Je suis un bâtard mais tu es pire – Tome 1 – Chapitre 24

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Chapitre 24 : La disparition d’une traîtresse

« … Et c’est tout ce que j’ai entendu. »

« … Comment as-tu réussi à entendre tout ça exactement ? »

Je fis part des rumeurs sur la famille royale que me relatait mon « ami » de la capitale à mon père, qui réagit, mi-impressionné, mi-inquiet.

Les fiançailles rompues, le mariage de Sullivan dans la maison Nommes et son arrivée dans la province orientale, la tentative d’assassinat de l’héritier du maréchal, ses suites et la punition de Selena.

Un mois s’était écoulé depuis que cette série d’événements avait agité la province orientale.

Après avoir terminé le nettoyage, j’avais pris un congé pour « récupérer » dans ma résidence privée, avec Eliza, Sakuya et certaines de mes servantes préférées.

Dans ma résidence privée, j’avais profité de ces jours de loisirs complets en accompagnant mes servantes, en croisant le fer avec Shana, et en jouant à un jeu appelé « Shogi » contre les membres des « Crocs d’Acier ».

Un jour, cependant, j’avais reçu la visite d’un invité inhabituel : mon père.

Il était apparemment inquiet pour son fils suite à la tentative d’assassinat. Il était donc venu voir comment je me portais.

Père et moi étions assis à une table dans le jardin, buvant du thé.

J’avais demandé aux servantes de se tenir à l’écart, c’était donc notre premier moment d’intimité depuis un moment.

Les dégâts causés au jardin lors du combat contre Sullivan étaient déjà réparés. Le sol imbibé de sang avait également été remplacé.

En contraste frappant avec l’élégance du jardin décoré par la floraison des fleurs de saisons, nos sujets de conversation étaient plutôt épouvantables.

« Les bouches des gens ne peuvent pas être scellées, comme on dit, peu importe les efforts du duc Rosais. Le roi qui se sépare du trésor national, un nouveau roi considéré comme un fils illégitime par l’ancien roi… il n’y a aucune chance que des rumeurs juteuses comme celles-ci restent cachées pour toujours. »

« Hnng, ma migraine recommence… je n’aurais pas dû venir ici. »

Après m’avoir entendu parler des nombreux problèmes qui avaient secoué le cœur du royaume de Lamperouge, Père pressa ses doigts contre ses tempes avec une expression douloureuse.

« Laisse-moi te le demander, juste au cas où… ce n’est pas ma faute, hein ? »

« … Je me le demande. »

Père avait répondu froidement à ma question.

Après tout, tout le tumulte qui régnait dans la capitale résultait de mes fiançailles rompues.

Je pensais sincèrement que je devais des excuses au Duc Rosais, qui était terriblement occupé à en gérer les conséquences.

Les mots suivants de Père me firent demander s’il avait lu dans mes pensées.

« Si tu te sens vraiment désolé, pourquoi ne pas rendre “Herakles” à la famille royale ? J’ai entendu les soldats qui sont allés l’arrêter. Il portait le bracelet précieux de la famille royale. »

« De quoi s’agit-il ? Ce bracelet a disparu avec Sullivan, non ? »

« Pour l’amour du ciel… tu as vraiment l’intention de t’enfuir avec ça ? Je dois te prévenir, mon fils. S’ils découvrent que tu l’as pris, tu seras accusé de trahison. Même si c’est l’œuvre de l’ancien roi ou de Sullivan. »

Je n’avais jamais vu mon père prendre une expression aussi sérieuse.

Son regard féroce ne permettait aucune excuse ou échappatoire. C’était le visage du gardien du royaume, l’homme qui avait protégé les frontières orientales depuis avant ma naissance.

J’avais détourné mes yeux de son regard sérieux, j’avais levé les yeux au ciel et j’avais répondu.

« Sois tranquille, je ne veux pas chercher la bagarre avec la famille royale. Je ne suis pas assez téméraire pour croire que je peux affronter les nobles centraux avec l’empire qui nous souffle dans le cou. »

« … Tu donnes l’impression que tu le ferais si l’empire n’était plus une menace. »

« Ne me regarde pas comme ça, vieil homme. J’ai mes propres projets, c’est tout. »

Je n’étais pas vraiment intimidé par la pression de mon père, mais j’avais décidé d’exprimer honnêtement mes pensées.

Je voulais aussi savoir comment il réagirait à mes propos, en tant que maréchal de la province orientale.

« Ce pays est assez tordu, n’est-ce pas ? L’empire au nord et à l’est, les “Armées du Diable du désert” à l’ouest, les pirates et les pays insulaires au sud. Les quatre maisons maréchales se battent sans cesse contre ces menaces, mais si une seule des quatre maisons était vaincue ou passait du côté de l’ennemi, tout le royaume s’écroulerait. »

« … »

« Dans ce château construit sur du sable, les nobles du centre vivent dorlotés et protégés, mais nous regardent de haut, nous, les nobles des campagnes, comme si c’était l’ordre naturel des choses. Sullivan m’a traité de meurtrier en face, mais j’imagine que les nobles du centre nous voient tous comme ça, même s’ils ne le disent pas à voix haute, non ? »

Je m’étais arrêté un moment, j’avais pris ma tasse de thé et l’avais portée à mes lèvres. J’avais siroté le thé tout en appréciant l’arôme de ses feuilles de haute qualité.

Père ne m’avait pas pressé et attendit que je finisse de boire.

« Hmm, délicieux… de toute façon, même si je ne faisais rien, quelque chose finira par éclater, que ce soit au nord, au sud, à l’est ou à l’ouest. Je me prépare simplement à cela. Cinquante ans… un pays aussi corrompu que celui-ci a réussi à durer longtemps, hein ? »

« … As-tu l’intention de te rebeller contre le royaume ? »

« Comme je l’ai déjà dit, je ne vais rien faire tant que l’empire est en bonne santé. Je n’ai de toute façon pas assez de pions ou d’armes. »

Je tapotais le bracelet dans ma poche de poitrine, en prenant soin de ne pas laisser Père le remarquer.

Le bracelet immortel « Herakles » était le plus gros fruit porté par cette série d’événements, mais je n’étais pas encore satisfait. Tant s’en faut.

Ce que je souhaitais n’était pas seulement d’être capable de gagner contre les nobles centraux.

Mon souhait était d’atteindre une puissance écrasante, quelque chose qui ne puisse être contré par rien ni personne, quelque chose qui paraisse invincible aux yeux de tous, et finalement déclarer le territoire de Maxwell indépendant du royaume de Lamperouge.

J’avais perfectionné mes techniques de combat, entraîné les soldats.

J’avais rassemblé des outils magiques avec l’argent que j’avais gagné via les affaires domestiques, intégré les « Crocs d’Acier » dans nos forces comme une division d’assassinat — espionnage.

De tels préparatifs, cependant, étaient loin d’être suffisants.

« Vieil homme. J’aime le territoire de Maxwell. J’aime cette province de l’est. Tu peux être assuré que je ne commencerai jamais une guerre qui pourrait apporter de la souffrance aux gens de l’est. Tant que la famille royale et les nobles du centre auront la moindre chance de victoire, je ne ferai rien. »

« Je vois… »

Père était tombé dans un silence pensif pendant un moment, puis s’était appuyé contre le dossier de la chaise.

« … Mon mal de tête devient sérieux… puis-je me retirer ? »

« Je ne peux pas bouger librement si tu prends ta retraite si tôt, alors non. »

« C’est ce que je pensais… aah, c’est douloureux. Ma femme me manque… je veux voir Grâce. »

« … Plus un mot sur la vieille sorcière de ma résidence. »

J’avais froncé les sourcils et brusquement coupé les mots de père.

Au moins, je savais maintenant qu’il n’avait pas l’intention de me punir.

Je poussai un soupir de soulagement tout en sirotant mon thé.

« À ce propos, j’ai engagé une nouvelle servante récemment. Laisse-moi te la présenter, mon vieux. »

Les conversations sérieuses étaient terminées pour la journée, j’avais donc allégé l’ambiance.

Père secoua la tête, une expression aigre sur le visage.

« Je parie que c’est une autre de tes amantes. Je ne peux pas dire que je suis intéressé. »

« Ne dis pas ça, rencontre-la simplement. Elle est vraiment intrigante. »

« Hm ? C’est bien si tu dis ça, mais… »

J’avais sonné la cloche de service et j’avais dit à la femme de chambre qui s’était approchée de la table d’amener « la fille » ici.

La femme de chambre obtempéra rapidement et conduisit « la fille » jusqu’à nous.

« Cette fille est… »

« Laissez-moi vous présenter. C’est Kanna, le nouveau membre des “Crocs d’Acier”. »

« … »

Père regarda son apparence inhabituelle et avala son souffle.

La fille que j’avais présentée avait environ 18 ans.

Kanna était entièrement vêtue de blanc, du haut de la tête jusqu’aux orteils.

Elle avait des cheveux d’un blanc éclatant, une peau blanc pâle et des yeux de la couleur de la cendre. Elle portait un « kimono », vêtement traditionnel de la patrie des « Crocs d’Acier », qui était maintenant complètement blanc lui aussi.

Seules ses lèvres étaient teintes en rouge vif, ressemblant à des fleurs cramoisies éclatantes s’épanouissant dans des plaines complètement blanches.

Les traits de son visage pouvaient être décrits comme charmants, mais étaient dénués de toute émotion.

Contrairement à Sakuya, qui avait appris à cacher ses émotions grâce à l’entraînement, elle semblait purement vide de toute émotion, comme si elle n’en avait ressenti aucune depuis le jour de sa naissance.

Père regarda Kanna, perplexe, puis chuchota.

« Kanna… tu dis ? Ce n’est pas possible. C’est… Selena Nommes, non ? »

J’avais souri à la réaction de mon père.

La fille que j’appelais Kanna était en effet celle qui était appelée Selena Nommes.

Kanna — la fille anciennement connue sous le nom de Selena Nommes — avait lentement levé une main et m’avait désigné.

« … Trésor, femme, collectionne. Épée, héros dévorant — dragon noir maudit, Fafnir. »

« Qu’est-ce que… ? Qu’est-ce qu’elle dit ? »

Kanna commença à parler d’un ton monocorde, mon père en fronça les sourcils.

Elle n’avait même pas réagi à la question de mon père, mais l’avait pointé du doigt à la place.

« … Protéger, l’est, le cœur. Mer du sud, branches tendues, vers la jeune fille éternelle — arbre gardien, Sephiroth. »

« Hé franchement, Kanna. Ne pointe pas mon père du doigt, c’est impoli. »

« Je suis… désolé… je m’excuse, profondément. »

« … Dyn. Qu’as-tu fait à Selena ? »

En entendant Kanna énumérer des mots et des morceaux de phrases brisés, mon père m’avait de nouveau jeté un regard furieux.

Je pinçai les lèvres comme si je sifflais et répondis.

« Je te l’ai dit, ce n’est pas Selena… c’est Kanna. »

J’avais fait signe à Kanna de s’approcher.

Elle s’était approchée en sautillant, j’avais donc tiré ses mains et l’avais fait asseoir sur mes genoux, puis je l’avais prise dans mes bras par-derrière.

« Écoute, Selena ne me laisserait jamais faire quelque chose comme ça, pas vraie ? Elle me détestait au point qu’elle a essayé de me faire assassiner. Regarde ça. Squeeze ! »

« Squeeze… »

J’avais enfoui ma tête dans les cheveux blanchis de Kanna tout en appréciant le léger parfum de sa sueur.

« … »

Père resta sans voix.

Le « kimono » que portait Kanna était une sorte de robe que l’on portait en passant les bras dedans, et qui était ensuite attachée à la taille.

Son plus grand avantage était qu’il était facile de mettre ses mains à l’intérieur de la partie poitrine. J’avais glissé mes mains entre les plis et j’avais joué un peu avec ses seins.

Même si ses seins étaient touchés, l’expression de Kanna n’avait pas du tout changé.

Son ancien moi se serait sûrement mis à pleurer de peur si j’avais tenté un acte aussi barbare, mais maintenant elle l’acceptait normalement.

« … Elle ressemble en tout point à une poupée… qu’est-ce que tu as fait ? »

Père semblait sincèrement dégoûté.

J’avais souri tout en continuant à jouer avec le corps de Kanna.

« Je n’ai rien fait moi-même, vraiment. C’est l’œuvre des “Crocs d’Acier”. »

Selena, que j’avais capturée au lendemain de l’incident en tant que complice de Sullivan, était tellement choquée que son esprit avait été brisé.

Elle ne faisait que rire, sans même manger ou aller aux toilettes, si bien que je ne savais franchement pas quoi faire.

Dans un tel état, je ne pouvais pas la faire travailler comme je l’avais fait avec Sullivan ni l’utiliser pour le plaisir au lit.

J’avais donc discuté de ce qui pouvait être fait avec les « Crocs d’Acier » ninjas, et ils avaient proposé de la prendre avec eux. Après environ un mois, la fille nommée « Kanna » était née.

« Selon les “Crocs d’Acier”, elle avait le potentiel pour devenir une Miko. »

« Miko ? Une de ces prêtresses de l’est, c’est ça ? »

« Oui, les prêtresses qui peuvent voir des choses qui ne sont pas de ce monde et entendre la voix des dieux. Apparemment, elles peuvent même parfois prédire l’avenir. »

Chez les « Crocs d’Acier », il y avait une vieille femme avec un talent similaire : sous sa direction, Selena pouvait développer ses talents.

Développer ses talents… elle a dû passer par d’horribles expériences quand même.

Selena était apparemment obligée de suivre un entraînement éreintant, comme être forcée de boire des potions spéciales ou être jetée nue dans l’eau froide. D’après ses cheveux blancs purs et ses yeux cendrés, il était évident qu’elle avait vécu quelque chose d’inimaginable.

Après un entraînement aussi dur, son moi brisé renaissait sous la forme tordue de la Miko blanche, Kanna.

« Je n’ai pas encore demandé les détails, mais il semble que Kanna puisse voir l’âme d’une personne et sa véritable essence. Elle dit aussi des prophéties bizarres parfois. »

Selon Kanna, la véritable essence de mon âme était le « dragon noir maudit Fafnir ».

C’était un dragon maléfique qui enlevait les femmes et amassait des trésors. Honnêtement, cela me convenait parfaitement.

« On dirait qu’ils lui ont aussi enseigné toutes sortes de techniques pour les services de nuit. Je n’ai pas encore essayé, mais j’ai hâte de le faire. »

« … Ne me donne pas encore plus de maux de tête maintenant. Comment suis-je censé affronter le Baron Nommes ? »

Père se tenait fermement la tête et se penchait en avant sur la table.

Incidemment, le baron Nommes avait été blanchi de sa responsabilité dans la rébellion de Sullivan en raison de sa collaboration dans la capture de Selena.

Certains des autres nobles au service de la maison Maxwell avaient protesté, car la punition était trop légère, mais c’était moi qui leur avais imposé Sullivan en premier lieu. J’avais de grands espoirs pour le prochain chef de la maison Nommes, Cray, alors j’avais pensé que le déshonneur d’un membre de leur famille s’étant rebellé contre leur seigneur était une punition suffisante.

« Eh bien, dis-lui juste qu’elle va bien. Et ce n’est pas comme s’il allait encore voir “Selena”. »

« … Je rentre. Tu ferais mieux de finir tes vacances et de revenir au manoir, il y a du travail à faire. »

« Oui monsieur, je ferai de mon mieux. »

Je levai les mains en signe de reddition et regardai mon père partir, accompagné de ses gardes.

« … Désolé pour tous les problèmes que je te cause. »

C’était ce que je m’étais murmuré en regardant partir la calèche de mon père.

Je ne me considérais pas comme un bon fils. J’étais bien conscient du poids que j’exerçais sur ses nerfs.

Malgré cela, je ne pouvais pas contenir mes désirs et mes ambitions. Je ne pensais pas que les contenir était la bonne chose à faire.

J’allais probablement continuer à causer toutes sortes de problèmes et toutes sortes de maux de tête.

« Tu ferais mieux de vivre longtemps, vieil homme. »

« Vis longtemps… grand arbre… ne te fane pas… »

J’avais attrapé les épaules de Kanna et j’étais retourné à l’intérieur de la résidence.

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Un commentaire :

  1. merci pour le chapitre

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