Monster no Goshujin-sama (LN) – Tome 1 – Chapitre 16

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Chapitre 16 : Le bonheur d’un serviteur

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Chapitre 16 : Le bonheur d’un serviteur

Partie 1

« Lily ! Rose ! »

« Maître ! »

J’avais attrapé mes deux serviteurs alors qu’elles bondissaient vers moi. Pour être plus précises, elles m’avaient poussé vers le sol. Mon bras était toujours collé au sol à cause des toiles d’arachnes, je ne pouvais donc pas vraiment bouger. Je ne pouvais que tomber en arrière alors qu’elles me serraient dans leurs bras.

« Maître ! Maîtttttrreee ! Dieu merci, tu vas bien… ! »

« Nous étions inquiètes, Maître. »

Elles avaient toutes les deux enfoui leur visage contre ma poitrine et s’étaient réjouies de nos retrouvailles. J’étais bien sûr tout aussi heureux. Mais ce n’était pas vraiment le problème ici.

J’avais crié de douleur. « A-Aîe ! Aîe ! Calmez-vous un peu toutes les deux ! »

« … Oh, c’est vrai. Tu ne vas pas vraiment bien, hein ? » Lily avait immédiatement commencé à faire de la magie de guérison tandis que Rose avait utilisé le couteau à découper qu’elle avait à la hanche pour me libérer des toiles.

« Désolée, Maître. Je suis si heureuse. »

« Non, ça va. Ne vous inquiétez pas. »

Le fait qu’elles soient si heureuses montre à quel point elles sont inquiètes. Cette pensée m’avait réchauffé le cœur et m’avait fait oublier la douleur. Cela dit, j’avais encore besoin de quelques minutes pour pouvoir bouger à nouveau. La magie de guérison de Lily avait ses limites, alors je ne pouvais pas me plaindre. De plus, je n’étais pas dans une situation où je pouvais me plaindre de mes propres blessures.

Lily et Rose étaient toutes deux dans un état épouvantable. Après avoir subi des dégâts importants, Lily avait à peine pu continuer à activer son mimétisme. La moitié de son visage et la plus grande partie de son corps étaient redevenu vaseux. Je pouvais voir sa forme transparente sous son blazer déchiré. La main qu’elle avait placée sur mon bras droit pour lancer la magie curative était complètement transparente, et il n’y avait pas d’espace entre ses doigts. De temps en temps, du liquide s’écoulait d’elle et se répandait sur mon corps. Elle ne faisait que maintenir son contour d’humaine, mais il était clair qu’elle était à ses limites.

Quant à Rose, elle avait perdu un bras. À en juger par son boitement lorsqu’elle était arrivée en courant, il semblerait aussi que les articulations de ses genoux aient été endommagées lorsqu’elle s’était fracassée contre ces piliers. Sa plus grande blessure, cependant, semblait être la crevasse qui circulait sur son torse. Celle-ci provenait du coup qu’elle avait reçu de la patte de l’arachne. Elle avait à peine évité un coup direct, mais il y avait une grande fissure allant de la taille jusqu’à l’épaule.

Elles avaient littéralement des blessures partout. Un faux pas leur aurait coûté la vie. Pourtant, elles avaient traversé tout ça juste pour venir me sauver.

« Je vous remercie. À vous deux. Vraiment, merci… » Je n’avais pas d’autres mots pour mes vaillantes servantes…

Si tout s’était arrêté là, cela aurait été le happy end idéal. Le fait que ce ne soit pas fini montre à quel point la réalité est dure.

« Qu’est-ce que vous célébrez ? »

Une voix amère s’élevait au-dessus de nous alors que nous nous réjouissions. J’avais levé les yeux et j’avais rencontré des yeux rouges furieux. L’arachne blanche était encore en parfaite santé et nous regardait fixement.

« Croyez-vous m’avoir vaincue avec cette petite égratignure ? » demanda-t-elle d’une voix calme et intimidante.

Je n’avais pas pu voir les dommages causés à son visage par la magie que Lily lui avait jetée. Ce qui était encore plus surprenant, c’est que les brûlures qu’elle avait subies avaient déjà complètement disparu. La vitesse de récupération d’un haut monstre était certainement à un autre niveau.

Quant à nos forces de combat, Lily et Rose n’étaient plus en état de se battre. Il leur avait fallu toute leur force pour arriver à mes côtés sans mourir. Elles n’avaient plus un seul fragment de force.

En d’autres termes, c’était fini pour nous maintenant. Mystérieusement, mon cœur était calme, et j’avais simplement accepté la réalité désespérée qui se présentait à moi. Ce n’était pas si mal si je pouvais mourir avec Lily et Rose à mes côtés comme ça. J’avais trouvé le salut avec elles dans mes bras.

Il valait bien mieux mourir avec elles ici que de vivre dans l’isolement, pris dans cette toile d’arachne. Tant que j’étais le but de l’arachne blanche, elle n’allait pas me tuer, mais je pouvais juste me mordre la langue.

Alors que je prenais ma décision, la main visqueuse de Lily avait saisi la mienne. « Attends, Maître. »

« Lily ? »

« Il est trop tôt pour abandonner, » me chuchota-t-elle à l’oreille.

Que voulait-elle dire ? Cette situation était clairement un échec et mat. Il était impossible de renverser la situation. Et pourtant, le visage mi-humain de Lily avait un regard de conviction lorsqu’elle fixait l’arachnéenne qui approchait.

« Je vais mettre vos corps en lambeaux et vous faire rendre ce qui m’appartient. »

Les jambes de l’arachne blanche s’entrechoquaient lorsqu’elle se rapprochait. Elle avait l’intention de mettre définitivement fin à la vie de Lily et Rose. La seule raison pour laquelle elle ne sautait pas de toutes ses forces comme avant était pour ne pas se faire prendre dans son attaque.

« Votre lutte désespérée n’avait aucun sens. Je serai toujours victorieuse. »

« Ce sont vos actions qui n’ont aucun sens ici. »

Katou se tenait de l’autre côté de l’arachne et l’appelait à s’arrêter. Tout comme Lily, elle n’avait toujours pas abandonné. Je regardais vers elle en état de choc et je voyais un faible sourire sur ses lèvres. C’était un peu réservé, mais c’était quand même un sourire naturel. C’était comme si elle était vraiment contente que j’aille bien. Mais cela n’avait duré qu’un instant. Le sourire de Katou avait immédiatement disparu et elle avait pointé un regard aiguisé sur l’arachne blanche.

« Vous vous déchaînez. Vous faites une crise de colère. Avez-vous eu ce que vous vouliez comme ça ? »

« Je suis sur le point de le reprendre. Taisez-vous et regardez, petite fille. »

« Le reprendre ? Comme c’est amusant. En êtes-vous vraiment capable ? »

« Hein » L’arachne blanche n’avait pas pu laisser passer cette remarque irréfléchie et s’était tournée vers Katou. « Êtes-vous incapable de percevoir la réalité ? Quel que soit le regard que l’on porte sur elle, ces parasites n’ont pas la force de continuer à se battre plus longtemps. Il ne reste plus qu’à les piétiner. »

« C’est peut-être le cas, » avait reconnu Kato en secouant la tête. « Mais cela n’a rien à voir avec cela. Si vous les tuez, vous ne pourrez plus jamais obtenir ce que vous voulez… En fait, vous n’avez jamais obtenu ce que vous voulez vraiment. »

« Quelle absurdité ! Comment pouvez-vous prétendre une telle chose ? »

« Ne l’avez-vous toujours pas remarqué ? » demanda Lily, en échangeant avec Katou. « Vous avez tout faux. »

« Faux… ? Qu’est-ce que vous racontez ? »

L’arachne s’était retournée vers nous et s’était arrêtée de façon anormale. Mais Lily n’avait rien fait. L’arachne blanche s’était arrêtée toute seule. Ses yeux rouges étaient larges comme des soucoupes, reflétant l’image de mes deux serviteurs blottis contre moi.

Lily était assise avec sa main sur la mienne, blottie contre moi, ses cheveux de lin tombant sur mon épaule. Rose tenait fermement mon autre main avec sa poignée de bois. L’arachne blanche continuait à les fixer d’un regard figé.

« On dirait que vous avez compris. » La partie humaine du visage de Lily affichait un soupçon de pitié quand elle parlait. « Vous avez une volonté. Vous avez gagné un ego. C’est vrai que ce sont des choses merveilleuses. Oui, j’ai compris. Je m’en souviens aussi. Cet instant où mon monde s’est rempli de couleurs. »

L’arachne blanche l’avait dit elle-même. Les monstres ne possédaient pas ce que l’on pourrait appeler un ego à la naissance. C’est pourquoi le moment où elles étaient devenues mes serviteurs et avaient obtenu une volonté avait été une expérience si vivante, incomparable à toute autre.

« Notre maître nous a donné notre ego. En ce sens, il est comme notre mère… Non, quelque chose d’encore plus spécial que ça. Je comprends pourquoi vous voulez le monopoliser, et ce que vous avez ressenti quand vous l’avez enlevé. »

Mes trois serviteurs avaient des sentiments différents à mon égard, mais elles avaient toutes quelque chose en commun. Tout comme Lily avait fait allusion à ça en m’appelant « mère », elles ressentaient toutes un désir particulier envers moi. L’arachne qui m’avait enlevé n’était pas différente. Ses actions radicales étaient plutôt nées de ces émotions.

« Mais ça ne sert à rien de prendre notre maître, n’est-ce pas ? C’est là que vous avez tort. » Lily avait serré ma main, après avoir terminé son traitement de guérison. « Nous pensons que notre maître est plus précieux que tout. Et notre maître nous traite avec les mêmes sentiments. C’est un bonheur irremplaçable qui ne peut être échangé contre rien d’autre. C’est ce que je crois. »

Lily avait posé sa main sur sa poitrine transparente et effritée. Mais elle semblait parfaitement satisfaite. Son silence en disait long, elle était fière des blessures qu’elle avait subies.

Lily était heureuse. La même chose s’appliquait à Rose. Et bien sûr, à moi aussi. C’était la situation pour laquelle ces filles avaient misé leur vie afin de la créer.

« Vous pouvez aussi sentir notre bonheur, non ? »

Mes serviteurs étaient reliés les uns aux autres à travers moi par notre cheminement mental. L’arachne blanche ne faisait pas exception. Le chemin ne pouvait pas transmettre des informations complexes, mais cela ne la rendait pas insignifiante. C’était capable après tout de transmettre des informations qui ne pouvaient pas être transmises par la conversation. Nous transmettions directement des émotions qu’il était difficile d’effleurer, même en utilisant beaucoup, beaucoup de mots. En bref, nos émotions étaient toutes transmises à l’arachne blanche.

Comme le sentiment d’accomplissement que procure le fait de faire de son mieux pour le bien d’un être cher.

Comme la joie d’aimer et d’être aimé.

Comme la forme ultime du vrai bonheur qui ne pourrait jamais être obtenue dans la solitude.

Tout cela formait une lance et perçait l’arachne blanche.

C’est parce qu’elle était aussi ma servante. À l’origine, elle était censée être une compagne aimée. Elle était censée être avec nous comme un autre membre de notre famille. Elle était censée atteindre le vrai bonheur que je ressentais en ce moment.

Cependant, elle ne pouvait plus saisir ce bonheur. Cela n’aurait pas été un problème pour elle avant. Elle ne le savait pas à l’époque. Mais aujourd’hui, elle pouvait directement ressentir ce bonheur, un bonheur qu’elle n’avait jamais connu au cours de ses longues années de vie.

Elle connaissait maintenant un tel bonheur, mais cela n’avait rien à voir avec elle. En le voyant si clairement devant elle, elle avait été frappée par la réalité qu’elle ne pourrait jamais l’obtenir pour elle-même. Si cela ne suffisait pas à lui briser le cœur, alors cette arachne blanche était vraiment une horreur.

« Euh, ah… »

Mais il n’y avait aucune chance que ce soit le cas. Cette fille qui venait de gagner un cœur était comme une enfant. Sans expérience en matière de chagrin d’amour, elle n’avait aucun moyen de savoir comment faire face à un tel désespoir. Par-dessus tout, celui qui lui avait accordé ce cœur n’était autre que moi, un garçon parfaitement ordinaire qui n’avait pas moi-même une telle expérience. De ce fait, ce haut monstre portait en elle une faiblesse extrêmement banale.

Si seulement elle n’avait pas de cœur. Alors elle pourrait continuer à être une horreur invincible. En ce sens, cette conclusion était bien trop ironique pour cette fille qui avait été si exaltée d’avoir gagné un ego.

« Je… Je suis… »

Peu importe la solidité de son extérieur, cette faiblesse en elle était facilement perçable.

Ainsi, l’arachne blanche, dont la tyrannie ne connaissait pas d’égal, avait été abattue par une telle fragilité.

***

Partie 2

« Dieu merci, vous êtes sain et sauf, Senpai. »

Après avoir été guéri par la magie de Lily, j’avais plus ou moins retrouvé la capacité de bouger et j’avais marché jusqu’à Katou. Elle m’avait accueilli avec un sourire réservé.

J’avais commencé par ce qui m’intéressait le plus. « Avez-vous pensé à ce plan ? »

Je n’avais aucune raison de le croire fermement, mais je n’avais pas l’impression que c’était l’idée de Lily ou de Rose. C’était peut-être bizarre de le dire ainsi puisqu’elles m’avaient sauvé… mais la méthode était bien trop sale. Je ne pensais pas que mes honnêtes et simples serviteurs pouvaient penser à une telle idée. Elle devait venir d’un humain. Et comme je m’y attendais, Katou avait fait un signe de tête.

« Nous n’avons pas pu comprendre pourquoi l’arachne vous a enlevée, Majima-senpai. C’était un mystère. Mais nous avons découvert autre chose grâce au fait qu’elle l’a fait. »

« … Qu’elle était obsédée par moi ? »

« Oui. Elle ne nous regardait pas du tout. Il était clair que vous étiez spécial pour elle. Alors, même si elle a fait quelque chose de si extrême, j’ai réalisé qu’elle n’était rien d’autre que votre servante. Et si elle était votre servante, son processus de pensée devait être similaire à celui de ces deux-là. C’est pourquoi une stratégie m’est venue à l’esprit. »

« Vous avez donc tenté quelque chose qui n’avait rien à voir avec la raison pour laquelle elle m’avait enlevé. »

« Exactement. Peu importe ce qu’elle espérait, si elle voyait qu’il y avait quelque chose de bien plus grand, mais inaccessible, cela écraserait son jeune cœur. Ce n’était pas si compliqué que ça de créer cette situation. Pour un serviteur, avoir confiance en vous, vous faire confiance, vous être dévoué… Recevoir votre amour en tant que maître est après tout la plus grande forme de bonheur. »

« Est-ce ainsi que cela fonctionne ? »

« C’est le cas. » Katou avait fait un signe de tête. Ses traits sans expression semblaient quelque peu solitaires. « Lily et Rose sont arrivées vivantes à vos côtés — c’était la condition de notre victoire, Majima-senpai. C’était un objectif assez difficile à atteindre, mais les deux filles l’ont accompli avec brio. »

Elles avaient risqué leur vie pour défier l’arachne et arriver à mes côtés sans mourir. C’était la seule et unique façon de gagner contre un ennemi qui ne pouvait pas être vaincu.

« Après cela, il ne restait plus qu’à dire à l’arachne blanche quelle était la situation. Cependant, nous devions l’entraîner dans une conversation. C’est là que je suis entrée en jeu. »

« Pourquoi êtes-vous allée si loin alors que vous ne pouvez même pas vous battre… ? »

« C’est le contraire. C’est parce que je ne peux pas me battre. Elle est extrêmement forte, et je suis extrêmement faible. Quelqu’un comme moi qui sors effrontément est une curiosité, n’est-ce pas ? De plus, si je peux être tuée à tout moment, cela ne fait aucune différence que ce soit maintenant ou plus tard. En ce sens, c’est ce rôle qui m’offre le plus de possibilités pour mon propre avenir. »

« Mais ce n’est pas comme si votre vie n’était pas en danger… » Au contraire, elle aurait pu être tuée sur un simple coup de tête, donc elle traversait un pont extrêmement dangereux.

« En plus, vous êtes sortie au milieu des combats, » déclara Lily en coupant court.

Katou haussa les épaules. « Sortir pour créer une ouverture était… enfin, c’était ad lib. Avec la façon dont les choses se passaient, ça semblait utile. »

« Vous êtes bien trop téméraire. Je pensais que mon cœur allait s’arrêter. »

« Vous n’avez même pas de cœur en ce moment. »

J’avais regardé entre elles. « … Huh. Je vois que vous avez commencé à vous entendre en mon absence. »

Katou avait souri un peu à ma remarque, mais Lily avait froncé les sourcils. Il s’était vraiment passé quelque chose entre elles. J’étais un peu curieux, mais je pourrais demander les détails plus tard.

« Rien que d’entendre parler de ce genre de plan me donne des frissons…, » avais-je murmuré.

« Vraiment ? » demanda Katou en penchant la tête.

« Oui, c’est bien que cela ait marché et tout, mais ça aurait pu être bien pire. L’arachne blanche aurait pu être une servante qui fonctionnait selon des principes complètement différents, non ? »

« Oh, c’est vrai, » déclara Kato, qui avait peut-être envisagé cette possibilité. « Le plan était un pari. Même si c’était le cas, nous n’avions pas d’autres options. Mais quand même, je ne pensais pas que les chances étaient trop mauvaises pour parier. »

« Vraiment ? C’est difficile à voir… Pourquoi ? »

« Je veux dire, je connais Lily et Rose. » Katou avait jeté un regard à Lily, qui était littéralement collée à moi. « Par exemple, elle peut être assez méfiante. »

« U-Um, attendez, Katou !? »

Katou avait ignoré la protestation de Lily avec désinvolture. « Et Rose est vraiment sérieuse. »

Ce petit échange m’avait donné un aperçu de la structure de pouvoir qu’elles avaient établie entre elles pendant mon absence.

Je me demande ce qui s’est réellement passé. J’avais de plus en plus de raisons de demander à Rose des détails plus tard.

« Qu’en est-il de leur personnalité ? » avais-je demandé à faire avancer les choses.

« Ce n’est que mon opinion, mais je pense que certaines parties de votre personnalité influencent celles de vos serviteurs, Senpai. »

J’avais été pris complètement au dépourvu. « Ma personnalité ? »

« Oui. D’après ce que j’ai entendu plus tôt, vos serviteurs ne possédaient pas de cœur avant de vous rencontrer. Elles ont acquis des ego, des volontés et des émotions en devenant vos serviteurs. Cela signifie que ce ne serait pas si étrange si votre pouvoir faisait cela, n’est-ce pas ? »

La théorie de Katou m’avait rappelé la vraie nature de ma capacité à apprivoiser les monstres, la nature dont l’arachne blanche avait parlé. En touchant mon cœur, un ego avait germé au sein de mes serviteurs. Ainsi, la forme de leur cœur était largement influencée par ma nature. Il n’était pas vraiment étrange qu’il se manifeste comme une partie de ma personnalité.

« Donc, si vos serviteurs sont influencés par votre cœur, alors le cœur de l’arachne blanche ne pourrait pas être aussi dégénéré. C’est votre servante, après tout. »

Je m’étais retourné par réflexe vers le nid d’arachne que nous venions de quitter. Elle était assise au centre avec toutes ses jambes repliées. Ses yeux étaient rivés sur le sol. Ses longs cheveux blancs couvraient son visage, je ne pouvais donc pas voir son expression, mais je pouvais dire par notre cheminement mental qu’elle ne possédait plus la volonté de se dresser contre nous. Elle avait soudainement perdu tout ce qu’elle pensait avoir gagné et attendait maintenant pitoyablement qu’elle pourrisse dans l’isolement. Elle avait été complètement seule tout ce temps. Et elle allait probablement rester seule à partir de maintenant jusqu’à la fin.

« … »

Cet espace, sans aucun mur, était censé être libérateur, mais pour une raison quelconque, il semblait étroit comme une grotte. J’avais déjà vu cette scène une fois auparavant. À l’époque, c’était moi qui étais au milieu de la grotte.

« Maître ? » Lily remarqua mon étrange comportement et m’appela.

« Lily, » l’avais-je appelé. C’est tout ce que j’avais fait. Mais c’était tout ce dont elle avait besoin pour réaliser ce que je voulais dire.

Son visage, encore à moitié effondré, s’était relâché, et son œil s’était ouvert. « Maître… Mon Dieu, franchement…, » dit-elle avec un petit soupir.

« Désolé. » Je fronçais les sourcils et je baissais le regard. « C’est elle qui vous a fait du mal à toutes les deux… »

« Tu n’as pas besoin de t’excuser. Je veux dire, j’aime cette partie de toi, Maître. »

Lily m’avait souri en réponse, impuissante, mais elle avait l’air satisfaite. Son visage était à moitié fondu tel un monstre, et pourtant son sourire était plus beau pour moi que celui d’une déesse.

« Tout comme tu as dit que tu m’aimais malgré le fait que je ne sois pas parfaite, j’aime aussi ce côté doux chez toi. Donc, c’est bien. Fais ce que tu veux, Maître. » Avec ça, Lily m’avait laissé partir.

Après avoir obtenu sa permission, j’avais commencé à marcher en direction de l’arachne recrevillée au sol.

« Qu’y a-t-il, Senpai ? »

« Maître ? Que faites-vous exactement… ? »

Katou et Rose n’avaient toujours pas compris ce que je faisais. C’était la réaction normale. Il aurait été étrange qu’elles aient anticipé une décision aussi stupide.

Je m’étais approché et j’avais crié à l’arachne. « Hey. »

Sa partie humaine s’était légèrement tordue. Ses cheveux soyeux se séparèrent lorsqu’elle me regarda avec ses yeux rouges. À en juger par les apparences, elle était un peu plus âgée que moi. Mais à ce moment-là, elle ressemblait à un petit enfant.

« Veux-tu venir avec nous ? »

Les yeux de l’arachne s’étaient ouverts en grand, et ceux qui étaient derrière moi avaient commencé à paniquer.

« Maître ? Mais qu’est-ce que vous dites ? »

« O-Ouais ! Senpai ! »

Rose et Katou étaient déconcertées. Mais celle qui avait été la plus surprise était l’arachne qui se trouvait juste devant moi.

« Vous êtes… sérieux… Mon Seigneur ? »

« Tu es aussi liée à moi par le cheminement mental, tu peux donc le dire toi-même, non ? »

« Alors… vous êtes sérieux… Je n’aurais jamais pensé… que vous diriez ça…, » elle me regardait comme si elle n’en croyait pas ses yeux. « Et pourtant, je vous ai attaqué. »

« Eh bien, c’est vrai. »

« Et… Je vous ai fait mal… énormément. »

« C’est également vrai. » Mes propres blessures mises à part, j’étais franchement furieux que Lily et Rose aient subi des blessures aussi graves. « Mais en y repensant, tu as gagné un ego en touchant mon cœur, oui ? »

L’ego de mes serviteurs avait germé en touchant mon cœur par notre cheminement mental. L’arachne blanche avait dit que c’était le mécanisme de ma capacité d’apprivoisement. Et quand elles l’avaient fait, elles avaient accepté mes souhaits.

Lily m’avait sauvé alors que mon cœur sombrait dans le désespoir.

Rose m’avait protégé lorsque j’avais pris la décision de survivre dans ce monde.

Cette arachne ne serait pas une exception à la règle. Elle avait aussi dû accepter l’un de mes souhaits. Et en y repensant maintenant, j’avais eu quelques idées.

« Je veux posséder le pouvoir. Un pouvoir qui fera que je ne perdrais face à personne. Et avec lui, j’accomplirai tout ce que mon cœur désire ! Tout comme l’ego que j’ai atteint le veut ! »

En me rappelant mon discours toujours aussi arrogant, j’avais grincé les dents face à ces souvenirs amers. J’avais vécu des événements qui avaient déformé ma volonté à maintes reprises depuis mon arrivée dans ce monde. Le jour où la colonie avait été détruite, j’avais été tourmenté par la douleur et toutes mes valeurs avaient été mises en pièces. J’avais erré dans la forêt dangereuse pendant trois jours dans un isolement complet, au bord de la mort. Et récemment, après avoir rencontré Kaga, j’avais été impliqué dans un meurtre que je n’avais jamais voulu faire de manière proactive.

Tout cela aurait pu être évité si je possédais un pouvoir écrasant, un pouvoir capable de sortir frivolement des impasses de situations aussi extrêmes.

Si seulement j’avais le pouvoir.

Je n’étais qu’un être humain. Je mentirais si je disais qu’une telle pensée ne m’avait jamais traversé l’esprit. Cependant, de telles pensées étaient extrêmement dangereuses. Elles donnaient naissance à l’arrogance. Elles donnaient naissance à la pensée que ce que je faisais n’avait pas d’importance tant que j’avais du pouvoir. Tout comme elles l’avaient fait avec l’arachne. J’étais sûr que le désir de pouvoir était resté enfoui dans mon cœur. Et ce soir-là, il avait pris la forme de la tyrannie de cette arachne blanche et avait porté ses crocs. Telles étaient les circonstances de ce qui s’était passé.

« C’est moi qui t’ai donné un cœur. Donc, je suis responsable de ton déchaînement. Ma colère serait mal dirigée si je t’en rendais responsable. »

« Mon déchaînement était ma propre volonté. Tel était mon propre désir et ma nature d’arachne. »

« Même si c’est le cas, c’était soutenu par mon désir. Cela n’annule pas ma responsabilité. »

L’arachne blanche était complètement abasourdie. « … Vous êtes une vraie mauviette, mon Seigneur. Vous comprenez ? C’est une façon de penser terriblement dangereuse. Même moi, je suis capable de l’imaginer facilement. Essayer de porter tout et n’importe quoi sur votre dos comme ça… vous mènera un jour à la ruine. »

« Je ne permettrai pas qu’une telle chose se produise, » répondit Lily. « Nous soutenons notre maître. C’est pour cela que nous sommes ici. » Son corps gélatineux s’était glissé sur le sol en s’approchant de moi. « Hé, et vous ? Viendrez-vous soutenir notre maître avec nous ? »

« C’est… Mais… Je ne possède sûrement pas les qualifications pour le faire. » L’arachne avait secoué la tête. « J’ai fini par vous faire du mal à tous avec mon comportement égoïste. »

En regardant la façon dont elle avait penché la tête, il était clair qu’elle voulait venir avec nous. Son jeune cœur était enveloppé par des sentiments de culpabilité, comme s’il était pris par des toiles d’arachne. C’est pourquoi j’avais cru pouvoir tendre la main vers elle.

Elle avait en effet commis une erreur. Cependant, aucun préjudice irréparable n’avait été causé. Personne n’était mort, je n’avais perdu personne qui m’était cher. Au contraire, si je l’avais abandonnée ici, alors cette tourmente ne se serait terminée que par une simple tragédie.

Je ne pouvais pas permettre une telle chose.

« Tu viens d’obtenir un cœur. C’était un peu comme un enfant qui piquerait une crise. Et peu importe comment tu le dis, condamner le comportement d’un enfant comme absolument impardonnable et l’abandonner, c’est en faire trop. Te pardonner n’est que la chose évidente à faire en tant qu’aîné, n’est-ce pas ? »

Les jolis traits de la jeune fille étaient légèrement inclinés. « Combien de temps pensez-vous que j’ai vécu, mon Seigneur ? J’ai bien plus de dix fois votre âge, vous savez ? »

« Dans ce cas, tu sais au moins comment t’excuser, n’est-ce pas ? »

Des larmes claires coulèrent des yeux de l’arachne blanche. « … Je ne le sais pas. Il n’y a aucune chance que je puisse savoir ça. Vous ne pouvez pas comprendre à quel point ma vie a été vide. » Elle poussa un long soupir. « Mais… Il semble que j’ai besoin d’apprendre de telles choses à partir de maintenant. »

Ainsi, ce soir, j’avais ajouté un troisième serviteur à mon groupe de compagnons.

 

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