Neechan wa Chuunibyou – Tome 3 – Chapitre 4

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Chapitre 4 : Bienvenue sur l’île Kurokami remplie de mystère !

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Chapitre 4 : Bienvenue sur l’île Kurokami remplie de mystère !

Partie 1

Yuri marchait dans le couloir curieusement lumineux et large.

Le passage avait été taillé dans un carré parfait, à partir d’un matériau inconnu, parfaitement lisse. Les murs, le sol et le plafond, tout rayonnait de lumière. Chaque côté mesurait environ cinq mètres.

On avait dit à Yuri que c’était une installation utilisée par l’ancienne armée japonaise, qui avait fait des expériences ici sur l’île de Kurokami.

Elle ne savait pas si c’était vrai, et très franchement, elle avait trouvé cette affirmation douteuse. Elle doutait qu’il soit possible de faire quelque chose comme ça dans les années 1940. Même avec la technologie moderne, ce serait probablement très difficile.

Alors que Yuri se trouvait dans une impasse du couloir, un trou carré s’était ouvert sans bruit devant elle. Il y avait autre chose qu’elle ne comprenait pas. Comment un trou comme ça peut-il s’ouvrir dans un mur sans marques ?

Yuri avait traversé le trou et était entrée dans la pièce du fond.

La pièce était bordée de cylindres en résine transparente.

Chaque cylindre était rempli d’un liquide trouble, et des choses à l’intérieur du liquide qui se tortillaient un peu. De temps en temps, il y avait un bruit sourd quand l’une des choses frappait avec force contre son cylindre.

Yuri avait marché parmi eux.

Elle s’était approchée d’un cylindre en particulier, puis s’était arrêtée. Elle avait regardé le panneau devant elle. Il contenait une grille de boutons.

Yuri n’avait pas reconnu les symboles inscrits sur les boutons. Ils ne faisaient partie d’aucune langue qu’elle avait vue.

Yuri avait appuyé sur les boutons avec les symboles dans l’ordre dans lequel on lui avait dit.

Le cylindre s’était ouvert puis l’eau trouble avait commencé à s’en écouler, révélant la forme d’un jeune homme nu.

« J’ai entendu dire qu’il était temps, » déclara Yuri au fur et à mesure que le cylindre se soulevait, libérant ainsi le jeune homme. « Comment te sens-tu ? »

C’était Takashi Jonouchi. Pendant quelques instants, il regarda autour de lui dans la confusion, comme s’il ne savait pas où il était. Mais enfin, il fixa les yeux sur Yuri avec un éclat de fureur.

« Toi… toi ! Qu’est-ce que c’était que ça ? Qu’est-ce que tu essaies de me faire !? » Il semblait ne montrer aucun respect à quelqu’un qui l’aidait.

« Qu’est-ce que j’essaie de faire ? J’essaie bien sûr de te faire retrouver tes pouvoirs d’Anthromorphe, » répondit Yuri.

« Comme ça ? » cria-t-il.

« C’est quelle chose étrange à dire ? Qu’est-ce que tu croyais que ça allait être ? Réciter des chants et brûler de l’encens ? C’est ridicule ! Pensais-tu vraiment que quelque chose comme ça pourrait faire de toi un Anthromorphe ? » demanda-t-elle.

« C’est…, » commença l’autre.

Elle avait expliqué à Takashi que le village de la foi du Dieu bestiale pouvait effectuer un rituel qui le transformerait en Anthromorphe.

Elle ne mentait pas. C’était en effet un village qui vénérait un dieu des bêtes, et c’est ce rituel qu’ils avaient fait. C’est juste que le rituel n’était pas du tout ce à quoi Takashi s’attendait.

« Si… Si tu pouvais vraiment y croire, cette méthode aurait aussi fonctionné, » déclara-t-elle. « Mais en tant que citoyen de la société moderne, je doute que tu accordes beaucoup d’importance à la façon dont les gens faisaient les choses, à l’époque des mythes et des légendes. Ai-je raison ? La seule façon pour un homme moderne comme toi d’accepter l’idée d’être transformé en Anthromorphe serait d’utiliser le pouvoir de la biotechnologie. »

« Vraiment ? » demanda-t-il. « J’ai du mal à croire que ça marcherait ! »

« Mais tu as pensé “peut-être”, n’est-ce pas ? Injecté avec des drogues, coincé dans une cuve… cela semblait plus plausible qu’un mystérieux rituel, n’est-ce pas ? » Yuri attendait que ses mots s’enfoncent en lui. Elle avait l’intention de l’utiliser comme homme de main, mais il serait inutile s’il était trop rebelle. Il avait besoin d’un certain degré d’acceptation. « Ça a marché pour toi, alors qu’elle est le problème ? »

« Ça… a marché ? » demanda-t-il.

« Oui. Tu es sous forme humaine en ce moment, ce qui veut dire que c’est un succès. Aimerais-tu voir un échec ? » Yuri avait tourné les yeux vers la prochaine cuve.

Une main gonflée frappa à plusieurs reprises sur la cloison de la cuve. On lui avait dit que c’était l’un des échecs.

« Si tu as suffisamment récupéré, nous pouvons remonter à la surface, » déclara-t-elle. « Aiko Noro va bientôt arriver, semble-t-il. Je suggère que nous allions la rencontrer. »

Takashi se leva et regarda sa paume. La fourrure animale avait commencé à pousser à l’extérieur. Ses ongles poussaient et s’affûtaient, comme des couteaux.

Il l’avait ensuite fait revenir à sa main humaine normale.

« C’est de retour… haha… le courant est revenu ! » Takashi pleura de joie, avec tous ses ressentiments oubliés.

Il est certainement égoïste, pensa Yuri.

 

✽✽✽✽✽

 

La deuxième journée du camp de formations s’était déroulée sous un ciel ensoleillé.

Yuichi avait passé la matinée à se préparer pour leur voyage sur l’île bizarre de Mutsuko. Il transportait leurs bagages sur le navire de la famille Noro, un grand yacht à cabine à deux étages et un grand pont au deuxième étage à l’arrière. Le premier étage comprenait des cabines, ainsi qu’une salle de bain et des douches.

Une fois arrivés sur l’île de Kurokami, ils camperaient à l’extérieur, alors il avait dû emporter des tentes, des sacs de couchage et d’autres outils de camping.

« A-t-on besoin de ce parapluie ? » demanda Yuichi, portant la grosse monstruosité de papier et d’acier qu’ils avaient utilisée comme parasol de plage la veille.

« J’ai pensé qu’on pourrait en avoir besoin pour la plage de l’autre côté ! » Mutsuko avait dit qu’elle apportait elle-même des choses légères, comme des ustensiles de cuisine.

« Hey, tu ne peux pas demander à Ibaraki de porter quelques trucs lourds ? » se plaignait-il. Étant donné que le gars avait apporté beaucoup de choses à la maison en premier lieu, il semblait tout à fait approprié qu’il le fasse.

« Oh, tu ne savais pas ? Ibaraki est dans le cachot avec le frère de Noro, » déclara Mutsuko.

« Le cachot !? Ils en ont un ici aussi ? … Qu’est-ce qui s’est passé, de toute façon ? » demanda-t-il.

« Ils épiaient, » répondit Mutsuko.

« Ahh…, » Yuichi avait raison. Il semblait que Mutsuko avait vraiment préparé ses défenses.

« Tu prends un pari et tu perds, tu dois accepter la punition ! » déclara Mutsuko.

« Comment les as-tu découverts ? » demanda Yuichi.

« J’ai repéré à l’avance les meilleurs endroits de voyeurisme, et j’ai placé des hommes en bois sur chacun d’eux. »

« Ces choses-là ? » Yuichi s’était froissé le nez.

Les hommes en bois étaient des choses humanoïdes faites de rondins : des marionnettes à mouvement d’horlogerie, en quelque sorte. Elle avait recréé les poupées d’entraînement qu’elle avait vues dans un film de kung-fu. Yuichi ne savait pas comment ils fonctionnaient, mais ils faisaient des adversaires très durs. Ils étaient assez puissants pour que Yuichi se demande pourquoi il s’était donné la peine de s’entraîner alors qu’elle pouvait simplement envoyer les marionnettes au combat. Elle aurait dû les utiliser comme des chiens de garde. Il avait sympathisé avec Ibaraki sur ce point, juste un petit peu.

« Alors, quoi ? On les laisse derrière nous ? » demanda-t-il.

« Je pense que nous devrions leur donner quelques jours pour réfléchir à ce qu’ils ont fait, » avait dit Mutsuko.

Yuichi fut surpris que Kyoya ait participé au voyeurisme. Mais apparemment, il aimait les gros seins, alors peut-être qu’il avait voulu entrevoir Kanako.

« Cependant, c’est une punition étonnamment sévère, » déclara Yuichi. « Je me suis dit que ça ne te dérangeait pas d’être vue nue… »

« Comme c’est grossier ! Moi aussi, je suis gênée, tu sais ! » déclara-t-elle.

« Alors, ne te balade pas nue ! » répliqua Yuichi.

Yuichi faisait référence à la nuit précédente, quand elle était sortie en courant sans mettre de vêtements après avoir entendu Yuichi frapper l’arbre.

« Ça ne compte pas quand c’est toi, Yu ! » dit-elle joyeusement.

« Non, tu devrais encore être un peu gêné devant ton frère, » s’exclama-t-il. « C’est une question de décence de base. »

Ils avaient transporté une série de bagages les uns après les autres pendant qu’ils parlaient. Il y avait beaucoup d’autres objets lourds en plus du parapluie.

« C’est tout ce qu’il y a ? » demanda Yuichi.

Il n’était pas encore midi alors qu’ils terminaient leurs préparatifs, ils avaient donc déjeuné, puis s’étaient dirigés vers la mystérieuse île en question.

Yuichi et Aiko se tenaient sur le pont du côté de la proue, regardant l’océan. Yuichi portait une chemise, une veste et un jean, tandis qu’Aiko portait une robe grise avec des manches à volants et un chapeau blanc à large bord.

« Ce chapeau te fait ressembler à une héritière, » dit Yuichi.

« Hein ? Vraiment ? » Aiko semblait un peu ravie par ce commentaire.

Se sentant un peu mal à l’aise qu’elle agisse de la sorte à cause d’une simple observation, Yuichi avait changé de sujet : « Alors, qui est Akiko ? »

Akiko conduisait le bateau. C’était une chose surprenante pour un civil ordinaire d’avoir un permis pour le faire.

« Je ne sais moi-même pas grand-chose…, » Aiko l’avait admis.

Akiko était une servante au service de la famille d’Aiko, et pourtant Aiko ne semblait pas en savoir beaucoup sur elle.

Yuichi pensait juste qu’ils pourraient peut-être se calmer jusqu’à ce qu’ils arrivent sur l’île, quand Mutsuko et Yoriko étaient apparues, tirant un gros coffre derrière elles.

Mutsuko portait un survêtement, elle avait apparemment pensé que c’était la meilleure façon de créer cette atmosphère de « camp d’entraînement ».

Yoriko était habillée de façon décontractée avec une chemise sans manches et un pantalon léger. En tant que son frère, Yuichi ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter qu’elle montre un peu trop de peau.

Natsuki avait suivi, n’aidant pas du tout. Elle portait un chemisier blanc et un pantalon Capri.

« D’accord, Yu! Il est temps de commencer l’entraînement ! » Mutsuko avait ouvert le coffre. Il était rempli d’objets en forme d’anneau. Ils avaient environ trois centimètres d’épaisseur et de toutes tailles différentes.

Yuichi en avait pris un. C’était très lourd. On aurait dit des tubes flexibles remplis de poids. Vous pourriez aussi voir des chaussures ou des sacs à dos pleins de poids.

« Mets-les ! » demanda-t-elle.

« Ouais, ouais. J’ai compris, » déclara-t-il.

Elle lui avait beaucoup fait subir ce genre d’entraînement — en couvrant son corps de poids pour augmenter sa résistance. Elle avait peut-être l’intention qu’il les porte tout le temps qu’ils seraient sur l’île. Yuichi enleva sa veste et obéit aux ordres.

« Cela fait environ 100 kg en tout, » déclara Mutsuko. « Je voulais vraiment te donner plus de poids, mais c’est dur de les mettre quand tu peux à peine bouger. »

« Mutsuko, il sera bon avec tout ça ? » demanda Aiko avec inquiétude.

« Ouais. Ce n’est rien que Yu ne puisse gérer ! Il fait ça tout le temps ! » proclama-t-elle.

En effet, Yuichi portait ce genre de choses plus ou moins tous les jours. Elle lui en avait même fait porter des versions plus discrètes à l’école.

« Mais les plus visibles sont encore plus lourds…, » murmura Yuichi. Il était cependant presque sûr qu’il pouvait encore bouger. Il avait expérimenté en soulevant légèrement ses mains et ses pieds.

« Maintenant, nage ! » déclara Mutsuko.

Coup de poing ! Mutsuko avait donné un coup à Yuichi.

Ce petit geste avait suffi à faire perdre l’équilibre à Yuichi. Il avait heurté la rambarde à hauteur de la hanche, s’était mis à se renverser et avait tendu la main de façon réfléchie.

Mutsuko s’était précipitée vers lui et avait repoussé la main.

Sans défense, Yuichi tomba.

Il avait frappé l’eau en produisant un grand jet et il s’était enfoncé dans l’eau. Au fur et à mesure qu’il coulait, le bateau s’éloignait de plus en plus.

« Grand Frère ! » hurla Yoriko.

« Sakaki ! » Aiko avait crié en chœur.

Mais la seule qui avait bougé, c’était Natsuki, qui avait immédiatement couru auprès de Yuichi.

« Ah…, » déclara Yoriko.

Yoriko s’était déplacée pour la poursuivre, mais Mutsuko avait saisi son épaule pour l’arrêter.

« Sœurette ! » cria Yoriko.

« Ne fais pas ça, Yori, » dit-elle. « Si ça continue, cela sera trop pour lui. Si tu plonges, ça pourrait le tuer ! »

« Hein ? Mais…, » déclara Yoriko.

« Avec Takeuchi, il devrait pouvoir y arriver. Pas plus que ça, car sinon, il pourrait vraiment mourir, » déclara-t-elle.

Yoriko s’était arrêtée, incapable de plonger après avoir entendu ça.

« Yu! On continue sans toi ! » La voix de Mutsuko résonnait sur la mer.

Il s’éloignait de plus en plus.

« Donne-moi une chance ! » Yuichi avait nagé de toutes ses forces et avait sorti son visage de l’eau en criant. Il n’aurait jamais imaginé qu’elle le repousserait.

Il ne pensait pas baisser la garde, mais Mutsuko connaissait toutes les mauvaises habitudes de Yuichi. Elle l’avait complètement déséquilibré.

La première chose que Yuichi avait vue quand il avait refait surface, c’était Natsuki qui se noyait.

« Hé ! Qu’est-ce que tu fais ? » demanda-t-il en crachant de l’eau.

 

 

Ses mains et ses pieds battaient à tout rompre, et elle crachait désespérément l’eau qu’elle avalait. Yuichi nagea rapidement jusqu’à Natsuki, mais Natsuki déplaça ses bras vers lui et elle s’accrocha là.

Il avait maudit rapidement sa folie de s’être approché par devant.

« Hé ! Attends une minute ! » protesta-t-il. Il ne pouvait pas bouger avec ses bras autour de lui comme ça, elle allait finir par noyer son sauveur potentiel.

Finalement, Yuichi avait réussi à l’arracher à lui et s’était retrouvé derrière elle.

« Écoute-moi bien. D’abord, tu dois te détendre et te calmer. Tu flottes. Tu ne portes pas de poids, alors tu vas flotter ! » Yuichi avait eu du mal à retrouver son souffle pour l’instruire. Il portait 100 kilos sur ses mains et ses pieds, qui tentaient sans relâche de le traîner au fond de la mer d’une manière cruelle.

Il avait accroché son bras droit autour de Natsuki pour la retenir. C’était d’une façon que cela lui avait écrasé les seins, mais c’était une situation d’urgence… Il n’avait pas vraiment le choix.

D’abord, il l’avait mise dans une posture apaisante.

Il avait écarté les jambes et avait donné des coups de pied l’un après l’autre. C’était une vieille méthode pour avancer dans l’eau.

« Eh bien ? Tu te sens plus calme ? » demanda-t-il.

« Je vais bien. Je vais bien. Euh… désolée. » Comme il était derrière elle, il ne voyait pas l’expression de son visage, mais la voix de Natsuki semblait vraiment désolée.

« Je pense que tu ne m’aies jamais dit ça avant, » avait-il commenté.

« Est-ce que ça va ? » demanda-t-elle.

« Oui, je devrais aller. Je sais même nager en armure… mais wôw, tu sais nager, Takeuchi ? » demanda-t-il.

« Non. » Elle était étrangement franche, peut-être parce qu’elle était consciente des problèmes qu’elle lui avait causés.

« Pourquoi as-tu plongé si tu ne sais pas nager ? » demanda-t-il.

« Quand j’ai cru que tu allais mourir, mon corps a bougé tout seul. Parce que, tu sais… C’est moi qui suis censée te tuer. C’était une sorte de “bon sang, l’océan ne m’enlève pas ça”, tu vois ? » répondit-elle.

« L’océan fait un sacré rival…, » dit Yuichi. Natsuki semblait vraiment avoir absorbé beaucoup d’influence de Mutsuko.

« Qu’est-ce qu’on va faire ? » demanda Natsuki.

« Je suppose qu’on n’a plus qu’à aller sur l’île, » déclara-t-il.

« Ne serait-il pas plus rapide d’y retourner ? » demanda-t-elle.

Le bateau venait juste de quitter l’île de Madono. Ce serait beaucoup plus facile d’y retourner.

« Non, nous continuerons, » déclara Yuichi. « Si on fait demi-tour, j’aurai l’impression d’avoir échoué. » Il n’envisagerait même pas non plus d’enlever les poids. En fin de compte, Yuichi voulait que les ordres de Mutsuko soient exécutés.

« Est-ce vraiment le moment ? » Natsuki respira, horrifiée.

« Je sais de quoi ça a l’air, mais ma sœur n’exige rien de moi que je ne puisse gérer. Ce qui veut dire qu’on devrait pouvoir y arriver, » déclara-t-il.

Malgré tout, c’était une situation assez délicate. C’était à 20 kilomètres de l’île. Nager, ce serait dur dans le meilleur des cas, et il portait 100 kg de poids et transportait une fille qui ne savait pas nager. En plus, ils n’avaient ni nourriture ni eau.

« Nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous décider…, » commenta Yuichi. Il s’inquiétait pour Natsuki. Serait-elle d’accord pour venir avec lui comme ça ? « Tu veux y retourner, Takeuchi ? »

Il pourrait ramener Takeuchi sur le continent, puis se diriger lui-même vers l’île.

« Je vais m’en sortir, » déclara-t-elle. « J’ai plus d’endurance qu’une personne normale, mais je ne sais pas nager. »

Yuichi s’inquiétait toujours de la partie « ne sait pas nager », mais il était bien conscient des capacités surhumaines de Natsuki. « D’accord, allons-y. Aussi vite que possible. »

Yuichi avait commencé à nager vers l’île Kurokami.

***

Partie 2

L’île de Kurokami.

Le nom traduit donnerait « L’île du Dieu Noir », mais on pourrait aussi l’interpréter comme « Île aux cheveux noirs ».

C’était une petite île dans la mer du Japon, à environ dix kilomètres de côtes et 70 kilomètres carrés de terre. L’île avait été formée par un strato-volcan presque circulaire qui se trouvait en son centre, auquel l’Agence météorologique japonaise avait attribué un rang d’activité de classe A.

Malgré tout, il ne fumait pas tout le temps et, en fait, il n’avait pas eu d’activité digne de mention au cours des dernières années.

Le volcan était presque au centre de l’île, et il mesurait environ 400 mètres de haut. Les rives de l’île étaient presque toutes des falaises abruptes, ce qui signifiait que toutes les entrées et sorties de l’île avaient lieu dans un petit port.

Les résidents désignaient le côté de l’île selon le port — le côté qui fait face au continent — comme le devant et l’autre côté comme l’arrière.

Le front était entièrement plat et abritait les résidences locales et leurs rizières.

L’arrière était principalement constitué de montagnes et de forêts, et n’était donc pas adapté aux habitations. La famille qui contrôlait l’île avait déclaré cette zone interdite.

Malgré l’isolement de l’île, environ 300 personnes y vivaient encore et gagnaient leur vie.

Rien de tout cela ne donnait l’impression qu’il s’agissait d’un endroit très intéressant à visiter, mais comme Mutsuko l’avait dit, il y avait pas mal de légendes liées à la région.

Selon une légende, des pirates étrangers s’y seraient installés à l’époque du Genroku, y auraient caché leurs gains mal acquis après des années de pillage, puis auraient disparu sans laisser de traces.

Selon une autre rumeur, l’armée impériale japonaise aurait utilisé l’île à des fins de recherche sur les armes, et l’île aurait été effacée des cartes de l’époque en raison de sa nature top secrète.

D’autres rumeurs suggéraient que des OVNIS avaient été vus débarquant sur l’île, et que des yokais et des monstres y avaient également été vus.

Une dernière rumeur déclarait que l’île était l’hôte d’une divinité monstrueuse, et que d’étranges rituels étaient organisés pour la vénérer. Les habitants de l’île l’avaient cependant fermement nié, de sorte qu’il n’en était resté que du ouï-dire.

La seule façon d’accéder à l’île était par la mer, mais sans un service régulier de traversier, les quelques personnes qui connaissaient l’île auraient dû affréter leurs propres bateaux si elles voulaient s’y rendre.

C’est sur cette île que le club de survie — sans Yuichi et Natsuki — avait finalement touché terre.

*

Leur voyage vers l’île de Kurokami avait pris environ une heure au total. C’était encore en début d’après-midi, et le soleil les avait frappés de plein fouet.

« Ne serait-ce pas difficile de tout déballer sans Sakaki ici ? » demanda Aiko, incertaine, alors qu’elles pénétraient dans le petit port de l’île de Kurokami. La vue des piles de bagages éparpillés au hasard sur le pont était extrêmement démotivante.

« Ahh ! Je n’y avais jamais pensé ! » s’exclama Mutsuko.

Mutsuko pouvait planifier toutes sortes de choses inutiles, même si ce genre de choses lui échappait souvent. Mais elle n’avait pas l’intention d’y retourner pour les deux qu’elles avaient laissés derrière elles. Au lieu de cela, Mutsuko, Yoriko, Aiko et Akiko avaient tous travaillé ensemble et avaient fini par retirer tous les bagages du bateau.

Aiko regarda autour d’elle. Le port était calme, sans une seule personne en vue.

Il y avait deux de ce qui ressemblait à des bateaux de pêche amarrés à la jetée. Aiko se demandait oisivement comment faisaient les résidents pour revenir sur la terre ferme sans aucun ferry régulier. Peut-être qu’ils partaient rarement de là ?

« Eh bien, nous le transporterons jusqu’à la fin du trajet une fois que Yu sera arrivé, » déclara Mutsuko. « Merci pour tout ton travail, Akiko ! Pourrais-tu revenir nous chercher à midi dans trois jours ? »

« Êtes-vous sûre que vous voulez que j’y aille ? Ça ne me dérangerait pas d’attendre ici. » Akiko, la femme de chambre, regardait Mutsuko d’un air inquiet. Il y avait des cabines sur le navire, pour qu’elle puisse y dormir s’il le fallait.

« Je ne pense pas que ça fasse du bien dans son entraînement d’Yu si on peut y retourner à tout moment ! » proclama Mutsuko.

« Est-ce que Sakaki va vraiment venir ici ? Tu ne penses pas qu’il retournera à la maison ? C’était un peu déraisonnable de s’attendre à ce qu’il nage aussi loin…, » demanda Aiko.

« Ah…, » Mutsuko s’était figée une seconde, n’ayant apparemment pas non plus envisagé cette possibilité.

« Ne t’inquiète pas ! Il n’est pas du genre à faire demi-tour, » lui déclara Yoriko d’un ton rassurant.

« C’est ça, c’est ça ! Yu est un gars qui affronte les choses de face ! » Mutsuko avait crié.

Aiko n’en était pas si sûre. Si c’est ce qu’elles lui avaient infligé au départ, alors un entraînement encore pire l’attendait sûrement après son arrivée sur l’île. N’importe qui essaierait d’éviter quelque chose comme ça.

Akiko avait vérifié une fois de plus, puis était retournée dans la cabine du navire. Ils ne pourraient pas quitter cette île avant trois jours.

Aiko avait vérifié son smartphone. Au moins, il semblait toujours avoir de la réception. Peut-être qu’il y avait une station de base sur cette île. Si le pire devait arriver, ils pourraient toujours appeler quelqu’un. Aiko se sentait un peu mieux.

« Qui sait ce qu’on trouvera sur cette île ? » demanda Mutsuko. « J’ai hâte de voir ça ! Et s’il y a un groupe de résistance qui combat des vampires avec des pieux ? »

« J’espère vraiment personnellement qu’il n’y a pas…, » répondit Aiko.

Pourquoi des pieux ? pensa Aiko.

« Au fait, qu’est-ce qu’on va faire ici ? » avait-elle ajouté.

« En termes simples, c’est une formation à la survie, » avait dit Mutsuko. « Pour nous, ce sera plus comme du camping. Nous serons dans les montagnes à la recherche de plantes comestibles, de champignons et d’autres choses, et nous créerons des pièges simples pour attraper les animaux, les poissons et autres choses de ce genre. »

« … Donc on fera des choses différentes de Sakaki ? » demanda Aiko.

« Ouais. Je m’attends à ce que Yu survive tout seul dans la montagne ! » répondit-elle.

« Sans outils !? » demanda Aiko.

« Bien sûr ! C’est le pire des scénarios ! Bien sûr, il aura le droit d’avoir ses vêtements, mais je vais limiter sa vue ! » répliqua-t-elle.

Il était apparu à Aiko qu’il serait peut-être préférable de devoir nager dans des vêtements lestés. Ses sens étaient un peu engourdis.

« Quoi qu’il en soit, prenons le montant minimum dont nous avons besoin et cherchons un endroit pour monter la tente ! » déclara Mutsuko.

Aiko ramassa quelques petites choses et se mit à marcher, mais s’arrêta immédiatement.

À un moment donné, un garçon et une fille étaient apparus sur la jetée.

Comme c’était une île habitée, bien sûr, il n’était pas surprenant qu’il y ait des gens dans la zone. C’était l’identité de l’une des personnes qui avait surpris Aiko, même si elle n’aurait peut-être pas dû.

Yuri Konishi se tenait là dans une robe d’été tape-à-l’œil, aux côtés d’un garçon qui lui semblait vaguement familier. Aiko connaissait un peu Yuri, puisque leurs familles se connaissaient, mais elles ne se parlaient pas très souvent.

Le garçon, par contre, elle ne pouvait pas le reconnaître immédiatement. À en juger par ses beaux vêtements, pensa-t-elle, il était peut-être lié à la famille Konishi… mais elle s’en souvint : c’était le garçon que Natsuki avait laissé tomber quand il l’avait invitée à sortir.

« Hum, Konishi ? » demanda Aiko avec tristesse. Yuichi avait dit à Aiko qu’il était tombé sur Yuri en train de regarder sa villa familiale et qu’elle l’avait attaqué. Aiko ne comprenait pas tout à fait ce que cela signifiait, mais cela avait quand même été troublant.

« Bonjour, Noro ! » Yuri déclara. « Comment vas-tu ? »

« Qu’est-ce que tu fais là ? » demanda Aiko.

« Qu’est-ce que je fais ici ? J’adorerais t’expliquer, mais ça pourrait prendre du temps. Peut-on le garder pour plus tard ? Bien qu’étant donné ce qui vous attend, vous ne serez peut-être pas en état de l’entendre à ce moment-là…, » répliqua Yuri.

Yuri n’avait apparemment pas l’intention de s’expliquer. Aiko regarda le garçon.

« Ça fait un moment, Noro, » dit le garçon. Il avait l’air de la connaître, mais Aiko ne se souvenait pas de lui avoir parlé.

« S’est-on déjà rencontrés ? » demanda-t-elle.

« … Je suis Takashi Jonouchi. Ne te souviens-tu pas de moi ? » demanda Takashi en se raidissant.

« Oh ! De Jonouchi Pharmaceutiques ? Vous travaillez avec mon père, non ? » Bien sûr qu’elle avait entendu parler de Jonouchi Pharmaceutiques. Ils devaient se connaître grâce à l’hôpital que son père dirigeait.

« … Tu ne te souviens vraiment pas de moi ? » Il soupira. « Je ne pensais pas qu’on m’oublierait à ce point… »

Au moment où les mots étaient sortis de sa bouche, le corps de Takashi s’était mis à grossir. Elle pouvait voir son corps commencer à enfler en puissance.

Ses muscles s’étaient gonflés vers l’extérieur, déchirant ses vêtements en lambeaux. Puis la fourrure grise avait commencé à pousser sur tout son corps. Son visage s’était transformé en celui d’un chien, rappelant les monstres qui les avaient attaqués au restaurant chinois.

Aiko fut stupéfaite par la transformation de Takashi, et l’instant d’après, ils furent entourés d’anthromorphes.

Chien, chat, belette, ours, renard… Tous les visages étaient différents. La principale chose qu’ils avaient en commun était que, bien que couverts de fourrure, ils étaient bipèdes et humanoïdes.

« Vraiment, Noro, ce n’est rien de personnel, » déclara Yuri avec audace. « Mais s’il vous plaît, abandonnez et considérez que c’est la volonté du destin. »

Que devrait-elle faire dans une telle situation ?

Si seulement Sakaki était là…, pensa Aiko.

Il ferait sûrement quelque chose. Mais il n’y avait aucun moyen qu’il arrive assez tôt.

Aiko regarda ses alliées.

Mutsuko déplaçait sa tête tout autour d’elle, et ses yeux brillaient de curiosité.

Yoriko était, naturellement, effrayée. Elle n’avait probablement jamais rien vu d’aussi vraiment étrange que ces hommes bêtes auparavant.

« En toute honnêteté, j’adorerais vous tuer ici. Mais mon mécène a demandé à ce que vous soyez recueilli vivant, voyez-vous…, » Yuri avait fait le signe.

Les bêtes s’approchèrent lentement d’elles.

« Je suppose qu’il faut qu’on se fasse prendre pour l’instant, hein ? Même si nous nous enfuyions, nous ne pourrions pas continuer longtemps, » déclara Mutsuko. « Eh bien, une fois que Yu arrivera, c’est là que les choses commenceront vraiment. »

Mutsuko avait l’air de s’amuser.

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Partie 3

Yuichi utilisait une technique connue sous le nom de brasse indienne [1]. Il tenait Natsuki avec son bras droit, mais en tendant toutes les autres parties de son corps à leur limite, il parvenait à faire des progrès.

Il n’y avait pas de temps à perdre. Il devait atteindre l’île pendant que son endurance et la lumière étaient toujours là.

C’était juste après midi quand il avait été jeté du bateau, et c’était l’été, de sorte que le soleil ne se couchait pas avant 19 h environ. Ce qui voulait dire qu’il devait nager 20 kilomètres en 7 heures. Dans des circonstances normales, cela n’aurait peut-être pas été un problème, mais ce serait délicat dans son état actuel.

La lumière du soleil et les vagues irrégulières sapaient lentement son énergie. Les poids et l’eau de mer avaient mis un fardeau sur tout son corps.

Mais Yuichi avait déjà traversé des moments difficiles comme celui-ci. La seule chose différente cette fois, c’était le fardeau qu’il portait sur ses bras et ses jambes.

Silencieusement, Yuichi continua à nager.

« Hé, Sakaki, » déclara Natsuki.

« Qu’est-ce que c’est ? Il y a un problème ? » Mais même s’il y en avait, ils ne pouvaient rien faire avant qu’il n’ait fini de nager jusqu’à l’île.

« Je m’ennuie, » déclara Natsuki.

« Voyons ! C’est tout ce que tu as à dire ? » demanda Yuichi.

« Je souffre de l’indignité de te laisser tâtonner ma poitrine, n’est-ce pas ? Me parler est le moins que tu puisses faire, » déclara Natsuki.

Maintenant qu’elle l’avait dit, faire comme s’il n’avait pas remarqué n’allait pas marcher. Il ne pouvait s’empêcher de penser à la façon dont son bras se tordait et déformait la poitrine molle de Natsuki chaque fois qu’il faisait une brasse.

« Ne le dis pas comme ça ! Mais, désolé… C’est vrai que je n’ai pas été très prévenant, » déclara Yuichi. En effet, nager en silence rendrait n’importe qui fou. « Mais je ne sais pas trop de quoi parler… »

Yuichi ne savait pas grand-chose sur Natsuki. Ils allaient aux réunions du club ensemble, mais ils ne parlaient pas beaucoup. Et même quand elle était passée à l’entraînement de Yuichi, ils ne faisaient que se battre. Tout ce que Yuichi savait de Natsuki, c’est qu’elle était une tueuse en série et qu’elle était très forte.

« He ! Si tu voulais me tuer, ce serait facile maintenant, n’est-ce pas ? » déclara-t-il. C’est la seule chose qui lui était venue à l’esprit. Il y avait probablement un sujet plus normal qu’il aurait pu choisir, mais après tout sa réflexion, c’est ce qu’il avait fini par faire.

« Si je te tuais maintenant, je me noierais, » déclara Natsuki. « Et comme je te l’ai déjà dit, ce n’est pas satisfaisant de tuer quelqu’un qui ne peut résister. »

« À propos de cela…, » déclara-t-il. « C’est quelque chose que je n’ai jamais compris. Pourquoi dois-tu tuer des gens ? »

« J’ai reçu l’ordre de “dévorer cette espèce”, » déclara-t-elle.

« Hé, ça circule beaucoup en ce moment, hein ? Ibaraki a aussi cité Parasyte, » répliqua-t-il.

« … Comme c’est humiliant. Avoir à partager des choses avec lui…, » déclara-t-elle.

« Hé, ne t’énerve pas pour ça…, » répliqua-t-il.

« C’est la vérité, en tout cas, » déclara Natsuki. « J’ai toujours eu quelqu’un à l’intérieur de moi, d’aussi loin que je me souvienne. »

« Tu veux dire… Jack l’Éventreur ? » demanda-t-il.

Jack l’Éventreur. Le terrible tueur en série qui avait terrorisé Londres il y a longtemps. Pendant un certain temps, c’était l’étiquette qui avait suspendu la tête de Natsuki, pour des raisons qu’il ne comprenait pas.

Natsuki utilisait des scalpels chirurgicaux quand elle se battait. C’était l’arme de prédilection de Jack l’Éventreur, il y avait donc clairement un lien.

Ibaraki avait suggéré qu’il y en avait d’autres qui s’appelaient aussi d’après des tueurs en série célèbres. Cela inquiétait Yuichi. Depuis qu’il avait commencé à voir ces mots étranges, il s’était mêlé à beaucoup d’incidents étranges. Il y avait une chance qu’il tombe sur un autre de ces tueurs en série.

« Je ne sais pas, » répondit-elle. « C’est ce qu’il semble penser de lui-même… ce qui ne veut pas dire que je puisse distinguer ses pensées des miennes. Sa faim est la mienne. Cette faim s’exprime par l’envie de tuer… et il semble qu’elle s’adresse à toi, pour l’instant. »

« Tu donnes l’impression que tout cela est si banal…, » répliqua-t-il.

« Je ne le comprends pas vraiment non plus, » répondit Natsuki. « Mais il semble que le tueur en moi ne souhaite pas tuer quelqu’un d’autre que toi en ce moment. Pour que tu puisses dormir tranquille, je ne tuerai personne tant que je ne t’aurai pas tué. »

« C’est quoi ce bordel ? Ça veut dire que je dois rester avec toi pour toujours ? » Yuichi se sentait fatigué. Maintenant qu’il connaissait Natsuki, il ne pouvait pas la laisser tuer quelqu’un d’autre. Ce qui suggérait qu’elle serait complètement dépendante de lui à partir de maintenant. Il ne s’en était pas rendu compte avant, mais il semblait qu’il allait devoir prendre des mesures drastiques à un moment donné.

Natsuki avait gloussé. « Tu es très confiant. C’est comme si tu ne pensais pas qu’il est possible que tu puisses mourir. »

« Après tout ce qui s’est passé, je ne peux pas te laisser me tuer, » répondit Yuichi. « Je resterai avec toi aussi longtemps que possible. »

« Puis-je interpréter cela comme une proposition ? » demanda-t-elle.

« Pourquoi le ferais-tu !? Pourquoi épouserais-je quelqu’un qui essaie de me tuer ? Quel genre de mariage assoiffé de sang serait-ce ? » demanda-t-il.

« Mais c’est jusqu’à ce que la mort nous sépare, n’est-ce pas ? C’est le vœu du mariage. Pour le meilleur ou pour le pire, dans la maladie et la santé, jusqu’à ce que la mort nous sépare, » continua-t-elle.

« Oh… bien, peu importe, » marmonna-t-il. « Quoi qu’il en soit, il doit y avoir un moyen. Il y a beaucoup de choses bizarres, alors il doit y avoir un moyen de faire de toi une personne normale, non ? »

Yuichi voulait vraiment éviter d’avoir à continuer à combattre Natsuki jusqu’à ce qu’il vieillisse et meure.

« Une personne normale… Hmm. S’il y avait un moyen, j’adorerais l’entendre…, » Natsuki avait l’air plutôt triste. « Ce n’est pas comme si je faisais ça parce que j’aime ça. Je veux aussi avoir des amis. Je veux vivre une vie heureuse comme une personne normale, comme tout le monde. »

« Vraiment ? Tu sembles traiter les “personnes normales” comme une classe différente de la tienne. Pourquoi n’essaies-tu pas de te rapprocher d’eux ? Tu construis tous ces murs…, » Yuichi n’avait jamais vu Natsuki faire l’effort de s’entendre avec qui que ce soit.

« À cet égard, tu construis des murs entre toi et moi, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.

« Je mentirais si je disais le contraire, » Yuichi était honnête à cet égard. Il ne pouvait pas oublier ses meurtres.

« Je n’aime pas cette partie non plus, mais je ne m’en fais pas trop, » poursuit-il. « Essayer d’imposer des règles juridiques humaines à des êtres d’un autre monde semble plutôt inutile. Si quelqu’un meurt quelque part dans le monde, ce n’est pas mon problème. Ce n’est pas si différent que d’entendre parler des enfants qui meurent de faim à l’étranger. »

Les mots semblaient sans cœur, mais dans le monde réel, les gens ne pouvaient pas s’inquiéter de chaque petite chose. Vous ne pouviez pas sauver des gens que vous n’aviez jamais vus ou connus.

« De plus, si tu étais humain, ce que tu as pourrait être considéré comme de la schizophrénie, n’est-ce pas ? » demanda-t-il. « Légalement, les crimes commis quand tu n’es pas sain d’esprit ne comptent pas. »

L’article 39 du code légal stipulait que les malades mentaux n’étaient pas considérés comme coupables de leurs crimes. C’était une loi controversée.

« Merci, » déclara Natsuki.

Les mots soudains avaient fait que Yuichi s’était raidi. « Pourquoi me remercier ? »

« J’ai l’impression que tu essaies de me réconforter. Tu veux me protéger. Je t’en suis reconnaissante, » déclara Natsuki.

« Tais-toi. C’est juste que je m’ennuie aussi, » déclara Yuichi.

« Tsundere ? » demanda Natsuki.

« Il n’y a pas de “dere” là-dedans ! » Yuichi avait crié avec une certaine gêne.

Il pouvait dire que ses paroles avaient vraiment rendu Natsuki très heureuse. Après un moment de réflexion, Yuichi s’était de nouveau concentré sur sa natation.

Un petit moment passa en silence avant que Natsuki ne s’adresse de nouveau à lui. « C’est clairement contre nature, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que tu crois que c’est ? »

« Qu’est-ce que je pense qu’est-ce que c’est ? » Ils étaient tous les deux tournés dans la même direction, alors il s’était rendu compte de ce qu’elle avait voulu dire.

Il y avait quelque chose dans l’eau, se déplaçant à une telle vitesse qu’elle avait projeté un jet d’eau derrière elle.

Tout comme Yuichi et Natsuki, cela se dirigeait vers l’île de Kurokami.

« Tu ne penses pas que c’est… un requin, n’est-ce pas ? » Yuichi avait grincé des dents. Il savait quelques trucs sur la façon de se battre dans l’eau, mais ses options seraient limitées tant qu’il tiendrait Natsuki. Il faudrait qu’il la laisse partir et qu’il le termine en un seul coup pour qu’ils aient une chance.

Soudain, la chose sembla remarquer Yuichi et Natsuki, et changea de cap pour se diriger vers eux.

« Un chien ? » demanda-t-il. On aurait dit un chien. Un chien à la fourrure noire plaquée sur son corps d’une manière qui lui donnait un aspect légèrement fané.

Une fois qu’il était assez proche, Yuichi pouvait distinguer les mots au-dessus de sa tête.

« Fenrir, » murmura Yuichi.

Il n’avait aucune idée de ce que cela signifiait, mais comme « Nihao la Chine », on aurait dit que c’était une sorte de description.

Pendant une seconde, Yuichi était sûr qu’ils étaient en danger. L’aura qu’il dégageait suggérait un pouvoir extraordinaire.

Pas bon !

Il avait vacillé. Il faudrait qu’il prenne une décision en une fraction de seconde sur la façon d’y faire face.

Cependant, le chien ne semblait pas avoir remarqué l’état de Yuichi. Une fois qu’il s’était approché assez près, il s’était harmonisé en vitesse et avait commencé à nager en parallèle avec lui.

« Hé, » le chien s’était adressé à lui. Il ressemblait à un Anthromorphe, avec un visage canin sur un corps plus ou moins humain. Il était aussi assez grand. « Est-ce l’île de Kurokami ? »

Le chien Anthromorphe nageait d’une patte tandis que l’autre pointait du doigt la masse terrestre qui se trouvait derrière eux. Yuichi n’avait pas réalisé qu’il s’était approché de si près.

« Je pense que oui ? » Yuichi avait répondu honnêtement à la question sans s’en rendre compte.

« Je vois. Merci beaucoup, » après ça, l’Anthromorphe avait repris de la vitesse et se dirigea directement vers l’île.

« Qu’est-ce qui vient de se passer ? » Yuichi murmura une fois que la créature fut hors de vue.

Notes

  • 1 La brasse indienne, ou nage indienne, est une nage se caractérisant par son asymétrie. Elle se pratique allongée sur le côté, en deux temps ; dans un premier temps, un des bras est projeté vers l’avant, pendant que l’autre bras pousse l’eau vers l’arrière dans un mouvement semblable à celui de la nage du crawl, les jambes quant à elles font simultanément un ciseau de brasse ; dans un second temps, les deux mains sont ramenées au niveau du thorax alors que les jambes sont pliées vers l’avant en préparation du mouvement du ciseau. Elle n’est aujourd’hui pas nagée dans les compétitions, mais elle peut être utilisée pour les sauvetages et les longues distances, en raison de son faible coût énergétique.

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