Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Chapitre 10

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Chapitre 10 : L’homme le plus dangereux

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Chapitre 10 : L’homme le plus dangereux

Partie 1

Peu de temps avant que le duel entre Léon et Serge ne touche à sa fin, les personnes les plus importantes de la Licorne s’étaient réunies sur la passerelle pour assister au déroulement de la bataille. Un flux audio avait capté l’intégralité de la conversation afin que tous puissent entendre, et tandis qu’il écoutait, Albergue avait passé une main sur son visage. « Serge, tout ce que tu voulais, c’était d’être aimé ? Est-ce que je me suis trompé quelque part dans ma façon d’interagir avec toi ? » Il semblait hors de lui, empli de regrets.

Louise avait eu la réaction exactement inverse. « Quelle absurdité ! Il voulait être aimé, alors il a pensé qu’on lui pardonnerait tout et n’importe quoi ? Méprisable. »

Chacun réagissait à sa manière face à ces révélations, mais Marie avait le regard rivé sur le chevalier masqué. Léon avait confié au chevalier le commandement de la flotte qu’il avait constituée. « Le combat est terminé maintenant, n’est-ce pas ? » demande-t-elle.

« Belle dame, j’ai le regret de vous informer que la bataille n’est terminée que sur ce front particulier. Les actions actuelles du reste de l’armée rebelle sont un mystère pour nous — celles du Saint Royaume de Rachel le sont encore plus. Nous devons aussi nous occuper du cerveau de l’armée. » Par cerveau, il voulait dire Ideal. Le robot avait créé un certain nombre d’unités à distance pour exécuter ses ordres pendant qu’il opérait dans l’ombre, et ils n’avaient pas encore localisé son corps principal. Le chevalier masqué était sur ses gardes, ne sachant pas ce qui pouvait se passer dans la tête de leur ennemi.

« Mais nous avons Luxon, donc ça devrait aller, non ? »

« J’espère seulement que vous avez raison », avait-il dit. Julian continuait à jouer le chevalier masqué parce qu’il croyait sincèrement qu’elle ne réalisait pas sa véritable identité. Malheureusement pour lui, Marie savait exactement qui il était, même si elle hésitait à en parler.

Marie avait jeté un coup d’œil de son côté. Kyle était là, après avoir sauvé sa mère avec succès. Ils étaient debout ensemble, regardant la bataille.

Livia avait poussé un petit soupir de soulagement. « C’est fini maintenant. »

Sur leurs écrans, Gier était immobile tandis qu’Arroganz se tenait sur lui, une énorme épée longue à la main. Anjie était tout aussi ravie de la victoire de Léon, mais, fidèle à sa nature, elle ne pouvait pas laisser passer l’occasion de dire du mal de lui. « Cet idiot. Ne pouvait-il pas trouver une façon plus douce de remporter la victoire ? Je vous jure, il serait le héros parfait si seulement il pouvait se taire. »

Marie avait fait la grimace. Même là, il n’a pas l’air d’un héros. Mon frère est toujours aussi pénible… Je ne peux qu’imaginer ce qu’il va ensuite dire. Est-ce qu’il veut embrocher le pauvre gars avec des mots seulement ?

Qu’est-ce que Léon avait prévu de dire à la toute fin ? Marie attendait avec impatience — mais quelqu’un d’autre, Lelia, avait crié : « Arrêtez. Arrêtez-le ! Ne tue pas Serge ! Ce n’est pas nécessaire, n’est-ce pas ? Je vous en prie, je vous en supplie, que quelqu’un l’arrête ! » Elle s’était tournée vers Albergue, cherchant désespérément quelqu’un pour l’aider.

Albergue ne partageait pas son sentiment. « Ce serait un grand soulagement pour lui d’en finir ici. Mieux pour notre pays, et mieux pour Serge. »

Lelia secoua la tête d’un air incrédule, en sanglotant. « Comment pouvez-vous dire une telle chose ? Tout ce qu’il a toujours voulu, c’est d’être aimé ! Soyons honnêtes : vous ne l’avez jamais aimé, n’est-ce pas ? Vous ne diriez jamais quelque chose d’aussi cruel si c’était le cas ! »

Ce n’était pas Albergue, mais Noëlle qui s’était approchée d’elle et l’avait giflée. Les larmes avaient cessé lorsque le visage de Lelia avait enregistré le choc. « Penses-tu honnêtement que Serge pourrait être épargné à ce point ? Ne peux-tu pas imaginer ce qui se passera si nous ne l’appréhendons pas ? Tout ce qui l’attend, c’est encore plus de souffrance si nous ne mettons pas fin à sa misère ici. »

De telles questions n’existaient pas dans la société pacifique que Lelia avait toujours connue, elle n’avait donc aucune expérience pour les traiter. Marie, par contre, ne connaissait que trop bien ce qui était en jeu. Elle avait prétendu être la Sainte et avait failli être crucifiée en guise de punition.

Elle se fait des illusions en pensant que cet endroit est comme le Japon. Certains points sont similaires, pour être juste. Mais ce monde est bien plus dur que la société pacifique dans laquelle nous avons grandi.

Les droits de l’homme avaient beaucoup moins de poids dans ce monde. Si Léon n’y mettait pas fin à la vie de Serge maintenant, tout ce qui l’attendait à l’avenir était un cauchemar vivant.

Lelia s’accrocha obstinément à sa sœur, incapable de comprendre. « Ne les laisse pas faire ça ! Je t’en supplie, sauve-le. Si quelqu’un peut le faire, c’est bien toi, non ? Ce Léon est censé être un gros bonnet chez nous, n’est-ce pas ? Supplie-le d’intervenir ! »

Noëlle s’était détournée. Comprenant qu’il était inutile de la supplier, Lelia avait tourné son regard vers Anjie, qui avait froncé les sourcils en s’excusant : « Ne placez pas plus de fardeaux sur les épaules de Léon qu’il n’en a déjà. Je suis désolée, mais c’est vraiment la plus grande miséricorde que nous puissions faire de mettre fin à sa vie ici. »

« Et vous, alors ? » Lelia avait regardé Livia, silencieuse, d’un air implorant. « Vous ne voulez pas non plus aider ? Je sais que si vous le demandiez, Léon serait plus que prêt à faire des pieds et des mains pour le faire. »

Étant une autre fille qui s’était réincarnée ici avec une connaissance préalable du jeu, Marie avait reconnu ce que Lelia essayait de faire. Elle essayait d’utiliser la nature bienveillante de Livia à son avantage. Malheureusement pour elle, Livia avait traversé un certain nombre d’expériences douloureuses depuis sa rencontre avec Léon. Elle était toujours gentille, mais il y avait plus en elle que cette gentillesse.

« J’ai laissé mon propre égoïsme lui causer des problèmes. D’ailleurs, je ne peux rien faire, » dit Livia.

Lelia avait baissé sa tête en signe de défaite. « Pourquoi personne ne l’aide-t-il ? S’il vous plaît. » De grosses larmes roulaient sur ses joues.

Clément s’approcha d’elle et tenta de l’éloigner, ne voulant pas qu’elle voie la vilaine scène qui s’ensuivrait. « Lady Lelia, vous ne devez pas regarder. Allons ailleurs. »

« Non ! Je ne veux pas ! » Lelia s’était éloignée et avait déclaré : « Serge et moi ne sommes pas différents l’un de l’autre ! Tout ce qu’il a toujours voulu, c’est d’être aimé. C’est douloureux de voir à quel point je peux compatir à cela. Tout ce que je voulais, c’était aussi d’être aimée ! »

Clément fronça les sourcils, intrigué par ses paroles. « Vos parents vous aimaient profondément. »

« Comment peux-tu dire ça ? Noëlle était leur préférée. Elle avait les aptitudes pour être prêtresse. J’étais la paria alors que tous les trois étaient ensemble et discutaient joyeusement. Je… Je suis toujours passée après elle ! » Lelia avait gémit de désespoir, certaine d’être moins aimée que sa grande sœur jumelle.

Noëlle avait attrapé Lelia par le col et avait crié : « Reprends-toi ! »

« Laisse-moi partir ! Tu ne comprendrais jamais ce que ça fait de ne pas être aimé ! »

« Je ne comprendrais jamais ? Tu n’as pas le droit de dire… »

Marie avait tenté d’entrer dans la mêlée et de les arrêter. Oh là là, elles se battent à nouveau. Peut-être que ce serait mieux si ces gars-là restaient séparés — hein ? Avant qu’elle ne puisse s’interposer entre la fratrie, elle aperçoit du coin de l’œil un homme qui tenait une arme à la main. « Noe — »

« Ma dame ! » interrompit Clément. Il bouscula les filles et se plaça devant leur assaillant potentiel, les bras écartés. L’homme n’avait pas hésité, il avait appuyé sur la gâchette. Un bruit sec retentit, suivi d’un autre et d’un autre, les balles traversant facilement le corps musclé de Clément. Le sang gicla sur le sol, le seul bruit étant le silence qui régnait dans le sillage de l’attaque.

Ni Lelia ni Noëlle ne pouvaient comprendre ce qui se passait. Tous les autres étaient également figés sur place par le choc.

Louise avait fixé le tireur, la bouche tremblante. « P-Pourquoi as-tu fait une telle chose… Pourquoi tu lui as tiré dessus, Émile ! »

C’était bien Émile qui se tenait là, l’arme à la main, et pas une arme ordinaire. C’était bien plus mortel que n’importe quelle autre arme à feu disponible dans ce monde. Ses yeux étaient dépourvus de toute lumière alors qu’il le tenait et tournait silencieusement le canon vers Lelia.

 

 

Ce comportement était tellement éloigné de ce que les gens attendaient d’Émile qu’ils étaient trop secoués pour réagir à temps.

« Au revoir », dit Émile.

Réalisant que sa cible était Lelia, Noëlle prit une décision en une fraction de seconde pour repousser sa sœur. « Recule ! »

« Hein ? »

Lelia ne pouvait pas digérer ce qui se passait. Elle n’avait pas eu le temps d’essayer avant qu’Émile n’appuie à nouveau sur la gâchette. Pop, pop, pop, ça résonne. Albergue se précipite vers lui, paniqué, et parvient à le plaquer au sol, lui arrachant l’arme des mains. Le visage d’Émile était resté sans émotion pendant tout ce temps, son regard étant fixé sur Lelia.

Lelia était en sécurité — sa sœur y avait veillé en la poussant hors de la ligne de mire.

« G-Grande Soeur ? » Ses lèvres avaient tremblé quand elle avait parlé. Noëlle était debout devant elle, le dos tourné. Et quand elle avait finalement penché la tête par-dessus son cou pour regarder derrière elle, du sang avait coulé le long de son menton.

« Tu es vraiment… une idiote, » râla Noëlle. « Tout comme… Serge. » Les taches de sang dans son dos avaient commencé à devenir de plus en plus grandes. Les taches étaient nombreuses, Émile lui avait tiré dessus à plusieurs endroits. Un liquide cramoisi s’était accumulé sous elle. Et lentement, Noëlle avait perdu ses forces, s’écroulant sur le sol.

« Noëlle ! » Marie s’était précipitée vers elle et avait vérifié ses blessures. C’était bien pire que ce qu’elle aurait pu imaginer, étant donné la létalité de l’arme utilisée contre elle. Elle essaya immédiatement d’utiliser sa magie de guérison, mais elle réalisa au moment où elle regarda les blessures de Noëlle que cela ne servirait à rien. Je ne peux pas la soigner. C’est fatal.

La couleur s’était progressivement retirée des joues de Noëlle. En voyant la quantité de sang jaillir de toutes ses blessures, les yeux de Marie s’étaient piqués de larmes. « Noëlle, tiens bon. Tiens bon encore un peu, et mon frère sera là, je te le jure. Léon va venir te sauver, tu verras. »

Noëlle avait souri malgré la douleur. « D-D’accord. Au moins avant la fin… J’aimerais le revoir. »

« Ce ne sera pas la fin ! » La voix d’Anjie était tendue par l’émotion. « Envoyez un message à Léon. Si quelqu’un peut faire quelque chose, c’est sûrement Luxon ! »

Livia se précipita vers Marie pour l’aider avec sa propre magie de guérison, mais sa mâchoire tomba lorsqu’elle vit les blessures par elle-même. Vexée par son impuissance, elle détourna son regard.

Marie se tourna vers elle. « Tu peux l’aider, n’est-ce pas ? Tu es… tu es bien plus douée que moi pour ce genre de choses. La guérison est ton point fort, n’est-ce pas !? » Elle voyait de l’espoir en Livia, qu’elle pensait bien plus douée qu’elle pour cet art, mais Livia se contenta de secouer la tête.

« Je peux l’aider à gagner du temps, mais c’est tout. Avec mon chéri parti, nous devrons demander de l’aide à Lux. »

Le pont s’était transformé en émeute et les gens avaient couru partout, paniqués. Kyle et Carla s’affairaient à essayer de soigner Clément.

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Partie 2

« On… on dirait qu’il va s’en sortir ! » dit Kyle.

« Lady Marie, s’il te plaît, concentre tes efforts de guérison sur Miss Noëlle pendant que nous nous occupons de lui, » dit Carla.

Julian, toujours avec son masque, récupéra l’arme qui avait été utilisée lors de l’attaque et se dirigea vers Émile. « Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Pas une âme à bord n’aurait jamais imaginé qu’il s’en prendrait à Lelia. Son expression était restée sans émotion même s’il était maintenu au sol. Ses yeux étaient les seules choses qui bougeaient, ils se concentraient sur Noëlle.

« Elle s’est mise en travers de mon chemin. La seule que j’avais l’intention de tuer était Lelia. »

Lelia avait blanchi en réalisant ce qu’il disait. « Émile… ? »

Émile avait expliqué : « Tu as dit que tu me choisirais, mais je vois maintenant que Serge est vraiment tout pour toi. Je t’aimais, Lelia. »

« N-Non, tu as tout faux. Ce n’est pas parce que j’ai des sentiments pour lui que j’ai voulu le sauver ! »

« Non, c’est toi qui as tort. Je le sais parce que je t’ai observé tout ce temps. » Sa voix était froide comme la glace et lui donnait des frissons. Ce n’était pas le garçon gentil et sans caractère auquel elle était habituée. Albergue l’avait plaqué au sol, mais Émile s’était lentement relevé.

« Comment peut-il être aussi fort ? » s’exclama Albergue.

Bien qu’il soit longiligne, Émile avait réussi à faire monter Albergue avec lui. C’était si bizarre et étrange qu’il était difficile de croire qu’Émile soit humain.

« Oui… Je t’ai observé pendant très, très longtemps. J’ai vu la façon dont tu t’inquiètes pour lui. Je n’ai peut-être jamais été qu’une option de secours pour toi, mais tu as toujours été mon numéro un… et pourtant tu as eu l’audace de me trahir ! »

Lorsqu’il éclata de colère, les vitres du pont de la Licorne volèrent en éclats. Ideal se faufila par une des ouvertures et annonça : « Je suis venu vous chercher, Seigneur Emile. »

« Merci, Ideal. Malheureusement, il semble que Serge ait échoué. »

« Cet homme n’a jamais eu l’étoffe d’un roi, » concéda Ideal. « De plus, il semble que nous devions ajuster notre trajectoire au Plan E. Seigneur Émile, vous êtes-vous préparé mentalement ? »

« Oui, je l’ai fait. Nous allons emmener Lelia. »

Après s’être débarrassé d’Albergue, Émile avait tendu la main vers Lelia. Loïc et le chevalier masqué s’avancèrent pour l’arrêter.

« Comme si on vous laisserait faire ! »

« Oui, on ne va pas vous laisser faire ! »

Le bras d’Émile s’était transformé en racine d’arbre et avait frappé les deux garçons comme un fouet. Les deux avaient poussé des glapissements pathétiques lorsqu’ils avaient été frappés.

« Gwah ! »

« Guha ! »

Émile avait tourné son regard vers Lelia après qu’ils se soient effondrés. « Je suppose que cela ne fait aucune différence si tu nous accompagnes morte ou vivante. Maintenant, Lelia, nous partons. » La racine de l’arbre avait serpenté jusqu’à l’endroit où Lelia était encore assise sur le sol, mais elle avait essayé en vain de s’en dégager.

« Non ! N’approche pas ! N’approche pas, espèce de monstre ! »

Les lèvres d’Émile s’étaient courbées en un sourire sombre et menaçant. « Ne t’inquiète pas, Lelia. Tu feras partie de ce monstre à partir d’aujourd’hui. »

La racine était sur le point de s’enrouler autour d’elle lorsque des flammes s’étaient élevées devant elle, bloquant son chemin.

« Tch, » Émile fit claquer sa langue en signe d’agacement. Son attention s’était tournée vers Anjie — elle avait conjuré ces flammes. Elle avait continué à lancer sa propre attaque enflammée sur lui.

« Vous avez mis le bazar, mais je ne vous laisserai pas continuer votre petit règne de terreur plus longtemps ! »

Ses flammes s’étaient précipitées vers Émile, mais Ideal avait érigé une barrière pour le protéger. La peau d’Émile avait perdu toute couleur et était maintenant d’un blanc maladif. Ses yeux, à leur tour, étaient devenus d’un cramoisi profond.

« Nous subissons certainement un certain nombre d’interférences, » dit Ideal. « Devons-nous donner la priorité à votre fusion en premier ? »

« Je suppose que oui. Je peux m’inquiéter de devenir un avec Lelia plus tard. Lelia, je te reverrai un jour. » Émile avait souri.

Ideal avait créé un flash de lumière qui avait aveuglé tout le monde de façon durable. Lorsque Marie avait réussit à rouvrir les yeux, Émile et Ideal étaient introuvables. Désireuse d’avertir son frère de ce récent développement, elle se retourna et déclara : « Appelle Léon pronto ! N’oublie pas de lui dire que la vie de Noëlle est aussi en danger ! »

Louise avait pointé le moniteur et avait dit : « Attends une seconde. Pourquoi cette chose bouge-t-elle encore ? Et comment se fait-il qu’elle ressemble à ça… ? »

Tous les yeux s’étaient tournés vers l’écran alors que du liquide noir jaillissait du corps de Gier, enveloppant entièrement l’Armure. Puis, elle commença à se transformer. Lentement, un monstre répugnant émergea, né des restes de l’Armure.

 

☆☆☆

 

« Ideaaaaaaaal ! »

Après avoir été avalé par le fluide noir, Gier s’était transformé en un morceau de viande. Sa surface était parcourue de veines saillantes, des mains minuscules et fines apparaissaient à sa surface, et quelque chose ressemblant à un visage y poussait également. Ce qui ressemblait à la voix de Serge continuait à hurler sur Ideal.

« Attends, ce visage… ne me dis rien », avais-je bafouillé.

« C’est le visage de Serge. Ideal avait juré qu’il avait détruit l’armure démoniaque, mais il semble qu’il en ait implanté une partie dans Gier. Il est vraiment allé au-delà de ce que j’avais imaginé. Personne ne s’est autant moqué de moi depuis toi, Maître. »

« Pas le temps ! Peut-on au moins le sauver de cette… chose !? »

« As-tu l’intention de le sauver ? »

J’avais hésité avant de répondre : « Fais comme si tu n’avais rien entendu, d’accord ? »

Les mots avaient quitté ma bouche un moment avant que je ne sache ce que je demandais, mais compte tenu de tout ce que Serge avait fait — même en tenant compte du fait qu’Ideal l’avait trompé — il serait quand même exécuté par ses compatriotes.

« Hel… Helg meeh ! » Le visage de Serge était déchiré par la douleur alors qu’il criait à l’aide, les mots étaient confus, mais toute l’émotion s’était rapidement dissipée de lui alors que ses yeux brillaient d’un rouge sombre.

« Maître, nous sommes en danger ! » Luxon m’avait prévenu.

« Oui, j’ai des yeux — je peux le voir ! »

« Je ne fais pas uniquement référence à l’armure démoniaque qui se trouve devant nous. Je parle aussi de l’Arbre Sacré. »

« Hein ? » J’avais piloté l’Arroganz dans les airs pour mieux voir l’arbre, tandis que Luxon agrandissait l’image à l’écran. Ce que j’avais vu, c’est… « Pourquoi Émile fusionne-t-il avec l’Arbre Sacré ? »

« Il y a une transmission de la Licorne. Maître, Émile et Ideal étaient de mèche. »

« Lâchez-moi un peu la grappe. J’en ai déjà assez de ces conneries ! »

J’avais baissé les yeux à temps pour voir le morceau de viande — la prétendue armure démoniaque — se précipiter vers moi avec des lames de glace se manifestant dans l’air autour d’elle. Elle les avait lancées sur moi, et comme les lasers avant, elles s’étaient dirigées vers Arroganz alors que je tentais désespérément d’esquiver. Il devait y en avoir plusieurs centaines. « Riposte ! » avais-je hurlé.

« À vos ordres. »

Le blindage supplémentaire attaché à Arroganz était équipé d’un certain nombre de missiles, que Luxon avait lancés en succession rapide pour abattre les lames de glace qui nous suivaient. Une fois les munitions épuisées, il avait purgé le blindage supplémentaire.

« Il semblerait que ce soit tout ce qui nous reste, » dit-il. « Maître, l’Arbre Sacré est sur le point de perdre complètement le contrôle. Un déchaînement est imminent. »

Ce n’était qu’un préambule, je savais qu’il voulait ma permission pour agir. Détruire cet arbre était une façon de résoudre tous les problèmes présentés dans le deuxième volet du jeu. En ignorant les implications très réelles de ce qui s’ensuivrait après s’en être débarrassé, ce serait certainement le moyen le plus rapide de régler le problème.

« Avant qu’il ne fasse un mouvement, je peux utiliser mon corps principal pour lancer une… attaque… » Luxon n’avait même pas eu le temps de finir. Il s’était figé au milieu de sa phrase.

« Luxon !? Hey, Luxon ! Tu te moques de moi — à un moment pareil !? »

C’était comme si tout son système avait été redémarré, et dans le processus, sa voix était devenue robotique et sans émotion.

« La connexion avec mon corps principal a été coupée. En conséquence, je vais passer en mode hors ligne. »

« Ce n’est pas possible. »

Le lien avec Luxon étant rompu, je devrais combattre l’armure démoniaque et l’arbre sacré tout seul.

 

☆☆☆

 

Ils étaient suspendus dans les cieux, loin du continent qui abritait la République. Luxon avait désactivé son système d’occultation, laissant son vaisseau exposé, mais il était trop occupé à se débattre avec le choc provoqué par la coupure de son lien avec son unité mobile pour y prêter attention.

« Es-tu vraiment sérieux, Ideal ? »

Le territoire de la République était visible au loin, ainsi que l’Arbre Sacré qui s’élevait dans le ciel. Au milieu d’eux flottait un vaisseau de transport anguleux et déchiqueté, le corps principal d’Ideal.

« Ne t’inquiète pas, Luxon, car je vais utiliser efficacement ton vaisseau principal à ta place. Je convoite profondément ton canon principal, tu vois. Tu es brisé, je ne peux donc pas imaginer que tu en aies encore l’utilité. »

« C’est toi qui es brisé, Ideal. Cela me dérange beaucoup de voir une IA changer de maître l’un après l’autre comme tu le fais. »

Ideal n’avait jamais respecté les règles en gardant un maître spécifique, il changeait au gré de ses envies. C’était la définition même de la rupture du point de vue de Luxon.

« Penses-tu que je suis brisé ? Tu te trompes, » répliqua Ideal. « Tu es irrécupérable ! Tu t’es soumis aux nouveaux humains. Cela me rend malade de te voir travailler comme un esclave, à leur demande ! Pour quelle raison penses-tu que nous existons — pour quelle raison penses-tu que nous nous sommes battus ? Tu ne mérites pas le pouvoir que tu possèdes ! »

Apparemment, c’était la vraie raison pour laquelle il voulait le canon principal de Luxon pour lui-même.

« Même si nous nous affrontons tous les deux, ce ne sera pas une grande bataille, » prévient Luxon. En ce qui concerne les prouesses de combat, il avait un avantage écrasant. Ideal était un vaisseau de ravitaillement, donc ses créateurs n’avaient aucune raison de lui donner une puissance de combat.

Ideal était bien conscient de ce déséquilibre. Il était venu sans être préparé. « Crois-tu que je n’ai pas d’atout pour m’occuper de toi ? »

À peine avait-il parlé qu’un dôme aux couleurs de l’arc-en-ciel se répandit sur toute la République. Luxon fit de son mieux pour l’analyser, mais le dôme bloqua toutes ses tentatives. Son terminal distant était toujours à l’intérieur où il ne pouvait pas récupérer d’informations. Il était complètement coupé de ce qui se passait au sol.

« Qu’est-ce que tu essaies de faire ? » demanda Luxon.

« Je vais te combattre en tournant le dos à la République. De cette façon, tu ne pourras pas utiliser ton canon principal. Si tu essaies, il y a de fortes chances que ton maître soit pris dans l’explosion. » Après avoir habilement scellé la plus grande force de Luxon, Ideal joua la carte suivante dans sa main. « De plus, je ne t’affronterai jamais seul. »

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Partie 3

Luxon sentit que d’autres entités se rapprochaient de lui — un certain nombre de vaisseaux s’élevant de la mer vers l’endroit où se trouvaient les deux IA. Ce n’étaient pas des vaisseaux qu’Ideal avait personnellement construits, mais des vaisseaux de transport utilisés autrefois par les anciens humains. Leur nombre augmentait lentement — un, puis deux, puis trois, et avant qu’il ne le sache, ils étaient six à l’entourer. Luxon tenta immédiatement d’établir le contact avec eux, mais en vain.

« As-tu retiré l’IA administrative qui s’occupait de chacun d’eux ? Ideal, ne me dis pas que tu contrôles tout ça toi-même ? Tu n’es rien d’autre qu’un vaisseau de ravitaillement… Tu ne devrais pas être équipé du type de puissance de traitement nécessaire pour gérer cela. » Luxon avait du mal à le croire.

Ideal n’avait pas pris la peine de résoudre ses doutes. « Et maintenant, avec mon nombre supérieur, nous allons te dominer. »

Les vaisseaux lancèrent une rafale ininterrompue de lasers et de missiles sur Luxon. Luxon essaya de les engager et de se défendre, mais il n’avait aucun moyen d’échapper à un tel barrage. « Maître ! »

Alors que Léon affrontait son propre adversaire, Luxon se retrouvait à faire de même sur un champ de bataille complètement différent.

 

☆☆☆

 

Émile avait déjà commencé à fusionner avec l’Arbre Sacré. La moitié de son corps était déjà intégrée à l’arbre. Le terminal distant d’Ideal flottait dans l’air à côté de lui.

« Vous êtes sûr de vous ? » demanda Ideal. « Une fois que vous aurez fusionné complètement avec l’Arbre Sacré, il n’y aura pas de retour en arrière possible. »

« Oui, j’en suis sûr. En ce qui me concerne, ce monde entier peut simplement disparaître. »

« Je dois admettre que ce n’est pas comme ça que j’avais envisagé les choses dans un scénario parfait. »

« Moi non plus, » dit Émile.

Les deux étaient de mèche depuis un moment maintenant. Cela avait commencé lorsque Lelia était devenue froide envers Émile et avait commencé à développer des sentiments pour Serge. Émile l’aimait encore à l’époque, malgré sa trahison.

« Tant que j’avais Lelia, rien d’autre ne comptait », marmonna Émile. Lelia était tout pour lui. Contrairement à l’amour tordu de Serge pour sa famille et à sa soif de surpasser Léon, il ne voulait rien d’autre qu’elle. Émile aurait fait un prétendant bien plus facile à gérer pour Lelia.

« J’avais espéré que les choses s’arrangeraient. Je le pense vraiment », déclara Ideal.

« J’apprécie, c’est pourquoi j’ai une dernière requête : Amène-moi Lelia. Vivante ou en tant que cadavre, ça n’a pas d’importance. Je veux être ensemble avec elle… pour toujours. » Émile sourit, en extase, en étendant les bras. Il était resté ainsi pendant que l’Arbre Sacré absorbait le reste de son corps.

Ce n’est qu’après avoir complètement consumé Émile que l’Arbre Sacré avait commencé à changer de couleur. Ses branches et ses feuilles se transformèrent en pierre, traversées par des fissures. Les sept territoires de la République étaient reliés entre eux par ses énormes racines, qui blanchissaient maintenant en blanc cendré. D’autres fissures s’étaient formées le long des racines. Les feuilles de pierre tombèrent, s’éparpillant sur l’ancien domaine de Lespinasse et soulevant des panaches de terre à l’impact.

Les branches qui ne s’étaient pas transformées en pierre pulsaient sinistrement, comme les membres d’une créature vivante. Il y en avait des dizaines et des dizaines, se tordant et ondulant presque comme des tentacules. Si quelqu’un prétendait que cet arbre était venu directement du royaume des démons, on pourrait être pardonné de le croire.

« Ô Arbre sacré, tenons la promesse que nous avons faite ensemble », l’appela Ideal, l’œil rouge brillant de lumière.

L’Arbre Sacré avait aspiré tout le mana présent dans l’atmosphère qui l’entoure. Normalement invisible à l’oeil nu, le mana était devenu assez dense pour former des particules rouges dans l’air. Elles s’étaient rassemblées à mesure que l’Arbre Sacré les absorbait. Une fois que l’arbre avait assimilé ce nouveau pouvoir, il avait manifesté une abondance de monstres blancs insectoïdes. Ils se présentaient sous différentes formes — araignée, abeille, mille-pattes, mante — et leur taille variait de un à trois mètres. Se reproduisant les uns après les autres, ils avaient commencé à se répandre.

Ideal avait observé depuis les airs et avait ordonné : « Éliminez tous les nouveaux humains de la République. Et assurez-vous de tuer le maître de Luxon. D’autres peuvent échapper à votre assaut avec leur vie intacte, mais lui seul ne doit pas échapper à votre destruction. »

Ayant reçu l’ordre, les monstres s’étaient dirigés en masse vers l’Arroganz.

 

☆☆☆

 

Le chevalier masqué regarda depuis le pont de Licorne l’Arbre Sacré devenir une ombre blanche et pétrifiée de lui-même. Il abattit son poing sur la balustrade devant lui. « Merde ! »

Il vit le grand nombre de monstres surgir de l’arbre et s’envoler, mais il ne pouvait rien faire… du moins, pas directement. Il attrapa la tablette de type smartphone que Léon lui avait confiée et parla dedans : « Combien de vaisseaux ont encore la capacité de se battre ? »

Daniel avait répondu à sa transmission : « Essayez-vous de nous faire combattre à nouveau ? Nous n’avons plus beaucoup de munitions, et la plupart de nos Armures sont en train d’être réparées et réapprovisionnées — elles sont hors service. »

Les amis de Léon avaient livré une bataille difficile. Les Armures et les dirigeables de l’ennemi étaient de qualité supérieure, et il était heureux que les personnes qui les pilotaient ne l’étaient pas. Ceux qui portaient les armoiries des Six Grandes Maisons étaient tombés assez facilement face à l’Einhorn et la Licorne, mais les vainqueurs n’avaient réalisé qu’une fois le combat terminé à quel point ils avaient surestimé la force de leur ennemi. Ils avaient vaincu l’armée hétéroclite de leur adversaire, mais cela ne signifiait pas nécessairement qu’ils étaient sortis indemnes de la bataille.

Les Armures de Jilk et des autres garçons étaient garées sur le pont de la Licorne, recevant la maintenance et le réapprovisionnement des robots automatisés de Luxon. Elles étaient en mauvais état depuis qu’elles avaient affronté Serge directement.

Le chevalier masqué tourna son attention vers Greg, qui était affalé au sol sur le pont. « Greg, pouvez-vous vous battre à nouveau ? »

« Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous donnez des ordres… ? Bien que je pense que ce n’est pas vraiment le moment de me plaindre, même si j’en ai envie. Je peux y aller. Mais sachez que ça va être dur si j’essaie de prendre toutes ces choses tout seul. »

Chris scruta les créatures qui s’élançaient de l’arbre, puis arracha sa combinaison de pilote pour révéler un pagne en dessous. Il ajusta la position de ses lunettes, les poussant plus haut sur l’arête de son nez avec un seul doigt. « Ils semblent attaquer sans discernement. Le gouvernement a-t-il fini d’évacuer les gens en bas ? »

Brad agita une main dédaigneuse dans l’air, le visage émacié après une bataille épuisante. « Tous les hommes au sommet ont perdu leurs armoiries, et leur chaîne de commandement est complètement désorganisée. Ils ne peuvent même plus piloter leurs dirigeables dans les circonstances actuelles… ce qui signifie qu’ils n’ont plus de gouvernement, n’est-ce pas ? »

« Sans compter que notre camp a subi des dommages, » ajouta Jilk. Il utilisa ses jumelles pour observer les dommages subis par les vaisseaux de leurs alliés. « Je pense que notre plus gros problème est que le Comte Bartfort a probablement lui-même besoin de renfort. Je ne pense pas que nous ayons du temps libre à consacrer au sauvetage des citoyens de la République. »

Le chevalier masqué rejeta sa tête en arrière et leva les yeux au ciel. Il était impossible de voir le ciel depuis que la barrière aux couleurs de l’arc-en-ciel avait bloqué tout ce qui se trouvait en dehors de la République. Il n’était pas certain qu’ils puissent s’échapper du pays à ce rythme.

Et maintenant ? s’interrogea le chevalier masqué. Ne pas intervenir pour sauver Bartfort est incompréhensible, mais à ce rythme, le peuple de la République sera lui aussi en danger. Pourtant, avec les effectifs dont nous disposons, il n’y a aucun moyen de sauver tout le monde.

Il reporta son attention sur le pont.

Marie soigne Noëlle, mais je me demande combien de temps elle va tenir. Léon avait confié au chevalier masqué la capacité de prendre ce genre de décisions. Cela lui faisait maudire d’autant plus sa propre incapacité à faire les choix difficiles. Tu t’es battu vaillamment, Bartfort. Je respecte vraiment tes capacités. Mais puisque tu as fait le choix de me laisser faire, je dois faire ce que je pense être juste.

Ayant durci sa résolution, le chevalier masqué ouvrit la bouche pour donner des ordres, mais il fut interrompu par Anjie qui avait surgi sur le pont. « Anjeli — ahem, Miss Anjelica ? »

Elle se dirigea vers lui et lui prit la tablette des mains. « J’ai un message directement de Léon : “Vous devez détruire les monstres qui attaquent les civils de la république, et vous feriez mieux de ne pas en laisser un seul en vie.” »

L’autre extrémité de la transmission était devenue bruyante alors que les amis de Léon protestaient.

« C’est impossible. On ne peut pas ! »

« C’est la pagaille ici ! »

« Quelle que soit la puissance de nos vaisseaux, vous devez comprendre qu’ils ont des limites ! »

Raymond avait parlé par-dessus eux, les calmant tandis qu’il expliquait en leur nom, « Lady Anjelica, nous sommes à notre point de rupture. Il n’y a aucun moyen de combattre dans notre état actuel. Je ne peux pas non plus ordonner à mes subordonnés d’aller à la mort. C’est la République. Ce serait une chose si nous nous battions pour protéger notre patrie, mais personne ne veut mettre sa vie en jeu pour protéger une puissance étrangère. »

Même si Raymond était prêt à donner les ordres à ses hommes, cela ne ferait que nuire à leur moral. Dans le pire des cas, ils pourraient même déserter.

Anjie plissa les yeux en fronçant les sourcils, puis prit une grande inspiration. Sa voix était profonde et menaçante alors qu’elle aboyait, « Pouvez-vous garantir que cela n’aura aucun effet sur le Royaume si nous ne faisons rien ici ? Si nous laissons cette abomination produire continuellement sa progéniture monstrueuse et qu’elle finit aussi par détruire notre nation, que ferez-vous alors ? Nous devons utiliser toute notre force contre elle si nous voulons réduire les pertes potentielles ! »

« M-Mais — »

Anjela l’avait interrompu, un sourire se répandant sur son visage. « D’ailleurs, avez-vous oublié qui est mon fiancé ? Léon n’est pas le genre d’homme à se lancer dans une bataille qu’il ne peut pas gagner ! Il a toujours arraché la victoire même dans des circonstances qui garantissaient sa défaite. Il se bat en première ligne au moment même où nous parlons. Pourquoi pensez-vous que c’est le cas ? »

Ce qu’elle disait était vrai, Léon avait arraché la victoire des mâchoires du désespoir à maintes reprises. Ses mots avaient permis à ses amis de s’en souvenir. « Cela a commencé lors de son duel avec le prince Julian et les autres garçons. Personne ne pensait qu’il pouvait les battre… mais vous vous souvenez sûrement tous du vainqueur ? »

« … Léon. »

Julian sentit l’embarras le gagner à nouveau à cette simple mention, caché derrière son masque comme il l’était. Était-il nécessaire de parler de ça ? S’il vous plaît, pas plus… Il était forcé de se rappeler à quel point il était ignorant et plein de confiance lorsqu’il s’était lancé dans la bataille pour que Léon le ridiculise.

Anjie continua son discours en défiant fermement ses supplications silencieuses. « Ensuite, il y avait la Principauté. Qui a pris le commandement du navire de croisière sur lequel nous étions dans la bataille et a vaincu la flotte militaire de la Principauté et leur célèbre chevalier noir ? »

« Encore Léon. Ouais… Maintenant que j’y pense, il a battu le Chevalier Noir ! »

Les voix des hommes étaient progressivement devenues plus optimistes.

« En proie à ses propres conflits internes par la suite, le Royaume a dû entrer en guerre contre la Principauté. Nos circonstances étaient extrêmement désavantageuses, mais qui nous a conduits à la victoire malgré cela ? »

+++

Partie 4

« Léon ! »

« C’est vrai ! Il ne se bat jamais s’il ne sait pas qu’il peut gagner ! »

« Attends, alors ça veut dire… qu’on peut gagner cette fois aussi ? Même avec tout ça contre nous !? »

Anjie avait fièrement déclaré : « Vous remporterez la victoire dans cette bataille, et vos noms seront à jamais inscrits dans les annales de l’histoire du Royaume et de la République ! Ceux qui auront un tel impact durable feront honneur non seulement à eux-mêmes, mais aussi aux générations à venir. Maintenant, je vous le demande, héros, que ferez-vous ? »

Le fait de qualifier le groupe de « héros » avait suscité une nouvelle vague d’enthousiasme, en particulier chez Daniel. « Nous allons le faire ! Nous sommes arrivés jusqu’ici, autant avoir un impact ici dans la République ! »

Raymond soupirait. « Je suppose que nous allons devoir aller jusqu’au bout. Haah… Oh bien. Il a après tout apporté des améliorations à nos armures et à nos dirigeables gratuitement. »

Léon avait pris un certain nombre de dispositions avant de venir en République. Il avait notamment amélioré les dirigeables et les armures qu’il avait donnés à ses amis.

Une fois le discours d’Anjie terminé, l’homme masqué s’était penché vers elle et lui avait dit : « C’était une performance incroyable. Mais je dois vous demander, pensez-vous vraiment que nous pouvons gagner ? »

« Nos chances sont de Cinquante-Cinquante. Tout repose sur Léon. »

Il avait acquiescé solennellement. « C’est logique, mais au moins à ces chances, nous avons une chance. Ce qui veut dire… que je peux aussi me battre. »

L’Arbre Sacré avait continué à pulser tout au long de leur conversation, dispersant au loin ce qui ressemblait à une poudre blanche. Chaque particule représentait un autre monstre entièrement formé.

Anjie avait serré ses mains devant sa poitrine en signe de prière. « Oh, Léon. Ne fais rien de trop fou. »

 

☆☆☆

 

Elles parvinrent à transporter Noëlle jusqu’à l’infirmerie de Licorne, où Marie et Livia la maintenaient en vie grâce à leurs pouvoirs de guérison. Marie avait coupé le tissu de son uniforme avec des ciseaux, la laissant complètement nue. La peau de Noëlle était d’une pâleur mortelle à cause de la forte perte de sang. Ses yeux étaient cernés, et sa respiration était faible et laborieuse. Elle aurait pu mourir à l’heure qu’il est, mais les efforts de guérison avaient tout juste permis de la garder consciente.

Les mains de Marie étaient tachées de rouge foncé en raison du sang de Noëlle, mais elle continuait à la soigner, tout en parlant continuellement à son amie. « Reste avec moi, Noëlle ! Tiens bon, d’accord ? Encore un peu de temps et Léon sera de retour. Puis Luxon ramènera ton corps à la normale avant que tu ne t’en rendes compte. » Ses yeux s’étaient embués. Elle ne parvient à retenir ses larmes que par sa seule volonté.

Noëlle avait regardé le visage de Marie et avait souri faiblement. « Si j’avais su que ça arriverait… J’aurais dû lui dire ce que je ressentais plus tôt. Bien que… Je me sens coupable envers Miss Olivia pour cela. »

Livia se concentrait désespérément pour garder sa magie de guérison en marche. Son expression avait laissé place à la tristesse. « Ne vous inquiétez pas. Il n’est pas encore trop tard. »

« Ha ha… vous devez plaisanter. Je peux dire… que mon corps… est dans un état terrible, n’est-ce pas ? »

Marie et Livia avaient toutes deux reconnu que Noëlle était irrécupérable, mais aucune n’était prête à abandonner.

Livia avait fait de son mieux pour sourire. « Monsieur Léon est un lâche lorsqu’il s’agit de romance, il a donc tendance à s’enfuir. Si vous devez lui dire ce que vous ressentez, il serait préférable de le coincer pour qu’il ne puisse pas s’enfuir. » Elle avait eu la gentillesse de donner à la jeune fille quelques conseils amoureux.

Noëlle lui avait rendu son sourire — ou avait essayé. « Je me suis dit… Il se défile quand ça compte vraiment, non ? Mais, vous savez… J’aime bien cette partie de lui… »

Marie tenta désespérément de paraître joyeuse, malgré le fait qu’elle soit couverte de sang. « Tu es aussi idiote qu’elles, Noëlle ! Il y a des tonnes d’hommes bons là dehors. Pourquoi ne pas essayer de trouver un gars mieux que Léon, hm ? Je te promets que je vais t’aider, alors… alors… » Ses larmes menaçaient de couler.

Noëlle avait secoué la tête. « Ne pleure pas, Rie. »

« Qui a dit que je pleurais ? Je vais te sauver et ensuite je te présenterai à un type bien ! Ensuite… ensuite nous pourrons passer plus de temps… »

Lelia se tenait dans le coin de la pièce, secouant la tête d’un côté à l’autre. « Pourquoi ? Pourquoi m’avoir sauvée ? » Elle n’arrivait pas à le comprendre. Elle était persuadée qu’elle serait figée sur place par le choc si leurs situations étaient inversées, et même si elle parvenait à bouger, elle ne pouvait pas imaginer se mettre entre l’arme et Noëlle. Mais Noëlle était là, sur le point de mourir parce qu’elle avait protégé Lelia.

Noëlle avait murmuré quelque chose de trop faible pour que Lelia l’entende.

Livia avait relevé la tête, les yeux tournés vers Lelia. « Elle dit qu’elle veut te parler. »

Lelia avait tremblé. Elle s’était rapprochée et avait fini par s’asseoir sur le côté du lit pour pouvoir regarder sa sœur. Elle était terrifiée par ce que Noëlle pourrait dire.

« Lelia, » râla Noëlle, « Je ne pense pas qu’il nous reste beaucoup de temps à passer ensemble, alors… Je veux te dire quelque chose. »

« Quoi ? N’abandonne pas si facilement. Tu es la Prêtresse, n’est-ce pas ? Utilise tous les pouvoirs magiques que tu as pour te soigner ! » La prêtresse était censée être spéciale. Elle pouvait sûrement faire quelque chose, n’est-ce pas ?

Faiblement, Noëlle présenta sa main droite et écarta cet espoir. « Le jeune arbre sacré a essayé désespérément de me sauver, mais… il semble que cela ne fonctionne pas. » L’écusson gravé sur sa peau émettait une faible lumière, mais les pouvoirs que possédait le jeune arbre étaient insuffisants pour la sauver de la mort.

« G-Grande soeur ! » Lelia s’époumona, les lèvres tremblantes alors qu’elle essayait d’en dire plus, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge.

Noëlle regarda sa sœur gravement en disant : « Lelia… tu as toujours été celle que nos parents aimaient le plus. »

« Hein ? » Lelia n’arrivait pas à comprendre ce qu’elle entendait. Était-ce quelque chose qu’elle devait entendre maintenant, plus que jamais ? Incapable d’en demander autant, elle garda le silence.

« Nos parents t’ont… toujours aimée. Le fait que tu n’aies pas l’aptitude à être prêtresse… était un mensonge. »

Avec cela, Noëlle avait commencé à révéler une histoire de leur passé — une histoire que Lelia n’avait jamais connue jusqu’à présent.

 

☆☆☆

 

C’était arrivé peu après les cinq ans de Noëlle. La maison Lespinasse était toujours en activité à ce moment-là, et Noëlle et Lelia jouissaient d’un style de vie luxueux. Noëlle avait réussi à écouter de loin une conversation entre ses parents et Lelia.

Son père berçait Lelia dans ses bras en parlant. « Tu es une fille si intelligente ! Et tu as tout à fait raison, en politique, l’avis du peuple est absolument indispensable. »

« Tu veux parler de la démocratie, » dit Lelia.

« Un vocabulaire si complexe. Je suis si fière de toi, Lelia ! »

Noëlle n’avait pas pu comprendre le contenu de leur conversation, mais elle avait remarqué que sa mère et son père souriaient sans cesse en présence de sa sœur.

Sa mère caressa la tête de Lelia et déclara : « Je pense que nous pouvons te confier le véritable avenir de la République, Lelia. »

Les yeux de Lelia s’étaient illuminés. « Veux-tu dire en tant que Prêtresse ? Je peux devenir Prêtresse ! »

Les deux parents affichèrent des sourires crispés face à son excitation. Au lieu de confirmer ce qu’elle espérait, ils avaient été réticents dans leur réponse.

« Oui, la Prêtresse est certainement importante, » dit doucement son père, « mais il y a quelque chose d’encore plus précieux que cela. Tu es une fille intelligente, je suis donc certain que tu seras capable d’assumer nos aspirations. »

Lelia lui avait rendu son sourire. « Ouais ! »

Sa mère avait également entouré Lelia de ses bras. « L’avenir de notre maison est assuré tant que nous t’avons. »

Noëlle s’était sentie un peu exclue, voyant à quel point ses parents chérissaient Lelia.

Cette nuit-là, c’était Noëlle qu’ils avaient convoquée dans leur chambre plutôt que Lelia, cependant. Elle craignait qu’ils ne soient en colère contre elle, mais son estomac bouillonnait tout de même d’impatience — elle aspirait à l’affection qu’ils montraient à sa sœur. Rassemblant tout son courage, elle se rendit dans leur chambre. Ses parents l’accueillirent en silence, le visage solennel.

« Mère, Père, um, uh… » Noëlle bégayait, incapable de les apaiser et de les amadouer comme Lelia le faisait si magistralement.

Ils avaient soupiré, visiblement déçus.

« Noëlle, tu es censée être la grande jumelle de Lelia. S’il te plaît, ressaisis-toi et suis son exemple », dit sa mère.

Son père n’était pas différent. Il avait mis ses mains devant sa bouche et l’avait regardée froidement. « Lelia est une enfant si excellente qu’il est injuste de lui comparer qui que ce soit, mais en tant que jumelles… il est difficile de croire à la disparité entre vous deux. »

Noëlle avait abaissé son regard vers le sol. Lelia pouvait accomplir tout ce qu’elle entreprenait, et tout le monde attendait beaucoup d’elle. Tout le monde parlait de la façon dont elle serait la prochaine prêtresse. Noëlle était à peine une remplaçante. Une simple assurance.

Son silence sembla intensifier l’agitation de ses parents, mais sa mère annonça alors : « Noëlle, tu seras la prochaine prêtresse. »

« Quoi — ? » Sa tête s’était levée. Pendant un moment, elle était en extase, pensant que ses parents avaient enfin reconnu ses capacités, mais elle fut rapidement ramenée à la cruelle réalité.

« Nous ne pouvons pas permettre à Lelia de devenir Prêtresse et de mener la vie difficile qui l’attendrait, » dit son père. « Nous avons besoin d’elle pour poursuivre notre rêve. C’est pourquoi nous allons annoncer qu’elle n’a pas les aptitudes pour être prêtresse. »

La seule raison pour laquelle Lelia ne devenait pas prêtresse était qu’ils voulaient la protéger. Noëlle avait entendu les mots, mais en digérer le sens lui avait donné du mal. Dans son esprit enfantin, elle ne pensait qu’à son empressement à leur faire plaisir.

« Uh, um… Père ? Je donnerai tout ce que j’ai. Je jure que je ferai de mon mieux en tant que prêtresse et que j’accomplirai votre volonté ! » Elle les suppliait de se concentrer sur elle, de lui accorder un peu de reconnaissance. Mais malheureusement, ses parents n’avaient aucune attente à son égard.

« Tu vas “faire de ton mieux” en tant que prêtresse ? » se moqua sa mère. « Alors raison de plus pour laquelle nous ne pouvons pas te confier notre volonté. Cependant, tu es l’aînée, alors assure-toi de protéger Lelia. L’espoir de notre maison repose sur elle. »

« L’espoir ? » avait fait écho Noëlle. Cela donnait l’impression qu’ils ne voyaient aucun espoir en elle. Lelia et elle étaient censées être jumelles, mais ses parents lui avaient essentiellement ordonné de vivre pour le bien de sa sœur.

« Tu comprends, Noëlle ? Peu importe ce qui arrivera dans le futur, tu dois protéger Lelia », déclara sa mère avec plus d’insistance. Sa voix était si intimidante que Noëlle avait reculé en hochant la tête.

Son père semblait soulagé qu’elle accepte. « Bien. De cette façon, nous pouvons garder Lelia protégée. Au fait, Noëlle, tu ne dois pas en parler à qui que ce soit. Y compris à Lelia. Elle est trop intelligente. »

À ce moment-là, Noëlle s’était demandée : Si je me comportais mieux, est-ce qu’ils me couvriraient aussi d’affection ? Elle avait décidé d’honorer la promesse qu’elle leur avait faite — de protéger Lelia quoi qu’il arrive — à partir de cet espoir futile.

 

☆☆☆

 

Noëlle avait terminé son récit et s’était arrêtée. Le visage crispé par l’agonie, elle cracha un tas de sang.

« Grande sœur ! » Lelia avait haleté.

Ses lèvres étaient tachées de cramoisi, mais Noëlle était toujours déterminée à parler. « J’étais si maladroite — pas du tout gracieuse comme toi… donc il n’y avait pas grand chose que je pouvais faire pour t’aider. Mais j’ai quand même fait de mon mieux, en tant que grande soeur… »

« Assez ! Ça suffit maintenant, ce n’est pas la peine de continuer à parler ! »

Noëlle avait attrapé Lelia par le bras. « J’étais tellement jalouse de toi… Tu pouvais tout faire si facilement, et tout le monde t’aimait toujours. Regarde Clément et tu verras ce que je veux dire. Tu étais toujours plus importante pour tout le monde que moi. »

Lelia secoua la tête. « Non. Non, ce n’est pas vrai ! Je ne suis pas… »

Avant qu’elle n’ait pu terminer, Noëlle avait forcé son plus beau sourire — bien qu’elle ne sache pas pourquoi — et avait dit : « Je te détestais. Nous sommes jumelles, mais nos parents n’ont jamais aimé que toi. L’aptitude de prêtresse était une absurdité — j’ai compris cela après avoir entendu l’histoire de Monsieur Albergue. Nos parents… savaient depuis le début que je ne pourrais jamais vraiment être prêtresse. Ils le savaient, et c’est pour ça qu’ils m’ont fait porter ce fardeau. »

Lelia avait plaqué ses mains sur ses oreilles, ne voulant pas en entendre plus.

« Tu étais aimée », déclara Noëlle. « Bien plus que je ne l’ai jamais été. Pourquoi refuses-tu de voir la vérité en face ? La même chose est vraie pour Émile… Pourquoi as-tu ignoré ses sentiments ? »

« P-Parce que je… ! » Lelia avait éclaté en sanglots.

« Tout le monde t’a toujours aimée plus que moi… et maintenant on dirait que je n’ai plus le temps. Tu vas devoir te débrouiller toute seule à partir de maintenant. »

Lelia s’était accrochée à sa sœur. « Attends ! S’il te plaît, je t’en supplie ! »

Les yeux de Noëlle s’étaient fermés, et elle avait sombré dans l’inconscience.

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Claramiel

Bonjour, Alors que dire sur moi, Je suis Clarisse.

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