Chapitre 2 : Acte 2
Partie 3
Ce soir-là, quelqu’un d’autre était rentré à la maison où Félicia et Yuuto vivaient.
« Félicia ! Je suis rentré ! » déclara une voix d’homme.
Félicia le salua joyeusement, avec des larmes de bonheur dans les coins de ses yeux. « Bienvenue à la maison, mon frère ! C’est si bon que tu ailles bien. »
Quand elle était avec Yuuto, Félicia avait toujours l’air de s’excuser ou de s’inquiéter, alors Yuuto s’était trouvé excessivement irrité par ce jeune homme. Bien sûr, au moins la moitié était due aux ressentiments d’être incapable de faire sourire Félicia telle qu’elle était là.
Le jeune homme regarda Yuuto en souriant tout en demandant. « Et vous, qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous chez moi ? » Cependant, ses yeux ne souriaient pas du tout.
Il avait l’air d’avoir une vingtaine d’années, et avec ses cheveux blonds, ses yeux bleus et son joli visage, il ressemblait à Félicia, ce qui était tout naturel.
Yuuto le connaissait par Félicia. Il s’appelait Loptr et il était le frère aîné par le sang de Félicia.
Le fait de rentrer à la maison un soir pour retrouver sa précieuse petite sœur avec un homme étrange suffirait à rendre tout frère aîné mal à l’aise, c’était le moins que l’on puisse dire.
« Euh... euh... Je suis... euh..., » Yuuto sentait son esprit se vider sous la pression du regard intense de l’homme.
Il avait eu l’intention de se présenter dans la langue d’Yggdrasil, mais tous les mots nécessaires lui étaient sortis de la tête en le voyant.
« Frère, ne sois pas si intimidant de la sorte envers le Seigneur Yuuto ! » s’écria Félicia.
« Mais Félicia, en tant que grand frère, n’est-il pas naturel que je me méfie d’un homme que je ne connais pas et qui passe du temps avec ma petite sœur non mariée ? » demanda son frère.
« Bon sang ! Ce n’est pas ce que c’est ! » En gonflant les joues, Félicia expliqua à son frère le déroulement des événements jusqu’à présent.
Elle avait parlé à propos du fait qu’elle avait été profondément impliquée dans la prière suppliante à Angrboða, la divinité gardienne d’Iárnviðr.
Elle avait aussi dit que tout à coup, Yuuto était apparu de nulle part, portant des vêtements comme elle n’en avait jamais vu auparavant.
Et enfin, elle lui avait dit comment Yuuto avait affronté Sigrun, le manieur de Hati, le Dévoreur de la Lune, et avait réussi à la prendre par surprise.
« Hoho ! Alors vous avez réussi à marquer un point contre cette fille avec le don des dieux de la bataille ! » déclara Loptr.
« Ahhhh, pas vraiment. Elle y allait vraiment doucement avec moi, et appeler ça de la chance serait un euphémisme, » déclara Yuuto. « Je ne pense pas pouvoir le refaire un jour. »
« C’est quand même étrange. Il y a eu un incident d’une telle ampleur, et pourtant je n’ai jamais reçu de rapport à ce sujet, » déclara Loptr.
« La raison pour laquelle personne ne vous en a parlé, c’est que tout cela a fini par être inutile et que cela ne valait pas la peine de vous déranger en vous en parlant, » déclara Yuuto avec un sourire peiné, en haussant les épaules. « Grâce à cette fille aux cheveux argentés, dès mon arrivée, j’ai été reconnu par tous pour ce que je suis vraiment. Je ne suis nullement le Gleipsieg ou quoi que ce soit, et je suis juste un Annarr inutile qui a fini ici par coïncidence. »
Au cours du mois dernier, il en avait un peu appris sur le monde d’Yggdrasil.
Dans ce monde, la puissance et la force étaient tout. Même l’enfant de sang du souverain ou du patriarche d’une nation devait se contenter de la vie d’un soldat de base s’il n’avait pas la force de s’élever plus haut. De même, même l’enfant d’un paria ou d’un criminel détesté pourrait se lever pour devenir un patriarche.
La loi de la jungle, selon laquelle le fort devait régner sur le faible, avait été fidèlement confirmée dans ce monde.
Cette façon de penser s’appliquait même aux dieux. Ou, plus précisément, la logique était qu’un messager envoyé par les dieux devait nécessairement avoir une sorte de pouvoir, et donc le Yuuto faible et inutile était clairement une sorte d’imposteur.
Pour couronner le tout, la nourriture était connue comme une bénédiction des dieux, et chaque fois que Yuuto mangeait la nourriture locale, il était accablé de douleur et couché dans son lit en étant malade. La rumeur principale se répandant dans la ville était que la maladie de Yuuto était une punition des dieux pour sa tentative de se faire passer pour leur messager et d’avoir tenté de tromper tout le monde.
« Coïncidence ? » demanda Loptr. « Hmm, alors n’avez-vous après tout pas été envoyé par Angrboða. »
« C’est tout à fait le cas. Avant de venir ici, je n’avais jamais entendu parler de ce nom, » déclara Yuuto.
« Eh bien, c’est sa version de l’histoire. Qu’est-ce que tu en dis ? » Loptr adressa sa question à sa petite sœur qui se tenait à côté de lui, comme s’il la testait.
« Même maintenant, je suis convaincue que le Seigneur Yuuto est l’Enfant de la Victoire. Je suis sûre de l’avoir ressenti. Quand j’ai utilisé mon seiðr, j’ai senti Gleipnir saisir la “victoire” ! Quoi qu’on en dise, je suis certaine que le Seigneur Yuuto est le Gleipsieg, » répondit Félicia.
Félicia avait fait sa déclaration sans la moindre hésitation ni la moindre ombre de doute, et Yuuto n’avait pu que pousser un long soupir en réponse.
Alors que les opinions de tous les autres sur Yuuto étaient tombées dans le caniveau, elle seule continuait d’insister obstinément sur le fait qu’il était l’Enfant de la Victoire, Gleipsieg.
Ces créatures appelées femmes étaient toujours enclines à avoir une foi aveugle en leurs propres intuitions. Sans la moindre preuve, Félicia affirmait que son intuition était tout à fait juste. Elle avait ce trait en commun avec l’amie d’enfance de Yuuto, Mitsuki, et avec sa défunte mère.
Yuuto croyait certainement que l’intuition d’une femme était plus juste que celle d’un homme. Mais ce n’était qu’une question de relativité, et l’intuition était beaucoup plus susceptible d’être erronée, selon les expériences personnelles de Yuuto.
Peut-être, Félicia avait elle ressenti quelque chose d’assez fort pour la convaincre d’avoir une telle confiance absolue, mais à la fin de la journée, Yuuto avait pensé que ce n’était qu’un malentendu de sa part. Yuuto savait qu’il ne possédait aucune sorte de grande force en lui.
« Oh ? Alors Félicia est prête à argumenter aussi loin pour vous, » déclara Loptr. « Comme c’est intéressant. Oh, c’est vrai, je ne m’étais pas encore bien présenté. C’est un peu tard, mais je suis Loptr. Je suis le frère aîné par le sang de Félicia, et je suis le commandant en second du Clan du Loup. »
« Hein !? Vous êtes donc le plus haut gradé du clan après le patriarche ? » Les yeux de Yuuto s’étaient écarquillé en raison de la surprise. Il avait entendu dire que Félicia avait un frère aîné, mais pas que c’était une personne si importante.
« Oui, eh bien, mon prédécesseur a été tué au combat lors de la bataille précédente, ce n’était donc qu’une promotion sur le terrain. » Loptr haussa les épaules, mais quelque chose lui parut bien trop humble.
Le Clan du Loup était peut-être un petit clan faible, mais avec ses familles affiliées, il comptait quand même des dizaines de milliers de citoyens. Et le commandant en second était le chef de tous les subordonnés du clan et servait de patriarche par intérim lorsque c’était nécessaire, avec accès à toute l’autorité et au commandement du patriarche dans de tels cas. Il ou elle était également le prochain en ligne pour être patriarche.
Même si le prédécesseur de Loptr avait connu une fin prématurée, sans avoir ses propres réalisations comme exemples de sa force et de son potentiel, il n’y avait aucune chance qu’une personne aussi jeune que Loptr puisse être reconnue apte à être le commandant en second s’il n’était rien.
« Mon frère est un Einherjar de la rune Alþiófr, le Bouffon des Mille Illusions, avec des pouvoirs qui sont comme une version plus puissante des miens, » ajouta Félicia.
Yuuto avait entendu dire que la rune de Félicia était une rune « tout usage » avec une grande variété de pouvoirs, et que c’était rare même chez Einherjar. La rune de Loptr était-elle une version plus puissante de ça ? Ce n’était pas une description particulièrement détaillée, mais avec sa position dans le clan et l’air intimidant qu’il dégageait, Yuuto pouvait dire sans aucun doute que Loptr devait être considérablement puissant.
« J’espère qu’on s’entendra bien. C’est “Yuuto”, non ? » Loptr tendit la main à Yuuto amicalement, avec un sourire charmant sur son visage.
Il avait l’air franc et désinvolte, et pourtant, il n’avait pas l’air superficiel ou peu sincère du tout. En d’autres termes, il semblait apparemment facile à vivre, mais il projetait aussi le sentiment d’être terre-à-terre, avec une confiance en lui inébranlable au centre.
« Oui, je suis Yuuto Su — OW ! » s’écria-t-il.
Alors que Yuuto se présentait, sa main serra celle de Loptr et, l’instant d’après, elle fut serrée avec une telle force que Yuuto s’écria et son visage se tordit de douleur.
Sans sembler tenir compte de la douleur qu’éprouvait Yuuto, Loptr avait rapidement tiré son bras vers le bas, forçant le corps de Yuuto à se pencher vers l’avant. Il avait ensuite tiré fortement vers le haut, et Yuuto avait à peine réussi à éviter de tomber au sol.
« Q-Qu’est-ce que... !? » Yuuto s’était mis à crier en signe de protestation.
« Hein ? » Loptr avait un regard légèrement surpris dans les yeux, et commença à tordre le bras de Yuuto. Malgré son apparence non musclée, il avait fait ça avec une force incroyable.
« Ow-ow-ow-ow-ow-ow-ow !! » Yuuto s’était retrouvé incapable de résister, et c’était tout ce qu’il pouvait faire pour supporter la douleur.
« F-Frère !? Que fais-tu au Seigneur Yuuto ? » Félicia l’avait sévèrement réprimandé.
« Ohh, désolé, désolé, » s’excusant, Loptr avait lâché le bras de Yuuto.
Enfin libre, Yuuto appuya une main sur son bras, qui palpitait de douleur. Il n’avait rien fait pour mériter ce genre de traitement.
Il dirigea un regard amer sur Loptr, mais l’homme ne semblait pas du tout le remarquer. Il avait l’air d’être profondément dans ses pensées, et il donnait l’impression d’être perplexes à propos de quelque chose.
« Hmm, vous ne me semblez pas différent d’un amateur total... Avez-vous vraiment gagné un round contre Sigrun ? » demanda Loptr.
« C’est pour ça que j’ai dit que j’avais eu plus que de la chance ! » Yuuto avait insisté. « C’était un coup de chance. De toute façon, je suis toujours une mauviette. »
« Non, non, ce que je veux dire, c’est que, et je sais que ça va paraître impoli, mais je ne peux pas imaginer quelqu’un comme vous être capable de gagner contre elle, et que cela soit par hasard ou pas du tout. Pour ma gouverne, seriez-vous prêt à me dire comment vous avez fait ? »
« Bien sûr que je peux le dire, » Yuuto avait parlé le visage détourné, boudant un peu. « Je ne pensais pas non plus qu’il y avait un moyen simple de la battre, alors j’ai tenu mon épée avec une poignée lâche, et quand le moment était venu, je l’ai laissée tomber exprès, pour lui faire croire qu’elle avait déjà gagné. Puis elle a baissé sa garde, et j’ai frappé lorsque j’ai vu cette ouverture. C’est tout, oui c’est tout. »
Loptr et Félicia n’arrêtaient pas de dire que c’était une victoire, mais pour Yuuto, le fait qu’il avait fait tout cela et qu’il avait toujours été misérablement vaincu signifiait que ce n’était rien de plus qu’un souvenir d’échec et de honte.
« Hmm, je vois, je vois. Haha ! Vous vous en êtes plutôt bien sorti. Il n’est pas nécessaire d’être si humble. C’était vraiment votre victoire. Vous devriez en être fier. » Yuuto sentit un contretemps sur son dos voûté quand Loptr lui frappa le dos.
Ce n’était probablement rien de plus qu’une tape vigoureuse du point de vue de Loptr, mais elle avait assez de force pour pousser Yuuto en avant de plusieurs pas, et l’impact lui faisait mal au dos.
« Comme je l’ai dit, ce n’était même pas grand-chose, » déclara Yuuto, même s’il n’aimait pas vraiment ce qu’il entendait.
Il était vraiment heureux d’être reconnu et apprécié par quelqu’un. C’était d’autant plus vrai qu’il avait passé le mois dernier à se faire ridiculiser par tous ceux qui l’entouraient comme un bon à rien.
Loptr avait fait un sourire espiègle. « Je parie que c’était aussi une bonne leçon pour elle. Dernièrement, je me demande comment l’amener à être un peu moins douce et naïve. »
« Douce ? Elle avait l’air d’avoir un tempérament calme et d’être prudente selon moi, » déclara Yuuto.
« C’est vrai qu’elle a été bénie par Angrboða avec un talent naturel exceptionnel en tant que combattante. Même à son âge, il ne lui reste plus que moi et le frère Ská pour la combattre. Mais trop compter sur ce talent l’a gâtée et l’a adoucie, » déclara Loptr.
Loptr avait parlé avec un sourire doux et un ton enjoué. Il n’avait pas l’air d’un guerrier féroce capable d’affronter Sigrun de front. Mais la force qu’il avait utilisée contre Yuuto il y a un instant n’était pas naturelle.
« En ce moment, elle est à l’âge où son potentiel de croissance est le plus élevé. Si elle est trop satisfaite d’elle-même dans son état actuel, elle pourrait perdre la chance de peaufiner ses talents et j’avais hâte de l’éviter, » déclara Loptr.
« Si c’est le cas, alors je pense qu’il aurait mieux valu que vous alliez de l’avant et que vous lui appreniez vous-même une leçon, » déclara Yuuto.
Le simple fait de se souvenir des yeux froids de Sigrun le regardant de haut lui avait alors rempli la poitrine d’un sentiment de colère et d’écœurement qu’il ne pouvait réfréner.
Si Loptr était vraiment plus fort que cette Sigrun, alors peut-être qu’il aurait pu la faire chavirer une fois ou deux, et lui apprendre quelques manières et considérations pour les autres. Alors Yuuto n’aurait pas eu à subir une expérience aussi humiliante.
« Haha ! Je suis son aîné depuis trop d’années en âge et en expérience. Si elle perdait contre moi, ne pourrait-elle pas l’utiliser comme excuse ? Alors ça ne servirait à rien. C’est pourquoi vous étiez à cet égard parfait pour ce travail. Vous êtes clairement beaucoup plus faible qu’elle. En fait, vous êtes encore plus faible que la moyenne, pire qu’une recrue novice de la base, » déclara Loptr.
« Vous mettez vraiment beaucoup d’accent sur ce point étant donné que je suis juste devant vous ! » s’écria Yuuto.
« Hahahaha ! »
« Ce n’est pas drôle de s’amuser aux dépens des autres avec des rires rafraîchissants ! » s’écria Yuuto.
Au premier abord, Loptr semblait être un jeune homme gentil et sociable, mais il semblait avoir quelques rebondissements dans sa personnalité.
Même ce côté de lui n’était pas du tout désagréable. C’était plus comme des taquineries légères qui venaient d’un sens aigu de l’humour, un sens de l’humour qui maintenait la conversation vivante et détendait la tension des personnes autour de lui. C’était le genre de charme curieux que ce jeune homme avait.
« Désolé, désolé, » gloussa Loptr. « Elle a quand même perdu contre vous malgré ça. Elle a dû faire face à son inexpérience, et je parie qu’en ce moment, elle se bat frénétiquement avec son épée lors d’un entraînement. Et c’est une bonne direction pour elle. Grâce à vous, cette fille va devenir encore plus forte... »
« Si cela arrive, je pense qu’elle sera trop difficile à vaincre pour n’importe qui, » murmura Yuuto.
« Hahahaha ! Je ne souhaite rien de plus. J’aimerais la voir devenir si forte que même moi, je ne pourrais pas lever le petit doigt sur elle. Parce qu’en ce moment, le Clan du Loup a besoin de tous les combattants d’élite que nous pouvons rassembler, » déclara Loptr.
L’expression de Loptr s’était endurcie et il était devenu sérieux d’un coup. Il regardait dans le vide, comme s’il regardait quelque chose de lointain.
Il était amical et facile à vivre, mais ce n’était pas tout ce qui le caractérisait. Il était le genre de personne à qui l’on pouvait confier le lourd fardeau d’un poste comme celui de commandant en second du clan à un jeune âge.
« Alors... la bataille la plus récente a été assez difficile ? » demanda Félicia, incapable de cacher son inquiétude.
Félicia, qui avait affecté l’avenir même de la nation, devait être très curieuse de l’orientation actuelle de la guerre, mais elle n’avait pas voulu aborder le sujet en raison de la conversation animée de Loptr et Yuuto.
« Oui, c’était très dur, » confirma Loptr. « Ce patriarche du Clan de la Griffe, Botvid, est un vrai problème. Et comme pour le commandant en second précédent... Père a été pris dans les plans rusés de cet homme et, malheureusement, a rencontré la mort. Je t’en ai parlé dans ma correspondance, non ? »
« ... Oui. » Félicia hocha la tête une fois, l’expression raide. Elle se retenait, mais la profondeur de sa tristesse était très claire, et son visage était assombri par son ombre.
Par « Père », Loptr ne parlait pas du patriarche du Clan du Loup, mais de son père de naissance, et donc de celui de Félicia. Yuuto pourrait en déduire autant de l’esprit de la langue que dans leurs paroles.
« Eh bien, cette fois-ci, le frère Ská et moi avons réussi à rallier les troupes et à résister à l’assaut ennemi, et d’une façon ou d’une autre, nous les avons fait se retirer pour le moment. Mais notre camp a aussi subi beaucoup de victimes, » déclara Loptr.
« Je... Je vois. » Félicia hocha la tête gravement, les poings serrés.
Le destin de sa nation s’approchait de plus en plus, et elle semblait pouvoir entendre les pas qui s’approchaient. Elle pouvait les entendre et elle ne pouvait rien faire. C’était le genre d’expression désespérément vexante qu’elle portait.
« C’est pour ça que j’attends beaucoup de vous, » Loptr avait dirigé un regard vif sur Yuuto.
Mais pour Yuuto, avoir des attentes fixées sur lui comme ça était un problème. « Je l’ai dit tout à l’heure, mais je ne suis pas quelqu’un d’impressionnant dont on peut attendre quoi que ce soit. Je ne suis ni utile ni bon à quoi que ce soit dans ce monde. »
« Hmmmm. Vous savez, vous êtes trop humbles. Je pense que ce dont le Clan du Loup a le plus besoin en ce moment, c’est de quelqu’un comme vous, » déclara Loptr.
« Hein ? » s’exclama Yuuto.
« La situation pour nous en ce moment est vraiment précaire. Le frère Ská tient la ligne au Fort Gnipahellir, mais si cela tombe, les flammes de la bataille engloutiront ensuite Iárnviðr. Je vais essayer d’éviter ce résultat, mais d’ici la nouvelle année, l’ennemi aura réorganisé ses armées, et il va sûrement envahir à nouveau. Honnêtement, je ne suis même pas sûr qu’on puisse leur résister à ce rythme, » déclara Loptr.
Loptr soupira profondément, la fatigue balayant son beau visage. Il ne restait plus aucune trace du niveau de confiance et de sang-froid presque agaçant qu’il avait affiché il y a un instant.
« Ce dont nous avons besoin, c’est d’une idée qui sort du cadre du bon sens, d’un plan ou d’une astuce pour nous sortir de cette situation désespérée et nous sortir de l’impasse. Je m’en fiche si c’est déshonorant, ou honteux, ou lâche. Au diable les combats francs et équitables. En d’autres termes, tout comme vous avez eu un succès sur Sigrun malgré l’énorme différence de force entre vous. » Loptr était un homme difficile à évaluer, mais Yuuto pouvait dire d’après le poids de ses mots que c’était là ses vrais sentiments.
Ce jeune homme luttait désespérément pour trouver une solution. En tant que commandant en second, il portait sur ses épaules le poids de dizaines de milliers de vies. Je dois faire quelque chose. Ces mots angoissés étaient écrits sur son visage.
« Vous me surestimez. Ce n’est pas comme si j’avais la moindre idée de ce qu’il fallait faire. » Yuuto secoua la tête et fit un petit rire découragé à ses dépens.
Il avait tellement honte d’avoir traité tout cela comme si c’était un jeu. Les propos de Sigrun sur le manque de détermination étaient tout à fait justes. Il ne pouvait pas imaginer qu’une personne aussi superficielle que lui puisse faire quoi que ce soit pour aider.
« En plus, je retourne dans mon propre monde demain, » déclara Yuuto.
« Oh, c’est vrai ? » demanda Loptr. « C’est vraiment dommage. On vient juste d’apprendre à se connaître. J’ai décidé que je vous aime bien aussi. Êtes-vous sûr que vous ne pouvez pas rester ici un peu plus longtemps ? »
« Je suis heureux de vous l’entendre dire, mais..., » avec un sourire sec, Yuuto secoua la tête.
Le truc, c’est qu’il était franchement heureux d’être apprécié comme ça. Et cela lui avait fait peur. Il savait que ces attentes ne feraient que se transformer en déception.
« J’ai quelqu’un qui m’attend, » expliqua Yuuto.
Il y avait quelqu’un de l’autre côté qui avait besoin de lui, et pour qui il était réel.
Merci pour le chapitre.
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