Chapitre 2 : Compte à rebours pour la guerre des sœurs
Table des matières
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Chapitre 2 : Compte à rebours pour la guerre des sœurs
Partie 1
« Nous avons franchi les frontières, ma dame. »
« Vous avez tous entendu ? Nous avons quitté les frontières d’Alsamira. Qui sait quels assassins sont à l’affût ? Soyez sur vos gardes. »
Un bus traversait le désert tentaculaire qui entourait l’État indépendant d’Alsamira. C’était un endroit sans loi, connu pour être le foyer d’une bête gigantesque, le basilic. Un territoire au-delà de la portée de l’œil humain.
Cependant, leur hypervigilance n’était pas dirigée vers la bête elle-même, mais plutôt vers les autres êtres humains.
« Faites attention au groupe de l’homme masqué. »
Sisbell avait l’air de faire une annonce dans la cabine en tant que membre d’équipage. Elle devait essayer de projeter sa voix puisqu’elle était assise avec les quatre membres de l’unité impériale.
« Je ne pense pas qu’il y aura beaucoup d’ennemis, mais j’imagine que ceux que nous rencontrerons seront des combattants d’élite. Ils ont l’intention de m’appréhender, et… »
« J’ai l’impression d’écouter un disque rayé. »
Allongé sur le siège en cuir, Jhin semblait s’ennuyer à mourir.
« Vous nous l’avez déjà dit il y a deux jours à notre hôtel. Et hier à votre hôtel. Une fois est plus que suffisant, et la troisième fois ne fait pas son charme. »
« C’est important ! Ça mérite d’être répété ! » rétorqua Sisbell en faisant une moue de frustration. « Hier encore, on se posait des questions les uns aux autres. Nous avons besoin de temps pour réviser ! »
« Ce sont des traîtres de la Souveraineté de Nebulis, qui espèrent renverser la reine et faire la guerre à l’Empire ou quelque chose comme ça. »
« O-Oui ! »
« Mais nous n’avons aucun moyen de vérifier la validité de cette affirmation. » Il semblait rejeter tout ce qu’elle disait. « Je veux dire, qui sait si vous n’êtes pas vous-même la traîtresse qui essayez de renverser la dirigeante actuelle ? Dans tous les cas, je n’ai pas envie d’en apprendre trop sur l’ennemi. Pour nous, votre reine est la chef de nos adversaires. »
« … »
« Si nous sommes négligents, le quartier général aura vent de tout ça. Je n’ai pas l’intention de prendre ce risque. »
« … Je suppose que vous ne le feriez pas. » La plus jeune princesse de Nebulis s’était mordu les lèvres.
« C’est juste, » murmura le vieux monsieur assis derrière le volant. « Nous avons fait ce marché pour un échange. Il n’est pas basé sur la confiance. Nous allons seulement vous dire ce qui est pertinent pour vous en tant que gardes. »
C’était Shuvalts. Le chaperon de la princesse.
C’était un homme âgé aux cheveux gris soignés, vêtu de son habituel costume noir mince, qui n’avait pas une seule ride. Perspicace serait le meilleur mot pour le décrire.
Il surveillait les poursuivants du Seigneur Masqué depuis son volant.
… Est-il le « Rin » de Sisbell ? J’ai entendu dire qu’il était son seul confident au palais.
Cependant, il n’était pas à la hauteur lorsqu’il s’agissait de se battre. Contrairement à Rin, le gardien d’Alice, le pouvoir astral de Shuvalts n’était pas adapté au combat.
« Ma dame, cet arrangement est transactionnel. Pas de place pour les émotions. »
« … Je le sais, Shuvalts. » Sisbell avait pris une profonde inspiration. « Bref, j’essaie juste de dire que je vous fais confiance pour éliminer les assassins. »
« Capitaine ? Es-tu d’accord avec ça ? »
« Hm ? Euh, t-totalement ! » La capitaine s’était redressée d’un bond. « Mais c’est la première et la dernière fois ! S’il vous plaît, ne continuez pas à interagir avec nous une fois que c’est terminé ! »
« Bien sûr. Mais je vais faire pleinement usage de ça. Nous ne sommes que des partenaires commerciaux au-delà des frontières. » Sisbell avait hoché la tête, apparemment satisfaite d’elle-même. Elle avait fait un tour tranquille du bus.
« Iska ? Sais-tu ce que cela signifie ? »
« Quoi ? »
« Tu es mon subordonné — à partir d’aujourd’hui ! »
La princesse sorcière s’était placée entre Mismis et Iska. Elle avait passé son bras autour de son biceps.
« Ça doit être ce qu’on appelle le “destin”. Prévue par les étoiles ! Je pense que nous aurons une bonne relation de travail. »
« … Hmm. »
« Contre vents et marées. Lorsque la voie à suivre devient difficile, nous affronterons les obstacles ensemble. »
« Hum, je pensais que j’étais ton garde. »
Depuis quand est-il devenu son subordonné ?
L’expression « partenaires commerciaux » ne signifie-t-elle pas qu’ils sont sur un pied d’égalité ?
« Ah, oui. Désolée. »
Elle avait dû faire ça exprès.
Le sourire malicieux de Sisbell laissait entendre qu’elle en savait plus qu’elle ne le laissait croire. De plus, il n’était pas sûr que ce soit son imagination, mais il semblait qu’elle trouvait toujours des excuses pour le toucher. En ce moment, avec son bras autour de lui, elle pressait sa poitrine contre lui à travers sa robe fine. Il n’y avait aucun doute sur la sensation de ses seins, bien qu’ils semblaient être plutôt petits.
Elle le regardait avec ses yeux implorants.
« Tu sais que tu es le bienvenu pour être mon subordonné à tout moment. »
« Arrêtez ça ! » objecta Mismis.
« Pas possible ! » Néné avait rugi.
Leurs protestations avaient résonné dans le bus.
« Qu’est-ce que cette sorcière raconte !? Iska est mon subordonné ! »
« Oh ? Mais n’êtes-vous pas une sorcière, Capitaine Mismis ? »
« Iska fait partie de mon cercle ! Vous ne pouvez pas me le voler comme ça ! »
« Je le suis aussi, techniquement. Je ne vois pas le problème. »
Toutes les trois s’étaient regardées fixement.
Sisbell avait été la première à se retirer. « … J’ai confiance en toi. Comme tu peux le constater, mon seul allié est Shuvalts. »
Personne n’avait émis d’objection.
Jhin avait proposé que l’Unité 907 ne mette pas son nez dans les affaires de Sisbell — que ce soit en rapport avec ses objectifs ou son statut. La capitaine Mismis avait accepté.
… Jhin l’a positionné comme quelque chose pour nous protéger d’être pris par le quartier général… mais cela signifie aussi que Sisbell peut continuer à cacher son identité.
La plus jeune princesse. Parmi les objectifs qu’Iska connaissait, elle en avait deux très élevés.
D’abord, pour protéger la vie de sa mère, la reine.
Ensuite, révéler les traîtres qui complotaient pour renverser la nation. Avec ses pouvoirs astraux, c’était possible, avec du temps.
Il était le seul à le savoir.
Mismis, Jhin et Néné avaient décidé de ne pas s’immiscer dans ses affaires.
… Jhin a fait le bon choix… Je veux dire, c’est la même raison pour laquelle ils ne savent rien de ma relation avec Alice.
Tout membre de l’Empire ayant des liens avec la Souveraineté encourait la peine capitale. Même Iska avait été condamné à la prison à vie, et il était un Saint Disciple aux compétences uniques. Le Siège n’avait aucune pitié pour les traîtres.
« Il fait toujours si chaud. » La princesse s’était éventée avec une paume ouverte. « Traverser le désert n’est pas facile. J’ai déjà eu assez de cette chaleur en venant ici. Si ma grande sœur, Alice, était là, il ferait plus frais. »
« Hm ? »
« Ah, rien ! » Sisbell avait glapi lorsque Jhin lui avait lancé un regard perçant. Il repérait tout.
« Iska, tu sembles terriblement calme. »
« Oui, je veux dire, la climatisation fonctionne, et… »
Pourquoi Sisbell s’accrochait-elle à lui si elle avait si chaud ? Tous les autres sièges étaient vides.
« … Pourquoi ne pas t’asseoir dans un endroit plus frais ? »
« Non. » Elle avait levé le nez, comme une gamine snob.
Maintenant qu’il y pense, Iska ne savait pas quel âge elle avait.
D’après les apparences, elle devait avoir un an ou deux de moins que Néné.
« Quel âge as-tu ? »
« J’ai seize ans. Dix-sept ans cette année. »
« … Oh ? Alors ça veut dire que j’ai un an de plus que toi. »
… J’ai l’impression de me souvenir… d’avoir eu cette conversation avec Alice.
La jeune sœur d’Alice était à côté de lui.
Elle avait le sang de la Fondatrice. Une Sang Pure. Une fille de la reine.
Elle était l’otage idéal pour les négociations de paix. Elle était le type de sorcière qu’Iska avait désespérément cherché sur les champs de bataille. Et elle était là, sans défense, se blottissant contre lui.
… Il ne serait pas étrange que je la retienne en tant que soldat impérial… Mais je ne peux pas. Nous avons besoin de cet adhésif pour Mismis.
Ils avaient négocié ce partenariat de travail.
C’est pourquoi il n’avait d’autre choix que de supporter cette attention. Il ne s’était pas attaché à elle ou quoi que ce soit.
Tout était bon à prendre une fois que cette affaire de garde serait terminée. Si jamais leurs chemins se croisaient sur un champ de bataille, il n’hésiterait pas à appréhender la même fille qu’il aidait à s’échapper.
C’était la même chose avec Alice. Dans les tranchées, il n’aurait d’autre choix que de la combattre.
« Sisbell, laisse-moi clarifier une chose. »
Iska avait regardé droit dans les yeux de la fille à côté de lui. Il devait couper tous les liens.
« Une fois que nous aurons fini de te protéger, toi et moi n’aurons plus rien à voir l’un avec l’autre. Si nous nous rencontrons sur le champ de bataille, nous serons ennemis. Tu comprends ça, n’est-ce pas ? »
« Bien sûr, pourquoi ? » Elle avait hoché la tête calmement, même si sa voix semblait joyeuse. « “Une fois que tu auras fini de me protéger”, hein ? Ça veut dire que tu es mon allié jusque là ! Je vois clair dans ton jeu ! »
« … »
Cela avait eu l’effet inverse.
Il essayait de mettre des limites. Mais elle avait trouvé la faille.
« C’est bon… Même si c’est juste pour cette courte période… »
« Sisbell ? »
« … Je te suis reconnaissante. Je suis contente que tu sois là. »
Il pouvait à peine l’entendre.
En fait, il doutait que quelqu’un d’autre — ni le capitaine Mismis, ni Néné, ni Jhin — puisse entendre cette déclaration douloureuse.
C’était presque inaudible, mais il pouvait dire à la façon dont ses épaules bougeaient contre les siennes alors qu’elle parlait, et avec émotion.
« Je vais tenir ma promesse. Si tu peux m’amener au palais, je te donnerai les adhésifs. S’il te plaît, protège-moi… »
« — »
Il était perdu. Il ne pouvait pas se battre. Il ne pouvait plus la pousser afin qu’elle ne s’accroche pas à lui. Pour la durée de son service, elle en avait le droit.
… Elle doit être si anxieuse… Et ce qu’elle a dit venait du cœur. Je le sais.
La capitaine Mismis et Néné avaient commencé à la regarder d’un air menaçant.
La lueur dans leurs yeux était si forte que cela l’avait même effrayée.
« Vous voyez, je ne peux pas dire non… » Iska avait essayé de protester d’une petite voix et avait soupiré.
***
Partie 2
La route s’étendait au-delà du désert.
Leur détour délibéré sur la route entre les villes neutres avait ajouté quatre heures à leur voyage.
« Ma dame. »
« … »
« S’il vous plaît, réveillez-vous. »
« — Eep !? »
La jeune fille s’était réveillée après que le vieil homme assis sur le siège du conducteur l’ait appelée. Elle s’était levée de son siège à côté d’Iska, regardant tout autour d’elle dans le véhicule alors qu’elle reprenait ses esprits.
« Euh… Est-on près de la frontière ? »
« Nous sommes sur le parking de l’Highway Oasis — le HWO. C’est une halte avec des hôtels et des restaurants pour les personnes qui utilisent les bus longue distance. Je crois que c’est la première fois que vous venez ici, madame. »
À l’extérieur du véhicule, le ciel était déjà sombre. En montrant la fenêtre, Shuvalts s’était levé du siège du conducteur.
« Je devais éviter le chemin le plus court vers la Souveraineté, qui attirerait l’attention des Zoa. Et les rues à la nuit tombée comportent leurs propres dangers. Avec les bêtes qui errent sur les routes, j’ai pensé qu’il serait préférable que nous nous arrêtions au HWO. »
« Bien vu, Shuvalts. J’ai faim, moi aussi. »
Sisbell avait regardé vers les restaurants de l’autre côté du parking.
« Allons-y, Iska. Il y a beaucoup de restaurants parmi lesquels choisir. Que veux-tu manger ? »
« Là où tu voudrais aller. Nous sommes vos gardes après tout. »
« Oh ! » Elle semblait émue, saisissant de force la main d’Iska. « Alors tu vas m’accompagner. C’est notre destin ! Tu avoues pratiquement que tu es mon subordonné ! »
« … On dirait que quelqu’un a retrouvé son énergie après sa sieste. »
« J’ai dormi comme un bébé, grâce à toi ! » Elle s’était accrochée à sa main, l’entraînant avec elle.
Lorsqu’elle avait ronflé doucement à côté de lui pendant le trajet, Iska avait eu l’impression qu’elle était douce. Mais maintenant, elle dégageait l’air d’une aristocrate confiante.
« Si tu te sens mieux, pourrais-tu bientôt lâcher ma main ? »
« Jamais. »
Il aurait mieux valu qu’il reste silencieux. Elle avait serré sa main plus fort que jamais.
« Ceci est une mission. Ceci est une mission. Ceci est une mission… »
« Hé, patron ? Je sens une vibration meurtrière en toi. »
« Nous sommes des gardes du corps. Nous sommes des gardes du corps. Nous sommes des gardes du corps… »
« Hey, Néné ? Je crois qu’elle déteint sur toi. »
Deux paires d’yeux injectés de sang avaient clignoté en rouge.
Elles essayaient d’avertir la sorcière de s’éloigner d’Iska. Malheureusement, Sisbell n’était pas du tout au courant et ne montrait aucun signe qu’elle les avait remarquées.
« Où veux-tu aller ? » La princesse s’était accrochée au bras d’Iska.
Elle agissait comme si elle était sa petite sœur, attachée par la hanche.
« Oh, je sais ! Devine mon plat préféré, comme preuve de notre amitié. Nous le mangerons pour le dîner. »
« Veux-tu que je le devine ? »
« Hee-hee. Je vois que tu te bats. Si c’est trop dur, je peux faire un choix multiple. »
« … Les pâtes. »
« Quoi ? Ce n’est pas possible ! C’est exact ! » Elle était bouche bée. « Comment as-tu su ? »
« Appelle ça une intuition. »
Les sœurs partageaient donc leurs plats favoris. Iska avait dissimulé son petit sourire, en traversant le parking.
… Je me demande ce que fait Alice… Elle a dû retourner à la Souveraineté. J’imagine qu’elle a du mal à gérer tout ça.
Nebulis n’était pas un monolithe, même parmi les filles de la reine.
« N’est-elle pas ta petite sœur ? »
« Oui, mais une seule d’entre nous peut devenir reine. »
Les sœurs se surveillaient mutuellement.
Alice ne voulait pas que sa jeune sœur soit au courant de ses nombreuses rencontres avec un soldat impérial.
Sisbell se méfiait de sa grande sœur alors qu’elle recherchait le traître qui complotait avec l’Empire.
Et Iska était le seul à savoir tout cela. Leur ennemi.
C’était ironique. Elles ne pouvaient pas se confier l’une à l’autre, car elles s’affrontaient pour le trône.
… Non pas que ce soit mes affaires… Cela concerne notre ennemi juré. Rien qui ne doive préoccuper un soldat impérial.
Il ne se sentait pas trop impliqué, même s’il ne pouvait s’empêcher de remarquer que leurs plats préférés étaient les mêmes, même s’il pouvait sentir le lien indéfectible qui les unissait et que les sœurs elles-mêmes ignoraient.
« Hm ? Y a-t-il un problème, Iska ? Pourquoi ce soupir ? »
« Parce que j’en avais envie…, » répondit Iska en se détournant de la princesse sorcière.
+++
Dans la tour des étoiles du palais de la Souveraineté de Nebulis.
Alice avait toujours hâte de contempler le ciel nocturne depuis son balcon. C’était un de ses petits plaisirs avant d’aller se coucher à Sion, la boîte à bijoux aux cloches.
« … Un autre jour pour les livres, hein. »
Contre la sphère céleste noire, les étoiles scintillaient comme des pierres précieuses renversées d’un coffre à trésor. Il y avait trop de constellations et d’étoiles filantes pour les compter, s’écoulant des cieux jusqu’à l’horizon.
« Oof, c’est froid… »
Le vent la glaçait jusqu’à la moelle alors qu’elle ne portait qu’une fine chemise de nuit. La chair de poule s’était formée sur sa peau et elle avait commencé à frissonner.
… Je suis bien comme ça… Ça me vide la tête. Elle s’était appuyée sur la rambarde du balcon et avait expiré.
« Je me demande ce que fait Sisbell en ce moment… »
La reine avait dépêché deux de ses gardes la veille. Au plus tôt, ils atteindraient Alsamira ce soir ou demain matin.
Jusque là, Sisbell serait pratiquement sans défense.
Elle se sentait mal à l’aise du fait que Sisbell n’ait que son chaperon, Shuvalts, avec elle. Si quelque chose comme un Objet développé par l’Empire était envoyé, sa vie serait en danger.
… Non. Les Zoa sont plus dangereux… Ils essaieraient de la retenir en la soupçonnant de trahison.
Les trois familles avaient toutes l’autorité de l’inquisition.
Lorsqu’un membre de l’un des clans était accusé de trahison, les clans devaient s’occuper du « nettoyage » — ce qui signifiait que c’était à la famille royale de capturer ses propres membres.
« C’est le dernier recours. Puisque la situation de Sisbell est dans le gris, ils ne devraient pas être en mesure de faire un geste… »
La Maison de Zoa avait déjà laissé passer une opportunité indéniable, il y a quelques jours, lorsque Sisbell et Iska avaient pris contact.
Si les Zoa avaient été témoins de cette rencontre, Alice et la reine n’auraient pas été en mesure de la protéger.
« Je me demande qui peut être ce garçon à côté de vous. »
« Attendez, Seigneur Masqué ! Je ne suis pas de connivence avec l’ennemi. »
À ce moment-là, l’Objet avait été une bénédiction déguisée.
Le Seigneur Masqué s’était retiré parce qu’il avait déterminé que cela desservirait la Maison de Zoa si les choses devenaient incontrôlables en dehors de son territoire.
« Mais ça ne dissout pas les soupçons qui pèsent sur Sisbell. Si j’étais à leur place, je voudrais… »
« Lady Alice. »
Dans ses vêtements de femme de ménage, Rin était sortie sur le balcon, fouettée par le vent froid.
« Je m’excuse d’avoir empiété sur ton espace alors que tu étais sur le point d’aller te coucher. »
« Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Tu as un visiteur. Je voulais savoir si je devais refuser. »
Un visiteur ? À cette heure-ci ?
Depuis le balcon, elle pouvait voir que le centre-ville était déjà sombre. Alice était déjà en tenue de nuit, clairement impudique pour apparaître devant quelqu’un. La soie de haute qualité était assez transparente pour exposer sa peau de pêche.
« Renvoie-le. Je n’ai pas l’intention de divertir quelqu’un qui rend visite à une princesse si tard dans la nuit… Qui est-ce ?
« C’est le Seigneur Masqué. »
« … Attends. »
Elle était à bout de nerfs. Sa tête était lourde.
Elle n’aurait pas dû demander. Elle aurait dû refuser sans connaître le nom du visiteur.
« … Rin, qu’est-ce que tu penses de ça ? »
« Il a le don d’agacer les gens. » La préposée n’avait même pas essayé de cacher son dégoût. « Lady Alice, tu es une dame — avant même d’être une princesse. C’est impoli de sa part de visiter ta chambre à cette heure-ci. S’il n’était pas la figure de proue de Zoa, je lui aurais donné un coup de pied au derrière. »
« Tu as raison. »
« Cependant, j’imagine qu’il est armé d’une excuse. Il insistera sur le fait que c’est urgent. Je suis sûre qu’il a préparé quelque chose, mais tu as le droit de le refuser, Lady Alice. »
« … Si je le renvoie, je sens que je ne pourrai pas dormir toute la nuit. »
« Je crois que c’est ce sur quoi il pariait. »
De quoi le Seigneur Masqué avait-il l’intention de lui parler ? Ce devait être une sorte de ruse. Cependant, Alice était certaine qu’elle en perdrait le sommeil si elle ne l’écoutait pas. Dans ce cas, elle préférait en finir.
… Il semble qu’il ait lu en moi… Il est le stratège de la maison Zoa, après tout.
« Bien. Rin, prépare le thé et les collations. Tu n’as pas besoin d’en préparer pour moi. » Alice s’était retournée sans attendre de réponse, se dirigeant du balcon vers son salon.
Elle avait sorti une épaisse robe de chambre qu’elle avait mise en prenant place devant la table.
« Je vais le faire venir jusqu’à ta chambre. » Rin avait commencé à ouvrir la porte.
À l’extérieur se trouvait un homme qui semblait bien adapté à son masque habituel et à ses vêtements noirs.
« Pardonnez-moi. Je dois m’excuser pour mon comportement discourtois envers une jeune fille. »
« Vous voulez dire des jeunes filles. »
« Hm ? »
« Rin en est aussi une. »
« Oh, je m’excuse. C’est vrai. Rin est elle-même une véritable jeune fille. »
De l’autre côté de la porte se trouvait l’homme le plus doué parmi les Zoa, debout dans le couloir sans tenter de faire un seul pas dans la chambre d’Alice.
« Je n’ai pas l’habitude de rendre visite à une personne du sexe opposé tard le soir. Alice, restez là, s’il vous plaît. Rin, pas besoin de thé. »
Quelle impudence ! Après avoir touché un nerf avec cette visite nocturne inappropriée, il avait quand même réussi à trouver un moyen d’apparaître comme un gentleman. Quel hypocrite !
« Qu’est-ce qui vous amène ici ? »
« C’est au sujet de votre jeune sœur. Je parlais justement d’elle à Sa Majesté. »
« … À propos de Sisbell ? »
Alice avait anticipé cette conversation. En fait, son approche directe la rendait méfiante.
« Laissez-moi être franc. Savez-vous qu’il est possible que Sisbell soit de connivence avec l’Empire ? »
« Non. »
Il n’y avait aucune hésitation. Alice ne mentait pas.
Bien que sa sœur ait été impliquée avec Iska dans l’incident d’il y a un an, Alice savait qu’elle ne complotait pas avec l’Empire dans leur dos. Bien sûr, la Maison de Zoa profiterait de la fabrication de cette accusation.
« Pensez-vous qu’elle a des liens avec l’Empire ? Que voulez-vous dire par là ? »
« J’ai été déçu de constater que c’était le cas. Sisbell était en contact avec un soldat impérial à Alsamira. »
« … Et ? »
« Sa Majesté a fait remarquer qu’il n’y avait aucune possibilité de cela. »
« Naturellement. »
Il n’y avait aucune chance que sa mère le reconnaisse. Après tout, elle avait secrètement envoyé des gardes hier pour protéger sa fille bien-aimée.
« J’espère que ces soupçons sont sans fondement. »
« Est-ce vraiment ce que vous pensez ? »
« Bien sûr. Mais je ne peux pas écarter mes soupçons. Sisbell devra montrer des preuves de son innocence. Si cela continue, le peuple perdra foi en la famille royale. Je prie pour qu’elle revienne le plus vite possible… Cependant… » Il soupira derrière son masque. « Elle s’est enfuie. »
« … Je vous demande pardon ? »
« Il semble que votre sœur soit déjà partie d’Alsamira. D’après la reine, en tout cas. »
« Ce n’est pas étrange. Elle avait envisagé cette possibilité. »
En ce qui concerne Alice, c’était normal.
Sisbell avait été attaquée par l’Objet. Sa rencontre avec Iska avait été vue par le Seigneur Masqué. C’était suffisant pour l’obliger à se cacher dans un pays voisin avec son assistant Shuvalts.
« Qu’est-ce que vous insinuez, Seigneur Masqué ? »
« Je pensais que quelqu’un aurait pu aider Sisbell. C’est pourquoi je suis venu ce soir. »
L’homme avait l’habitude de faire claquer le bout de son doigt contre son masque dur. Cela semblait indiquer qu’il essayait de faire accepter à l’autre personne ce qui était déraisonnable.
« Pour parler des forces impériales. »
« Quoi ? »
« Cinq personnes au total ont vu Sisbell rencontrer un soldat ennemi isolé. Immédiatement après, elle a caché son emplacement. N’est-il pas rationnel de penser qu’elle a l’aide des forces impériales ? »
« C’est impossible. »
Encore une fois, Alice ne mentait pas.
… Sisbell a déjà été capturée par leur armée. Celui qui l’a sauvée est Iska… Et elle doit leur en vouloir pour leur comportement.
En ce moment, Alice était la seule à être au courant, et il n’y avait aucune preuve, ce qui rendait les choses difficiles. Pour la Maison de Zoa, c’était une occasion en or d’accuser les Lou de crimes odieux, puisqu’il ne pouvait pas révéler la vérité.
C’était leur chance d’éliminer la Maison des Lou et de les supplanter au conclave.
« Quoi qu’il en soit, nous sommes encore plus méfiants envers Sisbell, maintenant qu’elle se cache. »
« … Je suppose que vous avez dit la même chose à la reine ? »
« Oui, et elle ne pouvait pas le nier. La situation étant ce qu’elle est… »
Quoi — ?
Avant qu’elle puisse protester, le coin de sa bouche s’était retroussé.
« Nous formons une équipe de recherche pour Sisbell — un effort conjoint entre les Zoa et Lou. Je serai le superviseur pour notre famille. Quant à la vôtre… »
« Est-ce que vous me dites de le faire ? Êtes-vous venu pour me demander ça ? »
« C’est vrai. Travaillons ensemble pour trouver Sisbell. »
Le Seigneur Masqué avait subtilement obtenu un motif valable pour cette équipe de recherche. Pourtant, il était facile de deviner ses véritables intentions.
… Il veut que je devienne le superviseur parce qu’il pense que sa propre sœur serait capable de renifler sa position plus tôt… Et il veut que je lui remette cette information.
Ça lui tapait sur les nerfs. Si elle ne s’était pas trouvée en face de lui, elle aurait soupiré.
« J’y consens. A-t-on fini ? »
« Mhmm. Il se fait tard. Bien, Alice, Rin, faites de beaux rêves. »
« — Oui. »
Alice savait que ses rêves seraient loin d’être doux. Elle s’était empêchée de le gronder, et l’avait regardé quitter la pièce.
« Rin. » Elle avait attendu que son accompagnatrice ait fermé la porte et avait serré les poings. « … Je déteste perdre. Je ne peux pas le laisser continuer à prendre l’initiative. »
« Je comprends. »
« Prête-moi ton savoir. Nous ferons pâlir d’effroi tous les membres de la Maison des Zoa. »
***
Partie 3
Dans le Paradis des Sorcières, la Souveraineté de Nebulis.
Son huitième État, Liesbaden, se trouvait à la frontière de la Souveraineté, prospérant grâce au commerce avec les villes neutres. Elle était connue comme le berceau de maîtres littéraires.
Les routes étaient magnifiquement entretenues et les gens s’y promenaient. Des groupes de femmes se pressaient à la terrasse du café qui surplombait la place, pour un long déjeuner.
« As-tu quelque chose en tête, Iska ? » Sisbell s’était arrêtée sur le trottoir et avait levé les yeux vers lui. « Veux-tu manger là-bas ? »
« … Non. Je pensais juste que les cafés sont les mêmes dans tous les pays. »
Qu’il s’agisse de l’utopie mécanique ou du Paradis des Sorcières, les civilisations étaient respectivement basées sur la technologie et le pouvoir astral.
Bien qu’ils soient considérés comme des opposés polaires, la Souveraineté avait été fondée par des rebelles vivant dans l’Empire jusqu’à il y a tout juste un siècle.
… Nos fondations sont les mêmes. Même la langue et les zones commerciales… La seule différence flagrante est notre monnaie.
Eh bien, il y avait une autre chose.
C’était invisible à l’œil nu, mais ceux qui se promenaient dans les rues étaient des sorciers et des sorcières.
Même les jeunes femmes travaillant à temps partiel au café seraient craintes par l’Empire. Même les filles les plus douces pourraient utiliser le pouvoir astral pour écraser un soldat impérial.
… C’était normal dans l’Empire jusqu’à il y a un siècle… Il y a même eu cet incident où une mage astrale s’est déchaînée, attaquant son petit ami non-mage avec ses pouvoirs.
Les humains n’avaient aucun moyen de résister.
Souffrant d’une blessure mortelle, l’homme avait dû cesser de la considérer comme son amoureuse, la classant plutôt comme une de ces « sorcières » bestiales. C’est pourquoi l’Empire avait toujours persécuté les mages.
« … Les soldats impériaux peuvent-ils franchir les frontières sans encombre ? »
« Je te l’ai dit. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter avec moi ici. » Sisbell était vêtue d’un survêtement unisexe, elle portait un chapeau sur les yeux et se cachait derrière de fausses lunettes.
Iska portait un T-shirt fin — son habituel accoutrement de ville neutre. Il ne se promenait pas avec ses deux épées astrales. Rien en lui ne laissait deviner qu’il était de l’Empire.
« Les frontières de cet état ont des examinateurs de haut niveau. Ils nous reconnaîtraient tous, Shuvalts et moi, rien qu’à nos visages. C’est comme si nous avions le traitement VIP. »
« Les meilleurs examinateurs, hein ? Et ils te laissent entrer en se basant uniquement sur le visage… ? »
« Je présente évidemment la preuve de ma lignée en tant que princesse. Une fois qu’ils m’auront vérifiée, il serait impoli de trop regarder du côté de mes gardes. »
Sisbell et Shuvalts avaient les moyens de s’identifier.
Pour le meilleur ou pour le pire, la capitaine Mismis pouvait aussi passer le test astral. Iska, Néné et Jhin, eux, étaient trempés de leur propre sueur jusqu’à ce qu’ils passent le point de contrôle.
« Et au cas où ils exigeraient qu’on passe par le procès ? »
« Je leur aurais dit de se retirer. C’est un faux pas de douter des gardes d’une princesse. Bien sûr, s’ils l’avaient découvert, ça aurait été un gros problème… »
Ça aurait été révélé que Sisbell avait invité des soldats impériaux. Cela aurait mis en danger la position de la reine.
« Je suis désespérée. Je dois me rendre au palais le plus vite possible. Le palais est un repaire de monstres en ce moment. Je ne peux pas laisser la reine seule. »
Le ton de Sisbell donnait l’impression que ce n’était pas grave, mais c’était quelque chose qu’Iska entendait de sa bouche pour la première fois.
« Quels monstres ? »
Il n’avait pas l’habitude d’entendre ce mot. Les grandes bêtes comme les basilics étaient considérées comme des « monstres », mais il avait du mal à en imaginer un rôdant autour du palais de la reine.
Était-ce du jargon pour une sorcière ou un sorcier ?
« … Oh, je suppose que je ne te l’ai pas dit. » Sisbell était devenue silencieuse alors qu’ils marchaient sur le trottoir.
Le chapeau couvrant ses yeux, elle avait secoué la tête.
« Désolée. Ma langue a fourché. Cela ne concerne pas tes fonctions. »
« J’ai compris. »
« … Tu sais, je suis un peu fatiguée d’avoir marché depuis ce matin. » La princesse s’arrêta et désigna une pâtisserie au bout du chemin. « Arrêtons-nous pour boire un verre là-bas. »
« Ne penses-tu pas que ça les dérangera de servir un soldat impérial ? »
« C’est toi qui as dit que tu voulais voir les rues de la Souveraineté, Iska. Si c’était l’État central, je te l’aurais déconseillé, mais c’est une boutique quelconque à Liesbaden. »
« Donc ce n’est pas grave s’ils découvrent que je suis de l’Empire ? »
« Exactement. C’est peut-être la première fois que l’un d’entre vous observe la Souveraineté. Ne débordes-tu pas de curiosité ? » La princesse sourit avec malice. « Ce doit être la première fois que tu vois ce paysage urbain, même en tant qu’ancien Saint Disciple. »
« Tu as raison. »
Sisbell ne montra aucun signe d’avoir remarqué la réponse maladroite d’Iska.
… Je suppose qu’elle n’a jamais imaginé que sa propre sœur m’ait enlevé et amené dans le treizième état comme captif.
Il avait déjà voyagé dans la Souveraineté, bien qu’il ne connaisse pas beaucoup le paysage urbain puisqu’il avait été confiné dans la suite princière d’un hôtel à l’époque.
… Mais la capitaine Mismis, Néné et Jhin en savent plus que moi… après avoir passé quelques jours à Alcatroz pour me sauver.
Iska était le seul à ne pas savoir. C’est pourquoi il était parti se promener seul, laissant les trois autres dans les chambres avec Shuvalts.
« Il n’y aurait pas de quoi rire s’ils profitaient de toi dans un espace qui ne t’est pas familier. Demande-moi n’importe quoi. »
« J’ai quelques questions à te poser. Avez-vous des détecteurs d’énergie astrale ? »
Il y en avait, installés partout dans les villes impériales pour détecter les assassins des corps astraux.
« Oui, mais dans un but différent. Ils nous alertent sur les quantités massives de puissance astrales, pas s’ils sont faibles. »
« Ce qui signifie qu’ils ne sont pas à l’affût des soldats impériaux ? »
« C’est au poste de contrôle de le découvrir. Depuis que Liesbaden est devenu un état dépendant, il y a beaucoup de gens ici qui ne sont pas des mages astraux. »
« Alors à quoi servent les détecteurs ? »
« … N’y a-t-il pas des gens dans l’Empire qui abusent des armes à feu ? » La princesse offrit un sourire peiné.
Elle avait évité une réponse directe, mais Iska avait compris l’allusion.
« Est-ce qu’ils servent à détecter les crimes en utilisant le pouvoir astral ? Pour les vols, les dégâts matériels et autres ? »
« Oui. Il n’est pas réaliste de penser que tous les mages puissants sont des citoyens honnêtes. Il y avait avant ça un flux de criminels, bien qu’il y en ait moins maintenant. Il y avait des tours de prison qui retenaient les criminels, et si je devais donner un exemple infâme… »
« Veux-tu parler d’Alcatroz ? »
« Tu ne m’as jamais laissé tomber, ancien Saint Disciple. Tu as des connaissances sur la Souveraineté. » Sisbell le regarda avec admiration. « Nous appelons ces criminels des “sorcières” et des “sorciers”. Le pire est un certain Salinger — oups. Désolée, je m’égare. J’ai pris de l’avance et j’en ai trop dit. »
« … »
Salinger. Le sorcier transcendantal.
Le nom était encore frais dans sa mémoire. Iska avait dégluti de manière audible.
« La troisième étape : l’unification des humains et du pouvoir astral. »
« Sur cette planète, il n’y a eu que deux personnes qui ont été capables d’atteindre cet état par leur propre pouvoir. Tous deux sont de véritables monstres. Cependant, j’aurai inévitablement ma chance un jour. »
Il n’avait pas prévu de découvrir ce que ça signifiait.
Même s’il se vantait de ses compétences, l’homme avait déjà été appréhendé sur ordre d’Alice.
Iska avait douté de ses oreilles quand il avait entendu Sisbell faire sa prochaine réclamation.
« La brigade de police est en patrouille dans tous les états de notre pays pour poursuivre Salinger. »
« … Qu’est-ce que tu as dit ? »
« C’est arrivé l’autre jour. Salinger a réussi à s’échapper de prison. Ma grande sœur se trouvait à Alcatroz et l’a arrêté une fois. Mais apparemment, c’était un double qu’il a fait avec ses pouvoirs. La cellule était vide quand ils s’en sont rendu compte. »
« … »
« C’est pourquoi notre pays est en alerte, ce qui joue contre nous. Après tout, la police est partout, elle surveille tout le monde… Hm, Iska ? » Sisbell avait cligné ses grands yeux. « Qu’est-ce qu’il y a ? Quelque chose te tracasse ? »
« … Certaines choses. Mais nous devons garder les yeux sur le prix — et atteindre l’état central. »
« Tu as raison. Nous ne faisons que commencer. » Au-delà de ses fausses lunettes, ses yeux semblaient s’assombrir à cause de la nervosité. « Puisque nous avons passé le point de contrôle, ma position a dû être relayée au palais. »
« Et pour le Seigneur Masqué ? »
« Oui. Je peux l’imaginer bloquant notre chemin vers le palais. Je prévois de forcer le passage, même s’ils essaient de nous arrêter. J’ai juste besoin de rentrer. »
Avec l’Illumination, elle serait capable de découvrir l’identité du traître et du conspirateur qui avait révélé au Seigneur Masqué que Sisbell était partie dans l’état indépendant.
« Seigneur Masqué !? P-Pourquoi êtes-vous ici… ? »
« Juste en vacances. Il n’y a rien d’étrange à cela. »
Il y avait deux suspects.
Selon Sisbell, ils étaient tous deux de la famille royale. Iska n’avait pas demandé de détails. Il n’avait pas l’intention de se mêler à la vendetta de la Souveraineté.
« Puis-je demander encore une chose ? »
« Tout ce que tu veux. »
« Les membres de ta famille ne sont-ils pas tes alliés ? »
Il n’avait aucune idée de l’influence de Seigneur Masqué au palais. Cependant, si Alice protégeait Sisbell, Iska n’imaginait pas le Seigneur Masqué lever le petit doigt sur elle.
… Je ne peux pas révéler mon lien avec Alice… donc je ne peux demander à Sisbell à ce sujet qu’en termes vagues, même si je pense qu’elle comprendra l’allusion.
Il s’était demandé : Sisbell n’aurait-elle pas dû essayer d’obtenir une protection par le biais de sa grande sœur ?
Sisbell ne put qu’émettre un petit rire d’autodérision lorsqu’elle comprit ce qu’il demandait.
« Seulement ma mère. Je ne peux toujours pas faire confiance à ma chère sœur Alice. »
« J’ai compris. »
« … Il semble que nous parlions depuis trop longtemps. » Sisbell s’était arrêtée et avait tourné les talons.
Ils étaient partis loin devant, au-delà de la pâtisserie, leur destination initiale.
« Revenons en arrière. »
« Dans ce magasin ? »
« Non, à l’hôtel. J’ai fait attendre Shuvalts. Ton unité doit être impatiente de ton retour. Je vais renoncer au gâteau. »
Elle avait commencé à marcher sur la route d’où ils venaient.
« … Ouf, il fait chaud ! Je suis en sueur à force de marcher. Il faudra que je prenne un bain dès que nous serons rentrés. »
« C’est peut-être le chapeau qui te donne chaud ? »
« J’ai tellement chaud sous tous ces cheveux. C’est affreux. J’envie les cheveux courts. » Sisbell avait relevé le bord de son chapeau et avait soupiré avant d’enrouler son bras autour du bras d’Iska.
Elle avait agi comme si c’était parfaitement normal. Elle était décontractée à ce sujet, comme s’ils étaient un couple en rendez-vous.
Elle poussa sa petite poitrine contre son bras.
« Je me sens mieux comme ça. Rentrons à l’hôtel. »
« Dans cette position ? »
« Cela fait partie de ma stratégie. La police militaire n’imaginerait pas que leur princesse puisse faire semblant d’avoir un rendez-vous galant… pas vrai, Iska ? » Elle avait parlé de sa voix la plus mignonne, en souriant de satisfaction et en le regardant de manière suggestive. « Pour ta gouverne, je n’ai pas renoncé à faire de toi mon subordonné. »
« Partons d’ici avant que cela ne devienne trop lugubre. »
« Hé ! Tu m’écoutes ? Hé, Iska ! C’est à toi que je parle ! »
Se détournant de Sisbell, Iska avait traversé une terre inconnue.