Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 3 – Chapitre 10

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Chapitre 10 : Attaque préventive

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Chapitre 10 : Attaque préventive

Partie 1

L’assaut naval s’étant soldé par un échec, le seul choix qui restait à Frantz était de marcher sur Schtraut avec des forces terrestres. Le Royaume Papal disposait d’une armée de 250 000 hommes, y compris les forces alliées, et il prévoyait de les envoyer tous au combat.

« Ils arrivent », avais-je dit, debout sur la base d’opérations avancée que nous avions construite entre les deux pays.

« Mais nous venons de les contrecarrer il n’y a pas si longtemps », souligna Lysa.

« Ils vont faire venir l’armée alliée cette fois, celle qu’ils ont rassemblée pendant le Conseil international. Ils ont un total de deux cent cinquante mille hommes, cavalerie et infanterie. En fait, on pourrait dire que toute leur armée est construite autour de leur infanterie lourde. L’ennemi apprend, et ils réalisent qu’il est inutile d’utiliser des troupes légèrement blindées contre nous. »

En d’autres termes, l’ennemi avait aussi amélioré ses unités. Ils avaient renforcé leurs forces avec des fantassins lourds comme contre-mesure aux Essaims Éventreurs. Les Essaims Éventreurs étaient destinés aux premiers rushes, et ils avaient du mal à faire face aux unités plus avancées. Ils ne pouvaient pas pénétrer les blindages de l’ennemi et étaient facilement battus par des armes plus fortes et plus puissantes.

« Pouvons-nous les maîtriser, Votre Majesté ? » demanda Lysa.

« Nous nous en sortirons. Je pensais que cela arriverait, et c’est pourquoi j’ai amélioré nos unités. Ces nouvelles unités prendront l’avant-garde au lieu des Essaims Éventreurs, qui seront relégués aux patrouilles et à la reconnaissance. »

Les ruées des Essaims Éventreurs n’étaient viables que pour une courte partie du jeu. Les Essaims eux-mêmes étaient faciles à produire en masse, mais en échange, ils étaient quelque peu fragiles. J’avais donc fait une petite mise à niveau. Grâce au temps que nous avions passé à combattre Maluk et Schtraut et à coopérer avec les pirates, nous avions eu tout le temps nécessaire pour débloquer lesdites unités et plus qu’assez de viande pour leur production.

« D’abord, nous allons écraser l’offensive de l’ennemi. Nos murs ne sont pas aussi solides qu’ils en ont l’air, et ils seront capables de percer s’ils sortent des armes de siège. Mais les murs ne sont là que pour les retarder, une fois qu’ils auront percé, la vraie bataille commencera. »

Les combats contre les murs ne devraient pas prendre trop de temps. S’ils avaient amené 250 000 soldats, ils auraient détruit nos défenses en un rien de temps. Avec les murs sur leur chemin, nous pourrions gagner du temps, localiser leur point d’invasion et y concentrer nos forces.

« Malheureusement, nos unités améliorées ne sont pas aussi rapides que les Essaims Éventreurs, donc utiliser les murs pour repousser l’ennemi est un must. Nous pouvons aussi les réduire avec les Essaims Toxiques. »

J’avais des Essaims Toxiques stationnés dans les tours à Globe Oculaire pour qu’ils puissent arroser avec leurs dards les ennemis qui arrivaient. Bien sûr, si l’ennemi apportait des armes de siège et les utilisait pour attaquer les tours, elles ne dureraient pas longtemps.

« Maintenant, ce sera un match entre leurs deux cent cinquante mille soldats et nos quatre cent mille. J’attends avec impatience de voir qui va gagner. »

Alors que la victoire semblait être à portée de main, je ne pouvais pas me permettre d’être négligente. J’avais promis à l’essaim que nous allions gagner, je devais donc faire tout mon possible pour que nous en sortions victorieux. Je ne savais toujours pas quelle sorte de victoire ils souhaitaient, mais je savais ce qu’ils considéraient comme une défaite : l’extinction de leur espèce.

En gardant cela à l’esprit, il était temps de commencer notre prochaine bataille.

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L’armée alliée, dirigée par les forces de Frantz, se dirigeait vers le nord. 250 000 hommes marchaient vers les murs de la frontière, leurs bottes piétinant bruyamment le sol en chemin.

Quelques Essaims Mascarades, cachés parmi les camps de réfugiés à la frontière, surveillaient l’avancée de l’armée ennemie.

« Pour le Dieu de la Lumière ! »

« Pour le Dieu de la Lumière ! »

Bandes de fous fanatiques. Si vous aimez tant votre dieu, je serais heureuse de vous envoyer directement vers lui, pensais-je.

Notre ennemi frappa au nord-est. Ils avaient déployé des béliers et avaient mis en place des catapultes alors qu’ils se préparaient à nous envahir. J’avais fait tirer les Essaims Toxiques sur leurs ingénieurs, mais ils travaillaient trop vite, il semblerait que nous ne pourrions pas les arrêter à temps.

« Pour le Dieu de la Lumière ! »

Les hommes de Frantz commencèrent à pousser les béliers vers les murs et à tirer avec leurs catapultes sur les tours à Globe Oculaire. Après une dizaine de tirs, les tours s’étaient effondrées, et les Essaims Toxiques à l’intérieur avaient été écrasés sous les décombres.

Les béliers traversèrent les murs et, les Globes Oculaires étant détruits, rien ne pouvait les arrêter. Le venin des Essaims Toxiques n’était de toute façon efficace que contre les créatures vivantes, et n’aurait donc pas été d’une grande utilité contre les armes de siège mécaniques.

Maintenant, l’ennemi frappait à notre porte.

Ahh, si seulement ils savaient ce qui les attendait de l’autre côté.

« Nous avons franchi les murs ! Chargez ! »

Les soldats retirèrent les béliers et se précipitèrent à travers l’ouverture qu’ils avaient créée. Les troupes s’étaient succédé sur notre territoire.

Si j’avais placé des Essaims Éventreurs ici comme avant-garde, ils auraient été rapidement détruits. Les Essaims Toxiques, qui se tenaient derrière eux, auraient été détruits peu après, et notre formation se serait effondrée. Leurs exosquelettes auraient été écrasés, leurs crocs et faux cassés comme des brindilles.

Mais heureusement, rien de tout cela ne s’était produit.

« La première formation d’infanterie a traversé les murs ! »

« Attendez… Qu’est-ce que c’est que ça !? »

Les expressions des soldats se contorsionnaient d’incrédulité.

Oh oui, c’est vraiment ce type de visages que je voulais voir.

En traversant les murs, les lourds fantassins avaient été accueillis par plusieurs grands essaims avec des exosquelettes denses et lourds. Ils avaient des crocs recourbés comme un mille-pattes, et leurs membres se terminaient par des lames semblables à des faux qui poignardaient le sol. Ces unités étaient en gros l’équivalent des tanks pour les Essaims.

C’était la version améliorée de l’Essaim Éventreur : l’Essaim Génocidaire. Comme son nom l’indiquait, ce type d’essaim était destiné à massacrer l’ennemi en grand nombre, quel que soit cet ennemi.

« Essaims Génocidaires, en avant ! Saluez nos ennemis de la meilleure des façons possibles, tuez-les ! », ordonnais-je.

Les Essaims Génocidaires commencèrent leur charge, et les Essaims Toxiques derrière eux fournirent des tirs de couverture. Les dards ne pouvaient pas faire grand-chose aux soldats lourdement armé, mais quelques dards occasionnels pénétra le métal et réduisait leur victime en bouillie. Je pouvais voir la crainte exercée par ces attaques frapper le cœur des autres soldats, les ralentissant. Les choses se passaient à merveille.

Maintenant que les fantassins lourds étaient enracinés sur place, gelés par la peur, les Essaims Génocidaires les submergeaient. Avec leurs crocs, les nouveaux Essaims transperçaient l’ennemi trop facilement. Ils étaient si forts qu’ils pouvaient couper le corps d’un homme en deux d’un seul coup de dent. Leur puissance était visible pour tous.

« Aidez m — »

Un homme ne pouvait même pas terminer son cri, car sa moitié supérieure était rapidement séparée du reste de son corps.

L’armure métallique des soldats émit un son désagréable alors qu’elle était déchirée. Et alors que les hommes étaient littéralement déchirés en deux, les sons de leur chair se déchirant comme du caoutchouc se faisaient entendre sur tout le champ de bataille.

« Ne les laissez pas vous effrayer ! Battez-vous ! Pour le Dieu de la Lumière ! »

« Pour le Dieu de la Lumière ! »

L’infanterie avait quand même lutté contre les Essaims Génocidaires. Les hallebardes et les grandes épées qu’ils brandissaient auraient été efficaces contre les Essaims Éventreurs, mais ils faisaient peu de dégât contre la version améliorée. Même lorsqu’ils avaient été matraqués à plusieurs reprises par une arme en acier, les Essaims Génocidaires continuèrent leurs attaques.

« Leur défense est d’un autre niveau. Ces hommes n’ont aucune chance. », me suis-je dit.

Il y avait un énorme écart de défense entre les Essaims Éventreurs et les Essaims Génocidaires. Naturellement, l’augmentation de la défense s’était faite au prix de la vitesse. Les Essaims Génocidaires étaient lents et encombrants, ce qui était leur principal défaut. Ou peut-être que les Essaims Éventreurs se déplaçaient si vite que les Essaims Génocidaires semblaient lents en comparaison ?

« Votre Majesté, l’ennemi se retire des murs. Que devons-nous faire ? », demanda Sérignan.

« Nous avançons et nous le poursuivons. Nous allons leur montrer la puissance de l’Arachnée. »

En avant, en avant ! En avant vers Saania, où se trouvent les assassins d’Isabelle. Que la cadence militaire soit jouée pour notre marche ! La vague de mort appelée l’Essaim sera bientôt sur nos ennemis !

***

Partie 2

« Repliez-vous ! Retraite ! Allez, allez, allez ! », cria un des officiers de Frantz.

Les soldats qui avaient fait irruption à travers les murs avaient été massacrés. Face à ces monstres terrifiants, les hommes restants n’avaient pas d’autre choix que de fuir pour sauver leur vie. Leurs attaques n’avaient même pas égratigné l’ennemi, qui avait mis les soldats en pièces sans même broncher, alors que les armes lourdes les frappaient encore et encore.

« Je ne vous ai pas donné la permission de battre en retraite », aboyait un inquisiteur, enfonçant un sabre dans la gorge de l’officier.

« Qu’est-ce que tu fais ? Tu veux qu’on meure tous ? ! », s’écria un autre officier.

« Nous avons la bénédiction du Dieu de la Lumière de notre côté ! Nous ne pouvons pas perdre. »

L’inquisiteur retira sa lame ensanglantée du corps de l’homme.

« Quiconque dit que nous serons vaincus est un hérétique, et les hérétiques seront confrontés à la mort. En avant, je dis ! Nous devons reprendre Schtraut des griffes de ces abominations ! »

L’inquisiteur prit la place de l’officier et commença à donner des instructions aux soldats. Aussi confus qu’ils soient, les soldats avaient obéi à ses ordres. Pourtant, la seule chose qui les attendait était la mort. Avancer signifiait marcher volontairement dans leur propre tombe.

« Avancez, pour le Dieu de la Lumière ! »

« Les insectes traversent les murs ! »

Mais tandis que l’inquisiteur fou continuait de lancer ses ordres, les Essaims Génocidaires et les Essaims Toxiques les poursuivaient. En s’approchant, les Essaims Génocidaires déchirèrent l’infanterie lourde avec leurs crocs. Les Essaims Toxiques grimpaient sur les murs, tirant leurs projectiles et transformant tous ceux qu’ils touchaient en flaques gluantes.

« Archers ! Ouvrez le feu ! »

Des arbalétriers furent déployés pour stopper l’avance des Essaims. Ils avaient tiré d’un seul coup des carreaux épais sur les Essaims Génocidaires, réussissant à en faire tomber quelques-uns.

Mais les Essaims Génocidaires derrière eux grimpèrent sur le corps de leurs camarades, en même temps les Essaims Toxiques avaient fini par traverser les murs.

« Continuez à tirer ! La victoire est a - »

Au moment où l’inquisiteur proclamait leur victoire, le dard d’un Essaim Toxique lui transperça la poitrine.

Il fut assailli par une douleur indescriptible et tomba rapidement à terre. En quelques instants, il s’était complètement fondu en chair liquéfiée.

« Allons-nous vraiment continuer à nous battre !? »

« Ce sont nos ordres ! »

Alors que leurs commandants mouraient un à un, la chaîne de commandement de l’armée s’effondrait elle aussi. Beaucoup de soldats avaient même vu leurs officiers être abattus par les inquisiteurs pour avoir ordonné des retraites. Et pendant ce temps, la reine de l’Arachnée ricanait là où personne ne pouvait la voir.

« Oh, l’ennemi est certainement divisé, n’est-ce pas ? Il y a des fous qui croient en leur dieu et des gens sains d’esprit qui n’y croient pas. Je devrais peut-être remercier Paris d’avoir donné aux inquisiteurs autant d’autorité. », dit-elle d’un ton extatique.

La reine avait alors tourné les yeux vers les Essaims engagés dans la bataille. Elle les regarda avec un mélange de joie et de tristesse alors qu’ils écrasaient l’ennemi et périssaient à cause des carreaux d’arbalète.

« Ces arbalètes sont ennuyeuses. Et leurs archers sont aussi lourdement protégés, les Essaims Toxiques ne peuvent donc pas les éliminer. Eh bien. Je suppose que gagner par le nombre est le style de l’Essaim. »

Il n’y avait pas besoin de changer de plan. Les Essaims avaient continué leur course dans la formation ennemie avec les Essaims Toxiques qui faisaient pleuvoir leurs dards venimeux sur les lignes ennemies. De temps en temps, un malheureux arbalétrier prenait un coup dans la chair et fondait rapidement.

Comme toujours, la charge de l’Arachnée était implacable. Les Essaims Génocidaires coupaient les lignes de front ennemies tandis que les Essaims Toxiques abattaient des soldats de l’arrière-garde. Cette vague mortelle, ce raz-de-marée noir, s’était abattue sur les murs de la frontière pour noyer les soldats au-delà.

Les soldats n’avaient pas pu retenir les essaims et avaient donc été réduits en cadavres en un battement de sourcil. Ceux qui avaient survécu commencèrent à penser moins comme une armée et plus comme une foule en délire. Tous les ordres contradictoires les avaient poussés à agir de façon erratique. Certains avaient tenté de battre en retraite tandis que d’autres pensaient à charger, et d’autres encore avaient essayé de simplement tenir leur position et d’empêcher l’ennemi d’avancer.

C’était le chaos total.

« Votre Majesté, que devons-nous faire ensuite ? », demanda Sérignan.

« Tu sais, la démarche classique serait de les submerger avec notre nombre, mais j’ai l’impression que faire cela seulement serait terriblement insipide. Si nous nous introduisons de force dans l’arrière-garde et tuons leur commandant, ils perdront leur ligne de communication. Alors nous pourrons les encercler. Sérignan, Lysa, Roland, je veux que vous vous joigniez tous les trois à la bataille. », répondis-je

La force d’avant-garde, composée d’Essaims Génocidaires, se rapprochait déjà du commandant au dernier rang, qui tentait désespérément de reprendre le contrôle de l’armée. Sa mort serait le dernier clou dans le cercueil de l’ordre de l’ennemi, et il serait alors trop facile de mettre le reste des soldats dans un coin. C’était le plan de la reine d’Arachnée.

« Par votre volonté, Votre Majesté. Nous allons prendre l’avant-garde immédiatement », dit Sérignan en faisant une révérence.

« Laissez-nous faire », ajouta Roland.

Le duo s’élança rapidement en avant, rattrapant les autres Essaims, tandis que Lysa se tenait en retrait et abattait tous ceux qui tentaient de s’enfuir. En peu de temps, Sérignan avait tranché la tête du commandant, et la bataille s’acheva effectivement. Leur ligne de communication étant coupée, la moitié de l’armée ennemie — soit 120 000 hommes — était entourée par les Essaims Génocidaires et Toxiques. Alors que ce cercle mortel se resserrait autour d’eux, le sort des soldats était scellé.

« Très bien, maintenant il est temps de mettre nos ruses de côté et de les écraser. »

Les inquisiteurs zélés de Frantz avaient trop confiance dans les maigres améliorations de l’équipement de leur armée. Ils en subissaient les conséquences des mains de l’Arachnée, qui ne cessait d’accroître sa puissance.

Il n’y avait plus personne pour les sauver.

Après cette bataille, l’armée alliée s’était complètement effondrée. Tous les soldats survivants avaient fui vers leur pays, et le reste des hommes de Frantz avait été forcé de se replier. Cette retraite restera dans l’histoire comme l’une des plus rapides, des plus lâches et des plus disgracieuses de toutes les armées du continent.

☆☆☆**

À ce moment, les derniers soldats du Popedom s’enfuyaient de la frontière, l’Essaim étant sur leur trace. Il ne me restait plus qu’un seul problème à régler : les réfugiés. Ceux qui avaient réussi à fuir le duché au milieu de notre conquête étaient maintenant regroupés dans des camps près de la frontière entre Frantz et Schtraut.

« Que faisons-nous de ces types… ? » m’étais-je demandé à voix haute, en les regardant de loin.

« Peut-être pourrions-nous les réduire en boulettes de viande ? L’Arachnée en a toujours besoin », suggéra Sérignan.

« Nous pourrions, mais tuer des réfugiés sans discernement ne me convient pas. »

Ces gens n’avaient fui Schtraut qu’à cause du combat inutile que cet idiot de Léopold avait mené contre nous. Ils n’avaient pas de maison où retourner… Et il était vrai que c’était surtout de ma faute. Les tuer et les transformer en boulettes de viande était peut-être la chose à faire pour l’Essaim, mais je n’aimais pas du tout cette idée.

Ou plutôt, à cause du genre de personnes avec qui je m’étais associée jusqu’alors, cela ne me convenait plus. Linnet, les gens de Marine, Isabelle… Ils n’auraient pas approuvé le massacre de réfugiés sans abri. Ce serait juste un autre cas où les forts tourmentaient et tuaient les faibles, de la même manière qu’ils avaient atteint leurs propres objectifs.

« Roland, je veux que tu leur fasses une offre. S’ils veulent retourner à Schtraut, seront-ils prêts à vivre sous la domination de l’Arachnée ? »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

J’avais décidé de laisser cette affaire à Roland, puisqu’il était à l’origine un des citoyens de Schtraut. Roland s’était approché des réfugiés effrayés qui se recroquevillaient à proximité et les appela.

« Hommes et femmes de Schtraut ! Sa Majesté, notre bienveillante reine de l’Arachnée, dit qu’elle est prête à vous accepter dans le duché à bras ouverts ! Ceux qui souhaitent retourner dans leur ancienne patrie, levez la main ! Nous promettons de ne pas vous faire de mal ! »

Le peuple de Schtraut avait déjà assez souffert, et il n’était donc pas nécessaire de le tourmenter davantage. J’avais décidé de les laisser rentrer dans leur patrie, où ils pourraient vivre le reste de leur vie et mourir en paix.

« Je veux rentrer ! »

« Moi aussi ! »

Les réfugiés de Schtraut levèrent les mains les uns après les autres.

« Très bien. Bienvenue à la maison. Laissons les morts de la guerre derrière nous et commençons une nouvelle relation. Un nouvel avenir, où le duché de Schtraut et l’Arachnée travailleront ensemble. », avais-je dit en m’avançant.

J’avais fait un geste vers l’ouverture dans les murs faite par les béliers. J’avais fait enlever les restes des Essaims et des soldats morts, de sorte qu’à l’exception d’un peu de sang sur l’herbe, c’était redevenu une étendue paisible de prairie au-delà. C’était la vue de leur patrie.

« Pouvons-nous vraiment vivre aux côtés de ces créatures… ? »

« Je suppose que c’est quand même préférable que d’être exécuté par l’inquisition de Frantz… »

Le fait que la chasse aux hérétiques de Frantz poussa les réfugiés à se ranger de notre côté me semblait terriblement ironique.

« Roland, s’il te plaît, prend soin des réfugiés qui veulent immigrer. Nous ne pouvons pas laisser quoi que ce soit leur arriver. »

« Comme vous le souhaitez, Votre Majesté. »

Accepter inconsidérément n’importe qui pourrait causer une multitude de problèmes, j’avais donc laissé Roland s’occuper de la question et filtrer l’afflux de réfugiés. La nouvelle Schtraut ne pouvait pas accepter les voleurs ou les personnes ayant une rancune contre l’Arachnée.

« C’est un problème résolu. Continuons notre marche. Nous avons un Royaume Papal à couvrir de cadavres et une capitale à laver avec du sang. »

Sur mon ordre, les Essaims reprirent leur poursuite des soldats de Frantz en fuite. Pour l’instant, nous allions ignoré l’armée alliée et qui que ce soit d’autre, ils pourraient être piétinés plus tard. Pour l’instant, nous avions les yeux fixés sur Frantz.

Écraser la populace de Frantz. Écrasez-la, écrasez-la, écrasez-la.

Les seules forces de Frantz qui constituaient une menace étaient les arbalétriers et l’infanterie lourde, et nous les avions apparemment toutes éliminées. Il ne restait plus que les troupes légèrement protégées.

J’avais commencé à croire fermement que cette guerre serait facile. Mais, par chance, un intrus allait bientôt intervenir pour entraver nos plans.

***

Partie 3

Nous avions poursuivi notre avancée vers Frantz, en prenant au passage la moitié du territoire du Royaume Papal. Après avoir abattu tous ceux que nous avions rencontrés, nous avions réduit nos victimes en boulettes de viande, qui furent envoyées dans les dépôts de chair et les fours de fertilisation de notre Base d’Opération Avancée, afin d’ajouter des troupes supplémentaires à nos rangs. Les Essaims Éventreurs servaient d’éclaireurs tandis que les Essaims Toxiques et les Essaims Génocidaires constituaient le gros de nos forces.

J’avais affecté la plupart de nos unités à notre campagne contre le Royaume Papal, car c’était notre objectif principal à l’heure actuelle.

« Notre prochain obstacle sera de passer à travers les montagnes. »

Une vaste chaîne de montagnes s’étendait devant nous. Ces montagnes divisaient Frantz en deux régions, le nord et le sud, et le seul moyen de les traverser était une seule route pavée. Comme on pouvait s’y attendre, l’armée du Royaume bloquait cette route pour entraver notre progression.

« Nous n’avons pas d’autre choix que de forcer notre passage. Nous pourrions demander aux pirates de nous faire traverser par la mer, mais cela prendrait trop de temps et donnerait à nos adversaires trop de temps pour se préparer. De plus, si quelque chose arrivait aux navires, tous les Essaims à bord se noieraient. »

Si l’ennemi se rendait compte que nous utilisions les navires pirates et décidait de les couler, les Essaims seraient perdus dans les profondeurs en un clin d’œil. Je ne pouvais pas me permettre de perdre mon armée d’Essaims Génocidaires et d’Essaims Toxiques de cette façon après avoir dépensé tant de nos précieuses réserves de viande pour les créer.

Cela dit, si nous décidions simplement de charger la tête la première, nous perdrions ces unités tout de même. Nous avions besoin d’une stratégie.

« Peut-être que nous ne devons pas nécessairement prendre la route de la montagne. »

Oui… Si je me souviens bien, pendant la guerre de Corée…

« Essaims Génocidaires, percez la formation de l’ennemi. Je vous enverrai d’autres instructions dans un instant. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté. »

« Essaims Toxiques, je veux que vous tiriez des tirs dissuasifs au pied de la montagne. Gardez l’ennemi bloqué sur la route de la montagne. Je veux aussi qu’une force séparée d’Essaims Génocidaires contourne les montagnes et crée une diversion. En gros, je veux que l’ennemi soit absolument convaincu que nous voulons utiliser cette route. »

« Compris, Votre Majesté », répondirent les Essaims Toxiques.

Nous devons nous assurer que l’ennemi ne comprenne pas nos véritables intentions et qu’il reste sur place.

« Très bien, allez-y. Commencez l’opération. »

Cela se passerait-il bien ? Je n’allais pas prier cet ennuyeux Dieu de la Lumière, j’avais plutôt dirigé mes prières vers Oinari, le dieu japonais de la chance et des bonnes récoltes.

☆☆☆**

Le Royaume Papal de Frantz était divisé en régions nord et sud par les Monts Indigo. Actuellement, la seule route menant à travers les montagnes était complètement fermée par les militaires de Frantz. Des clôtures en bois étaient posées le long de la route, et des rochers avaient été roulés le long des falaises pour bloquer le passage. À ce moment, l’armée avait complètement abandonné les réfugiés, les citoyens et les soldats restants qui se trouvaient encore au nord.

« Quelque chose qui sort de l’ordinaire ? », demanda un officier. Il inspectait l’une des compagnies qui s’occupaient du blocus.

« Tout est en ordre, capitaine ! », répondit un jeune soldat en gazouillant.

« J’ai entendu dire que votre fiancée vit à Saania, soldat. »

« Oui, et c’est un vrai soulagement pour moi. Si elle vivait dans le nord, j’aurais risqué ma vie pour aller la sauver, » dit le jeune homme en souriant.

« Je parie que ça te démange de la revoir, hein ? »

« Franchement, monsieur, ça me démange vraiment. J’aimerais que cette maudite guerre soit déjà terminée… »

La bien-aimée du soldat était serveuse dans un restaurant. Ils s’étaient rencontrés lors d’une sortie avec le reste de son unité. Il n’avait pas fallu longtemps pour que la jeune fille bien élevée ouvre son cœur au soldat, et ils étaient rapidement devenus des objets de convoitise.

Depuis le début de la guerre, ils s’échangeaient des lettres et le retour dans les bras de la jeune fille était la plus grande mission du soldat. Naturellement, il voulait aussi la protéger de l’impitoyable armée de monstres.

« Oh ! Ennemi en vue, capitaine ! »

De loin, il pouvait voir leurs ennemis avancer sur la route.

« Préparez-vous à intercepter l’ennemi ! Faites venir les balistes ! Ne laissez pas passer une seule de ces bestioles ! », cria le capitaine.

« À vos ordres ! »

Les soldats prirent leurs positions, se préparant à arrêter les monstres qui approchaient.

« On dirait qu’ils envoient des unités de mêlée lourdes et des insectes avec des attaques à longue portée… Ces attaques longues portées sont problématiques », dit un des soldats.

Comme il l’avait souligné, les Essaims Génocidaires et les Essaims Toxiques marchaient sur la position de l’armée.

« L’ennemi commence son attaque ! »

« Préparez-vous ! Attention aux dards, vous allez certainement mourir si vous vous faites toucher ! »

Les soldats de Frantz connaissaient déjà la puissance des dards des Essaims Toxiques. Quiconque était touché par eux fondait en bouillie et mourait de la manière la plus atroce et la plus indigne qui soit. Les arbalétriers étaient couverts par d’autres soldats qui tenaient des boucliers d’acier, les protégeant des dards.

L’instant suivant, les Essaims Toxiques tirèrent avec leurs dards. La pluie mortelle avait commencé.

« Gaaah ! »

Quelques malheureux soldats avaient été touchés par les dards, se tordant d’agonie alors qu’ils fondaient. Malgré ces pertes, les soldats de Frantz refusèrent de se replier.

« Balistes et arbalètes, prêts à tirer ! »

Pour les soldats, c’était la dernière ligne de défense. Si l’ennemi passait par ici, ils seraient libres de se déchaîner dans les plaines au-delà de cette chaîne de montagnes. À ce moment-là, Frantz n’aurait aucune chance de victoire.

Ils devaient donc faire de cette bataille une bataille décisive. Avec cette détermination dans le cœur, les soldats tirèrent sur les Essaims Génocidaires et les Essaims Toxiques. Alors que les essaims s’effondraient les uns après les autres, la férocité de leurs attaques semblait s’estomper. Les Essaims Toxiques continuèrent à tirer avec leurs dards un par un, mais ils avaient été progressivement contraints de fuir à cause des balistes.

« Ils battent en retraite ! »

« Qu’est-ce que vous en dites, vermines ! »

Les soldats applaudirent en regardant les Essaims se replier. Maintenant, le Royaume Papal était en sécurité. Les unités ennemies, incapables de se frayer un chemin à travers les Monts Indigo, allaient être repoussées vers le nord. Et un jour, le Royaume reprendrait le nord et libérerait même les terres du Duché.

« Nous l’avons fait… Karen, ma chérie, je viendrai te chercher lors de ma prochaine permission ! » s’écria le soldat fiancé avec la serveuse de Saania.

Mais cette flamme vacillante d’espoir allait bientôt s’éteindre, ne laissant place qu’à l’obscurité du désespoir.

« Attendez ! Les unités ennemies ont été repérées ! », cria un soldat, la voix tremblante.

« Eh bien, oui, nous les avons juste repoussés », dit un autre, en étouffant un rire.

« Non, par-derrière ! Ils nous attaquent par l’arrière ! »

En effet, une force de 500 essaims Génocidaires s’était matérialisée derrière leur arrière-garde et se rapprochait du blocus.

« Par derrière ? ! Comment !? D’où viennent-ils !? »

Le capitaine commença à paniquer.

Il fallait s’attendre à ce qu’il soit déconcerté. Les Essaims avaient escaladé à pied les sommets des Monts Indigo. Ils étaient capables de franchir les obstacles sans se laisser abattre, de sorte qu’ils pouvaient bien sûr escalader des montagnes escarpées pour lancer une contre-attaque inattendue sur leurs ennemis.

Bien que l’Essaim aurait pu avoir du mal à traverser des étendues d’eau, les montagnes ne les gênaient pas le moins du monde. La reine de l’Arachnée avait ordonné à ce groupe d’Essaims Génocidaires de couper à travers les montagnes afin de contourner le blocus et de tendre une embuscade à l’ennemi par-derrière.

Ce plan s’était avéré extrêmement efficace, car les soldats étaient tellement concentrés sur l’idée d’un assaut frontal qu’ils n’avaient réalisé que trop tard que l’ennemi les avait contournés.

« Tournez les balistes vers l’arrière ! Nous avons besoin de l’infanterie pour garder l’arrière, alors… »

Les paroles du capitaine avaient été coupées au moment où une flèche massive perçait son torse.

« Je l’ai fait ! On s’occupe de tous les servants de baliste, Votre Majesté ! »

« Bon travail, Lysa », répondit la reine de l’Arachnée.

Il va sans dire que l’énorme flèche avait été tirée par Lysa.

« Sérignan, tu vas aussi générer une pression par le front. C’est l’heure de l’attaque en tenaille. »

« Selon vos désirs, Votre Majesté », dit le chevalier tout en faisant une révérence.

Lysa et Sérignan se joignirent aux forces qui attaquaient le blocus par le front.

« Encore plus d’ennemis qui arrivent ! Les monstres nous attaquent à nouveau par le front ! »

« Les archers ! Les archers ! Tirez avec vos arbalètes ! »

L’épée de Sérignan fit voler la tête d’un soldat. Le reste de son corps tomba au sol, giclant du sang. Elle avait ensuite abattu un autre soldat, et un autre, accumulant rapidement une montagne de cadavres.

« Raaagh ! Vous ne passerez pas ! »

Le soldat qui attendait avec impatience de voir sa bien-aimée pointa une arbalète sur Sérignan.

« Pas assez bon ! »

Elle hacha le carreau de l’arbalète qui volait vers elle, déviant sa trajectoire de sorte qu’il ne fit qu’effleurer sa joue.

Sérignan s’était alors élancée vers le soldat et avait rapidement réduit la distance.

« Ugh… »

Le soldat s’était affaissé lorsque la lame de Sérignan lui transperça la poitrine.

« Ka… ren… »

Et avec ce dernier mot, le soldat rendit son dernier soupir.

« Votre Majesté, nous avons pris la route de la montagne et nous nous sommes regroupés avec les essaims. L’arrière-garde de l’ennemi est en pagaille. Nous devrions pouvoir prendre la route maintenant. », dit Sérignan.

La tentative de blocus de Frantz avait été complètement détruite. L’attaque-surprise des Essaims Génocidaires tua la plupart des membres de l’arrière-garde ennemie. L’attaque en tenaille s’occupa le reste.

« Bon travail, vous deux. Cette guerre sera bientôt terminée. »

La reine de l’Arachnée était confiante dans sa victoire, mais elle ne savait pas à quel point cette confiance pouvait être facilement anéantie…

☆☆☆**

Après notre attaque-surprise réussie sur les Monts Indigo, j’avais fait traverser la montagne à notre armée à un rythme d’escargot alors que nous nous préparions à avancer vers le sud. La chaîne de montagnes naturelle ayant été conquise, il ne restait plus que des champs ouverts. Une route pavée menait à Saania, et une fois que l’Essaim commencera sa marche, la ville — et le Royaume dans son ensemble — ne tarderait pas à être en ruine.

Selon les Essaims Parasites, les opérations de l’armée étaient principalement dirigées par Paris et les généraux de Frantz. Maintenant que Paris avait pris le contrôle du Département des Punitions, plus personne ne pouvait s’opposer à lui. Sa parole avait effectivement force de loi. Mais je pouvais toujours utiliser les Essaims Parasites pour perturber la chaîne de commandement de l’ennemi. J’avais déjà trois cardinaux et un archevêque sous mon contrôle.

Paris… Je te ferai payer un prix particulièrement amer.

« Votre Majesté, on a des ennuis ! »

Sérignan s’était précipitée vers moi, paniquée.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« L’Empire de Nyrnal a lancé une invasion sur le vieux royaume de Maluk. Ils ont également déclaré la guerre au Royaume Papal de Frantz. Ce pays a tiré le tapis sous nos pieds ! »

Quoi ? Nous avons été complètement…

La majorité de notre armée s’était concentrée sur l’attaque de Frantz. Comme j’avais fait en sorte que Nyrnal soit complètement isolé pendant le Conseil International, j’avais supposé qu’ils ne prendraient pas d’opérations militaires de sitôt. Je m’attendais au moins à ce qu’ils résolvent leurs tensions avec leurs pays voisins avant de le faire.

Mais la réalité, telle qu’elle s’était révélée, n’avait pas été aussi bonne. L’Empire de Nyrnal avait l’intention d’écraser l’Arachnée et les pays voisins d’un seul coup. Je devais saluer avec amertume leur esprit conquérant, si ce n’est plus. Ils se battaient sur deux fronts, tout comme nous, mais ils n’avaient pas peur de se lancer quand même.

Notre situation devenait alors critique. Nous n’avions plus que des murs peu fiables et des flèches provenant des Globes oculaires entre l’ancien royaume de Maluk et l’empire de Nyrnal. Nous n’avions même pas d’Essaims Toxiques stationnés là pour repousser les envahisseurs à distance.

Les armes de siège de l’ennemi pouvaient facilement percer ces murs fragiles et détruire les flèches des Globes oculaires. Nous n’avions que 500 ou 600 Essaims Éventreurs, qui n’étaient pas efficaces contre les ennemis lourdement armés.

« Que devrions-nous faire, Votre Majesté ? »

Je devais prendre une décision. Maintenant.

« Défendre le royaume de Maluk est impossible, nous devons l’abandonner. Faites en sorte que les Essaims qui les engagent maintenant gagnent autant de temps qu’ils le peuvent pendant que les Essaims Travailleurs à l’arrière se retirent dans Schtraut. De plus, faites en sorte que le plus grand nombre possible d’Essaims Éventreurs soient positionnés pour défendre Baumfetter. »

Nous n’avions pas d’autre choix que de renoncer à Maluk. Le nord de Maluk avait des mines pleines de gisements d’or, et nous avions des bases sur tout ce territoire équipé d’un assortiment d’installations, mais nous n’étions pas suffisamment nombreux pour les protéger toutes. Malheureusement, nous avions dû remettre le royaume désert à Nyrnal.

***

Partie 4

Mais nous devions protéger Baumfetter. Nous avions promis de les garder en sécurité, et je ne pouvais pas revenir sur ma parole. Pour cela, j’avais laissé une petite force d’Essaims Éventreurs pour tenir la frontière pendant que le reste se dirigeait vers Baumfetter. Je pouvais alors utiliser le four à fertilisation de ma base près de la forêt elfique pour produire d’autres Essaims Génocidaires et assurer la sécurité du village. Heureusement, j’avais encore une petite réserve de ressources supplémentaires en cas d’urgence. Mais ce n’était pas beaucoup.

« Nous ne pouvons pas rassembler toutes nos forces et partir assez vite. Surtout pas après tout ce que nous avons fait pour traverser les montagnes. Perdre Maluk est un coup douloureux, mais il y a une chance que l’ennemi traverse les territoires de Schtraut pour nous attaquer aussi par-derrière. »

« Alors je serai le seul à pouvoir les arrêter ! »

Faire défiler une armée à travers les monts Indigo était une tâche difficile. La route était seulement assez large pour accueillir deux Essaims à la fois. De plus, retirer notre armée de Frantz alors que nous avions mis le Royaume Papal à genoux n’aurait pas valu la peine.

Comme nous ne savions pas quel ennemi représentait la plus grande menace, tourner le dos à Frantz mettrait notre force principale en danger. Si ces troupes devaient être détruites, nous nous trouverions dans une position vraiment désespérée.

Cependant…

« Sérignan, tu es un chevalier aguerri et une armée à toi toute seule. Mais tu ne peux pas arrêter une invasion destinée à détruire un pays toute seule. Chacun a ses limites… »

À ce moment, j’avais réalisé que mes propres limites me regardaient droit dans les yeux.

« Votre Majesté, personne n’aurait pu imaginer que cela arriverait. Les mouvements de Nyrnal étaient complètement inattendus. Ne vous tourmentez pas pour cela. »

« J’aimerais que ce soit vrai. »

En y réfléchissant un peu plus, j’aurais dû supposer que Nyrnal pourrait tenter une invasion. J’aurais dû faire en sorte que les Essaims Mascarades s’infiltrent dans l’Empire et enquêtent sur ce qu’ils préparaient. Toute nouvelle de notre attaque sur Frantz aurait pris sept à huit jours pour atteindre Nyrnal, et Nyrnal avait déclaré la guerre exactement une semaine après le début de notre invasion.

J’aurais dû faire avancer les choses plus rapidement. La lenteur de mes actions aurait pu donner à Nyrnal l’impression que nous luttions contre le Royaume Papal, l’incitant ainsi à lancer une invasion contre nous.

« Non… Ça ne sert à rien de ruminer cela maintenant », me suis-je dit.

Avec le recul, cela valait bien sûr un 20/20. Pour l’instant, je devais me concentrer sur l’avenir.

« Faites en sorte que le four à fertilisation de notre base principale produise autant d’Essaims Génocidaires que possible, et envoyez-les à Baumfetter. Toutes les autres installations à Maluk peuvent être abandonnées. »

« Est-ce une défaite, Votre Majesté ? »

« Avons-nous perdu ? »

Les voix de la conscience collective m’avaient atteinte d’un seul coup.

Non, nous n’avons pas perdu. Nous allons certainement nous venger pour cela. Pour ce faire, nous devons enterrer Frantz le plus rapidement possible. Retenez bien mes mots, Nyrnal : une fois que nous en aurons fini avec ce pays méprisable, vous serez le prochain.

☆☆☆**

« Préparez-vous à l’accostage ! Je répète, préparez-vous à l’accostage ! »

Un bataillon militaire de Nyrnal traversait la rivière Themel, située à la frontière entre l’ancien royaume de Maluk et l’Empire de Nyrnal. Leurs catapultes avaient détruit les murs construits le long de la rivière, après quoi les troupes avaient commencé à traverser la rivière en barques.

« Penser que nous pouvons maintenant traverser la Themel si facilement… », murmura l’empereur Maximilien, regardant les soldats traverser la rivière et charger dans les territoires de Maluk depuis son point de vue sur une colline voisine. Lui aussi était vêtu de l’uniforme militaire de Nyrnal.

À ce moment précis, il regardait se dérouler une opération qui sera plus tard appelée « Déploiement trompeur ». Il avait fait croire que Nyrnal avait l’intention d’envahir Frantz, alors qu’en fait il avait prévu depuis le début d’envoyer ses hommes à travers la Themel et dans les anciens territoires de Maluk.

« Avec cela, Maluk est effectivement à nous, Votre Majesté. Cela valait bien l’attente. Nous devons cela à ces insectes, nous devons les remercier. »

« C’est vrai. Nous ne pourrons jamais assez remercier l’Arachnée d’avoir éliminé le royaume de Maluk. Qu’ils se déchaînent autant qu’ils le veulent et déséquilibrent l’équilibre de ce monde. Nous n’en récolterons que les bénéfices. »

L’Empire de Nyrnal avait choisi de capitaliser sur la menace de l’Arachnée. Maintenant que les armées du monde étaient soit brûlées, soit dispersées, Nyrnal pouvait conquérir d’autres pays avec facilité.

La situation actuelle de Frantz en était un exemple. L’invasion de l’Arachnée avait laissé le Populat en ruine, ce qui signifiait que l’Empire était assuré d’obtenir au moins une partie de ses terres en l’attaquant maintenant.

La grande ambition de l’empereur Maximilien était de voir la bannière de Nyrnal — un dragon brandissant une épée — voler au-dessus de chaque pays du continent. Et son rêve allait bientôt se réaliser. Il savait que l’Arachnée ne pouvait pas tout laisser tomber et quitter Frantz à ce moment-là, cela ne ferait qu’inviter à une contre-attaque. De plus, l’Arachnée était plutôt prête à porter le coup fatal.

La pathétique armée de Frantz, telle qu’elle était maintenant, serait facilement écrasée par les forces de Nyrnal, et l’Empire pourrait alors se lancer sur l’Arachnée et la frapper par-derrière. Pour dire les choses simplement, l’état actuel des choses présentait une occasion en or pour Nyrnal.

« Je dirais que le Royaume Papal de Frantz a reçu un châtiment divin bien mérité. Le siège de cette arrogante Église de la Sainte Lumière sera anéanti par le pouvoir d’un vrai dieu. Peut-être que leur destin n’a rien d’aussi poétique. Ils seront simplement dévorés vivants par des insectes. », poursuivi Maximillian.

Bertholdt von Bülow, le chef de cabinet de l’Empire, écoutait attentivement les paroles de son seigneur. Pas une seule parole qui ne soit sortie des lèvres de l’empereur ne devait être manquée. Cela provoquerait la colère de l’empereur, et cela finirait par déchirer Bertholdt. Parmi tous les empereurs de l’histoire de Nyrnal, Maximilien était l’un des plus froids et des plus impitoyables.

« Votre Majesté ! La première force de débarquement a engagé les insectes dans la bataille ! Leur résistance est faible », rapporta un général.

Maximillian haussa les épaules.

« Hmph. La soi-disant reine de l’Arachnée me déçoit. Elle ne s’attendait probablement pas à ce que nous traversions la rivière Themel. Maintenant, avancez. Je veux que les territoires de Maluk soient sous notre contrôle dans le mois qui vient. Après cela, nous marcherons sur Schtraut. Nous ne pouvons prendre qu’une petite partie des terres de Frantz pour l’instant, mais nous devons nous concentrer sur leur défense. Une fois que nous aurons offert aux autres nations alliées une protection contre l’Arachnée, le continent entier nous appartiendra. »

Ils exerçaient déjà des pressions diplomatiques sur les pays de l’alliance. Les nations alliées avaient le choix entre se faire envahir par les insectes ou se mettre sous la protection de Nyrnal. La plupart des pays montraient des signes de fissures sous la pression, ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils ne cèdent.

« Il ne reste plus que l’Union des Syndicats de l’EST et l’archipel de Nabreej », déclara Maximillian, tournant son regard vers Bertholdt.

« Oui. Ne vous inquiétez pas, Votre Majesté, l’enquête est déjà en cours. Cependant, je pense que les deux nations marchandes rejetteront probablement une alliance avec nous. »

Le réseau de renseignements de Bertholdt avait déjà envoyé des émissaires dans ces pays. Les relations entre l’Union et Nyrnal étaient mauvaises depuis le départ. Ses relations avec le Royaume Papal étaient également assez frigides, mais depuis que Nyrnal avait commencé à s’étendre agressivement et à unir les pays du Sud sous son règne, l’Union des Syndicats de l’Est avait traité l’Empire avec une hostilité totale. Les marchands craignaient probablement la perspective de devenir la prochaine conquête de Nyrnal.

« Ces imbéciles… Ils sont maintenant coincés entre nous et l’Arachnée, et ils ne pourront plus bouger. Eh bien, peu importe. Nous pouvons nous débarrasser d’eux comme nous le souhaitons plus tard. Pour l’instant, nous leur permettrons d’agir librement. Au fait, faisons en sorte que nos Perchoirs de dragon augmentent leur activité. J’ai entendu dire que les insectes se sont mis à utiliser des tactiques inhabituelles, donc les wyvernes seules peuvent s’avérer insuffisantes. »

Maximillian tourna à nouveau son regard vers les troupes qui traversaient la rivière. Ce n’était que des soldats humains, mais les wyvernes qui s’élevaient dans le ciel étaient différentes. Cette forme de vie ne se trouvait nulle part ailleurs sur le continent. Ils étaient trop obéissants pour être des monstres, mais trop féroces pour être des animaux. Ces créatures n’existaient que dans l’Empire de Nyrnal.

L’existence des wyvernes était mystérieuse et incompréhensible. Les seuls qui connaissaient la vérité derrière tout cela étaient l’empereur Maximillian et Bertholdt von Bülow.

Non… il y en avait un autre qui savait. Un diable qui batifolait dans les ténèbres en chantant des vers absurdes.

☆☆☆**

Nous devions faire tomber le Royaume Papal de Frantz le plus rapidement possible. Les objectifs avaient souvent été modifiés ou mis à jour en mode solo, mais jamais auparavant je n’avais été prise au dépourvu de cette manière. La force de l’Essaim avait dû me bercer dans un faux sentiment de sécurité et m’avait rendue trop confiante.

J’avais besoin de réfléchir à cette expérience. J’avais appris la douloureuse leçon qu’il y avait des choses que même nous ne pouvions pas faire.

« Les soldats ennemis ne s’approchent pas de Baumfetter. C’est bien. Et nous avons réussi à produire ces Essaims Génocidaires à temps, ils ne seront donc pas complètement sans défense. », dis-je doucement, observant le village à travers la conscience collective.

Baumfetter, pris en sandwich entre le Royaume de Maluk et l’Empire de Nyrnal, avait été exposé au danger dès notre arrivée. Si nous le laissions sans protection, il finirait par être découvert, et les elfes seraient tous tués pour ne pas avoir adoré le Dieu de la Lumière.

Je ne pouvais pas laisser cela se produire. J’avais promis de les protéger.

« Baumfetter devrait réussir à survivre, d’une manière ou d’une autre. Pour l’instant, nous devons nous concentrer sur le Royaume Papal. »

Nous avions traversé les montagnes Indigo et commencé à balayer les plaines, nous dépêchant vers Saania tout en évitant d’entrer au contact avec les forces de Nyrnal. Je devais éviter une escarmouche avec eux si je voulais renverser Frantz le plus rapidement possible.

« Sérignan, quelle est notre vitesse de marche ? »

« Nous sommes dans un bon tempo, Votre Majesté. Nous devrions atteindre Saania d’ici deux ou trois jours. »

C’était peut-être un peu dur pour l’Essaim, mais la vitesse était notre plus grand avantage en ce moment. Nous devions continuer à plein régime et mettre rapidement fin au Royaume Papal de Frantz. Après cela, nous pourrions utiliser ses anciens territoires pour faire irruption dans l’Empire de Nyrnal.

Il y avait aussi la possibilité de revenir à Schtraut, mais j’avais rapidement écarté cette idée. Si nous étions en mesure de menacer directement l’Empire, ils n’auraient d’autre choix que de réagir. De plus, nous n’avions pas le temps de retourner jusqu’au duché pour pouvoir reprendre Maluk.

Finalement, nous allions reprendre Maluk et mettre les elfes en sécurité… mais pas maintenant.

« Je suis un peu fatiguée… »

« Vous devriez vous reposer, Votre Majesté. Vous n’avez pas dormi depuis trois jours. »

C’était vrai. Depuis que la situation avec Nyrnal s’était aggravée, je n’avais pas pris une seconde de repos.

« Mais je ne peux pas me permettre de me reposer en ce moment, Sérignan. Nous sommes dans une situation très difficile. Nyrnal a déjà une grande partie de Maluk sous leur contrôle, et qui sait quand ils pourraient attaquer Baumfetter. Nous avons commencé les préparatifs pour fortifier Schtraut, mais je ne sais pas si nous pouvons réellement les repousser. »

Les soldats de Nyrnal avaient déjà pris la moitié du territoire de Maluk. Les Essaims Éventreurs avaient courageusement tenté de les repousser, mais tout ce qu’ils pouvaient faire était de gagner du temps. L’infanterie de Nyrnal étant lourdement protégée, les Essaims Éventreurs ne pouvaient vraiment pas faire beaucoup plus que cela. Mais grâce à eux, nous avions pu augmenter nos défenses autour de Baumfetter. Je pouvais dire avec certitude que les morts des Essaims n’avaient pas été vaines.

***

Partie 5

« De plus, Nyrnal a des forces aéroportées. Et c’est problématique pour nous. »

Ce qui distinguait Nyrnal des autres nations que nous avions combattues jusqu’alors était leur emploi de wyvernes. Nous savions qu’ils étaient capables de transporter jusqu’à trois personnes sur leur dos et de cracher du feu, ainsi que de plonger et de mordre leurs adversaires.

Jusqu’à présent, mes préparatifs n’avaient pas pris en compte les forces aéroportées. L’Arachnée avait des unités capables de les abattre, comme les Essaims Toxiques et les Essaims Incendiaires, mais aucune n’était stationnée dans le Royaume de Maluk.

Le seul point positif était que Baumfetter était caché et protégé par les arbres, ce qui signifiait que les wyvernes ne pouvaient pas le repérer du ciel. Notre base principale et les tunnels dans lesquels je m’étais réveillée à l’origine avaient évité d’être détectés pour la même raison.

Mais je suis sérieusement épuisée.

Du fait que j’accédais peut-être trop souvent à la conscience collective, mais ma perception de qui j’étais devenait de plus en plus vague. J’avais donc décidé d’essayer de me rappeler ma propre identité.

Je suis Grevillea. Mon objectif est de retourner au Japon à un moment donné. J’ai 18 ans et je suis en première année d’université. Je ne dois pas l’oublier. C’est ce que je suis. Je fais partie de l’Essaim, mais l’Essaim ne me définit pas.

« Votre Majesté, je suis désolée, mais vous devez vraiment vous reposer. Vous êtes terriblement pâle. Si vous vous effondriez d’épuisement, ce serait la plus grande perte imaginable pour l’essaim. », poursuivit Sérignan, en s’inquiétant.

Elle devait être terriblement inquiète, je voyais des larmes dans ses yeux. J’étais heureuse de voir à quel point elle se souciait de moi.

« Bien. Je vais me reposer un peu. Mais réveille-moi s’il arrive quelque chose. »

« Compris. »

Elle fit un signe de tête.

Cela dit, je m’étais dirigée vers le siège arrière de la calèche dans laquelle nous étions et je m’étais recroquevillée en boule.

Puis-je vraiment gagner cette guerre ? Est-ce que je peux vraiment tenir ma promesse aux elfes… et ma promesse à l’Essaim ?

Oh, et il y avait encore une promesse que j’avais faite, mais je ne me souvenais plus de quoi il s’agissait.

Je… ne pouvais pas me souvenir…

☆☆☆

Mes oreilles avaient été chatouillées par le son de quelqu’un qui jouait du piano. C’était un air joyeux et optimiste qui m’avait incitée à ouvrir les yeux. J’étais dans un théâtre inconnu, assis dans l’un des sièges. Sur la scène, une fille jouait du piano avec des mouvements adroits et délicats.

« Oh, vous êtes réveillée. »

Elle rétracta ses mains et se tourna vers moi, puis me fit signe de m’approcher. Sa tenue gothique à froufrous m’était très familière.

« Samael ? »

« Oui, c’est moi, Samael. Que pensez-vous de cet endroit ? Personnellement, j’en suis assez satisfaite. Impressionnant, non ? Je pense que le Teatro alla Scala en a pour son argent. Et si j’ose dire, je pense que mon petit récital était aussi exquis. »

C’était… bon, me suis-je dit dans ce qui pouvait probablement passer pour un défi. Je veux dire, ce n’était pas mal.

« Où est Sandalphon ? »

« Oh, elle ? Elle n’est pas là pour le moment. Et si vous essayez de gérer les choses par vous-même pour une fois ? Essayez de faire face et de me résister, à l’attrait de la malice et du plaisir, toute seule. »

Sandalphon, qui était toujours là dans ces moments-là, était introuvable.

« Vous êtes dans cet environnement depuis un certain temps maintenant, et pourtant vous n’êtes toujours pas devenue folle. C’est vraiment dommage. Vous devriez vous détendre et vous laisser aller à la folie. »

Samael baissa la voix jusqu’à un murmure.

« Abandonnez-vous à l’essaim, et souillez votre âme via un génocide insensé. C’est le chemin que vous devez prendre. »

Je secouais alors violemment la tête.

« Pourquoi ferais-je cela ? Je veux m’accrocher à ce que je suis. Je ne veux pas être consumée par la conscience collective de l’Essaim. »

« Eh bien, c’est dommage. Si vous vous étiez livrée au collectif, vous n’auriez pas eu à endurer autant de difficultés, hein ? »

Samael appuya sur une touche du clavier. Le son dur retentit dans ma tête.

« Abandonnez-vous à la conscience collective. Dévorez tout sur votre passage, et reproduisez-vous encore et encore et encore. Avec ces nombres supérieurs, écrasez tous ceux qui se trouvent sur votre chemin. Si vous faites cela, vous ne tomberez jamais devant l’Empire de Nyrnal », dit Samael, se tournant à nouveau vers le piano.

« Je suis sûre qu’une partie de l’Empire aurait pu être à vous maintenant. Pensez-vous toujours qu’il est inutile de faire un seul acte avec le collectif ? Si vous me demandez, s’accrocher à votre humanité dérisoire et résister à l’esprit de l’Arachnée est ce qui est vraiment inutile. »

Elle recommença à jouer du piano. Cette fois, il s’agissait de la Sonate au clair de lune de Beethoven.

Depuis combien de temps n’ai-je pas pu regarder la lune sans rien faire et apprécier sa beauté ? Ai-je même été dans l’état d’esprit d’apprécier une telle chose depuis que toutes ces horribles tueries ont commencé ?

« C’est juste un bain de sang inutile », avais-je dit amèrement.

« Quoi qu’il arrive, un massacre restera un massacre. Il ne peut être qualifié de “bon” ou de “mauvais”. »

Samael n’avait pas tort. J’inventais toujours des raisons pour justifier les meurtres que j’avais commis. Mais peu importe la façon dont j’essayais de le justifier, j’avais quand même tué des gens. Le fait que j’avais pris la vie de gens n’allait pas changer.

J’avais toujours cru que mes batailles étaient menées pour toutes sortes de bonnes raisons, mais cela aurait très bien pu être une erreur. Quelles que soient mes intentions, j’avais fini par agir comme la conscience collective me l’avait ordonné.

Un massacre ne peut pas être qualifié de « bon » ou de « mauvais », hein ? On pourrait dire la même chose de la guerre.

« Pourtant, je refuse de m’abandonner au collectif. Je vais rester humaine, telle que je suis maintenant. », avais-je déclaré.

« Quelle déception ! Continuez comme ça et vous allez rompre votre promesse. Oui, la victoire que vous avez promise à l’Essaim. Pourquoi faire un tel serment, alors ? Parce que vous aviez peur qu’ils vous dévorent tout cru, hein ? Alors vous pouvez abandonner maintenant. L’essaim vous est déjà fidèle, il ne s’opposera plus à vous. Mais vous le savez déjà, pas vrai ? », dit Samael, sa musique devenant de plus en plus audacieuse et dissonante.

« Je ne trahirai pas l’Essaim. Tout comme ils ne me trahiraient pas, je ne leur tournerai pas le dos. Je tiendrai ma promesse, mais à ma façon. »

Elle avait raison. J’avais bien compris à quel point ils étaient loyaux. Même si j’ignorais ma promesse et que je fermais les yeux sur la guerre, ou si je refusais de voir la mort d’innombrables Essaims, ils ne se vengeraient pas.

Quoi qu’il en soit, je resterais une femme de parole. J’avais pleinement prévu de leur accorder la victoire qu’ils recherchaient. Même s’il s’agissait de monstres grotesques et inhumains, je tiendrais la promesse que je leur avais faite.

« Oh, ce n’est pas grave. Je comprends pourquoi Sandalphon est si épris de vous. »

Samael appuya légèrement sur une seule touche en signe d’exaspération.

« Mais cela ne servira à rien. Ce monde entier est inutile. Ce n’est pas différent d’un rêve… Non, c’est peut-être aller trop loin. C’est un rêve, mais c’est aussi la réalité. »

Elle poussa un soupir et me fixa du regard.

« Je vais vous confier un petit secret. Dis-moi, vos parents sont-ils encore en vie ? »

« Bien sûr qu’ils le sont. »

En y repensant, quand ai-je parlé à maman et papa pour la dernière fois ?

« Oh, et c’est là que la tragédie commence. En vérité, ma chère, ils sont tous les deux morts. Et votre mère… »

Samael se leva de son siège et s’approcha de moi, me fixant de son regard perçant.

« Eh bien, elle est morte de vos mains. »

Dès que ces mots quittèrent ses lèvres, mon esprit s’était éteint.

« Excusez-moi… ? »

« Vous n’avez pas entendu. Vous l’avez tuée, espèce de monstre. »

Non… mais… Maman et papa devraient être encore en vie ! Je n’aurais pas pu les tuer !

« Vous mentez ! », criais-je.

« Non, je ne mens pas. Vos souvenirs ont juste été commodément altérés. Allez-y, regardez le public. »

Samael fit un geste vers les rangées de sièges.

Un médecin était assis, tenant des documents et un scanner biométrique. Il disait quelque chose que je n’étais pas prête à écouter. Au fond de moi, je savais que je ne pouvais absolument pas me permettre d’entendre un mot de ce qu’il disait.

Oui, je connaissais ce médecin. Je savais qui il était, même si je savais que je ne l’avais jamais vu auparavant.

Un étourdissement soudain me prit. Le monde tourbillonnait, comme si on m’avait soudain jetée dans une machine à laver.

« Ça y est, vous vous en souvenez maintenant. Vous avez tué votre propre mère. Vous vous en rendez compte maintenant, non ? Vous êtes un être humain horrible, la pire sorte de personne imaginable. Comprenez-vous comment vous avez pu recourir au meurtre aussi facilement que vous le faites ? C’est parce que vous êtes un être humain de la pire espèce, un déchet humain ambulant. Un tueur né. », me dit Samael en ricanant.

Je m’étais accroupie et je m’étais bouché les oreilles, en essayant de faire taire les moqueries de Samael.

Tu as tort. Faux, faux, faux ! Je ne l’ai pas tuée. Je ne l’ai pas tuée, je ne l’ai pas tuée !

« Tu es allé assez loin, Samael. »

Une voix digne résonna dans tout le théâtre.

« Oh, Sandalphon. Je suis surprise que tu aies trouvé cet endroit. »

« Les diables comme toi sont des créatures prévisibles. »

Elle fixa Samael du regard.

« Sandalphon, je… je… », bégayais-je.

« Écoutez-moi, _________. Vous n’avez pas tué votre mère. Vous ne devez pas prêter l’oreille à ce diable, elle ne cherche qu’à tromper les humains et à jouer avec leur âme. Ne faites pas confiance à un seul mot qui sort de sa langue fourchue. »

Sandalphon m’avait alors tirée dans une douce étreinte. Je ne savais pas vraiment qui elle était, mais sa présence était apaisante. Les paroles de Samaël avaient perturbé mon cœur, mais la gentillesse de Sandalphon l’avait apaisé.

« Excuse-moi, Sandalphon, mais je ne faisais qu’énoncer les faits. Elle a tué sa mère. », dit Samael.

« Non. Elle ne l’a pas fait. _________, Vous menez une vie respectable. Vous ne négligez jamais de tenir vos promesses, même lorsque l’autre partie se trouve être une légion de monstres grotesques. C’est quelque chose dont vous devriez être fière. Accrochez-vous à cette vertu, quelle que soit la malveillance dont vous faites preuve. », rétorqua Sandalphon avec force.

« Je le ferai. »

Je ne négligerais pas de mener l’Essaim à la victoire que je leur avais promise. J’avais fait ce vœu à d’innombrables Essaims, à Sérignan, à Lysa et Roland. Je devais l’accomplir, même s’ils n’étaient pas humains comme moi. Si je les abandonnais, j’avais le sentiment qu’Isabelle se retournerait dans sa tombe. Après tout, elle s’était accrochée à sa promesse avec nous, les monstres, jusqu’à la fin.

« Quelle que soit l’agonie qui vous arrive, n’oubliez jamais votre cœur humain. Vous ne devez pas devenir trop émotive. Restez toujours calme. »

« Oui, je comprends. »

J’avais perdu tant de personnes auxquelles je tenais, que j’étais peut-être devenue un peu instable ces derniers temps. Même si les émotions étaient valables, j’avais encore besoin de me contrôler.

« Retrouvons-nous bientôt, _________. Je vous promets de vous sauver de ce jeu malveillant du diable. Je le jure. »

Dès que Sandalphon finit sa phrase, je m’étais sentie sombrer dans les ténèbres.

« Mais Sandalphon, ai-je vraiment… »

N’avais-je vraiment pas tué ma mère ?

***

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