Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 10 – Chapitre 2 – Partie 5

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Chapitre 2 : Acte 2

Partie 5

« Ah, d’accord, encore une chose », ajouta Linéa. « Au cas où tu suivrais mon idée, il y aura probablement des gens parmi les nomades qui t’en voudront de les avoir fait quitter les villes qu’ils occupaient. Il se peut même qu’il y en ait un certain nombre, donc je pense que tu dois t’assurer que tu leur prépares des avantages ou des incitations pour compenser cela, et pour qu’ils ne restent pas mécontents. »

« Ha… ha ha ha ! »

« Huh ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Ai-je vraiment dit quelque chose d’aussi étrange ? »

« Ah, non, madame, c’est juste que je me suis souvenu de quelque chose que Maître Yuuto a dit ». Skáviðr gloussa. « Il m’a dit un jour que, si nous avions vécu dans une ère de paix, vous seriez sûrement connue comme l’un des plus grands souverains de notre temps. Je vois maintenant qu’il avait tout à fait raison. »

« Quoi ? ! P-Père a dit quelque chose comme ça sur moi… ? » Linéa n’avait pas pu s’empêcher d’esquisser un sourire étourdissant.

C’était censé être une discussion importante entre collègues patriarches, qui exigeait une certaine dignité, mais elle ne pouvait réprimer le puissant sentiment de bonheur qui montait en elle.

Si Yuuto l’avait louée comme ça directement, elle aurait pu penser que c’était de la flatterie polie, mais en l’entendant de la bouche de quelqu’un d’autre comme ça, elle pouvait accepter que c’était son opinion honnête.

« A-t-il dit autre chose sur moi ? » La question était sortie de la bouche de Linéa avant qu’elle ne puisse se retenir.

Elle avait l’intention de profiter de cette réunion pour apprendre la situation domestique du Clan de la Panthère, mais maintenant les choses avaient complètement dérapé. Mais même en pensant cela, elle ne pouvait pas s’en empêcher.

« N’importe quoi est bien ! N’importe quelle petite remarque », avait-elle ajouté rapidement. « Ça ne me dérange pas non plus si c’est quelque chose de négatif. Je peux toujours m’en servir comme base pour travailler à m’améliorer. »

« Hm… Je n’ai jamais entendu de remarques négatives à votre sujet de sa part, » dit Skáviðr. « Au contraire : pendant la campagne contre le Clan de la Panthère, lorsque nous avons commencé à fournir des cargaisons de vivres aux réfugiés, il a remarqué que c’était uniquement grâce à vous qu’il pouvait faire face à une tâche aussi impossible. Il semble qu’il compte vraiment sur vous. »

« Je… Je vois. Alors il a une si haute opinion de moi ! » La voix de Linéa montait en flèche tandis qu’elle s’excitait.

Cela l’avait remplie d’un désir renouvelé de travailler encore plus dur pour être à la hauteur des attentes de Yuuto. Mais juste au moment où elle pensait cela, Skáviðr avait repris la parole.

« Ah, en fait, il y avait autre chose… »

« Il y en a d’autres ? ! Dis-moi ? ! »

« Il a dit qu’il vous adorait autant que si vous étiez vraiment sa petite sœur. »

« En tant que petite sœur…, » Linéa pouvait se sentir tendue, son sourire se figeant.

Elle avait été préparée à accepter avec joie toute critique ou plainte de Yuuto à son égard, mais cela lui laissait des sentiments plus mitigés.

Naturellement, elle était heureuse de savoir qu’il se souciait d’elle.

Elle en était heureuse, mais le fait qu’il la considère comme une petite sœur était un problème.

Bien sûr, elle avait été sa petite sœur jurée pendant un certain temps, mais en tant que femme, elle ne pouvait pas se contenter de ce genre de relation platonique.

« À part ça… Je suis désolé, » ajouta Skáviðr. « Je ne me souviens de rien d’autre en particulier. Cependant, dans tous les cas, Maître Yuuto a très certainement une profonde affection pour vous dans son cœur, madame. »

« Je… je vois. » La bouche de Linéa était sèche. « Mais… en tant que sa sœur, non ? Eh bien, c’est quelque chose que je savais déjà. ... Ah, pardonne-moi. Notre discussion s’est éloignée du sujet. Pour l’instant, la situation actuelle du Clan de la Panthère est plus importante. Y a-t-il d’autres problèmes que tu rencontres ? »

« D’autres problèmes… Je dirais que c’est la pénurie de nourriture, » dit Skáviðr. « L’aide que nous recevons du Clan de l’Acier nous aide beaucoup, et j’en suis vraiment reconnaissant, mais si je dois être honnête, ce n’est toujours pas suffisant. Ainsi, bien que je sache à quel point il est impudique de faire cette demande, serait-il possible d’augmenter le montant que vous nous donnez ? En l’état actuel des choses, nous n’avons pas assez pour approvisionner tout le monde, et dans la périphérie du clan, il y a déjà plus d’un qui meurt de faim… »

« Je le savais… » Linéa poussa un soupir amer, elle s’affaissa et posa son menton sur un bras. Elle avait eu le mauvais pressentiment que cela pourrait être le cas.

Naturellement, selon les calculs de Linéa, elle avait envoyé au Clan de la Panthère plus qu’assez pour couvrir leurs besoins. En fait, il y avait même une petite marge positive incluse.

Cependant, les humains sont des créatures égoïstes. Il était inévitable que certains prennent avidement plus que leur juste part des provisions au moment où elles étaient distribuées, volant ce qui aurait dû aller aux autres.

Lorsque Linéa était chargée de diriger la reconstruction de Myrkviðr, elle avait vu cette horrible réalité de ses propres yeux.

« Eh bien, je suis désolée de dire que je ne peux pas répondre à tes attentes cette fois », déclara Linéa. « En fait, les envois d’aide sont plus susceptibles de diminuer à l’avenir. J’ai déjà rencontré les autres patriarches et conclu des accords pour qu’ils fournissent une partie de leur propre nourriture, mais même dans ce cas… »

« Je vois… donc vous agissiez déjà pour tenter de résoudre le problème. Et même dans ce cas, l’aide va encore se réduire. Hmm. » Les sourcils de Skáviðr se froncèrent, inquiets.

Il imaginait probablement à quel point la situation deviendrait désespérée pour son peuple si ses réserves de nourriture, déjà insuffisantes, diminuaient encore plus.

Il était possible qu’il y ait un nombre important de décès par famine.

C’était un homme qui était toujours prêt à se sacrifier pour la paix et la sécurité de son peuple. En tant que personne ayant le même état d’esprit, Linéa comprenait profondément la détresse amère qu’il devait ressentir maintenant.

« Bien sûr, j’ai aussi l’intention d’en discuter avec Père, mais il serait préférable de ne pas trop en attendre », ajouta Linéa.

« … Oui, vous avez raison. » Skáviðr soupira. « Même quelqu’un d’aussi grand et sage que Maître Yuuto ne peut pas simplement créer quelque chose à partir de rien, après tout. »

Les stocks de nourriture étaient consommés entre les récoltes. Ils n’allaient jamais augmenter.

Le problème était de savoir comment distribuer intelligemment la nourriture à partir des réserves dont ils disposaient. Et la quantité absolue de ces réserves était bien trop faible pour la demande.

Il y avait aussi une limite à ce qu’ils pouvaient acheter sur le marché des autres clans environnants. Ils étaient dans une situation financière difficile pour le moment, et ils n’avaient pas beaucoup de capitaux de côté.

« Malgré tout », ajouta Linéa, « je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’il pourrait trouver une idée qui résoudrait tout ça. C’est ce qui est si effrayant chez lui. »

« Ha ha ! C’est bien vrai. » Skáviðr avait eu un petit rire en coin.

Le seigneur suzerain de Linéa et Skáviðr, Suoh-Yuuto, était quelqu’un qui avait surmonté un certain nombre d’épreuves apparemment impossibles.

En seulement deux ans, il était passé de la tête de l’un des clans les plus petits et les plus faibles d’Yggdrasil à la tête de ce qui était devenu sa troisième plus grande superpuissance. Et même s’ils en avaient été les témoins directs, c’était encore trop incroyable pour y croire.

Quelle que soit la situation, il pouvait instantanément trouver un moyen d’éliminer le problème. C’était l’étendue de la confiance qu’ils lui accordaient.

« Même sur la question de l’unification des nomades et des anciens peuples du Clan du Sabot qu’ils ont conquis, je t’ai dit que je ne pensais pas que c’était possible, mais il est toujours possible que Père puisse trouver une solution que je n’ai pas pu… Hum ? Attends, c’est ça ! » cria Linéa.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Skáviðr.

« Les nomades ! Nous n’avons jamais eu besoin de les nourrir ! »

« Hein ? » La réaction perplexe de Skáviðr était un moment incroyablement rare pour lui. « Je vous demande pardon, madame ? »

Les mots de Linéa avaient dû vraiment le prendre au dépourvu.

C’était tout à fait naturel, car même si les nomades du Clan de la Panthère étaient ses anciens adversaires de guerre, l’idée de ne pas leur donner de nourriture serait encore une suggestion bien trop cruelle.

« Voilà ce que je veux dire : tu ne devrais pas leur faire faire des travaux peu familiers pour aider à la reconstruction des villages et des villes, tu pourrais les faire chasser pour leur propre nourriture. Ils sont originaires des prairies sauvages situées loin au nord, où ils chassaient principalement pour se nourrir, non ? »

« Ah ! Je comprends maintenant ! » Les yeux de Skáviðr s’illuminèrent de compréhension.

La maîtrise d’un arc standard exigeait beaucoup d’entraînement et de temps. Il en va de même pour l’expérience nécessaire pour apprendre à traquer le gibier et à le pister sans se faire repérer.

C’est pourquoi, même dans cette situation de pénurie alimentaire, l’idée d’augmenter le nombre de chasseurs de gibiers sauvages n’aurait normalement aucune application pratique. Cependant, c’était complètement différent s’ils disposaient déjà d’une large population de chasseurs expérimentés et bien entraînés.

En fait, il serait absolument insensé de faire faire à un groupe possédant des compétences aussi importantes tout autre type de travail dans une telle crise alimentaire.

En outre, si les nomades n’étaient pas forcés de travailler sur des projets de construction aux côtés des anciens citoyens du Clan du Sabot, cela réduirait les conflits qui éclatent entre les deux groupes. Ce serait faire d’une pierre deux coups.

« Attends… » Linéa s’était soudainement excitée quand un autre éclair d’inspiration avait frappé. « Nous avons aussi beaucoup d’arbalètes stockées, inutilisées. Il ne faut pas autant de temps pour les maîtriser qu’un arc normal. Nous pourrions ordonner aux soldats des Clans du Loup et de la Corne d’aller dans les montagnes et de chasser le gibier avec les arbalètes, en déclarant officiellement que c’est un entraînement militaire supplémentaire. »

« Ohh, c’est une bonne idée ! »

« Oui… oui, ça pourrait marcher », dit Linéa avec enthousiasme. « Il n’y a aucun moyen de le savoir à moins de l’essayer réellement, mais ça pourrait marcher. Je vais contacter le second adjoint Jörgen tout de suite ! Frère Skáviðr, je te laisse le reste ! »

Linéa se leva, emplie d’énergie, et elle se précipita hors de la pièce.

Dès qu’elle avait une idée, elle passait immédiatement à l’action, cela aussi était une preuve de sa capacité.

 

☆☆☆

Une semaine avait passé, et Yuuto rendit visite à Linéa dans son bureau.

« Hey, Linéa, » déclara-t-il. « Je regardais juste les données de ces rapports, et on dirait qu’on a un nombre assez fou de réfugiés et d’immigrants qui arrivent des clans environnants. Avons-nous assez de nourriture pour couvrir tout le monde ? Si on en arrive là, tu peux aller de l’avant et ordonner l’abattage d’une partie du bétail, d’accord ? »

Linéa posa doucement son stylo, et lança à Yuuto un sourire éclatant.

« C’est bon, Père. Il n’y aura pas de problèmes. Je m’en suis déjà occupée. »

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