Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 12 – Chapitre 3

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Chapitre 3 : Certaines choses changent, mais le destin d’un méchant est gravé dans la pierre

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Chapitre 3 : Certaines choses changent, mais le destin d’un méchant est gravé dans la pierre

Partie 1

« Hmph. Le destin d’un traître est vraiment pitoyable. »

En regardant une certaine ville désolée, Valjakka ricana en se moquant de lui-même. Il faisait partie des archanges, mais avait été rétrogradé au rang de chien de Shere Khan. Lorsqu’il l’avait découvert, l’Archidémon Zagan lui avait donné un avertissement qui lui avait fait dresser les cheveux sur la tête. Après l’attaque de la trésorerie de Raziel l’autre jour, il avait été soupçonné d’avoir trahi l’Église et d’avoir guidé les sorciers dans les zones cachées.

Pourquoi ? Pourquoi suis-je le seul à subir tout ça ?

Il n’avait pas réellement participé à l’intrusion de Zagan et Bifrons, il ne méritait donc pas vraiment de faire l’objet de tous les soupçons de l’Église.

Si je choisis les mauvaises personnes pour travailler ici, tout sera fini.

Il devait placer tous ses paris sur le bon cheval dans cette course… ou sinon.

« Hé là, monsieur le chevalier. Alors, qu’est-ce qu’on doit faire ? »

Un garçon l’avait appelé par-derrière. Tout comme l’ancien adjudant de Valjakka et la jeune sœur de son adjudant, le garçon avait des cheveux et des yeux écarlates. En regardant son visage, Valjakka avait l’impression que le monde lui présentait ses péchés. Le garçon semblait également avoir atteint la fin de l’adolescence, ce qui rappelait encore plus à Valjakka Chastille.

Un jeune homme grand et maigre se tenait à côté du garçon. Celui-ci souriait également, mais Valjakka n’arrivait pas à lire en lui. Ces deux-là étaient les subordonnés que Shere Khan lui avait accordés pour l’aider dans sa tâche.

Ils sont probablement ici pour me surveiller. Je dois gagner sa confiance à travers eux si j’espère survivre.

Ainsi, Valjakka avait affiché l’image même d’un sourire de gentleman et s’était retourné pour leur faire face.

« La mission que le Seigneur Shere Khan nous a confiée est de capturer un traître, » leur déclara-t-il.

« Quel genre d’individu est ce traître ? » demanda le garçon.

« Elle semble être une jeune fille d’environ quatorze ou quinze ans, mais ne vous fiez pas à son apparence. C’est une puissante sorcière. Elle est apparemment un spécimen de grande valeur, donc même si cela n’a pas d’importance si elle est tuée, assurez-vous de récupérer le cadavre. Moins elle sera endommagée, mieux ce sera. »

En vérité, on avait dit à Valjakka qu’elle était à peu près incapable de faire de la sorcellerie pour le moment. Néanmoins, on ne savait jamais quels tours un sorcier avait cachés dans ses manches. Il était préférable d’y aller pour tuer en supposant qu’elle résisterait. Après tout, c’était tout ce qui restait à Valjakka.

« Wow. Alors on se précipite sur une petite fille tous les trois ? » cracha le garçon, semblant retenir une envie de vomir. « La personne qui a ordonné ça n’a-t-elle pas honte ? »

« Surveillez votre langue. Le seigneur Shere Khan est simplement prudent. »

C’était un mensonge éhonté. Shere Khan était acculé dans un coin. Bifrons avait rompu leur alliance, donc une fois que Zagan aurait trouvé sa cachette, tout serait fini. Avec de tels problèmes, l’un de ses fidèles serviteurs avait fini par déserter — l’une des jumelles. Ce pitoyable Archidémon était plus au bout du rouleau que Valjakka, mais le chevalier avait tout de même misé sur lui.

Je n’ai pas d’autre choix que de croire en lui après avoir vu ça.

Shere Khan avait sérieusement l’intention de dominer le monde. Ou peut-être serait-il préférable de dire qu’il allait refaire le monde. Dans tous les cas, une fois que l’Archidémon serait entré en action, Zagan et l’Église n’auraient aucun moyen de gagner. De plus, Shere Khan avait promis de dissiper définitivement la sorcellerie sur Valjakka. Cependant, une condition pour tenir cette promesse était la récupération absolue de la jumelle manquante.

Pourtant, avoir ces deux chiens de garde est une véritable nuisance.

« Il n’y a, bien sûr, pas besoin de poursuivre une seule fille à trois, » ajouta fermement Valjakka. « Cependant, les chiens de quelqu’un se trouvent actuellement dans cette ville, alors vous deux les garderez enfermés. »

Les chiens étaient les subordonnés de Zagan. La cachette actuelle de Shere Khan était à proximité, donc malheureusement, la main du terrifiant Archidémon saisissait déjà la gorge de Shere Khan.

« Les garder enfermés ? » demanda l’homme longiligne en hochant la tête. « Et moi qui pensais que vous nous diriez de les tuer. »

C’était, bien sûr, ce que Valjakka voulait vraiment.

Ce satané Zagan ! Il utilise même des gens de l’Église !

Tuer de telles personnes serait un mauvais choix. L’avertissement de Zagan prendrait effet, et le couteau implanté dans la tête de Valjakka se manifesterait.

Valjakka se racla la gorge, puis secoua la tête et répondit : « C’est déjà un sale boulot. Il n’y a pas besoin de voler plus de vies que nécessaire. »

« Hmm… »

Les deux subordonnés de Valjakka marmonnaient de façon incompréhensible, avec des regards méfiants. Il en avait assez de ces deux-là.

« Ce sont les ordres du Seigneur Shere Khan, vous savez ? » ajouta-t-il d’une voix rude.

« Oui, oui… Nous ne désobéirons pas. En tout cas, pas si on peut, » dit le garçon.

Avec cela, les deux individus avaient disparu. Valjakka avait jeté un autre regard sur la ville. Il avait vu une pitoyable fille en robe qui courait dans tous les sens. Tout comme lui, elle était entourée d’ennemis et ne pouvait demander de l’aide à personne. Comme elle était pitoyable. Valjakka voyait un peu de lui-même en elle, ce qui l’irritait encore plus.

« Tu vas devoir me laisser me défouler comme bon me semble. »

En voyant quelqu’un d’aussi affaibli et acculé dans un coin comme lui, Valjakka ne ressentait ni sympathie ni compassion. Cela avait simplement stimulé son cœur sadique.

« C’est l’essentiel, patron. Shere Khan est certainement dans les environs de Feo. »

Le lendemain de la découverte de l’anniversaire de Zagan et Néphy, Shax donna son rapport en utilisant la sorcellerie de la télépathie. Cela faisait environ une semaine que Zagan l’avait envoyé avec Kuroka pour trouver la cachette de Shere Khan. Cet homme, qui avait un réel talent en dehors de sa capacité à lire l’ambiance dans un lieu, avait finalement réussi.

« Bien joué, » dit Zagan. « Tu peux finir tes affaires là-bas et revenir. Il y a quelque chose que j’aimerais que tu fasses ici. Ta force est une nécessité. »

« Vous êtes vraiment un esclavagiste, patron, » répondit Shax d’un ton épuisé. « Je m’en fiche un peu, parce que je suis un sorcier et tout, mais Kurosuke est juste une fille normale, vous savez ? »

« Essaie de lui dire ça… Mais tu as raison. Une fois ta prochaine mission terminée, tu pourras emmener Kuroka en vacances ou autre. Je vais préparer une excuse pour toi. J’ai entendu dire qu’il y avait de bonnes sources d’eau chaude à Raziel. »

« Bwah !? Attendez une seconde ! Ce n’est pas ce que j’essaie de dire ! »

« Tu veux montrer de la gratitude à Kuroka, c’est ça ? » répondit froidement Zagan. « Alors ceci devrait être approprié. »

« Vous vous moquez de moi ! »

Zagan soupira et répondit : « Laisse tomber, Shax. Je ne veux rien dire sur ta relation avec elle, mais permets-moi de te donner un avertissement en tant qu’homme. Sois honnête avec elle. C’est à toi de l’accepter ou de la rejeter, mais c’est pitoyable de la laisser en plan aussi longtemps. C’est ce dont Raphaël s’est le plus offusqué. »

Zagan s’était peut-être trompé en essayant de pousser Shax dans ses retranchements. Cependant, même si elle ne l’avait pas dit directement à Shax, cela faisait trois mois que Kuroka avait commencé à montrer de l’affection pour lui. Durant cette période, Kuroka avait été soignée pour ses yeux et Shax avait vaillamment pris soin d’elle. Il y avait plus qu’assez de sous-entendus dans son comportement pour suggérer qu’il était dans son esprit. Et pourtant, il avait continué à prétendre qu’il n’avait pas du tout remarqué ses sentiments. Franchement, à ce stade, c’était bien trop pitoyable à regarder.

Il y avait, bien sûr, l’affaire des sous-vêtements, mais aux yeux de Zagan, cette négligence était en fait ce qui avait tant enragé Raphaël. Si Shax baissait sérieusement la tête et demandait sa main, Raphaël ne se mettrait probablement pas en colère. Enfin, il se fâcherait quand même, mais il arrêterait au moins de brandir son épée chaque fois qu’ils se rencontraient. En tout cas, Shax ne semblait pas s’attendre à une remontrance juste après son rapport. Il était clairement déstabilisé par la tournure des événements.

« C’est ce que vous dites, patron, mais Kurosuke est toujours mineur, vous savez ? »

Cette seule déclaration était suffisante pour faire comprendre qu’il avait remarqué les sentiments de Kuroka et qu’il ne la trouvait pas désagréable.

« Ce n’est qu’une excuse, » lui dit Zagan. « Si tu utilises cette raison pour reporter ta décision, alors il est normal que tu lui dises d’attendre. »

« Argh… V- Vous avez… raison là… »

Zagan avait l’air un peu autoritaire, mais c’était ce qu’il fallait pour convaincre cet homme qu’il ne pouvait pas laisser faire les choses. Shax n’avait pas objecté davantage.

En fait, cela signifie-t-il que les choses ont évolué au point qu’il ne peut même pas faire d’objection ?

Zagan avait décidé de les envoyer ensemble, car Raphaël s’enflammait toujours lorsqu’ils étaient au château. Peut-être que ça s’était plutôt bien passé. Néanmoins, il comprenait les sentiments de Raphaël à un degré douloureux, donc il ne pouvait pas vraiment blâmer son majordome pour son comportement. Quoi qu’il en soit, il était peut-être allé trop loin.

« Eh bien, peut-être que je me projette un peu trop, » dit Zagan. « Tu peux oublier ça. S’occuper de Shere Khan est une priorité pour le moment. Dans tous les cas, je prévois de te donner des vacances pour ton service distingué quand tout sera terminé. »

« Compris, patron. »

Shax était aussi un homme. Il était sûr de faire quelque chose de bonne foi après en avoir été informé. Zagan avait prévu de toute façon de lui donner un répit même si cette affaire avec Kuroka n’était pas un problème. S’il ne le faisait pas, il n’était pas certain que Shax ait un jour un répit.

Maintenant qu’il connaissait la position de Shere Khan, c’était au tour de Zagan d’agir. Alshiera lui avait dit de lui laisser Nephteros, mais il n’était pas sûr de pouvoir faire confiance à la vampire. De plus, il devait rester vigilant quant aux mouvements de Bifrons et il ne savait pas quand Azazel réapparaîtrait. Mais par-dessus tout, il y avait la question de l’anniversaire de Néphy.

Zagan avait été très occupé par le cas de Nephteros hier, et il n’avait toujours pas choisi de cadeau. Il y avait une montagne de problèmes devant lui, sans aucun espace pour respirer.

Qu’est-ce que je fais ? J’ai envie de m’accrocher à Néphy tout de suite et de lui frotter la tête…

Il avait couru toute la journée, et Néphy était apparemment aussi occupée à quelque chose, donc ils n’avaient pratiquement pas eu le temps de se câliner. Cependant, ils étaient dans les pensées de l’autre tout le temps, et leur amour l’un pour l’autre s’était accumulé sans fin.

« Très bien, alors, nous allons rentrer maintenant, » rapporta Shax. « Allons-y en utilisant le transfert. »

Comme son nom l’indique, le Transfert était une sorcellerie qui permet de transférer instantanément des objets d’un endroit à un autre. Il ne pouvait malheureusement pas aller partout et n’importe où comme Barbatos, mais Zagan pouvait au moins relier son château à un lieu fixe comme, par exemple, l’endroit où Shax avait séjourné. Cependant, seule une poignée de personnes, dont Zagan, pouvait l’utiliser librement.

Hier, je n’ai pu faire asseoir Néphy sur mes genoux qu’une seule fois. Je ne vais pas pouvoir me calmer si je ne peux pas au moins lui caresser les joues.

L’esprit de Zagan était rempli de désirs mondains, mais il avait quand même réussi à faire une déclaration avec toute la majesté d’un Archidémon.

***

Partie 2

« Non, retournez par vos propres moyens. Il n’y aura pas de transfert. »

« Pas de transfert ? Mais ça va nous prendre une journée entière. Je pensais que vous étiez pressé. Est-ce que ça va ? »

« À ton retour, je te ferai travailler jusqu’à l’os, alors profite du voyage pour souffler un peu. »

Zagan ne pensait pas que son subordonné ferait du bon travail sans avoir eu le temps de se reposer. D’ailleurs, à en juger par sa réaction tout à l’heure, Zagan pouvait supposer que Shax avait en quelque sorte fait des progrès avec Kuroka. S’ils savaient que les choses allaient s’intensifier, les deux individus étaient sûrs de changer la façon dont ils passeraient leur temps. Si les frustrations de Kuroka pouvaient être apaisées, cela finirait par soulager certaines des angoisses de Shax et le rendrait également plus efficace au travail.

Après avoir relayé cet ordre, Zagan n’avait plus rien à faire dans la salle du trône. Il semblait être temps pour lui de prendre des nouvelles de Néphy. De plus, il devait aller chercher le cadeau d’anniversaire de Néphy.

Mais d’abord, je dois faire un câlin à Néphy !

Il sentait qu’il allait dire quelque chose d’imprudent s’il ouvrait la bouche, mais il voulait quand même être avec elle. Et juste au moment où il avait ouvert la porte de la salle du trône pour partir…

« Hyah ! »

Quelqu’un était tombé de l’autre côté, laissant échapper un joli glapissement. Zagan l’avait attrapé par réflexe.

« Hein ? Néphy ? »

Zagan tenait sa bien-aimée dans ses bras. Elle s’était apparemment appuyée contre la porte, ce qui lui avait fait perdre l’équilibre quand il l’avait ouverte.

Hein ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que je voulais tellement la voir que j’ai des hallucinations ?

Au moment où il pensait vouloir faire un câlin, elle avait fini par voler dans ses bras. Les choses s’étaient développées si commodément qu’il doutait de sa propre cognition. Quant à Néphy, elle regardait Zagan comme si elle n’avait aucune idée de ce qui venait de se passer.

Les deux individus se fixaient l’un et l’autre tandis qu’un doux arôme chatouillait son nez. C’était un parfum doux, mais il possédait un arôme rafraîchissant comme de la végétation fraîche. Il donnait l’impression que le printemps était arrivé tôt. Il semblait que Néphy avait changé son parfum avec le changement de saison. C’était tout à fait son genre d’accorder une telle attention aux détails. Alors que Zagan appréciait l’arôme légèrement différent, Néphy retrouva enfin ses esprits.

« H-Hawawawa !? »

« V-Vas-tu bien !? »

Ses oreilles étaient devenues rouge vif jusqu’à leur extrémité pointue.

« U-Ummm, ce n’est pas que j’ai vraiment besoin de quelque chose, mais, hum… » Néphy avait commencé, ses yeux azur s’agitant dans tous les sens. « Nous n’avons pas pu passer beaucoup de temps ensemble hier, alors je me sens un peu seule ! »

« Hein !? »

Sa plainte aimable avait frappé le cœur de Zagan avec une force significative. Le voyant ainsi ébranler, Néphy leva les yeux vers Zagan avec une pointe de résignation dans le regard.

« Maître Zagan. »

« O-Oui ? »

« Juste pour le moment… Juste pour un petit moment… J’aimerais… être avec toi. »

Zagan n’avait aucun moyen de savoir que Néphy se demandait ce qu’il devait faire pour son anniversaire, tout comme il l’avait fait pour le sien. De plus, elle avait beaucoup moins de temps, ce qui la laissait beaucoup plus inquiète que lui.

« Très bien ! »

« Hyah !? »

Zagan prit Néphy dans ses bras et retourna à son trône. Il s’assura, bien sûr, de sceller la porte avec de la sorcellerie. Néphy se raidit à cause de cet événement soudain, mais elle avait maintenant développé une résistance à ce genre de choses — surtout à cause de Zagan.

« E-Eheh heh heh… »

Elle laissa échapper un rire négligé alors qu’elle aimait être portée comme une princesse, frottant sa tête contre la poitrine de Zagan. Ses oreilles pointues frémissaient de joie.

Hnnngh ! Si rapide à agir !

De plus, même si elle avait l’air d’agir avec audace, ses bras n’étaient pas enroulés autour de lui, mais agrippaient timidement les vêtements au niveau de sa poitrine. Sa timide retenue l’avait presque fait se pâmer. Zagan faillit tomber à genoux, mais resta résolument ferme. Il utilisa l’énorme force de ses bras pour soulever Néphy un peu plus haut.

« Ack ! »

Alors que Néphy clignait des yeux à plusieurs reprises dans la confusion, il frotta sa joue contre son front.

 

 

« Ah… ! »

Néphy poussa un léger cri face à cette action déconcertante. Ses oreilles s’agitaient sauvagement contre la poitrine de Zagan, le chatouillant au passage. Son cœur battait si fort qu’il avait l’impression qu’il allait s’échapper de sa bouche. C’était un vrai bonheur.

Hmm ! Avec ça, je sens que je peux au moins continuer jusqu’à ce que j’aie fini de m’occuper de Shere Khan !

Zagan se rendit alors compte que Néphy levait les yeux vers lui, le visage si rouge qu’il semblait pouvoir s’enflammer à tout moment. Le frottement de sa joue contre son front était allé bien au-delà de ses attentes, si bien que ses pensées n’arrivaient pas à suivre la situation.

« Uhhh, tu sais… Je voulais aussi vraiment passer plus de temps avec toi. J’étais si heureux que tu viennes à moi, alors j’ai bougé sans réfléchir et… »

Zagan avait exprimé ses sentiments en toute honnêteté. Les lèvres de Néphy tremblaient, soit d’une timidité incontrôlable, soit de plaisir. Pourtant, elle rassembla ses dernières forces pour lui sourire en réponse.

« Maître Zagan. J’ai l’impression que c’est la première fois que tu me gâtes comme ça. »

« V-Vraiment ? »

« Oui. Alors je suis… vraiment satisfaite… »

Cela n’avait duré que quelques secondes, et ils n’avaient fait que quelques pas dans la salle du trône, mais avec ces derniers mots, Néphy avait épuisé toutes ses forces, ce qui lui fit perdre son emprise sur la conscience.

« Néphy ! »

Même si elle avait développé une résistance à l’inattendu, elle ne pouvait pas supporter l’impact de l’assouvissement si rapide de ses désirs refoulés, ce qui était parfaitement logique, puisque Zagan avait même utilisé la sorcellerie pour supporter le choc de l’amabilité de Néphy par moments. Même l’Archidémon Orias avait songé à quitter le château après avoir vécu une expérience similaire.

Et maintenant, la réaction innocente de Néphy avait assailli le cœur de Zagan dans une contre-attaque. En regardant son visage tranquille et endormi, il se mit une fois de plus, à genoux.

« Bon sang, le patron peut vraiment être un problème parfois. »

Le véritable problème, cependant, était que l’Archidémon était actuellement sur le point de s’effondrer rien qu’en s’accrochant à Néphy, mais pour le meilleur ou pour le pire, Kuroka et Shax n’avaient aucun moyen de le savoir. Ils étaient actuellement coincés dans la ville forteresse de Feo. Elle portait un grand titre, mais c’était en fait une ville désolée entourée des ruines d’un mur de forteresse. D’après les rumeurs, les murs avaient été faits il y a plus de mille ans. Mais aujourd’hui, dans le meilleur des cas, la population locale n’habitait même pas un quart de la ville, et même la végétation dans la région était sporadique et flétrie.

Malgré tout, à en juger par la façon dont elle avait été construite sur la roche et les puits creusés en place, il était clair qu’elle avait été autrefois une escale prospère au milieu d’une route terrestre à travers le continent. Apparemment, lorsque le concept de pays avait disparu, les murs avaient perdu leur utilité, ce qui avait conduit à la disparition rapide de la forteresse. Désormais, peu de gens passaient par là, et la plupart de ceux qui venaient étaient des ruffians et des vagabonds vivant dans le dénuement.

C’est dans cette ville désolée que la poursuite de Shere Khan par Kuroka et Shax les avait menés. En fouillant la zone, ils avaient trouvé leur proie. La cachette de l’Archidémon se trouvait soit dans la ville, soit dans ses environs.

En voyant Shax marmonner pour lui-même avec une grimace après avoir terminé son rapport régulier, Kuroka le regarda avec confusion. Zagan n’était pas du genre à donner du travail déraisonnable aux gens. Shax avait voyagé pour accomplir ses tâches ces derniers jours, et donc sa barbe était plus fournie que d’habitude. Ses cheveux étaient également plus longs d’un tiers et plutôt négligés. Malgré sa taille, il avait l’air peu fiable à cause de son dos courbé. Pourtant, il était le sorcier en qui Zagan avait le plus confiance, juste après ses deux serviteurs immédiats.

Il râle beaucoup, mais il finit toujours par faire quelque chose.

Kuroka leva les yeux vers Shax, les oreilles triangulaires au sommet de sa tête s’agitant. Elle était une cait sith, donc elle possédait à la fois des oreilles de chat et d’humain, ainsi que deux queues. Elle portait des vêtements modelés sur une robe indigène de Liucaon, mais en contraste frappant, elle avait une canne de l’Église dans ses mains.

Au cours des derniers jours, ils avaient finalement pisté les marchandises que Shere Khan avait commandées jusqu’à leur destination.

« Y a-t-il un problème ? » Kuroka demanda en hochant la tête.

« Oh, non. Rien d’aussi grave. Il a juste dit qu’un nouveau travail m’attend à mon retour. »

« Cela montre à quel point il compte sur toi, » répondit Kuroka avec un sourire. « Il n’est pas le genre d’individu à compter sur les autres à moins qu’il ne leur fasse vraiment confiance. »

Retrouver la trace de Shere Khan était également une tâche hautement prioritaire. Voir ce sorcier, qui n’avait même pas de surnom, être considéré comme si important, rendait Kuroka aussi heureuse que si cela l’avait impliqué directement.

« Donc s’il y a un autre travail qui attend, ça veut dire qu’on y retourne déjà ? » demanda Kuroka.

Avec le Transfert, ils pouvaient être de retour au château en un instant. Kuroka et Shax étaient partis depuis une semaine maintenant, donc l’absence avait été longue. Honnêtement, elle était très heureuse d’avoir du temps seul avec lui. C’était un peu malheureux de devoir revenir si tôt.

Kuroka n’avait pas compris comment Shax avait interprété son état d’esprit lorsqu’il avait tendu la main vers sa tête. Elle était déjà habituée à cela, alors ses oreilles de chat se replièrent sur elles-mêmes par réflexe. Shax avait ensuite posé sa main sur sa tête à plusieurs reprises pour la réconforter. La chaleur de sa paume était agréable, ce qui lui fit plisser les yeux involontairement.

« Ne sois pas comme ça. Le patron nous a dit de prendre notre temps et d’utiliser toute la journée pour revenir. »

« Hein ? Est-ce que c’est vraiment bien ? »

« Il veut qu’on fasse une pause. »

« Super ! » Kuroka s’était exclamée et avait sauté sur l’impulsion du moment. Utilisant cet élan, elle s’était accrochée au bras de Shax.

« H-Hey ! Ne t’accroche pas à moi comme ça ! »

« Allez, c’est bon, n’est-ce pas ? »

Non seulement il avait vu ses sous-vêtements, mais il l’avait même vue nue. Ce n’était pas une raison pour hésiter.

Cependant, c’est toujours très, très embarrassant !

C’était un peu vexant que le son de son cœur battant soit assez fort pour qu’il l’entende. Shax était un expert en sorcellerie médicale, après tout, et il remarquait même les plus petites choses du corps des gens. En tout cas, il avait l’air troublé par cela, mais n’avait pas essayé de la secouer.

« Sérieusement… est-ce vraiment si amusant de traîner avec quelqu’un comme moi ? » avait-il demandé.

« Oui. C’est très amusant, » répondit Kuroka.

 

 

Les oreilles de Shax étaient devenues légèrement rouges en entendant cela. Cette petite réaction l’avait en fait rendue plus heureuse.

« Oh. Bien, Monsieur Shax, si nous avons le temps de jouer, alors j’aimerais essayer de prendre un verre correctement. »

***

Partie 3

En fait, elle avait déjà bu de l’alcool. Pendant son entraînement du côté obscur de l’Église, elle en avait goûté. Il y avait aussi ce vin de prune d’été de l’autre jour qui avait entraîné son étalage honteux. Shax et Zagan semblaient toujours être heureux de partager un verre, alors Kuroka voulait être capable de l’apprécier de la même manière. En la voyant ainsi, Shax lui ébouriffa doucement les cheveux.

« Qu-Qu’est-ce que tu fais !? »

« Ne sois pas stupide. Attends d’être une adulte pour ça. »

Kuroka avait gonflé ses joues en réponse au fait d’être traitée comme une enfant à nouveau.

« Qu’est-ce que tu dis ? » avait-elle protesté. « J’ai déjà dix-huit ans. Selon l’Église, c’est l’âge idéal pour commencer à boire de l’alcool, n’est-ce pas ? »

« Je te dis qu’une mineure ne peut pas… Hein ? Dix-huit ans ? »

Shax ne savait plus quoi dire. La définition de l’âge adulte différait selon les régions, mais l’Église enseignait que dix-huit ans étaient l’âge d’un adulte. On pouvait boire de l’alcool et se marier à cet âge.

Et pourtant, il me traite toujours comme une enfant…

Elle voulait qu’il comprenne à quel point cela la frustrait.

« Uhhh, Kurosuke… ? » Shax murmura, ayant encore du mal à accepter la révélation. « Je croyais que tu avais 17 ans. »

« J’ai eu 18 ans le mois dernier. »

C’est pourquoi elle s’était plainte de ne plus être une enfant il y a quelques jours. L’anniversaire de Kuroka était le vingt-deux de Kanata. Elle avait eu une modeste célébration avec ses deux amies d’enfance avant de partir pour ce voyage. Maintenant que sa maison avait disparu, ces deux-là, et peut-être Alshiera, étaient les seules à connaître la date de son anniversaire.

Shax tituba comme si sa dernière ligne de défense s’était effondrée, puis il secoua soudainement la tête comme s’il essayait de reprendre ses esprits.

« Tu aurais dû me le dire plus tôt…, » déclara-t-il.

« Que je suis devenue une adulte ? »

« Non. Ton anniversaire. Je ne pourrais pas te fêter si je n’ai pas cette information. »

Sur ce, Shax avait l’air un peu honteux, comme si c’était sa propre faute de ne pas savoir. Kuroka n’avait pas pensé qu’il voudrait vraiment célébrer avec elle, et ses joues s’étaient soudainement réchauffées.

« Euh, désolée pour ça. Mon anniversaire était le 22 du mois dernier. »

« Ne t’excuse pas, c’est ma faute pour ne pas avoir vérifié, » répondit Shax, puis il hocha la tête à contrecœur. « Je suppose que je peux t’offrir de l’alcool pour fêter ça en retard. Non pas que j’en aie vraiment envie ou autre. »

« D’accord ! »

Il semblait que le voyage de retour allait être agréable. Cependant, à ce moment-là, les poils de la queue de Kuroka s’étaient hérissés.

« Monsieur Shax, ennemis. »

Il semblerait que leur petite pause amusante doive être reportée.

« Yo. Désolé pour ça. Je suppose qu’on vous a interrompu. »

La population de Feo était concentrée dans le cœur de la ville. La majorité de sa périphérie était inhabitée. Après s’être déplacés vers cette partie abandonnée de la ville, les poursuivants de Kuroka et Shax s’étaient révélés.

L’un était un garçon aux cheveux et aux yeux écarlates qui semblait être un sorcier armé d’une sorte de gantelet. Il n’avait pas de lame sur lui, mais le plastron en cuir qu’il portait le faisait ressembler à un bandit. L’autre était un épéiste en armure maniant une épée longue. Ses yeux fins, qui ressemblaient presque à des fentes, ressortaient le plus. Il avait des cheveux longs pour un homme, et il était difficile de déterminer son âge exact. Il n’était certainement pas adolescent, mais il semblait avoir entre 20 et 50 ans.

Le premier à parler avait été le garçon, bien qu’il ne semblait pas s’excuser le moins du monde. À première vue, ils semblaient être des mercenaires plutôt que des sorciers. Les mercenaires étaient en grande partie constitués d’aspirants chevaliers angéliques et de sorciers novices qui n’avaient pu apprendre que des tours de passe-passe. Leur métier reposait entièrement sur l’utilisation de leur force brute. Les petites entreprises commerciales et les nobles en mauvaise posture vis-à-vis de l’Église qui ne pouvaient pas employer des sorciers compétents avaient tendance à les engager à la place. Les compétences de ces voyous n’étaient, bien sûr, pas de quoi se vanter.

Shere Khan utilise-t-il des mercenaires comme assassins ?

Il était très probable que Shere Khan préparait une armée de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Et même en faisant abstraction de cette force, il avait des subordonnés comme Dexia, il était donc difficile de croire qu’il enverrait un nombre quelconque de mercenaires pour accomplir l’acte.

« Êtes-vous les sous-fifres de Shere Khan ? » demanda Kuroka.

« Oh, tu nous as démasqués, hein ? » dit le garçon en levant les mains en signe de reddition. « Je suis content. Ça va aller vite, mais j’ai envie de discuter un peu avant. »

« Discuter… ? »

« Oui. Il nous a ordonné d’en finir avec vous deux, mais honnêtement, vous tuer alors que je n’ai aucune idée de qui vous êtes me laisse un goût amer dans la bouche. »

Le garçon avait mis un fort accent sur « d’en finir » et « tuer », peut-être pour tenter de les intimider. On aurait aussi dit qu’il essayait de confirmer quelque chose. Kuroka se redressa de manière à être prête à dégainer ses épées de sa canne à tout moment lorsque Shax fit un pas en avant.

« Allez, vous ne voulez pas dire que vous allez nous laisser partir si nous disons que nous sommes de simples citoyens, n’est-ce pas ? » leur avait-il demandé.

« Aaah, eh bien, j’ai envie de tester si on peut le faire, » dit le garçon avec un sourire, comme si tuer des gens ne lui faisait rien.

Un test ? Tester quoi ? se demanda Kuroka. Elle ne pouvait pas lire son adversaire, mais ce genre de négociation était la spécialité de Shax. Ainsi, Kuroka décida de les surveiller discrètement. Shax porta sa main à sa taille et répondit au garçon avec un faible sourire.

« Franchement, laissez-moi tranquille. Nous sommes juste des citoyens sans valeur, comme vous pouvez le voir. C’est une petite fille frêle qui n’a jamais donné un coup de poing, vous savez ? Comment aurait-elle pu offenser quelqu’un ? »

« Ha ha ha. Tu vois, c’est ce que je pensais aussi…, » le garçon avait répondu avec un sourire en coin, mais il avait soudainement aiguisé son regard. « Mais d’après mon expérience, les gens comme toi qui prétendent ne pas se faire remarquer sont les plus effrayants de tous. »

Peut-être qu’ils sont en fait des gens bien ! s’exclama soudainement Kuroka dans son esprit, en serrant les poings et en hochant la tête à plusieurs reprises.

« Kurosuke… N’aie pas l’air si fière, » dit Shax avec un soupir.

« Oh. Désolée. J’étais tellement heureuse… »

« Monsieur Asura, il semble que l’on se moque de vous, » grogna l’épéiste aux yeux bridés.

« Hein ? Vraiment ? Merde ! Pourquoi il faut que tu te moques de moi alors que j’ai l’air tout à fait modeste !!? » rugit le garçon, les larmes aux yeux.

Kuroka s’était sentie un peu désolée pour lui, mais son esprit avait analysé avec précision ce qu’elle avait entendu.

Le garçon est en fait le supérieur des deux, non ?

L’épéiste était clairement plus âgé, mais il appelait quand même le garçon « Monsieur », il était donc fort probable qu’elle ait raison. De plus, même si son ton était quelque peu taquin, il y avait un certain air de respect derrière ses mots.

« Dans tous les cas, nous ne pouvons pas permettre aux subordonnés de Shere Khan de s’échapper, » déclara Kuroka, préparant sa canne et s’alignant à côté de Shax.

« Cependant, j’aurais aimé obtenir un peu plus d’informations de leur part, » dit Shax.

Kuroka et Shax n’avaient d’autre choix que de se préparer au combat. Voyant cela, le garçon avait frappé ses poings gantés ensemble.

« C’est parti ! Bato, je m’occupe du gars qui a l’air maigre. Tu retiens la femme. »

« Waaah… ? Mais je ne pointe jamais mon sabre sur les femmes. »

« Je n’ai pas non plus l’habitude de frapper les filles ! »

« Haaah… Monsieur Asura, êtes-vous peut-être encore vierge ? Votre visage est rouge vif. »

« C’est rouge parce que j’en ai marre ! »

Les deux hommes ne semblaient pas effrayés par la situation de vie ou de mort qui les attendait.

« Allons-y, » dit Kuroka.

Même s’ils n’ont pas l’air si impressionnants que ça, ça pourrait être juste pour le spectacle.

C’était des assassins envoyés par un Archidémon, donc Kuroka n’avait pas l’intention d’être négligente. Alors qu’elle s’avançait, Shax lui tapota le dos de deux doigts.

« Prends-les vivants. »

« Compris. »

Elle répondit à son instruction silencieuse d’un regard, puis se rapprocha de l’épéiste aux yeux bridés. Elle sortit l’une de ses épées courtes de sa canne avec sa main droite, tordant son corps alors qu’elle s’avançait, effectuant une rotation complète et décochant un coup.

En échange de l’utilisation de tout le poids de son corps, cette frappe laissait une grande ouverture. L’épéiste dégaina la lame à sa taille à loisir et bloqua le coup de Kuroka, la repoussant avec son corps.

« Hmm, c’est un sacré coup compte tenu de votre physique, » fredonna l’épéiste en signe d’admiration.

Leurs épées s’étaient frottées l’une contre l’autre, tremblant sous l’impact. À en juger par le simple fait qu’il avait réussi à arrêter ce coup, cet épéiste n’était pas une personne ordinaire. Cependant, Kuroka n’avait pas effectué un si long coup sans raison.

« Hmph ! »

Elle avait dégainé sa deuxième épée courte au milieu de son tourbillon alors qu’elle lui tournait le dos. Utilisant l’élan de sa vrille, elle abattit l’épée courte dans sa main gauche par-dessus l’autre. L’épée longue de l’épéiste s’était brisée en morceaux à mi-chemin avec un grand bruit.

« On dirait que c’était une sacrée lame, » dit Kuroka.

N’importe quelle épée se briserait si elle subissait une attaque sérieuse de Kuroka. Jusqu’à présent, la seule épée qui ne l’avait pas fait était l’épée sacrée de Chastille. Il était assez significatif qu’elle ait dû frapper les deux lames d’un seul coup pour briser la sienne. C’était tout de même un peu pitoyable de briser son épée aussi impitoyablement dès le départ.

Sans lui laisser le temps de contre-attaquer, Kuroka enfonça une épée courte dans la gorge de l’homme. Il baissa les yeux sur sa lame brisée, puis les releva vers Kuroka, et répéta ce cycle plusieurs fois avant de forcer un sourire.

« Uhhh… Umm, je me rends, donc… »

Il leva ses deux mains, son épée brisée toujours dans sa main.

« Alors, pourriez-vous lâcher votre épée ? » demanda Kuroka.

« C’est ce que je pensais… »

Même si elle était cassée, il pouvait avoir une sorte d’astuce. L’épéiste avait lâché son arme brisée à contrecœur. Après l’avoir jetée loin, Kuroka s’était finalement tournée vers Shax. Elle aurait aimé attacher cet homme, mais elle n’avait rien de tel qu’une corde sur elle. La seule chose qu’elle pouvait faire pour le retenir était de tenir sa lame devant lui, mais c’était probablement suffisant dans ce cas.

« Monsieur Shax, j’ai fini de le maîtriser. »

« Joli. Bien joué. »

On aurait dit que même Shax avait des sueurs froides sur le front. Quoi qu’il en soit, son éloge avait fait se dresser les queues de Kuroka.

***

Partie 4

« Mais qu’est-ce que tu fais, Bato ? » dit le garçon avec exaspération.

« Je veux dire, que voulez-vous que je fasse avec une épée brisée… ? » répondit piteusement l’homme. Cependant, Kuroka refusait toujours de baisser sa garde.

Il n’a pas du tout pris notre combat au sérieux… Non, il n’en a même jamais eu l’intention.

Elle ne savait pas quel était leur objectif, mais il valait mieux supposer que tout ceci était dans leurs cordes. En fait, même si Kuroka avait rendu l’homme impuissant, elle ne pouvait pas bouger d’un pouce. C’était comme s’il avait bloqué ses mouvements.

Le garçon semblait être le supérieur des deux. Si possible, Kuroka voulait soutenir Shax, mais son instinct lui disait de ne pas donner d’ouverture à cet épéiste. Shax semblait également le sentir. Il leva sa paume, indiquant à Kuroka de ne pas bouger. Ceci dit, le partenaire du garçon avait été battu en un instant. Il tapa des pieds en se plaignant, mais il rétrécissait également son regard.

« Tch ! Quel partenaire peu fiable ! Écoute-moi bien ! Tu vas en baver si tu crois que je vais tomber comme Bato ! »

Malgré son comportement enfantin, qui dépassait même son apparence enfantine, Kuroka et Shax avaient été forcés de réaliser qu’il n’était pas vaniteux. Le garçon avait tendu son bras droit alors qu’une énorme quantité de mana avait soudainement balayé la zone.

« Sorcellerie ! » cria Kuroka.

« C’est faux ! » s’insurgea immédiatement Shax.

Le garçon avait souri avec un esprit inflexible, puis il avait dit, « Héhé. On dirait que tu l’as un peu compris. Voici le Bras Magique. Et je suis Asura, le Bras Hex ! Gravez ça dans vos crânes épais, bon sang ! »

« Asura, le Bras Hex ? Impossible… ! » s’exclama Kuroka, doutant de ses oreilles.

« Kurosuke, sais-tu quelque chose ? »

Il n’y avait personne à Liucaon qui ne connaissait pas ce nom. Kuroka avait même entendu les contes de fées de nombreuses fois.

« C’est le nom d’un héros d’une légende de Liucaon vieille d’un millier d’années. »

L’air s’était soudainement figé à sa réponse.

« Mille ans !? » trois voix avaient crié à l’unisson.

« Attendez, pourquoi avez-vous l’air si surpris tous les deux ? » demanda Shax.

« Je veux dire, je n’ai rien entendu à propos d’un millier d’années qui se seraient écoulées. Vous vous moquez de moi, n’est-ce pas ? » déclara le garçon en état de choc.

« Euhhh… À en juger par la réaction de cette petite dame, je pense que cela doit être vrai…, » dit l’épéiste.

Kuroka avait pensé qu’il s’agissait d’un mensonge pour les déstabiliser, mais ces assaillants étaient bien plus secoués qu’elle ou Shax en entendant sa réponse. L’épéiste avait agi de manière distante pendant tout ce temps, mais une ombre se cachait soudainement derrière son expression tandis qu’une sueur froide coulait sur sa joue. Ce serait impressionnant si tout cela n’était qu’une comédie, mais il semblait bien plus incapable de cacher son étonnement.

Maintenant que j’y pense, il l’a appelé Bato… Est-ce que ça fait de cet homme le Clairvoyant Bato ?

C’était le nom d’un célèbre stratège dans les légendes du Roi aux yeux d’argent.

Mais est-il possible que ces deux-là soient des héros d’il y a mille ans ?

La sorcellerie était capable de créer des morts-vivants, mais il était impossible de ressusciter parfaitement les morts. C’était possible en utilisant le mysticisme de Néphy, mais une telle chose pouvait-elle être accomplie après mille ans alors même qu’il ne reste au mieux que les cendres des morts ?

Je n’arrive pas du tout à lire leurs intentions.

S’ils avaient cherché à se débarrasser de Kuroka et Shax, il aurait été logique d’utiliser des noms terrifiants. Mais même s’il était possible de ressusciter les vrais héros, seraient-ils obligés d’agir comme de simples mercenaires dans un endroit comme celui-ci ?

« H-Hmph ! C’est un peu surprenant, mais ça ne change rien à ce que je dois faire ! »

Le garçon n’avait pas l’intention d’abandonner. Encore plus de mana s’enroula autour de sa main droite étendue. Assez rapidement, un gantelet cramoisi avait pris forme autour de son bras. Il était transparent comme du verre. Bien qu’il ne soit pas aussi grand, Kuroka avait vu une ressemblance avec l’Écaille du Ciel de l’Est, la sorcellerie de l’Archidémon Zagan. Un frisson d’effroi parcourut son échine et le poil de sa queue se hérissa.

« Monsieur Shax ! Ce bras est dangereux ! »

« Je peux voir ça… Du mana matérialisé ? Non, il l’a appelé Bras Hex. Est-ce une sorte de malédiction ? » marmonna Shax en analysant soigneusement la situation.

« Une malédiction ? » Le garçon murmura, les yeux écarquillés par le choc. « Hmm, je vois… C’est ce qu’on appelle une malédiction ? »

Il hocha la tête en signe de compréhension, lisant une sorte de sens caché dans ce mot. Il avait l’air de faire l’idiot, mais il s’est avéré qu’il n’était pas si faible.

« Et maintenant, on y va ? » dit le garçon, Asura, avec un sourire féroce, en brandissant son gantelet cramoisi.

Kuroka avait eu un mauvais pressentiment, elle avait donc essayé de se précipiter et s’était exclamée : « Je ne laisserai pas — ! »

« Wôw là, allez-vous me laisser partir ? »

Mais alors qu’elle tentait de s’enfuir, l’épéiste lui avait adressé un sourire.

Je ne peux pas bouger.

Kuroka était tombée dans le piège de l’épéiste. Elle ne pouvait pas lire en lui, vu qu’il s’était rendu tout de suite. Les choses pourraient être réglées rapidement si elle le tuait, mais elle n’était plus un assassin. Et surtout, Shax ne le souhaitait pas.

« Kurosuke, ne t’inquiète pas pour moi, » dit Shax avec un sourire. « J’ai au moins assez de talent pour que le patron me fasse confiance, tu vois ? »

Il avait couru en avant comme pour attraper le gantelet cramoisi du garçon de plein fouet.

« S’en est de la volonté ! » avait crié Asura.

« Wôw ! »

Au moment où il semblerait que Shax chargeait avec vigueur, ses jambes s’emmêlèrent et il tomba de manière splendide. Le garçon s’était complètement figé, son gantelet toujours en l’air, incapable de croire ce qu’il venait de voir.

« Qu’est-ce que tu fabriques… ? »

« Attends un peu ! Donne-moi une seconde ! On recommence ! » cria Shax.

« Arrête de te foutre de moi ! »

Shax avait reculé pitoyablement, toujours assis sur son derrière. Cela semblait irriter encore plus les nerfs d’Asura. Le visage du garçon était rouge de rage. Évidemment, il se rapprocha pour frapper Shax, mais pour ce faire, il devait poursuivre le sorcier qui reculait. Et c’est ainsi que son pied s’abattit à l’endroit même où Shax avait chuté de façon si anormale.

« Mange de la merde ! » cria le garçon.

« Tais-toi, » répondit Shax.

Le sol avait explosé sous les pieds du garçon. Shax avait apparemment mis en place un piège improvisé à cet endroit. N’importe quel sorcier normal aurait été manipulé facilement par l’explosion, mais quand la poussière était retombée, le garçon semblait être complètement indemne. Il s’est avéré que la forme de son gantelet pouvait être librement manipulée. Il s’était éparpillé en morceaux et avait formé un bouclier pour résister à l’explosion.

« Tch ! Ne crois pas que ce genre de conneries puisse me faire tomber ! »

« Oh, je vais facilement te mettre à terre. »

« Quoi — !? »

Shax avait utilisé la poussière pour se glisser derrière Asura. Il avait ensuite attrapé le bras gauche non armé du garçon, l’avait tordu et l’avait poussé vers le bas.

« Aie aie aie aie aie ! »

« D’accord, tu ferais mieux de ne pas bouger. Les articulations humaines ne sont pas faites pour se plier de cette façon. Ça va se casser si tu ne fais pas attention. »

Grâce à sa spécialisation dans le traitement médical, les arts de Shax étaient basés sur une compréhension totale de la structure du corps humain. Avec ça, les choses étaient réglées… Ou du moins, c’est ce que Kuroka voulait croire.

« Penses-tu vraiment que je vais me faire avoir par une telle connerie sournoise !? »

Le garçon agrippa le sol avec son gantelet, soulevant son corps du sol avec son autre bras toujours tordu derrière lui.

« H-Hey ! »

« Raaah ! »

De façon assez étonnante, Asura les souleva tous les deux du sol en faisant un poirier à un bras. Il roula ensuite son corps vers l’avant et échappa à l’emprise de Shax.

« Franchement… ? » murmura Shax. Puis, sans même attendre qu’ils se posent, il se servit du corps du garçon comme d’un tremplin pour sauter loin de lui.

« Je ne me laisserai plus prendre par ce tour de passe-passe minable ! »

« Je parie que tu ne le feras pas… »

Shax avait voulu en finir avec ce tour, mais Kuroka savait que sa force ne se limitait pas à cela. Elle pouvait voir de multiples cercles magiques enroulés autour de son bras alors qu’il se préparait.

Ce n’est pas possible ! Ce sont… !

Shax s’était à nouveau jeté sur le garçon. Cette fois, cependant, il chargeait vraiment de face. Son poing était entré en collision avec le gantelet du garçon. Le mana s’était transformé en une onde de choc qui s’était répandue dans les environs. Le pied de Shax s’était enfoncé dans le sol… et les vitres de la zone avaient éclaté.

« Bon sang ! »

Le garçon avait perdu l’affrontement. L’onde de choc l’avait projeté en arrière, l’envoyant s’écraser contre le mur derrière lui et transformant la maison délabrée en décombres.

« Comment était-ce ? Le poing de mon patron fait très mal, hein ? »

S’il fallait lui donner un nom, le Poing de l’Archidémon serait approprié. C’était le coup de poing de l’Archidémon Zagan, renforcé par l’ingestion sans fin de la sorcellerie des autres. C’était un coup qui avait même vaincu Barbatos le Purgatoire et l’Archidémon Andrealphus. Shax l’avait lui-même reproduit sans avoir à dévorer de la sorcellerie. Cependant, le prix de l’utilisation d’une telle attaque n’était pas anodin. Un son horrible résonna de chaque os entre le poing et le biceps de Shax tandis que du sang éclatait dans l’air.

« Gah ! Argh… »

L’Archidémon Zagan pouvait brandir un tel poing, car il était le plus habile lorsqu’il s’agissait de renforcer son corps. Shax était également spécialisé dans ce domaine en tant que médecin, mais il n’avait pas pu résister au recul. D’un autre côté, le garçon s’était relevé des décombres en ayant l’air assez bien, son gantelet n’ayant pas été endommagé.

« Aïe… Espèce de fils de pute ! Tu l’as vraiment fait maintenant ! »

Shax avait déjà commencé à guérir son bras droit cassé. Il était allé assez loin pour serrer son poing à nouveau, mais s’il essayait de répéter ce coup de poing, cette fois, son bras entier serait perdu. Néanmoins, il se tenait prêt à attaquer.

« Tu ne peux pas ! » Kuroka avait hurlé en serrant les dents.

« Wôw là, je ne vais pas laisser — ! »

L’épéiste avait essayé de lui barrer la route, mais ses yeux bridés s’étaient ouverts en grand. Alors que Kuroka s’était mise à courir, son corps s’était effondré. C’était un peu similaire à la transformation de la vampire Alshiera en chauve-souris. La différence fondamentale était que Kuroka ne s’était pas transformée en chauve-souris, mais en d’innombrables papillons.

***

Partie 5

Les papillons étaient faits de lumière, scintillant d’une lueur arc-en-ciel. Ce n’était pas un art comme la Nuit de la Lune, mais un phénomène plus proche du mysticisme.

Qu’est-ce qui se passe... Est-ce le ciel sans lune qui a fait ça ?

C’était une première, même pour Kuroka. Cependant, malgré le mystère du phénomène, Kuroka comprenait comment se déplacer sous cette forme. Les papillons se rassemblèrent devant Shax comme pour le protéger et reformèrent le corps de Kuroka.

« Quoi ? » marmonna Asura, déconcerté, mais brandissant toujours son gantelet cramoisi.

« Vous ne devez pas, Sire Asura ! » avait hurlé l’épéiste, faisant s’arrêter le garçon. « Nous battons en retraite. »

« Bien… » Le garçon acquiesça, semblant étonnamment obéissant, puis frappa le sol avec son gantelet.

Une énorme quantité de poussière avait soufflé dans l’air, masquant les deux mercenaires. Le temps que la poussière retombe, ils avaient tous deux disparu. Ils étaient manifestement assez rusés, car même l’épée brisée que Kuroka avait mise de côté avait disparu.

« Ils se sont enfuis… Ou je suppose qu’ils nous ont laissé partir ? » dit Shax, le sang coulant toujours sur son bras.

En voyant cela, Kuroka avait déclaré tranquillement. « Je vais les traquer. »

« Nous sommes probablement bien jusqu’ici. »

Asura et Bato s’étaient arrêtés près des ruines d’une église, car il ne semblait y avoir personne dans les environs. Il y avait des murs partout qui pouvaient être utilisés comme couverture, mais les bâtiments de la zone s’étaient tous effondrés, laissant la zone plutôt dégagée. Il était impossible de s’approcher à moins de vingt pas d’eux sans être repéré.

Impossible, si je n’avais pas bien sûr fait le tour par l’arrière avant eux.

Même après avoir retrouvé la vue, l’odorat et l’ouïe de Kuroka étaient bien supérieurs à ceux d’une personne normale. De plus, elle avait étudié la zone à l’avance, elle pouvait donc prédire immédiatement où ils allaient se retirer. Elle s’était cachée derrière un mur, avait effacé sa présence, et avait dressé ses oreilles.

« Alors quoi, les capacités de cette femme étaient-elles si difficiles à gérer ? » demanda Asura.

« Oui. Sa forme était assez différente de ce que je connais, mais… c’était probablement Azazel, » répondit prudemment l’épéiste.

Kuroka avait failli faire un bruit en entendant le nom inattendu sortir de ses lèvres.

« Tu te moques de moi…, » dit Asura, se mettant lui aussi sur ses gardes. « Ce n’est pas le nom du dieu de ces putains de séraphins ? »

Kuroka n’était plus capable de cacher son agitation à cause de la série continue de mots surprenants.

J’aurais aimé pouvoir emmener Monsieur Shax…

Elle possédait au moins quelques compétences en tant qu’agent de renseignement, mais Shax aurait pu tirer bien plus d’informations de cette conversation qu’elle. Kuroka avait pris la chasse seule parce qu’il était blessé, mais elle aurait dû lui faire lancer une sorte de sorcellerie de communication sur elle.

« Je vois, » répondit l’épéiste en relevant la tête et en réalisant son étourderie. « À votre époque, c’est ce qu’était Azazel. »

« Vous parlez comme si c’était autre chose à votre époque. »

Kuroka se renfrogna devant cette étrange conversation. C’était comme si les deux personnes venaient d’âges différents et qu’elles étaient conscientes de ce fait.

Est-ce que ça veut dire qu’ils sont vraiment les héros d’il y a mille ans… ?

Asura, l’Arm Hex et le Clairvoyant Bato sont deux noms qui apparaissent dans les légendes du Roi aux yeux d’argent. Quand elle se trouvait dans sa ville natale, Kuroka avait lu beaucoup de contes de ce genre avec Lilith. Selon les légendes, les deux individus ne vivaient pas à des époques différentes.

Décidant de laisser Zagan et Shax découvrir l’authenticité de leurs identités, Kuroka se concentra sur l’écoute en supposant qu’ils étaient, en fait, ces mêmes héros.

« Oui, » répondit l’épéiste. « À mon époque, Azazel a été coupé en deux par le Roi aux yeux d’argent. Une moitié est restée le dieu redoutable, tandis que l’autre s’est transformée en épée. Nous l’appelions l’Épée Séraphique. »

L’épée séraphique Azazel… c’est-à-dire l’épée d’un séraphin ? Cependant, Zagan avait recherché Azazel en pensant qu’il s’agissait de la treizième épée sacrée. Kuroka avait baissé son regard vers le Ciel sans Lune dans sa main. Selon Alshiera, cette épée avait autrefois été brandie par le Roi aux yeux d’argent.

Alors, qu’est-ce que cette épée exactement ?

Si le village d’Adelhide existait toujours, il y aurait peut-être eu une sorte de légende à étudier, mais rien de tout cela ne semblait familier à Kuroka.

« Si c’est elle qui le manie actuellement, je suppose que cela fait d’elle le Roi aux yeux d’argent de cette génération, » poursuit l’épéiste. « Même si nous l’affrontons tous les deux en même temps, je crois que ce fardeau est un peu trop lourd pour nous. »

À leur insu, quelqu’un d’autre portait ce nom en ce moment, mais Kuroka sentait qu’elle ne pouvait pas ignorer cela comme un simple malentendu. Elle découvrirait tous les détails tôt ou tard. Dans tous les cas, ces deux-là supposaient que Kuroka était l’actuel Roi aux yeux d’argent.

« Elle a les yeux rouges et c’est une fille, tu sais ? » Asura murmura d’un air dubitatif.

« Ça aurait pu se transformer en un simple titre après mille ans. »

« Par Roi aux yeux d’argent, vous voulez dire —, n’est-ce pas ? » Asura avait demandé juste pour être sûr. « Cette femme n’a pas les yeux d’argent, mais peut-être est-elle une de ses descendantes ? »

Kuroka n’avait pas bien entendu le nom qu’il avait dit.

Non, ce n’est pas que je ne pouvais pas l’entendre… C’est plutôt comme si elle était bloquée par une sorte de sorcellerie.

« Désolé, comment l’avez-vous appelé ? Je n’ai pas vraiment pu vous entendre, » demanda l’épéiste, apparemment bloqué lui aussi.

« Hein ? J’ai dit —. Notre chef. »

L’épéiste se mit à réfléchir et murmura : « Cela peut paraître étrange, mais je ne perçois pas le nom que vous prononcez, Sire Asura. »

« Qu’est-ce que ça veut dire… ? »

« Si le nom que vous prononcez est celui du Roi aux yeux d’argent, alors cela signifie qu’il a abattu un dieu. Il a dû payer une sorte de prix, ce qui signifie qu’il est fort probable qu’il ait été accablé par une sorte de malédiction. »

« Une malédiction… Ce type a dit la même chose quand il a vu mon bras. »

« Marchosias a après tout anéanti les séraphins après qu’ils aient perdu leurs pouvoirs, » dit l’épéiste avec un sourire en coin. « Les pouvoirs des séraphins ont commencé à être appelés malédictions par haine. »

« Votre épée hex aussi ? »

« Vous avez donc remarqué, hein ? Oui, ça aussi. »

Son épée avait, en fait, été une arme avec une histoire intéressante. Si Kuroka ne l’avait pas forcé à la lâcher, elle aurait pu être poussée dans un combat difficile.

« Donc si nous ne pouvons pas entendre son nom, alors le Roi aux yeux d’argent devra faire l’affaire, oui ? » dit Asura. « Avez-vous une idée de pourquoi ça s’est terminé comme ça ? »

« Non… Je veux dire, personne n’est après tout revenu vivant de cet endroit. »

« Alors vous avez été anéanti…, » marmonna Asura, puis ajouta d’une voix affligée : « Cela signifie qu’Ashy est aussi morte… ? »

« Par Ashy, voulez-vous dire Lady Alshiera ? »

Kuroka avait failli émettre un son à nouveau en entendant un nom familier mentionné.

« Vous pouvez être tranquille. Elle était encore en vie à mon époque. Ou du moins, elle l’était encore quand je suis mort au combat. »

« Je vois… Hmm. Alors, c’est bien… »

Il y avait un véritable soulagement dans la voix d’Asura, mais Kuroka pouvait sentir que l’épéiste cachait encore quelque chose dans son silence. Les deux hommes parlaient comme s’ils étaient déjà morts. Cela donnait mal à la tête de Kuroka. Il y avait trop d’informations à transmettre à ses alliés.

« Organisons toutes les informations que nous avons obtenues pour l’instant, » dit l’épéiste, en rassemblant les choses. « D’abord, voici le monde mille ans après notre mort. »

« Voulez-vous dire que j’ai encore 20 ou 30 ans de plus que vous ? Eh bien, je suppose que c’est logique que le monde soit totalement différent. »

Asura venait vraiment d’une époque antérieure à celle de l’épéiste. À quel point le monde avait-il changé en mille ans ? Kuroka ne pouvait même pas l’imaginer, mais les différences devaient être étonnantes.

« Oui, » poursuit l’épéiste. « Ensuite, les techniques de l’épée n’ont pas beaucoup progressé depuis notre époque. »

« Hein ? Je ne l’ai vu faire qu’un seul coup, mais elle avait l’air d’avoir assez d’habileté pour que ce soit dommage qu’elle soit une fille, non ? »

« D’accord. Même si elle combattait le Roi aux yeux d’argent de mon époque, je ne pense pas qu’elle serait surpassée par lui. Cependant, elle ne le surpasserait pas non plus. Selon toute vraisemblance, les techniques d’épée avaient déjà atteint leur achèvement à notre époque. »

Ce qui signifie que tant que les outils qu’ils utilisaient ne changeaient pas, le développement d’un art avait ses limites. Entendre qu’il n’y avait pas eu de progrès avait attristé Kuroka, mais cette émotion n’avait pas d’importance pour le moment, alors elle l’avait chassée de son esprit.

« Troisièmement, » dit l’épéiste, avec de la tension dans la voix. « En revanche, la sorcellerie a atteint un niveau terrifiant. »

« Ce truc que le type a utilisé ? Eh bien, malgré le fait qu’il se soit heurté de plein fouet à mon Bras Hex, il semble que le combat soit en fait le point faible de ce type. »

« Ce n’est pas ce que je veux dire. Le potentiel destructeur de son coup de poing était incroyable, oui, mais je fais référence à sa vitesse de guérison. Son bras a été presque arraché par le choc avec votre Bras Hex, et pourtant, en quelques secondes, il était presque revenu à la normale. Est-il vraiment humain ? S’il peut lancer la même guérison sur d’autres personnes, il n’y aura pas moyen de les vaincre. »

Kuroka était étonnée. Ces deux-là les avaient observés, elle et Shax, encore plus qu’elle ne les avait observés. Ils avaient même compris le niveau de sorcellerie médicale de Shax en un seul coup d’œil.

« Quatrièmement, » dit Asura cette fois. « Les ordres de ce chevalier n’ont aucune force contraignante sur nous. »

« Oui. Nous pouvions tous deux nous rendre et battre en retraite. Il n’y avait aucun effet lorsque vous mentiez. »

Kuroka avait plissé les yeux en entendant cette partie.

Ce chevalier… ? Un chevalier angélique, peut-être ?

Certains chevaliers n’étaient pas des chevaliers angéliques, mais à notre époque, le terme désignait normalement les chevaliers de l’Église. Les deux hommes parlaient comme s’ils étaient sous le commandement de ce chevalier qu’ils avaient mentionné.

« Je déteste ce type, » proclame Asura. « Je veux dire, c’est un peu comme s’il avait abandonné ses amis pour s’enfuir. »

« Ha ha ha. Vous le pensez aussi, Sire Asura ? J’ai aussi du mal à apprécier des personnages aussi louches. »

« Vous détestez les gens qui sont comme vous, hein ? J’ai compris. »

Voyant que le bretteur restait bouche bée devant sa remarque, Asura gloussa avant de poursuivre la conversation en disant : « Je ne comprends toujours pas ce qui se passe. Nous sommes complètement liés par les ordres de Shere Khan, non ? Et ici, Shere Khan nous a ordonné d’obéir à ce chevalier, alors pourquoi pouvons-nous le défier ? D’après ce que nous avons vu des autres, cette obéissance absolue n’est pas quelque chose que l’on peut ignorer sur un coup de tête. »

Kuroka avait penché la tête avec curiosité quand elle avait entendu ça.

Cela signifie-t-il que Shere Khan peut laver le cerveau des gens avec de la sorcellerie ?

Il semblait qu’Asura et Bato étaient dans une position où ils ne pouvaient pas désobéir à Shere Khan.

***

Partie 6

« Si je devais deviner…, » murmura l’épéiste, visiblement perdu dans ses pensées. « Je dirais qu’il n’y a aucun effet à moins que ce soit un ordre direct de la bouche de Shere Khan. Ou peut-être… »

« Dès le départ, ce n’était pas un ordre ? »

« Précisément. »

Kuroka ne pouvait rien comprendre à ce stade, elle s’était donc contentée d’écouter. Les choses seraient plus faciles à décider si elle en savait un peu plus sur leur situation.

« Dans ce cas, quel est l’intérêt pour Shere Khan ? » demanda Asura, dubitatif. « Selon la façon dont les choses se passent, nous pourrions même le trahir. Ça n’a aucun sens. »

« Vous avez raison. Pourtant, il semble avoir ses propres circonstances à prendre en compte. Quoi qu’il en soit, je vois deux possibilités. Premièrement, ce chevalier connaît la faiblesse de Shere Khan. »

« On dirait plutôt que c’est l’inverse pour moi. C’est quoi l’autre ? »

« Il est nécessaire que nous agissions de manière indépendante. »

« Je veux dire, c’est la partie que je ne comprends pas. »

Kuroka pouvait comprendre où l’épéiste voulait en venir.

Si Shere Khan les domine complètement, il y a un risque que leurs actions soient prévisibles.

Cela signifiait que Shere Khan s’attendait à ce qu’ils agissent de manière imprévue. Ou, en d’autres termes, l’Archidémon s’était fait un ennemi en dehors de Zagan dont il devait se méfier à ce point. Kuroka venait d’apprendre cela par Shax après son rapport à Zagan.

Donc ces gens sont censés garder Bifrons sous contrôle ? Je vois… C’est pourquoi ils hésitaient à nous reconnaître comme ennemis. Oh, alors le mensonge était qu’ils avaient reçu l’ordre de nous tuer.

Ils s’étaient surtout concentrés sur la collecte d’informations. Du début à la fin, ils n’avaient rien fait d’inutile. Toutes leurs actions étaient d’un raffinement terrifiant.

« C’est donc comme ça que ça se passe, » dit Asura en riant. « C’est plus qu’assez d’informations pour m’excuser de vous avoir demandé de nous tenir compagnie pour comprendre tout ça, non ? »

Ces mots étaient clairement dirigés vers Kuroka. Ils avaient remarqué qu’elle se cachait dans la zone. En d’autres termes, ils avaient parlé de tout cela en sachant qu’elle écoutait aux portes pendant tout ce temps.

Ils pourraient vraiment être les héros d’il y a mille ans.

C’était vexant, mais elle avait clairement été sur la défensive pendant tout ce temps.

« Vous avez mes remerciements…, » répondit-elle.

« Sire Asura, il semble qu’elle était derrière nous. »

Kuroka était sortie de sa cachette et avait repéré Asura qui regardait dans la direction opposée. Ils savaient qu’elle avait réussi à leur couper la route, mais n’avaient pas saisi sa position exacte.

« Ah oui, » ajouta joyeusement l’épéiste. « À propos du chevalier qui nous a envoyés ici pour gagner du temps… Il semble poursuivre une fille qui court dans cette ville. Serait-ce une de vos camarades ? »

Il lui disait en gros : « Notre employeur est une nuisance, alors pourriez-vous vous occuper de lui pour nous ? »

Mais… une fille ?

Kuroka n’avait aucune idée de qui cela pouvait être. Si c’était quelqu’un du camp de Zagan, il l’aurait certainement déjà remarqué, ce qui signifiait que Shax en aurait entendu parler plus tôt lors de leur rapport régulier. Quant aux personnes extérieures au camp de Zagan, Kuroka n’en avait pas la moindre idée. Il n’y avait personne pour venir dans une ville aussi désolée, et encore moins une fille.

Non, peut-être, juste peut-être…

Elle n’avait aucune preuve et ne pensait pas que c’était possible. Pour commencer, on lui avait dit que ces filles possédaient une loyauté fervente envers Shere Khan. Même si elles avaient été abandonnées pour avoir échoué dans leur mission, cela remontait à si longtemps maintenant, ce qui rendait la chose encore plus douteuse.

Mais si c’est elles…

Kuroka n’avait pas vraiment d’obligation de les sauver. En fait, elle avait plutôt une raison de leur en vouloir. Il était possible d’obtenir des informations de leur part si elle les ramenait vivante, mais leur survie n’avait rien à voir avec elle. De plus, Shax était blessé, alors Kuroka ne voulait pas s’encombrer d’autres problèmes. Ou du moins, c’était… supposé être le cas.

« Qui sait ? Je me pose la question. »

Après avoir laissé ces mots derrière lui, Kuroka s’était élancée.

« C’est un succès ! Stop ! »

De retour à Kianoides, une épée en bois avait volé haut sur la place devant l’Église.

« Oooh ! Alfred a perdu ! »

Un chevalier maigre en armure bleue brillante faisait face à un jeune homme portant une armure sacrée. Le chevalier en bleu avait regardé son épée en bois d’un air hébété, puis avait finalement repris ses esprits en l’entendant frapper le sol.

« Quelle splendeur… ! » murmura-t-il avec un soupir d’admiration. « Tu es devenu fort, Richard. »

« Merci beaucoup ! »

Le nom du vainqueur était Richard. Son adversaire était l’un des trois chevaliers du ciel d’azur, le manieur d’épée Alfred. Il fut un temps où les trois chevaliers du ciel d’azur n’étaient guère plus que les élites de Kianoides. Cependant, après avoir défié l’Archidémon Zagan et avoir échoué, ils s’étaient élevés au rang des meilleurs parmi les meilleurs de tous les chevaliers angéliques de la région. Parmi eux, le chevalier angélique nommé Alfred était le second après Chastille. En d’autres termes, il était le chevalier le plus fort de la ville, sans compter les archanges.

C’est pourquoi Richard avait demandé une grande faveur à Alfred en l’aidant à s’entraîner. Et aujourd’hui, Richard avait finalement réussi à le frapper.

« Hngh… » Alfred gémit, levant les yeux au ciel comme s’il retenait ses larmes. « Désormais, ma place parmi les trois chevaliers du ciel d’azur est à toi ! Protège Dame Chastille jusqu’à la fin de tes jours ! »

« Hein ? Non, c’est un peu… » Richard s’interrompit, l’air quelque peu troublé, mais les autres chevaliers angéliques ne lui prêtent pas attention et se rassemblent autour d’Alfred.

« Tu as bien fait, Alfred ! »

« Je suppose que c’est comme ça que la vieille garde transmet leur poste… Je vais me sentir seul sans toi. »

« Ne dis pas ça, Torres. Un homme de la trempe d’Alfred a reconnu son successeur, nous devons donc l’accepter ! »

Il semblait que Richard ne pouvait plus couper leur conversation, laissant une sueur froide couler sur son front.

Qu’est-ce que je dois faire ? Ce n’est pas comme si je cherchais une promotion ou autre…

Les trois chevaliers du ciel d’azur étaient les chevaliers angéliques les plus forts de Kianoides. Les missions dont ils étaient chargés variaient considérablement, et ils se consacraient à leurs dures tâches jour et nuit. Pour dire les choses clairement, ils étaient extrêmement occupés.

D’un autre côté, Richard voulait simplement être plus fort pour pouvoir mieux protéger Nephteros, et pour que l’Archidémon Zagan, qui la tenait sous son patronage, finisse par l’accepter. Cela ne servait à rien s’il ne pouvait plus rester à ses côtés. S’il était promu, il ne pourrait plus rester son garde personnel.

Malgré cela, il semblait qu’Alfred avait déjà démissionné de son poste, et les autres étaient tous profondément émus par sa démonstration virile. Richard, bien sûr, le respectait beaucoup en tant que Chevalier Angélique, mais c’était une faveur malvenue. Et alors qu’il ne savait pas quoi faire, un doux ricanement avait résonné de nulle part.

« Tee hee hee, quelle humeur festive ils ont ! »

Un essaim de chauves-souris peu digne de la place de midi s’était rassemblé. Puis, une fille vêtue de noir s’était abattue en tapant légèrement sur le sol, une poupée en peluche effrayante dans les bras. C’était la vampire Alshiera.

« Mrgh ! Vous êtes cette satanée vampire qui rôde autour de l’Église ! »

« Que faites-vous ici ? »

« Nous avons même laissé des macarons dans le bureau ! »

Les trois chevaliers du ciel d’azur se mirent immédiatement en formation, Alfred ramassant au passage son épée en bois tombée. On aurait dit qu’il y avait une plainte sans rapport avec le sujet, mais Richard fit semblant de ne pas la remarquer. Quant à Alshiera, elle n’avait pas réussi à laisser échapper cette dernière réplique, et elle avait donc étiré un léger sourire.

« Hmm… Je les apprécierai plus tard. »

« J’ai fait ceux d’aujourd’hui en utilisant les fruits rares des fleurs de la passion. Le goût se détériore avec le temps, il faut donc les manger le plus vite possible ! »

« Les avez-vous fabriqués à la main pendant tout ce temps ? »

La vampire Alshiera possédait des yeux qui semblaient voir à travers chaque vérité, mais il y en avait une qu’elle n’avait pas été capable de révéler. Ryan, le porteur de bouclier, couvrait maladroitement son visage rougissant.

« S’il vous plaît, oubliez tout ce que vous venez d’entendre…, » avait-il dit.

Peut-être que les Trois Chevaliers du Ciel d’Azur n’étaient pas aussi occupés que Richard l’avait d’abord cru.

Mais même dans cette situation, Alshiera avait souri galamment et avait dit, « Eh bien, je suis venue parce qu’il y a quelque chose à célébrer. Mon petit animal de compagnie préféré a obtenu plus de gardes, n’est-ce pas ? »

« Hm… ? De quoi parlez-vous ? » demanda Alfred avec une grimace.

« Oh, mon dieu, ce monsieur n’est-il pas le garde de Dame Nephteros ? » demanda Alshiera avec un air exagéré de surprise. « Maintenant qu’il a été promu, son équipe devrait assumer cette responsabilité avec lui, non ? »

Elle plissa ensuite les yeux en souriant méchamment et ajouta : « En tout cas, c’est une haute elfe, membre de la race considérée comme les êtres les plus sacrés de l’Église, et la petite sœur de la belle épouse de l’Archidémon Zagan, Dame Néphélia… En d’autres termes, elle est le symbole même de la Faction d’unification. »

« Hrk ! » Torres, le manieur de lance, grogna et tomba soudainement à genoux.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Torres !? »

« N-Nulle part ! Ce n’est rien ! Je viens de me souvenir de quelque chose d’horrible. Il n’y a rien qui cloche chez moi ! »

Une sueur froide coulait sur le front de Torres et sa main tremblait violemment en s’accrochant à sa lance. C’était une crise qui l’assaillait de temps en temps. Richard n’en connaissait pas les détails, mais cela arrivait dès que le sujet des elfes était abordé. C’était la deuxième fois que Richard en était témoin. Cependant, il avait entendu dire que les crises s’étaient calmées ces derniers temps.

Richard était resté là, perplexe, alors qu’Alshiera dirigea un regard porteur d’une certaine signification vers lui. Il n’avait pas pu lire ses intentions, mais avait décidé de faire avec.

« Euh, Lady Alshiera, » dit-il. « Cela n’a toujours pas été décidé. Par-dessus tout, je crois que les trois chevaliers du ciel d’azur ne sont ce qu’ils sont que lorsqu’ils sont composés de ces trois hommes. »

Les yeux d’Alshiera s’écarquillèrent de surprise et elle répondit : « Oh là là, j’ai dû tirer des conclusions hâtives. Mes plus sincères excuses. »

En entendant le refus désinvolte de Richard, Alfred avait incliné la tête avec regret.

« Pardonne-moi, Richard ! Mais le chemin de la gloire t’est désormais ouvert ! »

Torres avait ensuite ramené les autres chevaliers angéliques à leur poste, dispersant le groupe. Les seuls qui restaient étaient Richard et Alshiera.

« Dois-je vous remercier ? » avait-il demandé.

« Oh ? Je n’ai fait que mal interpréter la situation, non ? »

Richard avait hoché la tête en signe de compréhension.

***

Partie 7

Selon Lady Chastille, elle n’est pas une mauvaise personne, mais…

Il avait encore du mal à lire ses intentions. Il était déraisonnable pour lui de baisser sa garde contre cette vampire.

« Alors ? Avez-vous besoin de quelque chose de moi ? » demanda-t-il avec méfiance.

Alshiera ne répondit pas tout de suite. Au lieu de cela, elle ramena ses cheveux d’or en arrière, ayant du mal à trouver les bons mots, et après un bref silence, elle commença finalement à parler.

« Je… Permettez-moi d’être franche. Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal chez Lady Nephteros ? »

« Anormal… ? Comme le fait qu’elle se sente malade de temps en temps ? »

Nephteros s’était soudainement effondrée une fois. De plus, lorsque Richard était allé lui chercher un verre, elle avait fini par disparaître, ce qui l’avait fait paniquer. Elle avait l’air stable depuis un mois, mais elle avait toujours des étourdissements et des maux de tête. Nephteros avait gardé tout cela pour elle, et Richard avait mal au cœur de la voir.

« Vous l’avez donc remarqué, » murmura Alshiera avec anxiété.

« Oui… Est-ce qu’il y a peut-être quelque chose qui arrive à son corps ? »

Alshiera avait hoché la tête avec une expression grave, puis elle annonça tranquillement. « Oui. Je vais aller droit au but. J’aimerais que vous restiez loin de Lady Nephteros. »

Les yeux de Richard s’écarquillent à cette déclaration soudaine. Confus, il demanda, « Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »

« Exactement ce que j’ai dit. Vous avez des sentiments pour elle, n’est-ce pas ? Ce n’est pas bien. »

« Je-je peux au moins séparer ma vie privée de mes fonctions ! »

« Je ne vous critique pas, » dit Alshiera avec un soupir apathique. « Si vous vous impliquez davantage avec elle, vous ne vivrez que des souvenirs douloureux. Vous feriez mieux de vous éloigner d’elle le plus vite possible. »

Pendant un instant, Richard avait senti le sang lui monter à la tête, mais il avait ensuite réalisé que l’avertissement d’Alshiera était lié à la santé de Nephteros. En y repensant, Nephteros semblait distraite ce matin.

Des souvenirs douloureux… ? Ce n’est pas possible !

Richard avait prié pour que son intuition soit fausse.

« Voulez-vous dire que son état est si grave ? » avait-il demandé.

Elle ne s’était pas effondrée récemment. On aurait même dit qu’elle se remettait régulièrement.

« Je vous ai prévenu, » lui déclara Alshiera en secouant la tête. Puis, en laissant ces derniers mots, la vampire avait disparu dans un essaim de chauves-souris.

Que dois-je faire… ?

Comme il n’y avait plus personne pour lui répondre, Richard était resté immobile sur la place vide.

« Haaah… Haaah… »

Une fille courait dans les ruelles près de bâtiments abandonnés. Elle avait les yeux bleus et son visage était couvert de saleté. Son ruban rouge n’était plus là, et ses cheveux blonds étaient en désordre. Elle avait le ruban bleu de sa petite sœur précieusement enroulé autour de son poignet gauche.

C’était l’une des deux sorcières jumelles qui servaient Shere Khan, Dexia. Elle portait une belle robe bien trop grande pour elle, mais en dessous, elle n’avait rien de plus que de vieux chiffons qu’elle avait réussi à trouver pour couvrir sa poitrine et sa taille. Elle était essentiellement nue. Elle ne portait pas de chaussures, ce qui avait provoqué le décollement de ses ongles d’orteil à un moment donné pendant son vol, de sorte que chacun de ses pas laissait des gouttelettes de sang sur le sol.

C’est le pire. Se faire poursuivre par un voyou comme lui dans un endroit comme celui-ci, c’est juste…

Elle s’était réveillée dans la cachette près de Feo et avait fui pour sauver sa vie l’autre nuit. Elle avait réussi à atteindre la ville, mais elle n’avait pas de vêtements, et encore moins d’argent, ce qui lui laissait peu d’options. Elle n’avait pas pu obtenir de nourriture ou d’eau, mais elle avait réussi à maintenir un minimum de renforcement de son corps et avait finalement réussi à se déplacer correctement lorsqu’un poursuivant l’avait trouvée.

Dexia ne pouvait pratiquement pas utiliser de sorcellerie en l’état actuel des choses. La robe qu’elle portait contenait des sorts incrustés, mais elle ne pouvait pas les activer, car ce n’était pas la sienne. En d’autres termes, elle ne pouvait pas utiliser de sorcellerie sans dessiner les cercles magiques complexes et incompréhensibles à partir de zéro.

Même si elle avait le mana, il lui faudrait des heures pour utiliser quoi que ce soit. Et un sort de grande envergure prendrait des jours, voire des mois. L’atout que lui avait accordé son maître, le Regard Englué, nécessitait des années de préparation.

L’Archidémon Zagan avait reproduit un tel cercle magique après l’avoir vu une seule fois, et même s’il avait commencé à le dessiner après qu’elle l’ait activé, il l’avait terminé en même temps qu’elle. Dexia ne pouvait même pas imaginer la vitesse à laquelle son esprit travaillait.

La seule grâce qu’elle possédait était d’avoir réussi à renforcer son corps à temps, mais cela lui avait pris une nuit entière. Mais sans cela, elle n’aurait même pas pu tenter de s’enfuir.

« Aristella… »

Le premier mot qui avait quitté sa bouche désespérée était le nom de son autre moitié, la fille qui n’était plus avec elle.

Tout ça est arrivé parce que je suis stupide et faible et que je n’avais pas assez de volonté…

C’est pourquoi son autre moitié était devenue un sacrifice. Elle devait mettre sa vie en jeu pour sauver sa sœur. La dernière fois que Dexia l’avait vue, elle n’était qu’un morceau de viande sans le moindre soupçon des jolis traits qu’elle possédait autrefois.

« J’ai peur de mourir… Je ne veux pas… Je déteste l’idée d’être jetée. »

Cela avait été leur dernière conversation. Aristella avait remarqué l’erreur avant Dexia. C’est pourquoi elle s’était inquiétée de l’ampleur des erreurs qu’elles avaient commises et en avait souffert. Et pourtant, Dexia n’arrivait pas à la comprendre. Elle voulait protéger sa petite sœur, mais au lieu de cela, c’est elle qui l’avait protégée.

Même si je suis la grande sœur, je l’ai laissée tomber !

Elle se sentait si pitoyable qu’elle s’était mise à pleurer. Sauver Aristella était la seule et unique chose que Dexia désirait. C’était après tout la seule chose qui lui restait après avoir fui Shere Khan.

Mais même si elle parvenait à s’éloigner d’ici, que pourrait-elle faire pour l’aider ? Pour commencer, était-il même possible de s’approcher de l’endroit où Shere Khan l’entreposait ?

Quoi qu’il en soit, si Dexia ne survivait pas, cette fille souffrirait pour toujours. Personne ne penserait à sauver un simulacre de sorcier assassin, surtout si elle était leur ennemie. Et donc, Dexia continua à courir avec de telles pensées à l’esprit lorsqu’elle tourna un coin et se heurta à un mur de débris.

« Une voie sans issue ? »

Elle avait couru sans connaître le terrain, et s’était soudainement retrouvée sans moyen d’avancer.

Je peux au moins sauter par-dessus un mur de cette hauteur.

La majorité des bâtiments de cette ville étaient des ruines. Les murs s’étaient effondrés partout, ce qui permettait de franchir de tels obstacles avec la force des jambes améliorée par la sorcellerie. Cependant, au moment où elle se préparait à sauter…

« Gah ! »

Un choc soudain l’avait frappée à l’arrière de la tête, faisant basculer Dexia sur le sol.

« Ow… Argh… »

Une coupure au front avait fait couler du sang dans ses yeux, rendant sa vision rouge. Elle avait couru sur une distance qui aurait fait exploser le cœur de toute personne normale, ce qui l’avait complètement épuisée. Ses membres tremblaient. Elle ne pouvait plus se lever.

« Notre jeu de chasse est terminé, petite fille, » avait dit une voix derrière elle alors qu’elle haletait pour respirer.

C’était une voix désagréable, pleine de haine et de mépris. Le simple fait de l’écouter lui donnait des frissons. Dexia avait réussi à lever la tête et avait aperçu un chevalier angélique avec une grande épée suspendue à sa taille. Elle l’avait reconnu.

Archange Valjakka, le porteur de l’épée sacrée Camael. Cependant, son titre glorieux n’était qu’une imposture. Il y a cinq ans, après avoir subi une défaite embarrassante des mains de Shere Khan, il avait été épargné en échange de sa servitude et de la fuite d’informations sur le cercle central de l’Église. Dexia et Aristella l’avaient même poussé comme un pion sans valeur.

Il l’avait frappée avec le gant de métal de son armure. Malgré le renforcement de son corps, un tel coup aurait pu facilement lui briser la tête. Dexia fut assaillie par une terrible sensation de nausée et ne pouvait plus fixer ses yeux. Néanmoins, elle parvint à faire entrer de l’air dans ses poumons brûlants et se redressa.

« Hah. Le petit sous-fifre qui a flatté cette petite fille avec un sourire stupide est vraiment hautain aujourd’hui, » avait-elle déclaré, le dénigrant dans une démonstration minimale de résistance.

« Haaah… Comprends-tu la position dans laquelle tu te trouves en ce moment ? »

Après avoir dit cela, le chevalier angélique avait immédiatement attrapé les cheveux de Dexia et l’avait tirée vers le haut.

« Aie ! Argh… Gah ! »

Au moment où elle s’était penchée en arrière sous la douleur, un poing s’était enfoncé dans son abdomen exposé. Elle ne pouvait plus respirer. Sa vision était devenue entièrement blanche. Elle pouvait entendre ses cheveux être arrachés de son cuir chevelu. Elle avait commencé à perdre conscience, mais un choc avait traversé tout son corps et l’avait soudainement réveillée. Elle ne pouvait pas comprendre qu’elle avait été projetée contre un mur avec une force énorme. Ensuite, elle avait été assaillie par une douleur provenant de l’intérieur de son corps.

« Hak… Haaah… Blurgh… »

C’était comme si son estomac s’était retourné. Elle avait vomi sans hésiter, mais tout ce qui était sorti était du sang mélangé à de la bile. Elle continua à vomir, retenant son estomac alors que Valjakka lui donnait un coup de pied dans les mains, lui brisant les doigts et l’envoyant voler une fois de plus.

Elle ne pouvait pas respirer. Ses membres étaient étalés sur le sol, secoués de convulsions. Un deuxième coup avait fait jaillir le sang de sa bouche. Elle pouvait voir que certaines de ses entrailles avaient éclaté. Elle ne pouvait plus bouger quand un pied s’était écrasé sur sa tête.

« Fais attention à la façon dont tu parles. Tu pensais vraiment que je n’étais pas en colère contre toi ? »

Peut-être était-ce simplement ce qu’on appelle le karma. L’homme qu’elle avait méprisé quand elle était la subordonnée de Shere Khan l’avait coincée au moment même où elle avait trahi Shere Khan. C’était une fin appropriée pour une traîtresse pitoyable.

C’est l’enfer ! J’ai besoin… de sauver… Aristella !

Même si ses raisons étaient plus qu’égoïstes, Dexia devait survivre. Cette vie était celle qu’Aristella avait partagée avec elle, alors elle ne pouvait pas mourir dans un tel endroit. Dexia était en larmes, regardant Valjakka de dessous son talon.

« Hmm ? Quelle gamine impertinente… ! » dit-il en levant un sourcil d’amusement. « Mais cela rend ce qui va se passer encore plus amusant. »

« Hein… ? Urgh ! »

Dexia n’avait pas compris ce qu’il voulait dire par là, mais il lui avait soudainement donné un coup de pied dans l’épaule, la laissant incapable de réfléchir davantage. Elle n’avait plus la force de résister. Son corps avait langoureusement roulé sur lui-même, ce qui l’avait fait faire face au ciel. C’est alors qu’elle avait réalisé que ses petits seins étaient complètement exposés. Le chiffon qu’elle avait à la taille avait disparu. Tout ce qu’elle portait, à part la robe, s’était détaché pendant qu’elle était ballottée.

Dexia sentit son visage devenir rouge de honte. Elle tendit son bras tremblant pour essayer de couvrir sa poitrine, mais le chevalier angélique le plaqua au sol, mettant fin à sa pitoyable démonstration de résistance.

« Ha ha ! Comment ça ? Essaie maintenant d’ouvrir ta petite bouche impertinente ! »

Il l’avait montée et avait commencé à enlever sa ceinture en ricanant. Avec cela, Dexia avait compris ce qui allait lui arriver. Pour la première fois, elle avait ressenti une peur véritable, sans retenue.

J’ai peur… mais je dois aller sauver ma petite sœur !

***

Partie 8

C’est vrai. Elle avait une raison de rester en vie. Elle devait survivre. Tout ce qu’elle avait à faire était de faire semblant d’être docile et de céder, de lécher l’arrière de ses bottes ou tout ce qu’il voulait. Même s’il était pourri, il était toujours un Chevalier Angélique. Si elle suppliait docilement pour sa vie, il pourrait même lui pardonner. Qu’est-ce qu’un moment d’humiliation face à la mort ?

D’innombrables pensées similaires flottaient dans l’esprit de Dexia pour la persuader. Et pourtant… elle cracha un mélange de salive et de bile sur son visage. Elle ne possédait plus la force de le repousser. Le simple fait d’essayer de parler avec ses lèvres coupées lui faisait très mal. Elle était dans un état pitoyable maintenant, incapable de faire quoi que ce soit alors qu’on se moquait d’elle. Néanmoins, Dexia sourit avec mépris.

« Tu veux que je… t’insulte… ? Quelle putain de masochiste… ! »

 

 

Même si la peur dominait son cœur, l’esprit de Dexia avait choisi de se rebeller. En réponse, toute expression avait soudainement disparu du visage de l’homme.

« Ee —»

Le temps qu’elle essaie de crier, les doigts de l’homme s’étaient déjà enroulés autour de son cou. Ses pouces s’étaient enfoncés dans sa trachée. Elle pouvait entendre sa propre moelle épinière craquer. Son cou allait se briser, ou même être arraché, avant qu’elle ne puisse suffoquer.

Désolée, Aristella… Même si tu m’as donné la vie… Même si tu m’as aidée à m’échapper… Je n’ai pas pu te rendre la pareille. Je suis vraiment désolée d’avoir été une si mauvaise grande sœur.

La vision de Dexia se transforma en une tempête de sable vacillant, noir et blanc, tandis que la mort rampait sur ses pieds. Il n’y avait aucune chance que le salut vienne pour un être méchant se faisant étrangler. Le son de quelque chose qui claqua résonna dans ses oreilles alors que l’obscurité dominait son champ de vision.

Mais pour une raison étrange, juste à la fin, elle avait l’impression de voir le profil de cette fille franche qui les avait grondées à l’époque où elles étaient si prétentieuses, à une époque dont Dexia se souvenait à peine.

Un craquement résonna dans l’air lorsque Kuroka enfonça la pointe de sa chaussure dans le visage de l’homme qui chevauchait la fille, lui cassant le nez.

« Bwah ! »

Elle avait mis toute sa force dans ce coup de pied circulaire, envoyant le grand homme vêtu d’une Armure Sacrée voler comme un morceau de papier. Il rebondit sur le sol comme une boule, puis s’effondra à la limite de la vision de Kuroka. Elle s’agenouilla immédiatement, posant sa main sur la gorge de la jeune fille pour vérifier son pouls.

Quelle cruauté… !

La fille ne respirait plus. Du sang maculait sa bouche et il y avait des empreintes profondes là où elle avait été étranglée quelques instants auparavant. Elle avait d’horribles contusions sur l’abdomen, et Kuroka pouvait dire que ses entrailles avaient été rouvertes.

Au moins, elle a encore un pouls.

« Monsieur Shax, » avait appelé Kuroka, tout en tenant sa canne. « Je te laisse cette fille. S’il te plaît, sauve-la. »

« Je m’en occupe, » répondit le sorcier fiable, commençant immédiatement son traitement de la jeune fille.

Après avoir entendu la conversation d’Asura et de Bato, Kuroka était immédiatement retournée auprès de Shax, puis avait commencé à chercher la fille qui était pourchassée. Elle possédait déjà des sens de l’ouïe et de l’odorat surhumains, donc, lorsqu’ils étaient renforcés par la sorcellerie de Shax, il n’était pas difficile pour elle de repérer le son de quelqu’un qui s’enfuit en panique. Il y avait, bien sûr, des pas partout, mais un seul d’entre eux pouvait être associé à une odeur de sang qui coule.

Même après que les pas se soient arrêtés, Kuroka avait entendu les bruits de combat et la dispute qu’ils avaient. C’est pourquoi elle avait été capable de se diriger vers eux. Kuroka n’avait pas perdu de vue sa cible précisément parce que Dexia avait lutté jusqu’au bout.

L’esprit de Kuroka s’était concentré sur la fille qui s’était fait arracher tous ses vêtements. Elle était vraiment à deux doigts d’être violée et tuée. Cette pensée lui faisait bouillir l’estomac. Les sorciers que Kuroka avait assassinés dans le passé étaient pour la plupart des personnes méprisables. Cependant, bien qu’étant un Chevalier Angélique, l’homme qui se trouvait devant elle était bien plus méprisable que n’importe lequel d’entre eux.

Elle lui avait porté un sacré coup, mais il était toujours un chevalier vêtu d’une Armure Sacrée. Même si le sang coulait de ses narines, il s’était immédiatement levé. Elle l’avait reconnu.

« Gah ! Hak ! T- Tu es une salope ! » Il cria avec des yeux injectés de sang. « Est-ce que tu as la moindre idée de qui je suis !!! Tu ne vas pas t’en tirer à bon compte après m’avoir agressé ! »

« Oui… Je sais exactement qui tu es, porteur de l’épée sacrée Camael, l’Archange Valjakka, » répondit Kuroka en sortant un masque de sa poche.

Le masque avait la croix de l’Église gravée sur sa surface. Elle n’avait jamais pensé qu’elle le porterait à nouveau, mais elle l’avait apporté parce qu’il pouvait être utile dans le cadre de leur enquête. C’était la preuve qu’elle faisait partie du côté obscur de l’Église.

« Mon nom est Kuroka Adelhide. Je suis une survivante de l’escouade spéciale treize, Azazel, sous le commandement direct du pape. Comprends-tu ce que cela signifie ? »

Le titre long et fastidieux sonnait bien et tout, mais ils n’étaient rien de plus que des assassins. Ils tuaient, il était donc logique qu’ils soient tués. Ils n’étaient pas censés exister, il était donc inévitable qu’ils soient détruits un jour.

Les membres d’Azazel avaient reçu la mission sacrée d’appliquer la vision de la justice de l’Église, mais tous ne s’en souciaient pas. Beaucoup d’entre eux avaient tué uniquement pour l’argent ou par rancune personnelle. Au moins, c’était une situation professionnelle, donc aucun d’entre eux n’avait été un meurtrier pour le simple plaisir de le faire, mais cela ne signifiait pas grand-chose au final.

Cependant, la trahison était une tout autre affaire. Azazel avait été anéanti parce qu’un Chevalier angélique avait divulgué des informations à un Archidémon. L’unité n’était pas censée exister pour commencer, de sorte que le traître pouvait vivre sans vergogne sans être inquiété par quiconque. Et ce Chevalier Angélique était Valjakka, l’Archange qui était devenu le sous-fifre de Shere Khan.

« Hmph ! Et alors, cela fait de toi un sale assassin, non ? » dit Valjakka en ricanant. « Tu cherches de la petite monnaie ou quoi ? »

Sa réaction était à peu près celle à laquelle elle s’attendait.

Eh bien, s’il était capable de se souvenir de tous les détails, il ne nous aurait pas trahis en premier lieu.

À ses yeux, le côté obscur de l’Église n’était rien d’autre que de la populace qu’il avait écartée. Peu importe qui est mort dans le processus, il ne s’en souciait pas le moins du monde.

« Je ne me soucie pas vraiment de la vengeance, » dit Kuroka en mettant tranquillement son masque. « Cependant, les personnes qui sont mortes là-bas n’étaient pas des méchants qui méritaient la mort. »

Beaucoup d’entre eux étaient comme Kuroka, rendus fous par leur soif de vengeance. C’était des personnes brisées qui ne pouvaient pas vivre autrement que comme des assassins. Néanmoins, ils avaient tous été gentils avec leur plus jeune membre, Kuroka.

Il y avait ceux qui avaient soigné ses blessures quand elle était blessée, une femme qui l’avait emmenée acheter de la nourriture pendant ses jours de congé, un homme qui lui avait montré un médaillon avec à l’intérieur une photo de sa famille décédée. En y repensant, peut-être qu’ils avaient tous essayé d’amener Kuroka à se détourner de leur chemin. Si seulement ils n’avaient pas été impliqués avec les sorciers, si seulement leurs vies n’avaient pas été jetées dans le chaos. Si seulement ils étaient restés des civils, ces gens auraient sûrement eu des vies heureuses avec des familles normales.

Je ne laisserai personne nier le fait qu’ils ont vécu.

« En tant que seule survivante d’Azazel, je vais terminer les choses ici. »

Kuroka avait tiré son épée courte de sa canne. Valjakka avait répondu en plaçant sa main sur la lame à sa taille.

« Arrête d’être prétentieuse, petite salope ! Déchire-lui un membre après l’autre — Camael ! » rugit-il, libérant la puissance de son épée sacrée sans hésitation. Ou du moins, c’était ce qu’il avait l’intention de faire. « Tu es fini ! Crois-tu vraiment qu’un petit assassin pathétique peut vaincre le summum des chevaliers angéliques ? Je vais t’arracher les membres et te tourmenter jusqu’à ce que ton cœur batte la chamade ! »

Valjakka continuait à crier, sans même remarquer que la bataille était déjà terminée. Kuroka laissa échapper un soupir et balança légèrement son épée sur le côté pour secouer le sang. Une éclaboussure rouge avait taché le sol, mais même après cela, le son du liquide visqueux qui s’écoule sur le sol avait continué à résonner dans la ruelle. Valjakka avait finalement regardé autour de lui avec confusion, comme s’il venait juste de remarquer le sang.

Maintenant que j’y pense, j’ai entendu dire qu’il arrive que l’on ne ressente aucune douleur lorsqu’on est coupé par une lame extrêmement tranchante.

Ça expliquerait pourquoi il n’avait pas remarqué.

« Umm… Tu devrais essayer d’arrêter le saignement, » lui dit Kuroka en rengainant son épée. « Tu as toujours ta main gauche, n’est-ce pas ? »

« Hein… ? »

Il baissa les yeux, hébété, et aperçut son poignet droit sans main qui dégoulinait de sang sur le sol. Sa main coupée était toujours à sa taille, accrochée à la poignée de son épée sacrée.

« AAAAAAAAAAAAH ! »

Cet homme était armé d’une épée sacrée. Lorsque Kuroka avait affronté un autre manieur de cette épée, Chastille, elle n’avait pas réussi à la faire tomber, et Valjakka était un vétéran parmi les Archanges. En termes de rang, il était bien au-dessus de Chastille. Ainsi, Kuroka n’avait jamais eu l’intention d’y aller doucement avec lui.

C’est pourquoi elle lui avait coupé la main avant qu’il ne puisse dégainer sa lame. C’était la différence de force entre Kuroka telle qu’elle était maintenant et un Archange. En termes de technique d’épée pure, elle pourrait même repousser la Confession Angélique de Michael Diekmeyer. Le pouvoir qui lui avait été accordé par l’Archidémon Zagan — un pouvoir comparable à celui d’une armure sacrée — l’avait élevée à de tels sommets.

« Je n’irai pas jusqu’à prendre ta vie, mais je te ferai mourir en chevalier. »

Cet homme ne pouvait pas continuer à être un Chevalier Angélique sans sa main dominante. Bien sûr, il pourrait la faire guérir par la sorcellerie, mais cela serait considéré comme une hérésie. Dans tous les cas, l’Église devait décider de la meilleure façon de traiter avec lui, donc Kuroka lui avait tourné le dos alors qu’il commençait à gémir de rage.

« Toi… salope… Salope ! Putain de salope ! »

Il avait serré son poignet droit, se tortillant sur le sol tout en continuant à hurler des mots qu’il ne pouvait pas se permettre de dire.

« Je ne vous pardonnerai jamais ! Je vous poursuivrai jusqu’au bout du monde et je vous massacrerai ! Toi ! Zagan ! Chastille ! Je vous tuerai tous ! Je vais… tuer… Hein ? »

Le sang avait giclé de son front. Dans sa rage, Valjakka avait oublié l’avertissement qui avait tenu fermement sa vie en main. Maudire Kuroka, qui avait fait partie du côté obscur de l’Église, et donc pas vraiment de l’Église, était encore acceptable. Cependant, à partir du moment où il avait exprimé l’intention de nuire à Chastille, il n’y avait aucune chance qu’il soit épargné. Avant que son visage ne soit couvert du sang qu’il avait lui-même versé, l’archange était déjà mort.

« Même lorsqu’on leur donne une chance, certaines personnes ne changent jamais… »

L’Archidémon Zagan lui avait certainement donné une chance de se racheter. Il était donc tout à fait possible pour lui de se racheter. Et pourtant, il n’avait pas du tout changé. Tout le monde n’était pas capable de se réformer. Il y avait des tonnes de méchants qui étaient au-delà de la rédemption. Kuroka le savait déjà, mais le voir se produire sous ses yeux la faisait se sentir impuissante.

« Kurosuke… Ce type s’est suicidé. Tu ne l’as pas fait, » lui avait dit Shax.

Elle réussit tant bien que mal à enlever son masque et à lui répondre d’un signe de tête.

« Tes péchés ont été rachetés. Que ton âme trouve la paix… »

La prière offerte uniquement par le côté obscur de l’Église après avoir achevé une cible résonnait en vain parmi les bâtiments en ruine avant de s’évanouir tranquillement dans les airs.

***

Partie 9

« Alors ? C’est quoi cette ambiance ici ? »

Après avoir prévenu Richard, Alshiera se rendit dans le bureau de Chastille à l’Église.

J’avais ensuite prévu d’inciter Lady Nephteros à agir, mais…

Il y avait actuellement trois personnes présentes. L’une d’entre elles était la personne qu’Alshiera recherchait, Nephteros. Ayant récemment été informée de sa courte durée de vie, elle n’était pas vraiment en état de sourire. Alshiera pouvait comprendre cela, puisqu’elle était venue ici pour faire quelque chose à ce sujet.

Cependant, la résidente du bureau, Archange Chastille, pour une raison inconnue, couvrait son visage rouge vif et ne voulait pas bouger d’un pouce. On aurait dit qu’elle était au comble de la honte. Cette fille était très capable en mode travail, mais il semblait que quelque chose s’était produit qui l’empêchait d’actionner cet interrupteur.

Et puis il y avait la dernière personne dans la pièce, le sorcier lugubre qui se cachait habituellement dans l’ombre. Barbatos était assis sur un canapé et se couvrait le visage sans bouger, tout comme Chastille.

« Umm… Il semble que quelque chose soit arrivé. L’avez-vous fait tous les deux la nuit dernière ou quelque chose comme ça ? » demanda Alshiera.

« Nous ne l’avons pas fait ! »

Elle avait finalement obtenu une réaction de leur part, mais au moment où ils avaient réalisé qu’ils lui avaient crié dessus à l’unisson, ils avaient commencé à se tortiller.

« Non, il ne s’est rien passé. Je… crois en Barbatos… Je crois, » murmura Chastille.

« H-Hein ? Qu’est-ce que tu racontes comme conneries embarrassantes ? »

« Alors as-tu vraiment fait quelque chose !? »

« Je n’ai rien fait ! Je n’ai rien fait ! »

Il s’est avéré que c’était une raison de plus pour laquelle Nephteros était dans un état d’hébétude totale.

Pourquoi ont-ils une querelle d’amoureux alors que la vie de quelqu’un est en danger ?

Barbatos avait promis de coopérer pour sauver Nephteros, pourtant le voilà dans un état lamentable. Honnêtement, Alshiera avait envie de leur dire de faire ces choses en privé.

D’ailleurs, pour ce qui est de l’autre personne aidant à résoudre le problème de Nephteros, Zagan s’était effondré juste après avoir été un peu intime avec sa promise. Le destin de Nephteros reposait désormais sur les fines épaules d’Alshiera, mais il y avait des choses dans ce monde qu’il valait mieux ne pas connaître.

« Il semblerait que Chastille se soit épuisée hier soir quelque part, et qu’après l’avoir ramenée, ce type l’ait déshabillée…, » Nephteros avait fini par le dire, ne sachant toujours pas quoi faire de la situation.

« Je ne l’ai pas déshabillée ! J’ai juste enlevé son armure ! Je n’aurais pas pu la laisser dormir avec, hein !? »

« J’avais de la terre sur le visage, mais je me suis réveillée tout propre ! »

« Je me suis senti désolé parce que ton visage était vraiment moche, alors je l’ai essuyé ! Et c’est tout ! »

« M-Moche !? Suis-je si laide… ? »

« Hein !? On parle de la saleté ! Je n’ai rien dit sur le fait que tu sois laide ! En fait, tu es actuellement, hum… »

« A-Actuellement… quoi ? »

« Oublie ça, abruti ! »

« Pourquoi es-tu soudainement si en colère ? »

Maintenant que j’y pense, est-ce que cette fille comprend au moins ce que « faire ça » signifie ? s’était demandé Alshiera, ignorant la querelle ennuyeuse qui se déroulait en arrière-plan.

Néphy avait des affaires bien plus importantes à régler, mais elle ne semblait pas agitée par cette partie de la conversation. Zagan et Néphy seraient devenus rouges et incohérents, donc cela semblait étrange.

Alshiera y avait réfléchi et avait essayé de l’interpréter à sa façon. Selon Zagan, un homoncule pouvait se voir implanter des connaissances lors de sa création. Dans le cas de Nephteros, elle avait probablement connaissance de la phrase, mais n’avait pas d’émotion spécifique liée à celle-ci.

Les choses semblèrent enfin se calmer, mais Chastille releva soudain la tête, les larmes aux yeux.

« Hein… ? Attends une minute, qu’est-ce que tu as essuyé ? »

« Uhhh… Eh bien, tu sais… »

« Réponds-moi, Barbatos ! »

Apparemment, cela s’était répété à l’infini, ce qui les a fait replonger dans un silence plein de dégoût.

« Vous avez vraiment la vie dure…, » dit Alshiera à Nephteros, la sympathie dégoulinant de sa langue.

« Eh bien, j’ai l’habitude. »

« C’est très dur… »

Alshiera ne pouvait pas s’imaginer regarder une telle chose si souvent qu’elle s’y habituait. En tout cas, il ne semblait pas qu’elle puisse s’occuper de ses affaires dans cette pièce. Elle ramassa donc toute l’assiette de macarons qui avait été laissée sur la table — ce qui était son autre raison de venir ici — et désigna la porte.

« Peut-on parler un peu ? »

« Je suppose que nous pouvons… »

Les deux femmes avaient quitté le bureau et s’étaient dirigées vers la chapelle.

« Alors ? Pourquoi la cabine de confession ? » demanda Nephteros.

Alshiera s’était dirigée directement vers une cabine de confession à cause de toutes les personnes qui les entouraient dans la zone. C’était un petit espace avec seulement deux chaises et une cloison entre elles. Un prêtre était censé s’asseoir d’un côté tandis que les fidèles s’asseyaient de l’autre et confessaient leurs péchés. Il y avait un rideau qui fermait la cabine, donc c’était parfait pour parler en secret. C’était aussi le meilleur endroit pour éviter de tomber sur Richard, qu’Alshiera avait viré un peu plus tôt. Ainsi, Alshiera avait pris place du côté du prêtre, tandis que Nephteros s’était assise du côté du fidèle.

La petite vampire avait jeté un macaron dans sa bouche. Comme on lui avait dit, il avait un parfum acide particulier. Les macarons étaient un dessert particulièrement difficile à faire. La surface était cuite, mais ne pouvait pas brûler sous peine de perdre la douce humidité qu’elle contenait. Elle n’avait pas d’autre choix que de reconnaître la qualité de ces macarons.

« Bien sûr, pour que vous puissiez me dire ce qui vous dérange, » répondit Alshiera comme si c’était parfaitement évident.

« D’après ce que j’ai entendu, vous savez aussi… Sur ma durée de vie, je veux dire. »

Alshiera avait observé cette fille de près pendant un mois. Dans un sens, elle en savait plus sur le sujet que Zagan lui-même.

« Il semble que vous ne souhaitiez pas prolonger votre vie, » dit affectueusement Alshiera.

« C’est… vrai, » marmonna Nephteros, un air de résignation derrière ses mots.

Eh bien, ça ne va pas le faire. Ça ne marchera pas du tout.

Les pensées et les émotions de Nephteros s’étaient arrêtées net. Il n’était pas facile de faire face à la mort d’une personne sans la faire, mais cela ne suffisait pas.

Alshiera avait commencé à mettre au point un plan pour sortir de cette impasse tout en jetant des macarons entiers dans sa bouche, appréciant le parfum un peu particulier et la douceur délectable pendant tout ce temps.

Honnêtement, Alshiera n’aimait pas trop s’immiscer dans les histoires d’amour des autres, mais elle savait qu’elle n’avait pas de temps à perdre. C’est pourquoi elle avait choisi d’intervenir, même si cela contredisait ses convictions.

« Alors comment allez-vous utiliser le temps qu’il vous reste ? » demanda-t-elle. « Je vais au moins aider avec tout ce dont je suis capable. »

« Le temps qu’il me reste… »

Même maintenant, ce temps s’écoulait lentement. Cette réalité avait fait bouger l’esprit de Nephteros à nouveau. Même si Alshiera n’avait rien fait de tel, Nephteros était une fille forte. Elle se serait remise sur pied en quelques jours pour chercher un but à sa vie restante. Tout ce qu’Alshiera faisait était de lui donner un petit coup de pouce pour accélérer le cours des événements.

« Comment les gens normaux passent-ils un tel temps, je me le demande… ? » demanda Nephteros, hébétée.

« Une bonne question. D’après ce que j’ai vu, il y a ceux qui le passent comme n’importe quel autre moment, ceux qui agissent de manière égoïste et ceux qui remercient tous ceux à qui ils pensent être redevables. Il existe de nombreuses façons de passer ce temps. »

Nephteros avait forcé un sourire. C’était au moins la preuve que ses émotions commençaient à fonctionner à nouveau.

« C’est d’une grande variété…, » dit-elle.

« Après tout, j’observe ce monde depuis un certain temps, » répondit Alshiera. Elle avait été témoin de la vie et de la mort de tant de personnes.

« Mais tout le monde est pareil en fin de compte, » avait-elle ajouté en gardant cette pensée à l’esprit. « Ils aspirent à passer le peu de temps qu’il leur reste avec leurs proches. »

« L’amour… Je ne le comprends pas vraiment…, » murmura Nephteros d’une voix tremblante, comme si c’était exactement le problème qu’elle avait en tête.

Alshiera pouvait voir de l’autre côté de la cloison que Nephteros essayait de rassembler son courage pour prendre une quelconque décision.

« Je ne comprends pas vraiment… mais je pense… que je veux en savoir plus. »

Comme je le pensais, les fondations sont déjà en place. Il manque juste une chose qui l’empêche d’avancer.

C’est pourquoi cette fille n’avait jamais remarqué que la réponse était déjà devant elle. Et donc, comme pour l’éclairer, Alshiera avait chuchoté comme un diable à ses oreilles, disant, « Tee hee hee. Alors, permettez-moi de vous donner un conseil. Vous ne pouvez aimer personne si vous ne vous aimez pas d’abord vous-même. Vous feriez bien de commencer par cela. »

« Aimer… moi-même… ? »

« Ce n’est pas si difficile, en réalité. Si vous vous retournez et regardez la joie modeste qui est toujours restée à vos côtés et les choses qui vous soutiennent comme si c’était naturel, alors vous devriez trouver votre chemin. »

« Et vous, Alshiera ? » demanda Nephteros, semblant douter qu’elle mette ses propres mots en pratique. « Est-ce que vous… hum… vous aimez vraiment ? »

C’était un retour plutôt tranchant, mais Alshiera l’avait accepté avec un sourire.

« Bien sûr que oui. J’ai été aimée par tant de gens. Pour cette raison, je ne peux pas prendre à la légère ma propre existence. Je veux dire, tout le monde a souhaité mon bonheur. Ils ont contribué à me maintenir en vie, tout en croyant que je pourrais un jour profiter de ma vie avec un sourire sur le visage. »

C’est pourquoi Alshiera avait passé plus de mille ans à « vivre ». Se souvenant de cela, elle avait serré ses mains devant sa poitrine comme si elle embrassait ces souvenirs.

« Je disparaîtrai avant vous, » dit-elle. « Pourtant, ce n’est pas si mal. J’ai réussi à rencontrer quelqu’un que je croyais avoir perdu depuis longtemps, que je pensais ne jamais revoir, et j’ai réussi à passer du temps avec lui. Alors maintenant, j’aimerais juste m’endormir en paix. »

Elle était plus que satisfaite, mais ce n’était pas le cas de Nephteros. Il était bien trop tôt pour elle. Alors même si c’était un peu méchant, Alshiera continua son discours malgré le fait que cela ne la regardait pas.

« Je prie pour que vous ayez aussi une fin paisible. »

Même après qu’Alshiera ait quitté la cabine de confession, Nephteros était restée figée sur son siège.

***

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