Le manuel du prince génial pour sortir une nation de l’endettement – Tome 5 – Chapitre 4 – Partie 3

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Chapitre 4 : Deux champs de bataille

Partie 3

L’équipe de Wein fit avancer son attelage aussi vite que possible et atteignit la capitale de Delunio. Jiva était arrivé à l’avance en tant qu’ambassadeur, les saluant devant leurs logements préparés.

« Je vous attendais, Prince Wein, Lady Zenovia. » Il s’était incliné profondément.

« Comment la situation se présente-t-elle ? » demanda Wein.

« Comme je l’ai déjà dit, j’ai réussi à organiser une rencontre avec le Premier ministre, même si j’ai l’impression qu’il est hostile. »

« Ce n’est pas surprenant. »

Il aurait été extraordinaire qu’il ait eu une haute opinion de Marden après leur première rencontre.

Jiva avait parlé à voix basse. « Après une enquête plus approfondie, il semble que les dirigeants de Delunio soient mécontents de la politique du Premier ministre. Il pourrait agir dans son propre intérêt. »

« Quoi ? Vous voulez dire qu’il a négocié avec Soljest de son propre chef ? » demanda Zenovia.

Jiva acquiesça. « Comme vous le savez, Soljest et Delunio sont en conflit depuis de nombreuses années, ce qui est enraciné dans leurs souverains et leurs sujets. Bien que le Premier ministre ait acquis suffisamment de pouvoir, l’alliance soudaine a secoué leurs citoyens, et les vassaux sont mécontents que leurs opinions aient été négligées. »

« Hmm… ce qui signifie qu’il l’a fait, même s’il pouvait deviner leur réaction. » Wein avait réfléchi pendant un moment. « Eh bien, peu importe. Comme notre armée qui sert là-bas sur le champ de bataille, nous avons un travail à faire. Jiva, comment le plan se déroule-t-il ? »

« La réunion est prévue pour demain après-midi au palais. »

« Demain, hein… » Wein avait considéré cela pendant un moment. « Un timing parfait… »

« Votre Altesse ? »

« Rien. Ninym, récupère le plus d’infos possible sur la discorde entre le Premier ministre et le peuple. Lady Zenovia et Jiva décideront avec moi de la manière dont nous voulons que la réunion se déroule. »

Sur les ordres de Wein, ils étaient partis se préparer pour le jour suivant.

 

+

Pendant ce temps, de l’autre côté des choses…

« Sirgis, pourquoi ne fournissons-nous pas de troupes ? »

Ils étaient dans la salle d’audience du palais de Delunio. Le roi était assis sur le trône. Sirgis s’inclinait devant lui.

« C’est l’opportunité parfaite pour nous, » insista le roi. « Soljest envahit Natra. Ne devrions-nous pas mener nos armées à l’aide ? »

Il avait une trentaine d’années. Il y avait quelque chose dans son expression qui abritait l’anxiété, l’irritation et la douleur.

« Avec tout le respect que je vous dois, Votre Majesté, ce n’est pas le moment, » répondit courtoisement Sirgis. « Vous avez raison de dire que nous pourrions faire une belle réussite sur Natra si nous mobilisons nos troupes maintenant. Mais cela signifierait que moins de sang sera versé par les troupes de Soljest. Pour cette question, il est crucial que les deux nations s’épuisent. Nous devrions rester sur place et surveiller la bataille. »

« A-ah… Je… C’est donc… ? » Le visage du roi montrait clairement qu’il n’était pas entièrement convaincu. Il avait regardé Sirgis.

Le Premier ministre le détestait quant au fait de l’obliger à être extrêmement prudent lorsqu’il se trouvait proche de ses subordonnés. Malgré cela, il n’avait pas l’intention de critiquer le roi. Après tout, Sirgis était celui qui lui avait appris à se comporter ainsi.

Dès la naissance du roi, Sirgis ne lui avait pas permis de penser par lui-même, le forçant à s’adonner au plaisir et à échapper à ses devoirs. En conséquence, il avait régressé et était devenu le type de personne qui ne pouvait même pas gérer les nécessités quotidiennes par lui-même, et encore moins la politique.

« Alors, nous mobiliserons notre propre armée après que les deux armées aient fini de se battre, n’est-ce pas ? »

« Ça dépend de l’issue de la bataille. S’ils sont suffisamment usés, c’est possible. »

« Je vois… C’est bien. S’ils sont face à Natra, ce ne sera pas facile pour Soljest. Si notre armée profite de ce moment pour se ruer sur eux, nous pourrons les terrasser tous les deux — et devenir les alphas du Nord… ! »

« … Bon alors, je dois examiner les rapports de nos messagers. »

« Très bien. Vous pouvez partir. »

Sirgis s’était incliné en s’excusant de devoir quitter le roi, suivi par ses serviteurs.

Lorsqu’ils s’étaient éloignés de la salle de réception, Sirgis avait murmuré. « Deux nations brisées, hein. J’aimerais bien. »

« Pensez-vous que l’un d’entre eux va gagner ? On parie sur Soljest ? »

« Très probablement. Je connais bien leur royaume et Gruyère, » répondit Sirgis en hochant la tête à la question de son subordonné. « Après tout, Natra est une nation de troisième ordre qui a suivi le courant. Face au Roi des Bêtes, il y a peu de chances qu’elle réussisse. Je veux dire, ce serait bien qu’ils fassent une belle réussite sur Soljest, mais je garde mes attentes basses. »

Il secoua la tête. « Je déteste que le roi et les responsables militaires maintiennent nos forces en attente au cas où une occasion en or se présenterait. Tout ce que cela fait, c’est ajouté à nos dépenses, » cracha-t-il avant de changer de sujet.

« Lorsque les messagers arriveront avec la nouvelle de la victoire écrasante de Soljest, personne ne pourra suggérer que nous intervenions. Qu’avez-vous à rapporter ? »

« Il y a un certain nombre de produits. »

Les subordonnés avaient feuilleté leurs papiers.

« Comme prévu, le flux des produits fabriqués à Natra n’a pas été arrêté. Les vêtements semblent populaires parmi les jeunes, » avait déclaré l’un d’eux.

« Cela commence même à affecter les ventes de nos produits nationaux, » ajouta un autre. « Il y a eu plusieurs incidents de confrontation entre les jeunes progressistes et les conservateurs. »

« Cette peste… » Sirgis avait fait claquer sa langue, se moquant de Natra. « Si Soljest les met à terre, ils ne pourront plus faire du commerce aussi facilement. C’est à ce moment-là que nous agirons. »

« En outre, il y a eu une vague de lettres de protestation de la noblesse au sujet de la révision du système fiscal il y a quelques jours. Il y a eu des rapports de détérioration de la santé ces derniers temps. »

« Hmph, ça ressemble aux signes d’une épidémie. Surveillez bien la ville, et faites immédiatement un rapport si la situation semble s’aggraver. Quant aux lettres… Ne laissez que celles qui sont nécessaires dans mon bureau. Brûlez le reste. »

« Considérez que c’est fait. Ensuite —, » le subordonné masculin était resté un moment sans réponse. « Je voudrais vous rappeler votre réunion avec les messagers de Natra demain. Nous avons appris que le prince de Natra et la marquise de Marden sont arrivés à la capitale. »

Sirgis acquiesça. Wein avait utilisé une faveur due à Marden pour organiser une rencontre, mais tout cela serait vain.

« J’imagine qu’ils espèrent mettre un terme à notre cause morale en nous pacifiant… Hmph. Je ne peux pas attendre de les voir me supplier à travers leurs larmes. »

+

La bataille continua de se dérouler entre Natra et Soljest. Un autre combat était sur le point d’éclater dans un endroit très éloigné des lignes de front — avec de grandes implications pour leur avenir.

 

+++

Le lendemain, Wein et Zenovia avaient été conduits dans une pièce du palais royal. Plusieurs officiels et un vieil homme de petite taille les attendaient. C’était le Premier ministre de Delunio, Sirgis.

« J’apprécie votre volonté de nous rencontrer dans un délai aussi court, Sire Sirgis. » Wein avait placé sa main contre sa poitrine.

« Ne le mentionnez pas. Je me suis récemment imposé à vous, alors considérez-nous comme égaux. » Il avait offert un sourire, bien que Zenovia ait senti que ses yeux étaient noirs de mépris. « C’est un grand honneur de vous voir visiter notre nation. Que puis-je faire pour vous ? Avec tout ce qui se passe entre Delunio et Natra, j’imagine que vous ne passez pas sans raison. »

« Vous avez raison, » ajouta Zenovia. « La guerre entre nos nations est née du problème entre notre territoire et le vôtre. Nous sommes venus chercher une solution à l’amiable. »

« Ah, je vois. » Il avait semblé hocher la tête comme s’il comprenait avant de s’ébrouer. « Dans ce cas, je ne demande qu’à ce que vous rentriez chez vous. Je vous ai rencontré ici pour rendre service à Marden, je ne pense pas que quelque chose en sortira. »

« S’il vous plaît, attendez ! » Zenovia avait commencé à se lever. « Je suis consciente que cette dispute territoriale est un malentendu regrettable des deux côtés ! Nous pouvons encore en discuter ! »

Sirgis avait ricané en secouant la tête. « Comme c’est étrange. Je me souviens que vous avez refusé d’en discuter davantage lorsque nous vous avons demandé de nous rendre nos terres… Sans compter que nous avons déjà résolu le problème. »

« Quoi… ? » Zenovia était sur le point de demander ce qu’il voulait dire.

« — Puis-je me joindre à vous ? »

La porte s’était ouverte, révélant une jeune fille. Elle semblait familière à Wein.

« Princesse Tolcheila… !? »

La princesse de Soljest, Tolcheila.

La jeune fille que Wein avait rencontrée à Soljest se tenait devant eux.

« Je pensais que nous pourrions nous revoir bientôt. Cela fait longtemps, Prince Wein. »

Il ne s’était pas demandé pourquoi elle était là. Il était évident que Gruyère avait beaucoup de foi en elle. C’est pourquoi il l’avait envoyé à Delunio comme un envoyé spécial pour arrêter toutes les négociations avec Natra.

« Votre regard passionné me fait sentir coquine… » Elle avait regardé Zenovia. « Je vois. Vous êtes donc l’immense idiote qui est tombée dans notre piège. »

« Qu… » Les joues de Zenovia étaient rouges d’embarras.

Tolcheila avait gloussé. « Un allié incompétent est un fardeau. N’êtes-vous pas d’accord, Prince Wein ? »

« … »

Comme Wein restait silencieux, Sirgis prit la parole, exaspéré. « Interrompre des négociations diplomatiques n’est pas approprié, Princesse Tolcheila. »

« Pas besoin d’être si formel. Cela concerne Soljest, aussi, vous savez. Pourquoi ne pas partager la nouvelle ? Les terres prêtées seront rendues à Delunio dès que notre armée les aura récupérées. »

Le souffle de Zenovia s’était arrêté dans sa gorge. À côté d’elle, Wein avait hoché la tête en signe de compréhension.

Delunio profitait de la lutte entre Soljest — une source d’agression depuis des années — et Natra — une menace émergente. Les deux nations s’écraseraient l’une l’autre sans aucune intervention. Et sortir avec le territoire de Marden serait une victoire ultime pour Delunio.

« Vous êtes exactement comme le roi Gruyère. Vous êtes une enfant sauvage… » Sirgis s’était tu. « Mais la Princesse Tolcheila a raison. Soljest va nous procurer nos terres. Comprenez-vous pourquoi il n’y a pas lieu de discuter ? »

« Ngh... ! » Zenovia avait serré ses dents.

Le lien entre Delunio et Soljest était fort. Elle ne pouvait pas déceler de faiblesses entre eux, mais elle devait les séparer d’une manière ou d’une autre. Si elle ne trouvait pas une solution, le sort de Natra et Marden serait entièrement de sa faute — .

 

 

« Princesse Tolcheila, » dit Wein, prenant soudainement la parole. « C’est à propos de votre question précédente. Je ne pense pas que Lady Zenovia soit incompétente. »

« Ah oui ? De toutes les choses à dire, c’est un énorme oubli de sa part. »

« Je le sais de première main. » Wein sourit. « Je sais qu’elle est du genre à se relever même si elle est mise à terre. »

Zenovia n’avait pas pu dire immédiatement s’il l’encourageait ou s’il se moquait d’elle parce qu’elle se décourageait. Quoi qu’il en soit, il avait déclenché quelque chose dans son cœur au moment où il était sur le point de céder.

Je l’accepte.

Elle avait accepté d’affronter échec sur échec. Cependant, Wein avait raison : elle avait riposté face à des vassaux traîtres, à une nation ennemie qui avait détruit sa patrie, et même à Wein, qui avait essayé de l’utiliser avec tout ce qu’elle valait.

C’est pourquoi elle l’avait en elle. Elle pouvait se battre contre cet homme odieux.

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