Le Maître de Ragnarok et la Bénédiction d’Einherjar – Tome 1 – Chapitre 3

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Acte 3

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Acte 3

Partie 1

« C’est le matin, Père. »

« S’il te plaît, réveille-toi, Grand Frère. »

Deux voix... l’une digne comme la sonnerie d’une clochette et l’autre douce comme de la soie... avaient extirpé Yuuto hors de son sommeil.

Il y avait un cliquetis, comme si quelqu’un déplaçait quelque chose de lourd. À l’instant suivant, la lumière du soleil avait semblé transpercer ses paupières. Quelqu’un avait enlevé les planches qui avaient été placées devant les fenêtres.

Le verre n’existait pas encore dans ce monde, et donc les fenêtres étaient recouvertes de bois et de branches.

« Oh, bon matin à vous deux, » déclara Yuuto en ouvrant ses yeux.

Deux anges, l’un ayant une chevelure d’or et l’autre ayant une chevelure d’argent, luisant tous deux à la lumière du soleil, apparurent dans son champ de vision.

Pendant un moment, Yuuto se laissa aller à croire qu’il s’était réveillé au Valhalla, le plan céleste où les héros devaient aller après leur mort. Cela aidait à apaiser la très légère déception qu’il ressentait également en les voyant. Après tout, il avait toujours le faible espoir de se réveiller dans sa chambre du Japon moderne pour y constater que tout cela n’avait été qu’un rêve et que cela n’était jamais arrivé.

La fille aux cheveux argentés, Sigrun, avait posé un genou à terre et lui avait offert ses salutations. « Bon matin, Père. »

La fille aux cheveux dorés, Félicia, avait mis un plateau de bois avec du pain, de la soupe et du lait sur la table de chevet avant de faire un large sourire à Yuuto. « Bon matin, Grand Frère. Ton petit-déjeuner t’attend. »

L’arôme du pain fraîchement cuit chatouillait les narines d’Yuuto. Attiré par cette odeur, un Yuuto encore endormi avait finalement levé la tête.

« Wôw, je n’ai pas dormi si profondément depuis si longtemps, » déclara Yuuto.

S’asseyant sur le rebord du lit, Yuuto s’était longuement étiré. Naturellement, comme les matelas dans ce monde n’avaient pas la fermeté appropriée, ils n’étaient pas exactement de haute qualité selon ses standards. Il ne pouvait pas vraiment faire l’éloge des lits ici vis-à-vis du fait d’être à l’aise pour dormir, mais même ainsi, il s’agissait de sa propre chambre, et c’était bien le seul endroit où il pouvait vraiment se détendre. En une nuit, son épuisement avait été balayé et son corps lui donnait l’impression d’être plus léger.

« J’espère que tu as bien dormi ? » demanda Félicia.

« Tout à fait, je déborde d’énergie, » répondit Yuuto.

« Oui... je peux parfaitement voir ça, » répondit Félicia en souriant.

Pour une raison encore inconnue à ce moment-là, ses yeux n’étaient pas dirigés sur le visage d’Yuuto, mais sur une autre partie de son anatomie. Yuuto était, après tout, un garçon au milieu de la puberté, et c’était le matin...

« Hehe hihi. Si je le peux, dois-je réprimer cette énergie pour toi ? » Félicia fit un sourire séduisant à Yuuto, puis posa une main sur le lit d’Yuuto, utilisant l’autre pour replacer les cheveux hors de son visage, tout en rapprochant son visage de celui d’Yuuto.

Yuuto se mit à trembler, troublé, et secoua vigoureusement la tête d’un côté à l’autre. « N-Non, comme je te le dis toujours, ça ne sera pas nécessaire. »

« Je ne crois pas que ce soit ce qu’indique ton corps, » répliqua Félicia.

« C’est juste un phénomène physiologique tout à fait normal ! » répondit-il.

C’était un peu plus que ça, s’il devait le dire en toute honnêteté. C’était juste qu’il ne pouvait pas se permettre de vraiment dire quelque chose comme ça à haute voix, surtout devant elles.

Félicia avait alors léché ses lèvres d’une façon séduisante. « Hehe ! Eh bien, ferons-nous de cela le point central de tes études du matin ? Je me le demande... »

« Tes taquineries envers notre souverain sont proches des frontières de la trahison, Félicia, et je ne peux pas le supporter plus longtemps. Tu es en train de déranger le Père. Dois-je t’abattre, ici et maintenant ? » Sigrun, qui avait été calme jusqu’à ce moment-là, posa une main sur l’épée présente à sa hanche, dégageant un air menaçant.

Ayant reculé devant les avances agressives de Félicia, Yuuto félicita secrètement l’interférence fiable de Sigrun.

« Écoute, Run, » déclara Félicia. « Prendre soin de la santé de Grand Frère fait partie de mes devoirs professionnels d’adjudant. Pour un homme, il y a des choses qui, s’il ne les libère pas, pourraient être préjudiciables à sa santé. »

« Quoi, est-ce vrai ? » demanda Sigrun.

« Très certainement, » répondit Félicia. « Et non seulement cela, mais depuis l’antiquité, il y a des rois qui ont été rendus insensé à la suite des demandes d’une femme. Il serait dangereux pour Grand Frère, notre souverain patriarche, qu’on ne le forme pas à l’avance à ce genre de choses de peur qu’il ne soit séduit par les ruses d’une méchante femme. »

« Hmm, je comprends, » Sigrun se mit alors à réfléchir. « Cela semble plutôt logique. Père, bien que mon corps soit maigre, sens-toi aussi libre de l’utiliser autant que tu le souhaites. »

Voyant avec quelle facilité Félicia avait réussi à persuader Sigrun, la convaincant fermement de changer de camp, Yuuto regarda instinctivement le plafond. Il jeta alors un coup d’œil dans la direction de Félicia, et elle lui adressa un rapide sourire satisfait et fier d’elle, alors même que Sigrun ne le remarqua pas.

Peu importe comment on l’aurait regardée, Félicia était véritablement la femme méchante dans cette situation.

Grondement.

L’estomac vide d’Yuuto laissa sans retenue échapper un cri. Il avait été trop épuisé pour souper hier soir, alors c’était à prévoir. Cependant, c’était aussi une occasion sans précédent pour une contre-attaque.

« M-Maintenant, la faim est plus importante que la luxure ! Mangeons, mangeons ! » cria Yuuto.

« C’est vrai. On ne peut pas se battre avec un estomac vide, » acquiesça Sigrun.

Une fois de plus, Sigrun revint rapidement de Félicia pour se placer du côté d’Yuuto. Bien qu’apparemment, elle-même n’était pas consciente de son changement d’allégeance.

En temps de guerre, le plus important était la logistique militaire..., à savoir la sécurité des approvisionnements alimentaires. En tant que Mánagarmr, le plus Fort des Loups d’Argent, il n’y avait aucune raison pour que Sigrun ne le sache pas. Elle avait toujours traité la satisfaction de l’estomac comme une priorité militaire.

« Oh... mon Dieu... c’est bien dommage, » taquina Félicia. « Quand tu ressens l’étreinte d’une femme, il y a une grande variété de choses qui peuvent être négligées ou oubliées... » Ses paroles se perdirent dans un chuchotement coquet.

« J-Je suis sauvé..., » en poussant un soupir de soulagement, Yuuto tourna son attention vers le petit-déjeuner.

Le pain et la soupe étaient servis dans de la vaisselle en argent. Yuuto se sentait désolé pour les roturiers de la ville, qui étaient relégués à la terre cuite qu’ils avaient eux-mêmes fabriquée, mais il comprenait aussi qu’un souverain qui vivait une existence trop modeste laisserait une mauvaise impression. D’ailleurs, plus que tout, il était opposé à la poterie, craignant que cela lui cause encore des maux d’estomac comme à son arrivée en ce monde.

« Père, s’il te plaît, pardonne-moi pour ma grossièreté, » Sigrun mit son nez près du pain et de la soupe sur le plateau, les reniflants. Après qu’Yuuto lui eut fait un signe de tête, elle prit une bouchée du pain et une gorgée de la soupe.

Bien sûr, elle ne taquinait pas Yuuto en mangeant avant lui. C’était essentiel, car il s’agissait d’une dégustation de sa nourriture afin de vérifier la présence de poison.

La vérité était que, même si ce n’était pas une tâche qu’Yuuto avait demandé à Sigrun de faire, elle avait un nez avec un don incroyable pour détecter les poisons. Jusqu’à présent, elle avait déjà détecté deux fois du poison caché dans sa nourriture. Dans les deux cas, son instinct supérieur l’avait avertie de ne permettre à personne de manger la nourriture.

« C’est sûr, » déclara Sigrun. « S’il te plaît, vas-y. »

« D’accord. Comme toujours, merci beaucoup, » répondit Yuuto.

Même s’il avait exprimé ses remerciements, Yuuto n’avait pas pu s’empêcher de se sentir frustré. Jour après jour, il devait être en alerte face à la menace d’une mort par empoisonnement. Être souverain était un travail pouvant se révéler fatal.

« Tout est bon, itadakimasu, » déclara-t-il.

Son petit-déjeuner ayant été confirmé comme sans danger, Yuuto plaça ses mains ensemble, puis tendit la main pour saisir le pain. Même si Yggdrasil n’avait pas une telle coutume avant les repas, il était difficile de se débarrasser d’une habitude qui avait été ancrée dans son esprit au cours des années de pratique. Le pain ressemblait un peu à du pain melon [1] de chez lui. La chaleur se dégageait encore du pain fraîchement cuit quand Yuuto le porta à ses lèvres et ouvrit sa bouche. C’était techniquement un baiser indirect avec Sigrun, mais après un an d’avoir fait cela tous les jours, Yuuto s’y était depuis longtemps habitué. S’il laissait cela chaque fois le déranger, alors il ne mangerait jamais.

« Hmm, c’est délicieux ! » déclara-t-il. « Il y a un monde de différence entre ça et ce que j’avais quand je suis arrivé. Je suppose que le fait d’être un tricheur à ses avantages. »

Yuuto continuait à se murmurer ça, satisfait, alors qu’il savourait l’arôme frais et la texture douce de la pâte.

Pour faire du pain, il fallait d’abord moudre le blé en farine. Quand Yuuto était arrivé en ce monde, la méthode de mouture était primitive, consistant à déposer le blé sur une pierre plate, puis à le broyer intensément et à l’écraser avec une longue pierre ronde et mince.

Cependant, avec cette méthode, les cosses de blé et les morceaux de pierre finissaient inévitablement par se mélanger avec la farine. En conséquence, le pain fait avec cette farine de blé avait inévitablement une consistance dure ou semblable à du sable, et c’était une expérience très désagréable pour lui.

« Grâce à tes efforts, Grand Frère, le pain est ainsi devenu plutôt délicieux, » Félicia sourit joyeusement.

Sigrun avait fait un important signe de tête.

Naturellement, n’importe qui préférerait que la nourriture qu’ils mangeaient quotidiennement soit aussi délicieuse que possible. Yuuto l’avait très certainement ressenti de cette façon.

Ayant longtemps été habitué au pain moderne, Yuuto n’avait pas été capable de supporter le pain graveleux qui lui était initialement servi, et ainsi il avait utilisé internet pour chercher des meules et avait lu un certain nombre de livres électroniques sur le sujet. Il avait alors été capable de mettre au point une nouvelle méthode pour les gens d’Yggdrasil, appelée un moulin rotatif à bras, où deux disques de pierre circulaires étaient empilés les uns sur les autres avec un morceau de bois faisant tourner le disque supérieur. Bien entendu, seul son propre peuple en profitait.

D’ailleurs, le moulin rotatif à bras avait d’abord été historiquement documenté vers 600 avant notre ère, c’était donc une avancée technologique précurseure de plusieurs siècles pour Yggdrasil.

« Ah oui. Ce pain m’a fait me souvenir de quelque chose. Comment vont les choses avec les moulins à eau ? » demanda Yuuto après s’être soudainement souvenu de quelque chose d’important.

Il avait été découragé par le fait qu’il était le seul à manger un tel pain délicieux. Mais il y avait une limite stricte à ce qui pouvait être fait en utilisant seulement le travail manuel. Il avait donc encore une fois trouvé un livre électronique sur le sujet et, par essais et erreurs, ils avaient construit un petit moulin à eau.

Cela avait été étonnamment pratique, et il y avait maintenant cinq exemples en place dans le clan qui étaient désormais en fonction. Pourtant, cela restait le travail d’amateur. Cela faisait un an qu’il les avait construits. Il ne serait pas surpris si quelque chose n’allait pas bien avec ce qu’il avait fait.

« Ils sont actuellement opérationnels et nous n’avons rencontré aucun problème, » lui répondit Félicia.

« Je vois. C’est une bonne nouvelle, » hocha-t-il la tête. Puis, Yuuto but son lait d’un trait. Il venait d’être trait. Il avait un goût riche infiniment plus délicieux que le lait vendu chez lui dans le Japon moderne.

À cet égard seulement, les personnes ici vivaient des vies beaucoup plus luxueuses que les Japonais modernes. Mais même ainsi, Yuuto ne pouvait s’empêcher de ressentir une insatisfaction insatiable. Bien qu’il ait passé deux ans dans cet autre monde, Yuuto était encore un Japonais.

Il avait compris que c’était quelque chose de rare à cause du climat et du sol ici. Mais quand même...

« Je veux vraiment du riz, » murmura-t-il en poussant un soupir.

Depuis qu’il était arrivé en ce monde, Yuuto avait toujours eu envie de riz blanc.

Notes

  • 1 Pain melon : Le pain melon (メロンパン, meron pan) est une spécialité boulangère dégustée au Japon, dont la partie interne est constituée de brioche classique et la croûte faite d’une sorte de cookie. La texture de cette croûte rappelle celle du melon cantaloup, d’où le nom (mais il peut aussi parfois être aromatisé au melon). Il existe de diverses saveurs : chocolat, citrouille, ananas... Des feuilles de chocolat peuvent être intercalées entre le pain et le cookie.

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Partie 2

« ... Ainsi, le premier Empereur Divin Wotan unifia tout Yggdrasil, fondant l’empire sacré d’Ásgarðr et proclamant que Glaðsheimr serait désormais sa capitale. Cela s’est produit il y a 204 ans. » La voix bien audible de Félicia retentit dans la chambre du patriarche.

Aux yeux d’Yuuto, Félicia était non seulement compétente en tant qu’adjudante, garde du corps, sœur, amie et bienfaitrice, mais elle l’était également en tant qu’enseignante.

Lors de son arrivée dans ce monde, Félicia avait été la seule à pouvoir communiquer avec Yuuto, en utilisant le galldr de « Connexions ».

Travaillant en tant que prêtresse au moment où il était arrivé dans ce monde, elle avait souvent visité le sanctuaire du palais et lui avait appris avec patience et douceur la langue de ce pays.

Les humains étaient souvent capables de démontrer une force auparavant impensable quand ils se retrouvaient le dos au mur. Dans les trois mois qui suivirent son arrivée, Yuuto avait acquis la capacité de communiquer à un niveau de base avec des personnes autres que Félicia. Maintenant, deux ans plus tard, il pouvait converser avec presque toutes les personnes avec qui il interagissait sans aucune difficulté, mais depuis qu’il était devenu souverain, il y avait beaucoup d’autres choses qu’il devait savoir sur ce monde. C’est pourquoi les matins étaient réservés, aussi souvent que possible, pour des cours, et c’était à ces moments-là que Félicia lui parlait d’Yggdrasil.

L’enseignement d’aujourd’hui semblait porter sur l’histoire.

« Il y a vraiment beaucoup de noms et de titres tirés des mythes populaires nordiques, » murmura Yuuto. « Je suppose que ce monde a vraiment un lien avec celui d’où je viens... »

« Grand Frère, quelque chose te tracasse ? » demanda Félicia.

« Non, ce n’est rien. J’étais juste en train de marmonner. S’il te plaît, continue, » déclara Yuuto.

« Très bien, » répondit Félicia, reprenant ainsi son exposé d’histoire. « L’empereur Wotan a créé une méthode unifiée pour mesurer la longueur, la taille et le poids, ou en d’autres termes, un système de mesures universel. Il a également normalisé le système de numérotation, a choisi la langue nordique comme langue commune et a standardisé une variété d’autres choses. Afin d’encourager le commerce entre toutes les régions, il s’est donné beaucoup de mal afin d’établir des routes commerciales le long des chemins pédestres et des voies navigables. Il ne serait pas exagéré de dire que les politiques mises en place par l’empereur Wotan continuent de vivre et sont encore présentes dans la vie de tous les jours ce qui nous permet d’être en mesure de mener une telle existence à l’heure actuelle. »

« Wôw, il était vraiment un souverain très sage. » Yuuto avait pris une profonde respiration alors qu’il était stupéfait par ce qu’il entendait.

200 ans plus tard, et les choses qu’il a faites nous touchent encore aujourd’hui. C’est vraiment impressionnant, Yuuto pensait ça avec une véritable admiration.

« En effet, il était un grand empereur avec une capacité unique à faire les choses, » déclara Félicia. « Il y avait juste le fait que l’empereur Wotan était un peu trop énergique, et qu’il a fait beaucoup trop de changements dans certains domaines. »

« Dans quel sens dis-tu ça ? » demanda Yuuto.

« La réforme la plus radicale de l’empereur Wotan était liée au système clanique, » répondit Félicia. « À ce moment-là, la succession était déterminée par le sang et l’hérédité, et ces changements interdisaient ces vieilles habitudes en favorisant la succession en fonction des compétences et des capacités. »

« Cela me semble être une bonne idée, » Yuuto pencha la tête, incapable de saisir quel pourrait être le problème.

Peu importe la qualité du parent, cela ne serait pas une garantie quant aux compétences de l’enfant. Alors que dans certains cas, la pomme ne tombe pas loin de l’arbre, dans d’autres, un homme maigre peut donner naissance à un puissant roi. Dans ce cas, Yuuto pensait que permettre à des personnes plus compétentes de devenir des chefs vis-à-vis des personnes qui obtenaient leur position grâce à l’hérédité était plus efficace.

« Naturellement, il n’y avait pas de pénurie de seigneurs qui gouvernaient des territoires transmis depuis des générations qui ont ressenti à l’époque de la contrariété, » expliqua Félicia. « Et il y en avait beaucoup qui se sont ainsi opposé à ses autres politiques radicales. »

« Je vois. Donc, il avait créé de la colère chez ceux qui avaient un intérêt direct pour que les choses restent comme elles étaient avant sa venue, » déclara Yuuto.

La main d’Yuuto s’était instinctivement placée dans sa poche, Le Prince de Machiavel qu’il avait lu à maintes reprises, lui était venu à l’esprit. Machiavel avait déclaré qu’être détesté et méprisé était inévitable pour un dirigeant. Il avait dit que voler la position sociale, la richesse ou la femme d’une personne pousserait cette personne à avoir un ressentiment particulièrement fort, alors on ferait bien d’être prudent.

Yuuto était aussi quelqu’un qui introduisait de nouvelles méthodes et idées dans ce monde. Cette leçon n’était donc pas dénuée d’importance pour lui.

« En outre, sa politique permettait seulement la succession héréditaire dans la maison de l’Empereur Divin, » déclara-t-elle. « En d’autres termes, il essayait d’affaiblir le pouvoir des seigneurs féodaux, tout en essayant en même temps de renforcer la position et l’autorité de l’Empereur Divin. Cela signifiait probablement qu’au fil du temps, il enlèverait de plus en plus de leur puissance afin de les empêcher de s’opposer à l’empereur. »

« Wôw, c’est pratiquement une tricherie là, » Yuuto remarqua ça avec lassitude. « Dans un tel cas, c’était sûr qu’ils se rebelleraient contre lui. »

Tout comme le proverbe parlant de celui qui faisait le premier pas dit : un chef qui ne prendrait pas l’initiative et ne donnerait pas l’exemple ne pourrait pas s’attendre à ce que ceux qui sont sous ses ordres acceptent de faire de même, ou comme certain disent, fais ce que je dis, pas ce que je fais

« Mais même ainsi, les personnes qui avaient vécu avec une profonde peur quant à l’importante puissance de l’empereur Wotan étaient restées silencieuses pendant son règne. Après sa mort, une fois que l’empereur Sigi est monté sur le trône, l’empire s’est rapidement déstabilisé et c’est devenu le chaos, » déclara Félicia.

« Je suppose que c’était tout simplement à prévoir, » déclara-t-il.

« Pendant le règne de l’empereur Sigi, parce que l’empereur Wotan avait poussé le monde à agir selon la succession par la force, plutôt que la succession par l’hérédité, de nombreuses personnes ont pris ces mots à cœur, » expliqua Félicia. « Des conflits violents ont éclaté dans chaque région, ne laissant dans leur sillage que les puissants qui se sont élevés au-dessus de la masse. »

Yuuto hocha la tête. « Je vois. Donc, avec les choses qui allaient dans ce sens, ils ont dû évoluer vers un système de nomination des souverains parmi les plus forts enfants subordonnés. »

« Tout à fait, » répondit-elle. « Eh bien, l’ancien système de succession héréditaire s’était totalement effondré. Mais s’il avait une réelle puissance en lui, un héritier biologique pourrait quand même succéder au trône. »

« Pourtant, c’est seulement si cette puissance et ces capacités sont reconnues par les autres, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

« Tout à fait. S’ils manquaient de force réelle, peu importe à quel point ils étaient aimés par leurs parents, les autres subalternes ne les reconnaîtraient pas comme le successeur du souverain, » répondit-elle.

« Je vois, » répondit-il avant de se mettre à réfléchir à ça.

Le prédécesseur d’Yuuto avait un fils de sang, mais il avait plus de trente ans sans puissance ni perspectives d’avenir. L’homme s’était résigné quant à sa basse position dans la hiérarchie, ce qui signifiait qu’il ne pouvait même pas s’asseoir au pied de la table des chefs (dans le sens de conseiller secondaire. Les principaux conseillers et dirigeants se tenant à la table). Si les choses avaient été comme elles l’étaient à l’origine, il aurait été roi, régnant sur des dizaines de milliers de personnes.

D’autre part, malgré leur jeunesse, Félicia et Sigrun avaient été accueillies dans des positions de pouvoir et suscitaient beaucoup de respect.

Si l’enfant d’un paria ou d’un criminel avait de la force et les capacités nécessaires, alors il pourrait être accepté comme chef, alors que l’enfant d’un souverain qui manquait de pouvoir pourrait être pris à la légère. C’était une loi fondamentale du monde d’Yggdrasil. Yuuto pensait que c’était dur, mais aussi excessivement rationnel.

Une fois l’ancienne structure de pouvoir réduite à néant, cela ne restait qu’une question de temps avant que ceux qui avaient gravi les échelons en fonction de leurs réelles capacités se regroupent et forment une nouvelle structure de pouvoir.

Félicia avait alors continué. « De cette façon, la puissance globale de l’empire sacré d’Ásgarðr commença à s’affaiblir, mais comme l’espérait l’empereur Wotan, l’autorité de son état central augmenta, » déclara Félicia. « Pour qu’un chef d’un clan sans appui politique puisse établir son pouvoir afin de régner en tant que chef sur une grande surface, ils auraient automatiquement besoin d’une sorte de justification morale ou d’une revendication légitime. Comme l’aurait sur toutes les terres un représentant des cieux tel que l’est l’Empereur Divin. »

« Hm, tout comme le shogun et l’empereur pendant la Période des Royaumes Combattants, » déclara-t-il.

« Hein !? » s’exclama Félicia. Elle, qui avait continué sa conférence sans être dérangée jusqu’à ce moment, pencha la tête. Peu importe à quel point elle était intelligente, elle n’avait aucune possibilité de connaître l’histoire du monde d’Yuuto.

Yuuto agita sa main avec un sourire ironique. « Fondamentalement, c’est une position facilement utilisée à des fins politiques. On peut être nommé à un poste approprié et avoir ses revendications légitimées, sans avoir à devoir passer par une bataille ou un arbitrage inutiles. »

La Période des Royaumes Combattants était une période dans l’histoire qui aurait séduit n’importe quel garçon, et Yuuto l’avait donc minutieusement étudiée. Et cela principalement en raison de l’influence d’une certaine série de jeux vidéo de stratégie.

Les yeux de Félicia s’écarquillèrent alors qu’elle était légèrement surprise par les paroles de son élève, puis son visage se fendit en un large sourire, satisfaite face aux connaissances supérieures de son Grand Frère. « Je ne devrais pas en attendre moins de toi, Grand Frère. C’est tout à fait comme tu l’as déduit. »

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Partie 3

« Bienvenue, bienvenue ! Vous ne trouverez que des produits de bonne qualité ici. »

« Que pensez-vous de ça, jeune fille ? Un peigne fabriqué à Ásgarðr. »

« Ahh, vous avez un œil averti. Voici une lame forgée par l’artisan le plus talentueux et le plus célèbre de Vanaheimr. »

Yuuto et Félicia avaient estimé qu’il valait mieux s’arrêter un peu de travailler et ils avaient décidé de faire une pause en se promenant dans le palais. Quand ils avaient entendu un vacarme venant de la cour, ils avaient alors remarqué la foule.

À côté de là, il y avait un bazar, avec des commerçants et des colporteurs qui proposaient leurs marchandises. Ils gagnaient leur vie en achetant des produits dans une région et en les revendant dans un autre territoire plus éloigné. C’était une profession dangereuse, où une personne pourrait être attaquée par des bandits ou manquer de nourriture à mi-chemin du voyage, et pourtant, beaucoup décidaient de suivre cette voie à la poursuite de la richesse.

« Ceci semble plutôt animé, » Assise à côté d’Yuuto, Félicia acquiesça de satisfaction.

Les frais facturés pour l’emplacement aux commerçants étaient une source importante de revenus pour le Clan du Loup. Les personnes qui habitaient le palais étaient relativement plus aisées que les roturiers qui vivaient en ville, de sorte que c’était un endroit idéal pour s’installer et vendre leurs marchandises.

Dans une cour à peu près de la taille d’un terrain de sport scolaire, il y avait des tentes aménagées sous les saillies des toits, avec une grande variété de biens allant de la nourriture et des vêtements aux armes et aux bijoux, en passant par le bétail.

Pour une cité comme celle-ci se trouvant dans une situation géographique de choix pour le transport, la marchandise était présente en abondance. Si l’on avait l’argent, on pourrait acquérir à peu près tout.

Et cela incluait... des personnes.

« Aujourd’hui, notre produit phare est cette paire mère-fille, » déclara l’un des marchands. « Qu’en pensez-vous ? La mère n’est-elle pas magnifique ? Non seulement cela, mais elle a cette belle peau claire, presque translucide caractéristique des territoires du nord ! Et sa carrure nous dit sans équivoque qu’elle a été bien soignée. Et s’il vous plaît, jetez aussi un œil à sa fille. Ne ressemble-t-elle pas à sa mère ? Je parie qu’un jour, sa beauté dépassera celle de sa mère. Kukukuku ! »

Le marchand était un homme avec une robuste corpulence, et sa tête était enveloppée avec morceau de tissu blanc. Il fit un geste avec un sourire vulgaire vers la mère et la fille, qui se tenaient l’une et l’autre dans leurs bras.

Bien que la mère et la fille tremblaient avec de la peur dans leurs yeux, elles se serraient l’une contre l’autre, affirmant au monde qu’elles ne seraient jamais séparées. D’après les apparences, la gamine devait à peine avoir dix ans.

« En y pensant... même l’enfant est très jeune, » Yuuto fronça les sourcils.

En d’autres termes, il s’agissait de la traite d’esclaves. Ce n’était pas quelque chose qui était arrivé seulement à Yggdrasil. Sur Terre, cela avait été une activité commerciale réalisée à la vue de tous partout dans le monde jusqu’à l’âge moderne. Dans le cas présent, ces personnes étaient les derniers vestiges de pays déchirés par la guerre, achetées et vendues par les marchands après que leurs terres aient été envahies par d’autres clans.

« Vendu, » Yuuto avait levé sa main, provoquant une agitation alors qu’il traversait la foule.

En Yggdrasil, les personnes ayant des cheveux noirs étaient une chose extrêmement rare. Ainsi, le commerçant avait rapidement réalisé qui était vraiment Yuuto.

« Ohh, notre Seigneur Souverain Patriarche ! Merci beaucoup ! Alors, concernant le paiement..., » commença le marchand.

« Félicia, » déclara Yuuto.

« D’accord. Cela devrait être plus que suffisant, n’est-ce pas ? » Félicia avait promptement sorti trois pépites d’or de la taille d’un caillou en provenance d’un sac en cuir et les avait placées dans la main du marchand. C’était plus que convenable pour payer deux êtres humains.

Tout en essayant d’étouffer son ressentiment face à cette situation, Yuuto s’approcha de la mère et de la fille. Il s’était ensuite accroupi pour qu’il puisse être à la hauteur des yeux de la petite fille. Son corps tremblait encore et elle se cacha derrière sa mère quand elle le vit s’approcher ainsi. Ses mouvements lui avaient indiqué qu’elle avait enduré des expériences vraiment terrifiantes et traumatisantes.

Ce n’était pas comme si ce marchand était particulièrement cruel ou diabolique. C’était juste que ces individus ne voyaient pas les esclaves comme au même niveau qu’eux-mêmes. Pour eux, ils n’étaient que des objets.

Le grand philosophe Aristote dans la Grèce antique avait confirmé la légalité de la vente des humains, et cela, sans le moindre scrupule. La moralité à son époque était semblable à celle dans ce monde.

« Tout va bien se passer maintenant, » Yuuto avait fait le sourire le plus doux qu’il pouvait offrir pendant qu’il parlait, puis il jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Il avait en un rien de temps trouvé qui il cherchait. « Hé, vous là, les gardes ! Conduisez ces deux personnes jusqu’au grand chambellan ! Et assurez-vous de les traiter avec respect. »

« Père, à vos ordres ! » répondit l’un des gardes à qui il avait parlé.

Pour les gardes du palais, Yuuto représentait quelque chose de plus grand que les nuages dans le ciel. Le fait d’avoir été soudainement sollicité par lui leur avait fait savoir qu’ils étaient surveillés, et qu’une attention particulière serait portée quant à leurs actes.

Alors qu’il regardait la mère et sa fille disparaître dans le palais, Yuuto affichait une expression acerbe. L’acte d’acheter des humains avait suscité chez lui des sentiments de dégoût viscéral.

En tant que souverain, interdire l’esclavage sur le territoire du Clan du Loup n’était pas en dehors de son pouvoir. Cependant, même s’il le faisait, les marchands vendraient tout simplement ailleurs les esclaves. Il ne pouvait pas sauver tout le monde. En tant que faible nation tributaire du commerce, Yuuto voulait autant que possible éviter d’attirer la colère des marchands.

Dans ce cas, les acheter était le seul moyen dont il disposait pour permettre aux esclaves de mener des vies où ils pouvaient être traités comme des humains normaux. Puisque les esclaves achetés par Yuuto étaient considérés comme la propriété du souverain, personne n’aurait osé les persécuter ou les opprimer. Ils étaient tous capables de travailler confortablement et sans crainte dans le palais. Chacun d’entre eux avait exprimé leurs gratitudes envers Yuuto.

Comme toujours, cela lui avait laissé un désagréable sentiment persistant qui tourmentait le cœur et l’esprit d’Yuuto. Il n’y avait aucun moyen à sa portée lui permettant de sauver tous les esclaves. Il ne pouvait même pas défendre ses actions face à ceux qui pourraient les décrire comme étant hypocrites.

« C’est juste une goutte d’eau dans l’océan, » Yuuto serra fermement son poing. Il ne pouvait pas s’empêcher de ressentir de la colère en pensant à quel point sa capacité à pouvoir aider les autres était minuscule.

« Où regardez-vous !? Ne regardez pas l’épée de votre adversaire. Regardez leur silhouette dans leur ensemble ! Suivant ! » La voix digne de Sigrun résonna autour d’eux alors qu’ils s’approchaient des portes du château.

Quand il regarda dans la direction de la voix, Yuuto vit que Sigrun donnait aux gardes du palais une formation martiale. Ses cheveux d’argent flottaient doucement autour d’elle.

« Votre avancée est trop peu profonde. Serrez bien votre garde sur les côtés. Suivant ! »

L’un après l’autre, Sigrun les obligeait à effectuer une attaque contre elle avec des épées en bois, puis elle déviait avec facilité leurs attaques.

Yuuto avait réagi face à la sévérité présente dans la voix de Sigrun, ce qui le fit frémir. Comme elle agissait habituellement avec tant de douceur et si docilement dans ses échanges avec Yuuto, c’était rafraîchissant, et un peu nostalgique, de voir la manière brusque et grossière avec laquelle elle réprimandait et poussait à bout les soldats qu’elle formait. Après tout, ceci était le traitement qu’il avait subi quand elle avait entraîné Yuuto au moment où il était arrivé dans ce monde.

« Comme toujours, elle est si forte que c’en est presque comme si elle trichait, » déclara Yuuto en laissant échapper un long soupir d’émerveillement.

Les gardes qui s’entraînaient avec Sigrun n’étaient certainement pas faibles. Ils étaient loin d’être parfaits, mais il était clair qu’on pouvait leur faire confiance quant à la protection du palais. Tous étaient sans aucun doute qualifiés. Et pourtant, Sigrun les affrontait aussi habilement que si elle avait affaire à des bébés.

« Elle l’est vraiment, » songea Félicia. « Même quand je me suis battue contre elle, je pouvais à peine tenir 10 rounds. »

« Même face à toi, Félicia... ? » demanda Yuuto.

Alors qu’ils étaient en train d’observer les batailles simulées, Yuuto s’était retrouvé avec un visage montrant qu’il était abasourdi. Félicia était l’un des plus grands maîtres du Clan du Loup quand on parlait du maniement de l’épée. Considérant que même elle ne pouvait pas se défendre contre Sigrun, cela rendait d’autant plus clair le fait que les compétences martiales de Sigrun s’élevaient à un niveau incomparable vis-à-vis de toutes autres personnes.

« En raison de mon expérience personnelle, je sais que même si mes capacités accordées par le Serviteur Sans Expression Skírnir appartiennent à de multiples domaines, elles ne peuvent pas résister face à un adversaire qui se spécialise dans une discipline particulière, » Félicia poussa un soupir mélancolique, posant une main sur sa joue.

Elle était un touche-à-tout et un maître de rien. Elle devait probablement avoir souvent ressenti une sorte de complexe quant à ce sujet. Malgré ce qu’elle disait à Yuuto, les nombreuses capacités de Félicia compensaient un manque de maîtrise par une grande polyvalence.

« Quel est le problème !? C’est tout ce que vous avez dans le ventre !? » cria Sigrun. « Ces magnifiques muscles sont-ils juste pour le spectacle !? »

La différence dans les prouesses physiques de niveaux moyens entre les hommes et les femmes en Yggdrasil apparaissait comme une dure réalité. En plus de cela, le garde qui combattait en ce moment Sigrun avait une énorme carrure, et ses bras apparaissaient aux yeux de tous comme deux fois plus gros que ceux de Sigrun.

Et pourtant, bien que son adversaire ait mis toute sa puissance dans l’attaque, Sigrun l’avait déviée sans effort. Elle n’était certainement pas une simple humaine.

D’un autre côté, elle ne ressemble pas non plus à un monstre, pensa Yuuto.

Dans le monde d’où venait Yuuto, il y avait un petit nombre d’athlètes qui se classaient parmi la crème de la crème qui avait décrit un certain état comme étant la zone, qui était un état de concentration dans lequel ils affichaient une force et une compétence qu’ils pensaient comme impossible.

Un célèbre joueur de baseball autrefois connu sous le nom du Dieu de la Batte avait expliqué que c’était comme si la balle s’était arrêtée.

Un lanceur avec un nombre record de retraits à la batte l’avait décrit comme si les limites de la zone de frappe avaient été illuminées. Il savait que juste en frappant au niveau de cette zone, il pourrait effectuer un renvoi de balle.

Un footballeur avait déjà dit que, parfois, c’était comme s’il pouvait voir le terrain de jeu depuis un point de vue aérien.

D’après ce qu’Yuuto avait vu, bien que des exceptions existent, les pouvoirs des Einherjars permettaient généralement de réaliser ce genre de miracle. Même si on disait que leurs pouvoirs venaient d’une protection divine, ce n’était pas quelque chose de fréquent d’avoir une telle force surhumaine qu’une Einherjar pourrait massacrer un ou deux cents soldats comme dans un jeu vidéo. C’était juste qu’ils étaient toujours dans la zone de grâce.

« Père !? » Même si elle était en plein cœur d’un combat, Sigrun se retourna pour faire face à Yuuto.

L’épée de bois de son adversaire ne pouvait pas être arrêtée si facilement. Craignant le pire, Yuuto fit une profonde inspiration.

Comme il avait été indiqué précédemment, un Einherjar n’était nullement invincible. Surtout si l’on considérait que le Dévoreur de la Lune Hati de Sigrun n’avait pas accordé à son corps une solidité supplémentaire ou de résistance aux blessures. Le fait d’être frappé à la tête par une épée de bois avec une telle force n’était pas quelque chose que l’on pourrait facilement récupérer.

*Bam !*

Cependant, le son qui résonnait à l’impact n’était pas le son sourd normalement produit après avoir frappé un être humain, mais plutôt un son sec et raide.

« ... Vraiment monstrueux, » grogna Yuuto. « As-tu donc des yeux derrière la tête ? Tu es vraiment une tricheuse. »

Yuuto secoua la tête en raison de son étonnement, poussant un soupir de soulagement. Même si elle avait détourné le regard, l’épée de bois de Sigrun intercepta quand même avec succès l’attaque de son adversaire.

Cette scène avait définitivement fait comprendre à Yuuto que son deuxième surnom, Le Plus Puissant Loup d’Argent, Mánagarmr, n’était pas exagéré. Bien que Sigrun soit encore jeune, il était clair qu’elle avait atteint le stade de la maîtrise où elle n’avait plus besoin de compter sur ses yeux pour voir.

« Hm, il s’agit d’une assez bonne attaque, » ajouta-t-elle. « Bon, faisons une petite pause ! »

« Merci beaucoup ! Mère ! » Les soldats avaient répondu à l’unisson sans y réfléchir davantage.

Ils avaient également rapidement baissé la tête, par respect pour la méthode d’enseignement généralement stricte de Sigrun. C’était étrange de les voir se référer à Sigrun comme « Mère » malgré son jeune âge.

Si le Calice du patriarche souverain était donné sans raison à n’importe qui, il serait pris à la légère, et la chaîne de commandement deviendrait alambiquée. Donc, Yuuto avait donné son Calice seulement à ceux du Clan du Loup dans les échelons supérieurs de la hiérarchie, et ceux qui aspiraient à ces postes. Cela représentait moins de cinquante personnes ayant reçu son Calice.

N’importe qui en dehors de ce groupe avait accepté le Calice d’Enfant de l’un de ces chefs, et cela avait conduit à la création de nombreuses factions, dans lesquelles ils serviraient le clan dans son ensemble sous la direction directe de ce dirigeant.

Ce n’était pas le cas seulement pour Sigrun, ou le commandant en second, Jurgen, mais aussi pour Félicia. Ils étaient tous des subordonnés d’Yuuto tout en étant également les chefs de leurs propres factions.

En général, une faction avait tendance à partager certaines caractéristiques avec son dirigeant. La faction de Sigrun comprenait beaucoup de guerriers parmi les plus féroces du Clan du Loup, tandis que celle de Félicia comprenait un grand nombre de fonctionnaires civils.

« Salut ! Bon travail avec la formation, » avait déclaré Yuuto à Sigrun alors qu’il approchait d’elle. « Comme prévu, tu es aussi forte que jamais. »

Sigrun se tourna alors vers Yuuto et un large sourire s’étendit sur son visage. Elle se précipita immédiatement vers lui.

***

Partie 4

« Bonjour encore une fois, Père ! As-tu terminé tes leçons ? » demanda Sigrun.

Son changement d’attitude était si rapide et si drastique que personne ne se douterait qu’elle avait été l’entraîneuse démonique il y a quelques instants de ça.

« On en est seulement à la moitié, » déclara Yuuto. « Mais oublie ça. Plus tôt, tu étais vraiment incroyable. Tu as arrêté cette attaque sans même regarder ainsi que toutes les autres choses que tu as réalisées. Cela doit faire partie du pouvoir accordé par le Dévoreur de la Lune Hati, non ? »

« Eh oui. Je peux savoir la position des armes par le son produit par la lame tranchant dans le vent..., » répondit-elle.

« Ahh, ça a du sens. Et bien, un chi... Je pense que cela doit être que le sens de l’ouïe d’un loup est à un tout autre niveau que celui d’un humain, » répondis-je.

Il avait rapidement masqué le fait qu’il avait commencé à se référer à elle comme un chien. D’une façon ou d’une autre, ces derniers temps, Yuuto remarquait de plus en plus les attributs de chien de Sigrun.

« Comme toujours, Run, je suis vraiment jaloux de tes différentes capacités, » ajouta-t-il.

« Ce-Ce n’est pas vrai ! Comparé à toi, Père, je ne suis rien du tout..., » répondit Sigrun.

« Non, ne te dévalorise pas comme ça. Je te trouve vraiment fantastique, » Yuuto croisa les bras, hochant la tête à plusieurs reprises alors qu’il affirmait ça.

Le désir de devenir fort était un but fondamental et primitif pour tout homme. Un homme ne pouvait s’empêcher d’aspirer à de telles capacités physiques prééminentes.

Quand il était arrivé ici, Yuuto avait eu une intoxication alimentaire environ une fois par semaine. Alors que maintenant son corps s’était habitué à la nourriture, à l’époque c’était tellement catastrophique qu’il avait même développé une aversion quant au fait de mettre de la nourriture dans sa bouche. On ne pouvait pas survivre sans manger, donc cela avait été une période infernale pour lui. S’il avait eu sa force, il était sûr que tout serait allé beaucoup plus en douceur.

« Mes pouvoirs ne servent à rien en dehors de la bataille, » Sigrun lui déclara cela. « Ils ne pourraient rien faire quand il s’agit d’affronter 100 soldats. Mon pouvoir n’est rien comparé à la capacité qui te permet de diriger des dizaines de milliers de personnes, Père. »

« Hein !? Attends ! Ne m’as-tu pas dit dans le passé que je ne servirais jamais à rien ? » demanda-t-il.

« Arg, euh ! Ce-Ce qui est arrivé à l’époque représente le plus grand embarras de ma vie..., » l’expression de Sigrun s’embrumait de mécontentement, l’air égaré.

Les choses étaient vraiment différentes maintenant. Il y avait une période de sa vie où elle avait été quelque peu méchante avec lui, et maintenant elle ne pouvait pas s’empêcher de le traiter avec le plus grand respect.

À l’époque, elle n’avait pas été la seule à penser qu’Yuuto était complètement inutile et qu’il fallait tout simplement l’abandonner. La majorité des membres du Clan du Loup avaient fortement méprisé Yuuto et ils l’avaient tous regardé de haut dès la moindre interaction.

Quand il était arrivé en portant d’étranges vêtements selon le point de vue des habitants de ce monde, un petit nombre avaient pensé qu’il pourrait être un émissaire des cieux, mais cela n’avait pas duré longtemps. Après un petit plus d’un mois, ces mêmes individus avaient constaté que sa faiblesse n’était nullement feinte, et qu’ils s’étaient trompés en pensant ça.

Il ne pouvait même pas parler la langue de ce monde. Il n’avait pas été capable de faire le moindre travail manuel, et il n’avait même pas été apte à gérer des tâches simples qu’un enfant n’ayant aucun sens commun pouvait faire sans problèmes. Il se fatiguait après le moindre effort et s’il forçait le moindrement, son estomac l’indisposait, le faisant tomber malade. Après ça, il devait absolument aller s’allonger pendant un moment.

Yuuto jeta un coup d’œil à l’adjudant qui se tenait à ses côtés.

« Hm ? Quel est le problème, Grand Frère ? » Félicia pencha la tête, intriguée.

Lors des premiers jours après son arrivée, elle avait été la seule à montrer à Yuuto une telle gentillesse et une telle familiarité. Non, attendez, il y avait également eu une autre personne. Il s’agissait du véritable frère aîné de Félicia, un homme qui avait été un ami fidèle et sans pareil pour Yuuto. Il avait été fort, intelligent et populaire. Il était celui sur qui le Clan du Loup avait placé leurs plus grands espoirs.

Mais il n’était plus là.

« Non, ce n’est rien, » Yuuto avait fait une légère secousse de la tête.

Il n’avait nullement le droit de parler de cet homme. Il n’aurait pas non plus eu le courage de le faire. De la même manière que Félicia se sentait redevable envers Yuuto, Yuuto se sentait également redevable envers Félicia.

La raison en était que c’était Yuuto qui avait volé le seul et unique membre de la famille de sang de Félicia.

« En ce qui concerne l’introduction expérimentale de ce système Norfolk [1] que tu as proposé, Grand Frère, le développement des quatre cultures tests semble se poursuivre sans rencontrer le moindre problème, » déclara Félicia.

En tant que patriarche souverain, passer ses journées à examiner des informations, à approuver des demandes et à régler des problèmes non résolus faisait partie du travail quotidien d’Yuuto.

Chaque jour, à partir de midi, Yuuto s’était retrouvé complètement débordé par tout ça. Ayant été absent pendant plus d’un mois maintenant, une montagne de travail l’attendait maintenant.

« Au moins, il semble que nous avons eu un bon départ, » répondit-il.

Considérant que la majeure partie du territoire du Clan du Loup était des régions montagneuse ou vallonnée, ce terrain n’était pas adapté à l’agriculture. Cependant, les habitants ne pourraient naturellement pas survivre sans nourriture.

Donc, tout en réfléchissant à la façon d’augmenter la rentabilité de leurs cultures, la première chose qui était venue à l’esprit d’Yuuto était quelque chose qu’il avait vu dans son manuel scolaire sur les cultures semestrielles, ou avoir deux récoltes par an. En ayant deux récoltes différentes chaque année sur la même parcelle de terrain, on pourrait augmenter la productivité des cultures.

Mais c’était un état d’esprit d’un pur amateur. Après avoir effectué d’autres recherches, Yuuto avait appris que la culture à deux récoltes par an était une énorme surcharge pour la terre. Alors que c’était une bonne utilisation en tant que solution temporaire, il comprenait que cela détruirait rapidement tous les nutriments et que cela rendrait stériles les terres arables. Il était évident qu’après cinq à dix ans d’utilisation répétée, la terre serait épuisée.

Tout en faisant des recherches sur la possibilité de faire deux récoltes par an, il avait découvert le système de quatre champs de Norfolk, une méthode de division d’une parcelle en quatre parcelles, avec dedans de l’orge, du trèfle, du blé et des navets, qui était affecté à tour de rôle sur un terrain différent tout au long des années.

Il y avait aussi des préoccupations au sujet de l’assèchement de la terre sur Yggdrasil, si bien qu’à l’heure actuelle, ils ne pouvaient pas récolter deux fois par année pour se prémunir contre un tel résultat.

Mais avec le système de Norfolk, en plantant des trèfles, ainsi qu’une culture de la famille des pois qui pourrait restaurer la terre à la place de faire une jachère et en plantant une racine comme des navets qui pourraient devenir des aliments pour le bétail, ils pourraient améliorer la production agricole et restaurer en même temps les nutriments de la terre. De plus, cela augmenterait sûrement la production alimentaire pour le bétail.

« Eh bien, il faudra plusieurs années avant que nous sachions à quel point il s’agit d’un système vraiment efficace, » déclara Yuuto en poussant un soupir.

En considérant à quel point c’était innovant, ce n’était pas quelque chose qui pouvait être entièrement mis en œuvre immédiatement. Après tout, la seule expérience d’Yuuto avec ce système était d’avoir lu des documents sur ça. Il avait découvert qu’il y avait beaucoup de connaissances dans le monde qui ne pouvaient être obtenues que par l’exécution concrète.

Par exemple, Yuuto avait compris l’idée primitive quant au fait d’allumer un feu en pressant un bâton de bois dans l’espace entre deux planches de bois et en le faisant tourner rapidement, mais il n’arrivait toujours pas à le faire même après deux ans. Le fait de seulement savoir quelque chose était très différent de le mettre en pratique.

Bien qu’il ait suivi de près ce qui était écrit dans les livres, s’ils mettaient en œuvre le système sur une plus grande échelle et que cela échouait, il était probable que certaines personnes pourraient mourir de faim. Donc, ils ne faisaient que l’essayer sur une petite parcelle de terrain.

Le problème était qu’ils ne pouvaient récolter qu’une fois par an pour l’instant. Donc, chaque cycle prendrait au total quatre ans. Il s’agissait ainsi d’une réforme qui prendrait beaucoup de temps à mettre en œuvre.

« Suivant, » déclara Félicia. « Ce papier que tu as introduit, Grand Frère, est devenu de plus en plus populaire, et beaucoup ont demandé une augmentation de la production. »

« Tu dis que je l’ai introduit, mais franchement, le papier et le système Norfolk ne sont pas des choses que j’ai inventées... il s’agit de méthodes que j’ai acquises en trichant, » déclarai-je.

« Mais tu devrais également reconnaître que, grâce à ces idées, un grand fardeau a été retiré des épaules de nombreux citoyens. C’est donc quelque chose de vraiment louable, » répliqua Félicia.

« C’est vrai, » déclara-t-il. « C’est bien que nos habitants aient assez à manger dorénavant. »

Quand Yuuto était venu pour la première fois dans ce monde, il avait ressenti plusieurs fois ce qu’on ressentait quand on avait très faim, et cette sensation de faim avait créé en lui de l’irritabilité.

Alors que l’écriture existait sur Yggdrasil, le « papier » en lui-même n’avait pas encore été inventé. Les mots étaient gravés sur des tablettes d’argile et des blocs de bois et c’étaient ainsi les principales méthodes de transmission de l’information.

Étant originaire du Japon moderne, la première chose qui avait surgi dans la tête d’Yuuto était le mot « papyrus » qu’il avait vu dans un manuel. Naturellement, il avait cherché en ligne des informations et avait trouvé quelque chose à propos de la création de papier à partir de mauvaises herbes.

Cela semblait si simple que même un profane pouvait le faire. Alors Yuuto avait tenté d’en faire un peu, et bien que le produit final avait été d’une qualité si médiocre qu’aucune personne moderne ne le considérerait comme digne d’être vendu, ce papier avait rapidement disparu des étagères des stands des marchands proches du palais dès les premiers jours. Les mauvaises herbes avaient toujours abondamment germé dans la région. Et la production de papier ne prenait pas plus de temps que de les cultiver. Le papier devint ainsi une autre source de revenus et c’était ainsi devenu un autre point en sa faveur.

Avec les bénéfices produits par le papier, il achetait tout le blé que les marchands avaient à offrir, puis le moulinait dans les moulins à eau dont ils avaient discuté ce matin lors du petit-déjeuner, puis vendait la farine obtenue pour encore plus de profits. À travers cette chaîne de stratégies économiques, la situation alimentaire et financière du Clan du Loup s’était considérablement améliorée.

Le fait d’avoir permis de préserver son peuple de la famine en générant un revenu constant, d’améliorer le niveau de vie et d’avoir chassé les envahisseurs étrangers lui avait valu un important soutien du peuple. Ainsi, les réactions enthousiastes des personnes lors du défilé de la victoire de la veille n’étaient pas hors de propos.

« Eh bien, que veux-tu faire ? Allons-nous augmenter la production ? » demanda Félicia.

« Non, nous ferions mieux de ne pas le faire. Pour le moment au moins, nous devrions maintenir nos prévisions, » répondit Yuuki.

« Compris. Eh bien, je ferai ce que tu as demandé, » déclara Félicia.

« En toute honnêteté, je veux enseigner aux citadins comment utiliser le papier, » Yuuto ne pouvait pas réfréner ses sentiments de culpabilité quant au fait que les personnes vivant dans le palais monopolisaient des ressources accrues. Il s’était souvent imaginé que peut-être le fait d’enseigner aux citadins comment produire le papier leur apporterait aussi une prospérité accrue.

Le papier était assez simple à faire que même un étudiant moyen comme Yuuto pouvait le faire en regardant simplement des informations en ligne. Il n’a pas besoin de compétences hautement spécialisées. Il en était de même des outils. S’il enseignait cela aux citadins, c’était quelque chose qui pourrait facilement se propager dans le reste du monde. Et puis d’autres commenceraient à le produire, et le Clan du Loup n’aurait plus le monopole.

L’implication de tout cela était qu’ils régresseraient à ces temps de pauvreté, dans lesquels la nourriture avait été rare. Qui voyagerait sur de longues distances et paierait de grosses sommes d’argent pour quelque chose qu’ils pourraient faire eux-mêmes chez eux ?

En tant que souverain, il devait à tout prix éviter une telle situation.

Un garde s’était soudainement précipité dans le bureau, puis s’était tenu au garde-à-vous, et avait annoncé. « Pardonnez-moi pour l’interruption ! Nous avons reçu une correspondance de la part du Clan de la Corne ! »

Le système précédent avait exigé de passer par de nombreux gardes avant d’atteindre le souverain lui-même, mais Yuuto avait trouvé que c’était le summum du ridicule, et donc, après avoir effectué seulement un contrôle pour s’assurer que le visiteur ne portait pas d’armes, ils pouvaient maintenant se rendre immédiatement auprès du souverain.

Cela avait suscité beaucoup de plaintes des anciens au sujet de l’autorité et de la dignité ainsi que beaucoup d’autres arguments du genre. Cela avait souvent amené Yuuto à réfléchir sur le fait que le changement était difficile.

« Oh Mon Dieu ! Comme c’était rapide, » les yeux de Félicia s’écarquillèrent en raison de la suspicion, puis elle accepta la plaquette massive d’argile de la part du garde.

Yuuto avait envoyé une correspondance cinq jours plus tôt, après la fin des combats. En envoyant seulement une lettre et en demandant également uniquement une lettre en retour, le temps de voyage ne prenait que quelques heures, mais le fait de prendre son temps avec une lettre et sa réponse était une coutume non seulement des anciens, mais aussi de l’ensemble de la population d’Yggdrasil.

Mais pour Yuuto, la vitesse de propagation de l’information était la différence entre la vie et la mort. Cela lui avait fait penser à ce que Sun Tzu avait dit au sujet de l’influence de la vitesse sur la guerre. Une différence de quelques heures pourrait avoir un impact sur le cours de la guerre. Dans ces moments-là, Yuuto voulait ne pas avoir de regrets.

« Eh bien..., » Félicia ramassa le marteau en bois sur le bureau d’Yuuto et l’abattit sur la tablette d’argile. Elle avait brisé la simple tablette d’argile, ornée seulement d’un sceau appartenant vraisemblablement au Clan de la Corne. De l’intérieur était apparue une seconde tablette d’argile avec un texte gravé dedans.

Les correspondances importantes telles que celle-ci étaient scellées de cette manière : la lettre elle-même était cuite dans une seconde tablette d’argile simple dans un effort pour la dissimuler aux yeux des autres.

« Voyons voir. “À l’intention du Seigneur Souverain Yuuto du Clan du Loup, je suis Rasmas, du Clan de la Corne.”, » tenant la tablette d’argile, Félicia avait lu l’introduction.

Cette forme de tournure de phrase de commencer une lettre avec « À l’intention__, je suis __, » était une forme très formelle et traditionnelle d’écriture de lettres sur Yggdrasil.

Comme le taux d’alphabétisation sur Yggdrasil était inférieur à un pour cent, il était courant que les lettres et les lectures soient traitées par un secrétaire, qui était professionnellement formé pour lire et écrire. Par conséquent, le « À l’intention __ » était en fait une directive pour le secrétaire lisant la lettre de le faire en la présence de cette personne en particulière.

« “Plusieurs membres de nos échelons supérieurs, y compris moi-même, seront présents à la Cérémonie du Calice. Nous prévoyions d’arriver dans les sept jours. Nous croyions que vous traitez notre dirigeant avec hospitalité.” Et c’est daté d’il y a trois jours, » dit Félicia.

Le contenu était assez concis, mais la tablette d’argile était aussi grande que la main d’Yuuto. Et le fait d’avoir scellé la correspondance l’avait rendue encore plus encombrante. Par rapport au papier, c’était vraiment un matériau problématique.

« La traiter avec hospitalité, hein ? » demanda Yuuto. « En parlant de ça, est-ce qu’elle va bien ? Elle ne se sent pas malade ou quoi que ce soit du genre, n’est-ce pas ? »

« En effet, elle va extrêmement bien. On me dit qu’elle avait mangé tout son petit-déjeuner ce matin, » répondit Félicia.

« Je vois. Si elle mange normalement, alors je suis sûre qu’elle va bien, » Yuuto poussa un soupir de soulagement.

Bien qu’elle ait consenti à devenir une petite sœur subordonnée, ce n’était encore qu’un contrat verbal. Naturellement, il ne pouvait pas la laisser errer librement, alors elle était actuellement confinée dans un coin du palais.

Bien qu’elle deviendrait bientôt sa petite sœur subordonnée, elle était encore une souveraine de la nation voisine, le Clan de la Corne. Il ne serait pas bon de la traiter d’une manière incorrecte.

En arrivant au palais, ils avaient détaché ses cordes et lui avaient accordé une chambre afin de lui permettre de se détendre en paix. Pourtant, il n’était pas impensable qu’elle puisse avoir un brusque changement d’avis et qu’elle se mettent à croire qu’elle pouvait être un obstacle pour son propre clan avant de tenter de se suicider. Yuuto avait eu peur de la situation potentielle qui pourrait en découler. Et à un niveau personnel, Yuuto ne pouvait pas supporter l’idée d’une fille d’un âge si tendre qui meurt.

« Assurez-vous de la traiter avec hospitalité, comme le dit la lettre, » ordonna-t-il. « Mais aussi, fais attention à ce qu’elle ne s’enfuie pas d’ici. »

« Hehe, » Félicia se mit à rire.

« Qu’est-ce qu’il y a, Félicia ? Ai-je dit quelque chose de drôle ? » demanda Yuuto.

« Nullement. Je pensais uniquement à quel point tu es devenu fiable comparativement à ce que tu étais il y a deux ans, » répondit-elle.

« ... Tu n’as vraiment pas besoin de me flatter ainsi, » répondit Yuuto.

« Mais tu as déjà tellement fait pour nous, » déclara Félicia. « Depuis que tu es arrivé ici, Grand Frère, nous, du Clan du Loup, n’avons pas vu de fin quant aux améliorations apportées à notre clan. Je suis reconnaissante du fond du cœur que cela soit toi qui soit devenu notre chef, » Félicia regarda Yuuto avec une expression passionnée.

Tandis qu’il regarda dans ses yeux, Yuuto ne pouvait pas sentir le moindre soupçon de mensonge. Son visage était immédiatement devenu rouge. Alors qu’Yuuto s’était habitué à des louanges dans ce genre de situation, il avait coutume de taquiner Félicia à ce moment-là, mais le fait de rencontrer un tel regard sincère était carrément injuste. Il ne pouvait pas supporter de la voir ainsi.

« Hehe ! Haha ! » elle se mit à rire. « Tu sais, la façon adorable dont tu réagis est une autre facette de ton charme, Grand Frère. »

Yuuto aurait pu être fier de voir la manière dont il avait évolué positivement au cours des deux dernières années, mais il sentait que peu importe combien de décennies il allait passer ici, il ne s’habituerait jamais à Félicia.

Notes

  • 1 Système Norfolk : Il s’agit d’un type de culture basé sur la rotation culturale des champs afin d’augmenter les rendements. Le système Norfolk a été inventé dans le comté de Norfolk en Angleterre au 17e siècle.

***

Partie 5

À la seconde où Yuuto avait ouvert la porte, il avait été assailli par un bref grondement.

« Qu’est-ce que vous voulez ? » La chef du Clan de la Corne n’avait même pas tenté de cacher son mépris.

À l’intérieur des murs de ce palais, elle était la seule qui oserait prendre un tel ton avec lui. En toute honnêteté, Yuuto détestait les formalités constantes qui le submergeaient, car il n’avait pas l’impression de les mériter, et ainsi, il trouvait un peu de réconfort d’être face à ses manières brusques.

« Ne suis-je pas autorisé à venir voir ma future petite sœur subordonnée ? » demanda-t-il.

« Non ! » s’écria-t-elle.

« Eh bien, c’est dommage alors, » un sourire ironique était instinctivement apparu sur les lèvres d’Yuuto.

Après s’être renseigné sur l’état de santé de Linéa, il avait voulu la voir de ses propres yeux, mais elle ne semblait pas être de bonne humeur.

« Est-ce que quelque chose ne vous plaît pas ? Y a-t-il quelque chose dont vous auriez besoin ? » demanda-t-il.

Bien qu’étant prisonnière de guerre, Linéa était également une invitée vitale pour le Clan du Loup. Dans l’intérêt de l’établissement de meilleures relations, il était important de veiller à ce qu’elle soit traitée de la meilleure manière possible. En réalité, celle qui s’occupait de telles choses était Félicia, qui prenait silencieusement des notes en se tenant toujours à ses côtés.

La pièce dans laquelle ils avaient confiné Linéa était en fait une chambre d’amis présente dans un coin du palais. D’un coup d’œil, on pouvait dire que la pièce avait été méticuleusement nettoyée et que les meubles avaient été choisis et arrangés avec soin ! Le panier sur la table débordait d’un grand nombre de variétés de fruits.

Linéa avait lancé les uns après les autres les grains de raisin dans sa bouche, les mâchant alors qu’elle parlait. « Il ne me manque rien du tout. Mais il y a certains désagréments que je subis. »

« Hmm ! Eh bien, je veillerai à ce que ces désagréments soient immédiatement traités, » déclara Yuuto.

« Bien ! Alors cela veut dire que vous allez sortir de ma chambre. Et pourriez-vous faire partir pour moi ce garde présent tout le temps près de la porte ? » demanda Linéa.

« Il s’agit là d’une demande difficile à exaucer, » Yuuto riait tout en haussant les épaules.

Jusqu’à ce que la Cérémonie du Calice pour la faire devenir un membre à part entière du Clan du Loup ne soit pas réalisée, il ne pouvait tout simplement pas lui permettre d’errer librement. Il savait que c’était vrai ce dont elle parlait. Il était au courant que le fait d’avoir tout le temps quelqu’un à l’entrée, qui inspectait de temps en temps la situation dans la pièce, n’était pas très agréable pour elle.

« Non, attendez ! J’ai trouvé. Pourriez-vous au moins échanger les gardes pour y placer des servantes ? » demanda-t-elle, l’idée lui apparaissant soudainement.

En considérant qu’elle avait été surveillée tout ce temps par des membres du sexe opposé, il était naturel de penser qu’elle pourrait se sentir plus à l’aise avec quelqu’un du même sexe qui la surveillerait à la place.

Yuuto jeta un coup d’œil à Félicia, et elle lui fit un signe de tête.

« Cela devrait être possible, » déclara Félicia. « Naturellement, les gardes du palais devront toujours être positionnés quelque part à proximité. »

Yuuto hocha la tête en retour. « Très bien. Alors, procédons ainsi ! »

« Compris, » déclara Félicia avant de noter quelque chose sur le bloc-note qu’elle transportait quasi tout le temps avec elle.

« ... Est-ce le papier légendaire ? » Linéa marmonna distraitement en regardant le bloc-notes que Félicia tenait.

Au sein du palais, l’utilisation du papier était déjà si répandue que même des prises de notes mineures comme celles-ci étaient inscrites dessus, mais cela restait une curiosité pour les personnes d’autres nations.

« Exact, c’est un outil plutôt pratique. Je remercie énormément mon Grand Frère pour cela, » Félicia sourit, sa plume faite de roseau — encore quelque chose d’autre qu’Yuuto avait appris à faire en utilisant des documents trouvés sur internet — écrivant sur la page de nouvelles notes.

Les tablettes d’argile et les blocs de bois qui avaient été utilisés jusqu’à récemment étaient lourds et peu maniables, et avaient toujours été un cauchemar à trimballer.

« Seigneur Yuuto, vous et moi sommes si proches en âge, et pourtant vous êtes vraiment impressionnant, » déclara Linéa.

« Que se passe-t-il tout à coup ? » demanda Yuuto avec prudence. Son attitude jusqu’à ce moment-là avait été si hostile qu’il avait automatiquement soupçonné des arrière-pensées dans son changement soudain.

Linéa lui fit un sourire ironique. « Peut-être qu’à la fin, je n’étais pas après tout une souveraine convenable. Faire l’expérience d’être vaincue après une défaite dans une bataille où j’étais dans une position offensive m’a conduite à devenir une prisonnière... hehe, hehe... Avec cet accueil d’hier, cela m’a fait réaliser que vous n’étiez vraiment pas quelqu’un de normal. »

« Qu’allez-vous faire exactement après ça ? » Yuuto avait été habitué à la flatterie de ses propres subordonnés, mais d’avoir un chef ennemi qui commençait même à le complimenter était quelque chose qui le surprenait totalement. Il était naturel pour lui de soupçonner qu’elle pourrait être en train de comploter quelque chose.

« Haha ! Sans réfléchir, je viens de dire à haute voix ce qui m’était venu à l’esprit. Je suppose que je me sentais tout simplement jalouse de vous, » répondit Linéa.

Alors qu’elle regardait fixement Yuuto, les yeux de Linéa débordaient des affres de la jalousie et de l’envie.

Peut-être que sa jeunesse elle-même avait apporté sa propre marque de détresses en elle.

Même s’il n’y avait pas tellement de différence d’âge entre eux, le fait de voir quelqu’un d’autre si admiré et respecté par les autres que lui, serait une situation où il ne serait pas déraisonnable d’avoir des sentiments aussi compliqués.

Yuuto allait commencer à parler, puis il s’était de lui même tu. Il savait que la sympathie forcée envers elle lui causerait encore plus de peine. Dans une telle situation, il n’y avait pas de paroles que le vainqueur pourrait offrir au perdant.

***

Partie 6

Même si le soleil était sur le point de se coucher, une bouffée d’air brûlant enflammait ses joues.

Cette zone était la partie la plus profonde du palais, où seulement un petit nombre de membres du Clan du Loup étaient autorisés à y pénétré. Le corridor que Félicia et Yuuto empruntaient en ce moment était essentiellement un couloir droit. Dans un poste de garde situé devant eux se trouvaient dix gardes du palais qui en bloquaient l’entrée. Il y avait également deux autres gardes postés devant l’atelier au bout du hall. Le placement des gardes couvrait tous les angles possibles que même une souris ne pouvait espérer passer sans être vue.

En voyant le visage d’Yuuto, les gardes s’étaient immédiatement mis au garde-à-vous. « Oh, c’est bon de vous voir, Seigneur Patriarche ! S’il vous plaît, entrez ! »

Plusieurs gouttes de sueur coulaient sur le visage d’Yuuto. La zone autour de l’atelier était incroyablement chaude. L’air lui-même semblait être en train de brûler, ce qui faisait que la zone n’était pas bien différente d’un sauna.

« Bon travail, » avec ces mots sincères d’appréciation, Yuuto était entré dans l’atelier.

Deux hommes se tenaient au centre d’une sombre pièce de la taille d’une salle de classe, travaillant autour d’un four en argile, en forme de seau. Une lumière orange éblouissante jaillissait de la moitié supérieure du four.

« Très bien, continue maintenant. Oh, hein ? Yu-Yuuto !? » La jeune fille se tenant sur le côté et regardant fixement le four, remarqua Yuuto et ses yeux s’écarquillèrent. Ses yeux indomptables, et légèrement relevés ainsi que ses cheveux frisés et courts lui donnaient un air vif.

« Salut, cela fait longtemps depuis la dernière fois, Ingrid, » dit-il. « Tu ne devrais vraiment pas être surprise de me voir. »

« Oh, ç-ça fait longtemps. O-Oui, je suppose que c’est vrai, vu que j’ai entendu que tu reviendrais bientôt, mais bon..., » Ingrid avait répondu à la salutation d’Yuuto en se grattant la joue et en donnant une réponse indifférente.

Il avait eu l’impression qu’elle dissimulait comment elle se sentait vraiment. Comme c’était une réaction normale pour elle, Yuuto ne s’en offusqua pas et parla en haussant les épaules. « Qu’est-ce qui se passe ? Tu agis si froidement envers moi. Ne sommes-nous pas amis ? »

« Tais-toi ! Je suis ici en train de trimer sur le four depuis hier. D-Donc je n’ai pas le temps de m’inquiéter de tes goûts. Et, hé ! Personne n’a dit que vous pouviez faire une pause ! Continuez ! » Jetant un coup d’œil à la conversation se faisant à côté du four, Ingrid avait fait des remarques acerbes à ses deux travailleurs sans aucun soupçon de clémence.

Plus jeune que les hommes travaillant à côté du four, on aurait dit qu’elle avait été reléguée à des tâches subalternes, mais en réalité, cette fille de seize ans était en fait la huitième membre dans la hiérarchie du Clan du Loup, et le chef de l’atelier Mótsognir.

Comme Sigrun et Félicia, Ingrid était aussi une Einherjar, en possession de la rune d’Ívaldi, l’Enfanteuse de Lames, et le Clan du Loup en était venu à compter sur ses capacités supérieures de forgeronne.

À première vue, elle semblait de mauvaise humeur et brusque, mais...

« Arg, Agh, je t’ai dit de ne pas m’énerver, » avait-elle dit à l’un de ses subordonnés. « Fais ça, et tu te brûleras dans peu de temps. Commence déjà par te calmer, toi ! »

Yuuto savait bien qu’elle était en fait une fille très gentille. Elle était juste encline à agir de manière trompeuse contrairement à ses sentiments, ce qu’on pourrait appeler une diablesse tombée des cieux.

En repensant à quelque chose qui s’était produit deux ans plus tôt, le visage d’Yuuto avait spontanément éclaté en un sourire. Quand il n’était arrivé que récemment dans ce monde, elle l’avait réprimandé pendant plusieurs minutes, puis s’était inquiétée pour lui juste après ça.

Quand il pensait au moulin rotatif et au moulin à eau, si Ingrid n’avait pas prêté ses talents à Yuuto, il aurait été incapable de les construire seul. En raison de cela, elle était, comme l’adjointe d’Yuuto, Félicia, une assistante véritablement irremplaçable.

Tout en jetant un coup d’œil aux travailleurs qui mettaient tout ce qu’ils avaient dans ce qu’ils faisaient, Yuuto se mit à parler en se sentant un peu coupable. « Je suis désolé. Si tu es occupée, alors peut-être que je devrais revenir une autre fois ? »

« N-Ne t’en fais pas, » répondit-elle. « M-Même si je ne suis pas vraiment libre en ce moment, cela ira puisque tu es revenu après une si longue absence. Alors, prends tout le temps qu’il te faudra, » Ingrid avait fait un geste théâtral de son menton, indiquant une chaise à proximité.

Yuuto fit un pas en avant, puis il réalisa que cela ne serait pas bien de rester là, mais il remarqua le regard renfrogné sur le visage de Félicia.

Essayant de contrôler sa voix, Félicia offrit à Ingrid des conseils en toute franchise. « Lady Ingrid ! À propos de ce ton que vous utilisez toujours avec Grand Frère, il... »

Ingrid laissa échapper un gémissement et son visage semblait indiquer qu’elle était perturbée. « Ahh, je vois. Eh bien, dans le passé, ce gars... non, attendez, ce n’est pas ça, euh, P-P-P-Père ? Eh bien, il sait que c’est uniquement une habitude que je ne peux pas me défaire si facilement... J-Je-Je-Je-Je suis désolée, P-P-P-P, arg ! »

« Hahaha !! » Yuuto éclata de rire par inadvertance en raison de l’embarras d’Ingrid.

Jusqu’à ce point, elle avait agi avec une telle vigueur, et maintenant elle se mordait la langue tout en faisant la moue.

« Ahh ! N-Ne rie pas ! Non, je veux dire ! Ne vous moquez pas de moi, s’il vous plaît ! » supplia Ingrid, avec des yeux légèrement larmoyants.

Elle avait toujours été une personne plutôt timide, mais son embarras était maintenant pire que jamais auparavant. Son visage était plus rouge que l’intérieur du four.

Yuuto avait fait un geste de la main face à l’embarras d’Ingrid. « Je t’ai dit d’agir comme tu le fais normalement. Quand je t’entends me parler d’une manière si formelle, cela me semble si froid, Ingrid. »

« Je-je suppose que tu as raison. Faire les choses comme on l’a toujours faite, c’est mieux ! » L’expression d’Ingrid changea instantanément et elle hocha la tête de satisfaction, comme si la suggestion avait été la sienne.

« H-Hum ! » Félicia s’éclaircit la gorge. Elle l’avait apparemment fait exprès. Apparemment, elle n’était pas heureuse. « Grand Frère, Lady Ingrid. Je comprends que vous deux êtes proches, mais il est frustrant que vous n’arriviez pas à séparer les comportements publics et privés. »

« J-Je ne suis pas proche de lui ! » déclara Ingrid.

Son déni soudain avait un peu blessé les sentiments d’Yuuto. Mais il avait compris que c’était un réflexe, un déni qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de faire en raison de sa timidité.

Yuuto avait alors mis de côté ces paroles en disant. « Eh bien, tu vois, ce n’est pas ce que je veux, mais... »

« C’est un domaine où je ne peux pas te permettre de faire ce que tu veux, Grand Frère, » déclara Félicia tout en s’excusant. « Lady Ingrid se tient à un poste en haut de la hiérarchie, et il y a beaucoup de personnes autour de nous, donc c’est ainsi. »

Elle avait regardé par-dessus son épaule et elle avait rencontré les yeux des autres ouvriers. Il n’était pas possible de garantir que les ouvriers ne laisseraient pas se répandre la rumeur comme quoi Ingrid avait agi de façon si décontractée face à Yuuto. Être amical dans la parole et la manière était acceptable, mais la discipline et l’ordre étaient importants pour une organisation comme la leur. Ainsi, quelqu’un qui devrait être un exemple pour son groupe et qui enfreignait cet ordre représentait un grave problème surtout vis-à-vis de ceux qui suivraient soudainement son exemple. Rapidement, cela aurait très certainement un impact sur la capacité de l’organisation à se réguler.

« Tante Félicia a raison, » déclara Ingrid à contrecœur. « Je vais essayer de..., non, je ferai attention à partir de maintenant. S’il vous plaît, oubliez ce que j’ai eu l’outrecuidance de dire, Père. »

L’expression d’Ingrid s’était raidie et elle resserra sa posture, se tournant vers Yuuto et inclinant la tête.

Le fait de la voir comme ça avait fait prendre conscience à Yuuto de la distance qui les séparait. L’admonition de Félicia lui rappelait un autre conseil du Prince, quant à l’importance d’agir de manière digne pour un chef. Il comprenait que c’était la façon dont les choses devaient être, mais quand même, lui et Ingrid avaient un lien forgé par des heures d’essais et d’erreurs, et avait trempé par la sueur. Yuuto ne pouvait rien faire d’autre que se mordre la lèvre face à la solitude qui se frayait un chemin dans son cœur, le blessant cruellement.

« Oh ! Mais, quand vous êtes justes tous les deux, alors vous pouvez vous appeler par votre prénom et vous comporter comme bon vous semble, » déclara Félicia, choisissant soudainement ce moment pour le faire.

Instinctivement, Yuuto regarda vers Félicia et elle lui avait fait un clin d’œil malicieux. Félicia se retrouvait très souvent à agir de manière douce quand il s’agissait d’Yuuto.

« S’il vous plaît, assurez-vous juste de garder une distinction claire entre les maniérismes publics et privés, d’accord ? » rajouta-t-elle. Elle n’avait nullement oublié de faire remuer son index tout en affichant une expression sérieuse pour faire bonne mesure.

Le visage d’Yuuto s’illumina de joie alors qu’un sourire traversait son visage. « Tu as raison ! J’ai compris ! Je ferai désormais attention ! Ainsi, Ingrid, quand nous sommes seulement nous deux, nous ferons comme nous l’avons toujours fait ! »

« S-S-S-S-S-Seulement tous les deux !? Q-Q-Q-Q-Q-Q-Que dis-tu tout d’un coup !? » bégaya Ingrid, avec une telle consternation qu’il était embarrassant de la regarder.

Sa façon de parler était également revenue à son ancien état désinvolte.

« Hé, maintenant, ne le fais pas apparaître comme étant quelque chose de bizarre, » déclara Yuuto. « Ce que je voulais juste dire par là, c’était que quand nous nous réunirons la prochaine fois, construisons quelque chose à nouveau comme avant. Mon emploi du temps est très chargé actuellement, mais je devrais bientôt pouvoir avoir du temps libre. »

« Ah, Je-je suppose que c’est comme ça que ça se passe. Eh bien, d’accord. Oui. Hmm, ah ! » Même si Ingrid avait l’air abattue pendant un moment, ce regard fut rapidement remplacé par un large sourire alors qu’elle hocha vigoureusement la tête.

Ingrid suivit cela avec un autre, un lourd soupir. « C’est vraiment difficile pour moi de parler avec les personnes. Je suis beaucoup plus à l’aise quand il s’agit de travailler avec mes mains et de faire des choses. »

« Après tout, tu as le cœur d’un artisan sérieux, » acquiesça Yuuto.

Il y avait ceux qui étaient mauvais quand il s’agissait d’interagir avec les autres et qui dépensaient toute leur énergie à faire des choses. Par exemple, Yuuto avait entendu dire que beaucoup de romanciers, dont la profession était de construire des œuvres avec de mots, se trouvaient souvent incapables de converser face à face avec les autres.

D’un autre côté, il se sentait un peu désolé pour une fille de l’âge d’Ingrid. Il pensait que, peut-être, plutôt que de simplement toujours la rencontrer seule, il serait peut-être bon de la persuader d’interagir avec les autres.

Alors qu’il réfléchissait, Félicia pressa sa main sur ses lèvres, et un rire s’échappa alors qu’elle affichait un sourire amusé. « Grand Frère, tu es aussi vilain que jamais... »

« Agh ! Bon sang ! Pourquoi êtes-vous venus tous les deux ici ? Je suis occupée ! Arrêtez d’interrompre mon travail ! » cria Ingrid, énervée. Son visage était redevenu rouge comme une tomate.

« Quoi !? Eh bien ! Plus tôt, ne nous as-tu pas dit de prendre notre temps ? » protesta Yuuto.

« Tais-toi ! Je n’ai aucun souvenir d’avoir dit quelque chose comme ça ! Si vous n’avez rien à faire ici, alors partez ! » Ingrid avait commencé à pousser hâtivement le dos d’Yuuto, puis avait commencé à pousser la paire hors de l’atelier.

Oubliant les formalités, elle avait changé sa façon de parler pour retourner à celle désinvolte afin de leur aboyer dessus des ordres. Pourtant, Félicia, qui aurait dû être dérangée par ça, frappait le mur, avec son corps rongé par un fou rire.

« Comme toujours, merci pour votre travail acharné aujourd’hui, » déclara Félicia.

« Ouais, merci aussi à vous, Félicia, » répondit Ingrid

Après ça, ils étaient tous les deux retournés dans la chambre d’Yuuto.

« Eh bien, je serai de retour demain matin pour te réveiller une fois de plus. Bonne nuit, Grand Frère, » Puis, avec une élégante révérence, Félicia quitta la pièce.

Dès qu’Yuuto avait fermé la grande porte en bois, il avait reculé de plusieurs pas avant de s’effondrer sur son lit.

« Wôw, je suis épuisé, » murmura-t-il.

À la seconde où Yuuto avait atterri dans son lit, une vague de fatigue avait saisi son corps et il avait libéré toute l’air présente dans ses poumons en un long soupir.

La pièce était faiblement éclairée par la lueur orange d’une lampe solitaire. Ce monde manquait encore de bougies, mais ils avaient des lampes en terre cuite avec des mèches faites de brins de bois et de coton. Avec un tel faible éclairage, il pouvait à peine distinguer ce qui se trouvait dans sa chambre.

« Peut-être que ce sont ceux du Japon moderne qui sont étranges de vouloir travailler à travers les profondeurs de la nuit, » déclara-t-il pour lui-même.

Après avoir dit ça, Yuuto prit la pile solaire, qui avait été chargée sur le rebord de la fenêtre, et l’attacha à son smartphone.

Sur Yggdrasil, se lever avant le soleil et souper suivi du fait d’aller se coucher peu de temps après le coucher du soleil était la norme. Il était probablement prudent de dire que c’était ainsi que la plupart des humains avaient vécu jusqu’à l’ère moderne. En regardant dans une perspective historique, jusqu’à l’avènement de l’éclairage au 19e siècle, il était probable que tout le monde se soit conduit ainsi.

Même si les affaires officielles d’Yuuto étaient terminées pour la journée, il avait encore du travail à faire. Ou plutôt, c’était seulement quand personne d’autre n’était autour de lui qu’il pouvait se livrer aux avantages uniques d’un homme moderne.

« Je suppose que cela devrait suffire maintenant, » Yuuto avait allumé son smartphone, et le logo du fabricant du téléphone était apparu à l’écran après un certain temps.

Faire des recherches en ligne, acheter de temps à autre des livres électroniques, rechercher des connaissances qui pourraient être utiles dans ce monde..., tout cela faisait partie de la routine nocturne d’Yuuto.

Pour être juste, ce n’était pas comme si Yuuto n’avait pas de réserves à propos de l’introduction des connaissances du 21e siècle dans ce monde. Il était constamment tourmenté par des soucis comme : « Et si cette connaissance ne faisait que créer un plus grand désordre » ou « Était-il acceptable pour lui d’introduire de telles connaissances ? »

Mais si Yuuto n’avait pas mis ces connaissances à profit, l’existence même du Clan du Loup aurait pu être complètement gommée de la surface de Yggdrasil. En plus de cela, les images d’enfants qui pleuraient de faim et qui avaient accueilli Yuuto à son arrivée (quand il était encore vu comme l’envoyé des cieux), ainsi que les images des cadavres de ceux qui avaient veillé sur lui, resteraient pour toujours gravées dans ses souvenirs.

Il savait ce qu’il fallait faire, mais il avait du mal à se convaincre. Avoir la connaissance et la capacité de changer les choses, mais ne rien faire semblait pour lui infiniment plus coupable. Ainsi, Yuuto avait continué à aller contre ses instincts.

Il repensa à la façon froide dont il avait traité Mitsuki à l’école primaire, après n’avoir pas pu résister aux taquineries de ses amis. C’était une partie sombre et honteuse de son passé. Il ne voulait pas faire quelque chose qu’il passerait le restant de ses jours à regretter comme ça.

Et plus que toute autre chose, il ne voulait pas tomber dans le piège de devenir comme cet homme.

« Quoi qu’il en soit, je suppose que je devrais revenir à ce que je lisais avant le début de la bataille, » déclara-t-il à haute voix.

Au moment où son écran d’accueil était apparu, Yuuto avait tapé sur l’icône de « Bibliothèque », son lecteur de livre électronique, et à partir des couvertures alignées devant lui, il avait sélectionné un livre sur le thème de l’histoire de l’économie.

Sur Yggdrasil, le troc était le principal moyen de faire des affaires. Le commerce ou le troc se passait bien si les deux parties obtenaient quelque chose de valeur égale, mais si la transaction favorisait l’un par rapport à l’autre, il devenait difficile de continuer à faire des affaires. Et trouver quelqu’un qui voulait échanger pour ce que vous aviez était assez souvent très difficile. Il ne pouvait pas s’empêcher de pensée à cela comme très inefficace.

L’or et l’argent pourraient être utilisés comme substituts au commerce, mais ils arrivaient également avec leur propre acte d’équilibrage pénible. Ils ne pouvaient pas non plus empêcher les gens d’utiliser des astuces pour influencer frauduleusement la valeur.

À ce moment-là, Yuuto avait une idée : utiliser le papier-monnaie comme méthode commune d’échange financier. Après tout, ils avaient déjà fait du papier, et si cela améliorait la fluidité de leurs transactions commerciales, cela pourrait forcer le réveil de leur commerce global, renforçant ainsi les prouesses nationales globales du Clan du Loup.

Cependant, les choses n’étaient jamais aussi simples.

« Hmm, je ne pense pas vraiment que je serai capable de mettre ça en pratique, » murmura-t-il.

Alors qu’il continuait à lire, Yuuto réalisa sa propre superficialité. Faire circuler du papier-monnaie avec un montant écrit n’était pas aussi simple que cela semblait de prime abord. Tout d’abord, ils auraient besoin de la technologie d’impression pour reproduire la même chose encore et encore. La fonction du produit dépendra fortement de la possibilité ou non de préparer des métaux précieux de même valeur et de savoir s’ils peuvent ou non gagner la confiance des gouvernements.

Selon ce livre, la première apparition de papier-monnaie dans l’histoire était dans la Chine du XIe siècle, au cours de la Dynastie des Song. Le livre avait également dit que s’ils inondaient le marché avec trop de monnaies, la valeur baisserait rapidement, provoquant l’inflation, et la valeur des produits s’effondrerait aussi, signalant la fin d’une économie.

« Si la société en question n’a pas encore mûri suffisamment, cela pouvait causer plus de chaos, » murmura-t-il. Puis il poussa un soupir. « J’avais espéré que ce serait une bonne idée. »

Yuuto souleva son visage de l’écran, regardant le plafond, à perte.

C’est ça ! Une idée lui vint à l’esprit, mais il s’était rendu compte que cela aussi pourrait ne pas être réalisable une fois qu’il avait effectivement fait des recherches.

« Pourvu que cela ne nécessite pas trop de capital de démarrage, car cela pourrait peut être une bonne idée. Eh bien ! Mais..., nous pourrions probablement l’utiliser pour frapper des pièces de monnaie ? ... Oh, je vais devoir finir ça plus tard. »

La jauge de la batterie indiquée dans le coin supérieur gauche était devenue rouge et Yuuto avait appuyé sur un bouton pour retourner à l’écran d’accueil.

L’affichage à cristaux liquides utilisait le plus de courant de la batterie, surtout qu’il s’agissait d’un écran de cinq pouces assez grand présent sur le téléphone d’Yuuto. Avec la batterie fournie par la batterie solaire, il pouvait compter sur un maximum de 30-40 minutes de lecture continue.

« Eh bien ! Avant de me coucher, je suppose que je devrais au moins l’appeler, afin que je puisse entendre sa voix, » déclara-t-il.

Il avait alors activé l’accès aux réseaux (en gardant en tout temps l’accès activé, la batterie est consommée beaucoup plus rapidement, donc il le garde toujours éteint quand il ne fait que lire), et il avait appelé son amie d’enfance.

La chambre d’Yuuto était dans la partie nord-est du palais. La chambre du patriarche souverain précédent avait été au centre du palais, mais Yuuto avait protesté et avait fait déplacer sa chambre. Puisque cette pièce était la plus proche de la tour sacrée, son téléphone pouvait se connecter tant que la lune était au moins à moitié pleine.

« Allo ! » Une voix dynamique résonna du haut-parleur après que le téléphone ait sonné une seule fois.

Les lèvres d’Yuuto s’étaient fendues en un sourire à la réalisation qu’elle avait anticipé son appel. « Allo. Bonsoir Mitsuki. C’est moi. »

« Oui, bonsoir, Yuu-kun. Tu dois être fatigué après tout le travail que tu as dû faire, » déclara Mitsuki.

« Tout à fait, je suis assez fatigué, » répondit Yuuto.

Il n’avait presque plus de batterie. Il ne pourrait donc pas avoir beaucoup de conversation avec elle. Ce serait un rendez-vous galant secret qui ne durera que quelques minutes.

En considérant toutes les choses importantes pour lesquelles il avait utilisé son téléphone, peut-être qu’il devrait apprendre à être plus efficace lorsqu’il inspectait les livres électroniques pour y trouver plus d’informations. Mais c’était la seule période de la journée où Yuuto commençait vraiment à sentir son cœur se guérir.

« Bonne nuit, Mitsuki, » déclara-t-il.

Et ainsi, Yuuto avait réussi à passer un autre jour sain et sauf en tant que souverain.

***

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