Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 12 – Chapitre 2 – Partie 5

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Chapitre 2 : Quand les pleurnichards attirent, tout le monde a la vie dure

Partie 5

Sans aucun moyen de connaître l’angoisse que ressentait Zagan, Lilith se retrouvait dans un tout autre dilemme au sein du Palais de l’Archidémon. Néphy et Foll ne semblaient pas non plus désintéressées par la question de Naberius. Elles ne croisaient pas son regard, mais écoutaient très clairement avec attention.

Le silence régnait. Lilith avait, bien sûr, le droit de garder cela pour elle, mais son cœur n’était pas capable de résister à la pression de la mariée et de la fille d’un Archidémon, d’un autre Archidémon et du vampire qui servait de protecteur à sa maison.

Oui, même Alshiera, qui avait feint le désintérêt, était en fait très intéressée par la question. Elle n’aurait jamais cru que ce garçon deviendrait un Archidémon. Honnêtement, elle avait été très surprise lorsqu’elle avait retrouvé Furcas à l’intérieur de la barrière. Leurs chemins s’étaient croisés il y a cinq cents ans, et voilà qu’il réapparaissait devant elle avec l’Emblème de l’Archidémon en sa possession. Alshiera se sentait quelque peu déprimée qu’il ne se souvienne pas d’elle. Même si des êtres de longue vie comme les sorciers pouvaient être vus partout, retrouver quelqu’un après plusieurs siècles était un événement rare.

Et maintenant, ce garçon essayait de séduire son petit fauve. Il n’y avait aucune chance qu’elle soit désintéressée. Une telle pression de ses pairs pourrait anéantir les cœurs les plus fragiles, mais Lilith s’était efforcée de prononcer ses mots entre deux respirations irrégulières.

« Ummm... Uhhh… Je n’ai pas… répondu… encore… »

« Oh là là. N’est-il pas à votre goût ? » demanda Naberius, l’œil écarquillé alors qu’il agissait sans vergogne comme si cela le surprenait.

« Non, ce n’est pas…, » marmonne Lilith, tout en se tripotant les doigts.

« Détestes-tu les sorciers ? » demanda Foll en se penchant en avant sur son siège.

« N-Non ! Les gens du château sont tous des sorciers, et ils sont beaucoup plus gentils que ce que j’ai entendu. Je n’ai pas ce genre de préjugés… »

Eh bien, le seigneur dudit château passait chaque jour à se demander comment il pouvait s’entendre avec Néphy alors qu’il avait déclaré qu’elle était son épouse. Être témoin d’une telle chose au quotidien ferait que même le plus blasé des sorciers se souviendrait de son humanité.

« Alors, est-ce son âge ? » demanda Néphy. « Hum, j’ai entendu dire que Lord Furcas est bien plus âgé qu’il n’y paraît. »

« Hein ? Est-il si vieux que ça ? » demanda Lilith.

« Oh ! Non ! S’il te plaît, oublie que j’ai dit quelque chose. »

« Quoi ? »

Cela avait encore plus troublé Lilith. Néphy se couvrit la bouche de ses deux mains et détourna le regard. Elle était plutôt mauvaise pour garder des secrets, alors il fallait s’y attendre. De toute façon, qu’est-ce que Lilith trouvait d’inadéquat chez lui ? Elle n’avait pas l’air de pouvoir supporter d’autres questions.

« Hmm ! Je veux dire…, » Lilith murmura avant que quelqu’un d’autre puisse dire quelque chose. « Je ne sais pas vraiment quoi faire… quand il me dit si soudainement qu’il m’aime… »

Cette jeune fille innocente aux joues rouges était en fait une succube qui rassemblait sa vitalité en montrant aux autres des rêves obscènes. Elle était aussi la princesse de tous les succubes qui se vantait d’avoir la plus grande force parmi son peuple.

Eh bien, je me sentirais mal si on continuait à pousser le sujet.

Maintenant qu’elle avait vu quelque chose d’aussi beau, Alshiera avait décidé qu’il était temps pour elle de faire de la médiation. Cependant, avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, Lilith avait continué tranquillement.

« Et puis… Je ne suis pas celle qu’il aime vraiment. »

Alshiera se renfrogna, incapable de lire les véritables intentions derrière ces mots. Il était pratiquement impossible que Furcas soit amoureux de quelqu’un d’autre dans son état actuel.

« Dame Alshiera, » chuchota Néphy en se penchant vers son oreille. « Lilith a vu ce rêve sur le bateau. »

Alshiera avait cligné des yeux plusieurs fois en signe de confusion, incapable de comprendre ce que cela signifiait, puis elle avait trouvé la solution.

S’accroche-t-il encore à ce cauchemar d’il y a 500 ans avec tant de zèle ?

À l’époque, un certain incident avait réuni Alshiera et Furcas. Ils avaient agi ensemble à l’époque, mais ne s’étaient jamais retrouvés. Elle se souvenait de lui de temps en temps, se demandant seulement quel genre de vie il avait menée après cela, mais n’avait jamais essayé de le rechercher. Elle avait déjà juré de ne pas se mêler aux vivants, et le temps qu’ils avaient passé dans ce monde en tant que vampire et humain était bien trop différent, de toute façon. Mais pour Furcas, c’était une autre histoire. Le fait qu’ils aient vu ce rêve signifiait que c’était son tout dernier souvenir. En d’autres termes, il avait autant de poids dans sa vie. Alshiera se leva de son siège et se plaça devant Lilith, appuyant ses paumes sur ses joues.

« Lilith, tu te trompes, » dit-elle. « Tu es la seule personne dans le cœur de Furcas en ce moment. C’est bien trop triste pour toi d’en douter. »

Cependant, Lilith secoua la tête, puis regarda droit dans les yeux dorés d’Alshiera et dit. « Tu n’as pas vu ce que j’ai fait… Il a passé sa vie entière à te courir après. »

« Oh, j’ai compris maintenant, » ajouta Naberius en hochant la tête. « Je suppose que cela te dérangerait, n’est-ce pas ? »

« Peux-tu éviter de faire comme si tu savais tout ? » répondit Alshiera en jetant un regard à l’Archidémon.

« Oh là là. Tu es peut-être la seule à l’ignorer, » dit-il d’un ton taquin avant de poursuivre comme s’il chantait une chanson. « Le Chat des Vallées. Le plus grand maître au monde du saut dans l’espace. Il n’y avait aucune terre que l’Archidémon ne pouvait fouler. Et le dernier défi qu’il a relevé était de franchir la barrière autour du monde. Cependant, à la toute fin, il a été victime des affres du désespoir. »

« Le désespoir… ? » répéta Alshiera.

« Oui. Il se désespérait de ne pas avoir trouvé ce qu’il cherchait, alors qu’il avait déjà parcouru le monde entier. Et pour commencer, il se désespérait de voir qu’il avait oublié ce qu’il cherchait. Bien qu’honnêtement, je n’ai jamais pensé que ce serait toi. »

Furcas avait cherché Alshiera jusqu’à ce que tous ses souvenirs et émotions aient volé en éclats. Ces mots avaient poignardé le cœur d’Alshiera.

« Je vois… Alors c’est moi qui l’ai tué, hein ? »

Si j’étais restée à ses côtés jusqu’à la fin, rien de tout cela ne serait arrivé.

Elle avait l’intention de ne pas se mêler aux vivants, mais avait fini par le traiter bien plus brutalement qu’elle ne pouvait l’imaginer. Elle avait maintenant un péché de plus à porter avant de disparaître, mais c’était aussi exactement pourquoi il devait en être ainsi.

Alshiera avait saisi la main de Lilith et avait dit : « Dans ce cas, maintenant qu’il a enfin trouvé un nouvel amour, j’aimerais que tu lui répondes correctement. »

« Es-tu vraiment d’accord avec ça, Alshiera ? » demanda Lilith.

« Je n’ai jamais eu l’intention de l’accepter… »

Quand ils s’étaient séparés sur ce bateau, elle savait qu’il l’avait appelée. Mais Alshiera n’avait pas fait demi-tour. En conséquence, Furcas avait tout perdu. Son passé ne pouvait être changé. Mais son avenir était différent.

« Tu peux le rejeter. Tu peux l’accepter. Dans tous les cas, j’aimerais que tu lui donnes une réponse appropriée. »

Repousser sur des enfants ce qu’elle n’avait pas fait semblait extrêmement égoïste et irresponsable de sa part, mais ce garçon était enfin capable de regarder l’avenir maintenant. Le prix à payer pour cela était la perte de tous ses souvenirs, ce qui était un fardeau bien trop lourd, mais au moins il était enfin libre. Quoi qu’il en soit, Zagan s’était chargé de veiller sur lui. Tant que Furcas ne le trahirait pas, Zagan ne l’abandonnerait jamais.

« Un nouvel amour…, » murmura Lilith.

« Oui. Les gens tombent amoureux. Il y a des fois où ça ne peut pas se réaliser, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas le droit de trouver un nouvel amour, non ? »

C’est ce qu’elle disait, mais Alshiera trouvait cela très peu cohérent avec sa propre expérience. Bien qu’elle ait vécu mille ans, elle n’aurait jamais oublié son seul et unique amour. Était-il vraiment possible d’en trouver un autre ? Dans son esprit, l’amour était une chose ponctuelle. Une fois était plus que suffisante. Mais c’était aussi exactement pour cela qu’elle voulait affirmer le garçon qui avait trouvé son prochain amour.

« D’accord. Je vais y réfléchir, » dit finalement Lilith avec un hochement de tête.

« Merci. »

Alshiera était sûre que cela causerait beaucoup d’inquiétude à Lilith. Néanmoins, la façon dont la succube avait acquiescé fermement à sa demande était tellement belle.

Le soir venu, après avoir quitté l’Église, Zagan était resté à Kianoides et s’était rendu dans une taverne. Il était rare de le voir seul, avec une telle expression, broyant du noir en silence, ce qui fit réaliser aux habitants de la ville, pour la première fois depuis longtemps, que cet homme était un Archidémon. Par conséquent, personne n’avait essayé de lui parler.

Zagan avait tout raconté à Nephteros. Il avait essayé de ne pas la choquer autant qu’il le pouvait, mais il y a tout juste un an, il n’avait même pas compris le concept d’être prévenant. Il n’était pas certain que ses intentions aient été bien comprises.

« Nephteros. Tu vas mourir dans quelques mois. »

Elle en avait apparemment déjà une vague idée, puisqu’elle n’avait pas semblé terriblement secouée par la nouvelle elle-même. Cependant, elle n’avait pas approuvé le plan de Zagan pour résoudre le problème. On ne pouvait pas faire grand-chose à ce sujet. Zagan était un Archidémon, un roi parmi les sorciers. Toute résolution qu’il avait à proposer impliquait la sorcellerie. Étant né de la sorcellerie, il était très difficile pour elle d’accepter une telle chose.

Nephteros est ma belle-sœur. Je dois la sauver…

De telles pensées animaient Zagan, mais la maintenir en vie par un moyen qu’elle ne souhaitait pas ne pouvait pas être appelé la sauver. Cela reviendrait à lui imposer ses propres croyances, ce que Zagan méprisait le plus au monde.

Il y avait aussi, bien sûr, l’idée qu’elle pourrait un jour être sauvée, à condition de survivre. Mais selon Zagan, une telle opinion n’était qu’une façon de faire face aux temps difficiles. Ce n’était pas une justification pour prolonger la vie de quelqu’un en le forçant à prendre des médicaments qu’il ne voulait pas. C’est pour cela qu’il restait agonisant devant ce problème.

Je n’ai aucun moyen de la sauver.

Comment pouvait-il fêter l’anniversaire de Néphy dans de telles circonstances ? Il laissa intact le verre qu’on lui avait apporté, complètement plongé dans ses propres peines, quand un idiot prit place en face de l’Archidémon sans demander son avis.

« Dégage, Barbatos. Je suis de mauvaise humeur. »

Assis devant lui, un jeune homme avait le même visage malsain que d’habitude renforcé par de larges poches sous les yeux qui donnaient l’impression qu’il n’avait pas dormi depuis plusieurs jours. De nombreuses amulettes pendaient à son cou, sa robe était usée et ses cheveux étaient négligés. C’était l’un des anciens candidats Archidémon et l’ami indésirable de Zagan, Barbatos.

Zagan ne parvint pas à cacher l’irritation dans sa voix alors qu’une fissure se créait sur le verre devant lui. Il n’exerçait pas une pression suffisante pour tuer les personnes au cœur fragile, mais il les rendrait probablement inconscientes. La serveuse, qui attendait l’occasion de prendre sa commande, sursauta, mais ne s’effondra pas. Maintenant qu’il la regardait, il réalisait que c’était la même fille qui s’était évanouie lorsqu’il avait rencontré Raphaël pour la première fois.

La colère de Zagan pouvait être considérée comme une attaque, mais son ami sinistre n’avait même pas bronché, prenant le verre brisé en main. La glace à l’intérieur avait complètement fondu. Barbatos engloutit son contenu d’un trait, puis abattit le verre devant Zagan, le réduisant en miettes.

« Comme si j’en avais quelque chose à foutre de ton humeur, » dit Barbatos.

« Veux-tu que je tue — !? »

Cette fois, Zagan avait parlé avec une intention de tuer claire, mais c’est Barbatos qui l’avait attrapé par le col, faisant basculer la table. Le silence dominait la taverne.

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