Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 9 – Chapitre 1

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Chapitre 1 : Le premier prince

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Chapitre 1 : Le premier prince

Partie 1

Le jour de la cérémonie d’ouverture était arrivé. Je me tenais devant le miroir de ma chambre, enfilant mon uniforme par-dessus ma tête, tout en échangeant quelques mots avec un visiteur. Il s’agissait du prince Julian, que j’avais convoqué malgré la frénésie de la matinée, et il n’était pas très content de cette invitation impromptue.

« Tu aurais dû le dire plus tôt si tu avais l’intention de me confier le discours d’ouverture de la cérémonie. »

L’école était venue me voir pour savoir si j’accepterais de prononcer un discours lors de la cérémonie. Cela m’avait semblé très pénible, alors j’avais décidé de confier cette tâche à Julian. Maintenant, il s’était retranché dans ma chambre, prenant des notes sur ce qu’il allait dire.

« Je ne suis qu’un petit marquis. Ton rang est bien plus impressionnant que le mien, n’est-ce pas ? » avais-je dit.

Luxon flottait dans l’air à côté de moi. Ce matin, il avait été encore plus insupportable que d’habitude, ce qui n’était pas une mince affaire.

« Maître, ta cravate est de biais », m’a-t-il dit.

« Oups, tu as raison. »

Je l’avais détachée et l’avais refaite rapidement, jetant un coup d’œil dans le miroir pour apercevoir Julian. Il semblait accepter la logique de mon argumentation, mais son air renfrogné persistait.

« Il est vrai qu’en termes de rang, le mien est plus élevé. Mais comme ta force et tes réalisations sont supérieures, je comprends pourquoi l’école t’a choisi. Bien que tu ne me sembles pas être un orateur éloquent, j’admets… »

Vous n’auriez jamais deviné, d’après nos grommellements, que je connaissais Julian depuis près de deux ans. Je n’aurais jamais imaginé lui parler avec autant de désinvolture que lorsque nous nous étions rencontrés pour la première fois. Au début, nous nous détestions.

« C’est justement pour ça que je laisse le soin à quelqu’un qui est doué pour ce genre de choses. C’est efficace de ma part, hein ? » Je souris.

J’avais fini de lisser mon uniforme pendant que Julian terminait le discours qu’il avait écrit. Sa rapidité et son assurance indiquaient ce que je soupçonnais depuis le début, à savoir qu’il était habitué à ce genre de choses, ayant dû faire toutes sortes de discours à des foules par le passé.

« Ce serait plus convaincant si c’était quelqu’un d’autre. Quand tu le dis, on a l’impression que tu pousses ceci sur moi parce que tu considères que c’est trop compliqué », déclara Julian.

« Interprète-le comme tu le veux. Quoi qu’il en soit, je te pardonne les ennuis que tu as causés pendant les vacances de printemps puisque tu as fait ça pour moi. Alors, tu devrais être reconnaissant. »

Julian et ses crétins de compagnons avaient fait des ravages dans l’école pendant leur séjour de vacances de printemps. La facture des dégâts m’était parvenue directement comme j’étais leur superviseur nominal. C’était franchement déprimant. Pourquoi devais-je garder le prince déchu et ses camarades ?

« Je ne peux pas vraiment argumenter quand tu le dis comme ça. » Julian soupira doucement en pliant son discours et en le rangeant dans la poche de sa veste. Il avait l’air découragé, mais quelques instants plus tard, il releva le menton et déclara : « J’aurais dû commencer mon activité en préparant un chariot de nourriture à la place. »

Il n’avait donc pas encore renoncé à ce rêve.

« Tu agis comme un homme possédé lorsqu’il s’agit de brochettes. N’est-ce pas ? » avais-je demandé.

« Possédé ? Quelle horreur ! Au moins, décris les choses sous un angle plus positif. Disons que je suis béni par la déesse des brochettes, peut-être… Je les aime autant que j’aime Marie. »

J’avais compris ce qu’il voulait dire, mais la façon pompeuse dont il l’exprimait était tellement exagérée que j’avais éclaté de rire. Je savais, par des récits de seconde main, à quel point il chérissait les brochettes, mais voyons. La blague n’en était pas moins hilarante, même aujourd’hui.

« Marie est au même niveau que les brochettes, hein ? Je parie qu’elle aurait une réaction assez comique si je lui disais ça. »

Luxon, qui se trouvait comme d’habitude à côté de mon épaule droite, déplaça son objectif d’un côté à l’autre en signe d’exaspération. « J’ai peine à croire que cet homme était autrefois le prince héritier dont on attendait tant. Je doute que quiconque ait pu imaginer qu’il serait dans un tel état il y a quelques années. Le seul point positif, c’est qu’il est heureux de ce résultat. »

Julian n’avait pas semblé troublé par nos remarques sarcastiques. Au contraire, sa fierté s’en était trouvée renforcée.

« C’est vrai. J’ai une chance inouïe d’avoir trouvé deux choses incroyablement précieuses et irremplaçables. Je suis reconnaissant à Marie et à l’homme qui m’a fait découvrir les brochettes. » Il me regardait dans les yeux et son visage s’illumina d’un sourire.

J’avais échangé un regard avec Luxon.

« C’est dur de traiter avec des idiots, hein ? »

« En effet. Ils sont aussi imperméables aux sarcasmes qu’aux remarques désobligeantes. »

 

☆☆☆

 

À peu près au même moment, Marie et Carla se rendaient du bâtiment principal de l’école à l’auditorium où se déroulera la cérémonie d’ouverture. En traversant un couloir de liaison, les deux jeunes filles s’étaient attiré des regards plutôt hostiles. Les expressions mécontentes des autres élèves laissaient présager ce qu’ils se demandaient probablement à l’unisson : que faites-vous ici ?

Pourtant, malgré toutes les moqueries dont Marie et Carla faisaient l’objet, personne ne leur adressa directement la parole. Il y avait une raison importante à cela : elles étaient sous la tutelle du nouveau marquis.

Malgré le mépris de ses pairs, Marie traversa le hall d’un pas assuré pour cacher son irritation. « Comment se fait-il qu’ils soient tous aussi amers avec moi, hein !? Ce sont ces trois idiots qui ont modifié leurs uniformes sans permission ! Grondez Léon si vous voulez prendre quelqu’un à partie. C’est lui qui est responsable d’eux ! »

« C’est totalement inévitable », dit Carla, essayant d’apaiser sa maîtresse. « Seul le directeur a assez d’autorité pour convoquer le marquis et le réprimander, personne d’autre… Ce qui m’exaspère le plus, c’est que ces trois-là ont fait cette bêtise le jour même de la rentrée. » Un soupir s’échappa de ses lèvres.

Cette fois-ci, les coupables étaient Brad, Greg et Chris. Les trois garçons avaient un peu mûri pendant leur séjour dans la République, mais pas au point de s’abstenir d’« améliorer » leurs uniformes de l’académie. Brad avait choisi d’accentuer son uniforme avec des ornements voyants, tandis que Greg avait arraché les manches de sa chemise et de sa veste, laissant ses bras visibles jusqu’à l’épaule, et que Chris avait taillé sa veste pour en faire un manteau happi. Les garçons avaient été convoqués dans le bureau du professeur pour avoir enfreint le règlement de l’école dès le premier jour de la rentrée. Marie avait eu la malchance d’être convoquée en même temps qu’eux, ce qui lui avait valu une réprimande. Elle s’était excusée abondamment pour leur mauvaise conduite — quel autre choix avait-elle ? — mais elle était furieuse de devoir prendre cette responsabilité.

« Depuis quand suis-je devenue leur gardienne ? »

« S’il te plaît, calme-toi, Lady Marie ! »

La voix de Marie s’était faite de plus en plus forte à mesure que sa colère grandissait, tandis que Carla tentait désespérément de l’apaiser. Toutes deux s’arrêtèrent brusquement au milieu de l’allée pour permettre à Marie de reprendre sa respiration. Par pure coïncidence, elle jeta un coup d’œil à l’extérieur et aperçut deux employés qui s’occupaient de la cour intérieure. Carla remarqua qu’elle fixait quelque chose et suivit son regard.

« Serait-ce de nouveaux employés ? » demanda Carla.

« Il semblerait que ce soit le cas. »

L’un des deux employés était plus jeune, probablement un débutant. Il était en train de se faire gronder par le vétéran plus âgé.

« Ne peux-tu pas faire un peu plus d’efforts ? Regarde les arbres que tu as taillés. Chacun d’entre eux est dans un tel état. Tu en as assez fait ici. Va donc arracher les mauvaises herbes que tu trouveras. »

Le nouveau venu était un homme aux cheveux blonds. Marie avait d’abord eu pitié de lui jusqu’à ce qu’elle constate son attitude déplorable. Loin de s’engager à faire plus d’efforts dans son travail, il se contentait de regarder le vétéran d’un air narquois. « J’en ai déjà fait assez, non ? Puis-je arrêter de travailler ? »

« Bien sûr que non ! »

L’employé expérimenté semblait exaspéré par le dégoût flagrant du jeune homme pour son travail. Avec tous les problèmes que le nouveau venu causait, Marie ne ressentait pas une once de sympathie. Cet échange lui rappela ses tentatives désespérées pour apaiser les professeurs, comme si elle était en quelque sorte responsable du comportement des garçons. Sa colère refait surface avec une ardeur nouvelle. Voir à quel point le nouveau venu avait mal entretenu la cour ne faisait qu’aggraver son humeur.

« Même moi, je pourrais faire mieux que lui », grommela-t-elle.

Les souvenirs de leur séjour à l’étranger revinrent à l’esprit de Carla. Elle sourit tristement, mais son visage se décomposa en désespoir lorsqu’elle se souvient des journées épuisantes passées à entretenir la végétation en été. L’herbe et les mauvaises herbes avaient repoussé à une vitesse fulgurante.

« Ah ha ha, c’était dur pendant que nous étions dans la République — surtout pendant les mois d’été. Le jardin devenait vite incontrôlable si on ne l’entretenait pas tous les jours. C’est grâce à cette expérience que j’ai appris à utiliser les outils de jardinage… J’avais même des callosités sur les mains à cause de ce dur labeur. »

« Toi et moi, toutes les deux. »

Ce n’est pas parce qu’elle avait sous-estimé la quantité de travail qu’impliquait son emploi que Marie s’était moquée de lui. Elle avait pu se rendre compte de la dureté de ce travail subalterne à l’époque de la République. Elle n’avait parlé que parce qu’elle savait qu’elle pouvait surpasser ce garçon si elle s’y mettait.

Marie détourna son regard des ouvriers et continua à marcher. « Je me demande si l’école ne manque pas d’employés pour assurer la maintenance. J’ai déjà entendu dire qu’ils ne choisissaient que les meilleurs candidats pour travailler ici. »

En d’autres termes, une embauche aussi peu soignée n’aurait jamais été acceptée il y a quelques années.

« C’est une période difficile pour le Royaume », dit Carla, offrant sa propre spéculation sur le sujet. « Je pense que tu as raison de dire qu’ils manquent de personnels. »

Marie soupira. Les choses étaient radicalement différentes de celles dont elle se souvenait avant de partir étudier à l’étranger. Pour illustrer son propos, elle aperçut devant elle l’héritier d’un comte qui se la jouait arrogant, flanqué de plusieurs groupies féminines. Il se pavanait dans les couloirs avec assurance et n’hésitait pas à gifler quelques étudiantes qui, selon lui, lui barraient la route.

« Vous gênez. Bougez-vous ! »

« Mes excuses. »

Les filles s’étaient empressées de s’excuser et de s’éloigner pour lui faire de la place.

Ce n’était pas comme ça quand j’étais en première année. Je suppose que lorsque les choses changent, elles changent vite. J’ai presque l’impression d’être piégée dans un monde de simulation de rencontres destiné aux garçons, pas aux filles… mais je ne sais pas ce que c’est. Marie n’avait jamais joué à des jeux de rencontres pour garçons, mais elle imaginait que les femmes y étaient traitées avec le même manque de respect. J’imagine que c’est un monde agréable à vivre pour un homme. Je me demande si Grand Frère est heureux de ce changement ?

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Partie 2

La cérémonie d’ouverture, qui faisait bâiller, était arrivée à son terme. Alors que les nouveaux étudiants sortaient de l’auditorium, j’avais été tiré par l’oreille par l’une de mes fiancées, Anjelica Rapha Redgrave ou Anjie en abrégé.

« Aïe. Ça fait mal ! »

Anjie fronça les sourcils et continua à me tenir fermement l’oreille. Elle m’en voulait d’avoir demandé à Julian de jouer le rôle de représentant des élèves à ma place. « Tu aurais dû prévenir Julian plus tôt si tu voulais lui imposer tes devoirs, imbécile. »

« Ce n’est pas de ma faute ! Pas vraiment, en tout cas. Ils m’ont demandé ça sorti de nulle part. J’aurais aimé qu’ils me préviennent avant. »

« J’aurais aimé que tu me consultes plus tôt », avait-elle rétorqué.

« Oui, madame. Je suis désolé. »

« Je ne peux pas lui reprocher d’être nerveux s’ils lui ont demandé de faire ça à l’improviste. » Ma seconde fiancée, Olivia (ou Livia en abrégé), était assez compatissante pour comprendre mon point de vue. Elle pencha la tête sur le côté, manifestement perplexe. « Mais je me demande pourquoi en premier lieu, ils lui ont mis ça sur les épaules… ».

Ma troisième fiancée était également présente, Noëlle Zel Lespinasse, une jeune fille originaire de la République d’Alzer. Son statut de noble était équivalent à celui d’une princesse, mais en raison de son éducation roturière, elle parlait de manière beaucoup plus décontractée que ce à quoi on pourrait s’attendre. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval sur le côté droit de sa tête et elle portait l’uniforme de notre école.

« Je parie que l’école n’a pas vraiment eu le choix, puisque Léon a encore grimpé dans le classement aristocratique », dit Noëlle. « Je veux dire, pensez-y. S’il était resté comte, ils auraient pu s’en tirer en confiant les honneurs au prince Julian. Le fait que Léon soit devenu marquis a dû tout faire basculer dans la panique. Je parie qu’ils ont eu une énorme dispute interne pour savoir qui choisir. »

Le raisonnement de Noëlle était logique. Jusqu’à la dernière minute, l’équipe de l’école s’était trouvée dans l’impasse quant au choix de la personne qui prononcerait le discours, ce qui explique qu’elle n’ait pu m’informer que le jour de la cérémonie. Pourtant, le fait de savoir que mon choix avait été source de débats ne me rassurait pas.

Livia frappa dans ses mains. « Cela semble probable ! »

« C’est vrai !? » Noëlle sourit.

Leur joyeux échange avait incité une Anjie à l’air acariâtre à me lâcher enfin l’oreille, et elle se lança alors dans une explication sur les circonstances de l’affaire.

« Je déteste décevoir, mais ce n’est pas ce qui s’est passé », déclara-t-elle. « Ils ont choisi Léon spécifiquement parce qu’ils ne voulaient pas que le prince Julian soit chargé du discours. »

J’avais massé mon oreille rouge palpitante en jetant un coup d’œil à Anjie. « Pourquoi ça ? Parce que c’est un crétin fini ? »

« Même si j’aimerais être d’accord avec cette raison, il y avait plus que cela. Vois-tu ces nouveaux étudiants qui nous regardent ? » Anjie jeta un regard dirigé vers l’avant, où les étudiants de première année se déversaient hors de l’auditorium. À la fin de la file d’attente, un garçon blond avait les yeux rivés sur nous. Un garçon beaucoup plus grand, aux cheveux d’un roux éclatant, marchait à ses côtés.

« Vous connaissez ces types ? »

Noëlle secoua la tête, et Livia fit bientôt de même. Anjie était la seule à les connaître.

« C’est le prince Jake », nous dit-elle. « Le garçon aux cheveux roux est son frère adoptif, Oscar. »

« Prince ? Est-ce donc le petit frère de Julian ? »

J’avais déjà entendu parler du Prince Jake par Marie, qui était l’un des intérêts amoureux du troisième volet du jeu et une sorte de mouton noir de la famille royale. Je m’étais dit qu’Anjie aurait probablement une explication plus détaillée, et elle n’avait pas déçu.

« Du point de vue du prince Julian, il n’est que son demi-frère. Ils ont des mères différentes. Le prince Jake est cependant le premier dans la ligne de succession, ce qui fait de lui le candidat le plus sérieux pour être nommé prince héritier. »

« Le candidat le plus sérieux ? » reprit Livia, confuse. « Mais le prince Julian a déjà été déshérité… alors son demi-frère ne devrait-il pas devenir automatiquement prince héritier ? »

« C’est un peu plus complexe que cela. Le prince Jake déborde lui aussi d’ambition, ce qui rend les choses plus délicates. Lorsque le prince Julian occupait encore son poste de prince héritier, le prince Jake a fait tout son possible pour faire savoir qu’il finirait par porter la couronne à sa place. »

C’était un geste assez odieux de sa part, alors que Julian avait déjà été désigné comme successeur du roi.

Noëlle passa une main sur son menton. « S’ils se disputent le pouvoir, il est logique qu’ils veuillent éviter que le prince Julian prononce le discours. Mais… ne sont-ils pas en train d’exagérer les choses ? »

J’avais acquiescé. Plus précisément, je ne voulais pas me retrouver au milieu d’une dispute entre frères et sœurs.

« Il sera le prochain roi tant qu’il restera discret, n’est-ce pas ? Je ne vois pas pourquoi il voudrait causer des problèmes inutiles », avais-je dit.

Anjie baissa le regard. « À la cour, le prince Jake a la réputation de faire exactement cela. L’administration de l’école n’a probablement pas voulu s’impliquer dans une affaire aussi sensible, c’est pourquoi ils sont très prudents. »

« Hein. » Même l’école le considérait comme un enfant à problèmes avec trop de pouvoir ? Je n’avais vraiment pas envie de m’engager avec un type comme ça.

L’auditorium se vida et la longue file d’attente des étudiants commença à se résorber. Le prince Jake et son ami Oscar avaient choisi ce moment pour franchir les portes.

« Léon, » déclara Anjie d’une voix sévère. « Tu verras que de plus en plus de gens t’approcheront à l’avenir. Beaucoup seront des racailles ordinaires et nous n’aurons pas à nous en préoccuper beaucoup, mais de temps en temps, des personnages vraiment encombrants se présenteront. Quoi que tu fasses, ne leur fais pas de promesses insensées. »

« Je ne suis marquis que de nom. Qui va perdre son temps à essayer de me faire des avances ? » Je m’étais moqué de l’avertissement d’Anjie, mais son expression était restée très sérieuse.

« Si ton rang n’était qu’un titre vide, tous les autres aristocrates du royaume te traiteraient comme un inutile gâchis d’espace. »

Cela m’avait fait réfléchir. « Ah. Donc les choses vont être assez dures à l’avenir ? »

Le visage d’Anjie s’était adouci lorsqu’elle avait compris que je prenais le problème au sérieux. « Tu auras de plus en plus souvent à traiter avec des personnalités importantes. Je sais que tu détestes avoir à gérer ce genre d’engagements sociaux. La seule chose à garder à l’esprit, c’est que tu dois toujours rester sur tes gardes avec ces personnes… Tu dois même te méfier de ma famille. »

« Ta famille ? Mais les Redgrave se sont si bien occupés de moi pendant tout ce temps… »

J’étais curieux quant à savoir ce que signifiaient ses paroles et la raison pour laquelle elle me mettait en garde contre sa propre chair et son propre sang. D’ordinaire, je m’appuierais fortement sur les Redgrave pour obtenir du soutien en raison de ses liens avec eux. Les manières d’Anjie ne suggéraient pas qu’elle avait des preuves pour étayer ses craintes, mais quelque chose dans les coulisses de la maison devait être suffisamment inquiétant pour la mettre sur les nerfs.

« Mon père et mon frère aîné préparent quelque chose. S’il n’en résulte rien, tant mieux, mais je ne peux rien garantir pour l’instant », déclara Anjie.

« Normalement, n’est-ce pas l’inverse ? » demanda Noëlle. Elle avait l’air troublée par l’attitude d’Anjie. « J’aurais pensé que tu demanderais à Léon d’aider ta famille, pas que tu l’éloignerais d’eux. »

Anjie déplaça sa main gauche à sa hanche, renversa ses épaules et plaça sa main gauche sur sa poitrine gonflée. Avec l’assurance d’un amoureux en pâmoison, elle déclara : « Je suis la future épouse de Léon. Quelle que soit l’opinion que les autres ont de moi, ma priorité absolue est la prospérité de notre famille. »

Livia s’esclaffa. « Tu es en train de dire que Monsieur Léon est ta toute première priorité, n’est-ce pas ? » Elle avait résumé le sens inavoué des paroles d’Anjie, mais je ne savais pas trop comment y répondre.

Les trois filles tournèrent vers moi leur visage plein d’attente. J’avais détourné le regard et m’étais gratté le sommet du crâne.

Luxon avait observé tranquillement toute cette interaction jusqu’à maintenant. « Tu es si parfaitement prévisible, Maître », remarqua-t-il. « Un moment opportun pour prononcer quelques paroles d’esprit et de miel te tombe sous la main et tu n’y arrives toujours pas. »

Tais-toi.

Mais s’il existait une réponse parfaite à utiliser dans ce genre de situation, j’aurais aimé qu’il me le dise.

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Partie 3

« Pourquoi dois-je passer l’après-midi avec vous ? »

Après la fin de la cérémonie d’ouverture, l’heure de la mi-journée sonnait bientôt. J’avais du temps libre pendant cette période au lieu des cours normaux, c’est pourquoi je m’étais retrouvé derrière le bâtiment du dortoir. Luxon et moi n’étions pas les seuls à être présents, Marie et ses charmants compagnons l’étaient également. Elles m’avaient invité à déjeuner, mais m’avaient conduit ici plutôt qu’à la cafétéria pour une raison que j’ignore.

Julian avait créé un four de fortune en briques, sur lequel il avait posé une grille de cuisson pour faire griller des brochettes de viande et de légumes. Ses mains se déplaçaient avec une grande précision et il fredonnait même pour lui-même pendant qu’il cuisinait.

« Tout le monde, attendez encore un peu. Je vais vous préparer ça en un rien de temps. »

D’une certaine manière, c’était peut-être un privilège d’avoir un prince qui faisait griller des brochettes pour nous.

Pour aider Julian et empiler les brochettes entièrement grillées sur une assiette à l’aspect criard et prétentieux, il n’y avait personne d’autre que le plus grand perdant des cinq crétins : Jilk.

« Votre Altesse, pourquoi ne pas me laisser échanger ma place avec la tienne ? Tu ne pourras pas profiter pleinement de la nourriture si tu insistes pour t’occuper de toute la cuisine. »

« Il n’y a pas de quoi s’inquiéter », assura Julian à son frère adoptif. « Je suis plus heureux ainsi. »

Cela aurait été hilarant de voir le prince s’adonner à ce genre de brochettes à l’époque où cela ne me regardait pas, mais maintenant que j’étais responsable de lui, le spectacle avait perdu de son humour. Mes pensées vagabondaient. Comment faire pour qu’il redevienne un prince digne de ce nom ? Mais il y avait aussi ce sourire radieux sur son visage tandis qu’il s’affairait à faire griller les aliments. Peut-être était-il préférable de le laisser ainsi.

Greg ne prenait que les brochettes de viande pour les manger lui-même. Greg était loin d’être aussi terrible que Jilk, mais il était l’un des trois imbéciles qui avaient modifié leurs uniformes. Il avait arraché les manches de sa veste et de son T-shirt, puis déchiré son pantalon juste au-dessus des genoux. Avec tous les efforts qu’il avait déployés pour se muscler, je suppose qu’il préférait des vêtements moins contraignants… bien que la réponse la plus probable soit qu’il voulait montrer ses bras.

Je me demande quelle est la bonne explication.

« J’ai eu un mauvais pressentiment depuis que Julian m’a invité à manger ici », dit Greg entre deux bouchées de viande. Il avait l’air plutôt mécontent du festin qui s’offrait à lui.

Et pourquoi ne le ferait-il pas ? Chaque fois que Julian était chargé de la préparation des repas, les brochettes étaient le seul élément du menu. Il essayait de varier les viandes et les légumes, mais les brochettes restaient des brochettes, même en changeant les ingrédients. Marie et le reste de l’équipe s’étaient naturellement lassés de ce flux constant de brochettes à chaque repas.

« Il est vrai qu’il est fatigant de manger des brochettes jour après jour. Votre Altesse, ne pourrions-nous pas au moins limiter cela à une fois par semaine ? » suggéra Chris. Il avait transformé sa veste en manteau happi et portait un bandeau hachimaki torsadé sur le dessus de la tête. La vapeur des brochettes embrumait ses lunettes pendant qu’il mangeait.

Julian leva son regard du gril. À ma grande surprise, il semblait d’accord. « Vraiment ? D’accord. Alors, un jour par semaine. Nous aurons un jour où il n’y aura pas de brochettes. »

« Je demandais le contraire, Votre Altesse. Tu as déformé mes propos à dessein, n’est-ce pas ? »

Si quelque chose est tordu ici, ce sont vos tenues.

Brad, celui qui avait fait les ajouts les plus ostentatoires à son uniforme, se perdait en contemplations inutiles en grignotant sa nourriture. « Hmm. Je me demande… si je parviens à manger des brochettes avec élégance, est-ce que cela augmentera mon attrait pour — gaaaah !? De la sauce s’est retrouvée sur mon uniforme ! » Il se lamenta sur le fait d’avoir souillé ses précieux vêtements.

Je l’avais ignoré et j’avais reporté mon attention sur Marie, qui était occupée à discuter avec Carla. Le règlement de l’école ayant changé, elle ne pouvait plus emmener Kyle, son serviteur personnel, à l’école avec elle. À la place, il restait dans la maison de ma famille. Cependant, Kyle n’avait pas besoin d’être physiquement présent pour être le sujet de leur conversation.

« C’est dur de ne pas avoir Kyle pour nous aider. Maintenant, nous ne sommes plus que deux à nous occuper de ces cinq-là », grommela Marie. Elle jeta un regard froid à Brad, qui s’agitait dans tous les sens, paniqué par son uniforme abîmé. J’avais supposé qu’elle était déjà grincheuse à cause du gâchis que représenterait le lavage de l’uniforme.

Carla acquiesça en mangeant. « C’est vrai, mais au moins il peut se détendre et passer du temps avec sa mère. »

« Tu n’as pas tort. Oh, hé, je crois que cette brochette est la meilleure que j’aie jamais goûtée. » Malgré l’atmosphère déprimante qui l’entoure, Marie réussissait à apprécier la nourriture. Elle avait donné son avis sur la qualité sans trop réfléchir, mais Julian était ravi de recevoir son compliment.

« J’ai préparé le meilleur du lot spécialement pour toi, Marie. Comme ils ont démoli mon poulailler, j’ai dépecé Jack, un des plus jeunes poulets. Oh, c’était un sauvage ! Mais très adorable. »

Tout le monde se figea au milieu du repas dès qu’ils apprirent d’où venait leur nourriture — et qu’elle avait un nom. Même moi, j’avais été déconcerté par le comportement de Julian. Marie avait pris la parole pour résumer nos sentiments.

« Julian, je croyais t’avoir dit de ne pas donner de nom à ton bétail ? En tout cas, ne raconte pas de bons souvenirs de ton poulet pendant que nous essayons de le manger. Comment une fille peut-elle garder l’appétit après ça ? »

Julian répliqua : « Je souhaite que nous appréciions tous la signification de la consommation de la vie d’un autre —. »

Avant qu’il n’ait pu finir de débiter sa piètre excuse, un invité indésirable était apparu sur la scène pour interrompre les festivités.

« Cela fait longtemps, Prince Julian. »

Le prince Jake était arrivé avec son propre frère adoptif, Oscar.

Julian se tourna vers son jeune demi-frère. Il portait encore son tablier. « Ah, Jake. Qu’est-ce que tu veux tout d’un coup ? »

« Je ne veux rien de toi. Tu ne m’intéresses plus maintenant que tu as été déshérité… pour une femme stupide, entre autres. »

L’insulte indirecte qu’il adressait à Marie avait failli inciter les autres garçons à lui sauter dessus, le poing levé. Ce n’est que parce que Julian avait levé la main pour les arrêter qu’ils s’étaient arrêtés.

« Je vois que tu es toujours aussi abrupte », déclara Julian. « Alors pourquoi es-tu ici ? Pour te moquer de moi ? »

« Ça a l’air sympa… mais je suis venu voir quelqu’un d’autre. » Le prince Jake se dirigea vers moi, affichant un sourire décidément sauvage et belliqueux. « Nous nous sommes croisés plusieurs fois, mais je n’ai pas encore pu me présenter. Je suis Jake Rapha Hohlfahrt. Depuis que le crétin là-bas a été déshérité, je suis le premier dans la ligne de succession. »

Le prince Jake avait des cheveux blonds courts et ondulés et des yeux bleus. Il avait l’air d’un prince parfait. Un peu petit, il avait un beau visage, bien qu’odieux, qui s’accordait parfaitement avec son attitude effrontée.

Le prince jeta un coup d’œil à l’homme qui l’accompagnait. « Voici mon frère adoptif. »

Cet homme arborait une expression solennelle sur son visage, d’autant plus frappante qu’elle contrastait avec celle de son frère. Il avait une carrure sèche et musclée, était nettement plus grand que le prince Jake et portait de longs cheveux roux attachés en queue de cheval.

« Oscar Fia Hogan. C’est un plaisir de faire votre connaissance. »

Sa présentation était plus guindée que celle du prince. D’après Marie, il s’agissait d’un autre intérêt amoureux pour le troisième jeu.

J’avais soupiré avant de lui rendre la pareille avec ma propre présentation. « Vous le savez peut-être déjà, mais je suis Léon, le type à qui votre père a imposé un tas de promotions non désirées. Je suis désolé de vous le dire, mais je n’ai pas d’aide financière ou d’influence à vous offrir. Allez voir ailleurs si vous cherchez des alliés politiques. »

J’avais exprimé clairement mon manque d’intérêt, mais je n’avais pas réussi à dissuader le prince Jake. Il me sourit. « Je peux m’assurer d’un soutien financier et d’une influence plus tard. Ce que je veux, c’est le pouvoir du Héros de Hohlfahrt — le pouvoir qui a vaincu la République d’Alzer. J’espère que vous serez sage et que vous vous rangerez du côté de la bonne personne. »

« Et je suppose que c’est vous ? »

« Je ne suis pas du genre à tourner autour du pot, Bartfort, alors permettez-moi d’être franc avec vous. Je veux que vous rejoigniez ma faction et que vous souteniez ma revendication au trône. Si vous le faites, je vous ferai monter encore plus haut dans la hiérarchie. Ce prince idiot à côté de vous est incapable d’en faire autant. » Il lança un regard triomphant à Julian.

Ce gamin ne sait rien de moi. Pense-t-il vraiment que je suis devenu marquis parce que je le voulais ? Il n’utilise même pas mon titre ! Il m’appelle par mon nom de famille comme un gamin prétentieux.

« Je passe mon tour », avais-je dit.

Ni Marie ni ses charmantes compagnes n’avaient semblé surprises par ma réponse. « Comme attendu », avaient-ils dit en chœur.

Le prince Jake, quant à lui, était sidéré. Troublé, il balbutia : « Avez-vous seulement entendu ce que j’ai dit ? Si vous me prêtez allégeance, vous pourrez sérieusement devenir duc un jour ! »

« Je n’ai jamais voulu de ces titres stupides ! »

Son visage se contorsionna. Pour un politicien avide de pouvoir comme le prince Jake, il était insondable que je veuille exactement le contraire. Il secoua la tête et se tourna vers Oscar.

« Je suppose que nous devrons donc en discuter plus avant. Oscar, emmène le marquis. »

« Oui, monseigneur ! Marquis Bartfort, permettez-moi de m’excuser à l’avance pour le traitement brutal. »

Oscar s’était avancé vers moi, les mains tendues, prêt à me malmener — jusqu’à ce que Greg intervienne pour l’arrêter. Même s’il avait l’air embarrassé dans cet accoutrement, je l’avais félicité d’avoir eu le courage d’intervenir et de protéger son supérieur.

« Attendez. Croyez-vous qu’on va vous laisser emmener Léon aussi facilement ? »

« Hmph. »

La tentative d’intimidation de Greg ne suscita qu’un sourire énigmatique de la part d’Oscar. Son attitude avait dû toucher un nerf chez Greg, dont les muscles s’étaient visiblement gonflés de colère. Il enleva sa veste et la jeta de côté en faisant un regard noir à Oscar.

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Partie 4

« Vous voulez vous battre ? C’est ça ? »

Des mots de combat forts… sauf qu’au lieu de prendre une position d’art martial, Greg prenait la pose pour montrer ses muscles. Il souriait avec arrogance à son adversaire en montrant ses pectoraux.

Wôw, merci. Maintenant, je me sens comme un vrai idiot d’avoir attendu quoi que ce soit de toi en premier lieu. Qu’est-ce que tu fais ?

Oscar l’observa et se débarrassa bientôt de sa propre veste, suivant l’exemple de Greg. Il se détourna de nous, prenant la pose pour montrer ses muscles dorsaux saillants.

Les yeux de Greg s’ouvrirent en grand. « Qu’est-ce que c’est que ça ? », souffla-t-il.

Oscar était suffisamment musclé pour rivaliser avec Greg. Son corps témoignait d’un autre type de force, il conservait une carrure svelte, bien que ses muscles témoignaient d’un régime quotidien vigoureux.

« Un vrai homme parle avec son dos », déclara Oscar. « Je doute que tu comprennes, étant donné que tous tes muscles sont concentrés sur le devant de ton corps. »

« B-Bon sang ! »

Les deux étaient bloqués sur place, posant l’un pour l’autre, montrant leurs muscles, mais euh… J’aimerais qu’Oscar se rende compte vers qui il dirige son corps. Son dos nous fait face, alors son front…

Le prince Jake s’écria : « Oscar ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Deux hommes costauds me regardent droit dans les yeux ! »

Les deux hommes avaient des expressions menaçantes sur leurs visages alors qu’ils se fléchissaient. Greg faisait face à l’avant, bien sûr, et le prince Jake était droit devant lui. Comme Oscar avait le dos tourné, il faisait également des flexions en face du prince.

« Cette formation me fait me retrouver tout seul ici ! N’es-tu pas censé être de mon côté ? »

Je commençais à avoir de la peine pour le prince Jake. Tout le monde avait les yeux rivés sur lui et sans Oscar à ses côtés, il se sentait intimidé et en infériorité numérique. Son frère adoptif se révélant être une tête de linotte musclée ne faisait que rendre sa situation encore plus pitoyable.

« Votre Altesse, pourrais-tu te taire pour que je puisse rester concentré. Il s’agit d’une bataille entre hommes », déclara Oscar.

« N’oublie pas l’ordre que je t’ai donné, Oscar ! Tu es censé être mon frère adoptif et mon premier serviteur, n’est-ce pas ? Tu devrais me traiter mieux ! »

J’avais jeté un coup d’œil à Julian. « Le prince Jake est-il normalement comme ça ? »

Julian fit la grimace. « Comme tu peux le voir, c’est l’ambition personnifiée. Mais oui, en général, Oscar n’est pas un mauvais bougre. Ce que tu vois, c’est ce que tu obtiens. »

Nous continuions à les regarder se chamailler, et bientôt Jilk intervint pour donner ses propres impressions. « Oscar n’a pas changé… Il ne pense qu’aux muscles. Le prince Jake a la vie dure. Votre Altesse, tu as eu de la chance de m’avoir comme frère adoptif. » Il souriait tout en se moquant d’Oscar, chaque mot dégoulinant de confiance en sa propre supériorité. Cet homme était déjà une véritable ordure à mes yeux, mais en plus il avait une personnalité minable !

Julian jeta un coup d’œil entre Jilk et Oscar avant d’ajouter : « Personnellement, j’aurais préféré Oscar à toi. »

Jilk s’esclaffa. « Oh, Votre Altesse ! Tu as failli m’avoir pendant un instant. »

« Non, j’étais sérieux. »

Il y eut une brève pause pendant que Jilk enregistrait ce qu’on lui avait dit. « Qu’est-ce que… ? Mais, Votre Altesse, qu’est-ce que cela signifie ? »

« Exactement ce que l’on croit. »

Ces mots furent comme une rafale d’air arctique qui figea Jilk sur place comme une statue de glace.

Pendant ce temps, le prince Jake tremblait de peur, incapable de résister aux regards menaçants qu’Oscar et Greg lançaient dans sa direction. Je ne pouvais pas lui reprocher de flancher face à… ça. Je ne saurais pas non plus quoi faire.

Comment les choses avaient-elles pu si mal tourner ? Pourquoi étions-nous en train de regarder deux hommes essayant de se surpasser l’un l’autre pour déterminer lequel avaient les muscles les plus impressionnants ?

Marie continuait de grignoter allègrement ses brochettes tout en s’approchant de moi. « Alors, qu’est-ce qu’on va faire ? »

« Bonne question. Je suppose que nous devrions le signaler à l’administration de l’école ? »

Anjie l’avait mentionné plus tôt, juste après la fin de la cérémonie d’ouverture, mais l’école semblait peu encline à s’impliquer dans une lutte de pouvoir pour déterminer le prochain prince héritier, quel qu’il soit — et encore moins à ce qu’un tel conflit se déroule dans ses locaux. C’était une excellente occasion de remettre le prince Jake à sa place pour qu’il ne tente rien d’autre.

« Je suppose que c’est tout ce que nous pouvons faire. » Marie grignotait toujours aussi bruyamment. Une fois qu’elle eut terminé, elle jeta ses déchets vers un sac poubelle à proximité. Le sac rentra directement. Triomphante de ses talents de lanceuse, elle claqua des doigts. « J’ai réussi ! »

J’avais jeté un coup d’œil vers elle, mais j’avais senti les yeux de quelqu’un d’autre se poser sur moi au même moment. J’examinai avec curiosité les environs et repérai une silhouette près du bâtiment principal. Un étudiant inconnu, mais remarquable, à la peau brune et aux cheveux argentés, observait notre groupe. Dès qu’il vit que je le regardais, il tourna les talons et partit.

« De quoi s’agit-il ? »

Quelque chose en lui me turlupinait. Je ne saurais dire pourquoi.

 

☆☆☆

 

« Merde ! »

Jake avait été jeté dans ce que l’école appelait une salle de probation, où il tapait violemment du pied contre la porte. Les professeurs l’avaient amené ici parce qu’il avait perturbé l’école, mais Julian et ses compagnons s’en étaient sortis avec une simple réprimande pour un délit presque identique. C’est typique. Les gens faisaient toujours preuve de favoritisme à l’égard de son demi-frère aîné. Jake ne le supportait pas.

Le prince se jeta sur l’unique chaise de la pièce et jeta un coup d’œil à l’entrée. La porte en bois était percée d’une petite fenêtre incrustée près du haut et surmontée de barreaux de fer.

« Ce genre de traitement est inadmissible ! N’es-tu pas d’accord, Oscar ? » demanda Jake à son frère adoptif, suffisamment fort pour que sa voix atteigne le couloir.

« De quoi ? »

« Ne le dis pas comme si c’était une question, soit d’accord avec moi ! D’accord, j’admets que j’ai été trop loin, mais toi, plus que quiconque, tu devrais me laisser plus de latitude que ça ! »

S’il s’était agi d’une dispute normale entre élèves, Jake aurait reçu une réprimande sévère comme les autres. Malheureusement pour lui, il avait entraîné un conflit politique dans l’enceinte de l’école. La lutte de pouvoir pour déterminer le successeur officiel était un sujet délicat et les professeurs ne pouvaient pas le permettre ici. Les actes de Jake avaient déjà été signalés à la cour royale, qui avait conseillé à l’école de prononcer une punition sévère.

« Tu es allé trop loin en essayant de solliciter le marquis le jour de la rentrée », dit Oscar de l’autre côté de la porte. « Tu as affolé tous les professeurs ici parce que tu as introduit le problème de la succession dans l’académie. »

« Il n’y a pas de doute. Je pense que toute cette affaire est un énorme problème complexe dans lequel ils ne veulent pas être entraînés. »

« Si tu comprends leur position, pourquoi as-tu pris ce risque ? Tu savais exactement ce qui allait se passer, n’est-ce pas, Votre Altesse ? »

« Ça suffit. Arrête de parler, Oscar. »

Jake avait replié ses jambes et boudé. Pourquoi mon frère adoptif est-il si idiot ? J’aimerais qu’il soit aussi compétent que Jilk. Il pourrait alors m’être d’une aide précieuse. Il pensait qu’échanger Oscar contre Jilk serait un échange plutôt favorable, étant donné que Jilk était très doué pour réfléchir de façon autonome.

Jake prit une longue et profonde inspiration.

« Oscar, fais venir Bartfort. »

« Es-tu sérieux, Votre Altesse ? »

« Bien sûr que je le suis. Je n’ai pas l’intention d’abandonner après un seul échec. Appelle Bartfort ici immédiatement. Je m’occupe des négociations. »

« Oh, Votre Altesse ! Enfin… Très bien ! Je vais convoquer Bartfort ici immédiatement ! »

« Euh… oui. »

La réaction d’Oscar était un peu bizarre, mais peu importe. Tout ce que Jake pouvait faire, c’était attendre qu’il emmène Bartfort et espérer que son frère obéirait aux ordres cette fois-ci.

 

☆☆☆

 

Environ dix à vingt minutes plus tard, Oscar amena enfin Bartfort à Jake.

« J’ai fait ce que tu m’as demandé, Votre Altesse ! Quel bonheur de penser que tu t’intéresses enfin aux femmes ! » Oscar rayonnait d’une oreille à l’autre en raccompagnant la jeune sœur du marquis Bartfort jusqu’à la porte.

De l’autre côté de la porte, elle appela Jake d’une voix douce et sucrée. « Prince Jake, je m’appelle Finley Fou Bartfort. Je n’ai jamais rêvé qu’un jour viendrait où vous, parmi toutes les personnes, me convoqueriez ainsi. »

Jake ne pouvait pas voir la fille à travers la porte, mais il était clair pour lui qu’Oscar avait complètement mal interprété ses ordres. Il se prit la tête dans les mains, submergé par la frustration.

« Oscar, » demanda-t-il calmement, « pourquoi as-tu amené cette fille avec toi ? »

Le visage souriant d’Oscar apparut dans la petite fenêtre en haut de la porte. « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu m’as dit d’aller la chercher, alors je l’ai fait. Et la voici, Miss Finley Bartfort ! Je dois avouer que je ne savais pas que tu avais des sentiments pour l’une de tes camarades de classe, et encore moins pour Miss Finley en particulier. »

Jake et Finley étaient tous deux dans la classe supérieure et dans la même année. C’est la seule partie du discours d’Oscar qui soit exacte. Compte tenu de la discussion entre Jake et Oscar avant que le premier ne parte chercher « Bartfort », il aurait dû être clair comme de l’eau de roche que Jake ne parlait pas de Finley.

Jake se leva avec une telle rapidité qu’il fit basculer sa chaise. « Je t’ai ordonné de m’amener Léon ! Es-tu un idiot ? Et bien ? Tu l’es !? Je suppose que tu l’es vraiment, Oscar. Ce qui veut dire que c’est de ma faute si je ne t’ai pas donné des instructions plus claires et concises. »

Jake connaissait son frère adoptif depuis de nombreuses années maintenant, et il estimait donc qu’il n’avait aucune excuse pour sous-estimer l’abrutissement d’Oscar. Oscar, quant à lui, n’avait pas fini de mal interpréter les paroles du prince.

« Votre Altesse, je ne savais pas que tes préférences allaient dans ce sens. Je suis tellement embarrassé que je ne m’en suis pas rendu compte plus tôt. »

« Hé, ne bouge plus. Qu’est-ce qui ne va pas cette fois-ci ? »

« Rien ! Maintenant, je comprends que tu n’es pas du tout tombé amoureux de Miss Finley, mais de son frère. Lord Léon. »

« Oscaaaaaar ! » Jake hurla à pleins poumons. « Qui a dit quoi que ce soit à propos de mes préférences romantiques, hein !? »

Il se lança dans un long sermon de remontrances, mais un professeur arriva bientôt pour réprimander les deux jeunes gens pour leur agitation.

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Claramiel

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