Chapitre 1 : Acte 1
Partie 3
« Wah ! »
Quand il ouvrit les yeux, Yuuto regardait un plafond inconnu. Les doux rayons du soleil qui pénétraient dans la pièce à un angle lui indiquaient combien de temps s’était écoulé.
« Attends ! Où est-ce que je me trouve ? » déclara-t-il pour lui-même.
Yuuto s’était levé du lit dur et avait jeté un coup d’œil autour de lui. Il avait dû être transporté ici après avoir perdu connaissance.
Les murs étaient peints avec un enduit blanc durci, mais la finition était rugueuse et la surface du mur était grossière et inégale. Franchement, ça avait l’air bâclé.
Sur une simple étagère assemblée avec des bouts de bois grossiers, il y avait des petits bols et des tasses en terre à côté d’objets qui rappelaient à Yuuto des figurines d’argile haniwa [1].
Yuuto avait pensé aux images qu’il avait vues à l’occasion à la télévision ou sur Internet, des maisons des peuples indigènes d’Afrique ou aux tribus minoritaires qui vivaient dans les montagnes rurales de la Chine et de l’Inde.
En même temps, cela avait fait naître chez lui le sentiment que ce qui s’était passé la nuit précédente n’était pas un rêve.
« ᚨᚻ ’ᚹᚨᛞ ᚻᚨᛜᛞᛖ? »
Yuuto se tourna vers la voix familière et douce, et la jeune fille aux cheveux dorés d’hier se tenait là, souriante et heureuse.
Alors que leurs yeux se croisèrent, Félicia se racla la gorge, et sa belle voix chantante résonna doucement dans toute la pièce. À ce moment-là, Yuuto se rendit compte qu’il avait déjà entendu la mélodie trois fois, et il avait pu en déduire qu’il s’agissait du galldr de Connexions.
Une fois qu’elle eut fini de chanter, Félicia expira doucement et se retourna pour lui parler. « Je vois que vous vous êtes réveillé, Seigneur Yuuto. Avez-vous mal quelque part ? »
« Non... non, je vais bien. Mais quand même... dès mon arrivée ici, j’ai affiché un spectacle vraiment pathétique, » découragé, Yuuto poussa un long soupir et se gratta la tête.
Les souvenirs de ce qui s’était déroulé juste avant de s’évanouir étaient encore vifs en lui. Au milieu d’une foule de spectateurs, il avait perdu contre une fille sans même se battre, et elle l’avait assommé. Il s’était lui-même humilié.
Et c’était sans parler du fait qu’il avait perdu après avoir fait un geste sournois. Franchement, il n’avait pas d’excuses pour ce qu’il avait. Plus il se le remémorait, et plus cela le rendait tout empli de gêne. Il aurait aimé effacer toute cette expérience de sa mémoire s’il l’avait pu.
« Teehee, » ria Félicia.
« Quoi — !? Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? » Yuuto éleva la voix alors qu’il s’irritait contre l’attitude de Félicia. Pourquoi avait-elle laissé sortir un petit rire ? Il la considérait comme une personne gentille qui était de son côté, et c’était comme si elle l’avait trahie d’une certaine façon en ce moment.
« Oh ! Je suis désolée, » déclara-t-elle. « Je ne peux pas dire ce que les autres pensent, mais je ne pense pas du tout que vous ayez été pathétique. Au contraire, ce combat n’a fait que confirmer ma conviction que vous devez être l’Enfant de la Victoire, Gleipsieg. »
« Hein ?? Qu’est-ce que vous racontez ? Je viens de me réveiller après avoir été assommé froidement, » déclara-t-il.
« En effet, » déclara-t-elle. « Cependant, si cela avait été une véritable bataille, et que vous aviez manié un couteau ou une épée courte, le cadavre de Run aurait été celui qui se trouverait sur le sol. »
Félicia acquiesça d’un signe de tête satisfaisant, puis elle fit un sourire enjoué et vilain qui semblait beaucoup plus en accord avec une fille de son âge que l’aura plus vieille et plus sage qu’elle projetait habituellement.
« Run était si frustrée... et le regard de déception qui était clairement visible sur son visage... ! Hee hee hee hee hee ! Oh, c’était vraiment un spectacle à contempler, » déclara Félicia en riant.
« Elle était donc frustrée..., » Yuuto avait du mal à imaginer cette fille au visage de glace montrant tant d’émotions. Si cela voulait dire qu’il lui avait causé un petit choc, alors au moins, c’était peut-être une petite réussite. « Même à ce moment-là, elle se retenait vraiment contre moi. »
Sigrun avait facilement bloqué chacune des attaques de Yuuto, et elle avait même commencé à lui donner des instructions comme l’aurait fait un entraîneur.
Si cela avait été une véritable bataille, alors ce combat aurait été duel où la vie et la mort étaient en jeu. Dans un tel cas, Sigrun n’aurait pas perdu de temps à jouer en restant sur la défensive. Par exemple, au premier round de leur combat, elle l’aurait frappé en un instant, l’abattant, et c’était la fin de l’histoire.
« Même si elle se retenait, c’est impressionnant, » répondit Félicia. « Même moi, je ne peux pas la toucher quand elle se bat à son meilleur. »
« Eh bien ! Même si vous dites que..., » Yuuto trouva ses yeux naturellement attirés par la volupté de la poitrine de Félicia. Sigrun, avec sa silhouette élancée, semblait au moins assez agile, mais le corps de Félicia était beaucoup plus galbé et abondant en douceur féminine. Elle ne ressemblait pas du tout à une personne capable de se battre.
« Oh, mon Dieu ! » avait-elle grondé un Yuuto qui la pensait une faible femme. « Sachez qu’en tant qu’Einherjar qui porte la rune de Skírnir, le Serviteur sans Expression, je suis assez forte. Au sein du Clan du Loup, il n’y a peut-être qu’une dizaine de personnes qui pourraient me battre. »
Le sens de ce mot lui était venu à l’esprit. Einherjar : Une personne choisie par les dieux qui porterait un symbole de leur sanctification, une rune, quelque part sur leur corps. Ils étaient capables d’utiliser des pouvoirs mystérieux inaccessibles aux humains normaux.
L’esprit du langage dans les mots de Félicia avait transmis le concept à Yuuto. Et Yuuto s’était rendu compte qu’il faisait l’expérience directe de l’un de ces pouvoirs mystérieux. Il n’avait pas d’autre choix que d’y croire.
« Je vois, » déclara Yuuto d’un signe de tête. « C’est pour ça qu’elle était si forte. »
Une tentative de plaquage à pleine puissance d’un garçon n’avait pas réussi à déplacer le corps de Sigrun d’un pouce. Ça lui avait paru étrange. Il y avait aussi les seiðrs qui l’avaient invoqué dans ce monde, et il y avait les galldrs qui ressemblaient à des chançons magiques tel que Connections. Ce monde était vraiment plein de magies et de mystères !
Le cœur de Yuuto, presque brisé, avait été ravivé de l’intérieur par les feux de l’excitation et de l’attente. « Génial ! Alors, si je devenais l’un de ces Einherjars, pourrais-je aussi devenir plus fort !? »
« Oui, en tant que Gleipsieg, je suis sûre que très bientôt vous manifesterez sûrement une magnifique rune, Seigneur Yuuto. Peut-être, comme le Tigre Affamé de Batailles, Dólgþrasir, du Clan de la Foudre, vous pourriez même être béni par les dieux avec des runes jumelles, » déclara Félicia.
« Ohhhh, des runes jumelles ! Ça a l’air trop cool ! » s’exclama Yuuto.
Dans son esprit, il s’imaginait avec des symboles brillants apparaissant sur le dos de ses deux mains, ou bien, peut-être en avoir une dans chaque œil. Et à ce moment-là, il obtenait un pouvoir qui le distinguait complètement des autres, et il abattait les ennemis alignés devant lui. Quand c’était arrivé, même cette Sigrun pourrait être aussi faible qu’un enfant par rapport à lui.
Cette idée lui avait donné un si bon pressentiment. Il avait l’impression qu’il tremblait rien qu’en l’imaginant.
« Oh, c’est vrai ! » déclara-t-il. « J’ai raté l’occasion d’obtenir une réponse hier. Mais où est-ce que je me trouve ? Ce n’est clairement pas le monde d’où je viens. »
Au moins, dans le monde de Yuuto, il n’y avait pas d’individus avec des pouvoirs aussi puissants que les Einherjars.
Et c’était sans parler de la magie comme le galldr, qui lui permettait déjà aujourd’hui de comprendre une langue totalement inconnue. Si une technique aussi étonnante existait dans le monde de Yuuto, il n’aurait pas besoin d’être forcé d’étudier à l’école une langue étrangère comme l’anglais.
« Ah, bien sûr, » déclara Félicia. « Il s’agit de Yggdrasil, une terre que l’on dit formée à partir du corps de l’ancien Dieu Géant, Ymir. »
Lorsque Yuuto entendit l’explication de Félicia, il avait eu en tête l’image d’un énorme géant allongé face contre terre dans une mer sans fin. De l’autre côté de son dos s’étendaient des montagnes, des plaines, des rivières et des forêts, et tout le monde généreux de la nature. C’était ainsi que Félicia, ou plutôt les habitants qui vivaient à Yggdrasil percevaient leur monde.
« Au pied des montagnes Himinbjörg qui se trouvent dans le centre approximatif de cette grande terre se trouve la capitale de notre Clan du Loup, Iárnviðr. C’est là que vous êtes arrivé dans ce monde, Seigneur Yuuto, » expliqua Félicia.
« Incroyable ! » s’enthousiasma-t-il. « C’est un monde fantastique parfait ! Et je crois que j’ai déjà entendu le mot de Yggdrasil. N’était-ce pas dans la mythologie nordique ? »
Yuuto avait placé une main sur sa bouche et s’était creusé les méninges. C’était un savoir qu’il avait acquis à partir de médias comme les jeux vidéo, mais il s’était remémoré que c’était le nom d’un arbre géant dans la mythologie scandinave qui avait formé la racine et l’axe du monde. Quoi qu’il en soit, la connexion avait fait battre la chamade à son cœur.
« Alors, y a-t-il des noms comme Gungnir, ou Odin, ou aussi Asgard ? » Yuuto avait fait entendre quelques-uns des plus grands noms de la mythologie nordique dont il se souvenait. Il était incapable de cacher l’enthousiasme présent dans sa voix.
« Euh, je ne reconnais pas les deux premiers mots, mais Ásgarðr est le nom de l’empire qui règne sur Yggdrasil, » répondit Félicia.
« L’empire... Donc, même si les mots sont les mêmes, ils peuvent se référer à des choses complètement différentes. Franchement... mais quand même, on peut communiquer si parfaitement, que c’est carrément effrayant, » déclara-t-il.
Il y avait eu des moments où Yuuto et Mitsuki avaient des difficultés à communiquer et à se comprendre, et ils étaient des amis d’enfance qui parlaient la même langue et se connaissaient depuis aussi longtemps qu’ils pouvaient s’en souvenir. Et pourtant, il pouvait parfaitement communiquer avec cette femme qu’il avait rencontrée il y a moins d’un jour, et qui parlait une langue complètement différente.
C’était tellement pratique qu’il n’avait pas pu s’empêcher de se sentir troublé par cela. Cependant, cela avait certainement aidé à faire avancer la discussion plus rapidement.
« On s’en fout des détails ! » avait-il déclaré. Il avait serré son poing et il s’était excité. « D’accord ! Alors tout d’abord, à propos de ces runes... hein ? »
L’estomac de Yuuto avait alors émis un grognement long et puissant. Maintenant qu’il y réfléchissait, il n’avait rien mangé d’autre qu’une petite barre énergétique avant de commencer l’épreuve de courage hier soir.
En entendant ça, Félicia cligna des yeux, puis sourit de façon enjouée. « Teehee ! Si on prenait d’abord le petit-déjeuner ? »
Notes
- 1 Haniwa 🙁埴輪, « cylindres de terre cuite ») sont des terres cuites funéraires japonaises. On les a retrouvées sur de nombreuses tombes de la période Kofun (古墳時代, kofun jidai), du iiie siècle au viie siècle. Le mot kofun désigne en japonais le type de tertres funéraires, souvent « en trou de serrure », mais aussi rond ou carré, qui apparaît dans la seconde moitié du iiie siècle et disparaît au cours du viie siècle.
Ils sont un sujet de recherches scientifiques et archéologiques depuis l’ère Edo (江戸時代).
Merci pour le chapitre.
Merci pour le travail.
Merci pour le chapitre !