Chapitre 2 : Mon voyage dans l’autre monde
Partie 1
J’avais réussi à les convaincre que je ne leur voulais aucun mal, pourtant mes vrais problèmes ne faisaient que commencer. Je ne voulais pas les gêner dans leur travail, et comme j’avais pensé que Carol voudrait passer un peu de temps seule avec ses parents, nous nous étions donc tous dispersés après cela. Carol pourrait raconter à tout le monde son court voyage dans mon monde. Ses parents préféreront probablement l’entendre d’elle plutôt que de moi.
« Bon sang, mes épaules sont raides. »
J’avais passé tellement de temps à parler formellement et à essayer de garder un sourire serein sur mon visage. Je n’avais pas réalisé à quel point il était fatigant de jouer la comédie. J’avais jeté un coup d’œil autour de moi pour m’assurer que j’étais vraiment seul avant de m’effondrer en arrière et de m’allonger sur le tapis. Dire qu’ils m’avaient laissé tout seul dans cette énorme tente.
Je m’étais endormi tout en regardant le plafond. Il faisait vraiment froid. Même avec le tapis, la fraîcheur s’insinuait dans le sol. Je m’étais redressé et j’avais croisé mes jambes. J’avais senti soudainement quelque chose ramper sur elles. Destiné était recroquevillé sur mes genoux.
Je suppose que je n’étais jamais vraiment resté seul ici.
J’avais caressé son dos froid et hirsute et j’avais commencé à réfléchir.
« Je suis en fait dans un autre monde, hein ? »
Dire que c’était inattendu était un euphémisme. Lorsque j’avais commencé Le Village du Destin, je m’étais acheté quelques romans et mangas isekai comme référence, mais je ne m’attendais pas à ce qu’ils deviennent des guides pratiques. En général, ces protagonistes avaient un super pouvoir ou une astuce qu’ils pouvaient utiliser dans le nouveau monde pour avoir un avantage. Est-ce que j’avais une capacité de ce genre ? J’avais tendu ma main et j’avais essayé de l’imprégner de pouvoir.
« Guuooorgh ! Aaaargh ! Nnnnngh ! Haaaaaah ! »
Rien. J’étais juste un type bizarre qui tendait la main en grognant. En y réfléchissant maintenant, la plupart de ces protagonistes avaient acquis leurs pouvoirs grâce à un dieu ou une créature similaire qui leur avait confié une tâche. Et j’étais venu ici sans même demander la permission aux dieux. Ils n’allaient évidemment pas me bénir avec des pouvoirs.
Plus urgent encore, comment allais-je rentrer au Japon ? J’avais réussi à trouver une vraie bonne idée, mais pour être honnête, c’était la seule que j’avais trouvée.
Ne pourrais-je pas… être envoyé en offrande comme Carol le fut ? Sewatari-san avait dit qu’envoyer des choses de ce monde au Japon était facile. Donc… pas de raison de paniquer. Et vu que j’étais déjà ici, je pouvais aussi bien passer un peu de temps pour apprendre à connaître l’endroit. De plus, j’étais certain que les dieux allaient me passer un savon en rentrant chez moi, et je voulais repousser cela le plus longtemps possible. Peut-être que je pourrais les laisser se calmer un peu. C’était un espoir un peu naïf, mais quand même.
« Si mon téléphone fonctionne ici, je peux les appeler et m’excuser. »
J’avais sorti mon téléphone de ma poche et j’avais essayé de l’allumer. Il s’était allumé, mais il n’y avait pas de signal. Ne m’attendant à rien, j’étais allé dans mes contacts et j’avais essayé d’appeler « Développeur — Sewatari. »
« Attends. Ça sonne ?! »
Ça n’avait aucun sens ! J’étais dans un monde totalement différent ! Le ton retentit trois fois, et avant que je puisse décider de raccrocher ou non, elle répondit.
« Yoshio-kun ! Oh, Dieu merci, tu as réussi à passer ! »
La voix de Sewatari-san sortait du téléphone.
Et pas seulement sa voix. Son visage anxieux remplissait l’écran. Attendez, ce n’était même pas un appel vidéo !
J’avais appuyé le téléphone contre le poteau au centre de la tente, je m’étais agenouillé sur le tapis et j’y avais écrasé mon front.
« Je suis vraiment désolé d’avoir fait quelque chose d’aussi stupide ! »
Je m’étais excusé aussi sincèrement que je le pouvais, du plus profond de mon cœur.
« Hé, pourquoi tu t’excuses si vite ! J’avais préparé un joli petit sermon rien que pour toi ! »
Elle avait l’air bien moins en colère que ce à quoi je m’attendais. J’avais soigneusement écarté mon visage du sol.
Attendez. Elle n’a pas du tout l’air fâchée ?
« Écoute, il y a beaucoup de choses que je devrais te dire maintenant, mais je sais que tu as fait ça pour Carol-chan, non ? Je comprends ça. Je suis quand même un dieu, non ? »
Elle me fit un clin d’œil. En cet instant, elle avait vraiment l’air d’un dieu.
« Hé, ne t’emporte pas ! Tu dois réaliser à quel point les autres gars se moquaient de Senpai. »
Le visage de Nattyan-san apparut, cachant celui de Sewatari-san. Sa peau bronzée était difficile à distinguer, mais elle semblait avoir des cernes sous les yeux. Ses cheveux, habituellement en parfait état, étaient ébouriffés.
« Modifier le portail pour laisser passer les ondes électroniques était vraiment pénible à faire. Je suis épuisée. »
« Je suis tellement, tellement désolé ! »
J’avais de nouveau pointé mon front vers le tapis. Même lorsque Sewatari-san m’assura que tout allait bien, je savais que je leur avais causé beaucoup de problèmes.
« Hey, pas de soucis pour ça. Nous nous demandions juste si vous aviez des questions. Honnêtement, c’était bien que tu passes au travers en premier. Cela nous a permis de confirmer que le transfert de Carol et Destiné se passerait bien. Merci, Yoshio-kun. »
Sewatari-san sourit doucement, et je m’étais retrouvé enchanté. Elle avait passé tellement de temps à se saouler à Hokkaido et à se plaindre de son travail que je doutais qu’elle soit vraiment un dieu. Je me sentais mal d’avoir pensé autrement maintenant.
« Je m’excuse sérieusement. »
« D’accord, mais pourquoi ne pas passer à quelque chose d’un peu plus constructif ? As-tu l’intention de vivre dans l’autre monde de façon permanente, Yoshio-kun ? »
Je ne pouvais pas répondre immédiatement. En fait, j’étais sûr de l’avoir mal entendue.
« Désolé, quoi ? »
« Tu peux rester dans ce monde en tant que disciple du Dieu du Destin si tu le souhaites. Je veux dire, ce genre de choses est populaire dans les romans et les animes récents, non ? »
En effet, mais ce n’était que des histoires fantastiques. Ici, c’était la vraie vie.
« U-um, tu es sérieuse ? », avais-je demandé.
« Tout à fait sérieuse. Je croyais que c’était le rêve de tout Japonais d’être transporté dans un autre monde ? Et tout le monde te respecte là-bas. Tu seras traité comme un roi. Tu pourras même avoir un harem. Je t’ai donné une application pour faire des miracles depuis ton smartphone. »
Si les villageois me voyaient faire des miracles sous leurs yeux, ils me respecteraient probablement encore plus. Assez pour suivre tous mes ordres. C’était tentant comparé à l’existence pitoyable que je laisserais derrière moi, mais avais-je vraiment envie de jeter ma vie entière en l’air ?
« Je — »
« Tu n’as pas à répondre tout de suite. Après tout, je veux que tu restes dans le coin pour un moment. Amuse-toi, d’accord ? Pense à ça comme à des petites vacances. »
« Tu veux que je reste pour toujours ? »
« Non, c’est juste que… c’est le deuxième étage. Ils ont découvert qu’on a envoyé quelqu’un du Japon dans l’ancien monde, et ça cause quelques frictions. On essaie de réparer le portail pour que rien d’autre ne puisse être envoyé de ce côté. Je sais qu’il y a aussi des dieux corrompus après toi, alors reste tranquille. Je vais essayer de les convaincre de ne pas s’en prendre à toi directement. »
Si elle était si inquiète pour ma sécurité, que pouvais-je faire d’autre ?
« OK. Faites-moi savoir quand les choses se seront calmées, et j’essaierai de m’amuser ici en attendant. »
« Je te remercie pour ta compréhension. Je vais essayer d’arranger les choses aussi vite que possible. Sûrement avant le prochain Jour de Corruption. »
J’avais presque oublié ça. J’étais dans le Village du Destin lui-même, ce qui signifiait que j’affronterais personnellement un Jour de Corruption si j’étais encore là à la fin du mois, donc de vrais monstres. Mes pensées ensoleillées d’adoration se furent instantanément taries. Mes villageois passaient régulièrement cet événement, mais je n’avais vraiment pas envie d’être ici pour une quelconque attaque à grande échelle.
« Je reste en contact, ok ? »
« A-Attendez, je-oh, elle a raccroché. »
Elle avait bon cœur, mais j’aurais aimé qu’elle soit plus à l’écoute. Je savais que j’avais au moins un moyen de rentrer maintenant. Tout ce que j’avais à faire était d’attendre et de m’assurer que je restais convaincant devant les villageois.
« Ce qui ne sera pas vraiment facile. »
L’idée de me forcer à garder cette attitude de disciple officiel me pesait, mais je n’avais pas le choix. Si mes villageois commençaient à avoir des soupçons sur moi, le disciple du Dieu du Destin, cela pourrait nuire à leur foi dans le dieu lui-même. Si je voulais continuer à jouer le jeu une fois rentré chez moi, je devais continuer à jouer la comédie.
« Très bien, je fais quoi maintenant ? »
Comme ruminer sans objectif clair n’était qu’une perte de temps, j’avais décidé de voir comment le village se portait. Je pourrais ensuite réfléchir à mon prochain mouvement. Je m’étais levé, Destiné s’accrochant à ma poitrine et sortant sa tête de mon manteau. Je savais qu’il détestait le froid, mais il voulait probablement voir ce qui se passait, lui aussi.
Au moment même où j’avais quitté la tente, j’avais immédiatement senti les yeux des villageois se poser sur moi dans toutes les directions. Quand je m’étais retourné, ils détournèrent immédiatement leurs regards et se dispersèrent comme des bébés-araignées.
Voilà donc ce qu’on inspire quand on est célèbre ?
Je doute qu’ils aient eu beaucoup de disciples divins venant du Monde des Dieux. À leur place, je les fixerais aussi. J’avais essayé de les ignorer, tout en me rappelant que je risquais toujours d’être observé. Si j’étais à l’extérieur de la tente, je devais être prudent. Je m’étais étiré, puis je m’étais dirigé avec assurance vers l’endroit où se trouvait la grotte.
« Il n’y a vraiment plus rien, hein ? »
L’ancienne mine était complètement détruite. Je l’avais vu de loin, mais je ne pouvais m’empêcher de soupirer de regret. Cet endroit avait été vital pour la survie de mes villageois à l’époque où Gams était blessé.
« Merci de les avoir protégés pendant tout ce temps. », dis-je en joignant les mains.
J’aurais aimé voir l’espace dans lequel ils avaient vécu, mais il avait disparu. Après une telle explosion, tout ce que nous avions découvert n’était que poussière.
Pourrait-il y avoir encore des choses utiles là-dedans ?
Quelques pioches et des charrettes à bras étaient posées à proximité. Manifestement, mes villageois avaient la même idée. J’avais parcouru la zone et j’étais tombé sur un espace entouré de planches de bois. C’était nouveau.
« Qu’est-ce que c’est ? Ces planches sont juste un peu plus grandes que moi… »
Comme elles se tenaient près de l’ancienne grotte, je les avais suivies jusqu’à ce que j’atteigne une cabane en rondins. Je ne pouvais rien dire à son sujet d’ici, sauf qu’elle était grande. Comme la porte était fermée et que je ne voulais pas entrer sans autorisation, je m’étais dit que je pourrais revenir plus tard.
Je m’étais ensuite dirigé vers la clôture en rondins qui entourait le village et, en la longeant, j’avais rencontré les villageois au travail. Les hommes étaient occupés à allonger et à renforcer la clôture. Les elfes aidaient Kan et Lan à raboter des morceaux de bois. Les elfes étaient doués pour le travail du bois, ils vivaient en harmonie avec la nature. Murus, bien que médecin et tireur d’élite, n’était pas très douée pour l’artisanat. Elle supervisait les choses de loin. Tout comme les humains, les elfes avaient leurs forces et leurs faiblesses individuelles.
J’avais continué à marcher et j’étais tombé sur les tours de guet. Il n’y en avait qu’une avant, construite en rondins. Maintenant, il y en avait quatre, plus hautes et faites de planches de bois solides. Avec l’augmentation récente de la population du village, les tours de guet pouvaient maintenant être occupées à tout moment.
merci pour le chapitre