Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 5 – Chapitre 4 – Partie 6

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Chapitre 4 : Deux champs de bataille

Partie 6

C’est un monstre… Zenovia avait pensé cela quand Wein lui avait parlé du plan un jour avant.

« D’abord, nous allons suivre votre plan pour céder le territoire. Si nous pouvons trouver un accord, alors c’est bien. Après avoir formé une véritable alliance avec Gruyère et utilisé mon plan pour que Delunio se détruise de l’intérieur, Soljest et Natra prendront le relais. »

Wein poursuit. « Sirgis pourrait faire semblant d’adhérer à notre plan pour gagner du temps. Dans ce cas, je lui révélerai intentionnellement mon plan, je prendrai Delunio en otage et j’utiliserai nos deux pays pour soumettre Soljest… Dans tous les cas, Natra en sortira vainqueur. »

Zenovia avait frissonné.

Il disait en substance qu’ils menaceraient Delunio — en utilisant le propre royaume de Wein comme un moyen d’arriver à leurs fins si cela signifiait détruire le pays bien-aimé de Sirgis. C’était anormal. Comment un membre de la royauté pouvait-il avoir une telle idée ?

Non… Prince Wein est le seul à avoir pu concocter ce plan.

La noblesse se considérait comme spéciale, uniquement parce qu’elle était « noble ». Parce qu’ils sont nés « spéciaux » et ont un sang « spécial ». Parce que c’était naturel qu’ils pensent de cette façon.

Cependant, Wein était différent. Sur ce continent, il devait être le seul à qualifier ses citoyens de complices et à snober sa lignée. Il n’y avait que lui qui pouvait avoir une telle idée, même si cela impliquait de mettre en gage ses ancêtres et sa patrie.

« Arrêtez… de me faire marcher ! » Sirgis s’était écrié, en forçant ses cordes vocales. « Mais qu’est-ce que vous faites ? Croyez-vous que je vais supporter ça ? Espèce de salaud ! Comment avez-vous pu faire ça en tant que prince ? »

Wein avait abordé la question avec un point de vue très différent. Sirgis n’arrivait pas à s’y retrouver. Sa divagation allait dans tous les sens.

« Je… Je sais. Je vais ordonner aux gens d’arrêter immédiatement de porter vos vêtements et… »

« Ha-ha-ha… Monsieur Sirgis. Pensez-vous que je vous expliquerais cela si je pensais que vous pourriez y mettre un terme ? »

« … Ngh ! » Sirgis tremblait. Tout le monde pouvait voir qu’il était au bord de la rupture.

Tolcheila était intervenue. « Reprenez-vous, Sirgis ! Il ne faut pas se laisser berner par ses ruses ! C’est tout à fait hypothétique ! » Son sourire avait feint l’inquiétude, elle le regarda fixement. « Je n’ai jamais entendu parler d’une telle teinture ! Même si des gens sont tombés malades, cela peut être une coïncidence ! »

« Regardez-moi dans les yeux, Princesse Tolcheila. Est-ce que j’ai l’air de mentir ? »

« Évidemment ! »

« Aïe. Ce n’est pas gentil. » Wein avait haussé les épaules.

Mais elle n’a pas tort !

Comme la princesse l’avait fait remarquer, cette teinture n’existait pas. Même si elle existait, il n’y avait aucune chance qu’ils cultivent une plante dangereuse en grande quantité. Tout ce qui concernait le poison était du bluff.

La recrudescence de la maladie n’était pas une coïncidence.

En s’habillant avec nos vêtements de pacotille, ils ne portent pratiquement rien à l’approche de la saison froide. Bien sûr, ils vont tomber malades.

Les industries inférieures de Natra n’étaient pas nouvelles, mais seuls les citoyens étaient au courant. Sirgis et Tolcheila n’étaient pas plus malins.

De toute façon, Wein avait déjà enfoncé le pieu dans son cœur. Tout le monde pouvait voir que Sirgis était en train de paniquer. Tolcheila pouvait encore exprimer ses soupçons, mais le Premier ministre était sur le point de partir en vrille. La princesse avait compris que se disputer pour savoir si la teinture était toxique n’aiderait pas Sirgis à faire son retour. Elle l’avait abordé sous un angle différent.

« Vous m’avez presque eu, Prince Wein ! Si je n’avais rien à voir avec cette affaire, j’aurais planté un baiser sur vos lèvres ! Disons que vous avez réussi à semer le trouble à Delunio. Est-il seulement possible d’amener huit cent mille personnes ici ? »

Ça semblait juste imprudent. Ça inclurait les femmes. Les enfants. Les personnes âgées. Les malades. Ceux qui étaient impatients d’aller à l’ouest. Ceux qui voulaient s’accrocher à leurs liens avec l’empire. Il semblait impossible de les diriger en tant que collectif…

« Mais n’ai-je pas réussi à le faire avec trente mille personnes ? »

Un frisson leur avait parcouru l’échine.

Exact… Le Prince Wein l’a déjà fait ! Il a réussi à mobiliser les citoyens de Mealtars !

Bien sûr, ce n’était pas huit cent mille. Il était difficile de dire si ses compétences seraient utilisables sur une foule plus importante. Cependant, même avec une différence d’une décimale entière, il avait réussi à mobiliser trente mille personnes, ce qui était un exploit impressionnant en soi.

« Dans ce cas… je sais ! Je vais prendre votre tête… ! » beugla Sirgis en secouant son poing.

« Vous m’avez mal compris. Falanya est celle qui a réussi. Je l’ai juste soutenue. Je lui ai déjà donné des instructions détaillées pour se mobiliser si je meurs ici… Alors, que ferez-vous ? »

« Ngh... AAAAH ! » Sirgis avait baissé sa tête sans force en gardant son poing en l’air.

« Je dois empêcher mon père d’envahir… ! » Tolcheila persiste et signe. « Votre stratégie ne fonctionnera que si nous sommes hostiles. Sans une véritable menace, vos sujets ne prendront pas les armes, même si vous insistez en tant que prince et princesse. Ça nous permettra de gagner du temps pour trouver avec Delunio une nouvelle stratégie ! »

« — Pardonnez-moi ! » Un fonctionnaire s’était précipité par la porte.

« Qu’est-ce que c’est que ça ? Ne voyez-vous pas que nous sommes occupés !? » Tolcheila avait déversé son irritation sur lui.

« Mais j’ai un message urgent pour Sirgis… »

Le Premier ministre avait levé les yeux au ciel.

« Crache le morceau ! S’il s’avère que ce n’est rien, je te botterai le cul ! »

« O-oui ! » Il ne savait pas trop pourquoi une princesse étrangère l’avait réprimandé. « Nous avons reçu des nouvelles de la bataille entre Natra et Soljest. Le contenu dit — . »

 

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« Au rapport ! Les troupes de Natra ont abandonné leur poste et ont battu en retraite. Il a été confirmé qu’elles se dirigent vers une forteresse dans les montagnes ! Il semblerait qu’une colonne volante ait été mise en place ! À ce rythme, nous pensons que les deux troupes vont converger ! » rapporta l’éclaireur.

Les commandants menés par Gruyère avaient gémi à l’unisson.

« Ils nous ont eus… »

« Je suppose que cette attaque-surprise était juste pour gagner du temps ? »

« Je pense qu’ils espéraient obtenir la tête de Sa Majesté si l’occasion se présentait. Mais ils ont toujours eu un plan de secours. »

L’autre jour, l’armée de Gruyère avait renforcé ses défenses après avoir reçu des rapports indiquant que l’ennemi se déplaçait au coucher du soleil. Avec une mauvaise visibilité, les batailles de nuit étaient synonymes de tirs amis. Après avoir été pris en embuscade, les principaux chefs de son armée s’étaient naturellement méfiés d’un raid nocturne. Ils avaient choisi d’ériger un mur imprenable avec le roi en son centre.

À l’aube d’un nouveau jour, l’armée avait été confrontée à un spectacle étonnant. Le camp ennemi était complètement désert. Ils avaient parcouru à la hâte les quatre coins, quand ils reçurent la nouvelle d’un témoin oculaire.

Leur armée de huit mille hommes n’avait pas subi de pertes majeures, parvenant à tenir Soljest à distance pendant des jours avant d’abandonner leur camp dans la nuit. C’était comme s’ils se moquaient de leur hypervigilance. Ils s’étaient enfuis dans une forteresse qu’ils avaient furtivement installée derrière eux.

« Ils gagnent juste du temps. »

« En effet. Il n’y a pas non plus eu de pertes majeures de notre côté. Même s’ils s’enferment, ils ont un long chemin à parcourir avant de pouvoir espérer égaler nos hommes. Nous ne pouvons pas être imprudents, mais il n’y a rien à craindre. »

« Ils font demi-tour à la dernière minute ? Et ils se disent soldats ? Ils choisissent une voie qui accueille les critiques de la société. Quelle honte ! »

Ils ne bluffaient pas. Soljest avait toujours le dessus, même si Natra les avait dupés. Les généraux le savaient, et le moral restait bon… sauf celui de Gruyère.

Son expression était sévère. Quelque chose ne va pas…

L’ennemi gagnait du temps. C’est ce qu’il semblerait. Cependant, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il lui manquait quelque chose. Il pouvait sentir une sensation indescriptible s’installer dans ses tripes.

Mais cela fait partie du plaisir.

Gruyère avait souri. Le vrai frisson n’était pas dans une chasse unilatérale, mais dans l’excitation de risquer sa vie sur le champ de bataille. Son cœur avait commencé à battre la chamade. Il pouvait sentir quelque chose de brûlant en lui.

« Dites-le à toutes les forces : nous poursuivons notre proie en fuite. »

« « Oui ! » »

Les officiers avaient répondu à l’unisson.

+

« — Général Hagal ! »

Hagal avait ordonné la construction de la forteresse. Il s’était retourné.

Raklum et Borgen se tenaient derrière lui à cheval.

« Il semble que vous vous portiez bien. Je suis heureux que nous puissions nous retrouver. »

« Je m’excuse pour le dérangement. Je vous rends le commandement complet de l’armée, Général, » répondit Raklum.

« Oui… Alors, dites-moi. Comment était le roi Gruyère sur le champ de bataille ? »

« Au-delà de nos attentes. Il a même été capable de repousser mes flèches. » Borgen avait haussé les épaules.

« Le plan d’attaque-surprise a été un succès, mais j’ai honte de dire que je n’ai pas pu le tuer. » Raklum avait une certaine frustration refoulée.

Hagal avait hoché la tête. « C’est comme ça, c’est tout. Il est presque impossible d’abattre un gros gibier en un seul coup. Je ne vous dirai pas de vous en remettre, mais notre prochaine bataille est juste devant nous. Si vous vous attardez sur le passé, votre épée s’émoussera. »

« C’est vrai… »

« Par ailleurs, tout se déroule toujours selon le plan. L’ennemi a supposé que nous nous retirons pour gagner du temps, » déclara Hagal.

Borgen regarda les troupes de Soljest qui se dirigeaient vers eux. « Pensez-vous que ces gars ont compris le véritable objectif du prince ? »

« Absolument pas, » répondit Hagal, se rappelant comment Wein avait donné ses ordres. « Il n’en est pas question. Ses idées sont trop éloignées de celle de tout soldat espérant la victoire. »

La voix d’Hagal semblait abriter à la fois la peur et l’admiration.

« Qui d’autre prendrait en compte la retraite de sa propre armée dans le calendrier de la diplomatie ? »

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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