Chapitre 7 : Un combat entre sœurs
Partie 3
Quand j’étais arrivé sur le pont, j’avais trouvé Loïc debout. Un petit navire l’avait transporté ici, et pour une raison inconnue, il était prêt à rejoindre le combat.
« Comte Bartfort, j’aimerais que vous me permettiez de me joindre à vous », avait-il dit.
« Tu sais que Marie est sur l’autre vaisseau, n’est-ce pas ? »
Il avait cligné des yeux lentement vers moi. « Elle est là-bas ? N-Non, je veux dire, ce n’est pas pourquoi je suis ici. Je veux me battre à vos côtés. »
Greg se renfrogna et s’avança vers Loïc en l’attrapant par le col de sa chemise. « Ce n’est pas un jeu ici ! Sans le pouvoir de l’Arbre Sacré, tu ne feras que nous gêner ! »
Son emportement m’avait pris par surprise, mais il n’avait pas tort, nous ne pouvions pas nous permettre de laisser quelqu’un comme Loïc nous rejoindre. Les nobles de la République étaient extraordinairement faibles sans la puissance de leurs blasons. Loïc était plus tonique et musclé que la plupart d’entre eux, mais cela ne le rendait que légèrement plus efficace qu’un fantassin moyen. Il y avait un écart évident entre ses compétences et le reste d’entre nous, qui avions travaillé jusqu’à l’os juste pour trouver assez d’argent pour des cadeaux à offrir aux filles holfortiennes à l’académie.
Loïc avait tenu bon et avait répondu : « Je peux au moins être un bouclier pour vous, même si c’est tout ce que je peux faire. »
« Qu’est-ce que tu viens de dire ? » grogna Greg.
« Milady m’a sauvé la vie, je lui suis donc redevable. De plus, ce serait plus pratique de m’avoir avec vous puisque je connais la disposition du temple. Je vous en supplie. Laissez-moi vous aider ! »
Ce serait beaucoup plus facile pour nous de nous déplacer avec lui. Greg me lança un regard et j’acquiesçai. Il relâcha sa prise sur la chemise de Loïc et se gratta l’arrière de la tête avant de tourner le dos à l’autre homme.
« Fais comme tu veux », avait-il dit. « Mais Marie serait triste si tu mourais, alors ne nous fait pas faux bond. »
« Merci ! »
Je trouvais ironique que Greg dise une telle chose à Loïc, étant donné qu’ils avaient tous deux des vues sur la même femme et étaient logiquement rivaux l’un de l’autre. De toute évidence, seuls les beaux hommes comme lui avaient la magnanimité de réciter de telles lignes. Je savais que je serais trop jaloux pour faire la même chose à sa place.
« Nous avons une Armure de rechange à portée de main que tu pourrais utiliser. Prends la blanche, » dis-je. C’était celle de Julius, mais puisqu’il ne se joignait pas à nous, elle pourrait au moins fournir une protection suffisante à Loïc pour qu’il ne meure pas au combat… J’espérais.
« J’apprécie beaucoup. Avec ça, je vais pouvoir me battre avec vous. Le fait de ne pas pouvoir intervenir et faire quoi que ce soit alors que vous étiez tous entraînés dans notre conflit m’a beaucoup vexé. »
Ce n’était donc pas une décision prise sur un coup de tête, mais quelque chose qu’il avait mûrement réfléchit. J’étais impressionné. Malheureusement, cette scène avait été interrompue quand une personne étonnamment familière était apparue — une personne que je n’avais pas vue depuis un certain temps. Pas dans cet accoutrement, en tout cas.
« Messieurs ! Cela fait bien trop longtemps ! » Julius — pardon, je veux dire — le chevalier masqué se tenait devant nous.
La dernière fois que je l’avais vu, c’était pendant la guerre entre le Royaume de Holfort et l’ancienne Principauté de Fanos. Il avait l’air tout aussi suspect qu’à l’époque avec son masque et sa cape, ainsi que sa démarche assurée.
« C’est l’homme masqué ! » Chris avait pris l’épée à sa hanche et l’avait dégainée.
Brad conjura immédiatement une boule de feu dans ses mains. « Pourquoi est-il aussi ici dans la République !? »
Les deux autres crétins le rejoignirent, tous les quatre complètement inconscients de la véritable identité de l’homme. Même le frère adoptif de Julius — qui avait été élevé aux côtés du prince depuis son plus jeune âge — ne le reconnut pas et pointa le canon de son arme sur le chevalier masqué.
Loïc avait cligné des yeux à plusieurs reprises. Il ne pouvait pas comprendre ce qu’il voyait.
Luxon s’était approché de mon oreille et avait dit : « Alors on recommence cette petite charade ? Pourquoi ne pas renoncer à la ruse et révéler son identité une fois pour toutes ? »
« Je ne veux pas être impliqué », avais-je dit. « De plus, on ne sait jamais. Peut-être que ces idiots apprécient leur petit jeu théâtral. Mieux vaut les laisser faire, quoi qu’il arrive. C’est une comédie plutôt amusante tant que tu te tiens à distance. »
Une partie de moi était désolée pour Marie et la façon dont elle devait supporter les pitreries de ces idiots, mais le reste de moi pensait que c’était bien fait pour elle. Le moins qu’ils puissent faire est de me divertir un peu.
Le chevalier masqué s’était avancé vers moi. « Cela fait longtemps, comte Bartfort. »
Attends. Tu me parles tout d’un coup ?
« Euh, ouais… »
« J’ai entendu que les chances sont contre vous. Bien que cela ne représente pas grand chose, je vous prêterais mon pouvoir. Je demande seulement que vous me fournissiez une armure convenable à utiliser. La blanche du Prince Julius est disponible, n’est-ce pas ? »
Tu as vraiment le pire timing du monde.
Alors que le chevalier masqué semblait confiant que j’allais accéder à sa demande, j’avais jeté un coup d’œil à Loïc et j’avais dit : « Euh, désolé mais pas possible. Je viens de promettre à Loïc qu’il pourrait le piloter. »
Loïc avait regardé l’homme masqué avec méfiance. Vu le peu de contacts qu’il avait eu avec Julius, je ne m’attendais pas à ce qu’il devine sa véritable identité.
« Vous avez entendu le monsieur, » dit Loïc. « Si vous n’avez plus rien à faire ici, partez. »
« Comment osez-vous ? Cette armure m’appartient ! »
« Il appartient au comte Bartfort, n’est-ce pas ? » Loïc avait examiné le chevalier. « Quel est l’intérêt de ce drôle de masque ? Pourquoi ne pas l’enlever et nous donner votre vrai nom ? »
Le chevalier masqué avait tressailli. Aussi valables que soient les demandes de Loïc, le chevalier ne pouvait pas les accepter. Il se racla la gorge et dit : « N’est-il pas évident pour vous que j’ai de bonnes raisons de garder mon identité cachée ? Comte Bartfort, je vous assure que cet homme n’est pas apte à piloter l’Armure blanche. Permettez-moi de le faire à sa place ! »
Dommage. On avait besoin de Loïc pour nous montrer le chemin une fois arrivé au temple. Il était plus prioritaire que Julius. « Renoncez à venir avec nous et suivez-moi plutôt sur le pont. Je peux au moins vous offrir du thé. »
« Pourquoi pensez-vous que j’ai pris la peine de venir ici ! ? Laissez-moi y aller ! »
☆☆☆
Nous avions quitté le pont après cela et nous nous étions dirigés vers le hangar de l’Einhorn. Jilk avait regardé Loïc monter dans le cockpit de l’Armure blanche, vêtu de la tenue de pilote qui avait été conçue à l’origine pour Julius. Il marmonnait en lui-même : « Le comte Bartfort est un homme assez déroutant. Il faut un sacré culot pour affronter un adversaire comme la République avec une toute petite flotte comme la nôtre. »
« C’est l’armée rebelle, pas la République, » corrigea Brad. « Et ils n’ont que deux cents vaisseaux. Je pense que nous avons de bonnes chances de gagner. »
« Même si leur force de combat est au moins six fois supérieure à la nôtre ? »
Brad avait haussé les épaules. « Notre objectif est le sauvetage de Mlle Yumeria, non ? Ils ne pourront pas nous pourchasser si nous fuyons par la suite. Tous leurs armements sont faits spécifiquement pour la défense, après tout. À la seconde où ils quittent leurs frontières, ils ne peuvent plus se battre. »
La dépendance de la République au pouvoir de l’Arbre Sacré signifiait qu’elle était inévitablement affaiblie lorsqu’elle sortait de ses limites. L’argument de Brad avait été retenu.
« Si notre adversaire a vraiment les mêmes capacités que Luxon, alors ne serait-il pas raisonnable de penser qu’ils pourront se battre même en dehors des frontières de la République ? » Chris s’était interposé.
« Argh… » Brad grimaça. « Je-je suppose que tu as raison. Mais Luxon a dit que nous avions de bonnes chances. Je suis sûr qu’ils ont prévu une stratégie secrète. »
Chris avait plaisanté : « Ne trouves-tu pas que c’est un peu bizarre d’agir de façon aussi arrogante alors que tu n’as aucune idée de ce que cette prétendue stratégie secrète implique ? »
Brad était resté silencieux cette fois.
Greg avait froncé les sourcils. « Concentrez-vous, les gars. Cette fois, on ne peut vraiment pas se permettre de faire n’importe quoi, surtout quand on sait à qui on a affaire. »
Ideal était un artefact perdu tout comme Luxon, et il apportait tout son soutien à Serge. Greg et les autres garçons avaient vu par eux-mêmes la puissance d’Arroganz lorsqu’ils l’avaient combattu. Ils savaient à quel point c’était terrifiant. Leur adversaire viendrait vers eux avec une force similaire.
En ce qui concerne l’Arroganz, Léon était déjà bien installé dans son cockpit et hors de vue. Alors que les quatre nobles garçons discutaient entre eux, sa voix résonna à l’intérieur : « Je commence à en avoir marre de vos bavardages ! On dirait une bande d’enfants dans une cour de récréation. Essayez de baisser d’un ton, voulez-vous !? »
Jilk fronça les sourcils, habitué sinon perpétuellement épuisé par l’attitude de Léon. « Tu as vraiment une langue mordante, et pas dans le bon sens du terme. »
« Fermez-la tous et faites votre travail en tant que mes boucliers de viande. »
S’ils n’étaient pas irrités par l’attitude de Léon avant, ils l’étaient certainement maintenant.