Chapitre 6 : Un atout pour les négociations
Partie 2
Pendant ce temps, le chef de la République Gouran et son fils Kuu étaient dans le salon de leur villa à Noblebeppu, parlant de Souma et ses compagnons autour d’un verre.
« Quand tu étais avec ce roi, quelle était ton opinion sur lui ? » demanda Gouran en penchant une coupe de lait fermenté.
« C’est un drôle de type, » gloussa Kuu. « Il a l’air faible, mais je suppose qu’on peut dire qu’il y a quelque chose en lui qu’on n’arrive pas à comprendre ? »
Gouran inclina la tête sur le côté en écoutant les paroles de son fils. « Alors... qui est-il, à la fin ? »
« Comme je l’ai dit, je ne sais pas. C’est probablement un roi qui règne par la plume, et non pas par l’épée. Kazuma... non, Souma a l’air faible, et il n’est vraiment pas fort, mais il a une bonne collection de subordonnés autour de lui. Surtout, cette elfe sombre. Elle est dans une classe à part. Et même si Souma a l’air complètement vulnérable, si tu fais l’erreur d’essayer de poser la main sur lui, ses subordonnés laisseront traîner des tas de corps. »
« Hm..., » avait réfléchi Gouran. « Alors, il s’agit d’un roi qui est aimé et protégé par ses vassaux ? »
« Oook... J’ai l’impression que c’est bien plus que ça. C’est un malin, donc il ne sera pas imprudent, mais ce n’est pas comme s’il n’avait aucun courage. Peu importe à quel point il faisait confiance à ses subordonnés, un faible ne déciderait pas si facilement de m’accompagner dans une tâche aussi dangereuse que de soumettre ces ogres, non ? S’il peut mettre sa propre vie sur la balance, c’est la preuve qu’il a réussi grâce à sa propre part d’épreuves. »
« Après tout, on dit qu’il a vaincu un militaire comme Gaius VIII, » Gouran hocha la tête.
L’ascension de Souma au trône avait déclenché une guerre entre le royaume des Elfrieden et la Principauté d’Amidonia. D’après les histoires qu’ils avaient entendues, la guerre avait été une victoire écrasante pour le royaume, mais Gaius VIII avait montré sa fierté en tant que guerrier jusqu’à la fin.
Même si la guerre avait été décidée, et que ses troupes s’étaient brisées et dispersées, le prince héritier Julius s’était échappé, tandis que Gaius lui-même était parti avec ses serviteurs personnels et avait chargé une grande armée, s’approchant à quelques pas du cou de Souma.
Même dans la défaite, Gaius avait conservé sa fierté de guerrier.
Ceux qui avaient perdu une guerre avaient toujours été au début vilipendés. Les vainqueurs répandaient ces histoires pour démontrer la justice de leurs propres actions.
Cependant, dans le cas de Gaius, parce que sa fille Roroa allait épouser Souma et qu’ils avaient tenté d’unifier les deux pays, Souma n’avait jamais mal parlé de lui et il n’avait pas une réputation imméritée.
La réputation de guerrier de Gaius était défendue par une fille qui ne s’entendait pas avec lui et par son fiancé qui l’avait combattu en tant qu’un ennemi sans tenir compte de l’opinion des gens sur sa performance en tant que prince souverain. C’était donc à l’individu de décider s’il s’agit d’une bonne manigance de l’histoire ou d’une ironie.
Voilà ce que Gouran pensait.
Peut-être qu’en affrontant Gaius, Souma avait gagné un courage qui ne correspondait pas à son propre corps faible.
Si c’est ça... Gaius a laissé un souvenir incroyable.
Que Gouran l’ait souhaité lui-même ou non, les fils du destin avaient continué à s’enrouler autour de lui. Tout en sentant l’écoulement du temps, il se tourna vers Kuu, qui buvait du lait fermenté devant lui.
Est-ce que le fait de s’impliquer avec Souma va changer quelque chose chez mon idiot de fils ? Cela peut s’avérer avoir un grand sens pour la république...
Gouran avait fini le reste de son lait fermenté et avait pris sa décision.
☆☆☆
La nuit s’était levée, et il s’agissait maintenant du jour de la réunion.
Nous avions réservé la grande salle de l’auberge où nous étions logés, et Gouran et moi étions assis en face l’un de l’autre. Il s’agissait de l’endroit que nous avions utilisé pour la fête avant, donc il n’y avait ni tables ni chaises. Nous étions assis avec les jambes croisées sur des coussins aux couleurs brillantes disposés sur le tapis.
De part et d’autre de moi se trouvaient Juna et Roroa, qui n’avaient plus besoin de cacher leurs positions, et Kuu était assis à côté de Gouran.
Derrière nous se trouvaient Aisha et le reste des membres de notre groupe, à l’exception de Tomoe, et derrière Sire Gouran et Kuu, il y avait un groupe de soldats de ce pays dirigé par Leporina.
Chacun de ces groupes s’était tenu au garde-à-vous et avait protégé leurs dirigeants respectifs.
Je m’inclinai légèrement, puis je regardai Sire Gouran droit dans les yeux. « Tout d’abord, permettez-moi de vous remercier d’avoir organisé cette rencontre. »
« Ne vous en faites pas, » déclara-t-il. « Ce n’est pas souvent qu’on a la chance de parler avec le roi d’un pays voisin. J’aimerais profiter de cette rare occasion pour parler ouvertement de choses qui seront bénéfiques pour nos deux pays. »
Sire Gouran me rendit mon léger salut et me regarda droit dans les yeux.
Nous étions tous les deux les dirigeants de nos pays respectifs, de sorte que ni l’un ni l’autre ne pouvaient s’incliner profondément d’une manière qui impliquait que l’un était plus haut ou plus bas que l’autre.
Gouran se retourna pour regarder sur le côté. « Toutefois... Je suis surpris. Dire que vous auriez apporté une telle chose ici... »
Il regardait le Joyau de Diffusion de la Voix. Le cristal massif que j’avais aussi utilisé pour communiquer avec Hakuya hier occupait un coin de la pièce.
Sire Gouran avait plissé son front. « C’est un Joyau de Diffusion de la Voix, n’est-ce pas ? Est-ce diffusé quelque part ? »
« Non, il s’agit d’un uniquement utilisé à des fins de communication, » répondis-je. « Il ne le diffuse pas à mon peuple. »
« ... Je vois, » répondis-je.
« En avez-vous aussi des joyaux dans ce pays ? » lui avais-je demandé.
« Juste un seul. J’aimerais en avoir plus, mais ils sont faits de noyaux de donjon. Malheureusement, nous n’avons vaincu qu’un seul donjon dans ce pays, » répondit-il.
« Je vois..., » dis-je.
C’était vraiment gênant qu’il n’y ait qu’un seul noyau de donjon.
Le pays possédait une assez grande superficie de terrain, alors je voudrais au moins qu’il y en ait un pour la radiodiffusion et un pour les communications.
Si nous en avions eu d’autres, j’aurais été prêt à les vendre ou à les échanger, mais sur les cinq noyaux de donjon que nous avions actuellement, un était utilisé pour les émissions à partir du château, un pour communiquer avec l’Empire et trois pour les programmes diffusés. Malheureusement, je n’avais aucun moyen d’aider.
Et bien, avec ces plaisanteries de côté, j’avais plongé dans l’affaire qui nous occupe. « Maintenant, Sire Gouran, j’ai une proposition à vous faire... »
« L’“alliance médicale”... n’est-ce pas, » avant que j’aie pu le dire, Sire Gouran avait croisé les bras et maugrée. « Des traitements qui ne reposent pas sur la magie blanche... C’est vraiment fascinant. Des médecins, n’est-ce pas ? Pour ce pays, où il est difficile de se déplacer à l’extérieur en hiver, il serait très important de pouvoir stationner en permanence une personne qui pourrait effectuer les traitements dans chaque village. En plus, vous dites qu’ils peuvent traiter des maladies que la magie blanche ne peut pas traiter. J’aimerais beaucoup avoir ça. »
Sire Gouran avait l’air impressionné. J’avais l’impression que nous n’avions pas pris un mauvais départ.
Mais l’expression de Sire Gouran devint sévère.
« Cependant, il y a des choses que je ne comprends pas ici. Pourquoi nous apporter ça ? L’étude de ce seul sujet ne permettrait-elle pas à votre pays de devenir plus puissant ? » demanda-t-il.
Il avait des yeux soupçonneux. Il essayait de savoir si j’avais des arrière-pensées.
Quand il m’avait demandé cela, j’avais pensé un instant à la réponse de l’impératrice de l’Empire du Gran Chaos. Elle pourrait dire : « La médecine ne connaît pas de frontières. »
Cette personne, qui n’était pas une sainte autoproclamée, mais qui avait été proclamée sainte par d’autres, était du genre à penser à ce qui était le mieux pour le monde entier, et donc ce genre de paroles lui convenait.
Pour moi, par contre, ce genre d’idéalisme ne me convenait pas. J’avais toujours pensé d’abord au bénéfice de mon propre pays. Je ne pensais pas que c’était une mauvaise chose, mais si quelqu’un comme moi disait : « La médecine ne connaît pas de frontières », les mots pourraient sembler creux.
J’avais donc regardé Sire Gouran dans les yeux en répondant : « C’est... pour des raisons pratiques. »
« Des raisons pratiques ? » demanda Sire Gouran.
« Tout à fait. C’est vrai qu’il vaudrait mieux l’étudier dans mon seul pays. Cependant, cela prendrait trop de temps et d’argent. La médecine n’est pas un sujet qu’un pays peut étudier entièrement seul. Si j’essayais de tout faire avec un seul pays, je n’aurais pas assez de temps, de personnel ou de financement, » répondis-je.
Ce qu’il me fallait démontrer, c’était l’avantage réaliste de diviser la recherche. Si je pouvais prouver que ce serait bénéfique à la fois au royaume et à la république, je pourrais faire bouger les choses.
« C’est pourquoi, comme je l’ai proposé à Kuu, je veux que la république produise du matériel médical et nous l’exporte. Nous enverrons les médecins qui peuvent utiliser cet équipement. Si cela peut être réalisé, le domaine de la médecine devrait progresser considérablement dans nos deux pays, » déclarai-je.
« C’est vrai. Il semble bien que les deux pays en tirent profit, » Gouran avait fait un grand signe de tête.
Est-ce que ça... allait marcher ?
« Eh bien, alors..., » commençai-je.
« Cependant, » on aurait dit que les choses s’arrangeaient, mais Sire Gouran m’avait fait un regard sévère. « Peut-on vraiment appeler cela un échange équitable ? »
« ... Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demandai-je.
« En entendant votre proposition d’alliance médicale, j’y ai beaucoup réfléchi pour ma part. Cela peut paraître avancé, mais, pour faire court, je pense que c’est juste une évolution dans la façon dont les médecins traitent leurs patients, hommes et femmes, » déclara Sire Gouran.
« ... Vous avez raison, » avais-je admis.
Il ne s’était pas trompé. Nous avions réussi à interrompre une grande partie du processus en raison de l’existence de la race aux trois yeux qui pouvaient voir des micro-organismes, mais les médecins n’étaient qu’un perfectionnement de l’homme ou de la femme qui fabriquait des infusions médicinales.
« Dans ce cas, c’est quelque chose que nous pouvons aussi comprendre, » déclara Sire Gouran. « Fondamentalement, le royaume forme des “guérisseurs et des guérisseuses incroyables”, et on s’attend à ce que notre pays crée les “outils incroyables” qu’ils utilisent, n’est-ce pas ? Si c’était tout ce que nous avions à faire, je suis sûr que vous pourriez dire que c’est juste, mais il y a un autre élément : les infusions médicinales qu’utilisent les hommes et les femmes médecins. »
« Infusions médicales... Voulez-vous parler des médicaments ? » demandai-je.
« Nous avons chacun une carte, le “docteur” et le “matériel médical”. Cependant, la carte “médicaments” flotte dans les airs. Nous ne pouvons pas encore prendre la carte “médicament” pour nous. Si le royaume prend cette carte, l’équilibre du pouvoir changera largement en votre faveur, » déclara-t-il.
Les médicaments, hein.
Il était vrai que, dans le royaume, la race des trois yeux avait développé un antibiotique. La gélatine des trois yeux avait été extraite d’une sous-espèce de geline qui pourrait même vivre dans des marécages toxiques.
Ce pays était très froid et les gelines liquides gelaient et ne vivaient pas ici. Il ne leur serait pas possible de le développer par leurs propres moyens.
Naturellement, ils seraient dépendants des importations. Si le royaume avait le contrôle de ces importations, il serait facile pour plus de financement d’entrer dans le royaume.
... Pour être honnête, je n’y avais pas pensé avant qu’on me le fasse remarquer.
Évidemment, j’avais considéré l’élément médicament, mais je ne m’attendais pas à ce que la république ait des soupçons à son sujet.
Pourtant, maintenant que j’y avais pensé, c’était tout à fait naturel qu’ils le soient. Ils abordaient ces pourparlers avec beaucoup de détermination. Ils pensaient désespérément à ce qui pourrait être désavantageux pour leur pays et essayaient de l’éliminer.
Parce qu’il pensait si fort à leur propre pays, Sire Gouran avait pointé du doigt sur cet élément que représentaient les médicaments.
Ce doit être un bon dirigeant... Dans ce cas, ses craintes sont injustifiées.
J’avais haussé mentalement les épaules. Ce n’était pas comme si j’évitais délibérément le sujet des médicaments dans le but de faire du profit. J’avais tourné mes deux paumes vers Sire Gouran.
« Il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Cette carte n’est plus entre les mains du royaume, voyez-vous, » déclarai-je.
« Hm ? Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demanda-t-il.
« Juna. Sortez l’objet, » déclarai-je.
« Oui, Sire, » Juna avait sorti un objet en forme de planche qui pouvait tenir dans ses bras, et l’avait placé devant le joyau pour que tout le monde puisse le voir.
C’était un simple récepteur lié à un Joyau de Diffusion de la Voix. Et projetée sur ce simple récepteur était une belle femme.
Quand ils avaient vu cette femme, Sire Gouran et Kuu avaient écarquillé les yeux.
« P-Père ! » s’écria Kuu.
« Ouais..., » déclara Sire Gouran.
« Heehee, je suis désolée de vous avoir surpris, » la femme à l’écran avait souri, puis s’inclina légèrement devant Sire Gouran et les autres personnes présentes dans la pièce.
« C’est un plaisir de vous rencontrer, chef de la République de Turgis, Sire Gouran Taisei. Je suis l’impératrice Maria Euphoria de l’Empire du Gran Chaos. »
Merci pour le chapitre.
Merci pour le chapitre !
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A trois pays, ils vont créer une Organisation Mondiale de la Santé ? 😇
Merci pour le chapitre!
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