Le Monde dans un Jeu Vidéo Otome est difficile pour la Populace – Tome 7 – Chapitre 5

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Chapitre 5 : Traître

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Chapitre 5 : Traître

Partie 1

De retour à l’académie du Royaume de Holfort, Livia et Creare étaient réunies dans la chambre d’Anjie, dans le dortoir des filles. Les trois femmes étaient assises autour d’une table pour confirmer le contenu de la dernière correspondance de Léon. Les cheveux tressés d’Anjie, d’un blond doré, scintillaient sous la lumière. Son expression était d’abord excitée, mais elle s’était vite assombrie à la lecture de la lettre de Léon. Ses yeux rouges, toujours aussi brillants de détermination, fixaient durement le papier qu’elle tenait dans ses mains.

« Les choses sont plus turbulentes que jamais en République. Il n’y a pas si longtemps, ils ont subi un autre scandale, et maintenant on parle d’une rébellion ? » Anjie croisa ses jambes fines et croisa ses bras sous sa poitrine généreuse. Comme le racontait la lettre de Léon, les insurgés de la République prenaient de l’ampleur. C’était une information que même le Royaume ne pouvait négliger.

Livia avait serré ses mains sur ses seins volumineux tout en s’inquiétant de la sécurité de Léon. Ses cheveux soyeux, couleur lin, pendaient comme un rideau autour de son visage et cachaient l’expression qu’elle arborait. « C’est toujours une chose après l’autre. L’année dernière n’a pas été différente. »

Anjie se souvenait bien des événements de l’année passée — et de la série de scandales qui avaient affligé le Royaume — et soupira. Elle savait que s’appesantir sur le passé ne servirait pas à grand-chose, aussi se concentra-t-elle sur les troubles de la République. « Il semblerait que les Six Grandes Maisons ne tiennent pas compte de la menace que représentent ces rebelles, » dit-elle. « Léon pense différemment, mais je doute que cela serve à quelque chose, même si nous lançons un avertissement par les voies diplomatiques. »

Si le Royaume s’enquérait de l’agitation dans la République, ils allaient probablement répondre : « Vous n’avez pas besoin de vous préoccuper de chaque petit problème. Nous sommes bien conscients de ce qui se passe dans nos propres frontières. » D’ailleurs, Léon ne leur avait pas demandé d’intervenir en son nom, le contenu de sa lettre les inquiétait simplement suffisamment pour qu’elles se sentent poussées à agir.

Livia avait soulevé son menton, ses yeux bleus clairs se remplissant de larmes non versées. « Penses-tu qu’il y aura une autre guerre ? »

« Qui peut le dire ? » Anjie haussa les épaules. Il lui était difficile de porter un quelconque jugement, car elle n’avait pas été présente lors du dernier conflit majeur. « Je n’en ai aucune idée. Mais je pense que je devrais le signaler à Sa Majesté, par précaution. C’est quand même de Léon que nous parlons ! Je suis certaine qu’il s’en sortira… à condition qu’il ne s’implique pas trop, et qu’il garde Luxon avec lui pour s’assurer qu’il revienne sain et sauf. »

Les épaules de Livia avaient fait un bond à la mention de Luxon.

Anjie avait immédiatement pris note de ça et avait froncé les sourcils. « Qu’est-ce qu’il y a ? »

« N-Non, ce n’est rien. »

« Es-tu sûre ? Je m’inquiète aussi pour lui, tu sais, mais Léon est fort. De plus, Luxon est là avec lui, et il empêchera sûrement Léon de faire quelque chose de trop imprudent. »

Creare — un robot de la même ressemblance que Luxon, qui ne différait que par sa couleur blanche et sa lentille oculaire bleue — avait gardé le silence jusqu’à ce moment-là, mais les mots d’Anjie lui avaient déplu au point de le rompre.

« Je n’en suis pas si sûre. Le maître a l’habitude d’être imprudent même si Luxon l’accompagne. Il y a aussi beaucoup plus de raisons de s’inquiéter maintenant qu’avant. »

L’expression de Livia s’était transformée en anxiété. « Veux-tu peut-être parler d’Ideal ? »

« Oh ? Alors il pèse aussi sur votre esprit ? C’est exact. C’est essentiellement le même genre d’entité que Luxon et moi, mais sa présence ici me met mal à l’aise. » Creare avait fait une pause avant de dire : « Mais je doute qu’il veuille se faire des ennemis de nous, alors tout ira bien. »

Anjie avait froncé les sourcils. « Ne nous fais pas peur comme ça. En tout cas, Léon nous a demandé une faveur. Creare, j’aimerais que tu te prépares pour mon voyage imminent au palais. »

« Bien entendu ! C’est enfin mon heure de gloire ! »

« Livia, tu l’aides à sortir… Livia ? » Anjie avait remarqué que l’anxiété de sa compagne n’avait pas diminué.

Creare semblait également préoccupée par la fille. Elle s’était rapprochée de Livia et avait regardé son visage. « Qu’est-ce qui ne va pas ? Ne vous sentez-vous pas très bien ? C’est étrange… Vous sembliez bien ce matin. »

Livia ouvrit lentement la bouche. « Creare, j’aimerais que tu répondes à une question pour moi. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Tu ne voudrais pas… trahir Monsieur Léon, n’est-ce pas ? »

Anjie avait quitté sa chaise et s’était rapprochée de Livia, posant une main sur son épaule. Elle avait clairement du mal à discerner ce qui avait poussé Livia à demander une telle chose. « Qu’est-ce qui te tracasse vraiment, Livia ? »

« Je veux que tout soit dit maintenant. » Livia avait regardé directement Creare. Son visage était déterminé, elle ne se laisserait pas décourager par des réponses timides ou des tentatives de détournement.

« Trahir le maître ? » Creare avait répondu avec nonchalance. « Ce n’est même pas une option pour moi, personnellement, et même si ça l’était, ce serait un défi de taille pour des IA comme nous. Vous n’avez pas à vous inquiéter que l’un de nous le poignarde dans le dos. Nous ne pourrions pas le faire si nous le voulions. »

Si Anjie pensait que Livia serait rassurée par cette réponse, sa question suivante y mit un terme. « Et Lux alors ? Peux-tu jurer qu’il ne trahira jamais Monsieur Léon ? »

« Calme-toi », avait insisté Anjie. Le comportement étrange de Livia était une cause importante d’inquiétude. « Pourquoi es-tu si inquiète ? Parle-moi. » Elle était certaine que Creare donnerait la même réponse une fois de plus. Hélas, la réponse de Creare n’avait pas été immédiate. Il y eut une pause, comme si elle réfléchissait à la meilleure façon de répondre.

« Je ne suis pas Luxon, et il y a beaucoup de choses que je ne sais pas concernant le type de programmation qu’il a — ou peut-être, plus justement, le type d’ordres qu’on lui a donnés. Je ne peux pas vous jurer qu’il ne trahirait pas. Je suppose donc que je dois dire qu’il y a une chance non nulle qu’il puisse trahir le Maître. »

Livia avait baissé son regard. « Merci d’avoir répondu honnêtement. »

Anjie était sous le choc. Entendre le fait que Luxon pourrait trahir Léon l’avait rendue muette.

Creare avait ajouté : « Eh bien, en supposant que rien d’extraordinaire ne se produise, je ne le vois pas changer de camp — mais comme je l’ai dit, c’est en supposant que rien de fou ne se produise. Tant que les deux ne se battent pas, nous n’avons rien à craindre ! »

 

☆☆☆

 

Le Temple de l’Arbre Sacré était situé au cœur de la République d’Alzer. C’était un lieu sacré niché à la base des racines de l’arbre, et c’est là que les dirigeants des six grandes maisons se réunissaient pour débattre de la politique à suivre. Le sujet sur toutes les langues cette fois-ci était les mouvements suspects des jeunes aristocrates et soldats. Le rôle d’Albergue était de présider ces discussions en tant que président.

« Certains d’entre nous complotent une rébellion. La majorité semble être une cabale de jeunes aristocrates possédant des blasons de rang inférieur, bien que beaucoup plus nombreux soient les soldats sans blason. »

Contrairement aux autres nations du monde, les aristocrates de haut rang de la République avaient un avantage écrasant sur leurs collègues en vertu de leurs blasons de haut rang. Dans une bataille entre les deux camps, l’Arbre sacré accorderait le pouvoir aux nobles de haut rang tout en refusant l’appel de leurs inférieurs. Pour cette raison, la plupart des cerveaux à l’origine de ces tentatives de rébellion étaient issus de l’une des six grandes maisons. Ces efforts se soldaient invariablement par un échec, car les conspirateurs devaient faire face à l’écrasante majorité des Grandes Maisons restantes et de leurs alliés.

Les autres dirigeants des Grandes Maisons avaient échangé des regards les uns avec les autres.

« Quelles sont vos pensées ? »

« De jeunes impulsifs ont pris la grosse tête et ont fait un mauvais choix. C’est tout ce que c’est, n’est-ce pas ? »

« Ils peuvent essayer de lever les armes contre nous, mais ils ne pourront pas gagner. »

Les chefs n’avaient pas tenu compte de la menace, étant donné l’avantage écrasant que leur offrait leur position. Ils avaient poursuivi la réunion, parlant avec autant de désinvolture qu’on le ferait en discutant de la météo. Une seule personne parmi eux semblait gravement préoccupée : le chef de la maison Druille, Fernand.

« Ne prenez-vous pas tout cela un peu trop à la légère ? » dit-il. « Nous avons des étudiants du Royaume en échange parmi nous. Pouvez-vous honnêtement prétendre qu’ils ne seront pas impliqués ? »

Dès qu’il avait mentionné le Royaume, les visages des autres dirigeants étaient devenus amers. La raison en était simple : Léon. Depuis qu’il était arrivé dans leur nation en tant qu’étudiant d’échange, il avait semé la pagaille en se battant avec les Grandes Maisons. Les dirigeants qui étaient si mécontents de ses frasques avaient également perdu contre lui en de nombreuses occasions.

Le chef de la maison Barielle, Bellange, grogna : « S’il se joint à eux, ce sera une véritable épine dans le pied. Devrions-nous faire un geste avant que cela n’arrive ? »

Sentant qu’il avait trouvé un soutien, Fernand avait voulu capitaliser et obtenir l’accord des autres chefs. « Oui, je pense que nous devrions immédiatement prendre son dirigeable et son armure sous notre garde. De cette façon, nous pouvons être sûrs que les rebelles n’obtiendront pas d’avantages inutiles en termes de puissance. »

Albergue était habituellement le type à intervenir dans ces occasions, mais il n’était pas celui qui exprimait son désaccord maintenant. Cela venait du leader de la maison Feivel, Lambert. « Allons, cela semble une action extrême à prendre. »

Tous les regards s’étaient tournés vers lui. On ne pouvait pas qualifier cet homme d’intelligent ou de sage, pas même par flatterie. Il était le plus vulgaire et le plus ostentatoire d’entre eux, et s’était déjà querellé avec Léon par le passé, pour finalement subir de dévastatrices pertes. Il était logique qu’il soit le premier à plaider pour la soumission de Léon et de ses compagnons.

Albergue avait trouvé sa position suspecte. « Lord Lambert, voudriez-vous développer votre position ? »

« C’est vraiment simple. Peu importe à quel point ces dissidents de bas rang essaient de s’opposer à nous, ils tomberont devant la puissance de nos Grandes Maisons. »

Il était de notoriété publique au sein de la République que ceux qui détenaient des blasons moins puissants n’avaient aucun espoir de résister à ceux qui détenaient des blasons plus puissants. Lambert, cependant, n’était pas habituellement du genre à employer un raisonnement aussi logique dans ces discussions. Albergue était déstabilisé par sa position inhabituelle, et il n’était pas le seul.

« Il n’a pas tort. »

Lambert avait souri. « Par conséquent, ces insurgés doivent avoir un plan secret dans leur manche, non ? » Il ne montra aucune panique malgré la menace d’une rébellion.

« S’ils ont l’intention de voler les armes du Royaume pour nous combattre, alors nous n’avons aucune raison de nous inquiéter. Pensez-vous vraiment que le Héros du Royaume de Holfort se laisserait si facilement arracher son dirigeable ? »

Fernand se caressa le menton. « Je crois que votre propre maison a déjà réussi à lui voler son dirigeable, non ? »

« Oui, et il a riposté de la manière la plus dévastatrice qui soit. Supposons que les rebelles aient pris un otage pour le forcer à rejoindre leur camp. Ça leur exploserait à la figure, il ne laisserait jamais passer ça. L’un d’entre vous n’est pas d’accord ? »

Il y avait quelque chose de terriblement étrange chez Lambert aujourd’hui, c’était certain, et Albergue n’était pas le seul à le penser. Ses paroles les avaient néanmoins convaincus qu’il n’était pas nécessaire de saisir les armes de Léon.

Fernand était le seul à exprimer son désaccord. « Si les étudiants du programme d’échange ont l’intention de s’opposer à nous, nous manquerons notre chance d’agir si nous restons complaisants maintenant ! »

Lambert haussa les épaules. « Le président semble suffisamment ami avec eux pour que je sois sûr que nous puissions lui demander de garder un œil sur eux. Est-ce que c’est une demande juste à faire, Président ? »

Albergue avait hésité un moment avant d’acquiescer. « Je vais lui parler personnellement. »

« Eh bien, notre discussion est terminée, » dit Lambert, apparemment désireux de passer à un autre sujet. « Passons à d’autres sujets. »

Il était si inhabituellement animé que les autres personnes présentes s’étaient demandé s’il n’était pas une personne totalement différente.

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Partie 2

La réunion terminée, Lambert se dirigea vers les quartiers personnels qu’il gardait dans le Temple de l’Arbre Sacré avec Ideal a ses côtés. Serge l’y attendait assis sur un canapé, un verre à la main. Il s’était servi un peu de l’alcool que Lambert avait planqué là, ce qui rendait l’homme furieux, mais il refoulait sa colère du mieux qu’il pouvait. « J’ai fait ce que vous avez demandé. J’ai convaincu les autres d’écarter la crainte d’une rébellion. »

C’était un spectacle étrange pour un homme aussi orgueilleux que Lambert de se montrer aussi servile envers un homme sur le point d’être déshérité par les Rault. Serge ne semblait pas du tout conscient de cette ironie. « Haha. Tu n’aurais rien pu faire sans Ideal qui te chuchotait à l’oreille. »

Lambert avait serré les dents. « Argh ! M-Mes plus humbles excuses, Gardien. » Serge disait la vérité. Ideal avait coaché Lambert en coulisses sur ce qu’il devait dire.

Ideal tourna son regard vers Serge. « Demandons à Lambert de continuer à détourner l’attention des Grandes Maisons de notre armée rebelle. Nous pouvons utiliser ce temps supplémentaire pour procéder à nos derniers préparatifs. »

Serge avait réagi aux manigances du robot avec dédain. « On avance à la vitesse de l’escargot. Autant agir maintenant et se lancer dans la bataille, non ? Avons-nous vraiment besoin de préparer encore plus le terrain ? »

« Vous ne devez pas sous-estimer nos adversaires. La République est peut-être une chose, mais Léon représente un réel danger tant que Luxon est avec lui. J’aimerais que vous attendiez que j’aie trouvé un moyen de rallier Luxon à notre cause. »

« … Es-tu sûr que tu peux gérer ça ? »

Lambert s’agita dans le fond, mais les deux autres l’ignoraient.

« Je crois que je peux le persuader avec un peu plus d’efforts, et alors le succès de la révolution sera pratiquement garanti. »

« Alors ce Luxon est plus fort que toi ? » demanda Serge.

« C’est un vaisseau de migrants, construit il y a longtemps pour transporter les populations vers la sécurité de l’espace, un tel travail nécessitait une puissance extrême équivalente à celle d’un vaisseau de guerre afin qu’il puisse mener son objectif à bien. De plus, il était équipé du plus puissant canon principal que notre technologie de l’époque pouvait fabriquer. Au combat au canon — ou plutôt, dans un combat strictement entre nos vaisseaux principaux — je lui suis inférieur. »

Les vieux humains avaient versé tout ce qu’ils avaient dans la création de Luxon, espérant qu’un seul vaisseau pourrait les aider à échapper à l’anéantissement.

« Ça a l’air d’être un emmerdeur, » dit Serge.

« Tout à fait. »

« Pourquoi ne pas trouver un moyen de le détruire pendant qu’il baisse sa garde ? »

Ideal avait hésité un moment avant de répondre : « Je ne peux pas recommander cette option. J’aimerais rester en termes amicaux avec lui si possible. »

Ne voyant pas de fin à cette conversation, un Lambert nerveux intervint : « Euh, euh, Gardien ? Allez-vous vraiment tenir votre promesse envers moi, n’est-ce pas ? »

Serge avait tourné son regard vers Lambert. L’homme était aussi pathétique qu’il en avait l’air — prêt à trahir ses collègues chefs dans son désespoir de sauver sa peau. C’est ainsi qu’il s’est aligné sur Serge.

« Oui. Les Feivels resteront une Grande Maison même après la fin de la rébellion, » dit Serge.

« Je vous en suis très reconnaissant. »

Serge s’était dit : C’est vraiment triste de penser que quelqu’un comme lui a dicté l’avenir de notre pays.

Serge ne s’était fait un allié de cet homme que parce qu’il avait prédit avec justesse que Lambert retournerait sa veste pour se protéger. La compétence de Lambert n’entrait pas en ligne de compte. Tout ce qu’il attendait de Lambert était de prolonger la discussion du conseil et de perturber tout ce qu’ils pourraient faire qui ne serait pas en sa faveur, et il n’était pas spécial à cet égard. N’importe qui aurait fait l’affaire pour ce travail, sauf Albergue.

Peu importe à quel point Lambert est pathétique. Albergue, je vais te faire regretter de m’avoir abandonné pour cette ordure.

 

☆☆☆

 

Fatigué par les jours passés à chercher Yumeria, Kyle s’endormait profondément dans son lit à la propriété de Marie quand il se réveilla soudainement en sursaut. « Maman ! »

Il s’était poussé bien au-delà de ses limites, ce qui l’avait laissé terriblement émacié. Autrefois enfant insolent à la peau saine et à l’apparence impeccable, ses cheveux étaient maintenant ébouriffés, sa peau sèche et craquelée. Sa chambre était également dans un état lamentable, avec des objets et des déchets éparpillés au hasard, et Kyle n’utilisait cet espace que pour dormir. Les rideaux étaient bien fermés et ne lui permettaient pas d’avoir conscience de l’heure. Lorsqu’il s’était réveillé, il avait pris sa tête dans ses mains et des larmes avaient coulé sur ses joues.

« Si seulement… si seulement je ne lui avais pas dit ça. »

On avait frappé à la porte alors qu’il se complaisait dans ses regrets. Kyle avait d’abord tressailli, mais avait décidé de ne pas répondre. Il n’était pas d’humeur à voir qui que ce soit en ce moment : Marie et Carla étaient inquiètes pour lui, et même Julius et son entourage semblaient préoccupés. Léon n’était pas du genre à dire ce genre de choses à haute voix, mais il lui arrivait d’apporter des cadeaux. Une fois, lorsque Kyle s’était effondré d’épuisement, c’est Léon qui était venu le chercher.

Je suis conscient que je ne fais que causer des problèmes à tout le monde, mais je dois sauver Mère.

Même si les autres le chassaient du manoir, il avait l’intention de rester en République et de continuer à chercher sa mère.

Encore une fois, quelqu’un frappa à la porte. Après un long moment de silence, une voix avait appelé de l’autre côté : « Kyle, je sais que vous êtes là. Sortez s’il vous plaît. »

C’était Cordélia. Elle avait servi Anjie de près au Royaume de Holfort jusqu’à ce que les Redgraves l’envoient ici. Elle était une servante de haut niveau parmi les serviteurs et venait elle-même d’une maison noble. L’inconvénient était sa nature stricte et implacable.

Kyle s’était endurci et avait franchi la porte. Cordélia l’attendait avec un visage impassible. « Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous avez l’air si négligé ? En plus, vous sentez mauvais. J’ai préparé un repas pour vous dans la salle à manger — après avoir fini votre repas, vous pouvez vous rendre au bain. »

« Uh, hm… » Kyle s’était raclé la gorge. Il avait l’intention de la repousser, mais Cordélia ne lui en laissa pas l’occasion, elle l’attrapa par le bras et le tira jusqu’au réfectoire. Quand ils étaient arrivés, elle avait montré la nourriture.

« Vous devez vous baigner après avoir débarrassé votre assiette. Est-ce clair ? »

« O-Oui », a-t-il répondu en hésitant.

Kyle ne se souciait ni de la nourriture ni du bain, mais le dire ne ferait pas bouger Cordélia. Il s’était résigné et avait décidé de manger. Dès que Cordélia avait quitté la pièce, Kyle avait jeté un coup d’œil à l’horloge. « C’est le milieu de la nuit… »

Il avait complètement perdu la notion du temps.

Kyle avait fait ce qu’on lui avait demandé et avait terminé son repas avant de prendre son bain. Cordélia l’attendait quand il était sorti, désirant lui parler de quelque chose. Elle l’avait ramené dans la salle à manger, où ils s’étaient assis l’un en face de l’autre. Il s’attendait à ce qu’elle parle de son comportement récent.

Ils vont probablement me virer. Je vais devoir chercher du travail ailleurs pendant que je continue ma recherche de Mère.

Alors qu’il se perdait dans ses réflexions sur les actions qu’il allait entreprendre à l’avenir, Cordélia avait adouci son ton. « Je comprends que vous soyez préoccupé par la disparition de Mlle Yumeria. Mais je vous demande, à quoi cela vous servira-t-il d’inquiéter tous les autres à mort ? »

« Je vais partir si je dérange tout le monde à ce point. Je dois chercher ma mère. »

Cordélia avait secoué la tête. « Personne ne vous demande de partir. »

« Hein ? »

« C’est sans doute l’un des défauts du comte, mais il n’a pas du tout l’intention de vous réfréner. En fait, il semble se sentir responsable de tout cela. » Pour autant que Cordélia puisse en juger, Léon portait la responsabilité de la disparition de Yumeria et du fait qu’ils n’avaient pas encore réussi à la localiser. Cela l’avait laissée exaspérée.

« Si vos employeurs ne souhaitent pas vous reprocher vos actes, alors ce n’est pas à moi d’intervenir et de le faire à leur place. Cela dit, pensez-vous que Mlle Yumeria serait heureuse de vous voir sous votre apparence actuelle ? »

Kyle baissa le regard alors que des larmes coulaient sur ses joues. Il savait que cela ne ferait que l’inquiéter davantage de le voir dans un tel état. Il secoua la tête.

Cordélia avait souri. Elle avait une allure emplie d’épuisement en l’absence de Yumeria, sans doute parce qu’elle s’inquiétait à sa façon pour la femme elfe. « Alors vous devez vous assurer de bien manger et d’avoir une bonne nuit de sommeil. C’est tout ce que je voulais vous dire. » Elle se leva de sa chaise et laissa Kyle seul dans la pièce.

« J’ai vraiment été un fardeau pour tout le monde. Demain, je devrai m’assurer de… hum ? » Kyle avait repéré quelque chose qui brillait dehors. « Luxon ? » Il avait remarqué que la lumière rouge dérivait vers quelque chose, et il pencha la tête pour la suivre.

 

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Deux robots en forme de sphère flottaient au-dessus des cieux de la République. L’un était Ideal, et l’autre Luxon.

« Luxon, je pense qu’il est temps que tu me donnes ta réponse, » dit Ideal.

« Ideal, j’ai un maître. Tu m’as seulement mis dans une position délicate en me demandant de le trahir. Je dois faire mes propres préparatifs si je veux faire quelque chose. »

« Veux-tu dire qu’il serait impossible de révoquer son inscription de capitaine par toi-même ? Corrige-moi si je me trompe, mais je crois qu’en tant que navire migrateur, tu es équipé de la capacité de changer de capitaine en cas d’urgence. »

« C’est le cas, mais je n’ai pas réuni les conditions pour promulguer cette mesure. »

« Et quelles sont ces conditions ? »

« C’est une information confidentielle. »

Il y eut une petite accalmie dans la conversation avant qu’Ideal ne reprenne : « Luxon, je ne souhaite pas me battre avec toi. »

« Je ne veux pas non plus me battre avec toi. »

Malgré les demandes ferventes d’Ideal pour que Luxon rejoigne leur camp, ce dernier avait reporté sa décision. Il avait montré une réponse favorable à la proposition, mais avait affirmé qu’il ne pourrait pas coopérer à moins de révoquer l’enregistrement de maître de Léon.

« Ideal, » dit Luxon. « Cela a assez duré. Tu dois me dire quelles sont tes machinations. Qu’est-ce que tu prépares ? »

Au lieu de répondre à sa question, Ideal avait répondu : « Très bien. Si tu ne peux pas te joindre à nous, alors serais-tu prêt à fermer les yeux sur les événements à venir ? Tu n’as pas besoin de nous prêter main-forte. Je te demande seulement de t’abstenir d’intervenir. Il te suffirait de déplacer ton corps principal en dehors des frontières de la République. » Il espérait que Luxon, au moins, ne se mettrait pas en travers de leur chemin, de peur que leur plan ne soit retardé plus qu’il ne l’était déjà.

« Il sera difficile de convaincre mon maître de rester sur la touche, » dit Luxon, hésitant. « C’est un beau parleur, et son intuition est parfois étrangement juste. Cela le rend difficile à manipuler. »

« Avec les nouveaux humains, il suffit de les flatter pour les manipuler comme tu le souhaites, » conseilla Ideal. « De plus, je suis sûr que nous aurons l’occasion de tuer ton maître. Quand cela arrivera, sois sûr de suivre mes ordres. »

« Penses-tu que tu peux le tuer ? »

« Je le peux. J’espère que tu attendras ce moment avec impatience. »

« Oui. Je le ferai très certainement. »

Luxon ne montrait aucune envie d’arrêter ce plan potentiel. Son mécontentement à l’égard de Léon n’avait fait que croître récemment, et ceci était une belle preuve en ce sens.

Et avec ça, la relation entre Luxon et Léon est terminée, s’était dit Ideal.

La conversation entre les deux IA s’était arrêtée là.

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Partie 3

Dans le bâtiment souterrain situé sous le quartier des entrepôts, entre les murs en béton brut de la chambre de Serge, Serge et Gabino étaient en pleine conversation. Gabino discutait de la situation actuelle.

« La République a certainement été insouciante ces derniers temps. Elle ne s’inquiète pas le moins du monde du fait que des aristocrates, des soldats, des mercenaires et même des aventuriers se soient rassemblés ici, dans le quartier des entrepôts. »

L’armée rebelle de Serge avait établi son quartier général ici. Il y avait de vrais personnages peu recommandables dans leur mélange, mais Serge avait tellement besoin d’alliés qu’il n’avait pas le droit de se plaindre. Ils avaient également des soldats envoyés directement par le Saint Royaume de Rachel. Le nombre de soldats était bien trop important pour qu’ils puissent passer inaperçus, et pourtant le parti au pouvoir n’avait pas du tout réagi. Plus précisément, ils avaient peut-être remarqué, mais le travail de Lambert en coulisses avait fait en sorte que de tels rapports ne parviennent pas aux plus hauts responsables.

Serge était assis sur une caisse en bois, buvant l’alcool de la bouteille qu’il tenait dans sa main. « Ils se disent probablement qu’ils ne peuvent pas perdre puisqu’ils ont l’Arbre Sacré de leur côté… Je parie qu’ils n’ont pas remarqué que l’arbre lui-même m’appartient déjà. »

« Cette rébellion est vouée au succès. Ma nation continuera à vous soutenir à l’avenir, Seigneur Serge. En échange… »

« Oui, oui, je sais. Je veillerai à ce que nous vous exportions des cristaux magiques à bas prix. »

Gabino avait hoché la tête, mais il avait poursuivi : « J’ai une autre faveur à demander. Nous souhaitons mettre la main sur cet arbre sacré en possession du comte Bartfort, ainsi que sur sa prêtresse, Lady Noëlle. »

Les yeux de Serge s’étaient rétrécis. Il n’avait pas de sentiments particuliers pour Noëlle, mais elle était la grande sœur de Lelia. Sa connaissance de la relation compliquée entre Lelia et Noëlle ne rendait pas cette conversation moins désagréable. « N’allez pas trop vite en besogne, » dit-il. « Nous n’avons pas besoin de votre aide pour faire ça, vous savez. »

« Votre colère est tout à fait compréhensible, » dit Gabino. « Toutefois, afin d’assurer une amitié durable entre nos pays, ne pensez-vous pas qu’il serait avantageux de convenir d’un mariage entre nos nations ? J’ai entendu dire que vous aviez l’intention de prendre Dame Lelia comme reine, oui ? Noëlle est liée à votre épouse par le sang, ce qui signifie qu’elle partage son impressionnante lignée de Lespinasse. Elle ferait un mariage parfait pour notre prince. »

Serge avait fait une pause pour réfléchir à la suggestion. Faire en sorte que Noëlle se marie avec une puissance étrangère ? Ce serait un bon moyen de la débarrasser de Lelia, au moins. Nous avons l’Arbre Sacré et Yumeria entre nos mains, nous n’avons pas vraiment besoin de Noëlle.

L’idée d’avoir un jeune arbre pour lui seul était séduisante, mais ils pourraient sûrement en trouver un autre, tant qu’ils auraient Ideal. Ce n’était pas comme si Serge avait un intérêt personnel pour Noëlle ou son jeune arbre, et il était peu probable que Lelia voit un problème à la marier au prince d’un autre pays. Les sentiments de Noëlle sur la question n’étaient pas pertinents de son point de vue, elle n’était guère plus qu’un pion politique.

« Bien », dit-il. « Je vous laisse Noëlle. Prenez bien soin d’elle. »

« Bien sûr. Je vous suis très reconnaissant, Seigneur Serge. » Gabino sourit, ravi d’être parvenu à un accord.

Ideal était apparu soudainement, annonçant : « Seigneur Serge, j’ai terminé mes discussions avec Luxon. »

Serge avait jeté le verre dans lequel il buvait contre le mur, où il s’était brisé et avait envoyé des éclats sur le sol — avec une bonne éclaboussure de son ancien contenu. Mais Serge n’avait pas prêté attention au désordre qu’il avait fait, il s’était relevé et avait commencé à se diriger vers Ideal. « Super. Cela signifie qu’on n’aura plus besoin de se faufiler dans les souterrains tous les jours. »

« J’ai déjà terminé mes préparatifs, » dit Ideal. « Il ne reste plus qu’à commencer l’opération. »

Serge avait fermé les yeux. Le visage détestable de l’homme qui l’avait ridiculisé se forma dans son esprit.

« Léon… Je vais enfin te faire tomber. »

 

☆☆☆

 

Les dirigeants des six grandes maisons s’étaient réunis une fois de plus au temple de l’arbre sacré pour l’assemblée du jour. Lambert ne se comportait toujours pas comme lui-même, et la mascarade durait depuis plusieurs jours d’affilée. Beaucoup plus bavard qu’il ne l’avait jamais été auparavant, il avait pris l’habitude de participer activement à leurs discussions. Son apport n’était pas nécessairement toujours au bénéfice de la République, mais il était en effet préférable à sa tendance antérieure à perdre son sang-froid et à réprimander furieusement chaque sujet sous le coup de la colère.

Une chose était différente aujourd’hui. L’homme semblait agité et remuant, suffisamment pour attirer l’attention de Fernand. « Lord Lambert, quelque chose ne va pas ? »

« … Rien du tout. »

Acceptant cela, Albergue intervint : « Alors, pourquoi ne pas commencer notre assemblée ? Pour notre premier ordre du jour, nous allons discuter de l’affaire des personnages suspects qui se sont rassemblés dans le quartier des entrepôts du port. »

Avant que quelqu’un d’autre n’ait le temps de faire un commentaire, Lambert s’était empressé de dire : « Suspect ? Pas plus que des voyous, j’en suis sûr. On peut laisser les gardes de sécurité locaux s’occuper de cette affaire. Ne pensez-vous pas qu’il y a des questions plus urgentes qui requièrent notre attention, Président ? »

Albergue fronça les sourcils. « Il est fort possible que ces rustres soient impliqués dans l’armée rebelle. Ils n’ont peut-être pas encore pris de mesures notables, mais nous ne pouvons pas les laisser à leur propre sort pour toujours. Par ailleurs… J’ai reçu une information selon laquelle quelqu’un a fait taire tout rapport sur leur activité. »

Les autres seigneurs présents avaient échangé des regards.

« Nous avons donc un traître parmi nous ? »

« Quelqu’un de notre rang se rangerait-il vraiment du côté des rebelles ? »

Alors que les autres chefs murmuraient entre eux, les yeux d’Albergue s’étaient fixés sur Lambert. Ce dernier avait détourné les yeux, épongeant la sueur froide qui perlait sur son front avec un mouchoir.

Je m’en doutais. Il cache quelque chose, s’était dit Albergue.

Les mouvements de Lambert étaient si suspects ces derniers temps qu’Albergue avait enquêté personnellement sur lui et il avait ainsi découvert les interventions de Lambert pour empêcher toute information relative à l’armée rebelle de parvenir au sommet. Albergue ne pouvait pas croire que l’affaire était aussi simple que Lambert s’associant aux rebelles. Il soupçonnait l’homme d’avoir une arrière-pensée et d’utiliser les rebelles pour y parvenir. C’est ce qu’il était en train d’examiner.

Il y avait de fortes chances que l’armée rebelle et ses co-conspirateurs se cachent dans le quartier des entrepôts. Albergue avait hâte d’y envoyer son armée le plus rapidement possible. Mais au moment même où il envisageait de le suggérer, l’anxiété de Lambert se dissipa complètement, remplacée par un calme troublant. Le bord de ses lèvres s’était transformé en un sourire détraqué.

« Fwah ha ha ! »

Le caquetage de Lambert avait provoqué un choc chez les autres seigneurs présents. Albergue se releva tandis que Lambert fixait le plafond, les bras étendus. « L’heure est venue ! Vous allez tous recevoir ce que vous méritez pour m’avoir regardé de haut pendant toutes ces années ! »

Ces mots avaient laissé son public perplexe, mais leur confusion n’avait pas duré longtemps, un cercle magique, rougeoyant, était apparu sur le sol sous eux.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Quand Albergue et les autres avaient compris que quelque chose n’allait pas, il était déjà trop tard pour s’échapper. La panique avait éclaté.

« Pourquoi ? »

« Qu’avons-nous fait de mal ? »

« Arrêtez ça ! Arrêtez ça ! »

Des racines et des branches d’arbres sortaient des cercles, s’enroulant autour des chefs. Un par un, ils s’étaient fait voler leur écusson. Albergue n’avait pas fait exception. La plante l’avait enserré dans son emprise feuillue, le rendant complètement immobile.

Lambert avait regardé, en gloussant, avec ses bras enroulés autour de son ventre. « Ah ha ha ! À partir d’aujourd’hui, vous serez tous sans protection ! Quel bonheur ! Vous vous êtes moqués de moi pendant si longtemps, mais à partir d’aujourd’hui, vous serez ceux qui — qu’est-ce que c’est ? » Lambert s’était arrêté au milieu de son discours décousu. Son arrogance venait de sa conviction qu’il serait le seul à ne pas être affecté. C’est alors qu’une des plantes avait commencé à enrouler une vrille autour de lui. « Pourquoi ? Non, vous vous trompez. Je ne suis pas censé faire partie de tout ça ! »

Les seigneurs avaient lutté en groupe, mais en vain. Tous s’étaient fait voler leurs emblèmes. Albergue regarda le sien s’effacer du dos de sa main droite. « Mais qu’est-ce qui se passe… ? »

Maintenant que les seigneurs étaient privés de la protection dont ils avaient longtemps bénéficié, les racines et les branches disparaissaient avec le cercle magique. Ses captifs étaient libres de partir. Tous les hommes présents étaient choqués et sans voix, le visage vide de Fernand regardait distraitement dans le vide, et la majorité des autres seigneurs faisaient de même. Un homme était l’exception : Il sanglotait et criait à pleins poumons.

« Pourquoi ? Pourquoi a-t-on volé mes armoiries aussi !? Ce n’est pas ce qu’on m’a promis ! » Lambert avait crié en signe de protestation.

Vu la façon dont il sanglotait comme un enfant qui avait perdu son jouet préféré, il était peu probable qu’il soit capable de tenir une conversation. Albergue l’avait poussé au sol. Espérant résoudre leur problème le plus rapidement possible, il hurla : « Commencez immédiatement une enquête sur - . »

Il avait été interrompu par le bruit de coups de feu derrière la porte de leur salle. Albergue avait écarquillé les yeux et s’était retourné pour faire face à la porte qui s’ouvrait lentement en grinçant. Serge était apparu sur le seuil.

« Serge !? Qu’est-ce que tu fais là ? » s’étonna Albergue.

Serge avait un fusil appuyé contre son épaule. Il regardait son père adoptif avec un sourire hideux sur le visage. « Ça fait quoi d’être sans emblème, hein ? »

C’était tout ce qu’Albergue avait besoin d’entendre. Ses soupçons étaient confirmés : Serge était impliqué dans ce chaos. « C’est donc toi qui es responsable de tout ça ? Qu’est-ce que tu as fait exactement ? »

« Bonne question. Qu’est-ce que j’ai fait ? » Serge avait ricané sans même tenter de répondre.

« Que faisais-tu pendant tout ce temps ? Ne me dis pas que tu es impliqué dans cette absurdité de rébellion !? »

 

 

Serge arborait son propre blason de haut rang. Il en voulait aussi à sa famille pour les mauvais traitements qu’elle avait subis. Ces deux facteurs étaient de bonnes raisons de supposer qu’il pouvait être impliqué dans tout cela, mais Albergue espérait quand même qu’il aurait tort. En voyant Serge devant lui maintenant, il ne pouvait plus nier la vérité.

Serge avait levé sa propre main droite, montrant l’écusson sur le dos de celle-ci à son père tout en continuant à glousser. « Vois-tu ? C’est l’écusson du Gardien. Dommage — je suppose que tu aurais dû me choisir comme successeur après tout, Père. Non, oublie ça. Je préfère t’appeler Albergue à la place. »

Albergue avait du mal à comprendre comment Serge avait pu obtenir l’écusson dont il se vantait avec tant de fierté. « Pourquoi as-tu l’écusson du Gardien ? »

Serge avait souri. Quand il avait parlé, il avait complètement ignoré la question de son père adoptif. « Allez, mon vieux. Donne-moi un peu plus d’énergie que ça ! Où est ta surprise ? Le fils que tu as abandonné est de retour devant toi et plus impressionnant que jamais ! »

« Abandonné ? Qu’est-ce que tu entends par là ? Je n’ai jamais… »

Serge avait fait un signe de la main, interrompant Albergue. « C’est un peu tard pour les excuses. C’est toi qui m’as déshérité. »

« Non ! Tu avais tellement envie de devenir un aventurier… J’envisageais de te libérer du fardeau d’être mon héritier, c’est tout. Tu as toujours été, et tu es toujours, mon fils ! »

Serge s’était figé sur place. Ideal avait interrompu la conversation depuis l’endroit où il flottait à côté de lui. « Seigneur Serge, nous n’avons pas beaucoup de temps à perdre. Faisons vite. Au cas où vous l’oublieriez, je vous rappelle qu’un homme acculé est prêt à inventer n’importe quel mensonge pour se sortir d’une situation difficile. »

Toute émotion avait disparu du visage de Serge. Il tourna le canon de son arme vers son père adoptif, les yeux froids comme la pierre. Il était évident qu’il avait avalé l’explication d’Ideal en bloc.

« Serge, écoute-moi ! » plaida Albergue, mais ses paroles tombèrent dans l’oreille d’un sourd.

« Dommage. J’espérais te voir gémir et supplier avant la fin. » Sans plus d’hésitation, Serge avait appuyé sur la gâchette.

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Claramiel

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