Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 7 – Chapitre 3 – Partie 2

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Chapitre 3 : Une conclusion inéluctable

Partie 2

En se basant uniquement sur le nombre, ses troupes étaient les plus importantes, mais même Demetrio savait que cela ne lui assurerait pas la victoire. L’armée de Bardloche était assez forte pour surmonter cette différence quantitative.

« Et si on inclut nos alliés que nous attendons ? »

« Un peu moins de vingt mille. Bien sûr, il faudra du temps pour qu’ils arrivent. »

Donc presque le double de la taille de l’armée de Bardloche. Cela semblait idéal, mais la question du temps avait fait gémir Demetrio.

« … Puis-je dire quelque chose ? » Quelqu’un au bout de la table avait timidement levé la main. « Peut-être devrions-nous demander l’avis du prince Wein… ? »

La salle de réunion s’était agitée. Tout le monde dans l’Empire connaissait l’ingéniosité de Wein, et tous les participants pensaient qu’il pourrait leur donner une piste vers la victoire.

Wein, cependant, était absent. Il y avait une raison à cela…

« Ce n’est pas la peine. Il nous accompagne, et rien d’autre, » rejeta Demetrio. « Je lui ai permis de s’asseoir une fois pour connaître ses intentions, mais nous ne savons pas ce qu’il fera si nous lui donnons l’occasion de s’immiscer dans nos plans. »

« Son Altesse a raison. Nous avons de nouveaux aristocrates intéressés par notre cause avec Wein comme allié. Nous avons déjà récolté suffisamment de bénéfices de sa réputation, même sans compter sur lui. »

« Et c’est un problème pour l’Empire. Ce n’est pas le moment d’inviter les autres nations à intervenir. »

Tous semblaient unanimement se méfier de Wein. Il était un poison — un poison hautement mortel qui tuait même son administrateur. Ils ne pouvaient pas l’utiliser. Ils ne pouvaient pas laisser Wein leur voler la vedette. Ils le garderaient sous la main, et pas plus. Les aristocrates étaient convaincus que c’était leur meilleure option.

« Je n’ai aucune objection à laisser le prince Wein seul, » déclara le jeune homme qui avait entamé la conversation. « Mais nous devons arriver à une sorte de conclusion. Par exemple, quand devrions-nous agir ? »

Les participants avaient gémi. Plus de soldats mobilisés signifiaient plus de temps pour les organiser. Comment feraient-ils pour arriver à temps ?

Il n’y avait pas de bonne réponse. Seuls les futurs historiens pouvaient le savoir. Ils n’avaient pas besoin d’une réponse correcte, mais de la confiance nécessaire pour décider et s’en tenir à un plan.

« — quinze mille, » annonça Demetrio, en prenant la décision. « Dès que nous aurons quinze mille hommes, nous nous battrons contre Bardloche. Si quelqu’un a des objections, qu’il les dit, maintenant. »

Un silence révélateur avait envahi la pièce.

Demetrio avait hoché la tête. « Alors notre plan est établi. Préparez-vous au combat. »

« « Oui ! » » Les vassaux s’étaient mis en action.

Demetrio parlait doucement sans viser un individu particulier. « Mère… Je promets d’exaucer ton souhait… »

 

« Alors, Wein, qui va gagner selon toi ? »

« Hmm ? Bardloche, » répondit Wein avec désinvolture. « Même si Demetrio a deux fois plus de soldats, Bardloche est un ennemi de taille. De plus, il a la possibilité de se mettre sur la défensive, en attendant que Manfred frappe Demetrio par-derrière. »

« Penses-tu que les deux princes ont un arrangement secret ? »

« Probablement. Même s’ils n’ont rien, Manfred a toutes les raisons d’attaquer Demetrio par-derrière. Je suppose que Demetrio n’a aucun espoir de gagner, aussi fort qu’il puisse essayer. »

Wein venait de s’en prendre à la faction qu’il avait temporairement rejointe. Ninym pensait avoir terminé, mais il s’est avéré qu’il avait plus à dire.

« Mais, tu sais, une victoire ou une défaite ne se terminera pas nécessairement d’une manière favorable. »

« … Qu’est-ce que tu veux dire ? »

Wein avait fait un geste vers les quatre pions sur la carte devant eux. « Nous avons quatre acteurs sur notre scène :; e prince Demetrio, qui a annoncé qu’il allait devenir empereur, le prince Bardloche, qui défend la ville accueillant le rituel, le prince Manfred, qui rassemble son armée à l’extérieur de la ville, la princesse impériale Lowellmina, qui complote dans la capitale. — Qui fait l’erreur ici, Ninym ? »

Ninym avait réfléchi à cette question pendant un moment.

« Ne serait-ce pas Demetrio ? Il n’a fait son annonce qu’après avoir été acculé, et il a les deux autres princes sur les talons… »

« Non, » a déclaré Wein. « C’est le prince Bardloche qui commet les plus graves erreurs. »

« Le Prince Bardloche… ? » Ninym le regarda en clignant des yeux.

Wein s’était assis sur sa chaise, qui avait grincé. « La course a donc commencé. Que se passe-t-il si quelqu’un qui ne veut pas gagner se place devant le but ? Tu le saurais bien assez tôt. Je suppose que tout ce que nous pouvons faire jusqu’à ce que la bataille commence est d’observer les procédures. »

Wein éclata en un sourire et, d’un doigt, écarta un pion qui ne figurait pas sur la carte.

 

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Nalthia était absolument cruciale pour l’Empire. Elle avait la chance de posséder le plus grand lac du continent, ce qui lui avait permis de prospérer pendant des siècles. C’est aussi la raison pour laquelle la ville était toujours prise pour cible par ses voisins, ce qui lui avait valu une histoire de conflits répétés.

Mais un homme avait mis un terme à cette situation il y a plus de cent ans. Il avait rassemblé des personnes et des armes pour libérer Nalthia des nations qui contrôlaient la région à l’époque. Il ne s’était pas arrêté là. Il avait envahi et renversé les ennemis étrangers qui avaient essayé de lui prendre Nalthia.

Une fois la région entière sous son contrôle, il avait déclaré la naissance de l’Empire d’Earthworld, régnant comme son premier empereur et affrontant plus de cent batailles au cours de sa vie.

Après sa mort, il avait été placé dans un mausolée dans les faubourgs de Nalthia, donnant naissance à la tradition selon laquelle tous les empereurs successifs étaient enterrés à Nalthia. Lorsque le territoire impérial s’était étendu, la capitale avait été transférée à Grantsrale pour plus de commodité. Nalthia avait continué à prospérer, même jusqu’à aujourd’hui. C’était à la fois son premier et son dernier territoire.

« Je n’aurais jamais pensé que nous serions ici pour cette raison, » marmonna Glen Markham en marchant le long du sentier sur le mur entourant Nalthia.

C’était l’ancien camarade de classe de Wein à l’académie militaire. Un membre de l’armée du prince Bardloche. Il avait aidé à sécuriser Nalthia pour empêcher le prince Demetrio de devenir empereur.

« Un mausolée pour des générations d’empereurs… J’ai toujours voulu le voir, mais… »

S’ils pouvaient voir l’état de l’Empire maintenant, se lamenteraient-ils ou seraient-ils en colère ? Glen imaginait qu’ils ne seraient pas heureux.

La personne qu’il cherchait était apparue.

« Vous étiez ici, monsieur ? »

Un vieil homme regardait fixement au-delà du parapet du château. Il portait le même uniforme que Glen et un air digne qui démentait son âge.

Lorencio — un comte impérial, ancien instructeur d’épée de Bardloche, et actuellement proche associé et leader de la faction de son ancien élève.

« Oh, Glen. » Lorencio l’avait regardé et avait pointé une main ridée au loin. « Sais-tu où mène cette route ? »

« Hm ? Oui. Elle mène à la capitale impériale, Grantsrale, » Glen répondit docilement à la question apparemment sans sens.

La route qui reliait la capitale à Nalthia était habituellement très fréquentée, mais elle était pratiquement vide en ce moment. Tout le monde savait que, bien assez tôt, ce serait un champ de bataille accueillant les armées de Demetrio et de Bardloche.

« … J’étais posté ici comme garde lorsque le défunt Empereur est arrivé au pouvoir, » dit Lorencio, se souvenant de ça. « Les deux côtés de cette route étaient bondés. Je pouvais sentir leur énergie. Les stands de nourriture étaient bondés, et il était difficile de trouver un logement. Je me souviens des bonbons que j’avais achetés pendant ma pause. Tu sais, ils n’avaient pas très bon goût, mais ils ne ressemblaient à rien de ce que j’avais pu manger auparavant. »

Il poursuit. « À la fin du baptême cérémoniel, Sa Majesté a franchi les portes de ce château avec sa suite, et les acclamations étaient si fortes que j’ai cru que nous vivions un tremblement de terre. Lorsque leurs cris ont envahi Sa Majesté, elle a semblé rayonner… »

« Mon père m’a raconté des histoires similaires. Les gens pleuraient, submergés par l’émotion, et les cris pour Sa Majesté pouvaient être entendus même après le coucher du soleil. »

« Oui… C’est pourquoi je suis si peiné par notre situation pathétique. Qui aurait cru que sa mort entraînerait une telle tragédie ? »

Glen pouvait voir le désespoir dans les yeux de Lorencio, en pensant à leur gloire passée et à leur sombre présent. Cette rétrogradation avait dû le faire souffrir, comme un vent aride sifflant dans son cœur.

Ça n’a duré qu’un instant. Lorencio a fait un sourire d’autodérision.

« … Je t’ai ennuyé assez longtemps. Pardonne-moi, Glen. Ce ne sont que les divagations d’un vieil homme. »

« Pas du tout. »

« Oh, tu n’as pas besoin de faire semblant. Bref, viens-tu me voir pour quelque chose ? »

« Oui. Son Altesse va organiser une réunion pour discuter de l’armée du prince aîné. »

« Compris. Allons-y. »

Lorencio s’était mis en route sans hésiter, et Glen l’avait suivi.

 

Avec Bardloche, les chefs de faction s’étaient déjà rassemblés dans la pièce où Lorencio et Glen étaient entrés.

« Je m’excuse de mon retard. » Lorencio s’était incliné.

Bardloche l’avait gracié. « Asseyez-vous. Je n’aime pas brusquer les choses, mais nous devons commencer cette réunion. »

« Oui. — Glen, reste ici et écoute. »

Glen acquiesça et alla se placer à côté de Lorencio, assis. Il y avait d’autres jeunes gens présents, qui n’étaient pas des leaders, mais des espoirs impatients qui pourraient soutenir Bardloche dans sa future administration.

« Comment se passe la situation avec Demetrio ? »

L’un des subalternes répondit à Bardloche. « D’après nos agents cachés, il concentre son énergie à organiser ses troupes à Bellida. Il n’a pas encore bougé. Ses forces sont actuellement de douze mille hommes. Nous estimons qu’il en a environ vingt mille au maximum. »

« C’est une sacrée armée. Je croyais que sa faction perdait des hommes. »

« Il semble qu’il y soit parvenu en menaçant des otages et en les amadouant avec de l’argent. Il veut que la prochaine bataille soit la dernière entre vous deux. »

« Je suppose que même une souris acculée montrera les crocs. »

Une armée de vingt mille hommes sera difficile à gérer, même si les soldats de Bardloche étaient de premier ordre.

« Mais maintenir une armée de vingt mille hommes n’est pas une mince affaire. Après tout, Manfred représente aussi un danger pour lui. »

« Ce qui veut dire que Demetrio pourrait bouger avant d’atteindre sa pleine capacité… Surveillez-le pour qu’on ne rate rien. » Bardloche grimaça. « Et… qu’est-ce qui se passe avec le prince Wein ? »

Pour Bardloche, Wein était le plus grand joker. Pour le meilleur ou pour le pire, le prince du milieu avait côtoyé Demetrio assez longtemps pour avoir une bonne idée de ce qu’il ferait. Mais il n’arrivait pas à se faire une idée de Wein, et encore moins à imaginer pourquoi il rejoindrait Demetrio.

« Le prince Wein n’a rien fait de remarquable pour le moment. Il semble que même la faction de Demetrio ne sache pas quoi faire de lui. »

« Hmm… D’accord. Surveillez-le aussi. »

« Oui, Votre Altesse ! » Le subordonné mâle s’était incliné.

« Avons-nous décidé d’un front de bataille ? »

« Oui. S’il vous plaît, regardez cette carte. » Un autre homme était intervenu. « Nous avons fait un balayage de la zone environnante. Pour nos troupes respectives, cette plaine en dehors de Nalthia pourrait convenir. »

« Donc une bataille sur un terrain plat. »

« Oui. Nalthia ferait une forteresse sous-optimale. Et si nous transformons sa terre sacrée en un champ de bataille, les citoyens de l’Empire ne seront pas contents de nous. »

Les autres subordonnés avaient acquiescé.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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