Chapitre 7 : Un combat entre sœurs
Partie 1
Les forces les plus proéminentes dans le combat à venir s’étaient rassemblées dans la salle de réunion de l’Einhorn. Mes amis d’école à l’air mal à l’aise étaient alignés contre le mur. J’avais supposé que leur malaise venait du fait qu’ils partageaient la même pièce que Julius et les autres anciens héritiers nobles d’élite. Mlle Louise, qui était pratiquement une princesse étrangère, était là aux côtés de la prêtresse, Noëlle. Puis venaient Anjie et Livia, qui étaient blotties à côté de moi. La présence d’Émile et de Lelia n’avait probablement pas arrangé les choses, le premier étant le fils de l’une des Six Grandes Maisons, tandis que la seconde était une survivante de la Maison Lespinasse déchue. La pièce était remplie de personnages de haut rang et de premier plan. N’importe qui aurait été déstabilisé, je ne pouvais donc pas blâmer mes amis de se sentir intimidés.
« Ne sommes-nous pas totalement déplacés ici ? » demanda Daniel à voix basse.
Raymond répondit en chuchotant : « Oui, euh, pourquoi sommes-nous ici avec Son Altesse et les autres fils de grands seigneurs ? »
Je les avais ignorés pour regarder la carte de la République étalée sur la table. Nous avions besoin de reconfirmer la situation actuelle.
« Maintenant, » avais-je dit, « Ceci nous montre les terres de la République. Nous savons que Mlle Yumeria a réussi à voler les blasons de chaque homme à l’intérieur de ces frontières. » J’avais fait une pause pour jeter un coup d’œil à Mlle Louise, qui était devenue terriblement pâle. Elle était vraisemblablement préoccupée par la sécurité de sa famille. Serge avait fait prisonnier, Monsieur Albergue, et nous n’avions aucune information pour confirmer la sécurité de sa mère à ce stade. « La plupart des armes de la République nécessitent d’être alimentées en énergie par des emblèmes. Il en va de même pour leurs dirigeables et leurs Armures. À cause de ça, l’armée de la République est essentiellement impuissante à l’heure actuelle. Elle ne peut ni s’opposer à nous, ni nous rejoindre en tant qu’alliés. »
L’armée de la République était bien trop dépendante de l’Arbre Sacré, ce qui la rendait totalement inutile dans l’urgence actuelle. Ils n’auraient pas imaginé dans leurs rêves les plus fous que tous les nobles du pays se feraient voler leurs armoiries d’un seul coup comme ça.
« Honnêtement, je suis juste heureux qu’ils ne puissent pas se mettre en travers du chemin. Cela signifie que nos seuls ennemis sont Serge et ses partisans. »
Lelia s’était levée de sa chaise dès que j’avais dit ça. « Attends une seconde. As-tu vraiment l’intention de te battre contre Serge ? » Je pouvais voir qu’elle avait du mal à comprendre la situation.
Émile ajouta : « Lelia, Serge ne peut pas être laissé en liberté après ce qu’il a fait. »
« Mais quand même ! Je sais qu’il doit avoir une sorte de raison pour faire ça. Il le doit ! » Elle secoua la tête. « C’est vrai, si vous n’étiez jamais venus en République, Serge n’aurait pas eu recours à ça ! » Ses yeux étaient remplis de haine et elle nous regardait fixement.
Donc elle pense qu’il n’aurait jamais commencé une révolution si ce n’était pas pour nous ? Huh. Elle n’a pas tout à fait tort ! C’était quand même le choix de Serge de commencer tout ça, pas le nôtre.
« Désolé, mais peux-tu garder tes diatribes hypothétiques pour plus tard ? » Je lui avais lancé un regard sombre. « Nous aimerions sauver Mlle Yumeria. »
« Tu es vraiment une ordure. Je ne comprends pas comment tu peux être si calme dans une situation comme celle-ci. »
J’avais haussé les épaules. « Et si je paniquais, qui viendrait à mon secours ? Crois-tu que Serge oubliera le passé si je verse quelques larmes ? »
Lelia n’avait pas d’argument pour ça, parce que j’avais raison. Elle avait baissé son regard vers le sol. D’un point de vue purement logique, elle savait que j’avais raison, mais ses émotions ne lui permettaient pas d’être d’accord avec moi.
Noëlle s’était approchée et avait serré la main de sa sœur en disant : « Ressaisis-toi. »
« Grande sœur ? »
« Serge doit assumer la responsabilité des décisions qu’il a prises. Ne blâme pas Léon pour cela. »
Noëlle ne connaissait pas tous les détails des jeux et de leur scénario. Ainsi, les mots de Lelia sonnaient-ils encore plus cruels qu’ils ne l’étaient en réalité à ses oreilles. Ce n’était que parce que Lelia et moi avions des souvenirs de notre vie passée que nous connaissions la vérité, alors quand on prenait cela en compte, on ne pouvait peut-être pas prétendre être complètement irréprochables. C’était précisément la raison pour laquelle je me sentais un peu responsable de la situation actuelle, même si je reconnaissais que Noëlle supposait que cela n’avait rien à voir avec moi.
J’avais tapé dans mes mains pour attirer l’attention de tous. « Très bien, assez de chamailleries. Nous n’avons pas de temps à perdre. Je vais passer à l’explication de notre plan de bataille : en gros, nous allons prendre d’assaut le Temple de l’Arbre Sacré et sauver Mlle Yumeria. »
Brad se tapa le front, grimaçant comme si cela lui faisait soudainement mal. « Tu appelles ça un plan ? Si ce que Serge a dit est vrai, Mlle Yumeria est maintenant la prêtresse de l’Arbre Sacré, n’est-ce pas ? Ne penses-tu pas qu’ils vont mettre leur vie en jeu pour la protéger ? »
« Avec le peu que nous avons, penses-tu vraiment que nous avons le temps de mettre au point une sorte de plan élaboré ? On va s’introduire là-dedans, l’attraper, et s’enfuir », avais-je dit.
« Je me demande vraiment si les choses vont se passer aussi bien que ça… »
« Pourquoi pas ? Ça a très bien marché quand je vous ai battus à plate couture avant. »
Brad avait ricané. « Tu aimes vraiment verser du sel dans les blessures des gens. »
Nous ne pouvions rien faire de trop voyant avant d’avoir sauvé Mlle Yumeria, mais une fois qu’elle serait en sécurité sous notre garde, les choses devraient se dérouler sans problème. Julius semblait moins convaincu, il soupira anxieusement et dit, « Je suppose que nous devrons penser aux détails nous-mêmes. Vu qu’ils sont beaucoup plus nombreux que nous, je suppose que notre meilleure chance serait de lancer une offensive complète avant de battre en retraite rapidement. Dans ce cas, nous irons également là-bas dans nos armures. » Il était plus que motivé pour nous rejoindre dans la bataille, même s’il avait quelques réserves.
Jilk avait secoué la tête. Bien sûr, ce ne serait pas si facile. « Non, c’est trop dangereux, Votre Altesse. Tu restes ici pendant que le reste des personnes iront à la bataille. »
« Quoi ? »
Greg croisa les bras et hocha la tête. « C’est logique, vu que tu es un prince. »
« Eh bien, oui, je comprends, mais…, » La voix de Julius s’était tue. Il n’était pas en position d’argumenter avec eux, mais il ne voulait pas non plus rester sur la touche. Personnellement, si j’étais à sa place et que tout le monde me disait de me retirer, je le ferais volontiers. Il était bien plus consciencieux que moi à cet égard.
« Vu les circonstances, ta simple participation pourrait avoir des répercussions plus tard », dit Chris, qui avait aussi l’intention de décourager son ami. « Je suis d’accord. Il serait préférable que tu restes en dehors de ça, Julius. »
Julius avait baissé sa tête en signe de déception.
☆☆☆
Alors que Léon et les autres garçons avaient commencé à se préparer, les membres féminins de leur groupe étaient restés ensemble dans la salle de réunion. Un air gêné s’était installé autour d’elles.
Carla s’était penchée près de Marie et lui avait chuchoté à l’oreille : « Lady Marie, j’ai peur. Terrifiée, en fait. On pourrait couper la tension ici avec un couteau ! »
« Ne t’inquiète pas. Je peux toujours intervenir pour les arrêter si nécessaire, » lui avait assuré Marie.
Elles faisaient référence à Lelia et Noëlle. Les jumelles s’engueulaient depuis le départ des garçons, tandis qu’Anjie et Livia observaient tranquillement la dispute… Enfin, c’était une interprétation des événements. Ces dernières étaient trop occupées à discuter de Léon et de leurs inquiétudes à son sujet pour s’occuper d’autre chose. Louise était toujours présente, mais ne souhaitait pas intervenir. Pour elle, cela n’avait rien à voir avec elle. Il ne restait donc que Marie et Carla pour intervenir si nécessaire.
Lelia et Noëlle s’agrippaient aux vêtements de l’autre tout en continuant à s’engueuler.
« Tu ne sais rien du tout, alors laisse ton gros nez en dehors de ça ! » avait hurlé Lelia. « Ce problème n’a rien à voir avec toi ! »
« Rien à voir avec moi, hein ? Et qui es-tu pour décider de ça ? J’en ai marre que tu me regardes de haut tout le temps ! »
Marie avait envie d’enfouir sa tête dans ses mains. Je peux comprendre ce que pense Lelia puisque je me suis réincarnée ici tout comme elle, mais elle n’a pas à trouver à redire à chaque petit geste de Noëlle ! Ce n’est pas comme si Noëlle n’était pas impliquée !
L’implication de Noëlle n’était pas en cause, avec la tentative de coup d’état en cours, le Saint Royaume de Rachel s’était sans doute allié à Serge précisément pour mettre la main sur elle. Son indignation lorsque sa sœur lui avait dit de se retirer était parfaitement logique. Cela dit, Lelia avait quelques arguments valables à faire valoir : On pouvait difficilement prétendre que Léon et Marie n’avaient rien à voir avec la situation actuelle. C’était la faute de Serge pour avoir choisi la voie qu’il avait choisie, oui, mais il était également vrai que cela ne serait pas arrivé si Léon et Marie n’étaient jamais venus en République. Lelia ne se serait jamais sentie obligée de récupérer Ideal sans la menace qu’ils représentaient.
Mais je n’aimerais pas non plus que quelqu’un pointe un doigt dans ma direction et agisse comme si tout était de ma faute, pensa Marie avec amertume. Elle était prête à accepter une partie de la faute, mais elle pensait qu’une part équitable revenait aussi à Lelia. Comme Marie, Lelia n’avait pas la finesse nécessaire pour mener les choses à bien. Elle avait ignoré les sentiments et les opinions de Noëlle pour choisir Loïc comme partenaire de Noëlle, et son intervention malvenue avait gâché la dynamique entre les deux. Elle s’était aussi attiré l’intérêt le plus facile de tous les amoureux : le gentil Émile.
On peut dire que sans nous, elle aurait tout fait foirer bien avant le coup d’État.
merci pour le chapitre