Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 14 – Chapitre 6

Bannière de Genjitsushugisha no Oukokukaizouki ☆☆☆

Chapitre 6 : Le tournant de l’histoire

☆☆☆

Chapitre 6 : Le tournant de l’histoire

Partie 1

– Plaines de Sebal — Nuit après le deuxième jour de la bataille —

La bataille était restée dans l’impasse tout au long du deuxième jour, et après une réunion avec les autres commandants, Mathew avait reçu la visite de son fils aîné, Hashim.

« Père. »

« Hashim… ? Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Je voulais connaître ton opinion sur la façon dont les forces de Fuuga se battent. »

« Hmm. Alors, tu trouves aussi ça bizarre ? » demanda Mathew en croisant les bras. « Ils ont suivi notre bataille d’usure, comme le premier jour. Fuuga n’est pas du genre à se battre comme ça. Je ne comprends pas pourquoi. »

« A-t-il une sorte de plan… ? »

« Soit il a acquis la capacité de commander une grande armée, soit ses hommes ont gonflé son ego au point qu’il croit agir stratégiquement… »

« Si c’est le dernier, alors cela nous facilitera la vie. »

« Quoi qu’il en soit, c’est déstabilisant de ne pas pouvoir lire notre adversaire. Surtout que Fuuga ne s’est pas montré sur le champ de bataille… »

« C’est inquiétant, oui… Alors, pourquoi ne pas essayer de lui donner un coup de pied aux fesses ? » suggéra Hashim alors que Mathew réfléchissait.

Mathew leva les yeux au ciel. « As-tu une idée ? »

« Nos éclaireurs rapportent que la forteresse près de l’entrée sud-ouest des plaines est maintenant défendue par cinq cents hommes de Fuuga. Nous l’attaquerons furtivement pour que sa force principale ne s’en aperçoive pas. Avec la prise du fort, sa retraite sera bloquée. Une fois que nous aurons allumé un feu dans son dos, Fuuga n’aura plus que deux choix : battre en retraite ou essayer de forcer le passage. »

« Je vois… Nous nous préparons minutieusement et attendons, puis s’il tente une percée, nous le prenons en tenaille avec les troupes du fort de Sebal, et s’il bat en retraite, nous lançons simplement une poursuite. »

Mathew avait fait quelques calculs mentaux rapides et avait décidé que le plan fonctionnerait.

Cette bataille ressemble beaucoup à la bataille de Nagashino de l’ancien monde de Souma où, avant la bataille finale de Shitaragahara, une unité dirigée par Sakai Tadatsugu avait pris Tobigasuyama aux Takeda. La perte de la forteresse avait menacé la retraite des Takeda, qui avaient perdu de nombreux vassaux importants lors de leur retrait. Ce fut la cause décisive de leur défaite. Le plan d’Hashim avait des similitudes avec celui-ci.

Ayant obtenu une réponse positive, Hashim continua son explication, « Nous enverrons cinq cents de nos propres hommes, et emprunterons au roi Gabi un millier d’hommes connaissant la zone locale. S’ils voyagent à travers les montagnes depuis le château de Gabi, ils ne seront pas découverts. »

« Hmm… Mais tu réalises que je ne peux pas quitter le camp principal tant que nous nous occupons de Fuuga, oui ? »

« Bien sûr. C’est pourquoi je vais mener ce raid. J’emmènerai aussi Nata et Nike. Tu restas avec le roi Shamour, père. »

« Quand l’exécuteras-tu ? »

« Cette nuit même. J’ai déjà fait la proposition au roi Gabi, et il était d’accord. »

« Héhé, tu bouges vite. » Mathew se mit à rire. Hashim avait baissé les yeux et s’était aussi mis à rire.

« Je suis ton fils, après tout. »

« Bon vent, alors… Ne gâche pas tout. »

« Oui. Toi aussi, père. »

Sur ces mots, Hashim avait fait demi-tour et avait quitté le camp principal.

Mathew avait regardé son fils partir en silence.

 

◇ ◇ ◇

– 17e jour, 6e mois, 1549e année, calendrier continental —

Le troisième matin après le début des combats dans les plaines de Sebal, Mathew avait reçu un rapport indiquant qu’une force combinée Chima-Gabi de 1 500 hommes avait repris le fort de Sebal.

« Hashim l’a fait alors, n’est-ce pas ? »

Mathew laissa échapper un soupir, ému par le succès de son fils. Le rapport indiquait que très peu des 500 soldats présents s’étaient échappés, mais ceux qui l’avaient fait s’étaient probablement précipités vers Fuuga pour lui signaler que le fort de Sebal était tombé. Si Fuuga envoyait des soldats pour reprendre le fort de Sebal, la Force Unie lancerait une offensive totale contre sa force principale affaiblie. Ils pourraient certainement l’écraser par leur nombre.

Mathew était resté aux côtés du commandant en chef Shamour toute la nuit, surveillant de près les forces de Fuuga.

Et pourtant… l’aube était venue sans aucun mouvement.

« Est-ce qu’ils ont l’intention de ne rien faire même après avoir perdu le fort de Sebal ? » Shamour avait croisé les bras en gémissant.

« Ils ne peuvent pas bouger, » répondit Mathew. « Parce que s’ils le font, on va leur tomber dessus. »

« Hmm… Quoi qu’il en soit, nous avons allumé un feu sous eux maintenant. La chute du fort de Sebal a complètement coupé les lignes d’approvisionnement de Fuuga. S’ils se battent comme ils l’ont fait hier, nous n’avons qu’à attendre que leurs provisions se tarissent. Ou plutôt, si nous les pressons encore plus tôt, certains des fidèles de Fuuga fuiront. Son armée s’effondrera en voyant la légende lui être enlevée. »

« En effet. C’est pourquoi nous devons en finir aujourd’hui. » Mathew avait regardé les camps tranquilles des forces de Fuuga. « Il a deux options à sa disposition. Fuuga peut tenter de percer la Force Unie pour atteindre Malmkhitan, ou se retirer au nord pour se réorganiser. Cependant, s’il choisit cette dernière option, il devra faire face à un mouvement en tenaille de notre part et des soldats du fort de Sebal. »

« Héhé ! Peu importe la puissance de ses hommes, ils exposeront leur dos vulnérable en battant en retraite. Nos hommes vont les massacrer. »

Shamour avait les yeux affamés d’un guerrier. Mathew hocha la tête.

« Oui. C’est pourquoi je m’attends à ce que notre ennemi choisisse l’option de la percée, où il y a encore un espoir de victoire… Mais quand je me rappelle la façon illogique dont ses forces ont combattu hier et avant-hier, je dois considérer qu’il pourrait ne pas prendre la décision directe. »

« Cela ne fait aucune différence. S’ils viennent vers nous, nous les encerclons et les écrasons. S’ils fuient, nous les poursuivons et les dévorons. Notre avantage restera le même. C’est simple et facile à comprendre. »

« Oui, je suppose que c’est… »

Contrairement au sourire optimiste de Shamour, Mathew sentait un subtil malaise s’installer dans son cœur. C’est parce que malgré la chute supposée du fort de Sebal, le camp de Fuuga était trop calme. À quoi penses-tu, Fuuga… ? pensa-t-il. Il jeta un regard à l’armée de Fuuga, mais il ne trouva aucune réponse.

Afin de se préparer à une tentative de percée, les Forces unies avaient renforcé ses défenses, sans envoyer ses flancs en avant comme hier. Si l’ennemi devait charger imprudemment, il n’était pas nécessaire de l’encercler, et donc d’affaiblir son propre centre. Si les Forces Unies gardaient ses défenses dures pour absorber la charge, elle serait libre de frapper par le côté ou par-derrière après. Vas-y, Fuuga, semblait dire les Forces unies en attendant avec impatience.

Cependant, quant à ce que les forces de Fuuga avaient choisi de faire…

« Je suis porteur d’un message ! Les forces de Fuuga ont commencé à battre en retraite ! » Le messager s’était précipité dans le camp principal des Forces Unies pour faire son rapport.

Les yeux de Shamour s’étaient écarquillés après avoir entendu le message, et il a mis de côté son tabouret de camp en se levant. En regardant dehors, le message était vrai. Les forces de Fuuga se retiraient précipitamment le long de la route au nord-ouest.

« Sont-ils fous !? Même s’ils se retirent ici… pensent-ils qu’ils peuvent se rétablir dans le nord !? »

« Peut-être qu’ils peuvent…, » dit Mathew en fronçant les sourcils. « Si leur seul but est d’éloigner Fuuga de ce champ de bataille, il y a une certaine logique à fuir vers le nord-ouest où nous avons moins de troupes. Mais en même temps, cela signifie faire payer à ses hommes un lourd tribut en pertes… Que voulez-vous faire ? »

« Il n’y a pas de question, » répondit Shamour en dégainant son épée et en la pointant vers l’armée de Fuuga. « Nous les poursuivons ! Fuuga peut s’échapper, mais nous devons abattre autant de ceux qui le suivent que possible. C’est la bataille décisive, messieurs ! Ici, nous éliminons toute chance de récupération de Fuuga ! »

« « « Yeahhhhh ! » » » les soldats des Forces Unies acclamèrent en réponse au discours de Shamour. Les cors avaient été sonnés pour signaler une avancée, et les troupes des Forces Unies s’étaient déplacées pour chasser les forces de Fuuga.

Alors que Shamour montait sur son cheval pour rejoindre la marche, il déclara à Mathew qui s’approchait : « Tu n’es pas fait pour la violence. Je te laisse la défense du camp principal. »

« Oui. Bonne chance, » dit Mathew en plaçant ses mains jointes devant lui. Shamour avait hoché la tête avant de partir.

Mathew avait regardé le champ de bataille en le regardant partir. L’important est que le sang et le nom des Chima perdurent. Alors… ne gaspillez pas vos vies en vain.

 

◇ ◇ ◇

Normalement, lors d’une retraite, une armée laissait des arrière-gardes derrière elle. Les troupes choisies pour l’arrière-garde étaient des élites, et elles devaient être dirigées par un commandant loyal. Plus l’arrière-garde retenait longtemps la poursuite de l’ennemi, plus les chances de survie de leur seigneur, et par extension du reste de leurs alliés, étaient élevées. En bref, l’arrière-garde devait être anéantie. Cela vous montre à quel point il est étonnant que Kinoshita Toukichirou ait dirigé l’arrière-garde lors de la retraite de la bataille de Kanegasaki et qu’il soit revenu vivant.

Et pourtant, chose étrange, les forces de Fuuga n’avaient pas d’arrière-garde. Malgré la poursuite féroce des Forces Unies, les unités arrière de l’armée de Fuuga semblaient fuir dans le chaos.

« Gwah ! »

« Tch… Fuugahhh !! »

Alors qu’il abattait les soldats en fuite, Shamour cria : « Je t’ai mal jugé, Fuuga Haan ! Quelle est cette disgrâce ? Tu abandonnes tes hommes et tu t’enfuis ? Comment es-tu censé être le grand homme de l’Union des Nations de l’Est !? Comment es-tu l’espoir de l’humanité !? »

Pour Shamour, qui s’attendait à une bataille passionnante, ce massacre unilatéral l’avait irrité.

Passant outre les simples soldats sur lesquels il évacuait ses frustrations, Shamour vit que les forces de Fuuga passaient déjà au pied du fort de Sebal. L’avant-garde était beaucoup plus rapide que la populace désordonnée à l’arrière. L’armée de Fuuga avait dû placer ses meilleurs combattants en tête lors de la retraite.

Si c’est le cas, Fuuga peut s’échapper… pensa-t-il. En supposant que Fuuga ait ses meilleurs hommes au front, leur capacité à percer serait considérable. Le plan prévoyait que les hommes ayant pris le fort de Sebal scellent la sortie vers les plaines, mais il est difficile de retarder l’ennemi, et ils pourraient être en mesure de percer. Alors, laissez-moi enterrer autant d’idiots qui ont suivi Fuuga ici que possible ! Sans ses partisans, Fuuga sera un homme avec ses bras et ses jambes arrachés !

Se déplaçant puissamment en tranchant les soldats ennemis, Shamour regarda devant lui.

☆☆☆

Partie 2

Pendant ce temps, à l’autre bout de ce regard, Fuuga serra les poings alors qu’il chevauchait le dos de Durga, le tigre volant. Il serra les dents en entendant les faibles cris d’agonie de ses propres hommes derrière lui dans le vent, et ses épaules tremblèrent.

« Chéri… » Mutsumi, qui l’accompagnait, parla d’une voix pleine de compassion.

Fuuga ouvrit son poing serré et tendit la main ouverte vers elle.

« Je sais, Mutsumi. » Fuuga avait mis sa main sur le dos de Durga. « Je ne peux plus m’arrêter. Ou faire demi-tour. Seulement courir dans la direction où Durga fait face. »

« Chéri… Non, Seigneur Fuuga. Je te suivrai où que tu ailles. »

Et ainsi, Fuuga et son peuple s’échappèrent des plaines de Sebal.

◇ ◇ ◇

Cela s’est passé alors que les forces unies poursuivaient l’armée de Fuuga au pied du fort de Sebal.

C’est étrange… pensait Shamour, sentant que quelque chose n’allait pas. Pourquoi tous ceux qui sont tombés ici sont-ils des soldats ennemis ?

La plupart des soldats gisant le long de la route étaient des hommes de Fuuga. Normalement, l’absence de ses propres camarades morts serait une chose à saluer, mais ils subissaient beaucoup trop peu de pertes. Le plan prévoyait une force combinée de 1500 hommes de la Maison de Chima et du royaume de Gabi pour bloquer la retraite de Fuuga. Ces forces, qui devaient entrer en collision directe avec l’avant-garde de Fuuga, auraient dû subir des pertes considérables. Et pourtant, il n’y avait aucun cadavre de cette force combinée le long de la route.

Ont-ils abandonné la tentative de bloquer les forces de Fuuga par peur ? Ils devront rendre des comptes à ce sujet plus tard.

Alors que Shamour réfléchissait, ses propres poursuivants s’étaient soudainement arrêtés.

« Pourquoi ? Pourquoi t’es-tu arrêté ? Tu vas laisser Fuuga s’échapper ! »

Un messager courut vers lui et dit : « Je porte un message ! L’armée de Fuuga s’est arrêtée à l’extérieur des plaines de Sebal ! »

« Quoi !? » s’exclama Shamour.

En réponse, le messager relaya des informations encore plus surprenantes : « De plus, l’armée de Fuuga s’est divisée sur les côtés, révélant que sa cavalerie marchait en formation au centre. À leur tête, un tigre massif ! »

« Fuuga Haan !? Alors, c’est sa force principale de deux mille hommes ! »

Pourquoi faire demi-tour ici ? Leur but n’était-il pas de laisser Fuuga et ses plus puissants guerriers s’échapper ? Alors que Shamour se demandait cela, il remarqua le terrain autour d’eux. C’était la vallée qui menait aux plaines de Sebal. C’était une route étroite entourée de part et d’autre par des montagnes, attirant les 13 000 hommes de la Force Unie en une longue file. Non, ce n’est pas possible ! Est-ce qu’on nous a attirés ?

Au moment où Shamour évalua correctement la menace et s’apprêtait à ordonner à ses troupes de s’arrêter, un messager se précipita vers lui par-derrière, à bout de souffle…

« Je suis porteur d’un message ! Les forces du royaume de Gabi et du duché de Chima fort de Sebal… »

« Quoi ? Et eux ? » demanda Shamour.

« Ils semblent s’être retournés contre nous ! Ils scellent l’entrée des plaines de Sebal ! »

Shamour était abasourdi par les paroles du messager. Ses troupes étaient étendues le long de l’étroite vallée. Leur retraite était maintenant coupée, et les forces de Fuuga s’étaient retournées pour leur faire face. Je comprends maintenant… C’est ce que tu visais depuis le début, Fuuga. Nous avions supposé que vous vouliez rejoindre le reste de vos forces, mais dès le début, vous aviez l’intention de régler les choses ici.

 

+++

Fuuga se tenait à l’avant de son armée, regardant fixement la Force Unie.

« Enfin… Enfin, je peux me lâcher. »

« Oui. Les choses se sont déroulées exactement comme le Grand Frère Hashim l’avait prévu, » Mutsumi, qui se tenait à ses côtés, était d’accord.

Son visage était l’image même du calme, mais ses bras tremblaient un peu lorsqu’elle tenait les rênes. Pour Fuuga, c’était la chance de sa vie. Pour elle, cependant, cette situation était la preuve irréfutable que son frère aîné Hashim avait trahi leur père Mathew. Bien qu’elle ne le dirait jamais, cela avait dû la secouer énormément. Mais elle faisait de son mieux pour le cacher. Dans ce cas, Fuuga avait choisi de faire semblant de ne pas le remarquer par égard pour elle.

Fuuga dirigea Zanganto vers la Force Unie.

« Je t’ai fait endurer beaucoup de choses ! Mais ça s’arrête maintenant ! Ils ont formé une petite ligne bien nette, attendant qu’on les abatte tous ! Allez, les gars ! Abattez-les, laissez-les saigner et continuez votre course ! Ce que vous voyez là est la route vers notre époque ! »

« « « Yeahhhhhhh ! » » »

Les hommes qui avaient été forcés d’endurer jusqu’à présent avaient poussé un cri qui avait évacué toutes leurs frustrations jusqu’à ce point. C’était un rugissement qui semblait secouer la terre elle-même.

Puis, tenant Zanganto prêt, Fuuga donna l’ordre…

« Chaaarge ! »

 

◇ ◇ ◇

« Archers, lâchez vos flèches ! » Bito, le roi de Gabi avait donné l’ordre, et les célèbres archers de Gabi avaient fait pleuvoir des flèches magiques sur l’arrière de la Force Unie de la faction anti-Fuuga.

« Qu-Quoi ? »

« Une attaque par l’arrière… !? Gah ! »

La pluie soudaine de flèches venant de l’arrière avait fait passer les soldats de la Force unie de la confiance en leur victoire assurée à une confusion fébrile. Dans leur désarroi, certains avaient essayé de fuir dans la direction opposée aux flèches, mais pour une raison inconnue, les troupes qui les précédaient avaient cessé d’avancer, ce qui avait provoqué un engorgement. Ils ne pouvaient pas s’enfuir.

« Maudit sois-tu, Roi Gabi ! Misérable traître ! »

Les soldats qui avaient appris la trahison étaient enragés, et des hommes furent envoyés pour s’occuper de ces exaspérants archers. Cependant, ils furent bloqués par l’infanterie du royaume de Gabi, du duché de Chima, et les 500 hommes de l’armée de Fuuga qui tenaient le fort.

Avec l’infanterie lourde scellant le passage étroit, les soldats de la Force unie ne pouvaient pas percer, et pendant ce temps une pluie de flèches les faisait tomber comme des mouches.

Au milieu de l’infanterie qui tentait désespérément de retenir les forces unies…

« Hahhh ! » Seule la section menée par Nata balayait les soldats comme s’ils n’étaient rien. Reposant sur son épaule la grande hache qu’il balançait, Nata fit claquer sa langue en signe d’irritation. « Tch ! J’ai pris ce parti parce que mon frère m’a dit de le faire, mais tout ce que j’ai à combattre ici, c’est du menu fretin. »

Nata, qui avait été au service du royaume de Sharn, avait fini par trahir son père Mathew et son lieutenant Shamour grâce à la persuasion d’Hashim. À l’origine, il attendait avec impatience son combat contre Fuuga, considéré comme le plus puissant de l’Union.

Hashim lui avait dit : « Même si tu restes dans le royaume de Sharn, tu ne rencontreras jamais que des ennemis de l’Union des nations de l’Est. Tu pourrais peut-être apprécier une bataille unique avec Fuuga sous le commandement de Sire Shamour. Mais ne veux-tu pas combattre les guerriers de l’extérieur de ce pays ? Ne veux-tu pas combattre des pays plus grands que n’importe quelle nation de l’Union ? »

Puis, Hashim avait lancé l’invitation : « Nata, viens aux côtés de Sire Fuuga avec moi. Son ambition est trop grande pour que l’Union puisse la contenir. Il te montrera des batailles comme tu n’en as jamais vu. »

L’attrait irrésistible de ces mots avait amené Nata dans le camp de Fuuga. Cependant, en l’état actuel des choses, il n’était pas rassasié.

Comme pour évacuer sa frustration, d’un coup de sa grande hache, Nata s’écria : « Tu ferais mieux de ne pas m’ennuyer, mon frère ! Ou je vais te démolir, toi et Fuuga aussi ! »

Dans un endroit un peu plus éloigné de la ligne de front, les autres fils Chima, Hashim et Nike, l’observaient.

« Il est comme une bête sauvage, » dit Hashim de son frère. « Il demande beaucoup d’entretien, mais il est tout aussi facile à manipuler. »

« Mon frère… Je vois que tu tiens vraiment de notre père, » dit Nike avec une certaine dureté dans le regard, mais Hashim sourit faiblement.

« Héhé ! Je vais prendre ça comme un compliment. »

Il n’y avait pas de sarcasme dans son ton. Même s’il s’était séparé de son père, il n’était pas entièrement mécontent d’être comparé à lui.

« Grand frère Nata est simple, donc je peux le comprendre, mais… comment as-tu convaincu le roi Gabi ? » demanda Nike en secouant la tête.

« C’était facile. La raison pour laquelle le roi Gabi est au centre de la faction anti-Fuuga maintenant est que les gens croient qu’il a organisé l’assassinat manqué. » Hashim avait laissé échapper un petit rire guttural. « Il pensait que, avec la suspicion d’être celui qui est derrière l’attaque de Gauche, même s’il a rejoint la faction pro-Fuuga, il ne serait jamais pardonné. Je lui ai révélé que j’avais des liens avec Sire Fuuga, et lui ai dit que s’il trahissait la Force Unie et se distinguait au combat, il ne serait pas tenu responsable de l’assassinat manqué. Une fois que je lui ai montré une promesse écrite à cet effet de la part de Sire Fuuga, il a été facile de le pousser à aller dans ce sens. »

« Tout s’est fait comme ça ? Qu’aurais-tu fait s’il n’avait pas accepté ? »

« Si la persuasion n’était pas une option, j’aurais simplement travaillé avec les forces de Fuuga pour l’éliminer lors de l’attaque du Fort de Sebal. Cela aurait été un peu plus compliqué, mais c’est pour une autre fois. »

« C’est vrai… » Nike ressentait une peur nouvelle devant la facilité avec laquelle Hashim pouvait dire des choses aussi incroyables.

« J’ai pensé que les ordres semblaient hors du caractère de Fuuga. Donc, c’était ton plan, mon frère. »

« Afin d’effacer tous les éléments anti-Fuuga de l’Union avec cette seule bataille, j’avais besoin que les événements se déroulent ainsi. Le test était de savoir si oui ou non Fuuga pouvait se contrôler jusqu’à maintenant… et, comme je l’avais prévu, il est apte à gouverner. Même si ses propres camarades ont été sacrifiés, il a enduré et fait ce que je lui avais conseillé. Il mérite chaque once de sagesse avec laquelle je peux le soutenir. »

L’étincelle dans les yeux d’Hashim avait dit à Nike tout ce qu’il devait savoir. Nata n’était pas le seul à avoir attendu le moment où il prendrait son envol. Hashim aussi avait cherché à se débarrasser de la petite cage à oiseaux de l’Union pour trouver un endroit où ses talents pourraient être mis à profit, et un maître qui les utiliserait.

Hashim avait fixé Nike.

« Mais tout ne s’est pas passé comme prévu. J’étais sûr que, même si ton maître pro-Fuuga te chassait, tu irais du côté de Mutsumi. »

Nike avait regardé Hashim droit dans les yeux.

« Tu ne peux pas compter sur tout le monde pour bouger comme tu l’attends, mon frère. Je suis un humain en chair et en os. J’agirai selon ma propre volonté. Alors, maintenant… » Nike avait brandi sa lance. « À bientôt, mon frère, je vais prendre congé. »

Lorsqu’il avait entendu cela, sans aucun changement d’expression, Hashim avait placé sa main sur la poignée de l’épée à sa taille.

« J’apprécie ta coopération dans ce plan. Cependant, si tu as l’intention de sauver notre père à ce stade avancé… »

« Peux-tu m’abattre, mon frère ? » demanda Nike, en regardant Hashim.

Si l’on devait simplement comparer leurs capacités martiales, Nike avait l’avantage, mais Hashim était un guerrier supérieur à la moyenne et, selon la façon dont il appliquait ses compétences, il pouvait encore l’emporter.

L’air s’était tendu un instant, mais Nike avait fait un geste de la main pour montrer qu’il n’avait aucune intention hostile.

« Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention d’aller voir notre père. »

En fait, j’ai l’impression qu’il ne voudrait pas que je le fasse… D’après leur conversation de l’autre jour, Mathew semblait avoir accepté la situation actuelle. Si Nike allait le sauver, il ne ferait que se mettre en colère et le faire fuir, il en était sûr.

« Je vais m’échapper en suivant le marais vers le sud-ouest. J’ai… quelques objectifs personnels que je veux accomplir. Ah ! Si tu dis aux soldats de Fuuga que le quatrième fils de la maison Chima est de leur côté, et qu’ils devraient me laisser partir, cela serait d’une grande aide. »

« Je vois… » Hashim avait retiré sa main de la poignée de son épée. « C’est regrettable. J’avais espéré que tu te joindrais à moi pour soutenir le Seigneur Fuuga. Si possible, je te demanderais d’éviter de devenir son ennemi à l’avenir. Cela attristerait Mutsumi, j’en suis sûr. »

« Je n’ai aucune envie de devenir l’ennemi de Grande Soeur Mutsumi… »

Non pas que j’aie envie de travailler avec le grand frère Hashim ou le grand frère Nata… Nike avait l’impression que Hashim et lui étaient incompatibles. C’est peut-être comme ce qu’il avait ressenti pour son père Mathew.

Tout en gardant ces sentiments cachés, Nike avait baissé la tête. « Eh bien, mon frère… Je vais prier pour ton succès. »

« Ouais. Et je prierai pour ta sécurité. »

Et avec ça, Nike avait quitté le champ de bataille sans se retourner.

☆☆☆

Partie 3

Pendant ce temps, Shamour avait trouvé Fuuga sur le dos de Durga devant la Force Unie, écrasant les soldats sous les pattes du tigre volant.

Descendant de sa monture, il s’écria : « Je suppose que tu es Fuuga Haan ! Je te provoque en duel ! »

En l’entendant, l’avance de Fuuga ralentit. Puis il se tourna vers Shuukin et Kasen qui étaient avec lui et il déclara : « Shuukin ! Kasen ! Tu diriges la cavalerie pour continuer à écraser la Force Unie ! Je m’occupe de ce type ! »

« Hein !? Seigneur Fuuga !? » Kasen était confus.

« Seigneur Fuuga ! Si vous l’ignorez simplement, quelqu’un d’autre le frappera ! » dit Shuukin avec un regard dur, mais Fuuga avait un sourire féroce.

« Leur commandant en chef a choisi de descendre de son cheval et de me faire face plutôt que de s’enfuir ! Il ne serait pas juste de laisser un simple soldat le tuer. Je vais l’abattre moi-même et sceller notre victoire. »

« Mais… »

« Allez-y. C’est un ordre. »

« Ah… ! Oui, Monsieur. Allons-y, Kasen ! »

« Hein ? Es-tu sûr !? »Kasen avait l’air surpris.

« On ne peut pas le raisonner quand il est comme ça, » expliqua Shuukin, son visage se déformant en une grimace. « Nous n’avons pas le temps pour le moment. Si nous tergiversons, les meneurs de la faction anti-Fuuga pourraient s’échapper. »

« C-Compris. Suivez-nous, messieurs ! »

Le duo avait mené une unité de cavalerie mixte composée de cavaliers et de temsbock pour frapper les rangs débordés de la Force Unie par les extrémités, les écraser sous le pied et récolter leurs vies. Shuukin abattit un soldat en fuite, tandis qu’un autre qui tenait bon — espérant porter au moins un coup avant de tomber — reçut une flèche dans la gorge de Kasen et s’effondra. C’était comme une avalanche, qui balayait tout.

La Force Unie tomba dans un état de panique, incapable d’avancer ou de reculer, beaucoup d’entre eux étant piétinés par leurs propres camarades. Au milieu de tout cela, alors que la victoire était plus ou moins certaine, Fuuga s’approcha de Shamour et sauta du dos de Durga.

« Shamour, Roi de Sharn ! Ce serait une honte de piétiner une telle détermination sous les pattes de Durga ! Je prendrai ta tête moi-même ! »

« Alors, viens la chercher, petit morveux ! »

Le combat de Fuuga et Shamour avait commencé. Initialement, Fuuga était entièrement sur la défensive.

Clang ! Clang ! Clang ! Fuuga avait utilisé le Zanganto pour bloquer à plusieurs reprises les coups de Shamour.

« Ça fait du bien et c’est lourd… Vraiment l’épée d’un homme qui a un royaume sur ses épaules. »

« Quelle absurdité ! As-tu presque autant de détermination que moi, Fuuga Haan !? »

« Bien sûr ! » Sur ce, le Zanganto de Fuuga se mit à clignoter, tranchant le bras droit levé de Shamour sous le coude. Voyant le regard choqué de Shamour, Fuuga lui déclara : « Je suis prêt à porter ce poids et plus encore. »

« Tu es, es-tu… ? »

L’expression calme de Shamour rendait difficile de croire qu’il avait perdu son bras droit et une quantité considérable de sang alors qu’il s’asseyait sur place.

« Penser qu’un homme comme toi puisse naître dans ces terres… Ces terres où il y a trop de nations, toutes de taille moyenne ou plus petite, aucune capable d’élever sa tête et ses épaules au-dessus du reste… » Shamour leva les yeux vers Fuuga, riant à ses propres dépens. « Qu’est-ce que tu en penses ? De moi… ? Étais-je un ennemi qui t’a fait lutter… ? »

« Oui… Ce n’est pas un petit nombre de mes hommes qui sont morts pour payer cette victoire. »

En entendant les mots de Fuuga, Shamour avait souri malgré la douleur dans son bras droit.

« Heheheh… Si j’ai bloqué ton chemin, même un peu… Je ne pourrais pas demander plus. »

« Oh, oui… ? Depuis longtemps. Tu étais le premier grand mur sur mon chemin. »

Avec cela, un éclair de Zanganto sépara la tête de Shamour de son corps. Son visage ne montrait aucun signe de peur alors qu’il mourait. Il était parti pour l’autre monde sans angoisse ni regret.

Fuuga ferma les yeux et offrit un instant de silence, puis éleva la voix pour déclarer : « Moi, Fuuga Haan, j’ai tué le commandant ennemi, Shamour Sharn ! »

 

◇ ◇ ◇

La mort de Shamour provoqua un chaos encore plus grand au sein de la force anti-Fuuga qui, incapable d’avancer ou de reculer, perdit de nombreux hommes lors d’une autre charge de la cavalerie de Fuuga. Même s’ils avaient échappé à la charge, l’infanterie récupérée était venue se venger, ajoutant au tas de cadavres. Ainsi, au moment où les forces de Fuuga avaient complètement dominé la Force Unie, Shuukin et Kasen se précipitaient sur la route à travers les plaines de Sebal. Leur objectif était le camp principal de la Force Unie.

Maintenant que le roi Gabi avait trahi, on pouvait supposer que le château Gabi était déjà entre les mains de Fuuga. Il ne restait plus qu’à prendre le camp principal, faiblement gardé, et à capturer le cerveau restant, Mathew Chima, mettant ainsi fin à la guerre.

« Kasen ! Tu diriges la cavalerie et tu pourchasses les membres de la Force Unie en fuite. Je dirigerai une unité pour prendre le camp principal de l’ennemi. »

« Compris ! Soyez prudent, Seigneur Shuukin. »

« Bien. Toi aussi. »

Chacun souhaitant à l’autre de réussir dans la bataille, le duo se sépara. Lorsque Shuukin quitta la poursuite pour foncer dans le camp principal de l’ennemi, il le trouva étrangement désert.

« C’est bizarre… Les défenseurs ont-ils déjà fui ? »

Passant devant les chevaux de bât, Shuukin et ses hommes avancèrent prudemment plus profondément dans le camp principal. Là, ils avaient trouvé un seul homme à l’intérieur des rideaux où l’ancien commandant en chef, Shamour, s’était trouvé.

« Êtes-vous… le Duc Chima ? » demanda Shuukin en le reconnaissant, et Mathew croisa les bras et baissa la tête.

« En effet, je le suis. Je suppose que vous êtes un commandant d’une certaine renommée. »

« Je suis le subordonné du seigneur Fuuga, Shuukin Tan. »

« Un proche associé de Fuuga, alors… C’est bien. »

L’expression froide de Mathew avait rendu Shuukin suspicieux.

« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »

« Oh, rien. Je voulais juste avoir une petite discussion avant d’assumer la responsabilité de mes actes en tant que commandant de l’armée vaincue. Et si c’était les simples soldats qui avaient chargé ici, je suis sûr qu’ils m’auraient décapité avant que je puisse dire un mot de plus. »

Ces mots, « Avant que je prenne mes responsabilités ». Shuukin avait compris que Mathew était prêt à mourir.

En tant que guerrier, il pouvait abattre sans pitié les hommes qui s’opposaient à lui, ou ceux qui tournaient le dos et s’enfuyaient. Cependant, lorsqu’il rencontrait quelqu’un qui avait accepté la mort, il était dans sa nature de guerrier de vouloir lui rendre hommage.

Shuukin descendit de cheval et se tint devant Mathew, qui sourit ironiquement devant la franchise de Shuukin.

« Alors ? De quoi vouliez-vous parler ? »

« Asseyez-vous d’abord… » Mathew avait fait un geste vers les tabourets du camp.

Shuukin avait pris un siège, et Mathew s’était assis en face de lui.

« Êtes-vous le seul dans le camp principal maintenant, Duc Chima ? » Shuukin avait demandé et Mathew avait hoché la tête.

« Oui. Quand ils ont vu le gros des troupes brisé, les défenseurs se sont précipités pour fuir. Mais c’est le domaine du roi Gabi. Maintenant qu’il s’est rangé du côté de Fuuga, je ne pense pas qu’ils iront bien loin… »

« Et c’est pour ça que vous n’avez pas fui ? Parce que ce serait inutile ? » demanda Shuukin et Mathew gloussa un peu en réponse.

« Je dois prendre mes responsabilités en tant que celui qui a commencé cette guerre. D’ailleurs, j’avais quelque chose à vous laisser. Je l’ai préparé en attendant que vous arriviez. »

« Quelque chose à me laisser ? »

À ce moment-là, Mathew avait sorti deux lettres de sa poche.

« L’une est pour la femme de Fuuga, Mutsumi. L’autre est pour Hashim, qui vous a rejoint. Vous pouvez vérifier le contenu, mais c’est une sorte de testament. »

« Un testament… Et vous voulez aussi le donner à Hashim ? Après qu’il vous ait poignardé dans le dos ? »

C’était Hashim qui avait correspondu avec Fuuga et avait fait échouer la stratégie de Mathew. Shuukin, qui avait supposé que Mathew lui en voudrait pour cela, avait trouvé cette demande suspecte.

« Vous pensez que je lui en voudrais ? Ha ha ha ! » Mathew rit à cette idée. « Pourquoi le ferais-je ? Il a démontré plus qu’assez de talent dans cette guerre. Il n’y a aucun doute qu’il est apte à reprendre la maison Chima. »

Puis, son expression se détendit, Mathew continua.

« Ici, dans ce pays, où tant de pouvoirs s’élèvent et s’effondrent, il y a des moments où une petite nation doit faire des choses discutables pour survivre. Ce qu’Hashim a fait ici, c’est ce que notre famille a toujours fait depuis tout ce temps, et ce que j’ai moi-même aussi fait. Il a vraiment hérité de mon sang. »

Ses yeux ne montraient aucune indécision, il croyait pleinement à ses paroles.

« Je ne peux pas comprendre…, » répondit Shuukin.

« Bien sûr que non. Vous n’êtes pas un membre de notre maison, après tout. » Cela dit, Mathew avait demandé à Shuukin : « Au fait, que sont devenus Nata et Nike qui ont participé à la bataille ? »

« Je crois que Sire Nata a rejoint notre camp avec Sire Hashim. Sire Nike a coopéré avec Sire Hashim pendant un certain temps, mais j’ai reçu des rapports indiquant qu’il s’est retiré du champ de bataille. »

« Hmm. Si nous avons déclenché une guerre de cette ampleur, et que je suis le seul Chima qui doit perdre sa vie pour cela, alors c’est un excellent résultat. »

Il parlait comme si sa propre vie ne signifiait rien. Cela montrait combien de temps sa famille avait fait des calculs avec sa propre vie, décidant qui vivrait et qui mourrait.

Pourtant, Shuukin ne pouvait s’empêcher de demander. « Duc Chima… N’avez-vous pas l’intention de vous rendre ? Il n’est pas trop tard. Vous êtes le père de Dame Mutsumi. Cela fait de vous le beau-père du seigneur Fuuga. Je suis sûr que même mon seigneur doit respecter votre capacité à avoir rassemblé autant de personnes contre lui… »

« Je ne peux pas, » refusa fermement Mathew. « Si je m’accrochais sans vergogne à la vie, cela affaiblirait la position de Mutsumi et diminuerait la valeur d’Hashim en tant qu’homme qui a même abandonné son propre père pour rejoindre Sire Fuuga. C’est la seule chose que je ne peux pas faire, en tant que chef de la maison Chima. »

Sur ce, Mathew s’était levé de son siège et avait remis les deux lettres à Shuukin.

« Je suis satisfait. Hashim a grandi au point de pouvoir porter la Maison de Chima, et j’ai pu affronter un grand homme dans une grande bataille à la toute fin. C’est dommage que je n’aie pas pu gagner, mais je n’ai pas de regrets. »

« Duc Chima… »

Mathew avait tourné le dos à Shuukin, et s’était assis sur le sol.

« Maintenant, ramenez ma tête avec vous. Je compte sur vous pour remettre ces lettres. »

« Je jure que ce sera fait. »

Shuukin se leva et dégaina son épée. Il la leva haut, puis la balança vers le bas.

Le sournois Mathew Chima. Un homme qui avait souffert l’ignominie, donnant tout pour préserver sa maison et sa lignée, était mort d’une mort bien plus noble que la vie qu’il avait vécue.

☆☆☆

Partie 4

Une bataille s’était terminée. La vallée menant aux plaines de Sebal était jonchée des cadavres des soldats de la Force Unie, et la rivière était coloriée du rouge de leur sang. Les survivants fuyaient dans toutes les directions, ou se rendaient et étaient faits prisonniers. On peut supposer que 80 % des factions anti-Fuuga de l’Union des nations de l’Est avaient été éliminées ce jour-là.

Alors que les forces de Fuuga nettoyaient après la bataille au milieu des plaines de Sebal, trois individus étaient venus à sa tente dans le camp principal et s’étaient prosternés devant lui. Ils étaient ceux qui avaient changé de camp au milieu de la bataille : Le Roi Gabi, Hashim Chima, et Nata Chima. Shuukin et Mutsumi se tenaient de chaque côté de Fuuga.

« Je suppose que je devrais dire, bien joué, » dit Fuuga, les regardant du haut du tabouret de camp sur lequel il était assis. « Voulez-vous me jurer fidélité maintenant ? »

« Oui, Monsieur ! » dit le roi Gabi, s’inclinant si bas que son front avait presque raclé la terre. « Alors que Gauche a agi seul, c’est ma faute que je n’ai pas été en mesure de garder un de mes sujets sous contrôle. J’ai également pris le mauvais chemin et rejoint la faction anti-Fuuga. Pourtant, vous m’avez accepté, mon seigneur, même si je me suis opposé à vous. Afin de rembourser cette dette de gratitude, j’ai l’intention de travailler jusqu’à l’os en votre nom. »

« Nous pensons la même chose que le roi Gabi, » dit Hashim en inclinant la tête.

Fuuga se leva de son tabouret de camp, prit son Zanganto à Shuukin, et posa la lame contre le côté du cou de Hashim. Le regard de Fuuga donna des sueurs froides au roi Gabi.

« Vous avez mes remerciements pour ce que vous avez fait, mais je n’ai aucun amour pour ceux qui poignardent les autres dans le dos, » dit Fuuga en regardant Hashim. La lame froide toucha le cou d’Hashim.

Si Fuuga le tirait juste un peu, le Zanganto tranchant trancherait sa chair, et une pluie cramoisie jaillirait.

 

 

Un long silence s’était installé entre eux. Il était si calme que les cœurs qui s’emballaient de tous ceux qui assistaient au déroulement de cette scène tendue semblaient bruyants.

Une fois le douloureux silence passé, Fuuga retira sa lame du cou d’Hashim, puis, s’asseyant à nouveau, il frappa le pommeau du Zanganto sur le sol.

« Cela ne doit pas se reproduire ! Je veux que vous vous en souveniez tous les trois ! »

« « « Oui, monsieur ! » » » Les trois hommes inclinèrent leur tête à l’unisson.

Fuuga continua. « Hashim, reste. Les deux autres, partez. Et les autres personnes ici, sortez. »

Nata et Gabi prirent congé à son commandement. Une fois qu’ils eurent quitté la tente, un court moment s’écoula, puis Fuuga rendit son Zanganto à Shuukin avant de poser ses mains sur ses genoux.

« Était-ce bon, Hashim ? »

« Oui, Monsieur. Une performance admirable, » dit Hashim en levant la tête avec une expression nonchalante sur son visage. Fuuga avait souri ironiquement quand il l’avait vu.

« Tu étais de notre côté depuis le début. En fait, nous suivions un plan que tu as imaginé. Je n’ai jamais pensé que je devrais t’appeler un traître. »

Comme Fuuga l’avait dit, bien qu’il soit resté avec Mathew et la Force Unie, Hashim avait divulgué des informations à Fuuga. C’est également lui qui avait suggéré d’utiliser une fausse retraite pour attirer leurs ennemis dans la vallée étroite où ils pourraient les éradiquer par une contre-attaque. Cette guerre pouvait largement être considérée comme la victoire stratégique d’Hashim.

Hashim avait souri. « Les autres commandants entendront parler de votre regard lorsque vous m’avez demandé de ne plus jamais vous trahir de la part du roi Gabi. Cela leur donnera l’impression que si vous êtes assez généreux pour accueillir vos anciens ennemis, vous êtes aussi effroyablement impitoyable envers ceux qui s’opposent à vous. »

Hashim ne pouvait pas le savoir, mais ce qu’il disait était remarquablement similaire au chapitre 18 du livre préféré de Souma, Le Prince, ­­­­­qui disait : « Il est nécessaire pour un prince de comprendre comment se servir de la bête et de l’homme. »

La loi doit être utilisée avec les hommes, et la force avec les bêtes. En effet, dans le monde réel, un dirigeant doit parfois faire face à des hommes qui abandonnent leurs croyances comme des bêtes sauvages, et à ce moment-là, le dirigeant ne doit pas hésiter à utiliser la force pour les faire se soumettre comme le font les bêtes. La leçon est qu’un dirigeant doit avoir deux visages.

Hashim poursuivit : « De plus, si nous créons l’impression que j’étais le chef de ceux qui ont changé de camp pour vous rejoindre, alors chaque fois que vous reconnaîtrez l’une de mes réalisations, vous aurez l’air d’un grand homme qui n’a pas de préjugés à l’égard des gens en raison de leurs origines. La plupart des soldats capturés dans cette bataille ne faisaient que suivre les ordres. S’ils me voient être bien traité, ils se sentiront en sécurité en vous rejoignant. »

« Je vois… »

« Dans le même temps, si quelqu’un espère conspirer contre vous à l’avenir, il tentera d’abord de me gagner à sa cause. Quand ils le feront, leurs plans seront exposés, et nous pourrons nous occuper de la rébellion avant même qu’elle ne commence. »

« Ha ha ha ! Merveilleux ! » Fuuga s’était tapé le genou en gloussant. « J’ai toujours voulu un homme comme toi — quelqu’un qui pense toujours avec deux pas d’avance. Mes disciples sont tous forts, mais ils ne sont qu’à un ou deux pas des barbares qui pensent qu’on peut résoudre n’importe quel problème en se battant. Seuls Shuukin, Mutsumi et Kasen seraient utiles pour les négociations politiques. Bien que, avec le jeune âge de Kasen, personne ne le suivrait. »

« Tu n’as sûrement pas besoin de rabaisser tes propres adeptes… » Shuukin le réprimanda avec un soupir.

« C’est la vérité. Quand je pense à ce qui nous attend, je sais que nous devrons rassembler des personnes ayant des capacités différentes de celles que nous avons, et les mettre au travail. Heureusement, il y a quelqu’un qui nous a donné un exemple de la façon de le faire. »

Fuuga avait parlé en pensant à Souma. Il était convaincu qu’il ne perdrait jamais face à Souma en matière de prouesses martiales ou de charisme, mais lorsqu’il s’agissait de connaissances et de la capacité à utiliser les gens, Fuuga devait reconnaître qu’il n’était pas de taille.

« C’est une bonne façon de penser. » Hashim acquiesça. « À cette fin, nous devons prendre rapidement le contrôle de l’Union des nations de l’Est et trouver les talents qui s’y cachent. En particulier, notre manque de bureaucrates pour gérer les affaires intérieures pourrait s’avérer mortel. Si nous voulons étendre notre territoire, nous devrons rassembler suffisamment d’administrateurs pour gérer tout cela. »

« Savoir que c’est la vérité rend la chose plus douloureuse à entendre… » Fuuga avait haussé les épaules en signe d’exaspération. « Mais bien sûr. J’ai l’intention de faire venir plus de gens et d’agrandir ma suite. Tu les dirigeras, Hashim. À tes yeux, cependant… le roi Gabi est-il quelqu’un que nous pouvons utiliser ? »

Hashim sourit légèrement. « Mon frère Nata se bat comme une bête sauvage, et c’est tout ce qu’il a dans la tête, il est donc facile à manipuler. Le roi Gabi, en revanche, est le genre de personne qui fait passer sa propre préservation avant le bénéfice du groupe dans son ensemble. Il y a un risque élevé qu’il se transforme à nouveau, donc nous ne pouvons lui confier une tâche importante. »

« Je savais qu’il n’était pas digne de confiance… Alors, que penses-tu que nous devrions faire de lui ? »

« À partir de maintenant, vous allez sans doute travailler à éponger les derniers éléments anti-Fuuga, Seigneur Fuuga. Il y aura éventuellement une bataille difficile, et quand ce sera le cas, il devrait être placé sur les lignes de front avec l’ordre de “garder nos pertes au minimum”. Ensuite, après, nous pourrons le tenir responsable de ses mauvaises performances. Ses archers sont puissants, alors plaçons-les sous votre commandement direct lorsque ce sera fait. »

Il y avait une froideur dans les yeux d’Hashim, et le regard de l’honnête Shuukin montrait clairement qu’il n’aimait pas ça. Fuuga, cependant, avait ri de manière rauque.

« Eh bien ! On dirait que je vais avoir besoin de gars capables de faire ce genre de suggestions à partir de maintenant… Tu vas m’aider, bien sûr, n’est-ce pas ? »

« C’était mon intention depuis le début. S’il vous plaît, continuez à avancer vers la lumière du jour, Seigneur Fuuga. » Les mots d’Hashim montraient sa détermination à être celui qui s’occuperait de tout le travail dans l’ombre.

Alors qu’il regardait Hashim, Fuuga avait demandé quelque chose qui le tracassait. « Dis-moi une dernière chose. N’as-tu pas hésité à trahir le Duc Chima... Mathew Chima ? »

Cette question avait fait frémir un peu Mutsumi, qui était restée silencieuse tout ce temps. Elle devait avoir ses propres pensées sur son frère qui avait trahi leur père pour les rejoindre.

Ici, pour la première fois, les yeux de Hashim étaient devenus durs. Il regarda directement Fuuga, presque comme s’il le fixait.

« Personne, pas même vous, Seigneur Fuuga, ne pourrait comprendre ce qu’il y avait entre nous, père et fils. »

« Oh… ? »

« C’est père lui-même qui m’a élevé pour devenir le genre de commandant capable de prendre une telle décision. Vous êtes un grand homme, connu dans le monde entier, et j’ai déterminé que vous seriez en mesure de mettre mes talents — des talents qui ont été gaspillés ici dans la cage qu’est l’Union des nations de l’Est — à profit. Si mon père avait été plus jeune, et moins contraint par sa position, je suis sûr qu’il aurait pris le même chemin que moi. Je suis sûr que mon père a compris mes actions, tout comme je l’ai compris. »

Fuuga avait été accablé pendant un moment, mais avait rapidement laissé échapper un soupir.

« Vous étiez vraiment père et fils… Shuukin. »

« Oui, monsieur. » Shuukin marcha devant Hashim et tomba à genoux, sortant de sa poche une lettre qu’il lui offrit. « Je suis celui qui a abattu Sire Mathew. J’étais là pour ses derniers instants. »

« Je vois… »

« Voici la lettre que Sire Mathew m’a demandé de vous remettre. Il y en avait une autre, celle-là adressée à Madame Mutsumi. »

Lorsque Hashim accepta la lettre, Shuukin inclina la tête puis reprit sa position initiale.

Mutsumi avait sorti sa propre lettre pour qu’Hashim puisse la voir.

« Dans le mien, il s’excusait de s’être opposé au seigneur Fuuga, aggravant ainsi ma position, et disait qu’il était satisfait de sa vie. Il a également écrit que je ne devais pas t’en vouloir. Il semble… qu’il te comprenait aussi bien que tu le disais. »

Mutsumi avait baissé les yeux en signe de tristesse. Hashim avait fermé les siens.

Après un certain temps, Fuuga avait parlé, « J’ai regardé sa lettre pour toi. Tu devrais la lire. »

« Oui, monsieur… Si c’est ce que vous souhaitez. »

Hashim avait ouvert la lettre, l’avait parcourue, puis…

« Hein !? »

Ses yeux s’étaient écarquillés.

Contrairement à la lettre de Mutsumi, il n’y avait pas un seul mot d’excuse, pas une seule demande de pardon, et encore moins un mot de doléance. Elle disait seulement comment les choses devaient être gérées après sa mort. Elle incluait une liste de noms, et les pays auxquels ces personnes étaient actuellement rattachées. Alors qu’Hashim traitait le tout, il avait tenu le papier si fort qu’il s’était froissé. C’était une liste de toutes les ressources humaines auxquelles Mathew pouvait penser.

Lorsque l’unité principale de la Force Unie fut détruite, Mathew avait passé tout le temps qui lui restait avant que la mort ne vienne le chercher à écrire les noms des personnes qu’ils pourraient engager pour soutenir la domination de Fuuga. Il n’y avait pas un seul mot inutile. Cependant, cela montrait que Mathew reconnaissait les capacités d’Hashim, et il était parti dans l’au-delà en sachant que la famille était entre de bonnes mains.

« Qu’est-il arrivé… aux restes de mon père ? »

« Ils ont été soigneusement conservés, et personne ne les touchera. Mutsumi organisera des funérailles pour lui plus tard. »

« Je vois… » Hashim baissa la tête, ne levant pas les yeux pendant un certain temps.

Des larmes avaient coulé sur les joues de Mutsumi alors qu’elle le regardait, presque comme si elle pleurait parce qu’il ne pouvait pas.

En voyant les larmes sur ses joues, Fuuga pensa, Tu l’as fait pleurer deux fois… Espèce d’imbécile, en pensant à feu Mathew Chima.

☆☆☆

Si vous avez trouvé une faute d’orthographe, informez-nous en sélectionnant le texte en question et en appuyant sur Ctrl + Entrée s’il vous plaît. Il est conseillé de se connecter sur un compte avant de le faire.

Laisser un commentaire