Joou Heika no Isekai Senryaku – Tome 1 – Chapitre 6

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Chapitre 6 : La bataille de Leen

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Chapitre 6 : La bataille de Leen

Partie 1

Les forces du Royaume de Maluk s’étaient rassemblées dans la ville de Leen. En raison de l’armée qui y était en garnison, la ville était en proie au chaos. Les officiers de haut rang avaient sécurisé les auberges, rassemblé des provisions et s’étaient empressés d’entrer et de sortir des magasins, s’assurant que l’armée ne manquerait de rien.

« Que penses-tu de cette guerre ? » demanda Gran Ginzbel à son collègue alors qu’ils prenaient un verre à la taverne.

Gran était le commandant du troisième bataillon du premier régiment, tandis que son compagnon dirigeait le premier bataillon.

Gran était un homme d’une trentaine d’années, ce qui le rendait un peu vieux pour servir comme commandant d’un bataillon dans ce monde. Mais il avait toujours fait ses preuves à l’entraînement. La raison de sa promotion tardive était probablement due à sa tendance à parler trop franchement et trop souvent. Il avait laissé sa femme de cinq ans plus jeune et son adorable fille de trois ans dans la capitale pour venir à Leen.

« C’est une drôle de guerre, si du moins cela en est une », répondit l’autre homme avec une expression aigre.

« Difficile de croire que les elfes aient anéanti les Chevaliers de Saint-Augustin. Sais-tu que leur capitaine était capable d’invoquer l’ange ? Comment un groupe de longues oreilles armé de couteau a-t-il pu tenir tête aux plus forts chevaliers du royaume et à un ange ? »

Les Chevaliers de Saint-Augustin étaient célèbres pour leur puissance martiale. Lorsque les pays du sud avaient envahi avec une armée de 30 000 hommes, les chevaliers les avaient arrêtés par centaines et les avaient repoussés jusqu’à la rivière Themel. Les enfants de Maluk se délectaient des récits de ces chevaliers et de leurs actes d’héroïsme.

« Tu penses donc que les elfes leur ont tendu une embuscade ? », demanda Mamie.

« Non, les supérieurs pensent que Nyrnal pourrait avoir une force avancée cachée dans la forêt. La forêt des elfes leur donnerait après tout un moyen d’entrer dans notre territoire sans traverser la Themel. »

L’autre commandant mouilla son doigt avec du vin, puis l’utilisa pour dessiner une carte grossière du continent sur leur table. Avec la forêt des elfes au centre, il montrait comment les forces de l’Empire pouvaient entrer dans le territoire de Maluk sans passer par la rivière.

« L’armée impériale de Nyrnal, hein ? J’ai entendu dire qu’ils sont tous assez forts. Ils ont après tout unifié les cinq pays du sud en un seul empire en seulement quatre ans. Ils ont vraiment l’air plus effrayants que les elfes. »

« Je ferais aussi attention aux elfes. Ce sont des bâtards rusés qui aiment tendre des pièges pour attraper les humains. Et une fois qu’ils ont attrapé quelqu’un, ils lui coupent les oreilles et le nez, lui arrachent les yeux, lui arrachent la peau et le mangent. Se faire attraper par les elfes est la seule façon dont je ne voudrais jamais mourir. »

Presque toutes les rumeurs concernant les elfes étaient composées de ce genre de comte cruel. Personne n’avait évidemment cherché à confirmer leur validité. Peu d’humains étaient entrés en contact avec les elfes, mais ils avaient quand même répandu ces rumeurs, car ils avaient senti que les elfes s’étaient détournés du Dieu de la Lumière, choisissant plutôt d’adorer les dieux de la forêt. C’est pourquoi les gens étaient prêts à croire que les elfes étaient capables de faire à peu près n’importe quoi de ce genre.

Chaque fois que des enfants disparaissaient près de la forêt, les elfes étaient les premiers à être suspectés. Pas les loups, pas les ours, mais les elfes. Et chaque fois, le Royaume envoyait une force pour les supprimer, en brûlant un village en représailles. Les elfes se cachaient alors plus profondément dans la forêt par peur, rendant le contact avec eux encore plus difficile et les rumeurs encore plus scandaleuses.

Les elfes mangeaient les humains. Les elfes sacrifiaient de jeunes filles vierges qu’ils avaient volées à leurs dieux. Les elfes étaient des réincarnations de criminels. Il y avait plus de rumeurs haineuses et superstitieuses sur les elfes qu’on ne pouvait en compter.

« Mais nous sommes sous les ordres du général Tchernov, hein ? J’ai un peu peur qu’il nous fasse faire quelque chose d’inutile. La rumeur dit qu’il est très désireux d’être promu maréchal, alors il pousse ses hommes à fond. Certains l’appellent même “Tchernov le meurtrier.” »

« Ah oui ? Je l’ai toujours pris pour un type calme et posé. Il sait toujours comment être prévenant envers ses hommes. »

Le fait qu’ils n’aient pas eu à camper dehors et qu’ils aient pu dormir dans des lits chauds était dû au travail acharné et à la perspicacité de Tchernov et de son personnel militaire. Les soldats de base devaient bien sûr camper dans des tentes, mais les officiers eux-mêmes passaient leurs nuits dans des auberges et des établissements confortables.

On pouvait en dire autant de leurs repas. Grâce aux efforts des officiers d’approvisionnement, ils pouvaient manger de la viande et des légumes frais. Les soldats étaient reconnaissants de ne pas avoir à subsister avec le pain dur et le sachet de viande séchée qu’ils avaient l’habitude de manger sur le champ de bataille.

« Mais quand même, ne pas savoir à qui on a affaire est sinistre. On aimerait bien savoir si ce sont les elfes ou les hommes de Nyrnal qui ont anéanti les Chevaliers de Saint-Augustin. »

« Effectivement. Après tout, connaître notre ennemi changerait la façon dont nous les combattons. Si c’est Nyrnal, nous devrons compter sur les troupes pour les occuper. Si ce sont les elfes, nous devrons éviter les pièges et les écraser avec une grande force. », dit Gran tout en hochant la tête.

« J’espère personnellement que ce sont les elfes. »

« Au pire, ils pourraient avoir uni leurs forces et nous devrons affronter les deux factions. »

Les deux continuèrent à bavarder, leurs lèvres se déliant sous l’effet du vin doux.

« Dans ce cas, prions Dieu que ce ne soit pas le cas. Que le Dieu de la Lumière nous accorde sa protection ! », cria le commandant du premier bataillon tout en ramassant son verre d’un geste maladroit.

« Tu as raison. »

Gran sourit amèrement et leva son verre.

« Que le Dieu de la Lumière nous accorde sa protection ! »

Gran ne croyait pas tant que ça au pouvoir de Dieu. Il n’avait jamais vu les anges, et il avait grandi dans un village si pauvre que si même Dieu existait, il l’avait certainement abandonné. Il n’était pas convaincu que le Dieu de la Lumière viendrait vers eux dans le pire des cas.

Pourtant, même lui, il se sentait poussé à prier Dieu cette fois-ci. Et désespérément, à ce moment-là.

☆☆☆**

La cloche sonna à trois heures du matin, avant que l’aube ne se lève.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Le général Tchernov, chef de toute la garnison orientale, s’était levé de son lit et consulta ses officiers d’état-major pour se faire une idée de la situation.

« Bon, eh bien, l’alarme a été déclenchée parce qu’une des portes de Leen est attaquée. Les combats se poursuivent, la milice de la ville engage le combat avec l’ennemi. »

« Les portes sont attaquées !? Pourquoi laisser ça à la milice de la ville ? ! Si un centre économique comme Leen venait à tomber, cela pourrait être un coup fatal pour le Royaume ! Envoyez immédiatement nos forces et repoussons l’assaut ! »

« O-Oui, monsieur ! »

Sur ordre du général Tchernov, les officiers s’élancèrent.

La porte en question était à l’est. Le premier bataillon avait été rapidement déployé à la rencontre de l’ennemi, celui-là même qui était dirigé par l’ami de Gran de la taverne. Son unité avait été la première à atteindre la porte de l’est.

Cependant…

« Mais qu’est-ce que c’est que ça ? »

Le sol près de la porte était devenu un grand trou béant. Et de l’intérieur de ce trou, des crocs aiguisés faisaient tomber la milice qui se battait désespérément pour protéger leur ville et les entraînaient dans la terre. Les miliciens essayaient frénétiquement de résister, tirant avec leurs arbalètes et leurs arcs longs, mais les monstres qui se cachaient dans le trou échappaient rapidement à leurs projectiles.

Le commandant du premier bataillon ne pouvait pas croire ce qu’il voyait. C’était comme s’ils avaient foncé tête baissée dans un cauchemar.

« Hé, vous là ! Si vous restez là, ils vont vous arracher la tête ! Montez à la porte ou grimpez sur un bâtiment, dépêchez-vous ! », cria un homme qui semblait être le chef de la milice.

« Vous avez entendu l’homme ! Montez, montez, je vous dis ! Au pas de course ! »

Le commandant du premier bataillon avait commencé à lancer des ordres à ses hommes, mais il était arrivé un instant trop tard.

Des crocs sortirent du sol, s’enfoncèrent dans ses hommes et les tirèrent dans les profondeurs. Même les sons de leurs cris étaient précipités vers le bas avec une force implacable.

Les autres soldats ne pouvaient que crier de terreur alors qu’ils se recroquevillaient sur place. Même s’ils avaient vu que rester sur le sol était dangereux, leur peur étouffait leur jugement, les forçant à agir de façon irrationnelle.

Les humains avaient si souvent souffert de cette affliction. Aussi illogique soit-elle, leurs instincts primaires allaient dominer leur comportement. Alors même que la peur leur remplissait les veines d’adrénaline, certains soldats devenaient complètement incapables de bouger.

« Dépêchez-vous, allez ! À ce rythme, on va nous prendre comme des mouches ! », s’écria le commandant.

Quelques braves soldats, qui avaient réussi à réprimer leur terreur, s’étaient empressés de grimper sur les murs et les bâtiments voisins. Le commandant s’était alors précipité vers les murs, grimpant jusqu’à la porte afin de mieux comprendre leur situation.

« Que se passe-t-il !? », demanda-t-il.

« Ces monstres nous attaquent depuis le sol depuis un moment déjà ! Nous ne pouvons rien faire ! », répondit le capitaine de la milice.

« Alors ces bêtes sont nos ennemis ? »

Le capitaine avait un très mauvais pressentiment. Les monstres qui attaquaient sous ses pieds étaient assez effrayants, mais son intuition lui disait qu’il devait y avoir une autre menace en jeu ici.

« Oh, mon Dieu ! D’autres monstres arrivent ! Un… Un essaim de monstres s’approche des portes ! Ils sont si nombreux que je ne peux pas tous les compter ! »

Les tripes du commandant avaient raison. Alors que la milice et le premier bataillon étaient pris en embuscade depuis le sous-sol, une importante force de monstres approchait depuis l’est. Ils ressemblaient à un croisement entre une araignée, un scorpion et une fourmi. Mais quoiqu’ils soient, ils marchaient en foule vers la porte de l’est.

Ils couvraient la terre et avançaient en colonnes organisées. Il n’y avait aucune force militaire autour d’eux capable de soumettre autant de troupes ennemies. Les 15 000 hommes envoyés par le royaume de Maluk ne seraient pas suffisants pour repousser ce raz-de-marée monstrueux. Une fois que le commandant s’en était rendu compte, il avait été tellement secoué par la peur qu’il avait brièvement oublié tout le reste.

« Les monstres détruisent la porte ! »

Les monstres des souterrains s’étaient regroupés devant la porte et l’attaquaient maintenant. Ils ressemblaient eux aussi à un croisement de plusieurs insectes réunis en un seul, sauf que chacun de leurs crocs avait la longueur d’un bras humain. Ils utilisaient ces crocs massifs pour mordre les composants de la porte, les usant progressivement.

« Archers, préparez vos arcs ! Ne les laissez pas passer ! », criait le commandant.

À son ordre, des flèches furent tirées sur les monstres, mais leur armure noire brillante déviait la plupart des flèches. Les flèches qui s’enfonçaient dans leurs articulations ou dans leurs yeux composés semblaient cependant avoir un effet… Les monstres blessés devinrent fous.

Toute bête blessée par une flèche se mettait à se débattre sur place, mettant en lambeaux les malchanceux qui se trouvaient à proximité. Ils enfonçaient même les murs avec leur corps, l’impact envoyant les soldats tomber dans les crocs frénétiques en dessous.

« Arrêtez ! Ne tirez pas ! Vous allez faire tuer les hommes là-haut ! »

« Mais, monsieur, il y a une grande armée d’insectes qui marche sur nous ! »

Non seulement des insectes géants détruisaient les portes, mais une immense force d’insectes s’approchait au loin. Le bruissement d’innombrables pas instables résonnait de façon inquiétante dans les oreilles des soldats et faisait gronder la terre sous leurs pieds.

La situation était désespérée.

« Ils ont détruit la porte ! », s’écria quelqu’un.

« Merde, merde, merde ! Qu’est-ce que c’est que ces trucs !? »

Finalement, les dernières planches avaient été cassées, et la porte s’était ouverte.

« Ces monstres auraient-ils pu tuer les Chevaliers de Saint-Augustin ? »

« Ils viennent de la forêt. Nous ne pouvons pas les arrêter. Ce doit vraiment être eux… »

Le moral des soldats s’était effondré et leurs mains avaient cessé de bouger, sauf pour trembler de peur.

« Eh bien, continuez à leur tirer dessus, à moins que vous ne vouliez finir dans leur ventre ! Tirez, je vous dis ! »

Seul le commandant du premier bataillon s’était battu pour maintenir le moral de ses hommes et poursuivre l’offensive. Cependant, l’armée de monstres avait impitoyablement fait irruption par la porte brisée et commença à escalader les murs. Les soldats furent dévorés, les uns après les autres. Non… Pas dévoré. Ils avaient simplement été déchiquetés, comme si les monstres étaient des enfants qui se battaient pour un jouet.

« Monstres maudits ! Sales monstres ! »

Le commandant brandissait son épée, essayant désespérément d’assommer les créatures… mais tout cela fut vain.

Avant qu’il ne s’en rende compte, ses subordonnés avaient tous été anéantis, et il était entouré de six des insectes géants.

« Ahaha... hahaha... »

Il lâcha son épée, alors que son expression était teintée de désespoir. En quelques secondes, il avait été découpé en morceaux.

Maintenant que l’ennemi avait percé les défenses de Leen, rien ne pouvait les empêcher d’envahir la ville.

***

Partie 2

« Repliez-vous ! Retraite ! On ne peut pas les battre ici ! »

L’armée du Royaume de Maluk avait essayé de combattre les insectes qui se déversaient dans Leen pendant une heure, mais leurs efforts n’avaient pas abouti.

Les épées ne pouvaient pas pénétrer les exosquelettes durs des monstres, qui déviaient également les flèches. Cela mis à part, ils étaient des milliers — non, des dizaines de milliers. La garnison de l’Est comptait 15 000 hommes, mais ils ne pouvaient pas espérer résister à autant de créatures organisées et redoutables.

L’énorme armée d’insectes s’était abattue sur Leen, détruisant tout sur leur passage avec leurs crocs et leurs faux. Les rues étaient jonchées de cadavres de soldats mutilés, mais les monstres ne les avaient pas écoutés et s’étaient précipités vers le centre de la ville.

« Retraite !? Où diable espèrent-ils que nous courions ? ! » s’était écriée Gran, consternée.

Il s’était rendu personnellement sur le champ de bataille, l’épée à la main, juste au moment où l’ordre de se replier était arrivé. Peu importe où ils allaient, ils seraient entourés d’insectes dans toutes les directions.

« Commandant, la porte ouest est ouverte ! Nous devrions y aller tout de suite ! », dit son adjudant.

« Oui, d’accord. Mais avant cela, nous devons faire quelque chose pour ces monstres ! » dit Gran, en découpant un Essaim avec sa claymore. Les épées longues et les flèches ne pouvaient pas traverser l’armure naturelle des insectes, mais des armes plus lourdes comme les hallebardes et les claymores étaient capables de le faire.

« Que tout soldat ayant des hallebardes et des claymores ouvre un chemin ! Allons-y ! », cria-t-il.

« Compris, monsieur ! »

Ainsi, ils se dirigèrent vers la porte ouest. Des cris s’élevaient de tous les coins de la ville. Les insectes ne faisaient aucune distinction entre les soldats et les habitants, s’attaquant à tous ceux qu’ils rencontraient. Gran était certain que quelque part parmi eux, il avait entendu l’aubergiste de l’excursion de la nuit dernière crier de terreur.

Mais dans l’état actuel des choses, Gran et ses hommes n’avaient pas eu le temps de sauver les citoyens innocents de Leen. Rester en vie était le mieux qu’ils pouvaient faire. Peu importe le nombre de cris et d’appels à l’aide qui leur parvenaient, ils devaient les ignorer et atteindre la porte ouest.

Gran avait senti qu’il devait survivre à cela et vivre pour voir demain. Pour le bien de sa femme et de sa fille bien-aimée qu’il avait juré de protéger, il devait sortir vivant de ce cauchemar. Pour cela, il ne pouvait sauver personne d’autre que lui-même. Alors qu’il répétait ce mantra dans son esprit, Gran continuait à fuir pour sauver sa vie.

Son armure lui semblait trop lourde, et il ne désirait rien de plus que de l’enlever. Mais il craignait que les insectes ne le déchirent en morceaux, ce qui le poussait à porter le fardeau de son armure.

« Halte ! Es-tu un ami ou un ennemi ? Déclare ton appartenance ! »

Un officier de haut rang stoppa leur course folle, essayant de garder le contrôle de la situation même dans le chaos tourbillonnant.

« Troisième bataillon du premier régiment ! Nous avons reçu l’ordre de battre en retraite ! »

« Retraite !? Vous avez l’intention d’abandonner Leen ? Remettre une clé de voûte du Royaume à ces… ces bestioles ? ! Votre péché entacherait l’honneur des militaires de Maluk pour les années à venir ! Retournez à votre poste et battez-vous ! Je ne vous permettrai pas de battre en retraite ! »

« Mais on nous a ordonné de battre en retraite ! » lui cria Gran.

« Et nous n’avons pas donné un tel ordre ! Le général Tchernov a dit que nous devions défendre cette ville jusqu’au dernier homme debout ! Maintenant, retournez au front et… »

À ce moment, des crocs sortirent et s’enfoncèrent dans le corps de l’officier. Celui-ci avait ensuite été traîné sous terre, ne laissant derrière lui que les échos de son cri. Personne n’avait essayé de le sauver.

« Nous nous replions. Il n’est pas question de rester ici dans le seul but d’y laisser la vie », déclara Gran.

Les soldats survivants du troisième bataillon hochèrent la tête.

Gran n’était plus un soldat, mais un homme qui avait laissé la partie la plus importante de lui-même à la maison avec sa famille. Comme les autres soldats, il voulait juste laisser cet enfer derrière lui. Que la cour martiale soit damnée.

« Encore un peu jusqu’à la porte, et nous pourrons alors sortir de cet enfer. On y est presque. »

Cependant…

« Vous essayez de fuir, n’est-ce pas ? »

La porte ouest n’était pas ouverte, comme ils s’y attendaient. Les portes l’étaient, mais une grande toile d’araignée bloquait le passage, empêchant quiconque d’entrer ou de sortir. Plusieurs cadavres étaient empêtrés dans les fils épais.

« Impossible… »

L’estomac de Gran était tombé.

« Si vous avez l’intention de passer par ici, vous devrez me faire face. Je suis l’Essaim Chevalier Sanglant Sérignan. »

Celle qui se faisait appeler Sérignan était moitié femme, moitié insecte. Ses traits étaient couverts d’une armure rouge sang. Elle avait une épée noire à la main et se tenait sur le chemin de Gran.

« Nous n’avons pas le choix… À toutes les troupes, forcez le passage ! Archers, couvrez-nous ! Infanterie, en avant, marche ! »

Gran ne considérait pas la femme qu’il avait sous les yeux comme une compagne humaine, mais comme l’ennemie.

Les fantassins, vêtus d’une épaisse cotte de mailles et armés de hallebardes et de claymores, s’avancèrent, tandis que les archers visaient la femme — non, le monstre se faisant appeler Sérignan.

« À l’attaque ! »

Les archers lancèrent leurs flèches immédiatement, marquant le début de la bataille.

« Pathétique. »

Sérignan tira un coup de soie depuis son abdomen vers un bâtiment de l’autre côté de la rue, puis s’en était servi pour se lancer. Ce faisant, elle évita les flèches qui auraient dû pleuvoir sur elle.

« Allons-y ! »

Malgré leur détermination, l’infanterie commença à s’effondrer.

« Gaaah ! »

Sérignan dirigea son épée vers les fines ouvertures de leurs casques, détruisant leurs yeux avec une précision mortelle.

« N’hésitez pas ! Continuez à l’attaquer ! »

Gran comprenait la gravité de la situation, mais il savait aussi qu’ils devaient se battre. S’ils s’enfuyaient, ce monstre les poursuivrait et les tuerait tous. Même s’ils parvenaient à la secouer, ils avaient toute une armée de monstres qui se pressaient dans les rues à leurs côtés. Leur seul moyen d’avancer était de se débarrasser de Sérignan et de percer vers l’extérieur.

« Je vois. C’est tout ce que les humains peuvent faire. »

Trois soldats lourds chargèrent Sérignan en même temps. Elle en poignarda deux à la poitrine grâce aux pattes arrière, puis elle frappa le troisième avec sa longue épée, lui tranchant la gorge. Les hommes s’étaient effondrés sur le sol dans des mares de sang, où ils étaient restés immobiles.

« Venez à moi, humains. Je vous tuerai tous, et je ferai de vous la nourriture qui donnera naissance à mes nouveaux camarades. »

Sérignan avança sur Gran, sa longue épée à la main et les deux jambes de l’arrière pointées dans sa direction.

« Infanterie lourde, passez en défense ! Archers, continuez à tirer ! »

Gran réalisa que les mouvements lents de l’infanterie lourde ne pouvaient pas suivre les mouvements rapides de Sérignan, alors il leur ordonna de servir de bouclier aux archers.

« Trop ennuyeux ! Trop faible ! Trop pathétique ! »

D’innombrables flèches plurent sur le chevalier rouge-sang, mais elle les faisait toutes tomber avec sa queue et son épée. Pas une seule n’avait réussi à la toucher.

« C’est impossible ! Nous ne pouvons pas combattre cette chose ! »

« À l’aide, quelqu’un ! »

Réalisant que leurs attaques étaient futiles, les archers paniquèrent et commencèrent à fuir.

« Attendez ! Ce chemin grouille d’insectes ! Vous allez vous faire tuer ! »

Gran essaya de les arrêter, mais ses paroles tombèrent dans l’oreille d’un sourd. Les archers en fuite avaient été acculés par des insectes rampant dans les ruelles, et leurs corps avaient été rapidement mutilés par des faux et des crocs. Les hurlements de mort des archers s’estompèrent rapidement, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un silence sinistre.

« Allez-vous vous battre comme un idiot ? Ou vous rendrez-vous à votre destin afin de devenir notre nourriture ? »

Sérignan s’approcha de Gran et de l’infanterie, son épée à portée de main.

« Personne ne va se retourner et te laisser nous faire devenir de la viande hachée ! »

Gran renforça sa résolution et ordonna à l’infanterie lourde restante d’attaquer immédiatement Sérignan. Cependant, Sérignan tira des cordes au sol qui s’étaient enroulées autour des pieds des soldats et elle les fit trébucher. Seule Gran avait réussi à percer, mais elle avait habilement intercepté sa frappe.

« Pas encore ! »

Refusant d’abandonner, Gran avait de nouveau fait tomber sa lame. Droite, droite, gauche, en haut, droite. Il la frappa dans tous les sens, mais Sérignan avait une dextérité extraordinaire. Elle avait détourné toutes ses attaques, n’en laissant pas passer une seule. Puis elle riposta, lui infligeant une profonde entaille au bras droit.

« Merde », maudit Gran à travers ses dents grinçantes.

« Vous allez bien, monsieur !? »

L’infanterie parvient à se dégager des ficelles et se précipita à ses côtés.

« Chargez-la ! Elle ne peut en gérer que trois à la fois ! Plus que ça et elle devrait avoir des ennuis ! », grogna-t-il en réponse.

« Oui, monsieur ! »

Cinq fantassins lourds obéirent à son ordre et l’attaquèrent en même temps.

« Dites-vous que je ne peux en gérer que trois à la fois ? »

Sérignan eut un sourire mystérieux et pencha la queue vers l’infanterie lourde. Et tandis que les cinq hommes se précipitaient sur elle…

« Quoi ? ! »

Gran n’en croyait pas ses yeux.

Sérignan lia deux des fantassins avec ses ficelles, puis tua rapidement les trois autres avec son épée et ses jambes. Ensuite, elle tua les deux fantassins enchevêtrés l’un après l’autre dans des mouvements gracieux et fluides. Le sang dansait dans l’air et les mouchetures qui s’envolaient sur sa carapace cramoisie se mêlaient parfaitement.

« Viens, fais-moi face. Tu es le dernier qui reste », déclara Sérignan, en lui montrant son épée longue.

« Espèce d’enfant de l’enfer ! » cria Gran en retour, en s’appuyant sur son épée.

« Les elfes ont dû vous invoquer avec une sorte de magie noire ! »

« Tu crois que les elfes nous ont invoqués ? Quelle absurdité ! Nous avons reçu la vie et la chair de Sa Majesté, la Reine de l’Arachnée ! Les elfes ne nous ont pas convoqués. L’Arachnée est une civilisation supérieure qui éclipse grandement les elfes ! »

« Arachnée ? C’est donc le nom de votre pays… Pourquoi nous envahissez-vous ? ! Êtes-vous des barbares qui ne connaissent rien de la culture et de l’humanité !? »

La voix de Gran était teintée de douleur.

« Comme c’est ridicule. C’est votre peuple qui nous a attaqués en premier. Vous avez massacré nos alliés et ainsi suscité la colère de Sa Majesté. Ce sont vos actions qui ont fait que notre reine a décidé de rayer votre misérable royaume de la surface de la terre ! Votre pays sera effacé de ce monde. Aucun individu de votre peuple ne survivra. Tel était le décret de Sa Majesté. Si vous n’aimez pas cela, accusez les Chevaliers de Saint-Augustin d’avoir attaqué Baumfetter. »

« C’est donc vous qui les avez tués après… »

Avant que Gran ne puisse finir sa phrase, Sérignan lui coupa la tête. Le sang qui jaillissait donna à son armure un éclat plus profond et plus sombre.

« Bravo, Sérignan. »

« Votre Majesté ! »

La reine de l’Arachnée s’approcha de Sérignan. Elle était vêtue d’une robe élégante qui contrastait avec le champ de bataille couvert de sang et de cadavres.

« Tu parles pourtant trop. Il suffit de tuer les fantassins. Tu n’as pas besoin de les engager dans une conversation. En épargnant l’attention de chacune de tes victimes, tu ne feras que perdre un temps précieux. »

« Mes excuses, Votre Majesté ! »

Sérignan baissa la tête, tout en regardant la reine.

« Eh, c’est bon. Mais tu as été géniale. C’est exactement ce que j’attendais de ma précieuse unité de héros. Je t’élèverai comme le plus fort Essaim de l’existence. Et c’est pourquoi je ne peux pas te laisser mourir devant moi, compris ? »

Le ton de la reine était doux.

« Oui, ma reine. Je survivrai, quoi qu’il arrive. », dit Sérignan, les yeux un peu larmoyants.

« Oh allez, pas de pleurs. Es-tu un guerrier expérimenté ou un petit enfant ? »

Elle tapota la tête de Sérignan.

« Pardonnez-moi. Je suis simplement trop reconnaissante pour vos gentilles paroles. »

« Écoute, essuie-toi le nez et va finir cette bataille. Une fois que nous aurons fini ici, nous irons dans la prochaine ville, et celle d’après. Ensuite, nous prendrons d’assaut leur capitale… Siglia. »

« Vos désirs sont des ordres, Votre Majesté. »

Et ainsi, les rideaux furent tirés sur la bataille de Leen. Les 15 000 hommes de la garnison de l’Est avaient été anéantis, ainsi que 150 000 citoyens de Leen.

Malheureusement pour ceux qui espéraient que le cauchemar se terminerait bientôt, la ruée de l’Essaim d’Éventreurs de la reine de l’Arachnée ne faisait que commencer.

***

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Un commentaire :

  1. Que le bain de sang commence !! ^^

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