Chapitre 2 : L’Arme Secrète du Royaume
Partie 2
Quelques jours plus tard — Dans la Cité Lagune...
La Cité Lagune se trouvait au centre du Duché Walter.
Elle était située au nord-est de Friedonia, et comme son nom l’indiquait, il s’agissait d’une cité qui était construite dans un lagon. En raison de la forte chaleur et de l’humidité présente dans la région, elle avait été construite selon un modèle de ville semblable à Venise en Italie, et il y avait des canaux qui parcouraient l’intégralité de la ville.
Quand j’avais regardé pour la première fois cette ville, cela m’avait fait me souvenir d’un certain manga iyashikei [1] que j’avais lu il y a longtemps, mais malheureusement, il n’y avait pas dans ce monde, de jolies filles jouant le rôle de gondolières. À la place, je pouvais voir partout des hommes costauds charger et décharger des cargaisons depuis de petits bateaux présents un peu partout dans la zone.
Nous étions maintenant en hiver, donc ces hommes étaient habillés, mais si nous avions été en été, alors ils auraient probablement été tous nus en ce moment. (Dans le sens où ils n’auraient porté que des pagnes). Même cette pensée était étouffante.
J’étais là, à regarder le paysage de la Cité Lagune depuis l’intérieur d’un carrosse que je partageais avec Juna.
« Êtes-vous née ici, Juna ? » demandai-je.
« Non, je suis née un peu plus au nord-ouest, dans une petite ville portuaire près de la frontière avec l’Union des États de l’Est, » répondit Juna. « Ce n’est pas aussi animé qu’ici, mais nous y attrapions beaucoup de délicieux poissons, le saviez-vous ? »
« Ah oui ? J’aimerais bien y aller un jour, » déclarai-je.
« D’accord, j’espère que vous pourrez le faire un jour, » répondit Juna.
Pendant que nous bavardions, le carrosse était arrivé devant la porte extérieure du domaine du manoir d’Excel.
Dans la Cité Lagune, la forteresse de la Marine, il y avait une base navale, mais il n’y avait pas de château à proprement parler. Cela avait été fait ainsi parce qu’ils ne prévoyaient pas que la ville puisse être assiégée par une force terrestre. Cela reflétait le fait que la Marine était capable de montrer toute sa puissance en mer, et si ces terres étaient envahies par un ennemi étranger, elle embarquerait simplement sur leurs navires et éliminerait l’ennemi, la ville et tout ce qui était dans la région à l’aide d’un bombardement soutenu des côtes.
La race du serpent de mer aimait cette terre plus que quiconque, et s’ils ne pouvaient pas l’avoir, alors personne ne le pourrait. Ils étaient du genre yandere [2] quand cela concernant la moindre chose liée à cette terre.
Quand nous avions avancé en montant sur les hauteurs où se trouvait le manoir dans notre carrosse, j’avais pu voir qu’Excel se tenait devant le manoir, tout en attendant notre arrivée. Ses cheveux bleus brillaient au soleil, et son beau visage scrutait les environs.
Comme toujours, Excel était si belle et l’on pouvait même le dire à cette distance. Vous pourriez vraiment dire qu’elle était la grand-mère de Juna. (Bien qu’il y ait peu de personnes à qui le terme de « grand-mère » aurait le moins convenu.) La tenue bleue qu’elle portait était comme un kimono mélangé avec une robe et elle lui convenait parfaitement.
Quand je l’avais regardée, Juna avait alors affiché un regard lugubre. Je lui avais alors demandé. « Juna ? Est-ce que quelque chose ne va pas ? »
« Ce kimono..., » répondit-elle.
« Le kimono ? » demandai-je.
« Il s’agit du kimono favori de ma grand-mère. Il semble en effet... que la prudence soit peut-être justifiée, » répondit Juna.
« Hm... Techniquement, le seul but de ma venue ici est de surveiller une installation militaire..., » déclarai-je, un peu alarmé de ce que j’avais appris plus tôt.
Après que j’eus dit ça, Juna enroula son bras autour du mien, le serrant fermement, puis me regarda avec une expression sérieuse. « Sire, quand vous êtes devant un serpent de mer, il ne faut jamais lui montrer la moindre occasion de frapper. Si vous ne faites pas ça... »
« Si je ne fais pas ça ? » demandai-je.
« ... Vous serez englouti par lui, » répondit Juna.
« ..., » j’étais sans voix face à cette réponse.
... Je ne savais pas exactement ce que c’était censé vouloir dire, mais j’avais pris note que je devais être prudent en tout temps.
☆☆☆
Après que nous fûmes sortis du carrosse, Excel nous avait accueillis avec un sourire.
« Votre Majesté, cela fait trop longtemps. Bienvenue à la Cité Lagune, » déclara Excel.
Je savais ce que Juna m’avait dit juste avant, mais pour le moment, elle ne semblait pas différente des autres fois où je l’avais rencontrée.
J’avais alors essayé de ne pas rendre ma méfiance envers elle évidente alors que je répondis dans un ton amical. « Nous ne nous sommes pas vus depuis que je vous ai nommée Commandante Suprême de la Force Nationale de Défense, n’est-ce pas ? Je suis content de voir que vous êtes en bonne santé. »
« Hehe ! Oh, Sire, vous aimez pousser des devoirs d’importances sur une vieille dame telle que moi, » répondit-elle. (Elle semblait contente alors qu’elle disait ça.) « Mais merci. J’espère que tu vas bien, Juna. »
« C’est bon de vous revoir, Princesse des Mers, » à côté de moi, Juna avait fait une gracieuse révérence tout en disant ça.
Excel avait toujours été appelée en tant que « Princesse des Mers » dans l’ancienne Marine. C’était probablement similaire pour eux au fait de l’aborder en lui disant « madame ».
Mais Excel avait hoché négativement la tête. « Juna, tu as été libérée de tes devoirs envers la Marine. Tu vas épouser Sa Majesté, même si cela ne sera qu’en tant que reine secondaire. Les seules relations que nous avons l’une envers l’autre sont celles que nous avons en tant que membre de la même famille. »
« Princ... Non, j’ai compris. Grand-mère, » déclara-t-elle finalement.
Oui. Ce fut une bonne scène que nous avons eue là, celle qui montre clairement leurs liens familiaux... ou alors, pensai-je.
« Hehehe. Donc, Juna, cela signifie que toi et moi sommes maintenant égales, » déclara Excel.
... C’était quoi ça ? Avais-je imaginé qu’elle avait souligné le mot « égal » là ?
En outre, quand elle avait entendu le mot « égal », j’avais cru avoir remarqué qu’une veine se gonflait sur les tempes de Juna.
« ... Hehehe. Qu’entendez-vous par là, grand-mère ? » demanda Juna.
« Tu vois, la clé pour ne pas se lasser d’une vie qui dure trop longtemps est de toujours s’intéresser à quelqu’un ou à quelque chose, » répondit Excel.
« Est-ce maintenant le cas ? » demanda Juna. « En passant, avez-vous un intérêt envers Sa Majesté ? »
« Après tout, il est le premier héros que nous avons eu depuis le premier roi, alors disons-le franchement, je trouve ça fascinant, » répondit Excel. Elle avait souri tout en disant ça, mais j’avais senti une étrange pression présente derrière ce sourire.
Juna avait répondu en ayant un sourire similaire.
... C’est quoi ce genre d’ambiance ? Je veux vraiment partir de là le plus tôt possible, pensai-je.
« D-Dans tous les cas, cela vous dérange-t-il si nous allions à l’intérieur ? » suggérais-je. « Il n’y a sûrement pas de nécessité de rester ici plus longtemps. »
« Hehe ! Je suis désolée de vous avoir fait rester ici si longtemps, » déclara Excel. « S’il vous plaît, venez avec moi. »
En tout cas, après en avoir fini avec les formalités, nous avions été conduits à l’intérieur de la bâtisse.
L’intérieur serait totalement approprié à un manoir chic de style occidental. Le mobilier exposé n’était pas excessivement criard, et à la place, cela donnait une ambiance plutôt détendue. Même moi, qui n’étais pas du tout un artiste, pouvais apprécier le sens esthétique de bon goût d’Excel.
Finalement, nous avions été conduits dans une pièce ayant une plaque sur la porte qui l’avait identifiée comme étant un salon.
Il y avait déjà une personne dans le salon qui se tenait debout au garde-à-vous.
Cet homme de grande taille, qui portait l’uniforme d’un sous-officier de la Force Navale de Défense Nationale de Friedonia, avait des ailes de chauve-souris et une queue semblable à un lézard. L’homme m’avait salué, puis il avait commencé à préparer le thé.
Même une fois que nous nous étions assis et qu’il avait fini de distribuer du thé à tout le monde, cet homme avait continué à se tenir derrière Excel, attendant ses ordres.
J’avais massé mes tempes. « S’il compte rester là pendant tout ce temps, cela va certainement trop me déranger pour ne pas y penser en tout temps. »
« Je lui ai dit qu’il pouvait simplement agir comme d’habitude, » déclara Excel avec un sourire ironique.
L’homme qui se tenait derrière elle était bien entendu Castor. Il avait été autrefois l’un des trois ducs et le général de l’Armée de l’Air. Il était également le père de Carla.
Après qu’il avait été tenu responsable d’avoir défié son roi ce qui l’avait obligé à démissionner de son poste, il avait été forcé de prendre sa retraite et de laisser la gestion familiale à son jeune fils, Carl, alors qu’il avait lui-même été placé sous la garde d’Excel.
En outre, celui qui servait comme aide de Carl était, à la demande de cet homme, l’ancien intendant de la maison des Vargas et actuellement un général dans la Force Aérienne de Défense Nationale, Tolman.
En tout cas, d’après ce qu’Excel m’avait dit, elle faisait travailler durement Castor en tant que soldat de base de la Force Navale de Défense Nationale.
Peut-être que le fait de devenir un général vaincu l’avait dépouillé de sa fierté le rendant tellement obstiné que cela l’avait rendu plus doux. Ou peut-être qu’il faisait simplement semblant d’agir seulement comme un soldat de base de la Force Nationale de Défense Navale par entêtement.
S’il les rencontrait dans les rues, il s’inclinerait même devant ceux qui avaient été d’un rang inférieur à lui jusqu’à tout récemment, et quand il s’agissait du jour de son service de nettoyage, il nettoyait toutes les toilettes du navire sans dire un mot.
Je pensais la même chose en ce qui concernait Carla, mais les membres de sa lignée avaient tendance à être beaucoup trop fidèles aux positions qu’ils occupaient.
« ... Il s’agit d’un ordre, » dis-je. « Castor, asseyez-vous ! »
« Oui Sire ! Pardonnez-moi, Sire ! » Castor s’était finalement pris un siège de libre.
Bon sang !
« De plus, comme cela me donne la chair de poule, laissez tomber ces formalités si excessives, » rajoutais-je. « À moins que nous ne soyons en public ou qu’il y ait d’autres subalternes, je veux que vous parliez normalement quand il s’agit de quelque chose à titre personnel. Ceci est également un ordre. »
« Oui, Sire... Mais..., » commença Castor.
« Castor, un sous-officier défie-t-il les ordres de son roi ? » demanda Excel.
« ... J’ai compris, » Castor avait acquiescé à contrecœur.
Wôw... Maintenant, nous pouvons enfin avoir une conversation détendue, pensai-je.
« Dans tous les cas, cela fait longtemps, Castor, » dis-je. « Comment est la vie dans la Marine ? »
« Assez bien, Sire. J’y suis maintenant habitué..., » répondit Castor. « Je me suis habitué à l’odeur de la mer. Et aussi, hmm... »
« Hm ? Qu’est-ce qu’il y a ? » demandai-je.
« Comment va Carla ? » Il semblait inquiet pour sa fille qui était maintenant mon esclave. Eh bien, il était après tout son père, alors c’était normal.
« Détendez-vous ! Carla est... hmm, elle s’en sort plutôt bien ! » répondis-je.
« Pour quelle raison avez-vous fait une pause ? Et c’est quoi ce “Hmm” qu'avez-vous fait !? » demanda Castor.
« Eh bien, je suis sûre qu’elle va bien et tout, c’est juste que..., » répondis-je.
Si je me souviens bien, en ce moment, dans le château, Carla serait...
☆☆☆
Pendant ce temps, dans le studio dans le Château de Parnam...
« Bwahahahaha! Silvan, aujourd’hui, j’en ai fini avec vous ! Viens ici, Monstre à Roues, Dialgon ! » cria Carla, alias Mademoiselle Dan.
« Dialgoooon, c’est moi ! » (Moltov avait pris la relève en jouant les monstres à la place d’Aisha.)
« Je vous maudis, Mademoiselle Dan et vous, Dialgon ! Je vais tout faire pour protéger la paix de ce pays ! » répliqua Silvan.
☆☆☆
« ... Oui, elle va (probablement) bien. Physiquement, elle est l’image même de la santé, » dis-je. « Je sais qu’elle est une esclave appartenant à la Maison Royale, mais je n’ai pas posé la main sur elle ou quelque chose comme ça. »
Maintenant, quant à savoir si elle va mentalement bien, je n’étais pas si sûr de ça, pensai-je. Je voulais dire par là que Serina jouait toujours avec elle dès qu’elle en avait l’occasion.
« Vous ne lui avez donc rien fait... quand j’entends ça, je suis encore plus inquiet, » répondit Castor.
« Hm ? Pourquoi cela vous fait-il être si déprimé ? » demandai-je.
« Parce que si vous l’aviez fait à ma fille, je penserais que ça rendrait Carla plus en sécurité, » Castor laissa échapper un petit soupir à ce moment-là. « J’ai entendu parler de vous de la Duchesse Excel. Vous êtes le genre d’homme qui valorise sa famille, et vous feriez n’importe quoi afin de les protéger. Depuis que je suis ici, j’ai entendu beaucoup de rumeurs sur ce que vous faites, et... j’en suis arrivé à la même conclusion. C’est pourquoi je me dis que si Carla tombait enceinte et que vous la considériez comme un membre de votre famille, alors rien ne pourrait la rendre plus en sécurité. »
Ce n’était nullement qu’il voulait devenir une personne liée à la Maison Royale, mais c’était uniquement dans le but que sa fille soit désormais en sécurité. Cela m’a fait penser à la façon dont les sentiments d’un père étaient complexes.
Mais...
« Je n’ai nullement l’intention de prendre Carla en tant que reine, » dis-je.
Il était resté silencieux après ça.
« Pourtant, Liscia serait contrariée si quelque chose arrivait à Carla, » dis-je. « Je préférerais ne pas avoir à voir Liscia triste, alors je peux vous garantir que je ferai tout pour que rien de mal n’arrive à votre fille. »
« Vous ne voulez pas... ? Je suis soulagé d’entendre ça. S’il vous plaît, je vous demande de prendre bien soin de ma fille, » Castor baissa amplement la tête alors qu’il disait ça.
J’étais sûr qu’il avait pris ce ton plus formel à la toute fin parce qu’il s’agissait d’une demande sincère et sérieuse. Avec la façon dont Excel le traitait, peut-être que cela l’avait aidé à grandir quelque peu en tant qu’être humain. (Eh bien, en tant que dragonewt, en vérité.)
J’avais alors regardé dans la direction d’Excel. « Alors, Excel, pensez-vous que nous pouvons utiliser cet homme ? »
« Hehe ! Je l’ai bien préparé. Comme on peut s’y attendre d’un homme qui menait autrefois des armées, il apprend vite, » répondit Excel. « Et avec la façon dont les choses vont... Je dirais que c’est tout à fait possible. »
« Je vois... Eh bien, allons-y dans ce cas, » dis-je.
Après avoir terminé cet échange verbal que nous n’étions que les deux seuls à comprendre, nous nous étions levés. Quand ils nous avaient vus soudainement nous lever, les yeux de Juna et Castor s’étaient écarquillés en raison de la surprise.
« Euh, Sire ? Où allons-nous ? » Juna m’avait demandé avec un visage dénué d’expression.
J’avais souri avec ironie avant de lui répondre. « L’avez-vous déjà oubliée ? Notre plan pour la journée est d’arpenter une installation militaire, vous en souvenez-vous maintenant ? »
« Ah oui. Maintenant que vous me le dites... c’est exact, » les joues de Juna rougirent alors en raison de son embarras.
Son esprit devait avoir été trop préoccupé quant au fait de ne pas baisser sa garde vis-à-vis d’Excel. Quand elle était embarrassée, elle agissait en réalité comme une personne de son âge. C’était vraiment mignon. J’aurais aimé pouvoir la regarder ainsi pour toujours, mais j’avais des choses à faire.
« Maintenant, passons à la première chose à l’ordre du jour..., » dis-je en me tournant vers Castor, qui semblait n’avoir aucune idée de ce qui se passait. « Pour l’instant, mettons un bandeau sur les yeux de Castor. »
Notes
- 1 Iyashikei : (癒し系) veux dire en japonais « guérir ». Il s’agit d’un terme utilisé pour les animés et les mangas qui ont été créés dans le but spécifique d’avoir un effet curatif ou apaisant sur le public. Les œuvres de ce genre impliquent souvent des réalités alternatives avec peu ou pas de conflit, mettant l’accent sur la nature et les petits plaisirs de la vie.
- 2 Yandere : (ヤンデレ?) est un terme japonais utilisé pour définir une personnalité qui est au premier abord affectueuse et tendre, mais qui à un moment devient dérangée voire psychotique. Yandere est une combinaison de yanderu (病んでる?), qui signifie malade, et deredere (デレデレ?), qui signifie amoureux ou ramolli. Yanderekko est le nom dérivé, et qualifie une fille possédant une personnalité yandere, comme pour meganekko avec les filles qui portent des lunettes (megane).
Merci pour le chapitre.
Merci pour le chapitre.
PS : Je ne m’attendais pas du tout à voir ces termes là ici !