à fait. Pense aux possibilités, Rentt ! Ils pourraient même te vénérer si tu te dépeins bien ! Tu brilles, après tout. Dis-leur que tu es un messager des dieux, ou quelque chose comme ça, » déclara Lorraine.

Je suppose que c’était encore une autre blague de Lorraine… mais sa déclaration sonnait juste. Cependant, la simple pensée d’être adoré et de faire de telles affirmations me terrifiait. Dans tous les cas, je ne souhaitais pas qu’on m’accorde autant d’attention. Je devrais choisir le moment d’utiliser cette capacité avec un peu de prudence.

« Mais encore une fois, je suis un aventurier solitaire… Il ne semble pas y avoir beaucoup d’occasions pour moi d’utiliser ça, Lorraine, » déclarai-je.

Une affirmation triste, mais vraie : le plus souvent, je m’aventurais seul. Qu’est-ce qu’un aventurier solitaire comme moi ferait d’une compétence de guérison de zone comme celui-ci ?

Lorraine ne semblait pas d’accord.

« Je ne dirais pas nécessairement ça, Rentt. Ne te rappelles-tu pas l’époque où les monstres se multiplient anormalement ? Les aventuriers partent en masse en réponse, non ? Ceux qui sont capables de guérir sur de vastes étendues sont précieux, n’est-ce pas ? Mais bien sûr, de tels événements ont toujours fait l’objet d’une demande obligatoire de la guilde…, » déclara Lorraine.

Lorraine faisait référence à la multiplication occasionnelle de monstres autour des villes. Pour se débarrasser immédiatement de la menace, les guildes d’aventuriers mobilisaient souvent tous leurs membres pour réduire les effectifs. De telles rencontres ressemblaient souvent à des guerres miniatures en raison du nombre de participants, et les aventuriers expérimentés dans les techniques de guérison étaient souvent très appréciés par la guilde. Ces aventuriers capables de guérir par la magie ou la divinité étaient rares et la plupart ne pouvaient s’occuper que d’une seule personne à la fois. Ainsi, tout aventurier qui avait la capacité de guérir des individus dans une région donnée était traité comme un trésor à part entière.

Dans des circonstances normales, les aventuriers pourraient se retirer des demandes obligatoires s’ils avaient une bonne raison de le faire, ou s’ils n’étaient pas essentiels à l’effort. Cependant, un guérisseur qui pouvait le faire sur une zone serait très probablement traîné sur le champ de bataille, peu importe ses opinions.

Alors, je suppose qu’il faudrait cacher ma capacité…

Mais… ça irait à l’encontre de ma conscience d’aventurier. Même si je n’étais pas humain, je répondrais quand même à l’appel de la guilde si un tel événement se produisait. Si je l’ignorais, il y aurait peut-être une chance que des monstres s’introduisent dans Maalt, alors regretter mon choix serait beaucoup trop tard. En fait, j’avais maintenant l’air plus humain que jamais, de sorte que je ne serais pas traqué immédiatement à cause de seulement mon apparence.

Je suppose que j’aurais encore des problèmes s’il y avait un aventurier au milieu d’eux avec un bon œil. Le mieux que je pouvais faire, c’était de ne pas trop me démarquer — ou du moins, c’est ce que je pensais.

« J’abandonnerais et j’irais avec la guilde si jamais cela se produisait… Mais je préférerais beaucoup que nous puissions faire quelque chose contre cette lueur…, » déclarai-je.

Même si j’utilisais mes nouvelles compétences de guérison, avoir une paire d’ailes brillantes sur le dos était un peu trop pour moi.

Pendant un moment, j’avais gardé la tête froide, exaspéré, à la recherche d’une solution. Vu comment j’étais maintenant, être traité comme une sorte d’ange divin était la dernière chose que je voulais.

***

Partie 7

« Avec cela, nous avons effectué tous les tests applicables en ce qui concerne tes ailes, » annonça Lorraine, avec une expression de grande satisfaction présente sur son visage.

Sur les instructions de Lorraine, j’avais tenté de voler en infusant mes ailes de Divinité. Comme dans mes expériences précédentes, il me semblait que la Divinité et le mana coulaient chacun à travers des structures différentes à l’intérieur de mes ailes, et, heureusement, aucune explosion liée à un accident de l’Art Fusionnel ne s’était produite. Je suppose qu’il y avait suffisamment d’espace dans mes ailes pour éviter un tel accident.

Mes ailes avaient été nouvellement développées avec ma dernière évolution. Mais j’étais profondément reconnaissant qu’elles aient été conçues pour ne pas imploser, exploser ou tout mélange de ces éléments. En échange, les explosions soudaines de puissance destructrice observées lors de mon utilisation des Arts Fusionnels à base de lames ne pouvaient pas être reproduites dans mes ailes. Mais en ce qui me concerne, cela me suffisait amplement d’être capable de voler. Si j’en attendais plus, j’en demanderais un peu trop à mes nouvelles ailes.

« Ah… oui. Il y avait une chose de plus… en quoi est-ce que j’ai évolué ? » avais-je demandé, soudain conscient du fait que Lorraine ne m’avait pas classé dans la catégorie des monstres, comme elle le faisait d’habitude en de telles occasions.

Je sentais que Lorraine avait une idée générale de ce que j’étais devenu, mais je n’avais pas encore insisté sur les détails. Lorraine, pendant ce temps, secoua la tête devant ma question.

« Pour le dire franchement, Rentt, je n’en ai aucune idée, » déclara-t-elle en secouant encore la tête.

« Allons, Lorraine. Tu sembles avoir une idée générale. Tu lisais ce tome sur les vampires quand je me suis réveillé. Tu l’as sûrement fait parce que tu avais une idée de ce que je pouvais être ? » demandai-je.

Bien sûr, Lorraine aurait pu simplement feuilleter le livre en panique, à la recherche de quelque chose qui ressemble à la créature que j’étais devenu. Mais Lorraine n’avait pas l’air pressée pendant qu’elle lisait. Il me semblait plutôt que Lorraine avait déjà une idée générale de ce que j’étais devenu et qu’elle vérifiait juste le tome pour vérifier ses suppositions afin de m’informer au réveil.

Peut-être m’étais-je trompé dans mon raisonnement, quoi qu’il en soit, Lorraine continua son explication.

« Eh bien, je suppose qu’on peut dire ça… Mais tu vois, Rentt… Je ne peux plus en être sûre après avoir vu tes ailes. Les vampires ne sont pas des monstres avec des ailes. Ils sont pour la plupart impossibles à distinguer des humains — ils ont des crocs pour sucer le sang, bien sûr, mais… ah ! Oui, ça. Et ton visage ? Ajuste ton masque pour que je puisse voir, » déclara Lorraine.

J’avais hoché la tête, déplaçant mon masque pour donner à Lorraine un meilleur look. J’avais voulu mentalement que le masque change de forme et j’avais rapidement exposé la partie inférieure de mon visage. Bien que je voulais donner à Lorraine une vue plus complète, c’était une forme stable qui pouvait être maintenue pendant longtemps, et c’était finalement celle que j’avais adoptée.

Avant, mes molaires et mes mâchoires étaient visibles, avec des morceaux de chair séchée et des muscles qui s’accrochaient à ma peau ici et là, Lorraine laissait échapper un petit souffle pendant qu’elle faisait son inspection.

« Oh ! Tu as de la chair maintenant. La même peau douce et lisse que le reste de ton corps… Comme c’est détestable. Mais oui, ta peau est sans doute pâle. Si je dois le dire, tu n’as pas l’air d’être en bonne santé, » déclara Lorraine.

Bien que Lorraine ait fait une telle affirmation, j’avais personnellement trouvé que sa capacité à maintenir un teint relativement lisse tout en vivant un style de vie aussi désordonné et malsain était un exploit plus impressionnant.

Maintenant que j’y pense, Sheila avait récemment déposé une telle plainte. Bien que sa peau ait été quelque peu lisse et belle de son côté, elle avait dépensé beaucoup de temps et d’argent pour son entretien, de sorte que c’était à prévoir.

Lorraine elle-même n’était pas étrangère à de telles pratiques, fabriquant ses propres produits de soins de la peau de haute qualité et d’autres cosmétiques avec ses capacités alchimiques. Ses habitudes quotidiennes et ses choix alimentaires laissaient cependant beaucoup à désirer, de sorte qu’il n’était pas surprenant que ses actions aient tapé sur les nerfs des femmes plus mondaines de Maalt.

« Je n’arrive pas à comprendre le concept d’un mort-vivant en bonne santé, Lorraine…, » déclarai-je.

« Hm. Je suppose que c’est un bon point, Rentt. D’un côté, tu es mort, mais de l’autre, mort-vivant. Vivre dans la mort n’est pas le meilleur état de santé, non… ? Mais assez de sémantique. Tu as des crocs. Incontestablement ceux d’un vampire — du moins, je le pense…, » déclara Lorraine.

Lorraine avait levé les mains vers mes joues et avait rapidement commencé à les manipuler — en les poussant, tirant, pressant — apparemment pour essayer de mieux voir.

« Pas aussi évident que je le pensais, non ? Eh bien… on n’a pas vraiment la chance d’observer les dents de vampires tous les jours, oui… Très intéressant. Cependant, je ne peux pas encore dire avec confiance que tu es un Vampire… Il pourrait s’agir simplement d’une dentition particulièrement tranchante… Hmm…, » déclara Lorraine.

Finalement, libérant mes joues, Lorraine s’approcha de la table, ramassant une fiole de sang avant de revenir.

« Ouvre en grand, Rentt, » déclara Lorraine.

J’avais obéi en ouvrant la bouche. Lorraine avait aussitôt ouvert la bouteille, trempant un petit bâton de bois dans la fiole, et plaça l’instrument souillé de sang dans ma bouche.

« Oh. Hmm. On dirait que tes crocs s’allongent quand tu penses à sucer du sang. Ne serait-il pas facile d’identifier les vampires ? Mais pourquoi ne fait-on pas simplement en sorte que tous les habitants de la ville s’alignent et ouvrent la bouche pour un test… ? Je suppose que c’était une idée stupide. »

Il semblait que Lorraine m’utilisait comme modèle pour trouver un test de détection des vampires à utiliser sur les habitants de Maalt. Mais comme elle l’avait supposé, une telle méthode serait au mieux étrange, car il était impossible de faire participer tous les habitants de la ville. En plus de cela, les vampires vivaient généralement en groupes étroitement liés de multiples individus. Même si on en trouvait un, il en informerait sûrement les autres. Le plus souvent, il était tout simplement plus efficace de convoquer un prêtre ou une prêtresse — un saint habile dans l’identification des monstres, qui passait alors un certain temps à localiser et à éradiquer les monstres en question. La technique de Lorraine avait probablement été utile comme méthode d’identification complémentaire.

« Alors, Rentt. Montre-moi la moitié supérieure de ton visage… Les vampires ont les yeux rouges, après tout, » ordonna Lorraine.

En hochant la tête, j’avais encore une fois modifié la forme de mon masque, exposant cette fois la moitié supérieure de mon visage apparemment rempli de chair.

« Ah, oui, oui. Quelle nostalgie… je veux dire, ton visage. Bien loin de ce qu’il était, avec ces trous vides et ces brins de muscles et de chair exposés. Tu as été très éloigné de tes traits humains à un moment donné…, » déclara Lorraine.

Lorraine avait tendu la main pour me toucher le visage. Ses mains agissaient de manière douce, pas comme la manipulation brutale à laquelle elle avait exposé mes joues il y a quelques instants.

« En te regardant maintenant, j’ai l’impression que je devrais te dire quelque chose en face…, » déclara Lorraine.

J’avais penché la tête vers Lorraine. « Qu’est-ce que c’est ? »

« Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ? » demanda Lorraine.

Bon retour parmi nous, Rentt Faina.

Cela devait sûrement être les mots que Lorraine voulait me dire.

J’avais l’impression que quelque chose m’était vraiment revenu, peut-être un sens renouvelé de l’humanité ? Ou peut-être… J’imaginais juste des choses.

 

◆◇◆◇◆

« Eh bien, alors… en ce qui concerne les détails de ta classification en tant que vampire…, » déclara Lorraine.

C’était bien dans le caractère de Lorraine de sauter d’une conversation quelque peu émotive à un froid dialogue scientifique. Bien que je suppose que ce qu’elle allait dire était tout aussi important.

« Alors… qu’en penses-tu, au final ? » demandai-je.

« Eh bien… si je devais deviner, tu es devenu une sorte de Petit Vampire. Une variante, peut-être. Tu es à tous les coups un pas au-dessus d’un Thrall, et quelque chose dans les veines d’un vampire. Cependant, je n’ai pas pu trouver de classement définitif. Tes yeux sont rouges, tu as des crocs qui réagissent à la présence du sang… Tout bien considéré, tu es bien un Vampire, mais je ne suis pas sûre de grand-chose d’autre, » déclara Lorraine.

Une déclaration inhabituellement vague, étant donné sa disposition habituelle.

Peut-être mon mécontentement était-il évident sur mon visage, car Lorraine fronça les sourcils en réponse, continuant sèchement son explication.

« Que veux-tu que je fasse d’autre, Rentt ? Je n’ai jamais entendu parler d’un vampire avec des ailes. Tu attends beaucoup trop d’une érudite des campagnes et des villes frontalières comme moi. De plus… tu es bien trop éloigné de la plupart des monstres. Ton corps est spécial, et tu es… différent. En raison de ta nature unique, tu ne correspondrais à aucune classification préexistante ou variante ou sous-espèce notée. Ce serait l’observation la plus exacte. Tout au plus pourrais-je dire que tu es une existence proche d’un certain type de Petit Vampire, mais encore une fois, c’est tout ce que je peux dire objectivement, » déclara Lorraine.

« Alors, la discussion ne s’arrête-t-elle pas là si tu l’exprimais ainsi, Lorraine ? » demandai-je.

« Exactement. C’est pour ça que j’avais l’intention de ne rien dire, Rentt, » déclara Lorraine.

Lorraine était un peu ennuyée, peut-être s’attendait-elle à ce que je ne dise rien si j’en étais déjà moi-même arrivé à une conclusion similaire. Je suppose que j’étais un peu idiot…

« Je te présente mes excuses, » déclarai-je.

« C’est très bien si tu le comprends. Blague à part, tu as évolué en douceur, n’est-ce pas ? Au moins, il n’y a aucune raison de douter que tu sois en constante évolution et que tu t’améliores. Je me demande, cependant… Que deviendrais-tu à la fin, Rentt ? Je suppose que ce n’est pas quelque chose que je pourrais imaginer. Avoir des ailes étranges qui défient la classification quand on est simplement une variante du Petit Vampire… Vas-tu ensuite faire pousser des cornes, vingt bras, et peut-être cinquante globes oculaires ? Même si c’était le cas, je ne serais pas surprise, » déclara Lorraine.

« Je prie pour que je ne devienne pas comme ça…, » répliquai-je.

Ses paroles avaient provoqué dans mon esprit une image tordue d’un monstre fou qui correspondait à sa description.

L’argument de Lorraine était cependant valable, car il n’y avait pas de précédent pour supposer que je ne deviendrais pas un être étrange et inhumain. Si possible, je voulais simplement rester comme ça — et pour le reste de la journée, mes pensées étaient fixées sur ce sujet.

 

***

Partie 8

« Avais-tu vraiment besoin d’apporter ça ? » demanda Lorraine en marchant dans les rues de Maalt.

J’avais acquiescé profondément à sa question. « Ce n’est pas une question de besoin, Lorraine. Je l’ai apporté parce que je voulais l’apporter. »

Je tenais dans mes mains la télécommande du petit dirigeable. J’y injectais du mana en marchant. J’avais fait la même chose après que nous ayons terminé notre discussion sur le vampire la veille, mais je n’avais malheureusement pas pu remplir entièrement le cristal. Je faisais la même chose aujourd’hui, en infusant lentement le cristal avec ma magie.

Cependant, grâce à mon travail acharné et constant, le cristal semblait être presque plein — environ soixante-dix pour cent, si je devais le deviner. Il me restait cependant encore beaucoup de mana en moi, et avec cela, le petit dirigeable pourrait probablement voler pendant environ deux heures. Cela me semblait logique.

Par ailleurs, l’endroit vers lequel nous nous dirigions en ce moment n’était rien d’autre que…

« Hm. C’est ici, n’est-ce pas ? Ah, un heurtoir…, » déclara Lorraine.

En arrivant à destination, j’avais regardé Lorraine hochant la tête en silence, levant la main vers le heurtoir qui me semblait familier. Je m’étais tu, et j’observais Lorraine en retenant mon souffle.

Lorraine avait saisi le heurtoir avec une certaine force, ayant l’intention de l’utiliser comme tout le monde et —

Crack.

Avec un son tout aussi familier, le heurtoir, la base et tout le reste s’étaient détachés de la porte.

« Ce n’est pas ma faute… Je suis innocente. Il était cassé depuis le début, » Lorraine avait lentement tourné la tête vers moi, me regardant droit dans les yeux en déclarant son innocence d’une voix paniquée.

Bien qu’elle puisse sembler être peu agitée par un observateur normal, je connaissais Lorraine depuis longtemps, alors le sort malheureux du heurtoir l’avait vraiment touchée.

Mais bien sûr, n’importe qui serait surpris qu’un heurtoir se détache sans raison, surtout si l’on n’était même pas dur avec lui. Moi aussi, j’avais été surpris par ce mécanisme à deux reprises dans le passé.

Les observations de Lorraine étaient correctes : c’est moi qui avais cassé le heurtoir en premier lieu… Mais je n’avais pas à le dire. Lorraine n’avait pas besoin de savoir — et une Lorraine paniquée était rare.

J’avais prédit qu’une telle chose se produirait, et j’avais préparé un adhésif extra-fort, raffiné à partir d’un liquide visqueux, à cette fin. Posant silencieusement de l’adhésif sur la porte, j’avais pris le heurtoir de Lorraine, le remettant en place sans un mot. En quelques minutes, le heurtoir avait l’air impeccable, comme s’il n’avait jamais été détaché.

Tout en gardant mon silence, j’avais calmement frappé à la porte avec une articulation — après tout, n’importe qui utiliserait un heurtoir de porte qu’on trouvait.

« Oui ? Qui est-ce… ? Ah ! AH ! Rentt ! »

Alize avait sorti la tête de derrière la porte du deuxième orphelinat de Maalt.

Oui, l’endroit où Lorraine et moi étions allés n’était autre que celui-ci. Notre but était d’accueillir Alize comme notre disciple collectif, et de faire rencontrer Lorraine en personne à l’enfant. Nous devions d’abord parler à Sœur Lillian parce qu’elle était l’administratrice de l’orphelinat. C’est pourquoi nous avions fait le voyage jusqu’ici, adhésifs et tout.

Alize semblait vraiment très excitée de nous voir. Elle avait ouvert la porte et nous avait conduits avec joie dans les couloirs de l’orphelinat.

« Vous arrivez au bon moment, Rentt ! Nous venons d’apprendre aujourd’hui que le médicament est prêt ! Nous pouvons guérir la maladie de Lady Lillian une fois pour toutes ! » déclara Alize.

 

◆◇◆◇◆

Ma demande initiale était de livrer une seule Fleur de Sang du Dragon à l’orphelinat — ce qui lui était arrivé après, n’importe qui l’avait deviné. Je m’étais toutefois quelque peu investi dans le sort de Sœur Lillian et je voulais savoir comment elle allait. La demande avait été présentée dans le but de la guérir en premier lieu, de sorte qu’il était un peu modeste de s’en aller parce que la demande était terminée. J’avais après tout joué un rôle important dans ce processus.

Mais il y avait un bon nombre d’aventuriers qui avaient fait exactement cela. Ils livraient ce qu’ils étaient censés livrer, puis ne revoyaient plus jamais le client. Bien que certains de mes collègues aient été quelque peu détachés à cet égard, j’étais personnellement plus intéressé par l’issue éventuelle de la situation.

Sur cette note, la joyeuse notification d’Alize arrivait exactement au bon moment.

« Oh… C’est vrai, Rentt. Qui est cette dame avec vous ? » demanda Alize.

Nous étions tous les trois assis dans une salle de réception familière. Alize parlait de Lorraine, se tournant vers elle pour la regarder et me demandant une réponse. Étant donné que j’avais toujours visité seul, je suppose qu’il était juste qu’Alize traite mon compagnon avec une certaine curiosité.

Je n’ai pas toujours voyagé ou travaillé seul — Rentt Faina a aussi des amis !

D’un point de vue réaliste… Je ne pouvais appeler personne d’autre que Lorraine et Sheila « amies » pour le moment. Une pensée pitoyable, mais, quoi qu’il en soit, j’avais acquiescé, offrant une réponse à Alize.

« Ah, je ne me suis pas encore présentée, n’est-ce pas. Enchantée de vous rencontrer, Alize. Je suis Lorraine Vivie, érudite, mage et aventurière occasionnelle de classe Argent. Je suis ici aujourd’hui en qualité de tuteur en magie, Alize, à savoir pour vous éduquer sur les voies de la magie, » déclara Lorraine.

Quelque chose semblait enfin s’enclencher dans l’esprit d’Alize.

« Une mage ! Et une de classe Argent !? Je… Je suis Alize. Est… Est-ce que c’est vraiment bon ? J’ai peu d’argent, et je suis aussi une orpheline…, » balbutia Alize.

Alize était de nouveau passée à sa façon plus formelle de parler, peut-être parce qu’elle n’avait jamais rencontré Lorraine auparavant.

Je m’étais souvenu de ma première rencontre avec l’enfant. À en juger par son choix de mots, Alize suggérait qu’elle ne valait pas le temps de Lorraine, alors que j’avais mentionné que je lui apporterais un tuteur en magie, j’avais peut-être oublié le fait que Lorraine était une aventurière de classe Argent. Les mages étaient une race rare dans ces pays, de sorte qu’un mage de la classe Argent semblait maîtriser des magies incompréhensibles et des sorts obscurs. C’est ainsi qu’une personne relativement normale les percevait.

Ils passeraient aussi pour être dangereux — infiniment plus dangereux que les gangs de voyous de la rue. Si l’on avait croisé des voyous, ils seraient tout au plus brutalisés par une rafale de coups de poings et de pieds. Si l’on avait fait la même chose avec un mage de la classe Argent, cependant, ils pourraient très bien être réduits en cendres en un clin d’œil, et ne jamais plus voir la lumière du jour.

Comme c’est terrifiant, Lorraine… !

Comme si, par télépathie, Lorraine sondant mes pensées, elle m’avait projeté un regard mortel avant de faire demi-tour presque instantanément. Alize semblait l’oublier, et elle parlait avec un sourire un peu plus prononcé.

« J’ai entendu parler de votre arrangement avec Rentt. Tout cela n’a-t-il pas été comptabilisé de cette façon ? J’apprécie aussi le fait qu’il m’est maintenant redevable alors il n’y a donc aucun problème. En ce qui concerne le fait que vous soyez orpheline, eh bien, je ne me soucie pas du tout de ces questions. Ah, je ne veux pas dire cela d’une manière désobligeante. Je veux simplement dire que j’offrirais mes services à des personnes de n’importe quel statut social, à condition qu’elles soient prêtes à apprendre. Je suis un mage, mais aussi un érudit, après tout. Le chemin de la connaissance n’est pas pavé d’or ou de position dans la société, mais de passion. C’est pourquoi je voudrais vous demander : avez-vous assez de passion ? C’est tout ce que j’ai besoin de savoir, » déclara Lorraine.

Un long discours… c’est ce que j’aurais pensé. Cependant, quelque chose d’autre que sa longueur avait attiré mon attention. Pourquoi le chemin de la connaissance ? Aux dernières nouvelles, Alize voulait être une aventurière, pas une érudite.

Je voulais le signaler tout de suite à Lorraine. Mais comme d’habitude, l’atmosphère actuelle ne me permettrait guère de faire une telle chose.

Alize déglutit durement et ferma les yeux, apparemment perdue dans ses pensées. Peu de temps après, elle avait eu une réponse pour Lorraine.

« Je n’ai pas beaucoup d’argent, oui… Mais j’ai de la passion. Je voulais devenir une aventurière pour aider Lady Lillian, mais maintenant… Maintenant, je veux devenir une aventurière — une aventurière comme Rentt. Je veux devenir une aventurière qui aide les autres. J’ai entendu beaucoup de choses de Rentt, et je sais très bien que ce n’est pas une tâche facile. Malgré tout… Je veux vous aider. Je veux essayer… de faire du bon travail. Si des études et un travail acharné sont nécessaires, et que je dois tout donner, alors je le ferai. Je suis prête à donner tout ce que j’ai. Alors…, » déclara Alize.

Alize semblait avoir du mal à trouver les mots appropriés. Elle livrait ses lignes un peu bredouilles, comme si son train de pensée était constamment interrompu. Mais il était clair qu’Alize avait bien réfléchi à la question qui lui avait été posée. Elle avait fait de son mieux pour communiquer ce qu’elle ressentait dans ces quelques lignes de bégaiement.

C’était probablement pour cela que Lorraine hocha la tête en entendant les mots d’Alize.

« Très bien, très bien. De cette façon, le contrat est scellé. Depuis ce jour, Alize, vous êtes ma disciple — la première disciple de l’érudite-mage Lorraine Vivie. Marchons ensemble sur le chemin de la magie et de la connaissance ! »

Alize avait répondu avec enthousiasme aux paroles de Lorraine, un large sourire sur son visage. C’était un moment beau et émouvant, l’instant où le lien entre un maître et son disciple s’était formé.

Mais… le chemin de la magie et de la connaissance ?

Connaissance… Eh… ? Attends. Attends. Mais Alize n’est pas une érudite ! Elle a juste dit qu’elle voulait devenir une aventurière !

Je voulais pousser un cri qui résonnerait du fond du cœur. Hélas, c’était impossible à faire — encore une fois, pas dans l’atmosphère actuelle. Finalement, au fur et à mesure que les réalités de la situation s’empilaient les unes sur les autres, j’avais été forcé de réaliser qu’Alize allait maintenant devenir un individu comme Lorraine — apparemment, une érudite-mage. Ou quelque chose comme ça.

Mais… Alize est aussi ma disciple…

Bien que beaucoup de pensées m’aient traversé l’esprit, je m’étais empêché de parler.

***

Partie 9

« Eh bien. Maintenant qu’Alize a accepté l’arrangement, il ne reste plus qu’à demander l’approbation de l’administratrice de l’orphelinat. Cette… Sœur Lillian, c’est ça ? Serait-il juste de supposer qu’elle est l’administratrice ? » demanda Lorraine.

Alize, étant l’une des enfants de l’orphelinat, était techniquement liée par ses règles, et l’opinion de Sœur Lillian sur la question devait être déterminée. Bien qu’elle jouisse d’une certaine autonomie dans sa vie quotidienne, il était probablement préférable que les discussions concernant son avenir se déroulent en présence de toutes les parties. Nous pourrions simplement sortir Alize de l’orphelinat et procéder sans autorisation verbale, mais ce ne serait pas une chose polie à faire.

Il n’y aurait aucun problème avec l’achat d’objets ou l’acceptation des demandes de la guilde, mais…

Lorraine avait déjà pris tout cela en compte, d’où sa question. Alize hocha la tête, offrant une réponse rapide.

« Oui, Lady Lillian est l’administratrice de cet orphelinat, et elle est religieuse de l’Église du ciel oriental. Elle est actuellement clouée au lit, mais les médicaments que nous avons commandés devraient bientôt être en route…, » répondit Alize.

« Ah, la demande que Rentt a faite il y a un moment, n’est-ce pas ? Dans ce cas… serait-ce un mauvais moment pour nous rendre visite ? Si elle ne va pas bien, nous pourrions toujours revenir un autre jour, » dit Lorraine, d’une manière inhabituellement flexible et mature.

Alize, cependant, secoua la tête. « Non, ce n’est pas grave. J’avais déjà informé Lady Lillian que des invités viendraient aujourd’hui… S’il vous plaît, par ici. »

Alize s’était levée et nous avait conduits hors de la pièce.

Sœur Lillian était probablement encore dans la pièce où je l’avais vue la dernière fois. Elle semblait encore avoir du mal à se déplacer. Personnellement, j’avais le sentiment que nous aurions pu lui rendre visite après son rétablissement, mais si la sœur elle-même se sentait suffisamment bien pour nous voir, alors il serait impoli de notre part de refuser.

Jetant un rapide coup d’œil de côté à Lorraine, nous nous étions tous les deux tenus debout, en suivant Alize hors de la petite salle de réception.

◆◇◆◇◆

« Pardonnez-moi, Lady Lillian, » dit Alize en frappant doucement à la porte.

Une voix douce nous fit bientôt signe d’entrer. Ce n’était pas une voix saine, mais la bonne sœur semblait un peu plus vive que d’habitude. Elle était peut-être de meilleure humeur aujourd’hui.

Je ne savais pas si Alize avait mentionné quoi que ce soit du médicament à la Sœur Lillian, mais je savais qu’elle finirait par se rétablir, étant donné les récents développements. C’était peut-être pour ça que j’avais pensé qu’elle semblait plus… en bonne santé.

Au-delà de la porte et couchée sur un lit, une femme d’âge moyen était couchée sur le dos — peu de choses avaient changé depuis ma précédente visite.

« Ah… Vous êtes l’aventurier d’il y a un moment. Monsieur Rentt. J’ai entendu parler de vos actes. Il semble que vous ayez vaincu les monstres dans le sous-sol de stockage…, » déclara Lillian.

Ce devait être mon visage, ma robe ou mes vêtements étranges en général, mais mon apparence avait certainement fait remonter un souvenir dans l’esprit de la bonne sœur, et elle s’était adressée à moi presque immédiatement.

Comme elle l’avait dit, du moins sur le papier, j’étais ici pour nettoyer le sous-sol infesté de monstres… et en vérité, c’est exactement ce que j’avais fait. Mais « défaite » n’était pas tout à fait le bon choix de mots. Mais la sœur n’avait pas dit grand-chose sur le fait de transformer ces monstres en mes familiers.

Dans un autre ordre d’idées, Edel avait jugé bon de visiter l’orphelinat avant nous, et il se chargeait actuellement de ses subordonnés. La souris se tenait généralement occupée, au moins quand nous n’étions pas en train de parcourir les profondeurs d’un donjon. Mais je lui avais à peine donné la permission de le faire. Edel adorait simplement s’enfuir tout seul loin de moi.

Strictement parlant, je me débrouillais très bien sans Edel la plupart du temps, et il était plus utile pendant les combats, donc je suppose que c’était bien. Cependant, j’aurais préféré un sentiment de loyauté plus fort, mais c’était un sujet que j’aurais préféré aborder à un autre moment.

J’avais attiré mon attention sur la conversation en cours.

« Ce n’était pas grand-chose. Je suis heureux de savoir que l’orphelinat peut maintenant retourner à des jours plus paisibles, » avais-je dit à la Sœur Lillian.

« Non, non, Monsieur Rentt. Vous nous avez rendu un grand service. Peu importe la taille du monstre, il grandirait sûrement en force s’il était laissé seul. J’avais entendu dire que les monstres du sous-sol étaient des Puchi Suris, et si leur nombre avait augmenté, cela aurait été assez gênant…, » déclara Sœur Lillian.

Sœur Lillian avait raison. Bien que les Puchi Suris soient de petits monstres ressemblant à des souris qui ne semblaient pas représenter une grande menace, le véritable danger était leur capacité à coloniser les villes et les villages en se multipliant et en créant des populations énormes. Très rarement, un spécimen fort pouvait apparaître parmi eux, et ce grand Puchi Suri passait des années, voire des décennies, à amasser tranquillement son pouvoir dans les rues d’une ville, ou peut-être dans les égouts. Il régnerait sur ses frères et construirait un énorme nid, amassant finalement une imposante armée de Puchi Suri…

C’était ce que j’avais entendu. Néanmoins, je ne pouvais plus me rappeler d’où exactement je l’avais entendue, alors j’avais décidé d’oublier cette petite mise en garde presque instantanément. Je ne voulais pas penser à un scénario où Edel deviendrait une sorte de chef de la pègre des souris dans les bas-fonds de la ville. Pour commencer, une telle entreprise lui prendrait beaucoup de temps et, si un tel événement se produisait, Edel serait encore mon familier.

« Il n’y en avait pas tant que ça. Aussi, Alize a réussi elle-même à en vaincre un, » déclarai-je.

Je ne m’attendais pas à ce que Sœur Lillian soit si surprise de ce que je viens de dire.

« Alize l’a fait ? Vraiment ? » Elle avait tourné son regard sur Alize et moi.

Le visage d’Alize s’était légèrement aigri, et elle avait donné une réponse faiblement.

« Oui, Lady Lillian…, » répondit Alize.

Avais-je dit quelque chose de mal ? J’avais rapidement ajouté à mon explication.

« Je voulais qu’elle acquière de l’expérience, au cas où quelque chose de fâcheux se produirait à l’avenir. Était-ce inutile ? » demandai-je.

« Non… Rien de tel. Mais… Alize, tu aurais dû m’informer qu’une telle chose s’était produite. »

Un avertissement, mais la bonne sœur n’avait pas l’air contrariée.

« Mes excuses, Lady Lillian… Je ne voulais pas vous inquiéter, » déclara Alize.

« Mais je vais bien, Alize… Tu ne devrais pas tant t’inquiéter pour moi, » déclara la sœur.

Les deux semblaient beaucoup s’aimer l’une et l’autre. Moi, par contre, j’étais simplement soulagé qu’il n’y ait pas de tensions inconfortables dans l’atmosphère.

« Ah… Oui. Qui ça peut être, là-bas ? » demanda Sœur Lillian, se tournant vers Lorraine.

« Je suis Lorraine Vivie, érudite-mage. Une vieille amie de Rentt — en plus, depuis beaucoup d’années. C’est un plaisir de vous rencontrer, Mlle Lillian, » déclara Lorraine.

« Je vois… Je suis l’administratrice de cet orphelinat, Sœur Lillian de l’Église du Ciel Oriental. S’il vous plaît, le plaisir est pour moi. Qu’est-ce qui vous amène tous les deux ici aujourd’hui… ? » demanda la sœur.

Au moment où nous étions sur le point de répondre, d’autres sons plus bruyants étaient venus de l’autre côté de la porte, suivis de quelques voix plus fortes…

« Grande Sœur Alize ! Messieurs Unbert et Norman sont là ! »

C’était les plus jeunes enfants de l’orphelinat, à en juger par leur voix.

Alize avait toujours répondu à la porte quand il y avait des invités, car il semblait que les autres enfants étaient trop jeunes pour le faire correctement.

Si ma mémoire est bonne, ces deux-là étaient le guérisseur et l’herboriste à qui j’avais parlé lors de la livraison des Fleurs de sang de dragon. La dernière fois que je les avais vus, ils allaient faire des médicaments de leur côté.

« Ah…, » Alize s’était agitée en entendant ces noms. « Puis-je ouvrir la porte, Lady Lillian ? Il n’y a personne d’autre… »

Les autres enfants auraient probablement pu ouvrir la porte, mais après avoir traversé l’orphelinat une fois, il était juste de supposer que les enfants moins âgés ne l’aient pas fait. Pourtant, c’est tout naturellement qu’Alize s’était empressée d’ouvrir la porte. Sœur Lillian, pour sa part, semblait comprendre la situation, et elle avait souri un peu maladroitement.

« Ça ne me dérange pas, mais qu’en est-il de tes invités, Alize… ? Ne serait-il pas impoli de les laisser ici ? » demanda Sœur Lillian.

Lorraine et moi n’étions pas vraiment dérangés par ces développements, alors nous avions tous les deux donné nos réponses.

« Tout ira bien, Alize, » déclarai-je.

« Oui. Nous devons aussi parler à Sœur Lillian à propos d’autres choses. Vous devriez y aller, Alize, » déclara Lorraine.

Sœur Lillian avait légèrement incliné la tête face à notre choix de mots, mais n’avait pas offert d’autres mots de protestation.

« Nous vous remercions de votre hospitalité. Vas-y, Alize. Reviens aussi vite que possible, » déclara Sœur Lillian sur un ton un peu plus sévère maintenant.

« Oui. Je m’excuse, Rentt, Lorraine. Je reviendrai bientôt…, » déclara Alize, inclinant la tête en sortant de la pièce.

Sœur Lillian soupira en fermant la porte derrière elle. « Elle a toujours été une enfant nerveuse. Je vous présente mes excuses. Mes efforts pour lui inculquer les bonnes manières manquent, semble-t-il… »

Personnellement, j’avais eu l’impression que Sœur Lillian n’avait presque aucune raison de s’excuser. Mais Lorraine avait été la première à réagir en conséquence.

« Non, rien de tel, Mlle Lillian. Alize est plus que capable pour son âge. C’est une enfant polie et agréable. De plus, elle est aussi… très talentueuse, » déclara Lorraine avec détermination.

Comme on pouvait s’y attendre, ses dernières paroles avaient attiré l’attention de la bonne sœur.

« Talent, vous dites… ? » demanda sœur Lillian.

***

Partie 10

« Oui. J’ai pu le confirmer de mes propres yeux. Alize est une enfant talentueuse. Pour être précise, elle a un bon talent pour… la magie, » déclara Lorraine, en réponse à la question de la sœur.

Dans des circonstances normales, il était impossible pour quelqu’un d’évaluer la capacité magique d’une autre personne, surtout si la personne en question était simplement assise sans rien faire. Cependant, un vétéran-mage était capable d’un tel exploit. Il y avait une certaine technique à cela — déterminer la capacité magique d’une autre personne juste en la regardant. Lorraine, en particulier, avait des yeux pour ça, peut-être des yeux magiques. Il n’y avait donc personne de plus qualifié que Lorraine pour discerner les capacités magiques et innées d’un individu. C’est en partie pour cette raison que Lorraine était venue à l’orphelinat, bien que rencontrer Alize en personne ait aussi été un facteur.

Il va sans dire que je n’étais pas capable de tels exploits. Bien que j’avais assez de mana en moi pour me qualifier de mage, la magie était quelque chose gouvernée par la logique et la théorie. C’était une connaissance que je n’avais pas encore apprise.

Dans la vie, j’avais appris des cantiques et des sorts simples. Ils étaient si simples que seule une petite quantité de mana était nécessaire à leur exécution. Pour info, j’avais utilisé les mêmes sorts tout ce temps. Cependant, si j’utilisais des niveaux plus élevés de sort, j’aurais probablement besoin d’une étude et d’une compréhension plus détaillées.

« Un mage… ? Elle a un peu de mana en elle, oui, mais qu’en est-il de sa capacité… ? » demanda Sœur Lillian.

Je suppose que Sœur Lillian n’avait jamais envoyé Alize pour un examen détaillé. Bien que de nombreuses personnes soient nées avec le mana en elles, toutes n’en avaient pas assez pour devenir des mages à quelque titre que ce soit. Pour le vérifier, il fallait se faire examiner par un mage vétéran, de préférence à l’aide d’objets magiques finement calibrés. Bien sûr, ce processus coûterait beaucoup d’argent, peu importe le résultat. C’était à peine une somme qu’un orphelinat pourrait se permettre, surtout avec un budget déjà très restreint.

À l’origine, Lorraine devait être payée pour ses services. Cependant, elle cherchait aussi, par coïncidence, une étudiante à qui transmettre ses compétences, et elle avait décidé d’enseigner gratuitement à Alize. Elle était restée relativement bornée quant à ses intentions, comme je l’avais glané dans mes conversations antérieures avec elle la veille.

Alize avait insisté pour que Lorraine soit payée un montant raisonnable, ce qu’elle avait été autorisée à faire. Je lui prêtais la somme appropriée, après tout.

« J’ai peut-être dépassé mes limites, bonne sœur, mais j’ai déjà évalué les capacités d’Alize quand nous étions assises dans la salle de réception. J’aurais besoin d’instruments plus précis pour obtenir une lecture exacte, oui, mais d’après ce que je peux voir, Alize pourrait facilement devenir une Mage de la Cour si elle essayait, » déclara Lorraine, une fois de plus en faisant des déclarations choquantes avec une expression nonchalante.

Avoir du talent était une chose, mais en avoir assez pour devenir un jour un Mage de la Cour en était une autre. Les Mages de la Cour étaient des mages au service de la Cour royale, l’apogée des praticiens de la magie dans le royaume de Yaaran. Ils répondaient directement au roi lui-même, et ils étaient tous des mages d’une force magique extraordinaire. Les mages de la cour du roi, à leur tour, possédaient tous de grandes réserves de mana, et la connaissance pour en faire des sorts appropriés. Il fallait avoir une connaissance approfondie de la théorie magique pour réaliser un tel exploit. Naturellement, la plupart des mages les admiraient, espérant un jour être parmi eux.

Mais bien sûr, rares étaient ceux qui avaient réussi à s’emparer du titre.

« Vraiment, Mlle Lorraine ? Même si elle a du talent…, » déclara Sœur Lillian.

Sœur Lillian avait été suffisamment choquée, alors qu’elle regardait Lorraine d’un air incrédule, la bouche béante. Mais Lorraine secoua la tête lentement.

« Je comprends votre surprise, bonne sœur. Même moi, j’ai été surprise par cela. Cependant, je ne plaisante pas du tout. Avec l’éducation et la formation appropriées, Alize est sûre de devenir une mage extraordinaire. Malgré tout, elle pourrait très facilement devenir une roturière sans rien si elle était paresseuse. Tout dépend des désirs de l’enfant… et peut-être de son désir de réussir. C’est à peu près l’essentiel, oui, » déclara Lorraine.

Lorraine avait raison, car certains individus avaient mis fin à leur vie de mages ordinaires, même s’ils avaient la chance d’avoir de grandes réserves de mana.

Bien que la capacité de mana soit importante, on ne pouvait pas espérer devenir un mage de premier ordre avec que cela. La connaissance magique était également importante, la compréhension des fondements et des théories de la magie allait de pair avec la capacité de mana. Ce n’est qu’en ayant les deux qu’un individu pouvait s’engager sur le chemin de la grandeur magique.

Par exemple, je savais peu de choses sur la théorie magique et la magie. Peu importe la quantité de mana que j’avais, je n’avais pas de moyen fiable de l’utiliser. Mais maintenant que j’avais une plus grande capacité de mana, je pouvais commencer à étudier les théories magiques de base. Cependant, mon esprit était obsédé par l’Évolution Existentielle, et, si possible, j’aimerais évoluer à nouveau dès que je le pourrais. Ces pensées, à leur tour, m’avaient fait oublier l’idée d’étudier la magie.

Pour commencer, comme j’étais un épéiste dans la vie, tout ce que je savais, c’était des sorts simples pour renforcer mon corps ou mon équipement. Ils étaient simples, mais efficaces, et j’avais mémorisé ces sorts il y a longtemps. Je suppose que j’irais aussi loin que possible avec mon arsenal actuel, et si jamais j’arrivais à un blocage, je pourrais alors changer de direction.

Mon récent voyage dans le Marais des Tarasques s’était très bien passé, mais j’avais senti que certains sorts magiques auraient pu rendre mon voyage beaucoup plus facile. Par exemple, une certaine magie d’attaque à longue portée aurait fait peu de travail de ces Gobelins, et une attaque de foudre bien placé ou un sort de gel se serait débarrassé de cet essaim entier de bêtes poissons. Quand le pont s’était effondré, j’aurais pu le renforcer avec de la magie de la terre sur le champ, et il ne serait peut-être pas écrasé d’une manière aussi spectaculaire. Au moins, je pouvais imaginer que Lorraine ferait toutes ces choses et plus encore, car elle aurait abordé le problème sous un angle beaucoup plus stratégique.

« Je vois… Mais alors, qu’en est-il d’Alize ? Qu’a-t-elle dit sur le fait de devenir mage ? » Sœur Lillian avait demandé, avec de l’inquiétude évidente sur ses traits.

Il était de notoriété publique que le chemin d’un mage était difficile, que les défis commençaient tôt et qu’ils ne se terminaient jamais vraiment. Même la formation de base en magie était particulièrement éprouvante. Il fallait se donner à fond — une tentative timide n’était pas suffisante pour apprendre la magie. Il fallait mémoriser et bien comprendre les théories magiques avant de les mettre en pratique. Même à ce moment-là, le mage prospectif devait être mentalement préparé à l’inévitable coup de fouet de la rétroaction si l’un de ses sorts échouait ou devenait malsain.

En outre, la plupart des gens associaient les mages aux batailles et aux combats, ou du moins, aux professions qui impliquaient de tels événements. Il existait d’autres parcours professionnels, où l’on pouvait devenir un chercheur et un artisan d’objets magiques, ou servir le roi ou le chef d’un royaume ou d’un autre. Certains devenaient des aventuriers, passant leurs journées à tuer des monstres et d’autres bêtes à travers le pays. Les situations de combat étaient l’occasion parfaite pour un mage d’utiliser ses talents magiques, et il était bien payé pour ses services.

Malgré cela, de nombreuses personnes ayant la capacité de mana nécessaire pour devenir mage ne voulaient pas le faire, ne serait-ce que parce qu’elles valorisaient leur vie plus qu’une carrière lucrative.

La bonne sœur se demandait probablement si Alize comprenait tout cela. J’aurais peut-être dû lui dire ce que l’enfant avait dit dès le début…

« À propos de cela… Alize avait en fait discuté de son rêve de devenir une aventurière avec moi lors de ma précédente visite, » déclarai-je.

« Eh… ? »

« Je me souviens d’avoir mentionné qu’elle avait vaincu un Puchi Suri tout à l’heure, sœur Lillian. C’était un test, pour voir si elle avait le courage de devenir une aventurière… J’ai pensé qu’elle devrait l’expérimenter de ses propres mains. Si elle avait réagi à cette situation avec peur, elle n’aurait jamais fait une bonne aventurière. Mais Alize a vaincu le monstre correctement. J’ai l’impression qu’elle comprend les risques encourus, » déclarai-je.

Mais je n’étais qu’un tiers, je ne pouvais donc jamais savoir comment Alize se sentait dans cette situation, et je ne pouvais donc pas simplement déclarer que mes conclusions étaient absolument exactes. Cependant, Sœur Lillian n’avait rien su de tout cela avant notre conversation, et j’avais pensé que je devais lui dire ce que je savais des espoirs et des rêves d’Alize. Tout ça pour référence, bien sûr.

J’aurais peut-être dû demander la permission à Alize avant de parler de ses rêves, mais il est vrai qu’elle avait de telles aspirations. J’avais supposé que je ne sortais pas du droit chemin.

Sœur Lillian ne semblait pas non plus être du genre à piétiner les rêves des autres. Même si Alize n’avait pas d’aspirations concrètes, elle était à l’âge où la plupart des enfants avaient encore des espoirs et des rêves. Pour le meilleur ou pour le pire, peu d’entre eux ont réalisé leurs rêves d’enfance, mais même moi, j’avais décidé de devenir un aventurier de classe Mithril dès mon jeune âge.

Sœur Lillian semblait perdue dans ses pensées, contemplant mes paroles. Après un bref silence, elle hocha lentement la tête.

« Si c’est le cas… Si Alize le souhaite vraiment, je ne l’arrêterais pas. Mais… pourquoi un aventurier, entre toutes les choses ? » demanda Sœur Lillian.

À ce moment précis, quelques pas résonnèrent de l’extérieur de la porte. Alize avait choisi un bon moment pour revenir.

***

Partie 11

La voix d’Alize avait retenti derrière la porte en bois rachitique. « Lady Lillian, j’ai amené M. Unbert, le guérisseur, et M. Norman, l’herboriste. Ils veulent vous voir. Pouvons-nous entrer ? »

« Mais…, » Sœur Lillian se tourna vers Lorraine.

Lorraine et moi avions secoué la tête à l’unisson.

« Ça ne me dérange pas, ma sœur. Je les ai déjà rencontrés, » déclarai-je.

« Ça ne me dérange pas non plus. Si nous sommes sur le chemin, bonne sœur, nous prendrons congé, » avait ajouté Lorraine.

Lorraine et moi étions tous les deux des individus relativement idiots pour ça, mais nous étions tous les deux capables de lire l’atmosphère quand cela comptait vraiment. Nous avions simplement décidé de ne pas le faire dans notre vie quotidienne, pour une raison ou une autre.

Je suppose que c’était la façon la plus simple de le dire…

« Vraiment… ? Alors nous acceptons votre gentillesse. Ils sont probablement ici pour discuter de la question de ma maladie, qui me tourmente depuis un certain temps…, » déclara Sœur Lillian.

Unbert était le guérisseur responsable de la surveillance de la sœur, et Norman était apparemment son associé. Il était facile de comprendre pourquoi ils étaient venus.

« Eh bien, alors. Vous pouvez entrer, » déclara Sœur Lillian.

Alize avait escorté les hommes dans la pièce en réponse. C’était un spectacle familier — un homme mince, d’âge moyen, et un jeune homme légèrement bedonnant. Alors qu’ils semblaient un peu surpris de nous voir Lorraine et moi au chevet de la sœur, ils m’avaient vite reconnu et ils nous avaient accueillis tous les deux avec un sourire poli.

Au total, il y avait cinq personnes dans la salle, à l’exception de Sœur Lillian. Tout un rassemblement pour une petite pièce exiguë. Lorraine et moi avions proposé de renoncer à nos sièges puisqu’il n’y en avait que trois dans la salle. Alize s’en aperçut rapidement, sortant à nouveau de la pièce, paniquée.

« J’apporte d’autres chaises ! » dit-elle, disparaissant encore une fois par la porte.

Surpris par la disparition soudaine d’Alize, je m’étais arrêté, figé dans une allure comique à moitié levée. Norman et Unbert nous avaient fait signe de nous asseoir et, à leur insistance, nous avions fait ce qu’on nous avait dit.

C’était une atmosphère embarrassante, et Sœur Lillian avait été la première à briser le silence.

« Soupir… Elle a toujours été une enfant nerveuse… Je m’excuse en son nom, Mesdames et Messieurs. Peut-être que mes efforts pour lui inculquer les bonnes manières ont raté…, » déclara Sœur Lillian.

Sœur Lillian semblait un peu exaspérée, mais elle souriait avec résignation, et elle n’avait pas l’air en colère ou contrarié du tout.

Mais Alize n’était qu’une enfant de 12 ans. Le fait qu’elle ait été capable de faire cela méritait un peu de respect. En fait, comparé à ce que j’étais quand j’avais cet âge… Non. Il n’y avait absolument aucune raison d’être mécontent d’Alize. Lorraine, elle aussi, semblait avoir des souvenirs similaires, si l’on en croyait son expression. Même Unbert et Norman semblaient avoir des pensées similaires.

À moins qu’Alize n’ait été élevée inutilement et strictement, il était presque impossible pour une fillette de 12 ans dans un orphelinat d’avoir des manières parfaites. Le fait qu’elle avait remarqué un manque de chaises et qu’elle s’était précipitée pour en obtenir plus était en fait un bon indicateur de caractère.

« Non, ça ne nous dérange pas du tout. Elle est après tout beaucoup mieux élevée que nous ne l’étions quand nous étions enfants, » déclara Unbert le guérisseur, d’un ton doux.

Unbert semblait avoir un tempérament doux, mais la barbe sur son visage et son comportement général lui donnait plutôt l’air d’un aventurier. Compte tenu de la façon dont il avait mis sur pied un dispensaire à Maalt, et avait offert des soins à ses citoyens, il ne serait pas étrange qu’il soit un aventurier à un moment donné de sa vie.

« Je suis très contente que vous le preniez comme ça, Unbert. Mais qu’en est-il des autres…, » Sœur Lillian déclara cela, regardant loin de lui et vers les trois autres adultes dans la pièce.

D’après ce que j’avais pu voir, nous avions tous un sourire aussi vague. Je suppose que nous avions tous eu nos souvenirs d’enfance.

« Eh bien… Je suppose que tout le monde a été enfant, une fois. Même moi, j’ai passé un tel moment… Eh bien, alors. Unbert, Norman, vous vouliez me parler ? Je m’excuse d’avoir parlé avec vous tous en même temps comme ça. J’avais déjà demandé la permission de M. Rentt et de Mlle Lorraine. S’agit-il peut-être de mon corps, de mon état ? » demanda Lillian.

Sœur Lillian avait ensuite expliqué la situation à Unbert et Norman, qui avaient hoché la tête après avoir écouté attentivement.

« Ah, je vois. Cela ne me dérange pas vraiment qu’ils soient ici, mais il y a juste une possibilité que la discussion se poursuive pendant un certain temps. Est-ce que ça vous conviendrait mieux si vous finissiez votre conversation d’abord… ? » demanda Unbert, en regardant dans notre direction.

Si cela continuait, les adultes dans la salle seraient pris dans une boucle sans fin de courtoisies sociales. Lorraine avait rapidement mis un terme à cela.

« Non, notre discussion prendrait aussi du temps. Si ce que vous avez à dire à Sœur Lillian concerne sa santé, alors cela nous concerne aussi. Peut-être devrions-nous tous nous asseoir et parler de la question à l’ordre du jour, non ? » demanda Lorraine.

En vérité, Alize avait seulement voulu devenir une aventurière pour trouver un remède à la maladie de Sœur Lillian. Le fait qu’Unbert et Norman parlent ouvertement de sa maladie nous permettrait d’expliquer les aspirations d’Alize plus tard dans la conversation.

Il y avait aussi la question des soins, avec le mélange qu’Unbert et Norman avaient concocté pour la Sœur. Tout ce que Sœur Lillian avait à faire, c’était de le boire et de commencer le processus de guérison, alors expliquer les intentions d’Alize à partir de ce moment serait sans doute plus facile.

La sœur elle-même semblait confuse face aux paroles de Lorraine, mais Unbert et Norman semblaient avoir déduit notre situation.

« Si vous êtes d’accord avec leur présence, Lady Lillian, alors il n’y a aucun problème. Cependant, ils entendront parler des raisons de votre maladie récente. Ça ne vous dérange pas, Lady Lillian ? » demanda Unbert.

Elle hocha lentement la tête. Sœur Lillian ne semblait pas avoir de problème avec la proposition.

« Je ne comprends pas vraiment la situation… mais s’il faut qu’ils soient présents, cela ne me dérange pas. S’il vous plaît, commençons la discussion, » déclara Sœur Lillian.

◆◇◆◇◆

« Alors… avec votre permission, Lady Lillian. Au sujet de la maladie qui vous a affligé… J’espère que cela ne vous inquiète pas, mais vous souffrez de ce qu’on appelle la “Maladie de l’Accumulation du Miasme”, » déclara Unbert, qui allait droit au but.

Peut-être qu’il n’était pas du genre à prendre son temps, ou peut-être qu’il pensait que cela causerait un choc encore plus grand à la sœur… Quoi qu’il en soit, Unbert avait livré son diagnostic clairement.

Je connaissais cette maladie avant même qu’Alize ne m’en ait parlé, alors je ne pouvais que supposer qu’il s’agissait d’un terme courant chez ceux qui étaient capables d’utiliser la divinité.

Toute la couleur avait disparu du visage de Sœur Lillian dès que les mots avaient quitté les lèvres d’Unbert. Je suppose que la gravité de la maladie était telle…

Les personnes atteintes ne mourraient pas de la maladie immédiatement, mais je suppose que la perspective de mourir dans les cinq à dix prochaines années terrifierait n’importe qui. Unbert avait probablement prédit sa réaction, d’où son premier avertissement.

Il aurait peut-être dû lui dire qu’il y avait un remède… D’un autre côté, même si le remède était connu, l’ingrédient impliqué — la même Fleur de Sang du Dragon que j’avais récupérée dans le marais il y a un moment — était incroyablement cher. Sœur Lillian, plus que toute autre personne, serait au courant des difficultés qu’il y avait à se procurer un tel article, ainsi que des coûts qui s’y rattachaient.

« Mais alors… combien de temps me reste-t-il… pour obtenir quelque chose d’aussi coûteux qu’une Fleur de Sang du Dragon… ? Qu’adviendra-t-il de cet orphelinat ? » Sœur Lillian dit, haletante.

Cependant, son évaluation était correcte et, après un certain temps, la sœur s’était arrêtée, apparemment plus calme. Lentement, elle secoua la tête.

« Je vous présente mes excuses. Mes pensées ont pris le dessus sur moi. Alors, combien de temps me reste-t-il ? Je vais contacter le siège de l’Église du Ciel Oriental… Il faudrait un certain temps pour trouver un successeur, quelqu’un qui pourrait bien gérer l’orphelinat. Dois-je commencer les préparatifs… ? » demanda Sœur Lillian.

Son visage était encore pâle, mais la bonne sœur fit un visage fort et parla d’une voix ferme. Sa détermination était formidable.

Cependant, il n’y avait aucune raison de s’inquiéter, et Unbert secoua la tête pendant qu’il continuait.

« Comme je l’ai dit, Lady Lillian. Ne vous inquiétez pas, s’il vous plaît. Je n’avais pas encore tout à fait fini. Vous voyez, votre maladie sera guérie. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, » déclara Unbert.

Les yeux de sœur Lillian s’étaient ouverts en grand.

***

Partie 12

« Guéri… ? De cette… maladie de l’accumulation du Miasme qui me tourmente ? »

C’était peut-être une voix presque rauque d’incrédulité, qui résonnait au fond de la gorge de la sœur. D’après sa réaction, il était évident que Sœur Lillian connaissait les particularités de la maladie et le fait qu’il n’était pas facile de s’en remettre.

Unbert se répéta en réponse à la réaction de la sœur, comme pour renforcer son propos. Il avait parlé une fois de plus, lentement et avec détermination.

« Oui. À en juger par la façon dont vous avez réagi tout à l’heure, Lady Lillian, vous devez savoir que le seul remède à cette maladie est un médicament fabriqué à partir d’une Fleur de Sang du Dragon. Cependant… nous avions déjà quelques spécimens en main. Et nous avons déjà terminé la synthèse du médicament en question… Tout ce que vous avez à faire, Lady Lillian, c’est d’en boire une certaine quantité à intervalles réguliers. »

Il semblait qu’un traitement régulier était nécessaire, car on ne guérissait probablement pas d’une seule gorgée. Je suppose que c’était acceptable, puisqu’il suffisait de boire le médicament pour obtenir une guérison complète.

Sœur Lillian semblait le comprendre, mais son expression restait quelque peu douloureuse.

« Non, eh bien… Mais… Je n’ai pas l’argent pour acheter un tel médicament…, » déclara Sœur Lillian.

Elle secoua la tête en signe de résignation apparente. Unbert l’avait arrêtée.

« Nous n’exigeons aucun paiement. N’est-ce pas, Norman ? » déclara Unbert, se tournant vers son ami rebondi.

« Exactement, » Norman l’herboriste hocha la tête profondément. « Après tout, nous n’avons pas eu à dépenser un sou pour nous procurer l’ingrédient le plus cher dans ce mélange… Sans compter que les autres ingrédients étaient assez bon marché. Quoi qu’il en soit, nous avons été plus qu’adéquatement rémunérés pour nos efforts… »

Je suppose que Norman avait fait référence aux Fleurs de Sang du Dragon que je lui avais données. Il pourrait sûrement vendre ces médicaments ailleurs, à d’autres personnes que la sœur. Il m’avait dit qu’il fabriquait des médicaments pour les pauvres, mais je lui avais donné plus qu’assez d’ingrédients pour faire des profits. Après tout, il serait difficile de continuer à faire ce qu’il avait fait s’il n’avait aucun profit. Je suppose que Norman comprenait assez bien la nature de son entreprise. Si Norman n’était pas l’homme que je pensais qu’il était, et qu’au lieu de cela il se livrait à des affaires louches, je lui demanderais de me rendre mes fleurs, mais même ainsi, il n’avait pas l’air de ce genre. Pour ce que ça valait, je lui faisais confiance.

Je l’avais compris par la frugalité des vêtements qu’il portait et de la manière dont il se comportait. Il était difficile d’imaginer que Norman avait un trafic immoral de médicaments sous le manteau. On pourrait dire qu’il se mettait sur le devant et qu’il portait des vêtements plus abîmés, mais les doutes ne s’apaiseraient jamais si j’entretenais ces pensées.

« Vous n’avez pas dépensé un sou… ? Mais, n’avez-vous pas dit qu’une Fleur de Sang du Dragon était nécessaire pour guérir cette maladie ? Je sais combien cet ingrédient coûterait, Norman. Même si vous l’avez obtenu d’une façon ou d’une autre… Je sais qu’Unbert était un aventurier… mais pas un assez doué pour affronter le marais des Tarasques. Je m’excuse pour mon franc-parler, Unbert…, » déclara Sœur Lillian.

La sœur avait regardé les deux hommes d’un air soupçonneux.

C’était comme je le pensais — Unbert était l’un de mes collègues, même si cela faisait longtemps. Il avait l’air d’avoir un certain talent, peut-être un aventurier de classe Argent inférieure ? Du fait qu’il était un guérisseur… de Rang Argent Supérieur, peut-être. Mais même alors, Unbert serait mal équipé pour s’attaquer seul au marais.

Unbert n’avait pas l’air offensé par les paroles de la sœur, et il avait plutôt hoché la tête calmement.

« Bien sûr que oui. Cela aurait été impossible pour moi. Il se trouve que nous avons peut-être eu… de la chance. Nous avons croisé le chemin d’un aventurier bienveillant qui venait de rentrer du marais, et il nous a permis d’avoir des Fleurs de Sang du Dragon… et à un très bon prix, » déclara Unbert en regardant dans ma direction.

Le choc sur le visage de sœur Lillian était évident. Comme si je me souvenais de la raison initiale de ma venue à l’orphelinat, Sœur Lillian s’était tournée vers moi.

« Vous avez fait ça… pour moi, Monsieur Rentt ? Mais… n’avez-vous pas été engagé pour débarrasser le sous-sol des monstres… ? » demanda Sœur Lillian.

C’est bien ce que j’avais dit à Sœur Lillian, mais seulement parce qu’Alize voulait que j’explique la situation comme telle. Maintenant, j’avais compris le raisonnement d’Alize, car elle ne me faisait pas entièrement confiance à l’époque, et elle avait des doutes sur le fait que je lui ramènerais vraiment une fleur. Alize ne s’était pas trompée dans son jugement puisque ce n’était pas un ingrédient qu’on pouvait se procurer si facilement. Même moi, j’avais eu des problèmes en cours de route.

J’avais donné ma propre explication.

« C’est tout simplement un moyen d’arriver à ses fins, Sœur Lillian. Pour commencer, je ne savais pas si je pouvais traverser le Marais des Tarasques intact. Nous avons pensé qu’il valait mieux ne pas vous donner de faux espoirs avant que je ne revienne avec succès afin qu’on puisse faire faire le médicament. Alize ne voulait pas vous inquiéter. »

C’était plus le raisonnement d’Alize que le mien. J’avais pensé qu’il n’était pas nécessaire de parler de ce qui s’était passé avant que j’aie accepté la demande. L’émission d’une demande à la guilde était très bien, mais il y avait une chance qu’aucun aventurier n’offre son aide, et la possibilité toujours présente d’échec, même si un aventurier avait répondu à l’appel. Alize avait décidé qu’il serait relativement inutile de faire naître les espoirs de la sœur avant qu’une solution concrète ne soit trouvée, et cette solution, c’était moi. J’avais accepté sa demande et je l’avais menée jusqu’au bout.

C’était tout — ni plus ni moins. Alize avait simplement pris le meilleur choix dans une situation défavorable, puis s’était mise à résoudre le problème du mieux qu’elle le pouvait.

En y repensant, j’avais pensé que je devrais prendre un moment pour admirer la détermination et la volonté d’Alize. Cependant, je suppose qu’Alize ne comprenait pas vraiment la logistique d’une telle opération, puisque le Marais des Tarasques était un endroit où même les aventuriers adultes préféraient ne pas s’aventurer.

Même si les aspirations d’Alize étaient quelque peu imprudentes, le fait qu’elle ait pris la décision de faire une telle chose était en soi admirable. Alize devait vraiment admirer Sœur Lillian, d’une façon ou d’une autre.

« Je… Je vois. Mais alors… pourquoi aller aussi loin pour cueillir des Fleurs de Sang du Dragon, Monsieur Rentt… ? » demanda Sœur Lillian.

« C’était bien sûr une demande, » répondis-je.

C’était exactement ça. Je suppose que c’était le moment idéal pour expliquer toute la situation.

« Mais… de qui ? » demanda Sœur Lillian.

« Je suppose que vous avez déjà vos soupçons, ma sœur. Le client était… “Les orphelins du deuxième orphelinat de Maalt”, clairement écrit sur le formulaire, » déclarai-je.

« Les enfants… ? » demanda Sœur Lillian.

Bien qu’elle ait semblé choquée, Lillian elle-même s’était rapidement adaptée à cette évolution. Il était clair que quiconque comprenait qui avait fait la demande, même si je n’avais rien dit.

« Surtout Alize…, » avais-je continué mon explication. « Nous discutions des difficultés de cueillir une telle fleur, n’est-ce pas ? Si personne ne répondait à l’appel, Alize avait l’intention de devenir elle-même une aventurière, et d’aller un jour dans le marais… C’est à quel point elle vous respecte, Sœur Lillian. »

« Alize ferait ça… pour moi ? Je… Je vois… d’où l’idée de devenir une aventurière…, » Sœur Lillian avait dit cela lentement, et elle avait commencé à relier les points.

Elle hocha la tête, lentement et à plusieurs reprises. Unbert profita de l’occasion pour intervenir.

« Peut-être pourrions-nous reporter cette discussion. En tout cas, Lady Lillian, vous serez guérie. Norman a les médicaments avec lui. Veuillez l’accepter, » déclara Unbert.

Unbert recula, permettant à Norman de s’approcher du chevet de la sœur. Récupérant une petite boîte en bois de son sac, l’herboriste avait remis le médicament à Sœur Lillian. Les mains tremblantes, elle accepta le cadeau, ouvrant lentement le couvercle de la boîte. À l’intérieur, il y avait une quantité appréciable de grosses pilules, de la taille du bout du doigt.

« Prenez-en une par jour, pendant environ un mois. Ces pilules expulseront le miasme accumulé dans votre corps et, avec cela, vous serez débarrassé de la maladie de l’accumulation de Miasme qui vous a tant affligé. Le processus de guérison varie cependant d’une personne à l’autre. Si vous avez besoin de plus, nous avons en stock. Ne vous inquiétez pas, nous vous fournirons tout ce dont vous avez besoin gratuitement si jamais vous en avez besoin. Vous devriez être en mesure de vous sentir en convalescence à chaque application. N’oubliez pas de prendre une seule pilule avec de l’eau tous les jours. »

Prenant une pilule, Sœur Lillian la tenait sous ses yeux, la main tremblant légèrement pendant qu’elle la tenait.

« Je… Je serai vraiment guéri ? Je ne sais pas… quoi dire. Merci, tout le monde… Je n’oublierai jamais ce cadeau, tant que je vivrai…, » déclara Sœur Lillian.

La sœur inclina la tête. De grosses gouttelettes de larmes tombèrent sur ses draps blancs. En même temps, un bruit familier retentissait de la direction de la porte.

« J’ai apporté les chaises — hein… ? »

Alize, qui avait ouvert la porte avec des chaises derrière elle, avait failli les faire tomber quand elle avait regardé dans la salle.

***

Partie 13

« Qu… ? Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui se passe !? » s’exclama Alize, en voyant Sœur Lillian en larmes.

Alize s’était précipitée dans la pièce, paniquée, avant de se rendre compte que quelque chose d’extraordinaire s’était produit dans la pièce pendant son absence. Les chaises, bien sûr, avaient été laissées dans le couloir, je suppose qu’il fallait s’y attendre dans cette situation.

Sœur Lillian, supprimant ses sanglots, répondit lentement à Alize. « Alize… Oh ! Je devrais vous le dire ! Qu’est-ce que vous avez fait, à me cacher tout ça… ? »

Face à ces mots, Alize s’était tournée sur elle, nous regardant tous avant de se tourner rapidement vers Sœur Lillian. Il semblait qu’elle avait suffisamment compris la situation.

Alize avait répondu quelque peu en s’excusant. « Ah… J’ai été découverte, hein… Je m’excuse. Euh. Mais… nous… Nous voulions vraiment que vous alliez mieux, Lady Lillian… »

C’est ainsi qu’Alize avait tout raconté à Sœur Lillian, n’oubliant aucun détail. Alors que je pensais que Sœur Lillian serait bouleversée par les actions d’Alize, elle avait plutôt souri doucement, sans un soupçon de colère dans sa voix.

« Je comprends. Je n’ai pas l’intention de vous blâmer ou de vous réprimander, Alize… Non. Au lieu de cela, je me sens vraiment bénie… Dans des circonstances normales, la maladie de l’accumulation du miasme resterait incurable — telle est la difficulté de se procurer une Fleur de Sang du Dragon. Parmi les fidèles et ceux qui sont bénis par la divinité, c’est une maladie des plus redoutables… Malgré tout…, » déclara Sœur Lillian.

« C’est un miracle des Grands Anges… Ça doit l’être. Un… Un miracle, en reconnaissance de tout le travail que vous avez fait pour nous, pour l’orphelinat, Lady Lillian… Un m-miracle…, » déclara Alize.

Alize baissa la tête. Les paroles émouvantes de la sœur l’avaient probablement émue au point de la faire pleurer.

Sœur Lillian continua à sourire, en secouant la tête lentement.

« Je n’ai fait que ce qui devait être fait. C’est peut-être bien le choix des Grands Anges, mais, plus que tout, c’était vous, Alize. Vous avez travaillé dur pour m’aider. Monsieur Rentt a bravé le marais et il a trouvé les fleurs… pendant qu’Unbert et Norman synthétisaient le médicament. Je vous suis profondément reconnaissante… pour toute votre aide. Vraiment. Merci, tout le monde…, » déclara Sœur Lillian.

Quelque chose semblait jaillir du fond de son cœur, alors que les larmes coulaient à nouveau des yeux de la sœur.

◆◇◆◇◆

« Rentt ! Rentt ! Je peux y aller ensuite ? Je peux y aller ensuite ? »

« Eh ! Je suis le prochain ! »

« Eh !? Mais j’étais le premier dans la file ! »

Une petite foule se tenait autour de moi dans la petite chapelle de l’orphelinat, les yeux fixés sur un petit dirigeable à l’air familier, volant dans la zone. La foule n’était autre que Lorraine, moi-même et tous les orphelins du deuxième orphelinat de Maalt.

Le dirigeable volait d’une manière un peu précaire et semblait parfois instable, mais il restait fermement en vol. Comme s’il obéissait à la volonté de l’individu qui le contrôlait, il restait à l’écart du plafond et des murs. Celui qui tenait la télécommande était l’un des orphelins de la foule, un garçon d’environ cinq ans. J’avais commencé à jouer avec le dirigeable il y a quelques instants, l’enfant me regardait avec envie, alors j’avais pensé qu’il était juste de le laisser faire. Le garçon n’avait pas de mana en lui, mais j’avais rechargé le cristal du dirigeable de façon adéquate et il suffisait de tenir la télécommande pour qu’il s’élève dans le ciel.

On pourrait peut-être se demander comment j’avais pu me retrouver dans une telle situation. L’explication était simple : Unbert et Norman étaient revenus après avoir donné à la bonne sœur des instructions sur la façon de prendre le médicament. Sœur Lillian, cependant, avait voulu parler à Alize en privé. Lorraine et moi avions été invités à attendre dehors.

La conversation portait sans aucun doute sur notre projet de faire d’Alize un aventurier-mage-chercheur en quelque sorte. C’était tout un engagement, alors je ne m’attendais pas à une réponse immédiate, quelques jours, ou peut-être même un peu plus.

Bizarrement, on nous avait dit que la conversation ne prendrait pas beaucoup de temps. Curieux, j’avais demandé une raison, et on m’en avait donné une comme telle. Même si nous avions l’air un peu étranges pour Sœur Lillian, elle ne nous considérait pas comme des personnes mal intentionnées, et elle croyait qu’on pouvait nous faire confiance. Elle souhaitait simplement interroger Alize sur sa détermination et ses rêves pour l’avenir.

Mais…

Un peu étrange ?

J’avais l’impression que j’aurais dû dire quelque chose au sujet de notre étrangeté perçue, mais j’avais finalement décidé de ne pas le faire. Lorraine, sentant mon mécontentement, m’avait rapidement tiré hors de la pièce, annonçant que nous attendions dans la chapelle de l’orphelinat.

J’aurais peut-être dû être plus déterminé. Étrange ? Nous ? Pourquoi ? En quel sens… ?

Mais je suppose que tout cela avait été dit et fait maintenant. Les deux individus avaient vraiment besoin de parler.

« Eh bien, Rentt. Est-ce que c’est vraiment bon ? Cela n’est-il pas important pour toi ? » déclara Lorraine en regardant le petit dirigeable qui volait au-dessus de nos têtes.

Lorraine avait raison — le dirigeable signifiait beaucoup pour moi, mais je ne devais pas interdire à tout le monde d’y toucher. La joie de contrôler un objet magique aussi merveilleux devrait être partagée par le plus grand nombre de personnes possible… Du moins, c’est ce que je pensais.

Pour que cela se produise, il fallait des participants, mais j’étais plus préoccupé par la possibilité d’un vol. Heureusement, il n’y avait pas lieu de s’inquiéter dans cette situation particulière, et je m’étais retrouvé à apprécier l’atmosphère de la pièce plus que je ne l’aurais due.

« C’est très bien. Ils ont tous l’air de s’amuser, » répondis-je en jetant mon regard vers les enfants qui se passaient la télécommande entre eux.

« Je suppose que oui, » Lorraine hocha la tête, déplaçant son regard aussi bien. « Mais, Rentt… qu’en penses-tu ? Serait-elle d’accord ? »

Un changement de sujet, sans doute, le sujet en question n’étant autre que celui de la carrière d’aventurier d’Alize.

« Je crois que cela devrait aller. Considérons le fait que les options de carrière d’un orphelin sont quelque peu limitées. S’ils travaillent dur et sont assez intelligents, ils finissent moines ou sœurs dans un sanctuaire quelque part. La plupart des enfants ici, cependant, devraient trouver un emploi de leur propre chef. Alize est encore jeune, mais elle atteindra l’âge adulte dans deux, peut-être trois ans, et elle sera dans le même bateau. Nous ne faisons qu’accélérer le processus, » répondis-je.

Lorraine avait un regard un peu douloureux présent sur son visage, ce qui était prévisible, étant donné la cruelle réalité qui attendait la plupart des orphelins devant nous.

« Oui, oui, oui. Je suppose que tu as raison, » Lorraine secoua rapidement la tête. Sa voix était un peu plus douce que d’habitude.

À ce moment-là, un son familier résonnait derrière nous, les portes de la chapelle s’étaient ouvertes.

« On dirait qu’ils sont là, Rentt, » déclara Lorraine.

Sœur Lillian et Alize se tenaient sur le pas de la porte. Je trouvais étrange que la sœur se lève si vite, mais à mesure qu’elle s’approchait, je pouvais voir un sourire sur son visage.

« Cela fait peu de temps que j’ai pris ma première dose de médicament, mais mon corps se sent déjà plus léger. Une partie de ma divinité est aussi revenue. Avec cela, je pourrais sûrement reprendre mes fonctions, » déclara Sœur Lillian.

C’était vraiment une bonne chose. Sœur Lillian semblait déjà beaucoup mieux. Alize, cependant, lui chuchota d’une voix petite, mais urgente.

« Lady Lillian ! Vous n’êtes pas encore guérie ! Vous devrez reposer votre corps. Je vais m’occuper des affaires quotidiennes de l’orphelinat encore un peu plus longtemps…, » répondit Alize.

En regardant la paire, je n’avais pas tout à fait compris qui était l’administrateur de l’orphelinat. Lillian se tourna vers Alize, avec le même sourire doux sur son visage.

« Haha… Alors, Alize. Je suppose que je vais vous laisser faire encore un peu. Même ainsi, mon enfant… n’alliez-vous pas avec ces gentilles personnes ici pour apprendre les façons d’être un aventurier, de faire de la magie, et de poursuivre des études ? À partir de maintenant, vous ne devriez plus essayer de tout faire vous-même. Apprenez à vous fier davantage aux autres, Alize, » déclara Sœur Lillian.

Face à ces mots, Lorraine et moi avions ressenti un soulagement. Il semblait que la sœur nous avait donné sa bénédiction.

Alize s’était rapidement tournée vers nous.

« C’est ainsi, Monsieur Rentt, Mlle Lorraine. Je serai désormais sous votre responsabilité. Je… Je vais travailler dur ! » dit Alize, inclinant la tête profondément.

« Oui, nous allons travailler ensemble à partir de maintenant, vous et moi. Ouvrons un chemin glorieux vers l’amélioration de la magie et de la connaissance, » dit Lorraine, un peu théâtralement.

J’avais continué juste après elle.

« Je suis aussi heureux de travailler avec vous… Vous voulez devenir une aventurière, n’est-ce pas ? » demandai-je.

Pour une raison ou une autre, j’avais l’impression qu’il me fallait une confirmation adéquate de la part d’Alize pour me rassurer.

***

« Eh bien, alors, mes étudiants. Une question de base, l’un des fondements de la magie… Savez-vous ce qu’il faut pour tisser des sorts ? » Lorraine avait demandé, en tenant une sorte de pointeur en bois et en le frappant de temps en temps contre une grande planche plate montée derrière elle.

Nous étions, bien sûr, dans le salon de Lorraine. Et par les étudiants, Lorraine n’avait fait référence à personne d’autre que moi, Rentt Faina, et Alize, qui était assise à côté de moi.

Alize avait formellement décidé de poursuivre le chemin d’une mage — ou d’une aventurière — juste la veille, et c’était la toute première leçon que nous devions prendre, le tout premier jour de notre nouveau programme.

On peut se demander pourquoi moi, Rentt Faina, j’étais assis à côté d’Alize. La raison en était que Lorraine était en train de nous enseigner les bases de la magie. Alize avait une grosse réserve de mana, et en tant que telle, elle devrait être formée à juste titre dans les voies de la magie. Mais Alize n’était pas la seule à avoir ces talents, car j’étais dans le même cas.

Bien sûr, il s’agit d’une évolution relativement récente. Avant, tout ce que je pouvais faire, c’était lancer des sorts d’attaque de faible zone, ou peut-être faire sortir un filet d’eau de mes paumes. Personne n’aurait pu prétendre que j’avais un talent magique quelconque dans le passé, mais ma situation était maintenant légèrement différente… Après tout, ma capacité de mana et mon talent pour la magie avaient considérablement augmenté depuis ma dernière Évolution Existentielle — et même d’une manière un peu incroyable.

***

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