Chapitre 6 : Révolution
Partie 2
Le corps de Luxon avait tremblé d’un côté à l’autre. « Malheureusement, ce genre de plaisanterie est un phénomène quotidien pour nous. »
Ideal n’avait pas eu la chance d’entendre la réponse complète de son homologue. La lumière émise par la lentille au milieu de son corps s’était éteinte.
Lelia et Émile étaient restés sans voix, incapables de digérer ce qui venait de se passer. Quand Lelia s’était finalement préparée à regarder par la fenêtre, elle avait vu Jilk avec un fusil à la main. Il était en place depuis le début, prêt à abattre Ideal. Marie et les autres idiots ne semblaient pas choqués par son rôle.
« Donc, vous êtes vraiment… » commença-t-elle.
Émile s’était tourné vers Léon et avait crié : « Expliquez-vous ! Pourquoi avez-vous attaqué Ideal comme ça !? »
Léon avait plissé les yeux en regardant le corps d’Ideal. « C’est lui qui a commencé. »
Noëlle se détacha enfin de Lelia, qui réalisa que si elle avait été plaquée, c’était pour la mettre en sécurité. Sans l’intervention de Noëlle, elle aurait pu se retrouver dans la trajectoire de la balle. Une fois que Noëlle s’était remise sur pied, elle donna un coup de main à Lelia pour l’aider à également se relever.
Lelia avait jeté un regard furieux à Marie et aux autres. « Pourquoi avez-vous fait une chose pareille !? »
Léon n’avait pas fait le moindre geste pour répondre, et Marie ne semblait pas vouloir donner d’explication de son côté, Lelia supposant qu’elle n’était pas au courant des particularités de la situation. Mais ni l’un ni l’autre n’avait eu besoin de dire quoi que ce soit. Une cacophonie avait éclaté à l’extérieur, signalant qu’une réponse allait bientôt se révéler.
Jilk s’était empressé de revenir dans la pièce. « Votre Altesse, des soldats se rassemblent dehors. À en juger par leur équipement, ils viennent du Saint Royaume de Rachel. »
Les bras de Julian étaient croisés sur sa poitrine. Il avait froncé les sourcils en entendant la nouvelle, soupçonnant qu’il s’agissait d’une ruse. Il s’agissait sûrement de l’armée rebelle qui portait les habits du Saint Royaume comme déguisement ? « Es-tu sûr que c’est vraiment eux ? »
« Oui. Il y avait aussi des soldats de l’armée rebelle, des soldats séparés. Ils semblent avoir uni leurs forces. »
Émile s’était mis la main sur la bouche en marmonnant pour lui-même : « Oui, maintenant que j’y pense… il y avait une rumeur récemment selon laquelle des ressortissants de Rachel avaient été repérés dans le quartier des entrepôts. On a vu des navires militaires faire de fréquents allers-retours dans le port, là aussi… »
Clément avait contracté ses muscles avec colère en entendant cela. Sa poitrine avait gonflé de façon si impressionnante que deux des boutons s’étaient détachés de sa chemise et s’étaient envolés, révélant ses pectoraux toniques. « Qu’est-ce que vous avez dit ? Nous savions qu’ils faisaient un geste, et pourtant la République n’a rien fait pour intervenir !? »
« Je suppose qu’ils ont sous-estimé la situation. »
Lelia avait écouté tout le va-et-vient, incapable de digérer le fait que des choses se soient passées dans les coulisses sans qu’elle le sache.
À l’extérieur du manoir, les soldats avaient commencé à tirer des coups de semonce. Les balles avaient frappé le manoir à leur tour.
« Tout le monde, à terre ! » Greg avait hurlé. Le groupe s’était précipité pour se baisser.
Chris avait sorti les armes qu’ils avaient préparées et les distribua à tout le monde. « Ce ne sera pas une promenade de santé que d’affronter les soldats de Rachel, puisqu’ils sont déjà des ennemis de Hohlfahrt. On ne sait pas quel sort vous attendra s’ils vous prennent dans leurs griffes. »
« Ne t’inquiète pas. Je vais m’assurer que ces idiots de Rachel n’aient plus jamais l’idée de tenter quoi que ce soit d’étrange face à nous », déclara Léon. Il avait l’air plus enthousiaste que d’habitude, sans doute parce qu’il avait son propre compte à régler avec eux.
« Tu es bien remonté… Ça ne te ressemble pas du tout. » Les yeux de Chris s’écarquillèrent. Il n’était pas le seul à réagir de la sorte, le reste du groupe semblait tout aussi méfiant à l’égard de la bonne humeur de Léon.
Luxon avait expliqué de manière utile : « Le Saint Royaume de Rachel est un ennemi du pays d’origine de Mylène — le Royaume-Uni de Lepart. Il fait cela pour Mylène. »
« Luxon ! » Léon avait claqué des doigts en faisant la grimace. « Ne me dénonce pas comme ça. »
Julian avait froncé les sourcils en rampant sur le sol vers Léon. « Bartfort, as-tu déjà imaginé ce que ça ferait de voir un camarade de classe se pâmer d’amour pour ta mère ? Parce que je suis en train de subir ça, à cause de toi, et laisse-moi te dire que ce n’est pas très agréable. »
« N’appelle pas ça se pâmer d’amour, d’accord ? C’est un acte pur au service de notre pays. C’est tout », avait assuré Léon.
« C’est loin d’être pur en raison de tes arrière-pensées, » lui avait rappelé Luxon. « D’ailleurs, c’est toi qui as dit : “Si ça peut donner un ou deux ulcères à Roland, raison de plus pour le faire !”. »
« Luxon, tais-toi maintenant. »
« Comme tu veux, Maître. »
Les deux individus se chamaillaient au milieu de la pluie de balles. Lelia, pendant ce temps, se tenait la tête entre ses mains, tremblante.
Qu’est-ce qui ne va pas avec ces deux-là !? Ce n’est pas le moment pour ce genre de conversation !
☆☆☆
Assis sur le trône qu’Ideal lui avait préparé au Temple de l’Arbre Sacré, Serge était accompagné d’Ideal, de Gabino et des hommes de sa garde royale qu’il avait personnellement sélectionnés. Ils possédaient maintenant les mêmes armoiries que celles que les Six Grandes Maisons avaient portées, tandis que le reste des soldats avaient reçu des armoiries de rang inférieur.
Albergue se tenait devant Serge, les mains bloquées par des menottes de fer.
« Serge, pourquoi fais-tu cela ? », avait-il demandé. Sa jambe avait été blessée lors de sa capture, et il était actuellement soigné pour cela. Serge n’avait pas réussi à l’abattre au final.
« Pourquoi ? Parce que j’ai été choisi comme Gardien. C’est parfaitement logique que je me sente obligé de détruire notre pays et de le créer à nouveau. »
« Est-ce ta raison ? Tu détruirais la République pour une chose aussi insignifiante ? » Albergue avait regardé son fils adoptif avec incrédulité.
Serge avait fait un sourire sadique. « Ouais. Cet endroit n’est pas si précieux pour moi que je ne le sacrifierais pas. D’ailleurs, ce sera amusant de te montrer à quoi ressemble la République après que je l’ai mise en pièces. Pendant que j’y suis, je m’assurerai d’assassiner sous tes yeux ta femme, ta fille et oui, même ton précieux petit fils Léon. »
« Fils ? Fais-tu référence au Léon du Royaume ? » Albergue fronça les sourcils. « Ce n’est pas mon fils. »
« Tu lui as rendu plus de services que tu ne m’en as rendu, n’est-ce pas ? Je parie que tu allais marier Louise à lui, en faire ton beau-fils, non ? Elle est aussi désespérée que toi, tombant amoureuse d’un crétin qui ressemble à son jeune frère. »
« Serge, ne te méprends pas ! Louise et moi… »
Ideal avait interrompu Albergue avant qu’il ne puisse terminer. « Seigneur Serge, il semble que nous ayons des problèmes. »
« Oui ? »
« L’unité que nous avions envoyée pour appréhender Louise a été éliminée. La même chose s’est produite avec celle que nous avons envoyée pour récupérer Lady Lelia. »
« Ideal, explique. Tu m’avais juré d’amener Lelia ici tout de suite. » Serge se renfrogna.
Gabino semblait également mécontent de la nouvelle. « Nous avons envoyé des soldats de Rachel aux deux endroits, n’est-ce pas ? C’était nos meilleurs hommes. J’ai du mal à croire qu’ils aient pu être abattus si facilement. »
« Luxon m’a trahi », avait avoué Ideal.
La main droite de Serge s’était élancée pour arracher Ideal des airs. Il serra le poing autour du corps rond du robot. « Ne m’avais-tu pas juré que tout irait bien ? S’il arrive quoi que ce soit à Lelia, je te transforme en ferraille, espèce de sale petit menteur. »
Tous les autres s’étaient dérobés face à la rage explosive de Serge, mais Ideal avait tenu bon. « Me traitez-vous de menteur ? J’exige que vous retiriez ces mots. »
« Qu’est-ce que tu as dit ? »
« J’exige que vous retiriez ces mots, » répéta Ideal. Son comportement était sensiblement différent de l’habitude, mais cela ne faisait rien pour persuader Serge de reculer.
« Je dis ce que je pense, menteur. C’est toi qui as dit que tout serait… »
Ideal avait soudainement déchargé une vague d’électricité de son corps, incitant Serge à relâcher sa prise. Le choc avait laissé sa main droite engourdie. Il l’avait attrapé avec sa main gauche pour la protéger et l’avait serrée avec force.
« Espèce de petit monstre ! » grogna Serge.
« Retirez ce que vous avez dit. Je ne suis pas un menteur, » répondit Ideal d’un ton égal, refusant de bouger d’un pouce.
« S’il vous plaît, vous deux. N’y a-t-il pas des sujets plus importants que nous devrions privilégier ? » Gabino était intervenu. « Nous n’avons pas le temps maintenant de nous disputer entre alliés. »
Serge avait fait claquer sa langue et avait concédé à contrecœur. « Très bien. Envoyez des gens pour récupérer Lelia ! Et où est Louise ? »
Ideal acquiesça également. « Toutes deux sont réunies au domaine où séjournent Léon et les autres étrangers. »
« Envoyez une unité là-bas. Tout homme qui se démarquera dans la mêlée sera récompensé par l’un des blasons des Six Grandes Maisons. »
Serge continua à bercer sa main blessée en jetant un coup d’œil à l’autel derrière son trône. Une partie de l’arbre sacré s’en détachait et Yumeria était assise dans son creux, vêtue de ses vêtements de cérémonie. Toute lumière était absente de ses yeux. De fines branches et des lianes de l’Arbre Sacré entouraient son corps, comme si elles refusaient de la laisser partir. Serge et les autres ne la traitaient pas comme une prêtresse, mais comme un outil permettant de manipuler l’Arbre Sacré.
Gabino caressa sa moustache. D’une voix exaspérée, il prévint : « Une généreuse récompense à offrir, en effet. Mais ne pensez-vous pas que vous donnez les blasons des Six Grandes Maisons un peu trop librement ? »
Serge avait rejeté cette idée d’un geste de sa main droite engourdie. « Ces choses n’ont aucune valeur de toute façon. Ce n’est qu’un outil que nous utilisons pour emprunter le pouvoir de l’Arbre Sacré ». Il ne voyait pas la valeur de l’Arbre Sacré ou de la protection divine qu’il offrait.
Albergue baissa la tête. « Je n’arrive pas à croire que je t’ai poussé si loin… » Sa voix était tendue par le regret.
« C’est un peu tard pour se plaindre maintenant, » cracha Serge en se retournant pour faire face à son père adoptif. « Vous êtes ceux qui ne m’ont jamais considéré comme une famille. »
Albergue n’avait pas donné de réponse. Cela n’avait fait qu’empirer l’humeur de Serge.
« Jetez-le dans une cellule ! »
merci pour le chapitre