Chapitre 2 : La personne qu’il et elle ont rencontrée est…
Partie 5
« ... Je pensais que mon cœur allait s’arrêter de battre, » déclara Alice.
« Voilà ce que je voulais également dire. Mademoiselle Alice, qu’aurions-nous fait si vous vous étiez déchaînée en pleine salle ? » demanda Rin.
Laissant derrière eux la salle, elles passèrent devant la foule et arrivèrent à l’extérieur. Alice ressentit enfin un sentiment de soulagement au moment où elle arriva dans la rue principale,
« Sommes-nous suivies ? » demanda Alice.
« Nous ne sommes pas suivies. Jusqu’à ce que nous soyons sorties de la salle, cet épéiste n’a pas bougé d’un iota, » répondit Rin. « Cependant, nous devrions probablement faire l’hypothèse qu’il agira bientôt contre nous. »
La Cité Neutre ne faisait aucune distinction entre l’Empire et la Théocratie de la Maison Impériale Nébulis. Et comme les citoyens de l’un ou l’autre pays pouvaient librement venir ici, la possibilité de rencontrer quelqu’un de connu existait.
« ... Mais quand même, de penser qu’il était assis juste à côté de moi, » déclara Alice.
« En premier lieu, cet homme a déjà vu votre visage, » déclara Rin. « Tout autre soldat ne serait pas capable de vous reconnaître. Rencontrer des alliés ou des ennemis dans la Cité Neutre est quelque chose qui ne peut vraiment pas être évité en raison de la nature même de cette cité. »
« C-C’est vrai... ! » répondit Alice. « Allons prendre quelque chose à manger afin de nous ressaisir un peu. »
Après avoir fermé les yeux et secoué ses pensées oisives, Alice avait commencé à marcher dans la rue principale d’un pas décidé.
« Si je me souviens bien, il y a un célèbre restaurant de pâtes ici, » déclara Alice. « Après tout, mes préparatifs sont parfaits ! »
« Mademoiselle Alice, vous aimez vraiment les pâtes, hehe, » répliqua Rin.
« Je pourrais tout à fait n’avoir rien d’autre que des pâtes pendant un mois entier et cela ne me gênerait pas du tout, » répondit Alice.
« Que vous le puissiez ou non, vous ne devriez pas le faire, » répondit Rin.
« Ne sois pas si obstinée. Dans tous les cas, viens avec moi, » déclara Alice.
Puis, saisissant la main de Rin, elle se dirigea vers le nord de la rue. En arrivant au bout de la rue qui donnait sur la place, une pancarte pour un célèbre restaurant de pâtes apparut devant leurs yeux.
« Toutes mes excuses. La foule du midi vient juste d’arriver dans notre restaurant, » en regardant les deux filles qui venaient d’arriver, une serveuse portant un tablier avait baissé la tête et s’était excusée auprès d’elles. « Si vous avez une réservation ou si vous acceptez de partager une table, alors je pourrais tout de suite vous guider... »
« Cela ne nous dérange pas. Maintenant, Rin, allons-y, » déclara Alice.
Les deux filles s’étaient retrouvées placées sur le côté d’une table qui pouvait accueillir quatre personnes.
« Tenez Mademoiselle Alice, un peu d’eau pour vous, » déclara Rin en lui tendant un verre d’eau.
« Merci, Rin. Je viens de me rendre compte que j’avais vraiment très soif, » répondit Alice.
Peut-être parce qu’elle avait tellement pleuré lors de l’opéra, sa gorge était vraiment très desséchée. Elle avait immédiatement apporté le verre d’eau que Rin lui avait donné jusqu’à sa bouche. Et alors qu’elle venait de le faire, la serveuse avait guidé un autre client jusqu’à un siège libre de leur table.
« Monsieur Iska, nous avons bien confirmé votre réservation. S’il vous plaît, venez par ici, » déclara la serveuse.
« Buuu !? »
Et il était arrivé d’un coup devant elles. Pour la première fois de sa vie, Alice avait projeté l’eau qui était dans sa bouche avec la force d’un pistolet à eau.
« Wôw !? » En panique, le jeune homme avait reculé de quelques pas afin de s’éloigner de la table. « Qu’est-ce que vous faites ? »
« C’est ce que je voulais ─ * tousse *... E-eau, dans ma gorge... Que faites-vous ici !? » demanda Alice tout en toussant.
Avec une main à sa bouche, elle fronça les sourcils devant le jeune épéiste de l’Empire.
« Salaud, pas seulement une fois, mais déjà deux fois ! Comme je le pensais, vous suivez Mademoiselle Alice ! » Comme on pouvait s’y attendre, cette fois-ci, Rin fut incapable de se taire. Alors que Rin se levait de son siège, elle posa sa main sur le poignard caché sous sa jupe.
À ce rythme, elle va violer le tabou consistant à dégainer une arme dans la Cité Neutre.
Non. La clause interdisant le conflit stipule que « celui qui met la main sur l’autre est en faute. »
Si l’épéiste impérial attaquait en premier, Alice et Rin pourraient contre-attaquer affirmant carrément qu’il s’agissait d’autodéfense.
« Hmm ! N’êtes-vous pas encore en train de mal comprendre quelque chose ici ? » demanda Iska.
« Comment pouvez-vous être si effronté ? » demanda Rin. « Il n’y a plus de place pour le moindre doute. »
Iska leva les deux mains pour montrer qu’il n’avait aucune intention de résister. Et en réponse, Rin le pointa du doigt.
« Après notre séparation à l’opéra, n’alliez-vous pas faire vos propres activités ? Alors pourquoi êtes-vous venu dans ce restaurant ? Si vous avez une excuse à nous sortir, alors écoutons là ! »
« Je ne sais pas si vous le saviez, mais il s’agit du restaurant le plus proche de l’opéra. C’est également un lieu assez célèbre. D’ailleurs, c’est moi qui ai fait une réservation ici pour cette table. Quant à vous, n’êtes-vous pas celle qui vous êtes incrustées ici à ma table ? » demanda Iska.
« ... » Rin fut celle qui se figea en réponse à la réponse sans appel d’Iska. « ... Qu’en pensez-vous, Mademoiselle Alice ? »
« Il marque un point. Mais tu ne peux pas baisser la garde, Rin. Reste vigilante, » déclara Alice.
« Eh bien ! Vous savez, je peux vous entendre vous consulter ? » déclara Iska. « D’ailleurs, comme vous pouvez le voir, je ne suis pas armé. Après tout, j’ai laissé mes épées au poste de garde de la porte. »
Tout en levant les mains, Iska tourna sur lui-même. Rien qui ressemblait à une arme ne pouvait être vu sur sa personne.
Il semblait insister afin de bien montrer qu’il n’avait pas l’intention de se battre.
« ... J’ai compris. Pour l’instant, je vais vous croire, » déclara Alice.
Alice et Rin étaient assises côte à côte, et le jeune homme s’était assis en face d’elles.
« Mademoiselle Alice, est-ce vraiment correct ainsi ? » demanda Rin. « Même si nous sommes dans la Cité Neutre, siéger à la même table qu’un soldat impérial afin de prendre un repas est un peu... »
« Si nous nous retirons d’ici, ne semblera-t-il pas que nous aurions été intimidées par lui ? » demanda Alice.
La Sorcière de la Glace de la Calamité s’est enfuie. Si ce genre de rumeur se répandait, cela renforcerait le moral des troupes impériales, tout en rendant difficile pour elle de montrer son visage à ses subordonnés au sein de la Théocratie de la Maison Impériale Nébulis.
« D-Dans tous les cas, voyons ce que nous allons manger..., » déclara Alice.
Alice tendit délicatement la main afin d’attraper le menu posé sur la table. Et alors qu’elle avait fait ça, ses doigts touchèrent les bouts des doigts d’Iska alors qu’il était lui aussi allé chercher le menu posé sur la table.
« Kyaa !? D-Désolée ! » s’exclama Alice.
« ... Ah, non, je devrais aussi... Désolé, » déclara Iska.
Iska retira immédiatement sa main.
« ... S’il vous plaît, A-allez-y en première, » déclara Iska.
« ... Vous devriez aller de l’avant et décider en premier. Je vais vous céder sur ça. Vous avez tendu la main, n’est-ce pas ? » demanda Alice.
« ... j’ai tendu la main en pensant que je vous donnerais le menu, » déclara Iska.
« ... Je-j’avais également l’intention de faire ça ! » répliqua Alice.
À la suite de leurs négociations, le menu avait été laissé ouvert au milieu de la table, et il avait été décidé qu’Alice et Iska le liraient de gauche à droite tout en se tenant chacun d’un côté opposé de la table.
Il y a un défaut dans le fait que nos visages soient si proches.
Attends, à quoi est-ce que je pense ? Nous regardons seulement un menu, Alice détourna instinctivement son regard alors qu’elle pensait ça.
Ce n’était pas comme si elle n’avait pas d’hommes parmi ses proches dans la Théocratie de la Maison Impériale Nébulis, mais de retour au palais royal, elle ne connaissait pas un seul homme qui soit à un moment ou à un autre si proche d’elle. Elle n’y était pas du tout habituée.
« Hmm, » commença Iska.
Alors qu’il commençait soudainement à lui parler, Alice se mit instinctivement sur ses gardes.
« A-Avez-vous besoin de quelque chose ? » demanda Alice.
« Avez-vous décidé de quelque chose ? » demanda Iska.
Sale chienne, j’ai décidé de t’arracher l’un après l’autre tous tes membres ! Il s’agissait d’un soldat impérial donc il n’aurait pas été si étrange pour lui de faire une telle déclaration, mais à la place, il l’interrogea avec des yeux tournés vers elle.
« ... J’ai trouvé. Je voudrais passer commande, » déclara Alice.
« D’accord. C’est bon pour passer commande ici ! » annonça Iska en haussant un peu la voix pour se faire entendre de la serveuse.
Une serveuse toute souriante était venue vers eux depuis l’intérieur du restaurant.
« Que désirez-vous ? » demanda la serveuse.
« « Je voudrais avoir le saumon avec les pâtes fraîches à la crème et des courgettes. Je voudrais qu’elles soient cuites “ben cotta [1]” et je voudrais que la taille des portions soit petite. Après le repas, s’il vous plaît, je voudrais du thé noir avec un sucre. » »
Alice et Iska. Ils avaient tous deux déclaré exactement la même phrase au même moment. Leurs paroles étaient prononcées au même rythme et à la même intonation et c’était si harmonieux que cela pourrait être décrit comme charmant.
« ... Euh ? »
« ... Hein !? »
Ai-je vraiment dit ça ? Parce qu’ils avaient parlé d’une manière si fluide, même Alice elle-même pouvait penser qu’il avait été le seul à parler. Effectivement, de l’autre côté de la table, Iska avait également une expression perplexe.
« Chers clients, vous vous entendez vraiment très bien, hehe ! Êtes-vous ensemble ~ ? » demanda la serveuse.
« « Vous vous trompez ! » » Une fois de plus, leurs réponses étaient magnifiquement synchronisées.
« Mademoiselle Alice, calmez-vous, » déclara Rin.
« Ne dis rien, Rin. Je sais, c’est juste pour aujourd’hui. C’est tout simplement qu’une coïncidence d’une coïncidence d’une coïncidence ! » déclara Alice.
Alice prit une profonde inspiration d’une manière qui fit que le jeune homme devant elle ne serait pas capable de prévoir qu’elle le ferait.
... Tout va bien. Je suis calme... Il semble que ses goûts en matière de théâtre et de nourriture soient alignés avec les miens, mais ce n’est pas pertinent de penser à ça, pensa Alice.
Jusqu’à ce que la nourriture arrive, ils avaient enduré l’atmosphère inconfortable dans un silence complet.
« Dans tous les cas, la nourriture est arrivée. Mangeons pendant que c’est encore chaud, » déclara Alice.
Alice posa sa fourchette dans l’assiette de pâtes se trouvant devant elle et elle commença à la faire tourner pour enrouler les pâtes ─ elle s’arrêta alors et releva soudainement la tête. Un éclair de curiosité était soudainement apparu dans son esprit. Après avoir accumulé tant de coïncidences, il y avait une chose qu’elle voulait confirmer avec le soldat impérial se trouvant devant elle.
« Aimez-vous les pâtes ? » demanda-t-elle.
« ... Moi ? » demanda Iska.
Peut-être parce qu’il n’avait jamais pensé qu’elle lui parlerait au cours du repas, sa réaction avait été légèrement retardée.
« Il n’y a personne d’autre que vous en face de moi, non ? » demanda Alice.
« J’aime ça, » répondit Iska. « Non, je pourrais plutôt dire qu’il s’agit là de mon plat préféré. Je l’aime comme ça avec de la crème, mais c’est aussi délicieux quand elles sont seulement assaisonnées avec du sel et du poivre. »
« Oh mon Dieu ! Vous avez parfaitement saisi ce plat. C’est assez simpliste, mais également assez savoureux, n’est-ce pas ? » demanda Alice.
Chaque fois qu’elle en parlait à Rin, la seule réponse qu’elle avait reçue était : « S’il vous plaît, mangez de tout sans être pointilleuse sur ce qui est bon ou mauvais. » Et quand Alice avait parlé aux serviteurs travaillant dans le palais royal, ils n’avaient fait que répondre assez sèchement. « C’est bien, » et ils avaient coupé court à la conversation.
Et ainsi la réponse du jeune homme de l’Empire était une nouvelle sensation de fraîcheur pour Alice.
C’était amusant.
Et donc elle avait naturellement fini par être excitée en parlant à Iska.
« Mais pour moi, quand il fait chaud dehors, je ne peux pas laisser passer un bon plat de pâtes froides aux légumes, » déclara Alice.
Ce à quoi l’épéiste avait répondu. « Aah, les pâtes froides aux légumes sont assez agréables, non ? Chaque fois qu’ils vendent des tomates bien sucrées sur le marché, je prépare une telle recette avec. »
« Tout à fait d’accord ! » répondit la jeune femme. « Les pâtes froides avec des légumes et des tomates ne sont-elles pas délicieuses ? Moi aussi ! Moi aussi ! Quand il fait si chaud dehors, même si c’est tous les jours... »
« Mademoiselle Alice, vous avez arrêté de manger, » interrompit Rin.
« ... Ah, » après avoir été sermonnée par Rin qui s’éclaircissait la gorge, Alice laissa échapper une voix calme.
Le jeune homme devant ses yeux était un soldat de l’Empire. Il avait vu son visage. Il était également un combattant qui valait au moins un millier d’hommes et qui était largement au niveau des Saints-Apôtres. Elle avait complètement oublié tout cela.
« D-Désolé. J’ai interrompu votre repas..., » murmura Iska.
« Je-je dois également m’excuser..., » déclara Alice.
Les deux opposants s’étaient inclinés en même temps tout en s’excusant.
Et une fois de plus, la scène d’un repas tranquille était revenue. Du moins, c’était ce que pensait Alice jusqu’à ce que sa servante qui avait déjà fini de manger commençait à marmonner d’une voix calme. « C’est le bon sens que les pâtes doivent être cuites “al dente” [2]. C’est pourquoi les amateurs sont si... »
« « Absolument pas d’accord. Elles doivent absolument être “ben cotta !” » »
Alors que Rin laissait échapper un soupir, Alice et Iska criaient ensemble avec une parfaite synchronisation quant à leurs paroles et à leurs rythmes.
Notes
- 1 ben cotta : Bien cuit en italien. En italien dans le texte.
- 2 al dente : La traduction française du terme italien « al dente » est « à la dent », sous-entendu « qui soit ferme sous la dent ».
Merci pour le chapitre.