Chapitre 2 : Chapitre 2 : Le Dieu du Jeu et le vrai moi
J’avais fini par écrire une longue prophétie pour mes villageois, juste pour voir s’ils pouvaient en comprendre ne serait-ce qu’un fragment. S’ils le pouvaient, ce jeu avait le potentiel d’entrer dans l’histoire.
Mes fidèles disciples, je suis le Dieu du Destin. Mon miracle vous a permis de sortir sains et saufs de l’attaque des monstres afin que vous puissiez vivre une vie paisible et heureuse dans le village que vous allez construire ici. À partir de ce jour, je vous transmettrai un message chaque jour. Suivez mes commandements et vous prospérerez, désobéissez-y à vos risques et périls ! Votre première tâche consistera à abattre des arbres pour vous construire un abri.
Je n’aimais pas écrire de manière aussi prétentieuse, mais j’étais Dieu, non ? Ou du moins, un Dieu, et c’était plutôt amusant. J’avais prévu d’écrire n’importe quoi, puisqu’ils ne comprendraient de toute façon pas, mais je m’étais tellement amusé que j’avais même vérifié les fautes de frappe dans mon texte. J’avais secoué la tête d’un air ironique en appuyant sur la touche Entrée.
Le livre dans les mains de Chem s’était éclairé. Elle s’était alors empressée de l’ouvrir.
« C’est donc Lui qui a fait ce miracle tout à l’heure… Seigneur, merci ! »
Chem s’était mise à genoux et avait joint ses mains, tournées vers le ciel.
« Tout le monde ! Le Dieu du Destin nous a envoyé un message ! »
Pour quelqu’un dont le travail consistait à prendre des messages de Dieu, Chem semblait terriblement surprise. Les villageois s’étaient rassemblés pour regarder le livre. J’attendais avec impatience leurs réactions.
Gams et Rodice le fixaient avec étonnement, les yeux écarquillés.
« Qu’est-ce que ça dit ? Ni Carol ni moi ne savons lire », dit Lyra d’un air penaud.
Carol fit écho avec joie : « Nous ne savons pas lire ! »
« Je ne peux en lire qu’une partie. C’est un peu compliqué par endroits. Chem, tu peux le lire pour nous ? », dit Gams.
« Mais Gams… »
Chem avait commencé, mais elle hocha ensuite la tête.
« C’est une bonne idée, Gams. Je vais le lire à haute voix. »
À en juger par la réaction de Chem, Gams faisait seulement semblant d’être mauvais en lecture, probablement pour que Lyra et Carol ne se sentent pas mal. C’était un gars assez calme, mais il semblait avoir un bon cœur. Au début, je l’avais un peu détesté parce qu’il avait tant de qualités, mais je m’étais surpris à l’apprécier.
J’aimais le temps que ce jeu consacrait aux petits détails. Certains diront que le rythme était trop lent, mais j’aimais ce genre de développement dans les personnages. Je n’étais pas l’un de ces joueurs qui voulaient passer directement à l’action.
Chem prit une grande inspiration et lut mon message aux autres mot pour mot. Je n’avais pas été très impressionné par cette lecture. Il n’était probablement pas difficile du point de vue de la programmation de faire répéter à un personnage exactement ce que j’avais écrit.
« Le Seigneur nous a sauvés ! Il prend soin de nous ! Quelle joie d’être en vie ! », déclara Chem.
« Et Il nous parlera tous les jours ! Oh, Seigneur, merci ! »
Rodice et sa femme tombèrent à genoux à côté de Chem. Carol aussi, bien que je ne sois pas sûr qu’elle comprenne ce qu’elle faisait. Gams ferma les yeux et inclina la tête en une prière silencieuse.
« Pas possible… », avais-je murmuré.
Ils réagissaient comme s’ils avaient compris chaque mot que j’avais écrit. Ce jeu semblait bien trop avancé. C’était vraiment un jeu à part, différent de tout ce que j’avais déjà rencontré. J’avais utilisé des applications qui pouvaient répondre à des questions simples et rechercher des choses sur Internet pour vous, mais je doutais qu’elles puissent comprendre quelque chose d’aussi complexe. Peut-être que le jeu avait des scènes prédéfinies basées sur le type de messages que les gens étaient susceptibles d’écrire et que j’en avais déclenché une ?
« Si le Dieu du Destin dit que nous devons construire un abri ici, faisons-le ! Allons couper. », dit Gams.
Ou peut-être que ces personnages avaient vraiment compris tout ce que j’avais écrit.
« Tous les arbres que nous avons abattus seront trop verts pour être utilisés pendant un certain temps. Ils devront être façonnés et séchés. », dit Rodice.
J’avais été surpris par cette tournure de la conversation. Un jeu normal aurait laissé de côté ces détails et vous aurait permis de transformer du bois en habitation en cliquant sur un bouton. Dans quelle mesure le Village du Destin se voulait-il réaliste ?
« Doit-on vraiment faire sécher le bois ? »
Chem demanda exactement ce que j’avais en tête.
« Les arbres contiennent beaucoup d’eau. Si on ne sèche pas le bois avant de l’utiliser, il finit par se déformer. Même en essayant de traiter le bois avant de le sécher, le produit fini aura toutes sortes de problèmes. »
« Oh. Je ne savais pas ça. »
Chem et moi avions hoché la tête en signe de compréhension en même temps.
C’était nouveau pour moi. Jusqu’à présent, je ne faisais pas un très bon travail de présence omnisciente.
« Le Seigneur travaille de façon mystérieuse. Il doit savoir ce qu’il fait. Pourquoi ne pas commencer par collecter le bois ? Même si nous ne pouvons pas l’utiliser tout de suite, nous pouvons commencer à le rassembler. »
Je suis content de voir que Rodice a au moins foi en moi…
Ils déballèrent le chariot pour aller chercher leurs scies et leurs haches, et chargèrent les hommes, Rodice et Gams, de ramasser le bois. Pendant ce temps, les femmes étaient parties à la recherche de nourriture.
En faisant défiler la molette de la souris, j’avais pu faire un zoom avant et arrière. J’avais décidé de regarder la carte. Lorsque j’avais fait défiler la carte, j’avais constaté que la majeure partie de la carte était recouverte par un brouillard sombre, les seules zones éclairées étant celles où mes personnages travaillaient et la route sinueuse particulière à travers la forêt. En d’autres termes, la carte ne montrait que les zones où mes personnages étaient déjà allés.
« Demain, j’enverrai quelqu’un en exploration. »
Je commençais à être frustré. Je ne pouvais pas contrôler les personnages, et je ne pouvais pas avancer dans le jeu. Il n’y avait pas d’option d’avance rapide.
« Ne me dites pas que ce jeu doit être joué en temps réel… Ça veut dire que je dois attendre demain dans la vraie vie pour envoyer mon prochain message ? C’est impossible ! »
Où était le plaisir là-dedans ? ! Bien sûr, c’était assez agréable de regarder les différents personnages, mais je n’appellerais pas ça « jouer » à un jeu. J’avais appuyé sur des touches aléatoires du clavier, en espérant que quelque chose se produise. J’avais dû faire quelque chose de bien, car un message était apparu.
« En tant que Dieu du destin, vous pouvez utiliser vos Points de Destin pour accomplir divers miracles. »
(NdT : l’expression Points de Destin sera abrégé PdD ensuite)
« C’est quoi les Points de Destin ? », avais-je demandé à haute voix.
« Les PdD sont gagnés lorsque la gratitude de vos villageois à votre égard augmente. Votre total de PdD est affiché dans le coin supérieur droit de l’écran. »
J’avais jeté un coup d’œil. Il y avait un symbole qui ressemblait au livre saint de Chem, ainsi qu’un nombre.
« Plus la population de votre village augmente, plus vos PdD augmentent. Elle augmentera aussi quand vos prophéties gagneront la gratitude des villageois. »
Je gagnerais donc plus de PdD si mes prophéties étaient utiles. Je devrais faire plus attention à ce que j’écrirais à l’avenir.
« Voici une liste de miracles que vous pouvez accomplir. En améliorant votre village et en augmentant votre population, vous débloquerez des miracles plus puissants. »
Mon opinion sur ce jeu montait et descendait comme une balançoire. Avec ce nouveau développement, je m’étais retrouvé accroché une fois de plus. J’avais fait défiler la liste des miracles.
« On dirait que je ne peux pas leur donner uniquement des objets. Voyons voir… “Créer un marchand itinérant”, “Créer un médecin itinérant”, “Créer un chasseur”, “Réunir les villageois en fuite”. Bon, j’ai compris. Je suis le Dieu du Destin, mon pouvoir consiste donc à influencer le destin des gens. Ah, et il y a des miracles liés à la météo. Je suppose que c’est une chose qu’un Dieu peut faire. »
Enfin, quelque chose qui comptait dans le jeu !
Je n’avais que 100 PdD pour commencer, peut-être ceux obtenus par la gratitude de mes villageois pour les avoir aidés à échapper aux monstres. Il était logique que le jeu vous fasse démarrer avec un peu d’argent, mais ce n’était pas suffisant pour faire grand-chose. Je devais choisir avec soin. J’avais donc décidé de les sauver, même si j’avais vraiment envie de tenter un miracle. Après tout, je ne savais pas encore ce dont mes villageois avaient besoin. Je devrais probablement écouter ce qu’ils avaient à dire avant de leur envoyer des miracles.
Gams et Rodice étaient occupés à couper des arbres en silence, il semblerait donc que je n’allais pas obtenir grand-chose d’eux. Bien que Rodice s’efforçait de faire la conversation, Gams ne répondait que par un « oui » occasionnel.
« Bonne chance, Rodice », avais-je marmonné tout en décidant qu’il serait plus logique de voir ce que les femmes faisaient pour le moment.
« Combien de nourriture as-tu réussi à prendre, Lyra ? », demanda Chem alors qu’elle et Lyra cueillaient des plantes ensemble.
« Trois boîtes, donc environ deux semaines d’approvisionnement tant qu’on fait attention. Ce qui est un miracle, étant donné la gravité de la situation. »
« Deux semaines… Ça va passer en un clin d’œil. »
De la nourriture, hein ?
Je me demandais si le marchand ambulant vendrait de la nourriture, mais je ne savais même pas si mes villageois avaient de l’argent. Ils pourraient être parfaitement capables de trouver leur propre nourriture si je les laissais faire. Ce que je voulais vraiment, c’était savoir quelles options ils avaient pour trouver de la nourriture dans la région.
« Peut-être que je devrais demander à Gams de faire un peu de reconnaissance demain ? Mais je ne sais pas si c’est prudent de laisser les autres seuls… »
En fouillant les environs, il serait plus facile de préparer mes villageois à d’éventuelles menaces. En même temps, je ne savais pas ce qu’il y avait là-bas. Il serait peut-être plus dangereux de les séparer.
Je ne savais pas quoi faire. Du point de vue du jeu, envoyer la gamine explorer la zone serait le meilleur choix, puisqu’elle ne faisait pas grand-chose. Elle était plutôt inutile pour le village. Ainsi, si quelque chose la tuait, ce ne serait pas une si grande perte.
Mais je n’avais pas pu me résoudre à le faire. Ces personnages étaient trop humains. Je ne pouvais pas envoyer un petit enfant vers le danger et vivre avec. Ils travaillaient tous si dur, tirant le meilleur parti de leur vie. Si je prenais ces vies pour acquises, ils finiraient par me détester.
Bien sûr, ce n’était qu’un jeu vidéo, mais je voulais quand même voir comment chacun d’eux allait grandir et se développer.
Je ne joue que depuis trois heures, et je suis déjà attaché à eux… Je ne pourrai pas dormir ce soir si je les mets en danger.
Quelle serait la meilleure chose à faire pour eux, pour leur survie ? J’avais jeté un autre coup d’œil à la liste des miracles pour voir si quelque chose pouvait les aider. Leur plus gros problème pour le moment était la nourriture. Il fallait s’assurer ensuite qu’ils aient les bons outils et les bons matériaux pour se construire des maisons.
« Attendez, c’est quoi ça ? »
En dessous de la liste des miracles, il y avait une dernière option : « Familiers »
Dans les histoires fantastiques, les familiers étaient des serviteurs magiques qui aidaient leurs maîtres en allant chercher des objets ou en recueillant des informations.
« Recueillir des informations ! »
Si j’avais un familier, je pourrais peut-être l’utiliser pour explorer une plus grande partie de la carte !
J’espère juste pouvoir m’en offrir un avec les PdD que j’ai.
En cliquant sur le bouton, j’étais arrivé à une liste de familiers disponibles. J’avais parcouru la liste. Il devait y en avoir au moins cinquante !
« Chiens, chats, souris, lézards, grenouilles, serpents, chauves-souris, corbeaux, pigeons… »
La liste ne contenait pas que des animaux ordinaires. Il y avait un bon nombre de créatures fantastiques, comme les licornes et les slimes. J’avais à peu près assez de PdD pour une grenouille, une souris ou un lézard, mais avec une petite chose comme ça, que pouvais-je vraiment faire ? Elle risquait de se faire dévorer par quelque chose dès qu’elle mettrait le pied dans les bois. Si je voulais explorer la région, un oiseau serait le mieux, mais ils étaient tous assez coûteux. Je pouvais obtenir qu’un poussin pour le moment.
« Inutile… sauf si mon peuple aime les œufs. Et de toute façon, il faudra un certain temps avant qu’il puisse en pondre. »
Un chat ou un chien serait aussi un bon choix, mais je n’avais pas assez de PdD pour me les offrir. Je m’étais alors demandé s’il y avait un autre moyen de gagner des points que la gratitude de mes villageois. Comme si le jeu lisait dans mes pensées, un message était soudainement apparu sur l’écran.
« Vous pouvez acheter des PdD avec de la monnaie réelle. 1 000 yens vous permettent d’acheter 10 PdD. »
Super. Et j’étais là, sans emploi et fauché. Bien sûr, le jeu avait des microtransactions. J’aurais dû m’y attendre, mais j’étais assez dégoûté qu’ils les aient mises dans la version alpha du jeu.
Si j’achetais 20 000 yens de PdD, je pouvais m’offrir un chat ou un petit chien. Et en général, avoir plus de points rendrait la vie de mes villageois beaucoup plus facile. J’avais alors pris mon portefeuille dans la petite mallette à côté de mon ordinateur et je l’avais ouvert.
« Seulement 10 000 yens, hein ? Je pourrais peut-être vendre quelques vieux livres ou jeux. Ou je pourrais vendre aux enchères en ligne certains de mes prix non ouverts… »
J’étais resté assis là à réfléchir pendant un long moment, ignorant la petite voix dans ma tête qui me disait que j’accordais trop d’importance à la vie d’une bande de pixels.
merci pour le chapitre