Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation
Table des matières
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 1
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 2
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 3
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 4
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 5
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 6
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 7
- Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation – Partie 8
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Chapitre 3 : Je pensais t’avoir vue dans mon rêve, mais il s’est avéré que nous nous sommes rencontrés dans nos rêves et que nous n’avons pas pu faire face à la situation
Partie 1
« … pai… Sen… Senpai, » la voix de Néphy lui chatouilla les oreilles. Une main effleura son front.
Zagan réalisa qu’elle lui caressait doucement la tête. Il ouvrit les yeux et découvrit le visage d’une jeune fille, dont les joues blanches étaient teintées de rouge. Néphy ne portait pas son uniforme de servante, mais était plutôt habillée d’une sorte de tenue étrange qui était présente dans le rêve de la nuit dernière. La lumière du soleil traversait un grand arbre derrière elle et elle était assise contre lui.
Zagan jeta un coup d’œil aux alentours. Il y avait un bâtiment fait de pierre… ou plutôt une sorte de matériau semblable à la chaux vive qu’il n’avait jamais vu auparavant. Il se trouvait apparemment dans un espace dégagé attenant à la grande structure.
Il y avait une sensation un peu douce contre l’arrière de sa tête. Il s’était rappelé ce qu’était cette sensation de tranquillité.
Les cuisses de Néphy… Ça fait un bail…
Il venait de penser à l’envie qu’il avait de se reposer à nouveau sur ses genoux.
« Hein ? Attends, quoi !? »
Il reprit finalement ses esprits et se leva d’un bond. Et comme il l’avait pensé, Zagan portait lui aussi le même uniforme que celui qu’il portait dans ce rêve. De plus, les cuisses blanches qui dépassaient de la jupe courte de Néphy étaient éblouissantes.
Néphy s’était couvert la bouche de honte, avait levé les yeux vers Zagan et avait dit. « D-Désolée, Maît… Senpai. Je ne voulais pas te surprendre… »
« N-Non ! C’est bon ! C’est moi qui devrais m’excuser. On dirait que je me suis endormi sans m’en rendre compte. »
« S’il te plaît, ne t’inquiète pas. J’ai aussi apprécié de regarder ton joli visage quand tu… Hwah !? »
Zagan avait l’impression d’avoir entendu quelque chose qu’il ne pouvait pas laisser passer, mais ils étaient tous les deux bien trop agités quand Néphy avait soudain poussé un glapissement.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? »
« Oh, non, mes jambes sont juste un peu engourdies… »
Il semblerait qu’il avait dormi sur ses genoux pendant un certain temps. Il n’en avait pas le moindre souvenir, et pourtant, il ne se sentait étrangement pas dépaysé.
« Vas-tu bien ? » demanda Zagan, en tendant la main d’un air agité.
« Oui… Augh, ça n’est pas arrivé du tout la dernière fois… »
« La salle du trône est sous l’effet d’une sorcellerie qui apaise constamment ses occupants. »
« Je vois. Ça doit être pour ça que ça ne me dérangeait pas, » Néphy murmura ces mots. Puis, tous les deux avaient penché la tête.
« La dernière fois… ? »
« La salle du trône… ? »
Il avait l’impression que quelque chose ne collait pas, à un degré terrifiant, mais aussi que ce n’était pas le cas… Même s’il restait déconcerté par cette situation, Zagan devait aider Néphy.
« Allonge tes jambes pour le moment. L’engourdissement devrait disparaître une fois que ton sang aura circulé… Tu y arrives ? »
« Je vais essayer… Hyah !? »
« Wawawawa ! »
Zagan essaya de soutenir Néphy alors qu’elle bougeait ses jambes, mais il n’était pas assez prêt à cause de l’agitation de son cœur. Ils finirent par tomber tous les deux. Zagan était tombé à terre avec Néphy toujours dans ses bras. En d’autres termes, Néphy s’était retrouvée sur Zagan. Ses oreilles pointues avaient rougi en un clin d’œil.
« Hwah ! Je suis vraiment désolée, Senpai. »
« Je… Je… Je… C’est bon. Es-tu blessée ? »
Néphy avait essayé en panique de se retirer, mais ses jambes étaient encore engourdies. Et donc, elle ne pouvait pas très bien bouger.
« Ne te force pas, d’accord ? Hum, je vais bien… Je ne me sens pas mal du tout ! »
En fait, dès le départ, c’était déjà extrêmement doux et chaud, alors le fait que Néphy soit collée à lui et se tortille dans tous les sens avait fait voler en éclats le sens de la raison de Zagan.
Elle finit par abandonner et elle céda, collant son corps contre la poitrine de Zagan comme si toutes ses forces l’avaient quittée.
« La maîtresse va nous gronder si elle nous trouve comme ça. »
« T-Tu ne peux pas bouger, il n’y a pas d’autre solution. De plus, elle n’est pas Raphaël. Orias ne va pas se mettre en colère pour autant. »
« T-Tu as raison. C’est ma mère, après tout. »
« … Hein ? »
Les deux individus avaient hoché la tête une fois de plus. Orias était-elle la mère de Néphy et un professeur dans cette école ? Raphaël était un majordome… et un professeur ? Non, comment cela pouvait-il avoir un sens ? Quelque chose clochait remarquablement, mais Zagan ne pouvait pas dire quoi ?
« U-Um… Um, Senpai ! » Néphy haussa soudainement la voix.
« Hrm, qu’est-ce qui ne va pas ? »
L’expression de Néphy semblait tendue, comme si elle venait de réaliser un secret terrifiant.
« Hum… Pourquoi caresses-tu ma tête… ? »
Zagan avait décidé qu’il était inutile de s’inquiéter de quelque chose qu’il ne pouvait pas comprendre, alors il avait commencé à caresser la tête de Néphy pendant qu’elle restait dans ses bras. Ses cheveux blancs luxuriants étaient vraiment doux et lisses lorsqu’il y passait ses doigts. De plus, un parfum légèrement sucré flottait au-dessus de lui.
Avoir quelque chose comme ça juste en face de lui et ne pas le caresser était difficile à faire, même pour un Archidémon. Donc, il l’avait fait.
Zagan l’avait regardé avec curiosité tout en affichant une expression des plus sérieuses et il demanda. « Je ne peux pas ? »
« Non, ce n’est pas que tu ne peux pas… C’est juste, hum, embarrassant. »
« Ne t’inquiète pas. Personne ne regarde. »
Probablement…
Néphy sembla céder à l’entêtement de Zagan et cessa d’opposer une résistance, le laissant faire. Elle laissa ensuite échapper un petit rire en se rappelant quelque chose.
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Heehee, pas grand-chose. J’ai juste l’impression que ça fait un moment… »
« Oh… Tu as raison. Nous avons été tellement occupés depuis Alshiere Imera… euh, Noël, c’est ça ? »
« Noël, je crois ? »
« Hm… ? Attends un peu. Noël n’a pas vraiment de rapport avec Alshiera, n’est-ce pas… ? »
Qu’est-ce que c’est que « Noël » ? Zagan n’avait jamais entendu ce terme auparavant, mais il pensait qu’il était parfaitement normal qu’il le connaisse.
« … »
Combien de fois cela fait-il maintenant ? Même Zagan ne pouvait continuer à ignorer la sensation de malaise qui l’assaillait. Néphy sembla aussi se rendre compte de quelque chose et ouvrit timidement la bouche.
« … Euh, Senpai ? »
« … Qu’est-ce que c’est ? »
Zagan se tenait en alerte tandis que Néphy prenait une profonde inspiration pour se calmer.
« … Que signifie “Senpai” ? »
Zagan et Néphy se calmèrent et se levèrent.
« Alors, toi aussi, tu as trouvé cela étrange ? »
« Oui… Mais pour une raison inconnue, il semblait parfaitement naturel de t’appeler ainsi. »
« Ne t’inquiète pas pour ça. J’ai seulement senti que quelque chose n’allait pas il y a quelques instants. »
Et puis, quelque part, c’était vraiment réconfortant d’entendre ça de sa bouche. Honnêtement, il aurait aimé l’entendre tout le temps.
« Ummm, où sommes-nous exactement ? » demanda Néphy en regardant timidement autour d’elle.
« Je ne sais pas. Nous essayions d’étudier ou quelque chose comme ça, donc il serait naturel de supposer que c’est un institut de connaissance. »
Seuls les enfants légitimes des nobles se rassemblaient dans de tels endroits, donc Zagan n’avait absolument aucune relation avec eux. L’Église était le fer de lance de nombreuses écoles, et il y en avait même à Kianoides. Zagan n’en avait jamais vu lui-même, mais c’est à cela que ressemblait cet endroit.
Maintenant que j’y pense, Foll a à peu près l’âge où elle devrait fréquenter un de ces endroits… Il n’y avait pas pensée, puisque ça n’avait rien à voir avec les sorciers, mais il se demandait si sa fille serait intéressée. Elle avait aussi commencé à s’intéresser à l’amour, alors si elle en avait envie, ça valait le coup d’y penser.
« Nos vêtements ont-ils un rapport avec cela ? » s’enquit Néphy en soulevant l’ourlet de sa jupe.
« P-Probablement. »
En la voyant soulever une jupe si courte, il pensait qu’il finirait par voir encore plus que ses cuisses… mais c’était juste hors de vue, ce qui ébranla grandement le cœur de Zagan.
« … Um, c’est un peu, uh… »
Néphy réalisa combien ses actions étaient périlleuses en voyant la réaction de Zagan. Ses oreilles avaient rougi jusqu’au bout.
Un instant plus tard, Zagan prit une profonde inspiration pour se calmer, puis il hocha la tête et vérifia une nouvelle fois la tenue de Néphy. Les joues de Néphy rougirent encore plus sous son regard sérieux.
« Y a-t-il un problème ? »
« Non, je pensais juste à la façon dont ces vêtements te vont, Néphy. C’est différent de la normale… et plutôt rafraîchissant. »
« Si tu vas aussi loin, je dois admettre que tes vêtements sont également dignes… et qu’ils te vont très bien, Maître Zagan. »
Ils s’étaient tous les deux serré la poitrine et s’étaient tordus de douleur, laissant échapper des respirations irrégulières.
« Alors, qu’est-ce qui se passe ? C’est un peu différent d’une illusion, » dit Néphy.
Zagan sentait l’herbe sous ses pieds et touchait le grand arbre derrière lui. Et dans son dernier rêve, il avait réellement tenu cet objet en forme de stylo. Ce n’était probablement pas une illusion. De plus, la Néphy devant ses yeux n’était probablement pas une invention. Elle était bien réelle. Elle ne se sentait pas à sa place ici non plus, donc le sixième sens de Zagan était convaincu de ce fait. Et dans ce cas…
« Hmm, cette sensation est probablement celle d’un rêve. »
« Un rêve… ? »
« Oui. On ne ressent pas de suspicion envers la plupart des contradictions et des incohérences dans un rêve. On peut aussi y toucher des choses. »
Quand il s’était réveillé le matin, il avait identifié un rêve sans aucun doute.
Je suppose que sentir que quelque chose n’est pas à sa place signifie que l’on est entré dans la phase d’un rêve dit lucide.
Après être entré en contact avec Néphy et l’avoir vécu deux fois, il était tout à fait capable de reconnaître qu’il s’agissait d’un rêve. C’était un état différent d’un rêve normal, mais pas désagréable.
Néphy pencha la tête pour réfléchir. Ses cheveux blancs tombaient doucement sur sa poitrine.
« En d’autres termes, c’est mon rêve, mais aussi ton rêve ? »
« Oui. Cela signifie que nos rêves sont en quelque sorte connectés. »
Être capable de communiquer si clairement avec quelqu’un d’autre dans un rêve était une sensation étrange.
Il n’y a qu’une seule personne qui pourrait accomplir cela… Il avait une idée de qui était la coupable, mais ne savait pas pourquoi elle l’avait fait. Zagan y réfléchit un moment, puis s’allongea sur le sol.
« Eh bien, c’est une chance rare de se détendre. Nous pourrions aussi bien en profiter. »
« Est-ce que ça va ? »
« Ouais. Tu es aussi épuisée ces derniers temps, non ? Allons-y doucement. »
Zagan avait interprété cela comme un service plutôt qu’une attaque. En tant que tel, l’accepter était son devoir en tant que roi.
« Je vais devoir choisir une sorte de récompense pour elle plus tard, » murmura Zagan pour lui-même.
En entendant cela, Néphy sembla également comprendre la situation.
« Heehee, ce serait bien si nous pouvions nous en souvenir correctement après notre réveil. »
« … Eh bien, c’est un rêve. »
Même les meilleurs rêves et les pires cauchemars peuvent être oubliés une fois qu’une personne se réveille. Ils ne se souviendraient pas forcément de celui-ci, même si c’était un rêve lucide. Cette pensée avait soudainement fait prendre conscience à Zagan d’un fait important.
***
Partie 2
Tout n’est-il pas possible dans un rêve… ? Les actions audacieuses où il aurait normalement été trop gêné pour essayer ne seraient-elles pas de bonne guerre ? Les sorciers n’étaient-ils pas tous des méchants égocentriques qui ne se souciaient pas des autres ?
Tout bien considéré, Zagan possédait au moins autant de désir charnel que la moyenne des hommes de son âge. Il s’était engagé dans une relation amoureuse avec cette adorable fille, il n’était donc pas question qu’il manque de désir de la toucher. Au contraire, il ne pensait qu’à Néphy 24 heures sur 24. Il était dans un rêve maintenant, alors il voulait essayer de la toucher partout… et de la serrer dans ses bras… et de frotter ses joues contre les siennes.
Ainsi, Zagan libéra ses propres désirs.
« … »
Il était resté immobile au sommet de l’herbe et avait soudain tendu le bras. Pas vers Néphy, mais à ses côtés.
« C’est… »
Il était probable que la plupart des gens qui verraient cela ne comprendraient pas le sens de cette phrase, mais Néphy hocha la tête comme si quelque chose lui était devenu clair.
Néphy va comprendre ! Je pense !
Si Barbatos était présent, il s’écrierait probablement. « Qui peut le dire, espèce d’idiot ? » Heureusement pour Zagan et Néphy, ils étaient les seuls dans le rêve. Quant à Néphy, elle s’était complètement raidie comme si une décision extraordinaire qu’elle devait prendre se rapprochait d’elle.
Oh, je suppose que c’est une demande trop déraisonnable, même pour un rêve…
Il ne pouvait plus la regarder dans les yeux et détourna le regard. Ayant peut-être interprété cela comme une pression de sa part pour qu’elle prenne une décision, Néphy se ressaisit et acquiesça. Elle s’était ensuite allongée à côté de lui. Elle posa ensuite son cou fin sur le bras que Zagan avait inexplicablement tendu.
C’était un soi-disant oreiller de bras.
Elle m’a offert un coussin pour mes genoux tout à l’heure, alors c’est normal ! C’était un remboursement, ou un remerciement, dans son esprit, du moins. Il n’osait pas faire quelque chose d’aussi audacieux dans la réalité, surtout que l’occasion de faire une telle offre ne s’était jamais présentée. Zagan dormait habituellement en position assise sur son trône. De plus, son cœur ne supporterait pas de faire quelque chose d’aussi éhonté que de se glisser dans le lit de Néphy au milieu de la nuit.
Hmph… Donc, même quelque chose comme ça est possible dans un rêve.
En fait, c’était quelque chose qu’il avait déjà réussi une fois. Cependant, le matin venu, ils s’étaient retrouvés totalement incapables de se regarder dans les yeux. Et voilà qu’il était capable de l’accomplir de manière si naturelle — naturelle à ses yeux, du moins — et d’y résister. Zagan admira ce fait en jetant un regard furtif à Néphy.
« Ah ! »
Néphy venait également de se retourner pour vérifier l’état de Zagan, rapprochant leurs regards.
« … H-Hehehehehe... » Il laissa échapper un rire faible, incapable de le supporter davantage. Voir un sourire aussi lâche sur son visage était assez rare. Si l’on ajoute à cela le fait qu’elle portait des vêtements différents de la normale, le pouls de Zagan doubla d’intensité.
« Maître… Zagan. »
« O-Oui !? Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Oh, rien. Je me suis juste sentie étrangement heureuse et j’ai soudain eu envie de dire ton nom… »
Sa surprenante et maigre cajolerie aurait pu faire s’arrêter momentanément le cœur de Zagan. C’est dire l’ampleur de l’impact qu’elle avait eu. Son corps tremblait, mais il était toujours un Archidémon. Il ouvrit donc résolument la bouche pour répondre.
« N-e-p-h-y. »
« Augh… »
Il essaya de l’appeler par son prénom en savourant chaque lettre. Maintenant, c’était au tour de Néphy de serrer sa poitrine et de se pencher en réponse.
Hnnngh ! Qu’est-ce que c’est que cet acte embarrassé !? Même moi, je me sens gêné maintenant !
Néphy était terrifiante de trouver cela si naturel, et infiniment attachant en plus. Tout ce qu’ils avaient fait, c’était de s’appeler par leurs prénoms, et pourtant, ils étaient tous deux battus sans pitié par cet acte.
Non ! Nous devons parler de quelque chose ou ce sera du gâchis !
Il était stimulé par la tension d’avoir consciemment créé cette situation.
« H-Hehehe ! Être dans un rêve est, comment dire… assez agréable ! Il n’y a personne pour nous gêner ! » s’écria Zagan d’une voix cassée.
« C-C’est vrai ! »
Néphy avait également cherché une occasion de distraire son esprit, ce qui expliquait pourquoi elle hochait exagérément la tête, les oreilles rouges jusqu’au bout.
« Mais… on dirait que tu es assez gentil avec cette fille, Maître Zagan, » murmura Néphy avec curiosité.
Il pouvait dire que c’était par pure curiosité. Cependant, ses sens aiguisés lui permirent d’entendre la moindre trace de jalousie dans sa voix. Zagan n’avait absolument pas l’intention de traiter cette fille de cette façon, et il s’était retrouvé plutôt embarrassé.
« Hein ? Ça ? Je n’essaie pas de la traiter différemment de mes autres subordonnés… »
« Ce n’est pas vrai… Comment dire… ? J’ai l’impression que tu la traites avec la moitié de la gentillesse que tu as envers moi ou Foll. »
« Est-ce que je la gâte tant que ça ? »
Zagan sentit sur lui un regard déçu qui semblait dire. « Vous êtes donc tous les deux conscients que vous êtes stupidement amoureux l’un de l’autre… » mais il n’en tint pas compte.
« Je veux dire, c’est une civile normale et tout. Je pensais juste qu’elle allait mourir accidentellement si je ne lui accordais pas un peu de considération. »
Il était également évident qu’elle était encore plus émotive que Chastille, il veillait donc à ne pas trop la stresser. Néphy ne semblait pas tout à fait convaincue par cette réponse. Elle gonfla ses joues et tapota le côté de Zagan avec son doigt à plusieurs reprises.
Stop ! C’est quoi cette attaque adorable ? Essaies-tu d’arrêter les battements de mon cœur ?
Il avait déjà fait face à un choc qui semblait capable de lui faire faire un arrêt cardiaque, alors il ne pourrait pas en supporter un deuxième. Il n’y avait rien d’aussi grave que la colère dans sa réaction, mais même ainsi, sa maigre jalousie, qui pouvait être mal interprétée comme un simple mécontentement, possédait une force inattendue et énorme derrière elle.
« C’est peut-être ton intention, Maître Zagan, mais dans ce cas, tu devrais être un peu plus gentil avec Selphy. »
« Oh, maintenant que tu le dis, c’est aussi une civile… »
Il ne savait pas vraiment quoi dire. Cette sirène avait un esprit si fort qu’il était sûr qu’elle ne mourrait pas juste parce qu’il la traitait un peu durement. La seule autre fille de leur groupe n’était pas vraiment une civile, mais Zagan la traitait également avec gentillesse. Dans son cas, il avait une bonne raison de le faire, vu qu’elle était la fille de Raphaël. C’était probablement la raison pour laquelle Néphy ne ressentait aucune envie à cet égard.
Maintenant qu’il y pense, il n’avait pas de raison de gâter autant cette fille. Lorsqu’il l’avait rencontrée pour la première fois, il avait apprécié le courage dont elle faisait preuve pour s’adresser vertement à un Archidémon. Mais dans ce cas, il aurait dû la traiter comme ses autres subordonnés. Il n’avait pas réfléchi à cette réalité auparavant, et maintenant qu’elle se présentait à lui, Zagan y avait réfléchi un moment avant de dire quoi que ce soit.
« Je sais que ça peut paraître bizarre… mais je n’ai pas eu l’impression que c’était la première fois que je la rencontrais. »
Il n’y avait pas pensée jusqu’à ce que Néphy le lui fasse remarquer, mais c’était ce qu’il ressentait lorsqu’il essayait de mettre des mots sur ses sentiments. Les yeux de Néphy s’écarquillèrent de surprise, peut-être parce que son explication était bien trop vague. Et à cause de cela, Zagan réalisa qu’il n’en avait pas dit assez, alors il décida de clarifier.
« Ummm... C’est un peu comme si je regardais un de mes frères de ruelle… »
« Oh, je vois… » Néphy hocha la tête, affichant enfin une explication qu’elle comprenait.
« Maintenant que j’y pense, tu as montré une réaction similaire à Lisette, n’est-ce pas ? »
Lisette était la petite orpheline que son amie d’enfance Stella avait recueillie. Zagan ne l’avait rencontrée qu’une seule fois, mais il s’était montré remarquablement gentil avec elle, sachant qu’elle était l’une de ses petites sœurs de rue.
« As-tu eu beaucoup de frères et sœurs comme elle ? » demanda Néphy avec curiosité.
« Eh bien, nous étions tous des morveux qui agissaient de manière hautaine malgré notre faiblesse. Mais nous savions que nous étions vraiment impuissants, alors même si nous nous battions entre nous, nous vivions au coude à coude. »
Il y avait, bien sûr, ceux qui avaient le cœur tendre ou de meilleures dispositions sociales, mais tous étaient des enfants qui vivaient de déchets après avoir été trahis et abandonnés par quelqu’un. C’est pourquoi, malgré leurs différences individuelles, ils avaient tous une méfiance envers ceux de l’extérieur.
Il n’y avait pas eu beaucoup d’enfants qui étaient restés aux côtés de Zagan à cause de sa personnalité, mais Marc et Stella avaient quand même trouvé leur place dans sa vie. En y repensant maintenant, il avait peut-être vu un peu de ses frères et sœurs des ruelles dans la façon dont cette fille avait tremblé tout en lui parlant avec force.
Après avoir réfléchi un moment, Zagan reporta son attention sur Néphy et il déclara. « Alors, tu t’inquiètes vraiment de ce genre de choses. Hum, que je sois gentil avec les autres filles, je veux dire. »
« Hyah ? » Néphy réalisa enfin ce qu’elle disait. Elle était rouge du bout des oreilles jusqu’aux joues. « Umm, je suis désolée. Je ne voulais pas… »
« Ce n’est pas mal du tout. J’aimerais que tu fasses ça de temps en temps. Umm, être jalouse, je veux dire… »
Néphy s’était couvert le visage, incapable d’en supporter davantage.
« Maître Zagan, tu es une brute…, » marmonna-t-elle. Mais malgré cela, elle jeta un coup d’œil entre les interstices de ses doigts et poursuivit timidement leur conversation. « Je viens juste d’y penser, mais peut-être l’as-tu déjà rencontrée. »
Zagan leva les yeux au ciel en réfléchissant à sa déclaration.
« … Est-ce à propos de mon père ? »
Le héros de Liucaon, le Roi aux yeux d’argent, était apparemment le père de Zagan. Il aurait pu rencontrer cette fille, puisqu’elle était née dans ce pays.
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai simplement vécu dans les ordures de la rue, donc je n’ai pas moi-même de tels souvenirs… »
« Je vois… Je ne savais même pas ce qu’était une mère quand j’ai rencontré la mienne… »
« Oui. Même si j’avais rencontré mon père une fois, je ne pense pas que je le reconnaîtrais, » dit Zagan en hochant la tête.
Le ciel s’était soudain assombri, comme pour leur dire d’arrêter de se remémorer leur vie difficile, et des gouttes d’eau étaient tombées sur leur visage.
« … Hrm ? La pluie ? »
« Oh non, le linge —, » Néphy se redressa précipitamment, puis elle reprit ses esprits. « Oh, c’est vrai. C’est un rêve. »
***
Partie 3
Ils avaient encore leurs souvenirs jusqu’au moment où ils s’étaient endormis. Le linge de la journée avait sûrement déjà été rentré et plié correctement. Les joues de Néphy rougirent et elle fit un petit coup de tête.
Hnnngh ! Qu’est-ce que c’est que ce geste adorable !? Essaies-tu de faire éclater mon cœur !?
En fait, il voulait en voir encore plus, mais il savait qu’il n’en serait pas capable. Le comportement agité de sa femme était infiniment mignon. Honnêtement, il avait l’impression que ça allait envoyer Zagan au paradis, mais…
« Hyaaah ! »
« Qu-Qu-Que se passe-t-il !? »
La pluie s’était soudainement mise à tomber comme une cascade. C’était comme si un seau géant avait été vidé au-dessus de nos têtes.
Zagan s’était levé précipitamment et avait dit. « Rentrons vite dans le bâtiment, Ne… phy… »
« Oui, Maître Zagan… Hein ? »
Zagan était resté complètement abasourdi. Il n’y avait plus de bâtiment ressemblant à une école. L’arbre contre lequel Néphy était assise l’herbe sous leurs pieds, tout avait disparu. À la place, il y avait un plancher en bois humide qui grinçait, des voiles déchirées et un gouvernail qui tournait tout seul dans tous les sens.
Avant même de s’en rendre compte, Zagan et Néphy s’étaient retrouvés à bord d’un navire en pleine tempête.
◇◇◇
« Qu’est-ce qui se passe… ? »
« Néphy, c’est dangereux ici. Rentrons dans le navire ! »
Le bateau se balançait fortement tandis que les vagues déferlaient sur le pont. Le vent était si froid que cela ne ressemblait pas du tout à un rêve. Être emporté par l’océan semblait être une menace réelle.
Même si ce n’est qu’un rêve, mourir dans son esprit est la même chose que mourir pour de vrai… Une telle sorcellerie existait. Elle était utilisée pour tuer sa cible dans son sommeil et la rendre infirme. Même un sorcier assez puissant pouvait être tué avant d’avoir pu opposer une grande résistance.
Zagan déboutonna immédiatement sa veste, l’étendit comme une robe et la plaça sur Néphy tandis qu’il l’abritait dans ses bras et cherchait l’entrée. Mais où était la porte qui menait au vaisseau ?
Le ciel était couvert de nuages sombres, ce qui ne permettait pas de savoir si c’était le jour ou la nuit. La visibilité était mauvaise et un faux pas aurait pu les faire basculer dans l’océan.
« Par ici ! » Une voix les appela soudainement d’un peu plus loin. Zagan tourna son attention vers elle, repérant une lumière provenant d’une légère dépression dans le pont. Il pouvait voir une petite ombre qui lui faisait signe de l’intérieur.
« Là-bas. Allons-y, Néphy. »
« Oui, Maître Zagan. »
Il ne savait pas qui c’était, mais ils s’étaient quand même dirigés vers la silhouette. Ils ne pouvaient pas courir sur le pont qui se balançait et ils avaient failli tomber plusieurs fois, mais d’une manière ou d’une autre, ils avaient réussi à trébucher dans l’embrasure de la porte.
« Teehee, c’est bon de vous voir indemne. »
Les yeux de Néphy s’étaient ouverts en grand en voyant un visage familier.
« Mlle Alshiera ? »
Il semble que la vampire leur ait fait signe d’entrer dans le navire.
Oh ouais, elle était apparemment une succube autre fois…
Peut-être parce qu’ils étaient dans un rêve, Alshiera ne portait pas sa robe habituelle. Au lieu de cela, elle portait un kimono rouge glamour, qui était une variation du yukata originaire de Liucaon qu’il avait vu auparavant. De plus, comme ils étaient sur un bateau, son visage semblait encore plus pâle que d’habitude.
J’ai entendu dire que le Clan de la Nuit n’est pas bon avec l’eau courante… Est-ce à cause de ça ? Est-ce une faiblesse qu’elle ne pouvait éviter, même en rêve ? Alshiera ne sembla pas remarquer ce qui se passait dans l’esprit de Zagan alors qu’elle dépliait un éventail doré et couvrait sa bouche.
« Vous vous êtes trouvé dans une situation plutôt dangereuse, Seigneur Zagan. »
Zagan et Néphy avaient hoché la tête. Mais ensuite, il avait hoché la tête avec compréhension.
« Oh, Lilith. Désolé de te déranger. »
« Comment le savez-vous ? »
Elle avait oublié qu’elle jouait un rôle et laissa échapper une voix choquée tout en restant sous la forme d’Alshiera.
« Mlle Alshiera n’appelle Maître Zagan que le Roi aux yeux d’argent », lui dit Néphy en souriant.
« Elle est aussi beaucoup plus impudente quand elle ricane. »
De plus, Lilith était à peu près la seule personne de leur entourage qui pouvait rendre visite aux gens dans leurs rêves. Il était très probable qu’Alshiera ait des capacités similaires, mais tant que ce n’était pas vraiment Alshiera, il n’y avait personne d’autre qui correspondait au profil.
« Argh…, » « Alshiera » avait gémit de désespoir et s’écroula sur le sol, la tête entre les mains. Combiné à ses vêtements de style de Liucaon, il était déraisonnable pour quiconque d’essayer de prétendre que c’était elle.
« Je ne pensais pas que Lady Néphy verrait aussi bien à travers moi… »
« Je ne comprends pas vraiment, mais pourquoi n’abandonnes-tu pas ce déguisement ridicule ? C’est difficile de te parler. »
« Je ne peux pas faire ça, » déclara « Alshiera » en secouant la tête. « Je suis venue ici pour jouer le rôle d’une actrice. Et je ne peux pas le faire sous une autre forme. »
« Actrice ? »
« … Laissez-moi vous expliquer depuis le début. »
Alors que Zagan était sur le point d’acquiescer, il se rendit compte que Néphy tremblait dans ses bras. Son corps était devenu plutôt froid à cause de la pluie et des vagues sur le pont.
« Avant cela, as-tu quelque chose pour nous changer ? »
« C’est vrai. J’ai quelques vêtements de rechange sous la main. »
« Alshiera » avait soudainement ouvert le mur sans caractéristiques de l’intérieur du bateau. Inexplicablement, il y avait un placard à cet endroit. Zagan n’était pas très familier avec les bateaux, mais il avait tout de suite compris pourquoi elle existait.
« Les rêves sont plutôt absurdes, hein ? »
« … Oui. C’est en effet devenu assez absurde. »
Il semblait qu’elle imitait la vraie chose. Son ton était plus lourd que d’habitude. En tout cas, l’armoire était remplie de vêtements. Il y avait des chemises et des pantalons ordinaires comme ceux que portaient les habitants de la ville, les vêtements de cérémonie des chevaliers angéliques et d’autres tenues officielles que Zagan n’avait jamais vues auparavant. Il n’y avait aucun sentiment d’unité.
« Hmm, alors tu as aussi ça, » dit Zagan en repérant quelque chose qu’il reconnaissait. Puis, il choisit sa robe et son manteau habituels. Porter des tenues formelles était amusant à sa façon, mais ses vêtements habituels lui procuraient le plus grand sentiment de soulagement. Et alors qu’il était sur le point de les enfiler…
« Ah ! »
« Qu’y a-t-il, Néphy ? »
« Oh, non… Hum, si possible, j’aimerais essayer les vêtements que tu tiens… »
Ses oreilles pointues avaient brûlé d’un rouge vif et s’étaient agitées pendant qu’elle faisait cette demande. Elle avait apparemment rassemblé tout son courage pour exprimer ce désir.
« Ça ne me dérange pas, mais est-ce que ça te convient ? Il y a d’autres robes plus adaptées, non ? »
« Non, j’aimerais bien celle-là… »
« J’ai compris. Fait comme bon te semble, » déclara Zagan en lui remettant la robe. Néphy l’enfila en toute hâte peu après.
« Hwah, elle est grande. »
C’était parfaitement logique. Les manches étaient si longues qu’il ne pouvait même pas voir ses doigts. Zagan pouvait seulement dire où se trouvaient ses mains en se basant sur la façon dont les manches étaient pliées. Néanmoins, Néphy les avait pressées contre ses joues avec un sourire heureux.
« Heehee, j’ai toujours voulu essayer de porter ça. »
« Je… C’est vrai ? »
« Oui ! »
Il ne lui allait clairement pas, mais Zagan ne pouvait rien dire après avoir vu à quel point elle avait l’air satisfaite dans ce vêtement. Elle portait toujours son uniforme en dessous, et de temps en temps, il apercevait ses cuisses éblouissantes qui dépassaient des interstices de la robe.
Qu’est-ce que ce martèlement dans ma poitrine ? Si Gremory était là, elle serait sûrement en train de cracher du sang par le nez tout en criant à propos du rassemblement dense du pouvoir de l’amour dans l’air.
Le monde était vraiment vaste. Il y avait des bénédictions en abondance que Zagan ne connaissait pas encore. Après avoir cédé la robe à Néphy, il commença à chercher quelque chose d’autre à porter… quand une queue de pie noire apparut soudainement.
« Hrm ? C’est… »
« Ah… »
C’était une tenue de majordome comme celle que Raphaël portait toujours. Pour une raison quelconque, Néphy l’avait regardé avec une attention soutenue.
« Umm, je suppose que je peux essayer de porter quelque chose comme ça de temps en temps. »
« Le feras-tu ? » demanda Néphy, avec un soupçon d’attente dans la voix.
« Qu’est-ce que ça donne… ? »
« Il te va vraiment, vraiment bien ! »
« C’est bon à entendre. Je ne peux pas dire moi-même ce qui est bon ou mauvais, » murmura Zagan avec désinvolture.
L’expression de Néphy était soudainement devenue résolue et elle déclara. « Avec tout le respect que je te dois, les vêtements que tu portes habituellement sont toujours confortables et amples. Cette queue de pie est beaucoup plus serrée autour de ton corps. C’est un look très nouveau. »
Zagan était accablé par son insistance inattendue sur la question.
La tenue de soubrette de Néphy est si mignonne qu’elle fait toujours battre mon cœur.
L’impression de Néphy sur sa tenue actuelle était peut-être quelque chose de similaire.
« Je… C’est donc… ? Cela te va bien aussi, Néphy. Je n’aurais jamais imaginé que les robes démodées d’un sorcier pouvaient devenir si radicalement différentes selon la personne qui les porte. »
« Augh… »
Zagan avait simplement dit exactement ce qu’il pensait, faisant que Néphy s’était accroupie au sol et s’était serré la poitrine. Tout ce qu’ils faisaient, c’était de porter des vêtements différents de ceux qu’ils portaient habituellement, mais cela suffisait à les faire passer par des montagnes russes d’émotions. En réalisant qu’Alshiera les regardait comme s’ils étaient dans un monde isolé, Zagan et Néphy s’étaient séparés d’un bond.
« M-Mmm ! Je n’ai aucune objection à ces vêtements. Tu as bien fait. »
« Oh, merci. » « Alshiera », qui les regardait avec des yeux comme un poisson mort, avait dit cela et avait secoué la tête pour se ressaisir. « D’abord, vous avez tous les deux réalisé que nous sommes déjà dans un rêve, n’est-ce pas ? »
« Oui. As-tu fait le lien entre nos rêves ? »
« Je l’ai fait. Mais…, » « Alshiera » avait fait une pause, puis avait continué sur un ton quelque peu humilié. « Quand j’ai connecté vos rêves, une sorte de corps étranger s’y est mélangé. »
« Un corps étranger ? »
« Oui. Je ne sais pas qui c’est exactement, mais quelqu’un s’est égaré dans vos rêves. »
Zagan ne comprenait pas la logique qui animait les rêves, mais à en juger par l’expression d’Alshiera, il pouvait dire que ce n’était pas bon. Mais il ne savait pas ce que cela signifiait.
« Tu veux dire une autre succube ? »
Alshiera secoua la tête et répondit. « Une succube qui se connecte aussi mal à un rêve serait un échec total… Pourtant, il possède assez de pouvoir pour faire irruption dans le rêve de la princesse des succubes. Je ne comprends pas. »
« Est-ce censé être impossible ? »
« C’est… Pour le dire en vos termes, Votre Altesse, ce serait comme si quelqu’un qui ne sait même pas ce qu’est la sorcellerie franchissait votre barrière. »
« Je vois. C’est certainement une pensée ridicule. »
***
Partie 4
Obtenir le sceau de l’Archidémon conférait à une personne le pouvoir d’un Archidémon. C’était une masse de mana suffisamment dense pour que même un démon se prosterne devant elle. Si un roturier recevait un tel pouvoir, son esprit serait écrasé et il deviendrait infirme.
De plus, la sorcellerie était similaire à des formules numériques très complexes. Franchir une barrière en utilisant la force brute nécessiterait de surpasser au centuple la capacité de calcul de Zagan. Et réaliser cela signifiait qu’il y avait un écart de pouvoir qui ressemblait à la différence entre un roi et un roturier. Donc, posséder simplement une puissance équivalente à celle d’un Archidémon n’était pas suffisant pour le faire. C’est pourquoi « Alshiera » affichait une expression amère malgré le fait d’être dans un rêve.
« Et l’autre problème est que ce corps étranger est en plein cauchemar. »
« Eh bien, il n’y a pas de bons rêves dans lesquels Alshiera pourrait apparaître. »
Il y avait une tempête dehors et il ne voyait pas un seul marin dans les parages. Il n’aurait pas été étrange que le bateau coule à tout moment… En fait, c’était plutôt un mystère qu’il n’ait pas encore coulé. Prétendre vivre autre chose qu’un cauchemar sur un tel navire serait déraisonnable.
« Y a-t-il un problème avec le fait que ce soit un cauchemar ? » demanda timidement Néphy.
« … À l’origine, faire des cauchemars était un moyen d’attaque des succubes. »
Les succubes sont une race qui volait la vitalité des autres en interférant avec leurs rêves. Les contrarier signifiait se faire tuer dans son propre esprit. C’est à cela qu’Alshiera faisait référence lorsqu’elle utilisait le mot cauchemar. Un pouvoir que les sorciers de haut niveau pouvaient prendre toute une vie à obtenir était quelque chose qu’ils possédaient dès la naissance. Pour un sorcier, ils étaient comme des trésors vivants. C’est ainsi que les succubes avaient fini au bord de l’extinction. Sans la protection de Zagan, Lilith n’aurait probablement pas été capable de faire un seul pas en dehors de Liucaon.
« Alshiera » avait poursuivi, même si elle avait du mal à le faire, en déclarant. « De plus, le propriétaire de ce rêve possède une quantité inutile de pouvoir. Interférer mal avec lui pourrait faire s’effondrer le rêve en entier… Et si cela se produit, le rêveur ne s’en tirera pas à bon compte. »
Il semblerait que leurs vies étaient en danger. C’est pourquoi il n’avait pas pu entendre de peur ou de colère dans sa voix, juste de la pitié.
Je vois. J’imagine que détruire le rêve de quelqu’un d’autre sans le vouloir est un grand péché pour une succube.
Elle avait sûrement ressenti le même regret que quelqu’un qui avait essayé de sauver quelqu’un, mais n’y était pas parvenu.
« Alors, cette forme que tu prends, est-ce aussi par égard pour le rêveur ? » demanda Zagan.
« Oui. Il semble qu’il la connaisse. Elle semblerait aussi avoir une place particulièrement importante au sein de ce cauchemar. »
Eh bien, en y pensant rationnellement, s’impliquer avec une vampire était un terrible cauchemar en soi.
« En d’autres termes, il s’agit déjà d’une situation extrêmement anormale, ce qui nécessite que tu prennes de telles mesures pour interférer le moins possible. »
« Oui. Vous ne le savez peut-être pas, mais une succube dans un rêve possède assez de pouvoir pour charmer une personne au premier regard. »
« Cela signifie-t-il que Maître Zagan et moi-même avons également été affectés ? » demanda timidement Néphy.
« Alshiera » l’avait regardée avec étonnement. Elle avait ensuite agité ses mains avec un sourire crispé.
« Oh, non, pas du tout… Je veux dire, c’est impossible. Comment aurais-je pu me mettre entre vous deux si vous étiez collés l’un à l’autre comme ça ? »
Elle avait failli laisser tomber sa charade en le leur faisant remarquer. Zagan et Néphy avaient été laissés dans un état de confusion totale.
« Nous n’étions pas collés si près l’un de l’autre ! »
« C’est vrai ! Nous avons fait preuve de modération ! »
« Alshiera » plissa les yeux, se demandant ce qu’ils étaient en train de dire, avant de s’éclaircir la gorge.
« Oh, je veux dire, avoir un amoureux diminue considérablement l’efficacité du charme. C’est tout. »
Elle avait visiblement décidé de leur dire exactement ce qu’ils voulaient entendre, ce qui poussa Zagan et Néphy à tourner leur tête. « Alshiera » secoua la tête pour remettre les choses en place et leur parler rapidement.
« Je suis vraiment désolée. Ce rêve était censé vous aider à vous détendre… mais j’ai fini par me retrouver encore plus redevable à cause de mon incompétence. »
Voir une telle expression docile sur ce visage avait déconcerté Zagan, il avait donc voulu qu’elle arrête.
« Alshiera » avait soudainement pris une attitude étrangement résolue et elle avait déclaré. « Eh bien, soyez tranquille. Je vous renverrai tous les deux, même si le pire se produit. »
Le rêve de tout à l’heure avait été la définition même de quelque chose d’inutile, mais elle avait quand même accordé à Zagan un tel spectacle parce qu’elle croyait qu’il désirait passer plus de temps avec Néphy. En tant que tel, il souhaitait exprimer honnêtement sa gratitude.
« Ne t’inquiète pas. J’ai pu passer une journée de détente avec Néphy pour la première fois depuis longtemps. »
« Oui. Grâce à vous, nous avons réussi à beaucoup nous amuser. »
Alshiera rougit, détourna son regard et murmura. « Alors, c’est bien… »
C’était une réaction qui correspondait à la fois à Lilith et à Alshiera.
« Oh, c’est vrai, c’était quoi ce rêve tout à l’heure ? » demanda Zagan avec curiosité.
« Que voulez-vous dire… ? Je ne suis pas allée jusqu’à m’intéresser au contenu du rêve, vous savez ? »
« Vraiment ? Je pensais que tu serais capable de le manipuler comme bon te semble. »
« Alshiera » avait couvert sa bouche avec son éventail pliant et leur avait offert un sourire brillant en réponse à cette déclaration.
« Le simple fait de vous faire rencontrer dans vos rêves sans demander était déjà poussé. Aller jusqu’à contrôler le rêve que vous avez vu serait bien trop impertinent, même pour une succube, vous ne pensez pas ? »
Zagan et Néphy avaient hoché la tête en signe d’admiration.
« Tu ressembles beaucoup à Alshiera. »
« Oui. C’était assez merveilleux, Lilith. »
« Mais je n’essayais pas de l’imiter ou quoi que ce soit !? »
Elle avait tout imité, de l’apparence d’Alshiera à son discours, mais c’était apparemment elle qui essayait d’agir comme elle-même.
Ça veut-il dire qu’elle finira comme Alshiera quand elle sera grande ?
Alshiera avait l’apparence d’une petite fille, mais il s’agissait plutôt de sa personnalité et de son comportement. Depuis qu’elle avait commencé à vivre au château, cette vampire avait quelque peu exposé son côté maladroit. Cependant, lorsqu’il l’avait rencontrée pour la première fois, elle était quelqu’un d’indéchiffrable qui agissait de manière à la fois méfiante et sournoise. Elle n’agissait plus de la sorte, mais il avait même nourri la crainte de ne pas pouvoir se moquer d’elle en tant que simple vampire. S’il posait la question à la personne en question, elle risquait de protester vivement et de dire : « Je n’ai fini comme ça qu’à cause de vous, mon Roi aux yeux d’argent. » Pourtant, la ressemblance était sérieusement là.
« Ce rêve était-il si étrange ? » demanda Alshiera avec curiosité.
« Étrange ne résume pas tout. Nous n’avions jamais vu ce genre d’endroit auparavant, nous portions des vêtements inconnus, et nous pensions même à des choses auxquelles nous n’avions jamais pensé. »
Il existe des théories selon lesquelles les rêves sont basés sur les souvenirs de chacun. Mais dans ce cas, est-il vraiment possible de voir et de penser à quelque chose que l’on n’a jamais vu auparavant ? « Alshiera » avait réfléchi un moment avant de dire quoi que ce soit.
« Certains disent que les rêves sont des possibilités. Essentiellement, des images de ce qui aurait pu être. »
« Possibilités ? »
« Oui. Si seulement j’avais fait quelque chose de différent à l’époque. Il est assez courant de voir des rêves basés sur de telles pensées, non ? Lorsque de telles possibilités sont combinées, cela peut construire un rêve auquel vous n’auriez vous-même jamais pensé. »
Elle était l’experte en matière de rêves, Zagan ne pouvait donc qu’acquiescer.
Je vois. Le rêve de tout à l’heure était : « Et si les sorciers n’existaient pas ? »
Les sorciers feraient référence à une telle chose comme un monde parallèle.
« Alshiera » avait alors titubé comme si elle était tirée par quelque chose et elle avait dit. « Oh, mon Dieu, il semble que le tour de ma Dame soit venu. »
Il semblerait qu’elle devait jouer le rôle qu’on lui avait attribué pour ce rêve.
« Est-il préférable pour nous de rester cachés ? »
« Oui. S’il vous plaît, faites-le. J’aimerais que ce rêve prenne fin le plus paisiblement possible. »
Avec cela, « Alshiera » était sortie sur le pont orageux.
◇◇◇
Zagan jeta un coup d’œil autour de lui. Le couloir à l’intérieur du bateau était étroit. Il n’y avait pas d’autre moyen de se cacher que d’entrer dans l’une des pièces, mais s’ils finissaient par arriver dans la même pièce, ils n’auraient nulle part où aller. Le placard qui était apparu dans le mur avait également disparu avant qu’il ne le sache.
Dans le pire des cas, je peux briser le mur et sortir de force…
Après avoir cherché une issue de secours, Zagan jeta un coup d’œil du côté d’« Alshiera ». Elle était sur le pont, appuyée sur la balustrade du bateau et regardait l’océan. Il semblait que quelqu’un était à la dérive en bas. Cependant, même si son apparence ressemblait à la vraie Alshiera, c’était toujours Lilith à l’intérieur. N’était-ce pas dangereux pour elle d’être appuyée contre une balustrade comme ça ? Zagan la surveillait avec suspense tandis que d’innombrables chaînes s’échappaient de ses bras.
Oh oui, elle a ce genre de pouvoir, hein ?
Était-ce quelque chose de particulier aux vampires ? On dirait qu’elle les utilisait pour remonter le naufragé.
« Oh, hey, uh-oh. »
Au moment où elle avait dit ça, « Alshiera » avait glissé. Zagan n’avait aucun moyen de savoir la vérité, mais l’Alshiera originale était dans le pire état possible quand ce moment s’était produit, et « Alshiera » ne faisait qu’imiter cet état. Cependant, il semblerait qu’elle soit sur le point de tomber dans l’océan, alors Zagan avait immédiatement tendu la main.
« Hyaaah ! Uh… Huh ? »
La posture d’« Alshiera » s’était redressée sans raison. Non seulement cela, mais ses chaînes avaient également été remontées.
« Est-ce de la sorcellerie de contrôle d’inertie ? » murmura Néphy.
« Correct. Tu t’es plutôt habituée à la sorcellerie, Néphy. »
Zagan l’avait félicité comme son professeur pour avoir bien compris ce qui se passait. Il avait juste manipulé la directionnalité des forces physiques. La plupart des sorciers apprenaient à le faire juste après avoir renforcé leur corps, il s’agissait donc essentiellement de sorcellerie de niveau intermédiaire. Quand on la développe à l’extrême, on pourrait voler dans la mer des étoiles. En théorie, du moins. En tout cas, c’est parce que cette sorcellerie était si courante que les armes à projectiles comme les arcs avaient complètement perdu leur utilité.
Donc, je peux toujours utiliser la sorcellerie dans un rêve…
Zagan n’avait pas sa robe ou son manteau, il savait donc qu’il serait difficile de faire quelque chose à grande échelle, mais il était toujours possible d’utiliser la sorcellerie elle-même. « Alshiera » ne semblait pas réaliser ce qui s’était passé, mais le naufragé avait été tiré par les chaînes sur le pont. Et donc, elle s’était agenouillée pour l’aider en toute hâte.
« Êtes-vous blessé ? »
« Urgh... Ugh… »
C’était un garçon d’une dizaine d’années, à peu près du même âge que la vraie Lilith. Il avait des cheveux fauves et des joues décharnées. Ses vêtements étaient en lambeaux après avoir été avalés par les vagues, lui donnant une apparence très sale et pitoyable. « Alshiera » avait essayé de prêter son épaule au garçon pour l’amener à l’intérieur du navire, mais il avait perdu connaissance. Et il était difficile pour une fille de le déplacer toute seule. Elle ne pouvait même pas faire un seul pas.
***
Partie 5
Est-ce qu’elle essaie vraiment d’imiter Alshiera ?
Le casting semblait décalé, mais ce n’était pas comme s’il y avait un autre personnage dans le rêve. Ne pouvant rester sans rien faire, Néphy tendit cette fois le bras.
« … Puis-je lui donner un coup de main, Maître Zagan ? »
« Oui, s’il te plaît. »
Néphy concentra son esprit et l’averse faiblit. Un instant plus tard, une rafale repoussa le dos d’Alshiera. C’était du mysticisme. Comme ils l’avaient soupçonné, elle pouvait encore l’utiliser dans un rêve.
La vampire vêtue d’un kimono et le garçon dégringolèrent à l’intérieur du vaisseau d’un pas chancelant… ou plutôt, ils furent complètement soufflés par le vent.
Zagan et Néphy s’étaient cachés dans la pièce suivante pour être sûrs de ne pas être découverts. Elle ressemblait à la chambre de marins. Les seules choses à l’intérieur étaient des lits empilés sur trois hauteurs et une petite table. Il y avait aussi ce qui ressemblait à des uniformes et des manteaux accrochés à la fenêtre.
« … Je commence à comprendre pourquoi tu n’arrives pas à la laisser tranquille, Maître Zagan, » déclara Néphy d’un ton un peu étonné, mais sympathique. Dans un sens, cette fille était plus désordonnée que Chastille, c’était donc parfaitement naturel.
Non, je suppose qu’elles sont à peu près pareilles, mais les caractéristiques physiques de Lilith sont bien moindres… Elle n’était pas une sorcière. Même dans un rêve, où elle pouvait mettre en valeur ses capacités réelles, sa force physique semblait extrêmement faible. Il était normal qu’un civil ne puisse pas se mesurer aux normes surhumaines d’Alshiera.
La personne en question avait l’air de faire des efforts pour surmonter de telles lacunes, mais cela ne faisait que rendre la situation encore plus pitoyable. Même Néphy ne pouvait pas la laisser tranquille. Il était également possible que l’Alshiera d’origine soit en mauvais état parce qu’elle était sur un bateau, donc ce n’était peut-être pas entièrement sa faute.
Zagan et Néphy s’étaient fait un signe de tête alors que le garçon reprenait conscience.
« Argh… Qu-Qu’est-ce que vous… ? »
« Oh là là, est-ce comme ça que vous accueillez votre sauveur ? Vous étiez à la dérive dans la mer, vous savez ? »
« Hein… ? Vous… m’avez sauvé ? »
Elle avait réussi à reproduire au moins le ton d’Alshiera. Ainsi, leur conversation avait progressé de manière fluide.
« Alors, c’est un vaisseau fantôme ? »
« Teehee, ce ne sont que des rumeurs. Mais c’est vrai qu’il n’y a personne dans le coin. »
Zagan et Néphy avaient échangé un regard en entendant cela.
« Si personne n’est censé être dans le coin, ça veut dire qu’on gâcherait tout si on se laissait trouver ? » murmura Néphy.
« Je suppose que oui. Je ne suis pas exactement sûr de ce qui s’est passé ici, mais nous pourrions être pris pour les coupables. »
On lui avait dit qu’ils ne pouvaient pas se permettre d’être découverts, mais il ne pensait pas que la conversation deviendrait aussi sérieuse. Zagan aurait souhaité que Lilith lui explique correctement le contexte du rêve avant, car il se sentait extrêmement confus. Il ne lui en voulait pas, cependant, puisque c’était apparemment une circonstance imprévue pour elle aussi. Il était tout à fait possible qu’elle n’ait pas bien saisi le contenu du rêve.
À ce moment-là, Alshiera et le garçon s’étaient rapprochés de la pièce où se trouvaient Zagan et Néphy.
« Oh, c’est mauvais. Néphy, accroche-toi bien à moi. »
« Oui, Maître Zagan. »
Il tenait Néphy dans ses bras et flottait dans les airs comme s’il était collé au plafond. Alshiera et le garçon étaient entrés dans la pièce sans les remarquer et avaient attrapé un des manteaux près de la fenêtre.
« Vous vous sentirez mieux après avoir mis ça. »
Elle avait apparemment cherché des vêtements secs pour le garçon gelé. Malgré cela, il n’avait pas enfilé le manteau et l’avait plutôt posé sur les épaules d’Alshiera.
« N’êtes-vous pas vous-même trempée ? »
« Hein… ? Umm, je vais bien… » répondit « Alshiera », l’air troublé par sa réaction inattendue.
« J-Je n’en ai pas l’impression. Allez, prenez-le. »
Sentant peut-être que le garçon était également très embarrassé, elle avait soudainement viré au rouge.
Hey, il n’y a pas moyen qu’Alshiera ait réagi de cette façon… Cela leur donnait l’impression de ruiner l’image d’Alshiera de toutes sortes de façons. Pour un supposé cauchemar, une certaine sorcière aurait probablement été ravie d’assister à une telle scène.
Après avoir vu le garçon prendre la main d’Alshiera et la conduire hors de la pièce, Néphy poussa un soupir de soulagement.
« Nous avons réussi à rester cachés. »
« Ouais… Cependant, va-t-elle vraiment bien ? Elle n’avait pas l’air de tenir son rôle à la fin. »
Il avait l’intuition qu’elle avait déjà échoué.
« C’est plutôt amusant. C’est comme quand on regardait Chastille et le Seigneur Barbatos sur cette île, » dit Néphy en souriant.
Cela s’était produit à Liucaon. Il fut un temps où Barbatos avait réussi à mettre sérieusement en colère Chastille. Zagan, Néphy et les chevaliers angéliques avaient veillé sur eux lorsqu’ils s’étaient réconciliés. C’était un bon souvenir.
Il est vrai qu’il s’était habitué à regarder quelque chose d’aussi charmant, alors Zagan avait hoché la tête avec un sourire.
« Eh bien, continuons-nous à les surveiller de loin comme nous le faisions à l’époque ? »
« Oui. »
« Alshiera » et le garçon avaient continué à enquêter à l’intérieur du bateau, mais peut-être à cause de qui était à l’intérieur, ça ne dégageait pas du tout l’atmosphère d’un bateau fantôme ou d’un cauchemar. En chemin, des étagères s’étaient effondrées sans raison et des couteaux avaient volé vers eux sans être touchés. On aurait presque pu croire que la malchance de Kuroka l’avait infectée, mais Zagan et Néphy avaient arrêté ce genre de choses avant même qu’ils ne le remarquent.
Après un certain temps, « Alshiera » et le garçon avaient trouvé le coupable derrière l’incident. Ils avaient fait face à un homme qui sirotait effrontément un verre de vin au milieu du réfectoire.
« Avez-vous apprécié les festivités à bord de mon navire ? »
« Arrêtez de déconner ! Quelles festivités ? Pourquoi la ciblez-vous !? »
Zagan et Néphy avaient fini par les surveiller agréablement, mais apparemment « Alshiera » était la véritable cible du coupable. Zagan ne l’avait même pas remarqué, car il avait passé tout son temps à la sauver de son propre comportement maladroit.
« Lilith va-t-elle vraiment s’en sortir ? »
« Uhhh, peut-être… ? Devrions-nous l’aider ? »
Il ne pensait pas qu’Alshiera aurait été en danger, mais c’était Lilith. Il ne pouvait pas se permettre de laisser cette situation se transformer en un véritable cauchemar.
« Je reviens tout de suite. »
Zagan invoqua alors la sorcellerie de suppression du temps propre à l’Archidémon Andrealphus, appelée la Stase. Cela n’arrêtait pas vraiment le temps, mais le rendait très lent. Quiconque était frappé par Zagan dans cet état aurait l’impression d’entrer en contact avec quelque chose se déplaçant bien au-delà de la vitesse du son.
Il s’avança prudemment, s’assurant de ne pas endommager le navire, et se tint devant l’homme. Puis, Zagan tapa légèrement sur le côté de son visage presque comiquement détendu. Il s’assura de se retenir pour que sa tête ne soit pas complètement écrasée, mais l’onde de choc avait déjà été suffisante pour lui briser le cerveau. Dès que le temps redeviendra normal, tout le contenu de sa tête éclatera par l’oreille opposée. Il était honnêtement inquiet de savoir si « Alshiera » serait bien en voyant ça. Il jeta un coup d’œil autour de lui, pensant qu’il devait en faire un peu plus, quand il repéra l’éventail pliant qu’Alshiera venait de laisser tomber.
Je pense que je peux faire croire qu’elle a jeté ça… Zagan ramassa l’éventail et le lança légèrement vers la poitrine de l’homme. Dans ce temps ralenti, un léger coup était suffisant pour faire éclater un cerveau. Et donc, un éventail lancé pouvait au moins briser une pierre.
Après avoir confirmé qu’il n’y avait pas d’autres menaces, Zagan retourna aux côtés de Néphy et défit la Stase. Un boom terrifiant accompagna l’homme et la moitié du mess se faisant souffler. L’éventail pliable avait un pouvoir destructeur bien plus important que ce que Zagan avait imaginé au départ.
« Hein… ? »
Le garçon et « Alshiera » étaient restés complètement sous le choc.
« Maître Zagan, ne penses-tu pas que tu as un peu exagéré… ? »
« Oh… Je pensais juste que la vraie Alshiera ferait au moins ça… Ouais, c’est ça ! »
Il avait l’impression d’avoir complètement gâché le rêve de quelqu’un d’autre, alors Zagan avait feint de garder son calme. Cependant, la destruction ne s’était pas arrêtée au mess. En fait, une fissure s’était ouverte dans l’espace lui-même.
C’est vraiment mauvais, n’est-ce pas… ?
Au moment où il avait pensé cela, cependant, il avait immédiatement réalisé que ce n’était pas le cas.
« Hm, il semble que le rêveur se réveille. »
C’était comme si quelqu’un se réveillait en sursaut en voyant quelque chose de ridicule dans ses rêves. Cependant, Lilith avait probablement détesté ce résultat. La silhouette d’« Alshiera » s’était effondrée, lui rendant sa forme originale. Le garçon haussa la voix en voyant cela.
« H-Hey ! Qu’est-ce qui se passe ici !? »
« C’est bon. Ce n’est qu’un rêve. Vous ne vous en souviendrez même pas quand vous vous réveillerez. Ce n’est qu’un mauvais rêve. »
C’était plus un rêve bizarre qu’un mauvais rêve, mais Zagan avait lu l’ambiance et il était resté silencieux.
Lilith avait souri alors au garçon et avait dit. « Venez maintenant, le mauvais rêve est terminé. Retournez d’où vous venez. »
Le garçon était resté là, sans mot dire.
« Retourner… là d’où je viens… ? »
On aurait presque dit qu’il n’avait aucune idée d’où c’était.
À ce moment-là, le monde des rêves avait disparu. Des ténèbres profondes, qui semblaient signifier une mort certaine, avaient surgi derrière le garçon alors que Lilith tendait le bras pour le tirer en arrière.
Malheureusement, Zagan et Néphy ne l’avaient pas vu arriver… parce qu’ils s’étaient déjà réveillés.
***
Partie 6
Zagan étira légèrement ses bras alors qu’il se réveillait sur son trône.
« Hmm. C’était un bon sommeil. »
Heureusement, il s’était bien souvenu du contenu de son rêve, aussi bien du temps qu’il avait passé avec Néphy que du spectacle amusant qui avait suivi.
« Je vais devoir demander à Lilith de choisir une sorte de récompense pour ça. »
Il était conscient qu’elle faisait des affaires en soulageant de leurs frustrations ses subordonnés au sein du château. Mais sans parler de lui donner de la vitalité en guise de paiement, il avait l’impression d’en avoir reçu. Il ne pouvait pas rester sans remercier un subordonné qui travaillait si dur pour lui. Et alors qu’il réfléchissait à ce qu’il pourrait lui donner, on frappa à la porte de la salle du trône.
« Monseigneur, es-tu réveillé ? »
« Raphaël ? Qu’est-ce que c’est ? »
Il pensait que ce serait Néphy, mais c’était en fait son majordome. Il était encore tôt le matin, un peu trop tôt pour le petit-déjeuner. Raphaël ouvrit la porte avec une expression prudente.
« … Que s’est-il passé ? »
Il semblait qu’il s’agissait de quelque chose d’anormal dans un sens complètement différent de la réunion de famille de la veille. Raphaël prit une petite inspiration avant de dire quoi que ce soit.
« Un invité. »
C’était un rapport bref, mais choquant.
« … Quoi ? »
Zagan doutait de ses oreilles. C’est parce qu’il n’avait rien senti lui-même. Sa barrière enveloppait toute la forêt autour du château. C’était son domaine. Elle n’amplifiait pas seulement son pouvoir de sorcier, elle possédait aussi la capacité de détecter tout intrus. C’était grâce à cette barrière que Foll et Raphaël avaient pu détecter les intrus à distance. Sans tenir compte du fait que Zagan était endormi, la barrière elle-même n’avait pas du tout reconnu cet invité dont Raphaël parlait.
Il n’a même pas laissé passer l’intrusion de Bifrons… Cet Archidémon avait passé la barrière en décomposant son corps en cristaux de brume, mais l’intrusion elle-même avait été détectée. En d’autres termes, cet invité était quelqu’un qui surpassait Bifrons dans le domaine des barrières.
« Qui est là ? »
« Je n’ai pas eu de nom. Elle a exigé de pouvoir vous voir d’abord. »
C’était étonnamment arrogant, ce qui signifie qu’elle possédait un pouvoir qui le soutenait.
Si ce genre de personne se déchaîne, il y aura des victimes parmi mes subordonnés. Il n’était pas très conventionnel d’emmener un étranger qui s’était introduit dans le domaine de quelqu’un d’autre directement chez le roi sans même obtenir son nom, mais dans ce cas, le jugement de Raphaël était correct.
« Compris. Fais-la entrer. »
« Très bien. Comment devons-nous nous préparer ? »
« C’est inutile. C’est un Archidémon, de toute façon. »
Seul un Archidémon pouvait servir d’adversaire à un Archidémon. Et au moment même où il donnait cette réponse à Raphaël…
« Keeheehee, quelle conclusion rapide, pour un petit garçon — le tueur de sorciers Zagan. »
Une ombre effrayante s’était glissée derrière Raphaël.
« … ! Impudente ! »
Raphaël s’était immédiatement préparé à tirer l’épée sacrée de son bras artificiel.
« Ça ne me dérange pas. Laisse-la entrer. »
Défier un Archidémon tout seul serait un poids trop lourd à porter, même pour Raphaël. Laisser passer un manque de courtoisie ne valait rien comparé au risque de perdre un serviteur aussi fidèle.
L’invité était un sorcier portant un masque. Il portait une robe volumineuse qui cachait complètement son physique. Zagan plissa son regard en apercevant une seule lumière derrière son masque argenté.
« Un cyclope… Non, un spectateur. Je vois. Tu es le Seigneur des Yeux Magiques Naberius. »
J’ai eu raison d’arrêter Raphaël. Plusieurs races possédaient naturellement des yeux magiques, mais celle-ci était la pire de toutes. Elle avait la forme d’un humain pour le moment, mais sa véritable forme était celle d’un monstre grotesque composé d’une sphère bulbeuse avec un seul œil géant et d’innombrables tentacules. La caractéristique la plus gênante d’un spectateur était ses yeux magiques.
À première vue, son masque d’argent semblait ne cacher qu’un seul œil, mais on dit que les spectateurs possédaient dix yeux magiques. Chacun d’entre eux cachait un pouvoir inhabituel différent, chacun d’entre eux ayant le pouvoir de détruire facilement un pays entier sans même utiliser la moindre sorcellerie.
Ils n’étaient pas au niveau des dragons, mais ils étaient tout de même des êtres de classe calamité qui surpassaient de loin l’humanité. Ceux qui possédaient naturellement des capacités particulièrement puissantes étaient le genre d’adversaires avec lesquels Zagan avait le plus de mal.
Je vois. Elle a donc vu une brèche dans la barrière avec un de ces yeux magiques et s’est faufilée à l’intérieur. Nephteros avait une fois fait claquer son mana contre la barrière afin de produire une ouverture pour qu’elle puisse entrer. C’était déjà un exploit surhumain, mais le talent de Naberius le faisait passer pour un jeu d’enfant. Honnêtement, Zagan admirait une telle capacité en tant que collègue sorcier.
Zagan gardait son regard fixé sur le Seigneur des Yeux Magiques afin de ne pas négliger le moindre mouvement. Il se réajusta sur son trône et croisa les jambes.
« Devrais-je dire, “Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vus” ? Archidémon Naberius. »
« Ça n’a pas d’importance de toute façon. Tu n’avais pas le loisir de me regarder vraiment à l’époque, n’est-ce pas ? »
« Andrealphus a après tout fait un sacré spectacle devant et au centre. »
« Keeheehee, il était vraiment fort… »
À en juger par son ton, elle savait qu’Andrealphus avait disparu.
Alors, quel est son but ? Zagan ne pensait pas qu’il s’agissait de se venger d’Andrealphus ou de tenter une sorte de sauvetage. Pourtant, il ne voyait aucune raison pour que Naberius lui rende visite à un tel moment.
Zagan ne savait que trois choses sur cet Archidémon. Premièrement, Naberius était une exception, même parmi les Archidémons, qui possédait deux surnoms : le Seigneur des Yeux Magiques et l’Artisan Mystique. Deuxièmement, il avait ignoré le danger de venir ici et en mettant délibérément le pied dans le domaine de Zagan, avec qui il n’était pas en bons termes. Venir ici sans un seul subordonné signifiait braver le danger d’être tué pour une seule erreur, après tout. Et enfin, il était apparemment un excentrique que même Bifrons et Andrealphus évitaient de côtoyer.
Le seul choix possible ici était de commencer par acquérir des informations à partir d’une conversation. Zagan fit claquer ses doigts. Une chaise apparut de l’ombre d’un pilier et se glissa devant Naberius. En même temps, il jeta un coup d’œil à Raphaël.
Recule pour le moment. Il serait gênant pour Naberius de se déchaîner ici. Il valait mieux garder ses autres subordonnés à distance. Il ne voulait pas non plus que Néphy et Foll voient cet excentrique parmi les sorciers. Il avait l’impression que son regard les salirait.
Raphaël avait lu avec précision les intentions de Zagan et s’était incliné en silence avant de quitter la salle du trône et de fermer la porte. Une fois son majordome parti, Zagan tourna son regard vers Naberius.
« Eh bien, puisque tu es venu jusqu’ici pour une visite, pourquoi ne pas te détendre ? »
« Oh là là. J’ai vraiment cru que tu allais soudainement m’attaquer. »
« Je l’envisagerais si c’était une bonne idée, mais je ne suis pas un sauvage au point d’attaquer quelqu’un à l’improviste sans connaître ses intentions. »
Au contraire, si les gens s’éloignaient de Néphy parce que son amoureux était un homme si violent, cela finirait par être un fardeau pour elle.
La lumière derrière le masque argenté de Naberius s’était rétrécie en signe d’admiration.
« Keeheehee. Je vois que tu as beaucoup grandi en seulement un an. Je n’aurais pas autant de mal si Bifrons et Furcas étaient aussi calmes que toi. »
Zagan était déconcerté.
« Comme c’est inattendu. Je ne pensais pas que l’un des Archidémons soit capable d’un tel service. »
« Oh là là, quelle méchanceté ! Les mécènes sont précieux pour un artiste. C’est tout à fait naturel. »
À en juger par la façon dont il avait répondu au sarcasme par le sarcasme, il semble qu’il n’était pas là pour se battre ou s’attirer des faveurs.
Alors, est-ce qu’il cherche à négocier une sorte d’accord ? Cependant, il n’y a rien pour moi… Zagan avait pour principe d’obtenir tout ce qu’il voulait de ses propres mains. Il n’était pas assez perturbé pour avoir besoin de l’aide des autres quand il s’agissait de traiter avec Shere Khan. En fait, pour commencer, il avait prévu de se débarrasser de tous les Archidémons. Orias était une exception, puisqu’elle était la mère de Néphy, mais il avait bien l’intention d’en finir avec Andrealphus.
Le sorcier qu’il avait sous les yeux était en fait un Archidémon au pouvoir redoutable, mais cela ne signifiait pas qu’il y avait un avantage à s’entendre avec lui. De plus, toute personne qui se prétendait artiste était généralement un bon à rien. Il valait mieux ne pas s’engager avec eux.
Donc, je suppose que je vais juste en finir avec lui. Il est venu ici tout seul, sans aucune gêne. Alors que Zagan décidait rapidement d’un plan d’action, Naberius ouvrit la bouche pour mettre un terme à son plan.
« Keeheehee. Je suppose que ça suffit pour les présentations. Bref, je suis venu ici parce qu’il y a quelque chose dont j’aimerais discuter avec toi. J’aimerais que tu prennes le fait que j’ai quitté mon domaine comme un acte de bonne foi. »
« Mrgh… » Zagan grimaça. C’était problématique de le tuer sur le champ comme ça. Ce serait la bonne marche à suivre en tant que sorcier, mais c’était bien trop faible d’esprit pour un roi. Ce n’était pas l’image idéale d’un souverain que Zagan aspirait à être.
C’est un acte de bonne foi détestable, mais c’est à peu près ce que je dois attendre d’un Archidémon. Zagan l’incita à continuer avec ses yeux, et l’œil unique de Naberius, caché derrière son masque d’argent, plissa.
« Il y a un poste vacant parmi les Emblèmes d’Archidémon. Nous, les Archidémons, devons choisir quelqu’un pour occuper ce poste. »
C’était plutôt inattendu. Zagan avait laissé échapper un soupir d’admiration.
C’est, en fait, le travail des Archidémons actifs de choisir un successeur.
« Hmph. Est-ce à propos d’Andrealphus ? Il a disparu, mais je doute qu’il soit mort. N’est-il pas un peu tôt pour lui chercher un successeur ? »
« Keeheehee, quel optimisme ! Andrealphus a servi comme Archidémon en chef précisément à cause de sa force. Et voilà qu’il a été vaincu si facilement. Personne ne voudra le suivre maintenant. En fait, il est plus probable que quelqu’un prenne sa tête dans la journée, n’est-ce pas ? »
Zagan hocha la tête et reconnut sa stupidité en la matière.
C’est dans la nature d’un sorcier de vouloir l’achever une fois qu’il sait qu’il a été vaincu. Certains n’avaient pas trouvé amusant qu’Andrealphus soit un Archidémon. Il y avait aussi des sorciers qui voulaient prendre sa place. Il ne serait pas étrange que quelqu’un l’achève rapidement et devienne un Archidémon par la même occasion.
Si les Archidémons formaient d’étranges cliques entre eux, il serait préférable de choisir simplement un nouvel Archidémon avant que cela ne se produise. En y repensant, quand Andrealphus avait dit qu’il allait achever Shere Khan, il avait peut-être prévu que ce serait sa dernière mission. À ce moment-là, il avait déjà été vaincu par Zagan. Remettre son épée sacrée à Stella et venir parler du bon vieux temps avec Zagan pourrait être considérée comme le fait qu’il avait fait le ménage dans ses affaires avant de quitter son siège. Zagan le savait, mais ne pouvait toujours pas comprendre.
« Alors, pourquoi es-tu venu ici pour en discuter avec moi ? Si quelqu’un est maintenant en possession de l’Emblème d’Andrealphus, c’est bien Shere Khan. »
Quelle que soit l’issue, il était normal de décider du successeur de l’Emblème avec son propriétaire actuel. Et pourtant, Naberius laissa échapper un curieux gloussement.
« C’est le cas de l’Emblème d’Andrealphus. »
L’expression de Zagan était finalement devenue sinistre. Naberius n’avait pas vraiment dit que c’était lié à Andrealphus.
« … Il y a un autre poste vacant ? »
« Je n’en suis pas si sûr. Ce serait bien s’il était vacant maintenant, mais dans le pire des cas, nous devrions peut-être le considérer comme complètement perdu. »
Naberius poussa un soupir, plutôt gêné par la situation actuelle.
***
Partie 7
Un autre Archidémon est tombé ? Il était difficile de croire qu’un Chevalier Angélique avait fait le coup. C’était certainement possible si les douze s’unissaient, mais Raphaël servait Zagan et Chastille ne bougeait pas. Michael avait disparu, et Stella gardait ses distances avec les autres chevaliers angéliques.
Même avec un plan astucieux, il serait pratiquement impossible pour les Archanges restants d’abattre un Archidémon. Ce qui signifie que cela devait être le résultat d’un conflit entre Archidémons ou de quelqu’un mourant de vieillesse. Zagan connaissait au moins les noms et les surnoms de tous les Archidémons, mais il ne les connaissait pas personnellement. De plus, d’après Naberius, l’Emblème lui-même était peut-être entièrement perdu, alors il ne pouvait même pas imaginer ce qui s’était passé.
Quoi qu’il en soit, il répéta sa question. « C’est un sujet sérieux, mais pourquoi es-tu venue me voir ? Tu as sûrement maintenant compris que j’ai l’intention de me débarrasser de tous les Archidémons, y compris toi. »
Cela ne faisait même pas un an que Zagan s’était élevé, et il avait déjà surmonté trois batailles avec d’autres Archidémons. Qui plus est, Zagan avait fait face à Naberius avec une hostilité manifeste dès son arrivée. Aucun Archidémon n’avait été assez incompétent pour baisser sa garde après cela. Naberius avait rétréci son regard comme s’il avait attendu cette question exacte.
« N’est-ce pas évidemment parce que tu as amassé pour toi tous les précédents candidats Archidémons ? La rumeur dit que tu as même vaincu Decarabia. »
Maintenant qu’il le mentionne, tous les précédents candidats Archidémon étaient employés par Zagan. Cela ne faisait qu’un an, il était donc logique que la même liste de candidats soit considérée pour le prochain Archidémon.
« Decarabia… ? » Zagan murmura en grimaçant avant de poursuivre avec une expression sérieuse. « Oh, je l’ai tué. Il ne peut pas revenir. »
Naberius était resté assis, hébété, pendant un moment.
Decarabia n’a pas seulement été tué. Foll l’a mangé.
Son existence avait été annihilée par l’Oeil du Roi d’Argent. Son corps et son esprit étaient redevenus Stella. Un haut elfe ne serait même pas capable de le faire revivre. Même un véritable dieu n’y parviendrait pas. Il n’était même pas possible de le ramener en tant que mort-vivant.
Naberius plissa les yeux comme pour scruter l’esprit de Zagan avant de lâcher un soupir. « Il semble que tu ne plaisantes pas. Pauvre Andrealphus. Cela signifie que sa sorcellerie est arrivée à son terme. »
Les sorciers ne pensaient qu’à eux, mais ils voulaient aussi laisser derrière eux leurs plus grandes inventions : leur sorcellerie. C’est pourquoi les Archidémons prenaient encore des disciples. Ils voulaient graver la preuve de leur existence dans le monde après leur mort.
Zagan en avait appris une partie, donc elle n’était pas complètement perdue. De toute façon, si Andrealphus n’avait pas enregistré toute sa sorcellerie dans des grimoires, elle serait perdue dans un futur proche.
« Laisse-moi aller droit au but, » dit Naberius en fixant Zagan. « Si tu devais choisir un de tes subordonnés pour être le prochain Archidémon, qui ce serait ? »
Zagan avait ressenti une certaine gêne dans sa formulation.
C’est comme s’il disait qu’il soutiendrait le sorcier que je soutiendrai. Avec cela à l’esprit, ses pensées retournèrent à ses pensées précédentes. Cet Archidémon était venu ici pour négocier une sorte de commerce avec Zagan.
En d’autres termes, il a un problème assez important qui le harcèle pour que ça vaille la peine de me mettre dans sa poche pour que je le résolve. C’est certainement pour ça qu’il est là. Non pas que j’ai besoin d’un Archidémon comme subordonné…
Compte tenu de la possibilité qu’un autre sorcier hostile devienne un Archidémon, ce marché avait au moins le mérite de lui éviter quelques tracas. Zagan envisagea de feindre l’ignorance, mais décida qu’il était bon de donner son avis sincère.
« N’importe lequel des candidats archidémons d’il y a un an ferait l’affaire. Mais si je devais en choisir un, ce serait le Purgatoire… ou l’Apparition, » répondit Zagan en haussant les épaules. Honnêtement, il n’avait pas envie de mentionner Foll ici.
Foll possède une force qui ne ferait pas honte au titre d’Archidémon.
Même si Bifrons avait été quelque peu négligent, elle avait quand même réussi à les faire fuir lorsque l’Archidémon avait été sérieux. Quel genre de parent serait Zagan s’il ne pouvait pas reconnaître la croissance de sa fille ?
Quant à son autre choix, Barbatos était à peu près le seul sorcier qui n’était pas déjà un Archidémon et qui pouvait échanger des coups avec Zagan dans un affrontement frontal. Dans un simple combat à mains nues, Kimaris serait capable de se débrouiller aussi bien, mais ce genre de combat n’était même pas la spécialité de Barbatos. Cela méritait des éloges.
Cependant, Naberius attendait une réponse différente. « Un bon choix, mais n’y a-t-il pas un autre candidat approprié ? »
Cependant, je n’ai pas vraiment envie de le mentionner… Il y avait, en fait, un autre sorcier digne d’être candidat.
« Shax, » dit Zagan à contrecœur. « L’ancien disciple de Shere Khan. »
L’œil au fond du masque de Naberius s’était agrandi.
« Hmm… ? C’est la première fois que j’entends ce nom. Quel est son surnom ? »
« Il n’en a pas. Ses compétences en sorcellerie sont en fait assez mauvaises comparées à celles de Gremory et Kimaris. »
« Pourquoi soutenir un sorcier aussi inconnu ? »
« Il ne possède pas beaucoup de force, mais il est intelligent. Ses compétences en sorcellerie sont inférieures à celles des autres candidats, mais il est tout de même de première classe. De plus, il est très talentueux… cependant, son incapacité à lire l’humeur est une faiblesse majeure. »
Zagan trouvait en fait que les sorciers qui comprenaient leurs faiblesses comme Shax étaient bien plus gênants que les puissants Archidémons comme Andrealphus. De tels sorciers ne faisaient jamais preuve de négligence à cause de leur orgueil et faisaient de gros efforts pour surmonter leurs faiblesses. Honnêtement, Zagan estimait Shax suffisamment pour ne pas vouloir s’en faire un ennemi.
C’est précisément parce qu’il tenait Shax en si haute estime que Zagan l’avait envoyé en reconnaissance sur Shere Khan avec Kuroka. Le fait que Shax soit si inconnu que Naberius ne connaissait même pas son nom en était une autre raison majeure. Les Chevaliers Angéliques accordaient plus d’attention aux sorciers, plus ils étaient célèbres.
« Tu ne sembles pas vraiment vouloir que l’un d’entre eux soit un Archidémon, » dit Naberius, dubitatif.
« Bien sûr que non. L’un est mon ennemi. L’autre est ma fille. Quant au dernier, je ne vois qu’un avenir de difficultés s’il devient un Archidémon. »
Toutes les épreuves qui accablaient Shax accableraient aussi inévitablement Kuroka. Cela entraînerait à son tour l’angoisse de Raphaël, aussi Zagan ne voulait-il pas l’approuver en tant qu’Archidémon.
Cela m’irrite de ne pas avoir d’autre choix que de le reconnaître comme candidat.
Naberius était complètement perplexe face à cette réponse. Cela défie ses attentes. Il semblait vraiment qu’il était ici pour obtenir une faveur de Zagan.
« Maintenant, je t’ai dit ce que tu voulais. Occupe-toi déjà de tes affaires, » dit Zagan en jetant un regard noir à Naberius.
« Oh là là, j’ai déjà déclaré la raison de ma venue, tu sais ? »
« Arrête de déconner. Il n’y a aucun sorcier qui ferait quelque chose d’aussi charitable que de soutenir l’Archidémon que je voudrais soutenir pour rien en retour. Je n’ai pas assez de temps libre pour rester assis ici à chercher des réponses plus longtemps que ça. »
Zagan était très occupé. Franchement, il avait envie de trancher impitoyablement la tête de cet Archidémon et d’aller faire un rendez-vous avec Néphy. Même s’il n’était pas en hostilité ouverte avec Naberius, les Archidémons étaient tous des sorciers qui lui apporteraient inévitablement des ennuis.
« Haah... Tu as vu tout ça et tu me traites quand même si froidement. Tu as vraiment une personnalité terrible. »
« Je vais prendre ça comme un compliment. »
« Je n’aurais pas dû faire quelque chose qui ne me ressemble pas, comme essayer de négocier. »
Zagan savait que cet Archidémon portait le second nom d’Artisan Mystique. Cependant, il était du genre à créer tout ce qu’il voulait par lui-même. Il n’avait aucun intérêt pour le travail des autres, même celui de l’Artisan Mystique. C’est précisément parce que Naberius le savait qu’il était venu ici avec une proposition aussi minable.
Naberius ouvrit la bouche à contrecœur, mais il ne s’adressait plus à Zagan. « Tu es là, non ? Arrête de te cacher et montre-toi, Alshiera. »
À son appel, un essaim de chauves-souris s’était rassemblé au centre de la salle du trône.
« Teeheehee. C’était un spectacle assez amusant. »
Le corps de la vampire avait pris forme et les chauves-souris avaient disparu comme une brume. Le talon d’Alshiera tapa sur le sol alors qu’elle faisait la révérence.
« Mes excuses pour vous avoir impliqué dans une affaire aussi pénible, mon roi aux yeux d’argent. J’ai invité Naberius ici. Bien que je n’avais pas l’intention de tenir cette réunion ici, au château. »
C’était suffisant pour que Zagan comprenne en grande partie la situation.
« Je vois. L’une des spécialités de l’artisan mystique Naberius est d’entretenir les chasseurs de séraphins. »
« … C’est très astucieux de votre part. »
« Pas vraiment. Je peux largement deviner en me basant sur la persistance avec laquelle tu les démontes. »
Alshiera était probablement consciente de cela. Tout ce qu’elle pouvait faire était de lui retourner un sourire ambigu. Elle avait ensuite tourné son regard vers Naberius.
« Bon, c’était assez amusant, mais que comptes-tu faire avec une approche aussi détournée ? Je crois que je t’ai déjà payé correctement, n’est-ce pas… ? »
Cette fille avait vécu pendant un millier d’années. Elle connaissait sûrement d’innombrables façons de tourmenter quelqu’un sans le tuer. Zagan ne savait pas quel genre de contrat ils avaient tous les deux, mais Alshiera souriait comme pour souligner à quel point il serait stupide de l’annuler.
Naberius n’avait pas répondu tout de suite. Sa mâchoire se contractait tandis qu’il hésitait à dire quoi que ce soit. Après un petit moment, l’œil au fond de son masque se tourna vers Alshiera.
« Furcas, le Chat de la Valée a franchi ta barrière. »
L’air tremblait d’un bourdonnement. Zagan se tenait sur ses gardes. Il savait que Furcas était le nom d’un des Archidémons, mais il ne savait pas ce qu’était cette barrière.
La barrière d’Alshiera… ? Est-ce la même barrière qui enferme le monde ?
Le continent et l’océan qui l’entoure étaient tout ce qu’il y avait dans ce monde. D’innombrables sorciers avaient essayé de quitter ce territoire scellé, mais tous avaient échoué. Même si certains avaient réussi, pas un seul n’était revenu. Zagan pensait que cette barrière avait été créée à l’origine pour enfermer le Seigneur-Démon et les démons dans ce monde. Il pensait également qu’Alshiera était la gardienne de cette barrière.
La façon dont Naberius l’a formulé donne l’impression que c’est Alshiera qui l’a créée.
Alshiera possédait certes une force qui surpassait même celle des Archidémons, mais elle n’était pas sorcière. Il était douteux qu’un vampire comme elle puisse créer une barrière aussi outrageante. Même avec les trois Trésors Sacrés de Liucaon, c’était difficile à imaginer.
Les yeux d’Alshiera tremblaient avec une rare démonstration de colère franche. « … Ce n’est pas drôle. »
« Je n’ai pas le loisir de venir jusqu’ici juste pour raconter une blague, » répondit Naberius d’un ton décontenancé.
Alshiera poussa un profond soupir. « … Comment ? »
« Les conséquences de la bataille de l’année dernière. Il a sauté à travers la fissure. Cependant, je ne sais pas s’il est passé en toute sécurité. »
La bataille de l’année dernière ? Celle où Marchosias et le sage dragon Orobas sont morts ? À proprement parler, c’était il y a un an et quelques mois. Marchosias n’était pas mort dans la bataille elle-même, mais Zagan pensait qu’il y avait subi des blessures mortelles.
***
Partie 8
Les combats de l’époque avaient-ils été assez violents pour créer une fissure dans la barrière d’Alshiera… ? Ou peut-être que les combats avaient eu lieu précisément parce que quelque chose l’avait brisée ? Il y avait là une bonne quantité d’informations révélatrices et bénéfiques. Mais tout cela était déjà passé. Une telle citation ne nécessitait pas que cet Archidémon s’expose au danger. La partie dangereuse était la façon dont il fournissait toutes ces informations sans chercher à obtenir quelque chose en retour.
Je vois… Elle a l’intention de m’impliquer progressivement !
C’était clairement le genre d’informations que même les Archidémons, qui étaient impliqués dans les secrets du monde, ne devaient pas connaître. C’était un plan imprudent entrepris précisément parce que Zagan n’avait pas accepté son premier accord. Et pourtant, Zagan n’avait aucun moyen de la faire taire.
Zagan leur adressa une grimace désagréable en guise de protestation minimale pour qu’ils aillent régler ça dehors, mais d’un côté il y avait la vampire qui ne semblait pas avoir pris la peine de lire l’ambiance en mille ans, et de l’autre un excentrique dont même les Archidémons gardaient leurs distances. C’était aussi futile que d’essayer de déplacer une montagne avec son souffle.
« Alors, que veux-tu que je fasse ? » demanda Alshiera d’une voix courroucée.
« Peux-tu le ramener ? Si tu ne peux pas ramener Furcas lui-même, alors l’Emblème de l’Archidémon suffira. Le perdre serait un problème pour toi aussi, non ? »
C’était l’Emblème perdu auquel Naberius avait fait allusion plus tôt.
Alshiera secoua la tête avec une expression sinistre. « Tu sembles avoir mal compris quelque chose ici. Je suis une gardienne, pas une gestionnaire. Je préfère que tu ne penses pas que je suis capable de passer librement la barrière. »
Naberius afficha un sourire détestable.
« Mais il y a quelqu’un qui peut, non ? »
Toute expression avait disparu du visage d’Alshiera.
« Ça ne me dérange pas de te tuer ici, juste pour que tu le saches. »
« C’est un mensonge. Tu hésites même à donner des conseils aux vivants. Un sorcier est toujours un être vivant. Toi, en tuer un ? C’est impossible. »
Elle avait raison sur ce point, mais Alshiera avait sorti un Chasseur de Séraphins de sous sa jupe et l’avait dirigé vers Naberius.
« Je ne tue pas. Ça ne veut pas dire que je ne peux pas. »
« Cette demande ne semble pas scandaleuse au point de rompre un serment que tu as protégé pendant mille ans. »
« Oh, » murmura soudain Zagan. Naturellement, Naberius avait souri en levant les yeux vers lui.
« Alors, qu’est-ce qu’il y a, Zagan ? N’hésite pas à dire ce que tu penses. »
Naberius était tout sourire d’avoir finalement entraîné Zagan dans cette affaire.
« … Tu as mal interprété la situation, Naberius, » dit Zagan avec pitié.
« Hein ? »
« D’abord, Alshiera va bientôt disparaître. C’est pourquoi elle agira de manière quelque peu irréfléchie. »
Naberius n’avait probablement aucune idée que la blessure d’Alshiera était si grave. Son œil s’était ouvert en signe de choc.
« Et encore une chose, » continua Zagan. « Ce que tu viens de mentionner est probablement un tabou qui mérite de briser un serment de mille ans. »
C’était si pitoyable que Zagan compatissait un peu avec elle. Cela faisait environ trois mois maintenant qu’Alshiera était venue dans ce château. Zagan pouvait au moins dire ce qui touchait ses nerfs. Forcer le sujet d’Azazel et de son passé, un sujet dont elle évitait de parler, était tabou. En d’autres termes, Alshiera ne la visait pas avec son chasseur de séraphin pour bluffer. La seule raison pour laquelle elle n’avait pas encore tiré était qu’elle considérait les réparations dont les Chasseurs de Séraphins avaient besoin. Naberius disparaîtrait de ce monde s’il choisissait mal ses prochains mots.
Et finalement, Naberius avait réalisé à quel point son choix d’action était mauvais. Son œil montrait des signes évidents de panique.
« Umm, tu ne vas pas me sauver ? » demande-t-elle à Zagan.
« Moi ? Pourquoi le ferais-je ? »
Il le trouvait un peu pitoyable, mais Naberius l’avait cherché. De plus, il l’avait entraîné de force dans cette histoire. Zagan était d’accord pour en finir sans avoir à s’impliquer. De plus, cela signifiait se débarrasser d’un des Archidémons sans avoir à faire quoi que ce soit. Tout ceci était avantageux pour lui.
De plus, Alshiera était une invitée ici, pas sa subordonnée. Il n’avait aucune autorité sur elle. Il était bien trop tard maintenant, mais Naberius commençait sérieusement à paniquer devant sa soudaine situation difficile.
« Zagan, tu ferais mieux de m’aider, tu sais ? »
« Ne te donne pas la peine. Je n’ai besoin de rien de ta part. »
« Oh, mon Dieu. Est-ce vraiment bien pour toi de me mettre de côté ? Il se trouve que je sais exactement ce que tu veux. »
Tout le monde avait quelque chose qu’il désirait. Essayer de provoquer des troubles chez un autre en pêchant un tel désir était la pratique courante des escrocs et des diseurs de bonne aventure. Venant d’un Archidémon, c’était des mots trompeurs destinés à faire tomber leur adversaire. Zagan n’était pas du tout intéressé. Il avait déjà son épouse et sa fille.
« Je vois, » répondit Zagan avec un grognement. « Je l’examinerai si elle a plus de valeur que la cuisine de Néphy. »
Pour d’autres, la plupart des choses auraient eu plus de valeur que cela. Mais aux yeux de Zagan, les repas préparés par son épouse et sa fille bien-aimées étaient bien plus précieux que n’importe quelle parure. Il était possible qu’il existe quelque chose qui surpasse une telle valeur, mais Zagan ne pouvait pas y penser lui-même. Et pourtant, Naberius affichait un sourire détestable comme si Zagan lui lançait enfin une bouée de sauvetage.
« Une bague de mariage. L’artisan mystique Naberius peut créer pour toi la plus belle bague du monde. »
Les accoudoirs du trône de Zagan avaient volé en éclats. Tous les sorciers savaient que Zagan avait dépensé toute sa fortune d’un million d’or pour acheter Néphy. Naturellement, Naberius le savait aussi. C’était précisément la raison pour laquelle c’était son dernier pari. C’était un atout crapuleux digne d’un tel désespoir.
« … Répète ça encore une fois, » dit Zagan d’une voix tremblante.
Naberius avait été complètement décontenancé, se demandant pourquoi il était coincé là, puis il avait immédiatement levé ses deux bras de manière provocante.
« Une bague de mariage. Ne connais-tu pas la coutume de remettre une bague de serment lors d’un mariage ? »
Zagan en avait au moins entendu parler, mais il n’avait jamais vu personne autour de lui en porter une. Eh bien, tous ceux qu’il connaissait étaient soit des sorciers, soit des célibataires. Tout au plus, il avait pu voir quelqu’un en porter une en ville.
Une bague de m-m-m-marriage !? En y repensant, Zagan aurait dû en donner une à Néphy dès le début. Néphy avait dit qu’elle traitait son collier comme une bague de serment, alors il s’était contenté de ça.
Quel échec ! Pourquoi n’avais-je pas remarqué jusqu’à maintenant ? Il avait envie de se gifler pour l’avoir appelée son épouse sans lui avoir jamais donné d’alliance. Alshiera fut complètement décontenancée en voyant Zagan se couvrir le visage d’une honte évidente.
« Laisse-moi te demander une chose, Naberius, » dit Zagan d’un ton craintif. « Qu’est-ce qu’on donne en guise d’alliance ? »
« Plus c’est cher, mieux c’est, bien sûr. Ne penses-tu pas qu’un anneau donné par un Archidémon doit être le meilleur possible ? Par exemple… un anneau fait de Mithril. »
« Mithril !? »
Même les Archidémons trouveraient impossible de raffiner le Mithril. La méthode de fabrication de ce métal était perdue depuis longtemps. Zagan lui-même ne l’avait jamais vu que sur le pendentif de Néphy et dans le bâton du trésor de Raziel. Cependant, la raison pour laquelle le Seigneur des Yeux Magiques Naberius avait reçu un autre second surnom était qu’elle était le seul et unique Archidémon capable de raffiner le Mithril.
Une alliance en Mithril ! Ça irait bien avec le pendentif d’Orias, alors je pense que Néphy l’aimerait… Mais va-t-elle le trouver lourd ? Mrgh… Je ne pense pas.… mais dans tous les cas, ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas préparer une alliance pour elle !
Voyant Zagan si visiblement agité, Naberius lui chuchota d’une voix douce.
« Oh oui, je dois encore donner un cadeau à mon nouvel ami juré, n’est-ce pas ? » Ses mots terribles étaient les murmures d’un démon. « Et si j’en préparais une pour vous deux ? Une alliance en Mithril fabriquée par l’Artisan Mystique conviendrait à un Archidémon. »
Avec cela, l’œil dans le masque de Naberius s’était tourné vers Alshiera.
Je vois. Je ne peux pas permettre à Alshiera de tuer Naberius maintenant. Zagan s’était levé de son trône et avait poussé le chasseur de séraphins d’Alshiera.
« Désolé. Je suis du côté de Naberius pour le moment. Mets ça de côté. »
« Bien…, » dit Alshiera avec épuisement.
Elle savait que ça se passerait comme ça dès que l’alliance avait été mentionnée. Naberius n’avait pas l’air de penser que Zagan pourrait vraiment servir de médiateur pour lui à ce sujet. Il le regardait comme s’il ne comprenait pas bien la situation… Le fait qu’il n’ait pas joué cette carte dès le début montrait qu’il ne pensait pas que cela suffirait à l’apaiser.
« Tu vas le regretter, sache-le. Rien de bon ne vient de s’impliquer avec cet homme…, » dit Alshiera avec exaspération en rangeant son chasseur de séraphins.
« Je vais me débrouiller… Attends, qu’est-ce que tu viens de dire ? »
Cette vampire ne vient-elle pas de mentionner quelque chose d’incroyable ? Alshiera avait laissé échapper un soupir, comme si elle s’y attendait.
« Sexuellement parlant, cet observateur est un homme. »
« Hein… ? » Zagan se tourna vers Naberius.
« C’est exact. Y a-t-il un problème avec ça ? »
« Non, mais c’est quoi cette voix ? »
« Évidemment, parce que je suis plus beau de cette façon, » répondit Naberius avec un sourire. « Aah, mais ne t’inquiète pas. Je ne me soucie pas du sexe de mon partenaire. »
« Ferme ta bouche. »
Zagan avait enfin pu entrevoir pourquoi cet Archidémon était qualifié d’excentrique que même Bifrons évitait.
N’y a-t-il pas une personne décente parmi les Archidémons… ? Offrir une alliance à Néphy était une idée merveilleuse, mais il avait l’impression que c’était beaucoup trop cher maintenant. Alors qu’il commençait à le regretter, la porte de la salle du trône s’ouvrit violemment sans même qu’on ait frappé.
« Monsieur Zagan ! C’est mauvais ! »
De façon inattendue, Selphy se précipita dans la pièce. Ce qui était encore plus inattendu, c’est qu’elle avait une expression sérieuse et était clairement en train de paniquer.
« … Qu’est-ce qu’il y a ? »
Il s’était passé quelque chose. Naberius était toujours là, mais Zagan avait couru vers Selphy. Elle s’était accrochée à lui en respirant de façon irrégulière sans même essayer de se calmer.
« Lilith… Lilith n’est pas revenue de son rêve ! »
Zagan s’était soudain rendu compte que les problèmes venaient des endroits les plus inattendus.