Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 11 – Chapitre 1 – Partie 1

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Chapitre 1 : Acte 1

Partie 1

« Seigneur Yuuto ! Dame Mitsuki ! Félicitations et meilleurs vœux ! »

« Félicitations ! »

« Vive le Clan de l’Acier ! »

Les citoyens de Gimlé applaudissaient, leurs voix étant une cacophonie qui s’élevait du centre-ville.

C’était le point final de la cérémonie de mariage, une grande parade de rue.

Les deux côtés de l’artère principale étaient pleins à craquer de gens désireux d’apercevoir Yuuto et sa nouvelle femme.

Chevauchant une calèche magnifiquement décorée d’or et d’argent éblouissants, Yuuto et Mitsuki avaient reçu les acclamations et avaient salué en retour.

L’atmosphère était à la fête et à la gaieté, les visages des gens étaient remplis de joie…

« Bon sang, ça devient un vrai bordel…, »

… Mais l’homme du jour se murmurait amèrement à lui-même, même si son visage gardait un sourire heureux.

En ce moment, l’esprit de Yuuto était complètement occupé par des préoccupations concernant l’ordre d’assujettissement émis par le Pjóðann contre le Clan de l’Acier.

« N’as-tu pas dit que c’était quelque chose que tu attendais ? » Mitsuki, sa jeune épouse, le lui avait demandé doucement, tout en maintenant ses propres sourires pour la foule.

« Je bluffais, » répondit Yuuto. « L’anxiété d’un dirigeant se propage à ceux qui sont sous ses ordres. J’ai décidé sur le moment que je ferais comme si ce n’était pas grave. »

Le maintien de la cérémonie et la tenue du défilé dans les délais prévus étaient les résultats de cette décision.

Grâce à l’utilisation des pigeons voyageurs, son clan disposait d’un avantage considérable sur les autres nations en termes de rapidité d’envoi et de réception des informations. De ce fait, il avait pensé que la situation n’était pas assez urgente pour exiger des contre-mesures immédiates de sa part. Cette connaissance avait joué un rôle dans sa décision d’aller jusqu’au bout de son bluff.

« Oh, wôw ! Je n’arrive pas à croire que tu aies pu rester calme et que tu aies pu considérer tout ça en un seul instant, » dit Mitsuki.

« Je devais le faire, » répondit Yuuto. « Le fait d’avoir des choses inattendues comme ça qui vous tombent dessus est quelque chose qui arrive tout le temps sur le champ de bataille. »

Le commandant d’une armée devait être capable de garder son sang-froid en toutes circonstances et de maintenir au moins l’apparence d’un calme imperturbable.

C’était le principe auquel Yuuto se tenait toujours, et ses efforts avaient porté leurs fruits.

« De toute façon, je ne peux pas imaginer que l’ordre d’asservissement soit quelque chose que Rífa ait fait de son plein gré, » déclara Yuuto. « Je dois dire que je ne veux pas non plus l’imaginer, » ajouta-t-il en laissant échapper une pointe d’inquiétude.

« Oui…, » le visage souriant de Mitsuki s’était assombri d’inquiétude pendant une seconde.

De la fin de l’automne dernier jusqu’au printemps dernier, Rífa avait été hébergée par le Clan du Loup à Iárnviðr, mais elle n’avait pas subi d’offenses particulières à son honneur ou quoi que ce soit de ce genre.

En fait, elle avait plutôt apprécié le temps passé là-bas.

Et quand Yuuto s’était retrouvé transporté de force dans le Japon moderne, elle avait prêté ses pouvoirs pour aider à le ramener ici. Il serait certainement étrange qu’elle se donne tout ce mal pour le faire revenir ici, juste pour appeler à la guerre contre lui.

Yuuto poursuivit : « Je dirais qu’il y a de fortes chances que ce soit l’œuvre de quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui a émis l’ordre sous le faux nom de Rífa. »

Et si c’était le cas, il avait déjà une bonne idée de qui c’était.

Après quelques recherches, Yuuto savait maintenant que Rífa ne contrôlait plus le gouvernement du Saint Empire Ásgarðr. Il était entièrement à la merci de quelqu’un d’autre, un certain vieil homme.

Il était le patriarche de l’un des dix grands clans du royaume, le Clan de la Lance, qui protégeait la moitié sud de la région centrale d’Ásgarðr. En plus de cela, il était aussi le Grand Prêtre Impérial, l’un des postes les plus puissants du gouvernement…

Yuuto murmura le nom. « Hárbarth. L’homme qu’on appelle Skilfingr, le gardien d’en haut… »

Comme son autre nom le suggérait, le vieil homme semblait avoir une connaissance approfondie de tout ce qui se passait dans l’empire, qu’il s’agisse des scandales secrets et des faiblesses des nobles de la cour dans la capitale Glaðsheimr, ou des détails complets des incidents survenus dans des régions lointaines.

Savoir tout ce qui se passe à Glaðsheimr est une chose, mais connaître les événements lointains en est une autre. Dans le monde d’Yggdrasil, où l’information mettait beaucoup plus de temps à voyager qu’au 21ème siècle, une telle capacité était une menace claire.

En conquérant et en absorbant le Clan de la Panthère, le Clan de l’Acier était enfin devenu assez grand pour rivaliser avec les deux clans les plus puissants de l’empire. Yuuto pouvait au moins féliciter l’homme d’avoir pris des mesures aussi immédiates pour tenter de le réduire.

Chaque chose en son temps. Je vais conquérir Yggdrasil.

C’était le serment que Yuuto s’était fait à lui-même, mais il semblerait que le chemin vers son but ne soit pas du tout aussi facile.

« Kris ! »

Après la fin du défilé et l’arrivée de Yuuto au palais, il avait immédiatement sauté de la voiture et avait crié le nom de sa subordonnée. Il n’y avait plus la moindre trace de la joie du jeune marié dans son comportement.

« Je suis là, mon seigneur. » La réponse était venue directement de derrière lui.

Yuuto n’avait pas senti la présence de quelqu’un, mais il n’avait pas été surpris. Il se retourna et fit face à la propriétaire de la voix, une jeune fille qui semblait n’avoir que douze ou treize ans.

« As-tu de nouvelles informations ? » demanda Yuuto.

« De la région de Glaðsheimr, je crains que non dans ce court laps de temps. »

« Hm, je suppose que c’est logique. »

« Cependant, il y a une autre question…, » Kristina avait fait une pause. « Est-ce que vous pourriez me prêter votre oreille pour un moment ? »

« Hm ? Qu’est-ce que c’est ? » Yuuto se pencha et permit à Kristina de chuchoter directement dans son oreille.

 

 

« Le patriarche Douglas du Clan du Frêne a eu une réunion avec son subordonné pour discuter s’il était préférable pour lui de rester au service loyal du Clan de l’Acier ou non. »

« … Tu as comme toujours une excellente ouïe, » dit Yuuto, les lèvres retroussées en un sourire.

Kristina avait l’air d’une petite fille innocente et adorable, mais en réalité, elle était un maître dans l’art de dissimuler sa présence et de se cacher aux yeux de tous, et un agent de renseignement expert.

Douglas était, pour le moins, un individu dont les capacités lui avaient permis de réussir à se frayer un chemin jusqu’au rang de patriarche de son clan. Il avait sûrement pris soin d’éviter l’attention et les oreilles indiscrètes lorsqu’il avait sa conversation privée.

Mais cet effort était inutile. Kristina l’écoutait toujours facilement à son insu. C’était ce qui la rendait si utile et fiable en tant que fille jurée de Yuuto.

« Eh bien, » marmonna Yuuto avec indifférence, « vu la situation, je suppose que ce n’est pas étrange qu’au moins l’un d’entre eux agisse comme ça. »

Il était lié aux autres patriarches par le Serment du Calice, un lien qui était censé être plus épais que le sang, un lien qu’il était normalement absolument impardonnable de rompre. Mais l’ordre d’assujettissement du Þjóðann avait le poids de la justice impériale, et offrait une porte de sortie parfaitement valable.

À l’heure actuelle, n’importe lequel de ses enfants jurés pourrait revenir sur ses vœux envers lui, et personne ne pourrait les condamner pour cela. En effet, il serait parfaitement naturel pour certains d’entre eux d’envisager l’option de la trahison comme un moyen d’assurer la survie de son clan.

« On dirait que j’ai eu raison d’être rapide pour faire mon propre coup. Au fait, comment ça se présente ? »

« Cela se passera sans problème, » répondit Kristina.

« Vraiment ? » Les yeux de Yuuto s’étaient légèrement élargis. « Je suis un peu surpris. Vu le type dont on parle, je me doutais qu’il pourrait se rebiffer un peu. »

« Héhé, on dirait qu’il a bien plus peur de faire de vous un ennemi que d’être celui de l’empire, père. »

« Hm. Eh bien, s’il va faire exactement ce que je veux, alors ça me convient parfaitement. Très bien, contacte les patriarches subsidiaires et informe-les que nous allons immédiatement nous réunir dans la salle de conférence. »

« Compris, Père. » Lorsque Kristina confirma la réception de son ordre, elle disparut complètement en un instant, comme si elle avait été effacée.

Yuuto n’était pas mieux qu’un amateur dans les arts martiaux, mais même ainsi, disparaître comme ça était un incroyable exploit de furtivité.

« Je suis tellement content d’en avoir fait ma fille jurée. »

Parfois, l’information était bien plus précieuse que le fer ou le verre.

En l’occurrence, sans savoir au préalable que Douglas hésitait, la trahison éventuelle aurait pu surprendre Yuuto et le laisser désorienté. En le sachant à l’avance, il pouvait prendre des contre-mesures.

Dans L’art de la guerre, l’une des sources de savoir les plus prisées de Yuuto, Sun Tzu déclare également que les espions sont la pierre angulaire d’une armée.

Kristina était certainement cela, et bien plus encore.

« Très bien, on dirait que tout le monde est là, je vais donc rappeler ce conseil à l’ordre, » annonça Yuuto, son regard passant sur les autres personnes assises à la table ronde.

Éclairés par la lueur orange des torches murales, les visages des sept patriarches des clans subsidiaires s’étaient tournés vers lui.

Chacun d’entre eux avait un sens de la dignité et de la présence qui convenait à quelqu’un qui s’était élevé à la position de tenir ensemble et de contrôler un clan.

Yuuto continua. « Je suis désolé de vous réunir si tard dans la nuit comme ça, mais je suis sûr que vous savez tous pourquoi je devais le faire. »

Ils avaient tous acquiescé fermement. Yuuto confirma que tout le monde avait compris avant de continuer.

« En effet, il s’agit de l’ordre impérial de subjugation contre le Clan de l’Acier, qui aurait été émis par le Þjóðann. On ne sait pas pourquoi Sa Majesté a émis une telle déclaration contre nous. Actuellement, j’ai demandé à Kristina d’enquêter sur ce point. »

« Pardonnez-moi, » dit l’un des patriarches. « Pendant la cérémonie de tout à l’heure, n’avez-vous pas dit que cet événement correspondait à vos attentes ? » La voix de l’homme était suspicieuse.

C’était Fundinn, le patriarche du Clan des Chiens de Montagne. Son clan était basé sur les pentes abruptes des montagnes Himinbjörg, et Fundinn ressemblait en effet à l’image stéréotypée de « l’homme des montagnes ». Ses lèvres et son menton étaient cachés sous une barbe rude, ses bras et son torse poilus étaient visibles dans les interstices de ses vêtements… et il avait un regard aussi acéré que celui d’un faucon.

« Si vous avez anticipé cette situation, vous deviez avoir des raisons de le faire. Serait-il possible pour vous de nous le dire ? » avait-il demandé. Ses yeux méfiants s’étaient posés sur Yuuto.

Il y avait assez de pression derrière ce regard pour faire trembler de peur un homme normal, mais Yuuto l’avait encaissé sans sourciller avant de continuer.

« Très bien », avait-il répondu. « Pour être franc, c’est le fait que nous sommes devenus trop grands et trop puissants en si peu de temps. Assez grands pour que le gouvernement impérial commence à craindre d’être remplacé sous peu. »

Cette idée était logique à première vue, mais ce n’était en fait qu’un raisonnement que Yuuto avait échafaudé après coup, pendant le défilé. Il s’était dit qu’après avoir déclaré publiquement que la situation était conforme à ses attentes, il aurait une ou deux questions de ce genre.

Cependant, il ne pensait pas non plus que la logique de cette déclaration soit trop éloignée de la réalité.

Le Þjóðann Rífa était une autre affaire, mais Hárbarth était celui qui contrôlait réellement l’empire en ce moment, et ses motivations pour créer cette situation étaient probablement de cet ordre.

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