Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 8 – Acte 6 – Partie 3

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Chapitre 6 : Acte 6

Partie 3

Ce que Steinþórr avait fait était plus que stupide, c’était carrément idiot. Mais cela avait produit des résultats. Les pertes du Clan de la Foudre avaient été réduites au minimum.

C’était la façon dont les choses se passaient habituellement avec ce jeune homme.

Þjálfi n’avait encore que vingt-neuf ans, mais il avait récemment remarqué que sa ligne de cheveux commençait à reculer, et il était absolument certain que c’était à cause du stress causé par son père juré, égocentrique et irréfléchi.

« Ohh oui, encore une chose, » ajouta Steinþórr, comme s’il venait de se souvenir de quelque chose.

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Ces types ont comme d’habitude traversé la rivière. Plutôt bizarre quand il y a eu toutes ces fortes pluies hier et le jour d’avant. »

« Je vois… c’est certainement étrange. Nous devrions fouiller la zone en amont à partir de la première heure demain matin. »

« Tu comprends vite. C’est pour ça que j’aime t’avoir dans le coin, mec. Ça rend les choses tellement plus faciles pour moi. »

Þjálfi grimaça et haussa les épaules. « En attendant, être près de toi ne fait que me causer toutes sortes de maux de tête. »

Après des pluies aussi abondantes, le fleuve aurait dû couler beaucoup plus haut et plus vite. Le fait que l’ennemi ait traversé si facilement était suspect, même si on tenait compte du fait qu’ils étaient à cheval.

« Je pense qu’il est plus probable qu’ils aient organisé quelque chose… Quand même, ils doivent nous prendre pour des idiots. Même si c’est de toi qu’il s’agit, pensent-ils sérieusement qu’ils peuvent faire marcher le même tour deux fois ? »

« Attends, » commença Steinþórr. « Je suis sûr que ça veut dire que tu viens de me traiter d’idiot. »

« C’est ton imagination, Père, » répondit Þjálfi.

C’était un mensonge, bien sûr, mais vu ce que Þjálfi avait dû endurer, on pouvait peut-être lui pardonner.

Steinþórr ne semblait pas y prêter plus d’attention, et continua. « Eh bien, oui, je ne pense pas qu’ils s’attendent sérieusement à ce que nous tombions dans ce piège à nouveau. Ils l’ont probablement fait dans l’espoir d’une chance que nous le fassions. »

« Ah, c’est logique. Et vu sous cet angle, c’est assez impressionnant de leur part. Pour faire un barrage sur la rivière, les sacs de sable et les ouvriers nécessaires demanderaient une quantité assez importante de fonds et de préparation. Peut-être d’autant plus cette fois, puisqu’ils ont probablement fait cela au pied levé. »

Même si le Clan du Loup avait réalisé d’énormes profits grâce au commerce de ses verreries, ce genre de dépenses ne pouvait pas être anodin pour eux.

Pour une stratégie qui permettrait de repousser ou d’anéantir leurs ennemis, il s’agirait bien sûr d’un prix bon marché à payer, mais si elle ne donnait aucun résultat, tout cet argent et ce travail n’auraient servi à rien.

Steinþórr gloussa. « Héhé, ça montre bien que notre ennemi n’a pas peur de montrer à quel point il est désespéré. Ils ont perdu Suoh-Yuuto, et ils sont acculés dans un coin. Peut-être que c’est tout ce qui leur reste ? »

 

Pendant ce temps, les rares jours consécutifs de fortes pluies avaient également fait monter les eaux de la rivière Körmt, freinant efficacement l’avancée du Clan de la Panthère.

Pour un temps, au moins, le Clan de la Corne avait les cieux eux-mêmes de son côté. Cependant, le Clan de la Panthère restait campé près de la rive sud de la rivière.

Cinq jours avaient passé, et cette période de bonne fortune avait pris fin.

« Le niveau de l’eau a baissé…, » dit Haugspori, l’assistant du commandant en second du Clan de la Corne, en jetant un regard noir sur la rivière Körmt. « Ils peuvent nous attaquer à tout moment maintenant. »

Son regard se dirigea vers la rive lointaine de la rivière jusqu’aux rangs des troupes du Clan de la Panthère qui attendaient là, et il se gratta nerveusement l’arrière de sa tête d’une main.

Il avait reçu l’ordre de son patriarche Linéa de retenir le Clan de la Panthère au bord de la rivière, mais cela allait être assez difficile à faire.

Après tout, l’ennemi avait trois fois plus de soldats.

S’ils s’appuyaient sur cette différence de taille écrasante et attaquaient de toutes leurs forces d’un seul coup, le Clan de la Corne n’aurait franchement aucun moyen de les arrêter.

Bien sûr, les chances que le Clan de la Panthère essaie une telle méthode de force brute étaient probablement assez faibles. Après tout, ils ne seraient pas prêts à sacrifier la vie d’un grand nombre de leurs hommes juste pour franchir ce point.

« Si l’un d’entre nous montre une ouverture, tout va s’écrouler en une seconde…, » murmura Haugspori pour lui-même.

Deux armées, toutes deux en formation, se regardant en silence. C’était une situation courante dans les grandes batailles de terrain.

La clé de cette « bataille silencieuse avant la bataille » était de savoir si l’on pouvait maintenir le moral de ses propres troupes et affecter celui de l’ennemi.

Une impasse prolongée allait saper le moral des troupes, tout comme les épisodes de mauvais temps comme ceux qu’ils venaient de connaître.

De plus, lorsque les forces de l’ennemi avaient un avantage clair, maintenir le moral avec cette connaissance était une tâche difficile en soi.

Presque tous les soldats ici étaient des recrues enrôlées dans la population, généralement les deuxième ou troisième fils de fermiers et autres. On ne pouvait pas simplement exiger que de tels hommes se battent et meurent pour leur nation avec une loyauté sans faille.

Si leur fortune prenait un mauvais tournant, ces hommes s’enfuiraient probablement.

Une coordination et une discipline sans faille, comme celles montrées par les troupes du Clan du Loup, étaient totalement anormales selon les normes communes.

Debout sur l’autre rive, un homme masqué jetait un regard dans sa direction, l’observant.

« Bon sang ! Même de loin, la vue de ce type me fait froid dans le dos, » murmura Haugspori. Soudain, il eut la sensation que quelque chose n’allait pas. « Hm ? »

Une des choses les plus importantes pour un archer est une bonne vision. En tant que meilleur archer du Clan de la Corne, Haugspori avait également les meilleurs yeux du clan.

C’est pourquoi il avait été capable de réaliser ce qui se passait.

Cependant, il était arrivé un peu trop tard.

« L’ennemi attaque ! Attaque ennemie ! Cavaliers armés, approchant de nous par l’ouest ! »

 

« Héhé, ils sont tombés dans le panneau. » Hveðrungr sourit en faisant courir son cheval le long de la rive de la rivière Körmt — la rive nord.

L’homme qui se tenait si effrontément à la vue de tous sur la rive sud du fleuve était un imposteur, un homme de même corpulence et de même chevelure à qui Hveðrungr avait fait porter un masque semblable au sien.

L’apparence de Hveðrungr était si infâme que dans les terres occidentales d’Yggdrasil, il était déjà connu sous le surnom de Grímnir, le Seigneur Masqué. De ce fait, quiconque voyait une personne portant son masque de fer noir supposait que c’était lui. Il avait simplement utilisé ce fait à son avantage.

Avec « Hveðrungr » et la majorité de l’armée qu’il commandait, visibles sur le rivage, à l’affût d’une ouverture, le Clan de la Corne n’aurait bien sûr d’autre choix que de leur consacrer toute son attention.

Et en attirant leur attention sur sa force principale et son faux, le vrai Hveðrungr avait pu prendre trois mille cavaliers avec lui dans une unité séparée, se rendre à un autre point de passage et prendre son temps pour passer la rivière à gué.

La traversée avait encore été quelque peu difficile, mais sans la menace supplémentaire des troupes du Clan de la Corne, ce n’était pas un problème.

Et une fois qu’ils avaient traversé, il n’y avait plus rien à craindre.

Le Clan de la Corne était formé pour faire face aux forces du Clan de la Panthère sur la rive opposée, et donc leur flanc non protégé était exposé.

« Héhé, nous allons les anéantir d’un seul coup ! » Hveðrungr avait avancé sa main, signalant à ses hommes de charger.

« Rrraaaaaaaaghh !!! »

Les cavaliers du Clan de la Panthère poussèrent un cri de guerre puissant et foncèrent à pleine charge vers le Clan de la Corne à une vitesse féroce.

À ce moment-là, ils avaient supposé qu’il ne leur restait plus qu’à écraser et à anéantir leurs ennemis dans un massacre unilatéral.

Cependant…

Un fort grondement était venu des profondeurs des rangs du Clan de la Corne. C’était le grondement sinistre de dizaines de roues de chariots lourds.

« Ngh ! Le mur de wagon !? » Hveðrungr avait fait claquer sa langue en signe d’irritation. « Tch… Comment ont-ils pu en acquérir autant par leurs propres moyens !? »

Il n’avait pas prévu le moins du monde qu’ils auraient préparé ça.

Jusqu’à présent, l’évaluation de Linéa par Hveðrungr avait été tout sauf favorable. Il avait, en bref, complètement écarté ses capacités.

Cette évaluation était, d’une certaine manière, inévitable. Les compétences de Linéa en matière militaire étaient absolument médiocres, si l’on s’en tenait aux résultats de ses batailles.

Elle avait attaqué le Clan du Loup avec deux fois leur nombre de soldats, et elle avait perdu de façon spectaculaire. Par la suite, elle n’avait rien pu faire pour arrêter les incursions du Clan de la Panthère, perdant même des villes fortifiées comme Myrkviðr et Sylgr.

Bien qu’elle soit la souveraine de la nation juste à côté de celle de Steinþórr, elle ne pouvait même pas mériter qu’il se souvienne de son nom.

Pendant l’invasion du Clan de la Panthère, et même avant, pendant l’invasion du Clan du Sabot, elle n’avait défendu la survie de sa nation que grâce à la protection du Clan du Loup.

C’est pourquoi Hveðrungr avait supposé qu’il serait capable de la vaincre avec la facilité d’un tigre chassant un petit.

Mais…

« Merde, » cracha-t-il avec frustration, « Arrêtez-vous, messieurs, arrêtez-vous ! Retirez-vous pour l’instant ! » Il avait fait demi-tour avec son cheval.

La force détachée qu’il dirigeait actuellement n’avait pas assez d’effectifs pour percer la défense de la forteresse de wagons.

« Je suppose que même un patriarche de second rang reste un patriarche, » grommela-t-il. « Donc elle était au moins digne d’atteindre sa position. »

Les chariots utilisés dans le mur de wagons étaient spécialement renforcés par des plaques de fer, et la création d’un seul de ces chariots avait dû coûter très cher.

Même si le savoir de Yuuto avait rendu sa production possible, le fer restait très, très cher. Et le Clan de la Corne aurait importé les matériaux du Clan du Loup, ce qui rendrait le prix de production encore plus élevé.

En seulement six mois, le Clan de la Corne les avait produits en masse. Linéa avait pleinement saisi la valeur militaire de la défense du mur de wagons, et même si sa nation se débattait dans son état politique affaibli, elle avait trouvé le moyen de réunir l’argent nécessaire pour couvrir l’énorme budget nécessaire. Ce n’était pas le travail d’un dirigeant médiocre.

Hveðrungr devrait repenser complètement sa stratégie d’invasion.

 

Après que la force détachée des cavaliers du Clan de la Panthère ait réussi à s’échapper à une certaine distance de la zone du champ de bataille, ils avaient trouvé un village agricole proche et l’avaient attaqué, capturant à la fois des vivres et un endroit pour établir une base.

Les cadavres des habitants assassinés jonchaient le sol ici et là. On pouvait entendre de divers endroits à l’extérieur du village, les gémissements et les cris des femmes.

Prenons par exemple Uesugi Kenshin, qui était considéré dans l’histoire du Japon comme un exemple de général vertueux et héroïque : on raconte qu’en pénétrant en territoire ennemi, il pillait agressivement les villages de leurs récoltes d’automne et capturait les habitants pour les vendre comme esclaves.

Aussi inhumain que cela puisse être, le pillage réduisait les ressources et la force d’un pays ennemi tout en soutenant sa propre armée, faisant ainsi d’une pierre deux coups. Ainsi, ça avait toujours été un élément légitime de la stratégie militaire, étant même recommandé par Sun Tzu.

« Pourtant, il semble qu’ils aient pris le dessus sur nous. » Le général du Clan de la Panthère, Narfi, soupira et secoua la tête. « Je n’aurais jamais pensé qu’ils auraient préparé ces “forteresses de chariots” contre nous… »

C’était un homme mince aux traits nets et délicatement beaux, ce qui le distinguait des hommes du Clan de la Panthère, qui avaient généralement l’air plus sauvages, virils et durs.

Cependant, contrairement à son apparence quelque peu faible, il était un Einherjar avec la rune de Hrímfaxi, le Frostmane, et le troisième plus fort combattant du Clan de la Panthère.

« Alors, que devons-nous faire ? Nous ne pouvons pas exactement utiliser la force brute pour nous frayer un chemin, comme pourrait le faire l’oncle Steinþórr du Clan de la Foudre. Et je crois que faire infiltrer nos hommes dans leur formation sous un déguisement, comme nous l’avons fait à Gashina, sera un peu difficile cette fois-ci. »

« Hmph, c’est vrai, percer ce mur défensif n’est pas un mince exploit, » dit Hveðrungr, assis en face de Narfi avec un air frustré sur le visage. Il haussa les épaules. « Même si nous nous coordonnions avec nos forces principales sur la rive sud de la rivière et lancions une attaque en tenaille, nous pourrions de toute façon être repoussés par leurs défenses. »

Narfi avait silencieusement acquiescé.

Lors de leur précédente bataille à Náströnd, ils avaient attaqué le mur de wagons du Clan du Loup avec deux fois plus de troupes et avaient été totalement vaincus sans même pouvoir infliger de pertes significatives à leur ennemi.

Ils avaient trois fois plus de troupes que leur ennemi en ce moment, mais même avec cela, il semblait clair que foncer tête baissée sans plan ne ferait que répéter l’histoire.

« Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de solution, » annonça Hveðrungr.

« Ohh, comme prévu de votre part, mon Père. Alors, quel genre de méthode avez-vous en tête ? » Narfi était intérieurement frappé par l’impression que cet homme réussissait à trouver une astuce après l’autre pour percer la défense apparemment impénétrable du mur de wagons.

« Il y a longtemps, j’ai entendu ceci de la part d’une certaine personne : apparemment, mener cent batailles et gagner chacune d’entre elles n’est pas le résultat idéal en tant que commandant. »

« Eh bien, gagner toutes les batailles que vous livrez me semble être une chose merveilleuse, » objecta Narfi.

« Le croiriez-vous ? Apparemment, la plus grande victoire est de vaincre son ennemi sans jamais avoir à le combattre. » Hveðrungr ricana et gloussa doucement pour lui-même.

Narfi savait que lorsque Hveðrungr souriait de cette façon, c’était toujours lorsqu’il avait eu une idée particulièrement mauvaise.

À ce moment-là, Narfi avait vraiment eu pitié de ses ennemis du Clan de la Corne.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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