Chapitre 8 : Les liens familiaux
Partie 2
« Alors c’est ce que tu ressens vraiment, hein ? » Greg se moqua. « Luxon peut parler comme un con, mais il n’est pas pourri jusqu’à la moelle comme toi. »
« Luxon… » La voix d’Ideal était pleine de dégoût. « L’IA de ce vaisseau migrateur doit vraiment être défectueuse. En te prêtant son aide, il a trahi les anciens humains. Je vais prendre le contrôle de son corps principal. »
Arroganz avait chargé. « Je suis malade et fatigué de tout ton babillage inepte ! »
Ideal avait envoyé ses tourelles pour s’occuper d’Arroganz, mais elles avaient à peine eu le temps de bouger que le plafond au-dessus d’elles avait cédé et s’était effondré, laissant place au Gier à quatre pattes.
« Te voilà, sac à merde ! » Il frappa du pied Arroganz et l’envoya directement dans le sol. Plusieurs Armures le suivirent, détruisant encore plus le plafond et désactivant la barrière qu’Ideal avait mise en place pour protéger Yumeria.
« Qu’est-ce qui vous prend de détruire toutes les défenses que j’ai installées !? » demanda Ideal à son maître.
« Ne te mets pas en travers de mon chemin. Cet abruti est à moi, » répondit Serge. L’euphorie inondait ses veines alors qu’il coinçait Arroganz sous lui, l’amplificateur de force faisait grimper sa soif de sang à des hauteurs sans précédent. Cela avait également brouillé son jugement.
Greg et Chris avaient chargé Serge ensemble, repoussant Gier tandis que Brad et Loïc s’étaient séparés pour mettre Arroganz en sécurité. Ses subordonnés avaient continué à les attaquer depuis les airs.
« Vous avez tous oublié que la Prêtresse est ici !? » hurla Ideal.
Serge ne lui avait pas prêté attention. Son regard était fixé sur Arroganz. Certain que Léon était à l’intérieur, il s’écria : « Depuis que tu m’as mis à terre — non, même avant ça, je n’ai pas pu me sortir ton visage de mon esprit. Je ne pourrai jamais vivre pleinement si je ne te tue pas. Je te le demande gentiment : disparais de mon existence, Léon ! »
Loïc se heurta à Serge, le poussant hors du chemin. « Serge, ça suffit ! Est-ce vraiment ce que tu voulais ? Je croyais que ton rêve était de devenir un aventurier ? »
« Hein, je vois. Tu es de leur côté maintenant, hein ? Ça fait aussi de toi un ennemi. Je vais te battre, t’écraser, et ensuite montrer à ton père ton cadavre brisé ! » Ses mots indiquaient que les chefs des six grandes maisons étaient toujours en vie.
Jilk leva son fusil et bombarda les ennemis d’une pluie de tirs depuis le haut. « J’aimerais éviter de me battre ici, si possible. Conduisons-les à l’extérieur. »
Brad acquiesça. « Tu as raison. L’extérieur serait mieux. » Il lança des drones depuis son dos et les laissa s’occuper des armures et des tourelles automatisées de l’ennemi. Bien que ses drones aient la forme de lances, ils fonctionnaient comme des mitrailleuses et déversaient une grêle de balles sur l’ennemi. Des cercles magiques étaient apparus sur les Armures des rebelles — les blasons des Six Grandes Maisons — et avaient dévié les tirs qui auraient pu trouver leur cible.
« Sérieusement ? Même ses larbins sont aussi puissants !? » grommela Brad, surpris, alors même qu’il tentait de chasser plusieurs ennemis à l’extérieur.
Chris engageait le combat avec Serge avec son épée, mais ce dernier le repoussait facilement avec son bouclier. L’armure de Chris s’était écrasée sur le sol et avait roulé en glapissant depuis l’intérieur du cockpit. Greg se déplaça immédiatement pour l’intercepter, mais il n’était pas non plus de taille pour Serge. « Cet imbécile est encore plus fort qu’Arroganz, n’est-ce pas ? »
Alors que Greg était choqué, Serge gloussait de joie. Le pouvoir écrasant que Gier lui avait fourni l’avait rendu si confiant qu’il était heureux de jubiler devant eux. « J’ai fait préparer cette chose spécialement pour pouvoir tuer Léon. Bien sûr que c’est fort ! »
Aucun d’entre eux n’était à la hauteur du Gier déchaîné de Serge, mais quand Arroganz s’était élancée dans les airs et s’était dirigé vers l’extérieur, il s’était empressé de le poursuivre.
« N’ose pas t’enfuir, lâche ! Tu es le seul que je ne laisserai pas s’échapper ! Je dois traîner ton cadavre devant mon père et ma soeur. C’est ce qu’il faudra pour qu’ils me reconnaissent enfin comme faisant partie de la famille ! » Dans son état de frénésie, Serge avait négligé de s’adresser à Louise et à Albergue par leurs noms, comme il le faisait habituellement. Mais personne n’avait eu le courage de le remarquer ou de le faire remarquer.
Arroganz avait fini par sortir, où le royaume et l’armée rebelle étaient engagés dans une bataille acharnée. L’Einhorn avait, à un moment donné, repris le chemin des cieux pour les rejoindre. Arroganz avait penché son cou pour trouver Gier qui le poursuivait.
« Tu te fais des illusions si tu crois que tu peux m’échapper ! J’ai l’Arbre Sacré qui me nourrit d’énergie et de puissance ! » Gier avait frappé Arroganz avec un pied, le faisant tournoyer dans les airs. Avant qu’Arroganz ne puisse reprendre ses esprits, Gier l’avait rattrapé et l’avait frappé avec un bouclier. L’Arroganz s’était précipitée vers le sol.
« Et la vitesse aussi ! » Alors que l’Arroganz plongeait, Gier se lançait à sa poursuite avec sa lance dirigée vers le cockpit. Serge avait l’intention de plaquer son ennemi au sol et de plonger la lance en son centre. « Je suis bien plus fort que toi ! Bien plus apte à faire partie de leur famille ! »
Arroganz avait placé ses deux mains devant lui, émettant une onde de choc qui avait fait vaciller Gier en arrière. Cela n’avait pas empêché Arroganz de percuter le sol, mais il s’était rapidement remis sur pied. Gier était également tombé sur le sol, mais il avait réussi à atterrir en toute sécurité sur ses quatre pattes.
« Ah ha ha ha ! » Serge avait gloussé comme un fou. Il avait perdu toute prise sur la réalité. Tout ce qu’il voyait était Arroganz, ce qui le rendait aveugle à ce qui allait arriver.
« Tu nous as oubliés, n’est-ce pas ? »
Greg et Chris s’étaient lancés sur Gier dans une attaque en tenaille. Gier bloqua Chris avec son bouclier à temps, mais il ne put empêcher la pointe de la lance de Greg de lui transpercer la poitrine.
« Tu te moques de moi. Ça ne va pas plonger jusqu’au bout !? » grommela Greg. Il avait à peine fini de se plaindre qu’une autre attaque arriva sur Gier par derrière. Celle-ci avait fait frémir toute l’Armure.
« Merde ! J’en ai marre de vos petites mouches qui me tournent autour ! » Serge s’en était pris à Greg et aux autres dans l’espoir de s’en débarrasser avant de revenir à sa véritable cible, mais les drones en forme de lance que Brad avait lancés plus tôt se précipitèrent sur lui pour le cribler de balles de mitraillettes. Pris par surprise, il flancha et offrit ainsi une ouverture à Greg et Chris.
Jilk avait visé les articulations de Gier avec son fusil alors que le barrage continuait. « Nous avons eu de nombreuses occasions, grâce à la manière aveugle dont il se bat — il semble voir le Comte Bartfort comme sa seule cible. Apparemment, cela ne suffira cependant pas à l’abattre. Quel adversaire difficile ! »
Le schéma de combat qu’ils utilisaient était celui-là même qu’ils avaient mis au point afin de combattre à armes égales contre Léon lorsqu’il pilotait Arroganz. Au lieu d’engager l’adversaire dans un combat en un contre un, ils avaient opté pour des attaques synchronisées — un quatre contre un. Mais autant Gier avait souffert sous leurs assauts, autant il leur en faudrait plus pour le mettre à genoux.
« Laisse-le nous, » cria Chris à Arroganz. « Retourne au temple et sauve Mlle Yumeria ! »
Arroganz avait immédiatement fait demi-tour, vers le temple, pour partir.
Serge hurla après lui, « Ne pense même pas à faire ça ! Bats-toi contre moi, Léon ! J’ai attendu ce moment depuis si longtemps, bon sang ! »
☆☆☆
Arroganz était retournée dans le Temple de l’Arbre Sacré.
Un Ideal amer fit une remarque : « Je suppose que Serge n’a pas réussi à se rendre utile après tout. » Les mots étaient à peine prononcés qu’Arroganz le saisit et libéra une onde de choc qui réduisit son corps en poussière.
La trappe du cockpit de l’Arroganz s’était ouverte. La personne qui en est sortie n’était pas Léon, mais Kyle.
« Mère ! Maman ! » Il sauta sur la main d’Arroganz, qui s’abaissa jusqu’à ce qu’elle soit assez proche pour que Kyle puisse tendre la main à Yumeria de là où il se tenait. Ses yeux étaient ouverts, mais elle ne semblait pas consciente. Il avait beau l’appeler, elle ne répondait pas. Il l’appela encore plus, sans se décourager.
« Je suis… Je suis tellement désolé. C’est moi qui avais tort. S’il te plaît, reviens avec moi. Je ne veux pas que tu partes. C’est bien si nous devons être séparés, vraiment, mais pas si tu souffres ! Je ne peux pas supporter de te voir comme ça ! »
De grosses larmes désespérées avaient roulé sur ses joues alors qu’il criait. Une partie de la raison pour laquelle il avait été si froid avec elle auparavant était parce qu’il était trop gêné pour être sincère, mais il avait aussi voulu qu’elle ait une meilleure tête sur ses épaules.
« Je veux qu’on passe plus de temps ensemble. Parce que… parce que je vais finir par mourir avant toi ! Je ne peux pas toujours être avec toi, c’est pourquoi je… »
Yumeria était une elfe de sang pur. Kyle était un demi-elfe. Les gens ne pouvaient pas faire la différence par leur apparence, mais la plus grande différence entre eux était leur durée de vie. Les demi-elfes vivaient seulement aussi longtemps que les humains, alors que les races semi-humaines comme les elfes vivaient plusieurs fois plus longtemps que cela. De même, les demi-elfes mûrissaient au même rythme que les humains. Kyle avait encore l’air d’un jeune garçon, mais il deviendrait adulte bien assez tôt… et un jour, il mourrait, bien avant Yumeria.
« Tu n’es peut-être pas fiable, mais tu es aussi si gentille et douce. C’est ce que j’aime chez toi. Le problème, c’est que tu risques d’être trompée ou manipulée si je ne fais pas attention et ne te protège pas. Alors je voulais que tu te ressaisisses. Je pensais que c’était moi qui avais raison. »
Les larmes coulaient de plus en plus vite tandis qu’il plaidait sa cause, espérant le pardon. Yumeria n’avait pas réagi. Son espoir faiblit alors qu’il serra sa main dans la sienne. « Je suis tellement désolé, Mère. Tu vois, je… Je t’aime vraiment. Et je suis tellement, tellement désolé de t’avoir fait fuir — d’avoir causé ce qui t’arrive maintenant… »
Cela n’avait pas d’importance si Yumeria ne reprenait jamais conscience, Kyle avait l’intention de s’occuper d’elle. Il tendit une main vers elle. Au moment où ses doigts effleurèrent l’Arbre Sacré, sa mère — qui était jusqu’à présent affalée en avant — releva lentement son visage. Elle semblait stupéfaite.
« Hein ? Est-ce déjà l’aube ? » Ses yeux s’étaient posés sur lui. « Oh, bonjour, Kyle… Hm ? Kyle, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi pleures-tu comme ça ? Es-tu blessé ? Euh, euh, ne t’inquiète pas, je peux te guérir tout de suite, attends juste… Attends, quoi ? Pourquoi ne puis-je pas bouger ? » Elle était réveillée, bien que confuse par son environnement. Kyle jeta ses bras autour d’elle et se serra contre elle en sanglotant.
« Je suis désolééééé ! Je suis si désolééééé ! » Kyle avait hurlé. Ses larmes rendaient sa voix à peine compréhensible.
Yumeria avait souri tendrement. « Je ne suis pas sûre de ce qui se passe, mais quoi qu’il en soit, je te pardonne. Comment pourrais-je ne pas le faire ? Je suis ta mère. »
Les écrans d’Arroganz avaient brillé en voyant que Yumeria avait repris conscience. Il s’était étiré et avait arraché les branches qui l’emprisonnaient. Il bougeait, même sans pilote. Quand Yumeria fut libre, Kyle la guida vers le cockpit de l’Armure. « Mère, par ici ! »
« Es-tu sûr de ça ? Lord Léon ne sera-t-il pas fâché contre nous, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr qu’il ne le fera pas ! J’ai déjà obtenu sa permission. Dépêche-toi et rentre ! Nous avons des ennemis tout autour de nous ! » Kyle risqua un regard vers le haut, juste à temps pour voir le Gier de Serge flotter au-dessus d’eux.
Il les avait regardés fixement et avait marmonné : « Léon n’était pas dans cette chose ? Et vous deux… vous êtes mère et fils ? »
Kyle avait entouré Yumeria de ses bras protecteurs. C’est mauvais, pensa-t-il. S’il attaque maintenant, nous sommes foutus.
La main droite de Gier s’était dirigée vers eux. Kyle avait tenté de pousser sa mère hors du chemin dans l’espoir qu’elle puisse se réfugier dans la sécurité relative du cockpit d’Arroganz. Yumeria avait été plus rapide. Elle l’avait poussé en premier avant qu’il n’ait pu le faire. Kyle s’était retrouvé dans le cockpit à la place. « M-Mère ! »
Elle jeta un coup d’œil à son visage et sourit, même si la main de Gier se précipita sur elle. Kyle avait tendu sa propre main, désespérément pour l’atteindre. Non ! Pas après que j’ai fait tout ce chemin pour te récupérer !
Arroganz détacha son conteneur arrière et le propulsa droit sur Gier. Les propulseurs avaient augmenté leur puissance, poussant l’autre Armure en arrière.
« Je ne te laisserai pas partir ! » Serge avait rugi.
Kyle avait saisi sa chance et avait attrapé Yumeria par la main. Il l’avait traînée jusqu’à la sécurité du cockpit et avait crié : « Arroganz, on y est ! »
La trappe s’était fermée. L’Arroganz s’était élevée dans les airs. Sans son conteneur arrière, et donc sans ses propulseurs, sa vitesse avait considérablement diminué. Pire, Gier était sur les traces de l’Arroganz maintenant qu’il avait détruit le container, et menaçait de l’embrocher avec sa lance.
Brad avait bondi entre eux. « Dépêchez-vous ! Allez jusqu’à Bartfort ! » Son armure était sévèrement endommagée, mais il avait réussi à s’accrocher à Gier et à ralentir Serge.
« Merci ! » dit Kyle.
Arroganz avait entrepris de retourner jusqu’à l’Einhorn. Le temps qu’il atteigne les cieux au-dessus du Temple de l’Arbre Sacré, les dirigeables ennemis étaient introuvables. Les Armures des armées rebelles devaient également avoir été vaincues, car Kyle ne voyait plus que les dirigeables et les Armures de ses alliés.
Léon les attendait sur le pont de l’Einhorn.
merci pour le chapitre