Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Chapitre 9

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Chapitre 9 : La tête pensante

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Chapitre 9 : La tête pensante

Partie 1

Le trappe d’accès d’Arroganz s’était ouvert dès qu’il avait touché le pont de l’Einhorn, avec Kyle et Mlle Yumeria en sécurité à l’intérieur. Kyle s’était hissé à l’extérieur, sa mère bercée dans ses bras. Je m’étais approché d’eux et j’avais posé ma main sur sa tête pour lui ébouriffer les cheveux. Kyle avait froncé les sourcils et s’était écarté d’un coup sec, mais j’avais aperçu l’esquisse d’un sourire sur ses lèvres. « Ça suffit ! »

« Pas mal pour un premier passage en tant que pilote », avais-je dit. « Comment était-ce ? Qu’est-ce que ça fait de voler dans Arroganz ? »

« Je n’ai pas pu faire ressortir tout son potentiel. Arroganz vous appartient, Comte — ahem, Lord Léon. »

C’était peut-être parce que j’avais joué à trop de jeux vidéo, mais lorsqu’il m’avait appelé par mon prénom, ma seule pensée avait été : Aha ! Cela a dû me faire gagner un tas de points d’affection !

Mlle Yumeria avait l’air troublée et bégayait : « Hum, hum, L-Lord Léon, c’est-à-dire, je… Je m’excuse sincèrement d’avoir manqué le travail sans prévenir ! »

Ce n’est pas vraiment le moment de s’excuser pour ça, si tu veux mon avis. « C’est bon. Pour l’instant, j’ai besoin que vous vous cachiez à bord du vaisseau. Je vais être occupé pendant un petit moment. »

Luxon, qui flottait dans les airs à côté de moi, avait pivoté d’avant en arrière pour exprimer sa colère. « Comme toujours, tu insistes sur le chemin le plus difficile. Si tu avais à la place chevauché Arroganz dans la bataille, la mission aurait été bien plus efficace. »

« Bien sûr, si la sauver avait été mon objectif… mais peu importe. Prépare tout pour le départ. » Une fois que je m’étais assuré que Kyle et Yumeria étaient en sécurité dans les cloisons de l’Einhorn, j’avais sauté à l’intérieur d’Arroganz et j’avais fermé la trappe derrière moi.

Les robots avaient été mis en attente sur le pont. Ils avaient agi en quelques secondes et avaient rapidement essaimé autour d’Arroganz pour en effectuer la maintenance. Nous ne pouvions pas décoller avant qu’ils n’aient terminé, Luxon en avait donc profité pour résumer les données qu’il avait recueillies. « Gier semble être le nom qu’ils ont donné à l’armure pilotée par Serge. »

« Gier ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

« La cupidité. »

« Argh, » j’avais grimacé. « C’est super ringard. »

« En effet. Plus particulièrement, Ideal a créé Gier spécifiquement pour combattre Arroganz. Je suis sûr qu’il a utilisé toutes les données qu’il avait collectées dans les batailles passées pour y parvenir. Il sera vraiment pénible à gérer. »

C’était logique pour Ideal de faire ça, c’était notre ennemi. Je ferais la même chose à sa place. J’étais cependant curieux de savoir à quel point il était sérieux à propos de s’opposer à nous.

« Mlle Yumeria est de retour parmi nous, saine et sauve. Loïc a dit aussi que Monsieur Albergue est en vie, non ? On s’en va dès qu’on l’a récupéré. »

« Certainement, » dit Luxon en sourdine, « En supposant, bien sûr, qu’ils nous laissent partir. Maître, Gier approche en ce moment même. »

Les robots de maintenance s’étaient empressés de partir. Schwert s’attacha au dos d’Arroganz, prenant cette fois-ci la forme non pas d’un conteneur, mais d’une paire d’ailes. Ces ailes étaient équipées de packs de missiles, tandis que le corps d’Arroganz bénéficiait d’une couche d’armure plus épaisse.

« Tu as l’air très chic cette fois, » avais-je commenté. « Et aussi un blindage supplémentaire ? »

« Une alternance de dernière minute, mais j’ai pensé qu’il était préférable d’augmenter nos chances de gagner autant que possible. Veille à utiliser ce que je t’ai donné à bon escient. »

Alors qu’on se propulsait sur le pont, Gier avait foncé vers l’Einhorn. J’avais entendu le cri strident de Serge alors qu’il s’approchait. Comme nos armures étaient équipées de capacités similaires, le moniteur devant moi avait montré une vue directe de son visage : Ses yeux étaient injectés de sang et de la bave coulait sur son menton. Ouais. Il est drogué. Pas besoin d’être un savant fou pour le voir.

« On recommence à utiliser ces produits pour améliorer le corps, hein ? » avais-je demandé.

« Je ferai tout ce qu’il faut pour te tuer ! J’ai attendu une éternité, non, plus de dix ans pour te sortir de là et mettre fin à ta misère ! »

« Quoi — »

Mais de quoi parles-tu ? Nous ne nous étions même pas rencontrés il y a dix ans.

J’essayais encore de donner un sens à ses paroles lorsque Luxon expliqua : « Le problème ici est peut-être qu’il voit en toi le véritable fils de Rault, Léon, n’est-ce pas ? Il a couvé de la jalousie envers ce garçon mort pendant des années. »

« Sérieusement ? »

« Nous n’avons pas de temps à perdre pour que tu sympathises avec lui. »

Gier s’était rapproché, empiétant sur notre position. J’avais réajusté ma prise sur les manches de contrôle. « Pfft. Qui s’embêterait avec ça ? »

J’avais sorti une épée longue de mon dos et l’avais utilisée pour parer la lance de Gier. À en juger par son apparence, elle était également équipée d’une arme à feu. J’avais à peine eu le temps de faire cette observation avant que Serge ne la décharge sur moi, faisant trembler tout Arroganz.

« Argh ! »

« Son Armure est bien plus redoutable que tous les autres ennemis que nous avons affrontés jusqu’à présent, » me rappela Luxon.

« J’aurais dû te faire améliorer Arroganz plus tôt. »

Je m’étais éloigné de Gier, en maintenant ma distance et en purgeant le sac sur mon dos. Un certain nombre de missiles en étaient sortis, se dirigeant vers Gier. Il les avait esquivés et avait utilisé le pistolet intégré à son arme pour les abattre.

« Comment est-ce que ça peut exister ? » avais-je grommelé.

« C’est une chose parce qu’il a Ideal qui le soutient. Je peux faire la même chose, pour mémoire. Je crois que j’ai déjà fait la même chose, n’est-ce pas ? »

« Ouais, eh bien, c’est beaucoup plus ennuyeux quand d’autres personnes le font. Maintenant, comment allons-nous gérer ça ? » Je m’étais creusé la tête pour trouver une sorte de plan de bataille. J’allais en avoir besoin, vu que Gier avait été spécialement conçu pour combattre Arroganz.

 

☆☆☆

 

Le décor était planté pour un combat féroce entre Arroganz et Gier. Les Armures Hohlfahrtiennes étaient retournées à leurs vaisseaux pour le réapprovisionnement et la maintenance. Et pendant que tout cela se déroulait…

« Père ! »

« Louise ! »

Loïc avait livré les chefs des six grandes maisons en toute sécurité à Licorne. Lorsque Louise et Albergue furent réunis sur le pont, elle jeta ses bras autour de lui. Il la serra dans ses bras, ravi de voir qu’elle était encore en vie.

Lelia ricana en les regardant. « Quelle blague, voir deux personnes maléfiques s’enlacer comme ça. » Les Rault étaient les méchants de son point de vue, Albergue était le dernier boss du deuxième jeu. Son désir de vengeance était dû au fait que la mère de la protagoniste avait rejeté ses fiançailles avec lui des années auparavant : une raison pathétique, convenant à une triste excuse pour un homme. Sa fille jouait le rôle de la méchante et tourmentait sans relâche la protagoniste à sa manière.

En voyant leurs retrouvailles émouvantes, Lelia avait remis en question ses impressions sur eux. Ces doutes n’étaient cependant pas suffisants pour la convaincre de changer d’avis sur eux. Pas après toutes ces années.

Les autres grands leaders étaient plus préoccupés par d’autres sujets. À savoir, fixer d’un air sombre Lambert, le leader de la maison Feivel. Pour sa part, Lambert s’était replié sur lui-même et se tenait la tête entre les mains.

« Rendez-le. Rendez-moi mon blason. C’est la chose même qui fait de moi un Feivel. Tu ne t’en sortiras jamais en me le volant… » Il se murmurait les mêmes choses à lui-même dans une boucle sans fin, pleurnichant.

Fernand avait l’air plus hagard que jamais. L’homme aux cheveux blonds et aux yeux bleus gardait toujours un air de dignité, du moins jusqu’à présent. Ses cheveux étaient en désordre et son visage était couvert de barbe. Des cercles sombres entouraient ses yeux, signe évident qu’il n’avait pas dormi ces derniers temps. Perdre la bénédiction de l’Arbre Sacré l’avait choqué au plus haut point. Il se recroquevilla sur lui-même, ce qui le fit paraître beaucoup plus petit qu’avant. Ses yeux injectés de sang étaient remplis de haine alors qu’il regardait Louise et Albergue se tenir. « Président, c’est votre faute. Si vous aviez mieux surveillé Serge, nous n’aurions jamais perdu nos blasons. C’est vous qui êtes à blâmer ! »

Lelia était déconcertée de le voir réagir de la sorte, mais les autres chefs étaient du même avis. Ils avaient jeté un regard noir à Albergue, comme s’ils tenaient les Raults pour responsables.

Le père de Loïc, Bellange, se releva et fonça vers l’avant, saisissant Albergue. « C’est de ta faute si la République a été détruite. C’est toi qui as détruit les Lespinasses et qui as accueilli Serge comme ton fils adoptif. Si tu avais fait un meilleur travail, la précédente prêtresse ne t’aurait pas abandonné… Les choses ne se seraient jamais terminées ainsi ! »

Albergue poussa sa fille derrière lui pour la mettre en sécurité, et pas un instant de trop — Bellange lui donna un coup de poing. Loïc sauta frénétiquement entre les deux hommes, essayant d’arracher son père. « Père, que diable fais-tu !? »

« Reste en dehors de ça ! Un Sans-Protection comme toi n’a pas le droit de m’appeler père ! »

« Oh, je t’en prie. Tu es autant un Sans-Protection que moi ! »

Ces mots avaient fait mouche. Bellange avait visiblement tressailli avant de s’effondrer sur le sol. Les armoiries avaient apporté un réconfort émotionnel aux nobles de la République, et leur absence était vivement ressentie.

Voyant à quel point ils avaient tous l’air pathétiques, Lelia s’était détournée. Est-ce vraiment tout ce qu’il reste de ces hommes après toutes leurs fanfaronnades ? Ils sont réduits à cela juste parce qu’ils n’ont plus d’écusson ?

Tous les six — y compris Fernand, l’intérêt amoureux secret du jeu original — semblaient bien plus insignifiants et oubliables sans leurs emblèmes. Seul Albergue se comportait avec dignité. Pour Lelia, c’était une raison de plus pour le soupçonner de comploter quelque chose. À ses yeux, il était toujours le dernier patron du jeu.

 

☆☆☆

 

Lelia et les autres s’étaient retirés à l’intérieur de la Licorne, mais Albergue avait été le seul représentant de la République à s’avancer pour discuter de l’avenir. Leur petit groupe s’était réuni dans une salle de réunion. Émile avait pris place à côté de sa fiancée, mais lui et Clément avaient tous deux regardé Albergue avec attention.

Noëlle était présente, mais elle gardait ses distances en raison du combat précédent. Loïc fit de même, prenant position près du mur et s’y adossant. Marie et Carla lui emboîtèrent le pas en silence. Albergue s’installa dans son fauteuil, et Louise prit place à ses côtés. Anjie s’adressait à lui, comme elle était la commandante du navire et des forces du royaume en l’absence de Léon. Leur discussion portait à la fois sur le coup d’état en cours et sur le soutien qu’il avait reçu du Saint Royaume de Rachel.

« Il semblerait que le Royaume soit intervenu pour nous sauver à nouveau. » Albergue soupira. « Notre dette envers vous ne fait que croître. »

« C’est à Léon que vous devez dire ça, pas à moi », répondit Anjie.

« Oui, vous avez tout à fait raison. Je vais m’assurer de le faire. »

Une fois les platitudes politiques dites et faites, Anjie jeta un regard de pitié à Albergue. « Président, je crains que nous ne puissions garantir la sécurité de votre fils dans cette affaire. »

Louise et lui affichaient un air sombre, mais hochèrent la tête. « Nous comprenons, » dit Albergue. « Je n’aurai pas l’impudence de vous demander de garantir sa sécurité. »

Lelia n’avait pas pu rester silencieuse quand elle les avait entendus parler d’abandonner Serge avec tant de désinvolture. « Qu’est-ce que ça veut dire ? » avait-elle demandé. « Vous vous fichez qu’il meure parce qu’il est adopté de toute façon, c’est ça ? »

Albergue avait fermé les yeux, incapable de discuter avec elle.

Anjie avait jeté un regard froid à Lelia. « Fermez là ou partez. Je n’ai pas le temps de m’occuper de vos vendettas personnelles. »

« Cet homme a détruit toute ma maison, je vous le fais savoir ! »

« Alors, gardez votre amertume pour plus tard. Nous n’avons pas le temps de nous en occuper maintenant. »

La détermination d’Anjie à donner la priorité aux affaires de son pays avait rendu Lelia furieuse.

Albergue s’était tourné vers elle. « Vous êtes Lelia, c’est ça ? »

« Oui, c’est ça », avait-elle répondu.

Il lui avait parlé doucement malgré le venin dans son ton. « Votre colère est complètement justifiée. Je n’ai pas l’intention de vous en faire porter la responsabilité. Vous êtes libre de me haïr et de m’en vouloir. »

« Essayez-vous de me déstabiliser maintenant !? » Son attitude ne faisait que l’exaspérer davantage. Lelia avait bien l’intention de le maudire jusqu’à l’essoufflement, mais Noëlle s’interposa entre eux. L’atmosphère autour d’elle était suffisamment intense pour qu’elle ait pu lui donner un coup de poing sans que personne ne sourcille. Cependant, elle n’avait pas levé le petit doigt.

« Dites-nous la vérité », avait-elle dit. « Pourquoi avez-vous détruit les Lespinasses ? »

Louise était intervenue : « À quoi bon discuter de cela ici ? Vous vous rendez compte du genre de situation dans laquelle nous — Père ? »

Son but était de faire taire Noëlle, mais Albergue avait levé une main pour l’arrêter. Il leva le regard et fixa directement Noëlle et Lelia. « Vous offrir la réponse est une chose assez simple. La vraie question est de savoir si vous êtes prêtes à l’entendre, sachant qu’elle vous blessera profondément. »

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Partie 2

Noëlle avait fait un petit signe de tête, le visage durci par la détermination. Lelia était beaucoup plus dédaigneuse. « Très bien, peu importe. Nous écouterons vos excuses. Si vous n’avez pas fait ça pour vous venger de l’annulation de vos fiançailles par ma mère, le moins que l’on puisse faire est de vous écouter. »

Nous blesser ? Quelle absurdité, pensa-t-elle. À quel jeu jouez-vous ? Quelle excuse allez-vous nous donner ? Vous n’êtes qu’un homme obsédé et amer.

Grâce à sa connaissance du scénario du deuxième jeu, Lelia était déjà convaincue qu’elle savait tout ce qu’il y avait à savoir. Les Rault étaient les méchants et les Lespinasses, les victimes. Elle refusait de se laisser influencer par les histoires que lui racontait Albergue. Elle était prête à faire des trous dans tout ce qu’il avait inventé.

Lelia était loin de se douter qu’elle allait avoir un réveil plutôt brutal.

« Votre mère et moi avons convenu de nos fiançailles alors que nous étions encore ensemble à l’académie. Il y avait un certain nombre d’autres candidats à part moi, mais votre mère a décidé de me choisir. »

« À l’époque, j’étais profondément préoccupé par l’avenir de la République. Nous ne pouvions pas être vaincus tant que nous avions le pouvoir de l’Arbre Sacré, et notre économie était en plein essor grâce à l’exportation de pierres magiques. Je ne dirai pas que le pays était sans problèmes, mais nous étions indéniablement bien mieux lotis que la plupart des autres pays. Cependant, cela a rendu la corruption — au sein des Six Grandes Maisons en particulier — encore plus visible. Les nobles agissaient de manière tyrannique, un peu comme Pierre. »

Pierre était le second fils de la Maison Feivel, ce qui signifiait qu’il possédait — ou avait possédé, du moins — un blason de haut rang et l’avait utilisé pour se déchaîner. Aussi criminelles qu’aient été ses actions, les six autres grandes maisons avaient fermé les yeux. Il était un exemple brillant des nobles qui utilisaient le pouvoir de l’Arbre Sacré pour opprimer les autres. C’était une chance que Léon l’ait complètement écrasé.

« Je sentais que notre avenir, reposant sur les emblèmes et l’exportation de pierres magiques, était trop précaire. Une révolution était nécessaire, dans mon esprit. Votre mère était d’accord avec moi sur ce point. »

C’était étrange d’entendre ça, sachant comment tout s’était terminé. Pourquoi les choses n’avaient-elles pas été aussi simples après ça ? Ils n’avaient certainement pas poursuivi leur mariage à la fin.

« Votre mère, cependant, pensait que l’Arbre Sacré lui-même était une menace. On nous dit que la Prêtresse est celle qui administre le contrôle de l’Arbre Sacré, mais c’est en fait l’inverse. Elle et les autres Grandes Maisons ne sont que des pions. Nous sommes des outils à utiliser en ce qui concerne l’arbre. »

Pour les autres, il semblait que la mère de Lelia contrôlait l’arbre, mais c’était elle qui était contrôlée. Elle était là pour protéger l’arbre des gens à qui il avait conféré des armoiries, pour servir de passerelle entre eux. C’était toute la valeur qu’elle avait.

Attendez, pensa Lelia. Je n’ai jamais rien entendu de tel. Elle regarda fixement l’homme devant elle. « N’osez pas essayer de nous tromper. »

« Ce n’est pas une tromperie, » dit Albergue. « Votre mère me l’a aussi dit : S’il est vrai qu’elle avait le pouvoir de choisir un Gardien, les candidats étaient sélectionnés par l’arbre lui-même. L’arbre voulait conférer son emblème le plus puissant à quelqu’un de fort, capable de le protéger. Il est vrai que la prêtresse avait le droit de choisir un favori parmi ces candidats, mais c’était un groupe limité. »

Marie avait regardé Noëlle, les lèvres tendues par l’inquiétude. Elle ne pouvait pas se résoudre à dire quoi que ce soit.

Noëlle avait souri faiblement. « Les légendes que nous avons transmises ne semblent pas non plus sonner juste. Elles disent que tu pourras être avec ton bien-aimé… mais c’était aussi un mensonge. »

« Ce doit être douloureux, en effet, si le bien-aimé de la Prêtresse ne figure pas parmi les candidats, » dit Albergue. « Elle et moi avons souvent parlé ensemble de l’avenir de la République. Je réalise que c’est peut-être mon propre parti pris qui parle, mais je ne pense pas que nous avions une mauvaise relation. Puis votre père est apparu. »

Le père de Noëlle et Lelia était de naissance commune. Il était un étudiant exceptionnel à l’académie, mais il n’était pas de la noblesse, et par conséquent il n’avait pas de blason. Fait intéressant, cela ne l’avait pas empêché d’être avec leur mère.

« Je l’ai découvert après coup, mais votre père était mécontent de l’aristocratie de la République. Il était également désireux de mettre fin aux manipulations de l’Arbre Sacré. Il était peut-être inévitable qu’il s’entende bien avec votre mère, étant donné la crainte qu’elle avait de voir l’Arbre sacré tout diriger. »

Ces révélations avaient choqué les deux filles, les laissant sans voix. Clément avait lui aussi du mal à les digérer. « Vous devez mentir. Le Gardien n’aurait pas eu de telles pensées. Il a juré de protéger l’Arbre Sacré. »

Albergue avait souri amèrement. Son regard était distant, comme s’il se souvenait de l’homme en question. « Un homme peut mentir aussi facilement qu’il respire, et votre père était un expert. Tout comme il a trompé votre mère, il a fait semblant d’être un homme fidèle. Il était exceptionnellement habile et talentueux. Il n’était pas étonnant qu’il ne puisse pas supporter les nobles se tenant au sommet simplement parce qu’ils avaient des armoiries. »

Lelia s’était arrêtée pour se souvenir de ses parents. Ils s’étaient occupés de tous ses besoins après sa réincarnation ici, alors que les parents de sa vie précédente l’ignoraient complètement et n’avaient d’yeux que pour sa grande sœur. Cette vie était si différente. Elle avait ressenti chaque goutte de l’amour que ses parents lui avaient donné. C’est cet amour qui l’empêchait de croire l’histoire d’Albergue. « Mensonges ! », avait-elle crié. « Vous lui en voulez juste parce qu’il vous a volé votre fiancée ! »

« Oui, je lui en veux. J’ai décidé de prendre respectueusement du recul après qu’elle l’ait choisi, un acte qui m’a valu des moqueries sans fin de la part de mes pairs. J’ai perdu contre un roturier, j’étais une excuse pathétique pour un homme. J’ai enduré l’humiliation et leur ai donné ma bénédiction malgré tout, et pour quoi ? Elle et son fiancé ont trahi l’Arbre Sacré, et il les a abandonnés. »

« Hein ? » La mâchoire de Lelia s’était décrochée.

« Votre père a essayé d’utiliser l’Arbre Sacré à ses propres fins. Pensez-vous qu’il soit possible de considérer un tel homme comme son Gardien après cela ? Ma rancune personnelle n’a pas d’importance ici, cet homme a essayé de détruire le système même qui soutient la République. Il me l’a dit lui-même : Votre mère hésitait à être avec moi, car elle ne pouvait pas déterminer si elle m’avait choisi elle-même ou si l’Arbre Sacré l’avait contrôlée et avait pris la décision pour elle. Il se réjouissait même de la facilité avec laquelle il l’avait séduite. »

Si Albergue disait la vérité, alors la peur de leur mère de l’influence de l’Arbre Sacré l’avait fait douter de sa décision de le choisir. Leur père avait alors utilisé cette ouverture pour suggérer qu’elle choisisse quelqu’un en dehors du groupe de candidats.

Lelia se souvenait du père doux de ses souvenirs. Elle avait secoué la tête. Elle ne pouvait pas concilier ces souvenirs avec la description d’Albergue. « Vous mentez. Vous devez certainement mentir ! »

Noëlle, seule, l’avait accepté. « J’avais le sentiment que c’était ça », avait-elle dit. Un léger sourire avait hanté ses lèvres.

« Comment peux-tu croire ce que dit cet abruti !? » Lelia lui avait crié dessus. « Tu devrais avoir honte de dire une telle chose sur notre père après qu’il t’ait tant flattée ! »

Il t’a gâtée pourrie, bien plus qu’il ne l’a fait pour moi. Je ne vais pas rester silencieuse pendant que tu bois chaque mensonge que cet homme crache comme un idiot crédule !

Noëlle lui avait alors lancé un regard froid. « Ça doit être bien d’être si béatement ignorante. Je t’envie. »

« Qu’est-ce que tu as dit ? »

Avant qu’elles ne puissent reprendre leurs chamailleries, Clément était intervenu en barricadant l’espace entre elles avec son corps. Albergue poursuit son récit sans se décourager. « Naturellement, l’Arbre Sacré a abandonné les Lespinasse pour leur trahison, mais vos parents ont gardé la façade de Prêtresse et Gardienne. Ils ont balayé la vérité sous le tapis et ont trompé le reste d’entre nous dans le processus. »

L’Arbre Sacré avait jugé bon d’abandonner leur mère dès qu’elle avait choisi leur père comme prétendant, et l’avait donc privée de l’emblème de prêtresse. Aucun blason de Gardienne n’avait été attribué à leur père non plus, bien sûr.

« Le temps que nous découvrions leur supercherie, votre père était déjà à pied d’œuvre pour trouver comment utiliser l’Arbre Sacré. Vous vous souvenez du collier que Loïc utilisait ? C’était l’un des produits de ses recherches. Ils n’avaient plus de blason pour leur donner du pouvoir, alors ils se sont tournés vers des moyens interdits pour se donner une autre source de force. »

Des tabous tels que celui-ci avaient été violés ces derniers temps, de l’utilisation de ce collier qui liait la volonté d’une personne à celui-ci, à Pierre profitant de l’Arbre Sacré pour former un contrat et voler Einhorn. Ces deux exemples avaient injustement affecté leurs victimes, les plaçant sous le contrôle d’un autre, mais c’étaient les ambitions de Lespinasses en particulier qui avaient provoqué l’apparition du collier.

Dès que tout le monde s’était rendu compte de cette vérité, ils avaient tourné leur regard vers Loïc, qui avait jeté les yeux au sol avec culpabilité. Il avait déjà utilisé le collier pour empêcher Noëlle de le fuir. Il la liait par une chaîne invisible et il était impossible à quiconque de l’enlever (du moins par des moyens normaux). Ce fut un choc énorme pour les filles que leur père ait développé un tel outil. Si ses capacités prouvaient quelque chose, c’était qu’il avait probablement l’intention de contrôler les autres avec.

Lelia s’était pris la tête dans les mains en marmonnant : « C’est forcément un mensonge. »

« Hélas, c’est la vérité. La preuve vient directement du domaine des Lespinasses », dit Albergue.

Les dirigeants de l’époque craignaient que, s’ils n’étaient pas intervenus, les Lespinasses puissent développer des outils pour utiliser l’Arbre sacré et dominer tout, y compris les Six Grandes Maisons. Cela allait au-delà de la simple trahison — les Lespinasses cherchaient à dominer tout le monde, et les autres maisons ne pouvaient pas facilement laisser passer des désirs aussi dangereux.

Louise hocha la tête pensivement, voyant la logique dans la raison pour laquelle les Lespinasses avaient été éradiqués. Elle se tourna vers Noëlle et Lelia avec une colère ardente dans les yeux. « Vous auriez dû savoir que si la Prêtresse et le Gardien avaient possédé leurs blasons, ils n’auraient jamais perdu contre nous. Je soupçonne les autres chefs de maison, qui n’étaient pas au courant de la vérité, de penser la même chose. Plus précisément, je trouve ridicule qu’ils aient eu le culot d’organiser des fiançailles avec mon petit frère alors qu’ils n’avaient pas leurs propres armoiries ! Il était si excité à l’idée d’être le Gardien un jour, mais ce n’était qu’un mensonge. »

Elle faisait référence au fait que, dans le passé, leurs familles avaient accepté des fiançailles entre son jeune frère, Léon, et Noëlle. Avec la vérité maintenant révélée, il était douloureusement clair que le petit Léon ne serait jamais devenu Gardien, même s’il avait vécu assez longtemps pour se marier.

« Je suis sûr que les Lespinasses se sont eux-mêmes sentis acculés, » dit Albergue. « Mon hypothèse est qu’ils espéraient nous entraîner dans ça et nous forcer à devenir leurs collaborateurs. »

La chute des Lespinasses avait laissé quelques mystères dans son sillage. Pourquoi la Prêtresse et le Gardien avaient-ils perdu en premier lieu ? Et pourquoi Albergue avait été nommé président après leur mort ? Maintenant que les pièces du puzzle s’étaient mises en place, Lelia ne pouvait que bercer sa tête. « Je ne comprends pas. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire ? Je n’ai… Je n’ai jamais entendu parler de tout ça ! »

Rien de semblable n’est apparu dans le jeu ! pensa-t-elle avec amertume. C’est plus qu’injuste. Qu’est-il arrivé au fait de suivre le scénario ?

Alors que Lelia peinait à digérer tout ce qu’elle avait entendu, Albergue s’adressa directement à elle et à sa sœur. « Les six maisons — la vôtre non comprise, bien sûr — se sont mises d’accord pour éliminer votre famille. Nous ne pouvions pas risquer que la vérité soit révélée, alors nous avons gardé cela entre les chefs de maison — et leurs pères — à l’époque. Si le plan avait été exécuté comme prévu, vous seriez morte avec vos parents. » Albergue avait choisi d’épargner les jumelles, sachant qu’aucun d’entre elles n’avait l’aptitude à devenir prêtresse. « J’avais l’intention de fermer les yeux pour que vous puissiez demander l’asile dans un autre pays, mais hélas, les serviteurs de votre famille sont intervenus et vous ont gardé ici dans la République. » Son regard admiratif se posa sur Clément.

Dans la décennie qui avait suivi, la plupart des personnes au courant de la vérité avaient quitté leurs postes de direction. Même après que la survie des filles ait été largement connue, ceux qui étaient restés avaient hésité à les tuer, l’incident n’était plus qu’un lointain souvenir et Albergue avait maintenu sa position de ne pas intervenir.

Après avoir écouté son récit du début à la fin, Noëlle était restée à regarder ses pieds. Elle souriait. « Je savais qu’il y avait quelque chose de louche, mais je voulais croire en ma famille. Je voulais penser… qu’il y avait une bonne raison. » Elle avait éclaté en sanglots.

Lelia avait regardé, en grinçant des dents. Tu veux dire qu’elle a compris que quelque chose se tramait dès le début et qu’elle n’a pas pris la peine de m’en parler ? Va savoir. Je parie qu’elle se moquait de moi pour être si ignorante.

Elle en voulait à sa sœur d’avoir reçu la part du lion de l’amour de leurs parents, mais ce qui faisait brûler sa haine d’autant plus intensément était la façon dont elle voyait la grande sœur de sa vie précédente en Noëlle.

Marie s’était approchée de Noëlle, qui l’avait regardée. « Rie ? »

« Tu n’as rien fait de mal. N’est-ce pas, Monsieur — ahem, je veux dire — Lord Albergue ? »

Il avait hoché la tête. « Vous étiez toutes deux jeunes à l’époque et complètement innocentes. Mais si vous m’en voulez pour ce que j’ai fait… Je comprends parfaitement. »

Noëlle avait secoué la tête. « Je ne sais pas. Ce sont mes parents qui ont trahi tout le monde et qui ont fait l’impardonnable. »

Lelia ne pouvait pas comprendre la volonté de sa sœur de se racheter auprès d’Albergue. Tu as les aptitudes pour être prêtresse. Tu as tout l’amour de nos parents. Je suppose qu’être la protagoniste signifie que tu as tout. Tout le monde t’aime naturellement, et comme je ne suis que ta petite jumelle, je ne suis rien de plus qu’un bagage supplémentaire. La vie est si injuste.

Lelia n’avait pas remarqué la contradiction dans ses propres souvenirs. Au lieu de cela, elle avait laissé son ressentiment s’envenimer en quelque chose d’encore plus sombre.

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Partie 3

J’avais fui pour sauver ma vie dans les cieux près du Temple de l’Arbre Sacré, avec Gier qui me poursuivait. J’en avais profité pour chronométrer ses mouvements. « C’est une puissance folle qu’il a là… mais avec cependant des mouvements prévisibles. »

Luxon partageait mes sentiments et ajouta : « Il semble que les compétences du pilote ne soient pas à la hauteur des capacités de son armure. Il est confronté au même problème que toi, en d’autres termes… à la différence que tu es un pilote plus compétent. »

« Les hommes Hohlfahrtiens n’ont pas d’autre choix que d’entraîner leur corps pour pouvoir plaire à leurs supérieures féminines », avais-je dit en haussant les épaules.

« Ta raison pour perfectionner ta force est pathétique, mais elle te convient. »

« Excuse-nous ! C’était comme ça pour tous les gars de Hohlfahrt ! »

« Non, » corrigea-t-il, « seulement un petit pourcentage. Pour être précis, seuls ceux de l’aristocratie de rang de vicomte ou inférieur ont dû s’humilier comme vous l’avez fait. Toi et tes “camarades” mis à part, la plupart des hommes d’Hohlfahrt jouissent de relations égalitaires avec les femmes. »

C’était une époque infernale, remplie de travaux pénibles. Lorsque vous suivez une classe de l’académie, vous pouvez être assez naïf pour penser que vous n’avez pas besoin de rester en forme physiquement pour suivre. Mignon ! On se retrouve dans des exercices d’entraînement de niveau militaire. Les jours et les nuits exténuants que j’ai passés à travailler dur — comment mes amis et moi avons mis nos vies en danger en plongeant dans les donjons, juste pour trouver l’argent nécessaire pour acheter des cadeaux pour les dames — tout cela était gravé de façon permanente dans ma mémoire. D’où je me tenais, Serge ressemblait plus à un enfant qui faisait semblant d’être un aventurier.

Gier avait foncé vers moi, émettant de son bouclier des faisceaux d’énergie à haute puissance qui s’étaient dirigés vers moi. Ces lasers s’élançaient après chacun de mes mouvements, se dirigeant vers leur cible. J’avais réussi à les dévier en engageant ma propre attaque laser depuis le sac à dos d’Arroganz. Je n’aurais jamais imaginé, en me réincarnant ici, que je me retrouverais dans une bataille laser avec quelqu’un.

« C’est très différent de ce que j’imaginais », avais-je murmuré.

Serge était de plus en plus exaspéré par son incapacité à m’écraser rapidement. « Je te jure, je vais te tuer ! Si c’est la dernière chose que je fais ! » Il avait sorti un étui gris en acier et en avait retiré une seringue. Puis il l’avait plongée dans sa peau.

« Encore de la drogue ? Es-tu si désespéré que ça de gagner ? » J’avais regardé à travers le moniteur l’écume qui bouillonnait aux coins de sa bouche. Il l’avait essuyée une fois qu’il s’était suffisamment calmé, mais les veines de tout son corps étaient gonflées.

« Je vous conseille de cesser d’utiliser ces drogues qui améliorent le corps. Vous mettez une énorme pression sur votre corps », avait déclaré Luxon.

Serge s’était renfrogné. « Tant que je peux tuer Léon, je m’en fiche. J’ai toujours, toujours détesté sa gueule. »

« Ouais, eh bien, tu as le mauvais gars. Je ne suis pas le Léon des Rault. »

Les quatre pattes de Gier trottèrent dans l’air, montrant une vitesse bien supérieure à celle d’Arroganz. La lance qu’il utilisait était incroyablement tranchante, elle faisait un travail rapide sur le blindage supplémentaire que Luxon avait apposé sur Arroganz.

« Maître, » dit Luxon, « Serge n’a plus aucune prise sur la réalité. »

C’était peut-être à cause des médicaments, mais Serge était plus bavard — et plus ouvert — qu’il ne l’avait jamais été auparavant. « Comme si je me souciais de savoir si tu es vraiment lui ou pas ! Ça ne change rien ! Je ne serai jamais de la famille pour eux si je ne te tue pas d’abord. Sinon ils ne m’aimeront jamais ! »

« Ils ne t’aimeront jamais ? »

Je l’avais évité de justesse lorsqu’il s’était précipité sur moi cette fois, mais il avait fait demi-tour presque immédiatement et avait déclenché un barrage d’attaques. Son assaut était si féroce que j’avais l’impression de combattre plusieurs Armures à la fois. Je ne pouvais qu’imaginer l’énorme pression que cela exerçait sur Serge. Il avait dépassé ses limites en utilisant les amplificateurs, mais le moniteur m’avait montré que cela n’avait fait qu’atténuer son sens de la douleur. Le sang suintait de ses lèvres.

« C’est parce que tu es là qu’ils ne m’aiment pas ! » grogne-t-il. « Louise ne m’aimera pas, et Albergue n’est pas différent. Même ma propre mère ne s’intéresse qu’à toi ! Ils ne m’ont jamais… jamais aimé ! »

Selon sa logique, ils ne lui avaient jamais donné une once d’amour depuis qu’ils l’avaient adopté dans leur famille. Naturellement, j’avais dû demander… « Ne penses-tu pas que la raison de cela est que tu as délibérément fait des choses pour qu’ils te détestent ? »

« Ils me pardonneraient s’ils étaient ma vraie famille ! Ils ne l’ont pas fait parce qu’ils ne m’aiment pas ! »

Gier avait volé haut au-dessus d’Arroganz, chacun de ses quatre sabots émettant des lames laser. Il s’était écrasé sur moi dans l’espoir d’embrocher mon armure. J’avais esquivé et j’avais frappé une de ses jambes dans le processus.

Serge avait continué à crier : « Ils accepteraient tout s’ils m’aimaient vraiment ! Pourquoi personne ne m’aime ? C’est toujours toi ! Mais qu’en est-il de moi !? Et moi !? »

Était-ce pour ça qu’il avait agi ainsi dans le passé ? Pour tester leur amour ? Était-il si désespéré de ressentir leur affection qu’il avait pris des mesures aussi scandaleuses ? Je compatissais avec lui dans une certaine mesure. Puis une question pressante m’était venue à l’esprit, et je devais la lui poser. « Et toi ? Où était ton amour ? »

« Qu’est-ce que tu racontes ? »

Son pilotage était devenu sauvage et désordonné, il ne pouvait pas utiliser le plein potentiel de Gier. Plus je l’observais, plus je réalisais qu’il n’était pas aussi sérieux qu’il le prétendait. Il était devenu un aventurier par dépit pour ses parents, probablement. Il avait le talent, donc il avait rencontré un certain succès, mais il n’était pas sérieux. Cela le rendait faible.

« Tu sembles si désespéré d’être aimé. Mais qu’en est-il de toi ? Aimais-tu vraiment ta famille ? »

Les attaques de Gier étaient devenues nettement plus lentes et ennuyeuses. Ne voulant pas laisser passer ma chance, j’avais abattu mon épée sur Gier et lui avais coupé le bras droit.

« L’amour est une grande chose », avais-je dit. « Je la veux aussi. C’est bien de recevoir de l’affection de ses parents. Le truc, c’est que je pourrais te le demander tout aussi facilement : Et l’amour que tu portes à ta famille ? Monsieur Albergue t’a tendu la main et tu l’as repoussée. Tu as brûlé le trésor le plus cher de ta grande sœur. Peux-tu vraiment appeler ça de l’amour ? »

« Qu’est-ce que tu sais de moi, hein !? Tu as tout pour toi ! »

« Oh, arrête tes conneries. Laisse-moi te demander la même chose : que sais-tu de moi ? Tu me confonds toujours avec le Léon des Rault, mais je suis un type totalement différent. Tu ne sais rien de ce que j’ai traversé. J’apprécierais que tu arrêtes de me détester sans raison valable. »

Je devais l’admettre, j’avais de l’empathie pour sa détresse, mais alors quoi ? Ses problèmes n’avaient rien à voir avec moi, et c’était lui qui me faisait de la peine à cause de son propre bagage. J’aurais vraiment préféré qu’il ne me mêle pas à tout ça. J’étais la victime ici !

« As-tu tant besoin que d’autres personnes te comprennent ? » avais-je demandé. « C’est plutôt ironique, venant d’un type qui n’a pas essayé une seule seconde de comprendre sa propre famille. As-tu déjà pensé à ce que Mlle Louise a ressenti quand tu as brûlé le souvenir qu’elle avait gardé de son frère décédé ? Tu étais un enfant à l’époque, je comprends, mais tu pourrais au moins dire que tu es désolé. »

Les relations entre lui et sa famille étaient devenues beaucoup trop tendues. Monsieur Albergue et le reste de la famille n’avaient pas besoin de combler le fossé à ce stade, Serge oui. Ils auraient pu avoir une chance en tant que famille, s’il avait fait quelques efforts.

« C’est ce qu’on dit toujours, non ? L’amour est quelque chose qui se nourrit. Tu as fait une erreur en exigeant leur amour avant d’essayer d’entretenir la relation. »

« Quoi, crois-tu que je n’ai pas essayé !? » Serge m’avait envoyé bouler.

« Qu’est-ce que j’en sais ? Ne me le demande pas. Je ne suis pas impliqué dans vos relations. »

« Je… Je l’ai fait… ! » Sa voix s’était tue. C’était peut-être moins le fait qu’il se soit tu que le fait qu’il n’avait rien à dire pour sa défense.

« Hmm ? Ne me dis pas que tu as finalement réalisé que j’avais raison — que tu n’as rien tenté ? C’est un peu bizarre, hein, d’attendre que les gens t’aiment sans rien faire pour le mériter ? Et n’est-ce pas un peu bizarre de vouloir que les autres t’aiment alors que tu ne les aimes même pas ? »

« Ferme-la ! »

Gier avait levé son bouclier et avait chargé, avec l’intention de me frapper, mais j’avais levé mon épée pour le rencontrer. Je l’avais abattue au moment où Gier s’approchait, transperçant le bouclier et détruisant son bras gauche. Déséquilibré, Gier avait plongé vers le sol.

« Tu les as repoussés quand ils ont essayé de te tendre la main. C’est une famille merveilleuse. Ce qui m’intrigue, c’est pourquoi tu ne les as pas laissés entrer, et pas l’inverse », lui avais-je crié.

« Comme si… comme si tu allais comprendre ! » Serge grimaça sous l’impact de sa chute. Heureusement pour lui, Ideal avait rendu son Armure suffisamment durable, Gier était encore capable de bouger.

J’avais baissé d’altitude, posant Arroganz au sol avant de m’approcher de Gier. « Je te l’ai déjà dit : Je ne sais rien de toi et je ne m’en soucie pas. Tu ne sais pas non plus grand-chose de moi. Tu n’as même pas essayé d’apprendre quoi que ce soit sur ta propre famille, mais tu es là à exiger avec arrogance qu’ils t’aiment quand même. C’est dégoûtant. Appelle ça une sorte de phase rebelle si tu veux, tu as endommagé ta relation avec eux au-delà de toute réparation et tu as même eu recours à un coup d’état. »

« C’est eux qui m’ont abandonné ! » répliqua Serge.

« Fais-tu référence à la débâcle de la déshérence ? Mon garçon, tu es plus stupide que tu n’en as l’air. C’est toi qui as abandonné tes devoirs pour jouer les aventuriers tout le temps. Monsieur Albergue a supposé que tu voulais devenir un aventurier à l’époque, alors il a voulu te libérer du fardeau d’être son héritier. Comme ça, tu pouvais suivre ton rêve. »

« Qu-Quoi ? Je n’ai jamais entendu parler de… blegh ! » Serge s’étouffa, cracha du sang. Il avait trop compté sur les drogues.

« Tu n’es dans ce ruisseau merdique que parce que tu y as foncé toi-même. »

Pendant que j’étais occupé à le sermonner, Luxon bougeait son œil d’avant en arrière, visiblement mécontent. « Maître, tu as une incorrigible langue de bois. Comment peux-tu être aussi impitoyable avec Serge ? N’as-tu aucune compassion ? »

« Bien sûr que oui. Crois-tu que ça ne me fait pas aussi mal au cœur ? Je dis juste qu’une partie de tout ça est de sa faute pour ne pas l’avoir réalisé plus tôt ! » Il était aimé, mais ne l’avait pas réalisé. Rien de plus, rien de moins. « Ta plus grande erreur a été de croire aux mensonges qu’Ideal t’a colportés. »

Les Raults auraient pu accepter Serge chez eux avant sa tentative de coup d’État, mais il était bien trop tard pour cela après le désordre dans lequel il avait entraîné tout le monde.

Le Gier s’était soulevé sur ses pieds, mais son pilote était déjà à sa limite. Serge ne semblait pas en état de se battre.

« C’est la fin, alors laisse-moi au moins te dire une chose. C’est important, alors écoute bien », avais-je dit. Je devais lui dire ça, quoi qu’il arrive, mais une forte lumière avait traversé le ciel avant que je puisse prononcer mes mots. « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

« Il y a un problème sur la Licorne. »

Il y avait un problème ici aussi : Le visage de Serge s’était soudainement déformé, traduisant une douleur bien pire que ce que j’avais vu auparavant. À l’intérieur du cockpit de Gier, des amas de chair avaient commencé à sortir de l’équipement mécanique et aussi de l’extérieur. Un liquide noir s’était échappé de ses articulations et avait progressivement avalé l’Armure entière.

À l’intérieur, Serge avait crié, « Qu’est-ce que c’est, Ideal !? M’as-tu trompé ? Tu l’as fait, n’est-ce pas !? »

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Claramiel

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