Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 10 – Chapitre 4 – Partie 3

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Chapitre 4 : Acte 4

Partie 3

« Hé, calme-toi, Jörgen », déclara Yuuto.

« Comment puis-je être calme à ce sujet, Père ? ! C’est de l’honneur du Clan de l’Acier dont nous parlons ici ! »

« Non, je pense quand même que tu devrais te calmer et y réfléchir à nouveau. Il n’a pas attendu notre réponse à sa demande pour faire avancer ses troupes. Cela signifie que dès le départ, il ne comptait même pas sur notre aide. »

« Oui, Père, c’est exactement ça. Ils nous prennent à la légère… » Jörgen commença, mais Yuuto leva une main.

« Écoute, le Clan de la Flamme a déjà combattu le Clan de la Foudre une fois. En d’autres termes, ils ont vu de première main le pouvoir ridicule possédé par cet idiot de Steinþórr. Et malgré cela, ils ont quand même décidé qu’ils n’avaient pas besoin de notre aide. »

« Ah… ! » Jörgen haleta, les yeux écarquillés.

La pièce était devenue silencieuse, à l’exception du bruit de plusieurs personnes déglutissant nerveusement.

Félicia leva lentement une main. « Peut-être que ceci… et le ton irrespectueux de leur message… signifie simplement qu’ils surestiment leur propre force, et sous-estiment celle du Tigre Assoiffé de Combats, Dólgþrasir. Ne serait-ce pas le cas ? »

Félicia avait combattu Steinþórr de première main sur le champ de bataille, et elle ne savait que trop bien à quel point son pouvoir était surhumain.

Avec le Mánagarmr actuel et le précédent, elle avait été l’un des sept Einherjars qui avaient essayé d’entourer Steinþórr et de le combattre tous en même temps. Il les avait repoussés facilement, et c’était presque un souvenir traumatisant pour elle.

Il était tout simplement trop difficile d’imaginer qu’un tel monstre puisse être vaincu sur le terrain par quelqu’un d’autre que Yuuto.

« Je ne peux pas nier cette possibilité, » déclara Yuuto en réponse. « Mais, heureusement, la demande stipule que tout ce que nous avons à faire est de mettre suffisamment de troupes pour aider à détourner et occuper les forces de l’ennemi. Cela serait suffisant pour satisfaire la dette que nous avons envers le Clan de la Flamme. Que le Clan de la Flamme gagne ou non sa bataille, le Clan de la Foudre subira des pertes à coup sûr. C’est très bien pour nous. » Les lèvres de Yuuto s’étaient retroussées en un sourire.

D’ordinaire, Yuuto était une personne gentille et chaleureuse qui voulait éviter la guerre autant que possible. Mais de temps en temps, il montrait ce côté plus impitoyable de lui-même.

Bien sûr, s’il n’avait pas eu cet aspect en lui dès le début, il n’aurait pas été capable de conquérir les terres de Bifröst jusqu’à la côte d’Álfheimr.

« Linéa ! » Yuuto appela.

« Oui, monsieur ! »

« Combien de soldats pourrais-tu mobiliser avant que ça devienne intenable ? »

« Umm… voyons voir. » Linéa avait réfléchi un moment, faisant des calculs dans sa tête. « Deux mille… non, on pourrait, je pense, mettre trois mille en jeu. »

Félicia n’avait pas réagi à voix haute, mais intérieurement, elle en avait été étonnée.

Elle avait parcouru la majorité des données relatives à l’approvisionnement en nourriture, et avait une bonne compréhension de la situation. Plutôt que de « s’en sortir » comme Linéa l’avait dit, Félicia avait plutôt l’impression qu’ils en étaient déjà au point où ils n’avaient pas assez pour s’en sortir.

Et maintenant, Linéa disait que même dans cette situation, elle pouvait trouver les ressources nécessaires pour mobiliser une force de trois mille soldats. Honnêtement, ça ne semblait pas du tout crédible.

Mais cette fille ne faisait pas de vantardises vides ou malhonnêtes. Si elle disait qu’elle pouvait le faire, alors elle pouvait le faire.

« Très bien, alors. Rún ! »

« Oui, Père ! »

« Tu mèneras les trois mille dans le territoire du Clan de la Foudre. Mais souviens-toi, tu essaies seulement de distraire l’ennemi. N’y va pas trop profondément et ne t’engage pas complètement. Et surtout si cet idiot se montre, tu te tires de là immédiatement. »

« Oui, Père ! » La réponse de Sigrún était plus rapide que jamais, mais les sens aiguisés de Félicia remarquaient toujours le plus petit soupçon de retard.

Ce n’est pas que Sigrún ne comprenait pas la différence de force entre elle et son ennemi. Elle savait sûrement mieux que quiconque qu’elle ne pourrait pas vaincre Steinþórr.

Mais même si elle le savait, ce n’était pas la même chose que de pouvoir l’accepter.

Elle venait d’entendre Yuuto, parmi tous les autres, lui dire qu’elle ne pouvait pas gagner contre Steinþórr. Sigrún s’était jurée à Yuuto d’être son épée, et elle devait se sentir honteuse d’être incapable d’abattre son ennemi.

Yuuto, quant à lui, semblait avoir compris ce que Sigrún devait ressentir, car il s’approcha d’elle et posa une main sur sa tête, la caressant doucement.

« Ce n’est pas que je ne crois pas en ta force. En fait, c’est parce que je compte tellement sur toi que je ne veux pas prendre le risque de te perdre dans cette petite bataille mesquine. D’accord ? »

« Oui, Père ! » Sigrún cria sa réponse avec toute son énergie.

Un spectateur ne verrait rien de différent dans l’apparence de Sigrún, car elle avait son habituel visage de pierre. Mais Félicia la connaissait bien, et elle pouvait dire que la jeune fille avait complètement retrouvé ses esprits.

 

 

Il ne faut pas plus qu’une petite récompense pour la motiver, n’est-ce pas ? pensa Félicia.

Bien sûr, Félicia elle-même trouvait souvent son bonheur et sa déception suspendus aux remarques de Yuuto tout aussi souvent, elle n’avait donc pas de place pour la critique.

Soudain, Linéa prit la parole, sa voix était stridente et tremblait un peu. « U-um, Grand Frère-je veux dire, Père ! »

« Hm ? Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Yuuto.

« U-um, obtenir les fournitures nécessaires pour trois mille soldats est en fait une chose assez difficile à faire. »

« Oh. Hm, alors devrions-nous réduire nos forces à deux mille ? »

« Ah, non ! Hum, ce que je veux dire, c’est que je vais travailler très dur ! »

« Oui, merci. Je sais que ça va être dur pour toi, mais fais de ton mieux, d’accord ? »

« … Bien. » Linéa avait semblé fléchir, ses épaules s’affaissant.

Yuuto inclina la tête, confus quant à la raison pour laquelle elle semblait si déçue.

En gloussant, Félicia décida de prendre la parole. « Grand Frère. Lady Linéa espère que tu lui tapoteras aussi la tête. »

« Hein ? » Yuuto s’était figé, puis il avait regardé Linéa.

Le visage de Linéa s’était mis à rougir de plus en plus et elle avait baissé les yeux avec humilité.

Mais après un moment, elle avait semblé rassembler sa détermination et avait relevé la tête, rencontrant les yeux de Yuuto.

« O-oui, si tu veux bien, s’il te plaît ! » avait-elle crié.

« U-uh, d’accord. Eh bien, je veux dire, ça me va. Mais si tu veux demander une faveur, il y a de meilleures choses que tu peux demander, tu sais. » Yuuto semblait mystifié par cette situation, mais il s’approcha de Linéa, et caressa sa tête, ébouriffant doucement ses cheveux.

Yuuto ne pouvait pas voir le visage de Linéa sous sa main, mais Félicia le pouvait. Elle semblait aussi heureuse qu’elle pouvait l’être.

« Je suppose que ce n’est qu’une preuve de plus de la qualité du caractère de Grand Frère », s’était dit Félicia en souriant doucement à cette scène.

Linéa et Sigrún étaient respectivement les plus forts maîtres du clan en combat martial et en administration. Mais elles étaient prêtes à tout donner d’elles-mêmes pour la promesse d’une tape sur la tête.

D’ordinaire, les officiers les plus performants recevaient des récompenses matérielles coûteuses, des terres, des titres et des privilèges spéciaux. Mais le clan de l’acier profitait des avantages d’un grand talent à un prix tout à fait abordable.

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Une fois la réunion terminée, Yuuto avait un peu de temps libre, alors lui et Félicia étaient allés voir Mitsuki ensemble.

Félicia avait ouvert la porte très lentement et avait cherché à détecter tout mouvement provenant du lit. Si Mitsuki dormait, elle voulait faire ce qu’elle pouvait pour ne pas la réveiller.

La chambre était sombre, mais l’une des capacités de Félicia en tant qu’Einherjar était une impressionnante vision nocturne.

« Il semblerait qu’elle soit endormie », déclara Félicia.

« Ok, alors. Assurons-nous d’être tranquilles, » chuchota Yuuto en jetant également un coup d’œil dans la pièce.

Le sommeil était l’un des meilleurs médicaments pour la plupart des maladies.

Si les deux d’entre eux avaient accidentellement réveillé Mitsuki, ils lui feraient plus de mal que de bien.

« … ? » La servante qui veillait sur Mitsuki semblait sentir Yuuto et Félicia. Peut-être les avait-elle entendus chuchoter. Elle s’était retournée pour leur faire face et s’était inclinée.

C’était une femme qui semblait avoir une vingtaine d’années, avec un comportement très calme. Elle était aussi très belle.

Yuuto s’était approché discrètement d’elle et avait murmuré : « Hey, Raphina. Comment va Mitsuki ? »

« Elle a toujours une forte fièvre. Elle a fini son dîner et s’est endormie il y a peu de temps. »

« Je vois. As-tu été avec elle tout le temps ? Merci d’avoir pris soin d’elle. »

« Oh, non, Dame Mitsuki a été si gentille de donner à ma fille un traitement si spécial, et je lui dois beaucoup en gratitude. C’est le moins que je puisse faire. »

En regardant le visage de Raphina, Félicia remarqua qu’elle ressemblait fortement à sa fille Éphelia. Ou plutôt, il serait plus approprié de dire que c’était Éphelia qui ressemblait fortement à sa mère.

Si Éphelia devait grandir pour être aussi belle que cette femme dans dix ans… c’était presque une perspective effrayante.

« Bien, on dirait qu’elle a au moins pu manger », chuchota Yuuto. Il regardait une table latérale, qui contenait un petit bol vide.

Comme Raphina l’avait dit, il semblerait que Mitsuki venait juste de finir son repas. Le bol vide était encore légèrement humide.

Mitsuki avait vraiment lutté pour essayer de manger pendant un certain temps, mais maintenant elle était de retour à manger des portions un peu normales.

Raphina hocha la tête. « Oui, bien qu’il semblerait que la nourriture froide n’ait pas non plus été très agréable pour elle ».

« Eh bien, c’est un fait. » Yuuto haussa les épaules, un sourire amer sur le visage.

Après avoir expérimenté une variété d’aliments différents, ils avaient finalement trouvé le principal déclencheur des crises de nausée de Mitsuki. Apparemment, c’était la chaleur et la vapeur.

L’humidité et l’odeur des aliments chauds et fraîchement cuits semblaient en être la cause.

Et donc, Mitsuki avait été forcée de manger seulement de la nourriture qui avait refroidi.

Il n’y avait rien qu’ils puissent vraiment faire à part faire avec, et elle s’assurait de manger ce qu’on lui donnait. Mais Mitsuki était une fille qui aimait cuisiner. Par extension, elle aimait aussi le goût de la bonne cuisine, et les repas chauds étaient l’un des moments forts de sa journée. Donc, ne pas être en mesure de manger de la nourriture chaude et fraîchement cuisinée était vraiment stressant pour elle.

« Si nous étions au Japon, il y aurait beaucoup de nourriture que je pourrais obtenir pour elle qui est vraiment savoureuse même si elle est réfrigérée. À cause de moi, elle doit passer par des moments très difficiles, hein ? » Yuuto avait fait un sourire triste, et s’était agenouillé à côté de Mitsuki. Il fixa son visage avec de l’inquiétude dans les yeux, puis il lui caressa doucement la tête.

À ce moment-là, Félicia avait senti une douleur aiguë lui transpercer le cœur.

Tapoter la tête de quelqu’un était une habitude de Yuuto. C’était sa façon naturelle de montrer qu’il appréciait quelqu’un et qu’il tenait à lui.

C’est quelque chose que Félicia voyait tout le temps. Il ne devrait rien y avoir d’étrange à cela. Il y a peu de temps, il l’avait fait à Sigrún et Linéa.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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