Acte 5
Partie 4
Bwoooooo ! Bwooooooo !!
« Hein !? Encore !? » Yngvi presta sur la corne de guerre. Il devenait malade de l’entendre sonner attaque après attaque, jour après jour. Il ne pouvait pas dormir comme ça.
Dès l’attaque initiale, pendant trois jours et trois nuits, Yngvi et le Clan du Sabot avaient subi des attaques intermittentes de la part des troupes à cheval.
Il s’agissait toujours de la nuit quand ils décidaient d’attaquer vraiment. Ils se glissaient dans l’obscurité et lançaient leur assaut.
Il semblerait que l’ennemi savait qu’une alerte était en train d’être sonnée, donc ils n’avaient pas eu l’occasion de se précipiter en profondeur dans la formation comme ils l’avaient fait la première fois.
Ils étaient arrivés dans le camp tout en soulevant un nuage de poussière, et dès qu’ils avaient su que l’ennemi était là, ils avaient lâché une volée de flèches, puis ils s’étaient retournés avant de se retirer.
Cette fois, c’était la même chose. Au moment où Yngvi arrivait afin de poser les yeux sur eux, ils avaient déjà commencé leur retraite, et peu de temps après ça, ils avaient disparu dans l’obscurité.
« Lâches ! Chaque fois, vous tournez les talons et fuyez ! » rugit Yngvi. « Ne pouvez-vous pas vous battre de front !? »
Alors qu’il sombrait dans la colère, Yngvi avait donné dans un coup de pied dans un tronc d’arbre qui se trouvait à proximité. Alors qu’il était incapable de réprimer sa rage, il tapait du pied.
Afin de faire face aux attaques-surprises constantes, ils avaient, pendant deux jours, maintenu une formation de combat dans laquelle les troupes du Clan du Sabot faisaient un cercle autour de Yngvi, ou ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui dans le Japon, la formation de batailles du « carré et du cercle ».
Grâce à cette formation, les pertes avaient été drastiquement réduites, mais le moral du Clan du Sabot avait considérablement diminué. Vivant dans une peur et une tension constantes, ne sachant jamais quand ils pourraient être attaqués, ne pouvant jamais baisser la garde, incapable de faire une contre-attaque, et ne sachant jamais quand cesseraient ces attaques... cela suffisait pour épuiser le cœur le plus vaillant.
Cela étant dit, ils savaient déjà que l’ennemi approchait. Ils ne pouvaient pas baisser la garde maintenant. Et il était évident que s’ils hésitaient, l’ennemi verrait cela comme une opportunité et lancerait une attaque.
Ils avaient envoyé des éclaireurs afin de patrouiller, mais dans l’obscurité de la nuit, repérer l’ennemi était difficile. Et plus que tout, l’ennemi était rapide.
Il était vrai que, du fait d’être facilement visible à la lumière du jour, l’ennemi n’attaquerait pas durant cette période. Mais les soldats du Clan du Sabot étaient si fatigués en raison des attaques nocturnes qu’ils durent faire de nombreuses pauses. La formation de bataille « du carré et du cercle » qui avait si bien marché contre l’ennemi n’était pas bien adaptée pour les déplacements. La vitesse de marche du Clan du Sabot avait sensiblement baissé.
C’était tout simplement la situation qu’Yuuto visait à obtenir. Les forces du Clan du Sabot, qui comptaient une dizaine de milliers de personnes, étaient ridiculisées par une centaine de cavaliers.
« Enfin l’aube, je vois, » Yngvi regarda d’un air somnolent le ciel de l’est, maintenant teint d’un pourpre pâle.
Leurs plans prévus initialement avaient été longtemps retardés, mais ils allaient finalement atteindre Fólkvangr avant midi. Même s’ils attaquaient la forteresse du Clan de la Corne et mettaient un terme à ces agaçantes attaques à cheval qui les harcelaient depuis des jours, ils ne pouvaient toujours pas y aller en douceur.
La rage que Yngvi avait ressentie jusqu’à ce moment-là était comme une torture sans fin. Après avoir effectué des vœux à lui-même dans les profondeurs de son cœur, Yngvi retourna dans sa tente et ferma les yeux.
Après avoir passé la nuit à surveiller la venue de la prochaine attaque, il n’avait pas dormi. Les soldats ne pouvaient pas faire une démonstration de leur puissance s’il manquait de sommeil. S’attendre à une perfection quant au fonctionnement de son corps était une habitude connue de Yngvi.
Épuisé, le sommeil était très rapidement venu à lui.
Bwoooooo ! Bwooooooo !!
Le son retentissant des cornes de guerre le réveilla une fois de plus.
Au cours de ces trois derniers jours, les attaques n’étaient produites que la nuit, donc ils avaient été négligents.
Mais l’ennemi n’agissait pas comme il aurait pu s’y attendre. Il était irrité de sa propre naïveté.
Yngvi hurla, stimulé par cette irritation. « Où sont-ils cette fois-ci !? »
« Ils viennent de Fólkvangr ! Cette fois-ci, ce ne sont pas les troupes à cheval ! Une première estimation du nombre de soldats ennemis indique qu’ils sont au moins 3000. Nous pensons que cela peut être l’armée principale de l’ennemi ! »
« Ah ! Passons vers une formation resserrée. Agissez le plus rapidement possible ! » Yngvi avait déclaré ses instructions avec une certaine panique dans sa voix.
La formation du « carré et du cercle » avait été très efficace contre les attaques surprises venant de toutes les directions, mais elle était très faible contre une attaque venant d’une seule direction. S’ils se battaient avec un tel arrangement de troupes, ils subiraient d’importantes pertes.
Les soldats du Clan du Sabot étaient hautement qualifiés, et leurs officiers avaient été sélectionnés parmi les meilleurs et placés selon leurs forces. En des circonstances normales, ils auraient fait préparer leurs soldats en un clin d’œil.
Mais, avec l’état mental actuel des troupes du Clan du Sabot qui était aussi tendu, au moment pile où ils avaient prévu de se reposer à l’aube, ils avaient finalement été bousculés. Ils étaient fatigués de ne pas pouvoir dormir suffisamment, et ce fut le dernier coup porté à leur moral déjà très bas.
La réorganisation de la formation de batailles avait pris trop de temps et, dans l’intervalle, l’armée ennemie avait chargé leur camp dans un nuage de poussière.
De cette manière, le rideau se leva sur la bataille entre le Clan du Sabot et les armées conjointes du Clan du Loup et du Clan de la Corne.
Les cris de guerre et les cris résonnaient sans cesse des deux côtés.
Les deux parties s’étaient battues avec une soif de sang qui avait envahi le champ de bataille, comme s’il s’agissait de la manifestation de leurs cœurs blessés. Le champ de bataille débordait de signes annonciateurs de la mort, à tel point que l’on pouvait le ressentir dans leur chair.
Les armées conjointes du Clan du Loup et du Clan de la Corne avaient organisé leurs troupes en formation triangulaire, les troupes du Clan du Loup servant de garde centrale et les troupes du Clan de la Corne qui se plaçait sur les flancs droit et gauche. C’était une formation ressemblant à une écaille de poisson, parfaite pour mettre quelques troupes à l’avant afin de percer.
« D’accord, continuez ! » À l’avant même du triangle, Yuuto menait l’attaque du haut de son char. Avec un grand cri, il avait encouragé ses troupes à l’avant, craignant que leur résolution ne se brise à tout moment.
Probablement grâce aux efforts de Sigrun, les soldats du Clan du Sabot étaient prêts à fuir, et avec cette attaque, beaucoup d’entre eux étaient incapables de faire face. Avec la vigueur de leur assaut, ils avaient traversé les forces ennemies.
Une bataille était principalement gagnée par des nombres. Cela impliquait que se battre face à face en résultait une défaite de plein fouet. Mais la stratégie employée par Yuuto causait une perturbation.
Sun Tzu avait dit que c’était une façon de faire pour qu’une petite force puisse renverser une plus grande. « Si l’ennemi prend ses aises, vous pouvez le harceler, s’il est bien nourri, vous pouvez l’affamer, s’il campe tranquillement, vous pouvez le forcer à se déplacer. »
Ceci se superposait à ce qu’Yuuto avait dit à Linéa à Fólkvangr. « Attendez tranquillement ceux au loin, attendez-les alors qu’ils se fatiguent tout en restant dans le confort, attendez les affamés avec le ventre plein. Voilà la maîtrise de la force. » Cela avait été un point de vue important tenu par Sun Tzu.
Alors qu’ils n’avaient pas pu affamer les troupes, deux sur trois n’étaient pas mauvais. Même s’il y avait encore beaucoup de troupes ennemies, il n’y en avait pas autant qu’il y en avait avant.
Les forces du Clan du Loup avaient facilement diminué le nombre de soldats du Clan du Sabot, leur tirant dessus et les abattants au corps à corps. Alors qu’Yuuto commençait à sentir que c’était devenu un massacre unilatéral, et cette victoire était assurée...
« Grand Frère ! Le général du Clan du Sabot a repris le contrôle de ses troupes ! » lui déclara Félicia.
« Zut ! Déjà ? Je ne devrais pas en attendre moins de l’homme qui a construit une si grande nation en une génération. » Yuuto fit claquer sa langue.
Il avait prévu pour eux d’avancer avec leur élan initial et de dégager les forces ennemies, en mettant à terre les généraux dans le processus, mais il semblerait que les choses n’allaient pas se dérouler comme prévu. L’ennemi s’était ressaisi plus vite qu’il ne l’avait anticipé.
En un clin d’œil, la ferveur du Clan du Loup s’était émoussée. Yuuto, ayant pris le commandement, réalisa que le côté du Clan du Sabot avait la puissance de facilement les repousser.
« D’une certaine manière, il semble que nous ne serons pas en mesure de résoudre cela par des moyens ordinaires, » sentant une bataille difficile se profiler, Yuuto mordit durement sa lèvre.