Chapitre 5 : Ceux qui vont de l’avant
Partie 1
« L’opération a été un succès », avais-je dit avec un sourire.
J’étais de retour à la base de l’Arachnée. Je n’aurais pas pu être plus reconnaissante au Duc Sharon pour m’avoir aidée à faire entrer en douce Elizabeta au Conseil international. En quelques phrases seulement, Elizabeta jeta le Conseil dans la discorde la plus totale. Elle fit en sorte que Nyrnal quitte le Conseil et permit au Duché d’adopter une position vague concernant le passage d’autres pays sur son territoire. Ce fut une parfaite victoire diplomatique pour l’Arachnée.
« Cela s’est-il passé sans problème, Votre Majesté ? », demanda Sérignan, après avoir pris connaissance de mes instructions à Elizabeta par la conscience collective.
« Oui. C’est sûr. Ils sont complètement divisés. Diviser pour mieux conquérir est une stratégie de base, nous ne voulons pas que l’ennemi s’unisse et nous attaque ensemble. Avec nos ennemis séparés, nous pouvons les écraser un par un pendant qu’ils se disputent. »
Diviser et conquérir, c’était la tactique la plus élémentaire. Nous étions effectivement confrontés à toutes les autres nations du continent, mais en nous assurant qu’elles ne coopèrent pas, nous pouvions les éliminer une par une.
Le fait qu’une sorte d’alliance ait été formée était dommage, mais sans l’Empire, tout ce que cela signifiait, c’était que l’armée du Royaume Papale était devenue un peu plus grande. Nous pouvions gérer les petits pays à côté tout en combattant la force principale de Frantz.
Mais je me demandais si nous pouvions réellement vaincre le Royaume Papal de Frantz. Malheureusement, notre ennemi était déjà au courant de l’existence de l’Essaim. Certains des aventuriers de la guilde s’étaient glissés à travers les défenses de l’Essaim, avaient infiltré notre territoire, puis avaient fait un rapport sur les caractéristiques de l’Essaim. Un blitz ne fonctionnerait pas cette fois-ci.
« Eh bien, nous allons leur montrer. Je ne sais pas quelles cartes Frantz a dans sa manche, et nous n’avons aucun moyen de le découvrir… Mais quoi qu’il arrive, nous forcerons nos ennemis à se soumettre. »
J’étais préparée à une guerre contre le Royaume Papal de Frantz. Il se préparait déjà à frapper et déclarerait probablement la guerre, que nous voulions ou non riposter. Prier ne ferait pas disparaître la guerre qui arrivait. La seule façon d’y parvenir était d’écraser les agresseurs et de gagner.
« Pour l’instant, nous devons organiser l’armée que nous allons stationner à Schtraut. Les Essaims Éventreurs ne suffiront pas pour cela. Ils peuvent servir de noyau de l’armée, mais nous aurons besoin d’unités de siège pour percer les fortifications. »
J’avais fait signe à des essaims de travailleurs tout près et je m’étais approchée d’un de nos fours de fertilisation massive. Fidèle à son nom, il était gigantesque. C’était cinq fois plus grand qu’un four à fertilisation ordinaire. Il allait sans dire que les unités qu’il produisait étaient énormes. Jusqu’à présent, je produisais des unités qui entraient dans la catégorie des « petits », comme les essaims d’Éventreurs et Fouilleurs, mais j’étais maintenant sur le point de créer des unités beaucoup plus grandes.
Dans le jeu, la faction barbare de la Flamme utilisait d’énormes unités comme les Géants des forêts et les Trolls. La faction draconienne Grégoire dominait l’opposition avec des bêtes mythiques comme les Léviathans et les Béhémoths. La pieuse faction Marianne faisait naître des Anges et des Chérubins. C’était toutes de grandes et puissantes unités dont les coûts de production étaient très élevés.
Une ruée avec des Éventreurs n’était viable qu’au début du jeu. S’appuyer trop longtemps sur les Essaims Éventreurs pouvait entraîner une défaite inattendue. L’ennemi pouvait facilement les anéantir avec du matériel lourd et une puissance de feu intense. Afin d’éviter cela, j’avais décidé de produire de nouvelles unités pour gagner les batailles à venir.
« Très bien, commençons. »
Mais je ne m’attendais pas à ce qu’elles arrivent à temps pour une guerre dans Schtraut. Les batailles autour du Duché seraient rapidement décidées. Qu’importe celui qui allait attaquer, le Royaume Papal où l’Empire, la bataille pour Schtraut ne durerait pas longtemps. Le duché lui-même était large, mais pas très long, de sorte que les deux nations ennemies l’auraient réprimé en quelques jours.
Même si l’Arachnée se joignait à eux d’un côté, la nation attaquante serait capable de conquérir rapidement la capitale du duché si les choses jouaient en sa faveur. Et si cela se produisait, il ne s’agirait plus d’une bataille pour le duché, mais d’un conflit à trois sur ce qui avait été autrefois la terre de Schtraut. En résumé, bien que cela puisse devenir une longue guerre, la domination réelle de Schtraut prendrait fin trop rapidement.
Ainsi, même si je devais produire des unités lentes et lourdes ayant une attaque et une défense élevées, elles ne seraient pas prêtes à temps.
« Je suppose que c’est très bien », me dis-je à voix haute en regardant le four à fertilisation massive trembler.
« Les unités lourdes ont toujours une grande valeur. Je suis sûre que nous pouvons utiliser ce cuirassé terrestre lors de la prochaine bataille. »
☆☆☆
« Le Duc Sharon n’autorise pas le passage de l’alliance ? »
La question trouva un écho dans le domaine de la famille Lorraine.
« Oui, apparemment. Même si l’homme de Nyrnal est sorti du Conseil international, l’ambassadeur du duché s’est vanté que ce pays est capable de se défendre et a refusé d’approuver le passage. Comme c’est ennuyeux. », déclara Leopold, l’actuel chef de la Maison Lorraine.
C’était bien sûr le même homme qui s’était disputé avec Grevillea pendant la soirée.
« Mais ce pays peut-il vraiment retenir une armée de monstres ? Ne serait-il pas mieux pour nous de donner à l’alliance la permission de passer et de leur demander d’écraser les monstres pour nous ? » demanda Roland, le frère cadet de Léopold.
« Le duc espère sans doute faire la cour à ces monstres. Embrasser les autres est sa spécialité, après tout. Il s’agenouillerait probablement et poserait ses lèvres sur les pieds des monstres si cela pouvait préserver sa position. »
La relation de Léopold avec César était particulièrement amère. Ils avaient été des adversaires politiques lors de la dernière élection et, pour couronner le tout, leurs familles avaient une longue querelle découlant d’un engagement rompu il y a cinquante ans. La honte infligée à la Maison Lorraine était devenue une rancune persistante qui influençait leur relation jusqu’à aujourd’hui. Ce genre de comportement était typique de la noblesse de Schtraut.
« C’est un problème majeur, et si nous ne le traitons pas correctement, le duché de Schtraut sera rayé de la carte », marmonna Leopold en se versant un verre de cognac.
« Les monstres nous détruiront, et s’ils ne le font pas, alors Nyrnal profitera de notre faiblesse pour nous écraser sous les semelles de leurs bottes. De toute façon, ce sera notre fin. »
« Mais nous ne pouvons pas faire grand-chose, hein ? »
« Que dis-tu, mon cher Roland ? Nous sommes l’une des familles les plus importantes de Schtraut. Nous avons une grande richesse et une grande autorité, avec celles-ci à notre disposition, nous pouvons renverser la politique insensée du duc. En fait, nous pourrions même persuader les autres nobles de se rallier à nous et de le mettre en accusation. C’est une idée parfaite. C’est précisément comme ça que nous pouvons faire tomber la tête de Sharon. »
« Mise en accusation ? Tu es sérieux ? »
Roland regarda Léopold comme s’il doutait de la santé mentale de son frère.
« Il faudrait que les deux tiers des nobles votent pour, et je doute fortement que nous puissions obtenir l’accord d’un si grand nombre d’entre eux. Certains d’entre eux ont voté pour le duc Sharon plutôt que pour toi. »
« Oh, allez, on peut juste les soudoyer. Certains nobles ont vu leurs coffres se vider depuis la chute du royaume de Maluk. Si nous leur offrons une aide financière et de nouvelles perspectives commerciales, je suis sûr qu’ils se raviseront. », se moqua Leopold tout en avalant une gorgée.
« Quel genre de perspectives commerciales ? »
« Employer des immigrants. Vois-tu, les rapports de la guilde des aventuriers disent que Maluk a été complètement dévoré par les monstres et est maintenant inhabité. Je pense qu’envoyer des gens de Schtraut et d’autres pays pour reconstruire cette terre abondante est une bonne idée, n’est-ce pas ? Pour ma part, je pense que c’est une excellente opportunité. »
Leopold proposait d’envoyer des gens pour aider à reconstruire les territoires désormais inhabités du Royaume de Maluk. Le Duché et le Royaume Papal abritaient tous deux de nombreuses personnes qui avaient été acculées à la faillite et qui avaient un sombre avenir devant elles. Son plan était d’envoyer ces personnes vivrent à Maluk afin de récupérer ses riches terres et ressources. Ils reprendraient les travaux d’excavation des mines, laboureraient les fermes et élèveraient du bétail. Les nobles de Schtraut étant tous des commerçants, une sélection de ces commerçants accompagnerait les immigrants à Maluk, puis profiterait de leur travail en leur vendant des fournitures essentielles et en faisant du troc pour leurs produits.
Roland pensait poser des questions sur les survivants de Maluk, mais il avala sa question. Le royaume de Maluk était en fait en ruines et ses anciens citoyens n’avaient aucun droit réel. Elizabeta, par exemple, avait parlé en tant que représentante des survivants au Conseil international, mais ses paroles avaient été complètement ignorées. Et si cette stratégie commerciale était attrayante, elle reposait sur le sacrifice de personnes innocentes.
« Cela… pourrait fonctionner, oui. Erm, as-tu déjà commencé à travailler sur la mise en accusation ? »
« Oui, quelques personnes ont commencé à agir dessus — en coulisses, bien sûr. Si le Duc Sharon découvrait que nous allons le mettre en accusation, il prendrait immédiatement des mesures. Cet homme est attentif quand il s’agit de sa propre sécurité. »
Même si c’était la première fois que Roland entendait parler de ce plan, Leopold faisait déjà des mouvements dans l’ombre. Il avait demandé à quelques nobles au bord de la faillite — mais qui conservaient encore leur droit de vote — d’approuver le plan de destitution.
« De plus, tout le monde sait que si l’armée alliée passe, c’est une occasion de faire de l’argent. Vendre les fournitures des soldats produirait d’excellents profits », déclara Leopold, en riant de bon cœur.
« Je comprends, mais n’est-il pas possible que le Duc Sharon refuse le passage de l’armée alliée pour une bonne raison ? Tu devrais garder cela à l’esprit. Nous pourrions faire une erreur majeure ici. »
« Sharon n’est qu’un lâche », cracha Léopold, en versant plus de cognac dans son verre.
Aucun des deux ne pouvait imaginer que le duc s’était en fait allié aux monstres qui avaient détruit Maluk — l’Arachnée — pour assurer la sécurité du pays.
merci pour le chapitre
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