Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 7 – Chapitre 5 – Partie 1

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Chapitre 5 : Un souhait

Partie 1

— Tu feras un grand empereur.

 

C’est ce que sa défunte mère disait toujours. Elle répétait toujours que l’Empire deviendrait encore plus prospère avec lui sur le trône.

Comme il était le fils aîné, il était évident qu’il allait devenir empereur. Mais les rappels de sa mère ne l’avaient jamais dérangé. Il savait que c’était parce qu’elle avait de l’amour et de grands espoirs pour lui et le pays. Il ne l’avait jamais remis en question.

Pour montrer son amour à sa mère, il lui rendait la pareille en lui offrant des mots, de la poésie et parfois une guirlande de fleurs. Fais-moi confiance, Mère, pensait-il. Je deviendrai un grand empereur.

 

— Tu feras un grand empereur.

 

La première fois qu’il avait tué quelqu’un, c’était quand il avait dix ans.

Il avait tué un fonctionnaire de bas rang pour avoir manqué de respect à sa mère.

Sa mère était originaire d’une nation étrangère. Elle avait aimé sa patrie et un certain homme, bénie d’être née dans la noblesse et avec une beauté qui captivait tout le monde. Si rien ne s’était passé, elle aurait vécu une vie paisible dans sa terre natale.

Pour le meilleur ou pour le pire, l’Empereur était tombé amoureux d’elle au premier regard.

 

— Tu feras un grand empereur.

 

Pour le bien de son pays, sa mère avait abandonné l’amour pour devenir la femme de l’Empereur. C’était son noble sacrifice.

Mais qu’aurait-elle pu faire, dans un palais aux intrigues et alliances secrètes ? Elle n’avait aucune connaissance du fonctionnement de ces choses ni aucun allié.

Finalement, sa patrie avait été saccagée par l’Empire, emportant avec elle la vie de l’homme qu’elle aimait. Ceux qui avaient de mauvaises intentions se moquaient d’elle, disant qu’après avoir tout perdu, son cœur devait s’être endurci par la rancune. Ils disaient qu’elle se transformerait en un poison qui rongerait l’Empire un jour.

Ridicule ! Sa mère était l’impératrice et une citoyenne respectable. Et elle l’avait maintenant. Comment pouvait-elle en vouloir à une nation qui allait être héritée par son propre enfant ? Elle ne tournerait jamais le dos à leur pays tant qu’elle aimerait ses enfants.

C’était comme ça que ça devait se passer.

 

— Tu feras un grand empereur.

 

Lorsqu’il avait vu sa mère écraser la couronne de fleurs qu’il lui avait offerte et la jeter sur le côté, il avait commencé à se demander : Maman m’aime-t-elle vraiment ?

 

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« Ah, oui ! C’est dans la poche ! » s’exclama Wein dans la pièce qui lui avait été attribuée, en regardant la carte sur laquelle il avait noté l’état des lieux.

« Attention à ne pas te faire couper l’herbe sous le pied, » prévient Ninym, revenue saine et sauve de Nalthia. « Nous avons peut-être orchestré une bataille entre les deux jeunes princes, mais n’oublie pas que Demetrio a subi des dommages importants. Et nous n’avons toujours pas reçu la confirmation officielle que tu vas être à la tête de ses troupes. »

« Oh, nous n’avons pas à nous inquiéter de ça, » insista Wein. « J’imagine que Demetrio sera réticent, mais il suivra le plan. S’il donne le feu vert, nous ferons le reste. »

« Si tu es sûr… mais je suis un peu surprise. Je pensais qu’il refuserait ton offre jusqu’au bout. »

« Oui, on pourrait le penser. Maintenant que tu le dis, Demetrio ne m’a pas trop critiqué depuis qu’on s’est associé. Je ne sais pas trop pourquoi. »

Wein s’était attendu à ce que le prince soit ouvertement hostile, mais il avait écouté ses opinions sans le rejeter en bloc, même s’il avait gardé Wein à distance. C’était une heureuse erreur de calcul, mais ils ne savaient rien qui puisse expliquer son attitude.

« Peut-être a-t-il appris à se retenir parce qu’il sait qu’il n’a pas beaucoup d’options ? »

« Ta supposition est aussi bonne que la mienne. Avoir à la fois des traits de personnalité malléables et inflexibles est ce qui nous rend humains. J’ai le sentiment que la retenue pourrait tomber dans la catégorie inflexible ici… mais bon, je ne pense pas qu’il faille s’en inquiéter. » Wein avait haussé les épaules. « En tout cas, c’est mieux si Demetrio est coopératif. Maintenant, il nous reste à déterminer quand nous pourrons intervenir dans la bataille entre les autres princes. Nous les surprendrons au moment idéal… ! »

« Je me demande comment ça va se passer. As-tu oublié qu’ils ont Glen et Strang, qui savent comment tu opères ? »

Dès que Ninym avait prononcé le nom de leurs amis, Wein l’avait regardée avec sérieux.

« Oh, oui. Tu as dit que tu étais tombé sur Glen. Comment ça s’est passé ? »

« Je pense qu’il s’est encore plus entraîné depuis la dernière fois qu’on l’a vu. J’aurais été capable de lui tenir tête à l’école, mais maintenant il est intouchable. Je pense qu’il s’est retenu parce qu’il avait l’intention de me capturer vivante. S’il avait voulu me tuer, j’aurais eu besoin de tout ce que j’avais pour m’échapper. »

Ninym servait d’aide à Wein, mais cette fille posée possédait des prouesses physiques inimaginables. Elle connaissait les chevaux et les épées comme sa poche, et était suffisamment sûre d’elle pour affronter deux ou trois soldats moyens sans transpirer.

Même Ninym, cependant, admettait qu’elle n’était pas de taille contre Glen. Wein avait toujours été à la traîne derrière lui en matière de combat. À l’académie, on l’avait surnommé « le fer humain », « l’homme qui sortait indemne d’un accident de calèche » ou « l’homme de cent hommes », mais il avait apparemment dépassé ces surnoms.

« Si Glen est aussi fort maintenant, on doit supposer que Strang l’est aussi. Manfred ne le considère-t-il pas comme un proche confident ? Il y a de fortes chances qu’il devienne un commandant dans l’armée de Manfred. »

Si le point fort de Glen était le combat, celui de Strang était la stratégie. Ses tactiques de combat n’étaient pas seulement efficaces. Il avait l’habitude de frapper les nerfs métaphoriques de l’ennemi sans pitié. À l’école, on l’appelait « l’homme empoisonneur à lunettes », « l’homme à la prime pour ses lunettes » et « le terrifiant tacticien de province ».

« Bon point. Ce type était un monstre pendant les exercices de guerre en classe. Si nous devons l’affronter en tête à tête, je dois admettre que nous ne serons pas dans la meilleure position. »

Même s’il avait dit cela, Wein — « le redoutable SOB », « celui qui rendait les diables mignons », « l’homme qui a tout sauf l’apparence et la personnalité » — avait fait un large sourire.

« Son point fort est la stratégie. En d’autres termes, il n’est fort que sur le champ de bataille. Si nous pouvons l’avoir quand il n’est pas dans son élément, tout ira bien. »

« … Tu penses encore à faire quelque chose d’horrible, n’est-ce pas ? »

« Je veux être un gentleman, mais la tentation diabolique m’en empêche. »

« Ça doit être bien d’être populaire. » Ninym semblait exaspérée.

Elle avait soudainement regardé par la fenêtre.

« Quelque chose ne va pas ? »

« Il y a une sorte d’agitation devant la porte. »

« … Avant la date prévue, hein ? Il semble que le prince le plus jeune ou le plus âgé ait fait son choix. » Wein s’était levé. « Je vais aller voir Demetrio. Il devrait être prêt à me confier le commandement maintenant. »

Il était parti vers la chambre de Demetrio, Ninym le suivant. Alors qu’il approchait de la porte flanquée de gardes, il pouvait entendre quelqu’un se disputer à l’intérieur de la pièce. Les soldats postés avaient des regards indescriptibles sur leurs visages. Wein ne savait pas quel prince était en train de faire son coup, mais Demetrio devait être enragé.

« — Pardonnez-moi. » Wein avait jeté un regard aux gardes avant d’ouvrir la porte d’un air innocent.

Bien sûr, il avait trouvé un messager et Demetrio à l’intérieur.

« Puis-je demander ce qui se passe ? »

Wein avait deviné que c’était le Prince Manfred qui avait fait le premier pas. Le prince Bardloche devait avoir pour priorité de se remettre de la bataille. Manfred aurait du mal à mettre la main sur lui à Nalthia, ce qui est un bon signe pour le prince du milieu.

Bien sûr, Manfred ne pouvait pas rester silencieux. Il devait influencer l’opinion publique et dénoncer Bardloche. Le plan était de mettre le peuple de son côté. C’est ce que Wein espérait. En manipulant les actions de Manfred, Wein pouvait créer une opportunité pour lui-même de les déstabiliser.

Ah, rien de tel qu’un plan qui marche bien ! pensa Wein.

« … Ils se rebellent, » dit Demetrio brièvement.

Wein avait cligné des yeux. « … Ils se rebellent ? »

« … C’est ça. »

« … Où ? »

« … Dans le domaine de ma faction. »

« … »

Un long silence s’ensuit. Finalement, Wein se décida à poser une question.

« Hmm… Je suis désolé. Laissez-moi entendre ça encore une fois. Qu’est-ce qui se passe où ? Quelle est sa taille ? »

Demetrio avait laissé échapper un lourd soupir. « Il y a une grande rébellion dans mon domaine — ! »

« … Excusez-moi !? »

 

+++

« Je suppose donc que nous sommes parvenus à un accord. »

« Oui, c’est bon pour moi. »

Dans le Palais Impérial de l’Empire d’Earthworld, deux personnes étaient assises en face l’une de l’autre à un bureau. L’une était la princesse impériale Lowellmina, l’autre, le prince Manfred.

« C’était inattendu. Je ne pensais pas que tu utiliserais cette stratégie pour arrêter Demetrio, » dit Lowellmina.

Elle avait entendu parler de la rébellion dans le territoire revendiqué par Demetrio et sa faction. Il y avait des rapports de pillage et de violence, et il n’y avait aucun signe que cela s’arrête de sitôt.

Demetrio avait rassemblé autant de soldats que possible pour la bataille contre Bardloche. Cela comprenait le personnel chargé de maintenir l’ordre public et de la protection du domaine. Sans eux, le domaine était devenu temporairement anarchique.

Manfred avait mis le feu à tout ça.

Demetrio n’avait jamais eu une réputation irréprochable. Son peuple était déjà mécontent de lui. Les braises de leur mécontentement étaient là. S’il avait réussi à gagner cette bataille contre Bardloche, ils auraient peut-être réfléchi à deux fois avant d’agir, mais il avait fait une erreur qui le fera entrer dans les livres d’histoire. Mettre le feu à ces braises était une tâche assez simple.

Manfred a fait tout ça trop vite pour que ce soit une idée de dernière minute. Ils ont dû le planifier et profiter de cette occasion pour le mettre en route.

Lowellmina avait détourné son attention de Manfred vers Strang, qui se tenait au garde-à-vous à proximité.

« C’est toi qui as eu l’idée de ce plan, hein, Strang ? Je ne pensais pas que tu pouvais te battre en dehors du champ de bataille. »

« … » Strang resta silencieux et insensible. Il était d’abord le subordonné de Manfred, puis l’ami de Lowellmina. Il s’était tu.

« De toutes les choses à dire. Une accusation sans fondement, Lowellmina, » répondit Manfred, parlant à sa place. « Notre grand frère a eu ce qu’il méritait. Si Demetrio avait géré son territoire, rien de tout cela ne serait arrivé. Je n’aurais jamais imaginé que son peuple soit si mécontent de lui qu’il soit poussé à la rébellion. »

« Pardonne-moi. La gouvernance de Demetrio était bien sûr la cause du conflit. C’est donc une totale coïncidence que cela soit arrivé au moment où cela te serait le plus bénéfique. »

« He, j’imagine que les cieux veulent me mettre sur le trône. » Manfred sourit, sans vergogne.

Lowellmina était sur le point de pleuvoir sur sa parade. « Mais c’est de Demetrio que nous parlons. Il pourrait dire que même s’il a négligé son territoire, tout sera pardonné une fois qu’il sera empereur. »

« Cela ne changera rien. J’ai déjà un engagement de la part du Premier ministre. »

« — » Les yeux de Lowellmina s’étaient écarquillés.

Le Premier ministre. L’homme qui assurait la cohésion de l’Empire après le décès de l’Empereur. On disait qu’il était la seule raison pour laquelle l’Empire avait réussi à survivre à des années de querelles entre les princes.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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