Le Dilemme d’un Archidémon – Tome 11 – Chapitre 1 – Partie 1

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Chapitre 1 : Parfois, les individus de l’intérieur et de l’extérieur sont désespérément incapables de se regarder dans les yeux

Partie 1

« Avez-vous besoin de moi ? »

Il se trouvait sur une plaine herbeuse avec d’innombrables épées plantées dans le sol. C’était le lieu d’une formidable bataille qui avait eu lieu il y a un peu plus d’un an. Deux groupes qui auraient dû être des ennemis mortels, les sorciers et les chevaliers angéliques, avaient combattu côte à côte et avaient même été rejoints par le Dragon Sage, mourant tous d’une mort noble.

Deux silhouettes se tenaient parmi la myriade de pierres tombales. Tous deux portaient des capuchons sur les yeux, rendant leur visage, leur physique et même leur sexe complètement indistincts. La personne qui avait parlé en premier avait le dos tourné vis-à-vis de l’autre invidu.

« Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai besoin de quelque chose. J’ai simplement pensé vous donner un avertissement en tant que compagnon Archidémon, » répondit la seconde silhouette d’une voix insistante et saccharine avant de poursuivre sur un ton imposant. « Vous ne devez pas continuer au-delà de ce point. Ce sont les mots de Marchosias, Chat des Vallées Furcas. »

Le personnage nommé Furcas avait frissonné à la mention de ce nom.

« C’est une déclaration plutôt inhabituelle de la part de l’Archidémon Naberius, entre tous. Ou préférez-vous Artisan Mystique, ou peut-être Seigneur des Yeux Magiques Naberius ? »

La voix tonitruante de Furcas avait légèrement repoussé la capuche de Naberius, révélant un masque d’argent. Il était fait de Mithril. Une fissure unique longeait un côté du masque, laissant apparaître une lumière qui ressemblait aux ténèbres de l’enfer combinées à un rubis.

C’était probablement une forme d’œil magique. L’œil maléfique de Balor, l’œil du roi d’argent, le regard hypnotique. Il existait de nombreux pouvoirs, qu’ils soient issus de la sorcellerie ou d’implants artificiels, qui étaient classés comme des yeux magiques. Cependant, l’œil de Naberius était particulièrement spécial parmi tous ces pouvoirs.

Les sorciers d’exception recevaient un surnom, mais on ne leur en donnait jamais un deuxième. C’était parce que ce surnom était un symbole du domaine qu’ils portaient à l’extrême. Cet Archidémon avait la particularité d’avoir deux surnoms.

L’œil rubis de Naberius se rétrécit sous le masque. Ce simple geste n’aurait rien donné s’il avait été fait par n’importe qui d’autre, mais lorsqu’il était exécuté par le Seigneur des Yeux Magiques, il avait suffisamment de pression pour lancer une malédiction de pétrification sur toute personne ayant un mana assez faible. En fait, les brins d’herbe aux pieds de Naberius se transformèrent impuissants en tas de sel et s’effritèrent.

Pourtant, Furcas n’avait pas tenu compte de ce regard et avait simplement demandé : « Naberius, combien de siècles se sont écoulés depuis que vous êtes devenu un Archidémon ? »

« … Qui sait ? J’ai oublié. Je ne m’ennuie pas au point de compter ce genre de choses. »

Furcas ne montra aucun signe d’attention à la réponse, et continua simplement à parler avec chagrin, disant. « Cela fait 500 ans pour moi. Cinq siècles que je suis devenu un Archidémon. Il n’y a pas une seule parcelle de terre dans ce monde que je n’ai pas foulée. La Terre Sainte du Nord, l’Atlastia de la Cité de l’Océan, l’Iris dans les cieux, même la terre sous la garde du grand Dragon Sage, Faskomilio. Il n’y a plus rien d’inconnu qui me reste à poursuivre. »

Naberius répondit par un soupir, puis il déclara. « Pourquoi le cerveau humain imagine-t-il et rêvasse-t-il ? Pourquoi le souffle d’un dragon apporte-t-il la destruction à toute la création ? Pourquoi le mana et l’aura s’opposent-ils alors qu’ils reposent sur les mêmes bases ? » Une main en armure s’étira du manteau de Naberius, ses doigts comptant un par un. « Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Il y a d’innombrables faits inconnus qui doivent encore être expliqués là-bas. N’est-ce pas bien trop arrogant, même pour un Archidémon, de prétendre ne pas les voir et d’agir comme si vous saviez tout ? »

Même avec une durée de vie prolongée par la sorcellerie, de nombreux mystères inconnus ne pouvaient pas être explorés dans les livres. Il était impardonnable même pour un Archidémon de nier cela. Ainsi, la voix de Naberius était remplie de colère.

« Je ne suis pas intéressé par tout cela, » répondit Furcas d’une voix creuse. Mais ce n’était pas par mépris, mais par chagrin. Furcas s’était finalement retourné pour faire face à Naberius et il poursuivit : « Je ne suis pas du tout intéressé. Dites-moi, cela vous convient-il vraiment ? Oui, il est possible de trouver d’innombrables inconnus dans les limites de la sorcellerie. Et honnêtement, j’envie même ceux qui sont satisfaits par de telles poursuites. Cependant, cela ne m’intéresse pas. »

Furcas leva les yeux au ciel en se lamentant, semblant en fait se sentir déprimé par cette pensée.

« J’ai affiné ma sorcellerie à la recherche de terres invisibles. Et pourtant, ce monde est bien trop petit. Au-delà de l’horizon, au-delà du ciel sans fin, même cette mer d’étoiles scintillantes n’est rien d’autre qu’une image encadrée de nourriture gastronomique dans un monde fermé. Je suis fatigué de tout cela. »

L’artisan mystique Naberius et le chat des vallées Furcas voyaient le monde bien trop différemment. Ils n’avaient jamais eu la chance de s’entendre.

« Je n’arrive vraiment pas à m’entendre avec vous, Furcas, » dit Naberius avec un soupir.

« Nous sommes d’accord pour une fois. Vous êtes le seul avec qui je suis incapable d’avoir une conversation correcte. »

Ainsi, tout en sachant que c’était inutile, Naberius leva les yeux au ciel avec Furcas et il déclara. « … Ce n’est pas différent du suicide, non ? »

« Je m’en fiche. J’ai attendu un an depuis la mort de Marchosias. C’est un temps suffisant pour remplir mes obligations. »

« Cependant, le chef actuel est Andrealphus. »

« Il a aussi disparu. Marchosias est une chose, mais je n’ai aucune raison de pleurer sa perte. »

Était-ce la raison pour laquelle Furcas avait choisi d’agir maintenant, plus que jamais ? Naberius poussa un soupir pour la énième fois. Un mois s’était écoulé depuis que l’Archidémon en chef Andrealphus était parti purger l’Archidémon Shere Khan. Et depuis ce temps, il avait disparu.

Shere Khan l’a-t-il tué ? Ou peut-être est-ce Bifrons qui est à blâmer ?

Naberius pensait qu’Andrealphus était le plus puissant des Archidémons actuels. Et les autres Archidémons étaient probablement d’accord. Il était indéniablement vrai qu’il avait surpassé Marchosias, qui s’était affaibli au cours de ses dernières années à cause de l’âge.

Pourtant, je suppose que cet homme n’était pas très populaire…

Les sorciers n’avaient pas simplement appris la sorcellerie parce qu’ils souhaitaient devenir plus forts. Le désir de force ne prenait vraiment racine qu’au cours des premières années, lorsque les connaissances d’une personne pouvaient être facilement pillées par d’autres, rendant impossible toute recherche jusqu’à ce qu’un minimum de force soit acquis. Malheureusement, la force seule n’était pas suffisante pour inspirer le respect aux autres sorciers.

C’est pourquoi Andrealphus, qui s’était consacré à l’acquisition de la sorcellerie pour se rendre plus fort que n’importe qui, ne recueillait aucune sympathie de la part des sorciers. Néanmoins, il avait été choisi comme Archidémon en chef en raison du pouvoir qu’il possédait pour agir en tant qu’exécuteur. Et pourtant, il avait été terrassé en l’espace d’un an.

C’est toujours un Archidémon, donc je doute qu’être tué suffise à l’immobiliser…

Ce qui signifiait qu’il était soit affaibli au point de ne pas pouvoir se montrer, soit emprisonné. S’il était vraiment mort, alors il n’avait aucune valeur. Même Naberius avait ressenti un irrépressible sentiment de déception à cette idée.

« Oublie Andrealphus. Cette fille ne se taira pas si vous passez la barrière, vous savez ? » fit remarquer Naberius, ce qui fit tressaillir Furcas.

« Alshiera… Le célèbre gardien de la barrière, hein ? »

C’était un monstre qui avait fait dire à Marchosias. « Alshiera est la seule personne avec laquelle il ne faut jamais créer de problèmes. » En tant que gardienne de la barrière, elle exerçait apparemment un pouvoir qui rivalisait avec celui du sage dragon Orobas, sans parler d’un minable Archidémon.

Malgré cela, elle peut être assez mignonne…

Quoi qu’il en soit, il est vrai que Naberius ne voulait pas faire d’elle une ennemie.

« Pas de problème, » répondit Furcas en secouant la tête. « Elle est affaiblie au point de devoir prendre en main les chasseurs de séraphins, non ? Elle est venue vous voir pour les réparer, n’est-ce pas ? »

C’est pourquoi je déteste parler aux Archidémons. Même un ermite comme Furcas est assez rusé.

« … Quel homme indécent, écoutant aux portes le secret d’une jeune fille, » dit Naberius, une main repoussant le masque d’argent.

Malheureusement, il n’y avait plus aucun moyen de convaincre Furcas de faire marche arrière. Ils étaient dans une impasse. Et au moment même où cette pensée traversait l’esprit de Naberius, Furcas devenait étrangement hésitant.

« Maintenant que j’y pense, je n’ai jamais fait une telle rencontre malgré une errance constante dans ce monde. »

« … Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Naberius ne comprenait pas, mais Furcas s’était débarrassé de cette hésitation et il avait flotté dans les airs.

« Adieu, Archidémon Naberius. Vos plaisanteries frivoles étaient grinçantes à l’oreille, mais c’était une bonne perte de temps. »

« Au revoir, Archidémon Furcas. Je ne comprendrai jamais votre hobby, mais je vous souhaite bonne chance. »

Sur ce, Furcas disparut dans le ciel, se glissant dans la crevasse où cet être, celui que Bifrons appelait le Seigneur-Démon, s’était manifesté il y a un an et quelques mois.

« … Eh bien, je dirais que j’ai payé ma dette, n’est-ce pas, Marchosias ? »

En fin de compte, Naberius n’avait pas réussi à arrêter Furcas, mais il s’était quand même débrouillé aussi bien qu’on pouvait l’espérer.

Quand même, perdre une épée sacrée… et maintenant un emblème d’Archidémon… C’est plutôt mauvais, n’est-ce pas ?

Le sceau était resté intact grâce aux vies du sage dragon Orobas, de Marchosias et d’innombrables chevaliers angéliques. Cependant, en un peu plus d’un an, il avait commencé à s’effilocher une fois de plus. Le responsable était-il Shere Khan ? Ou Bifrons ? Ou peut-être les deux ?

Ce n’était actuellement rien de plus que la plus petite des fissures, mais la « porte » était déjà ouverte. « Ça » l’avait reconnu comme tel. La destruction du sceau ne pouvait plus être arrêtée. Avec la perte continue des sceaux d’Archidémon et des épées sacrées, il n’y avait sûrement plus aucun moyen d’arrêter « ça ». Le monde avait déjà entamé une spirale vers sa perte inévitable.

Mais cela n’avait rien à voir avec Furcas. Il était déjà désespérément fatigué du monde, et Naberius n’avait aucun moyen de l’arrêter. Et il n’y avait pas que Furcas, d’ailleurs. En raison de la disparition d’Andrealphus, les autres Archidémons qui s’étaient tenus tranquilles allaient certainement commencer à agir selon leurs propres caprices. Naberius poussa un nouveau soupir et leva les yeux au ciel.

« Marchosias. Pensez-vous que ce monde a changé en une seule année ? »

L’Archidémon masqué eut au moins la curiosité d’aller confirmer si tel était le cas, même au sein d’un monde en voie d’extinction, et disparut ainsi dans le néant.

Une fois les personnages partis, quelque chose ressemblant à un cri de désespoir résonna dans la fissure du ciel, se projetant dans les airs sans atteindre une seule oreille.

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3 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

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