Chapitre 8 : Rencontre avec l’ennemi -monstre-
Partie 2
Un peu plus tôt, au moment où les flottes du Royaume et de l’Union de l’archipel étaient en vues, un groupe d’hommes de l’île voisine d’Ikatsuru portant des manteaux et des pagnes était occupé à travailler. Ils étaient habillés comme des pêcheurs, mais étaient en fait des soldats de l’île du Dragon à neuf têtes. Vu du ciel, Ikatsuru ressemblait à un croissant de lune, et il y avait une entrée à l’intérieur du croissant. Les hommes déchargeaient la cargaison d’un bateau dans cette entrée, la chargeaient sur un chariot, puis la transportaient à l’intérieur des terres.
« Aww, bon sang, cet endroit pue, » grogna l’homme qui poussait la charrette.
Comme il l’avait dit, l’île d’Ikatsuru, habituellement inhabitée, avait actuellement une odeur bizarre.
L’homme bête à face de loup à côté de lui avait fait une grimace. « Tu as la vie facile. C’est vraiment dur pour ceux d’entre nous qui ont le nez sensible. »
« Allons, c’est assez mauvais pour nous aussi. Je n’arriverai jamais à l’enlever de mes vêtements. »
« Ma femme va me faire chier quand je reviendrai… »
« Hé, moins de bavardage, plus de travail, » leur superviseur mononofu les avait mis en garde. Mais ils s’étaient tous les deux plaints.
« La puanteur du poisson et du sang nous rend fous ici ! »
« C’est déprimant, vous savez ? »
Ils regardaient tous les deux la petite montagne qui était la source de cette odeur désagréable : une montagne de poissons. C’était plus que ce que l’on pouvait pêcher dans les eaux de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes en cette époque, ce qui signifiait qu’il fallait l’avoir fait venir d’un autre pays. Le poisson était entouré d’une mare de sang de bétail fraîchement abattu, qui s’infiltrait dans la puanteur impie qui les entourait.
« C’est un tel gaspillage… Ces poissons auraient pu nourrir tant de gens. »
« Vous devez savoir à quoi sert cette opération, » répliqua le mononofu. « Si nous les mangions, rien ne changerait. Cependant, en les utilisant ici, nous pouvons résoudre le problème et changer notre destin. Après cela, nous attraperons beaucoup plus de poissons à long terme. »
« … C’est vrai. Mais seulement si nous pouvons résoudre le problème. »
Alors que les deux hommes se parlaient, la tour de guet située en hauteur avait commencé à sonner la cloche d’alarme en bois.
« Le brouillard s’est levé ! »
« Le brouillard s’est levé ! »
« Le brouillard s’est levé ! »
Trois hommes avaient crié l’un après l’autre, comme s’ils jouaient à un jeu de téléphone.
« … Il est enfin là, hein ? »
Le mononofu regarda dans la direction de la mer.
« Activez immédiatement le signal de fumée ! Envoyez un message d’île en île pour le Seigneur Shana ! Tous les autres, battez immédiatement en retraite! Nous allons abandonner le navire dans la crique et nous échapper dans les bateaux de l’autre côté de l’île ! » Il donna immédiatement des ordres. Alors que les hommes couraient à toute vitesse, le mononofu avait jeté un regard furieux dans le brouillard et il avait déclaré. « Continuez à venir. C’est ici que vous allez rencontrer votre fin. »
◇ ◇ ◇
C’était le problème le plus difficile lorsqu’il s’agissait de tuer Ooyamizuchi : c’était une créature amphibie. S’en occuper sur terre était une chose, mais si elle plongeait sous l’eau, les forces de l’humanité ne pouvaient rien lui faire. La magie était moins efficace en mer, et avec la poudre à canon disponible dans ce monde, même si nous construisions des grenades sous-marines, elles ne pourraient probablement pas lui faire de mal. Il n’y avait pas non plus de sous-marins ni de torpilles à tête chercheuse de chaleur dans ce monde.
Pour cette raison, le roi Shana avait cherché à attirer Ooyamizuchi à terre, puis à l’éliminer rapidement grâce à la puissance combinée des marines du Royaume et de l’Union de l’archipel.
Pour être précis : il avait placé une tonne d’appâts sur l’île d’Ikatsuru, qui se trouvait sur la route d’Ooyamizuchi, puis il avait utilisé les deux flottes pour encercler l’île. Après ça, la créature étant piégée dans un bras de mer peu profond, ils attaqueraient jusqu’à ce qu’elle soit morte.
« Le moment est enfin venu, » déclara Excel, l’air pensif en regardant la situation. Elle, Juna et moi observions les flottes du Royaume et de l’Union de l’Archipel en croisière ensemble depuis le pont de l’Albert II.
« En effet. Le timing a à peine fonctionné. J’ai vraiment sué pendant un moment… »
« Hee hee, j’en suis sûre, mais le garçon que vous avez découvert est vraiment quelque chose. Sire Ichiha, n’est-ce pas ? Il a parfaitement prédit les actions d’Ooyamizuchi. Je me réjouis de voir ce qu’il fera à l’avenir. »
« Comme vous l’avez dit. Maintenant, si seulement il avait un peu plus confiance en lui… Alors il ferait une figure de grand frère fiable pour Cian et Kazuha. »
Si je devais nommer un MVP pour cette opération, il faudrait que ce soit Ichiha. Il avait réussi à mettre au point un plan d’attaque efficace après avoir examiné les informations et vu la créature, puis il avait également déterminé son itinéraire, ce qui nous avait permis de nous installer sur l’île d’Ikatsuru comme lieu de l’opération. Tout cela avait été possible parce que nous avions pu nous rendre sur les îles à l’avance, on pouvait donc dire que les efforts de Shabon et Kishun avaient eux aussi eu une certaine importance.
Alors que je pensais à cela, Excel avait cessé de sourire et avait dit. « Mais, sire, la vraie bataille commence ici. Nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer. »
« … Je le sais. Si nous le faisons, alors tout aura été vain. Il n’y a aucun espoir de négocier avec cet ennemi. C’est un kaiju. Nous devons nous battre jusqu’à ce qu’il soit mort, ou que nous le soyons, » répondis-je.
« Hum… tu continues à appeler Ooyamizuchi un “kaiju”, n’est-ce pas, Sire ? » Juna, qui se tenait à côté de moi, l’avait demandé avec un regard inquiet. « Peut-on battre un kaiju ? »
« Eh bien… J’ai l’impression d’être de retour dans le monde d’où je viens, ou du moins dans mon pays en particulier, la plupart des kaiju qui apparaissent dans nos histoires sont immunisés contre les armes humaines, » avais-je dit en repensant à tous les films de kaiju que j’avais regardés. « C’est sans doute parce que dans mon pays, le kaiju symbolise généralement Dieu, la nature ou une catastrophe naturelle. Comme si l’humanité était minuscule à côté de l’immensité de la nature. Oh, et certains étaient symboliques des péchés de la civilisation qui les a créés. »
Pollution, armes de destruction massive, manipulation génétique… pour n’en citer que quelques-unes. Je pense que les kaiju qui sont sortis de ce pays étaient une projection du sentiment de culpabilité des gens pour ces produits négatifs de la civilisation. Alors que les films de monstres d’autres pays avaient tendance à se terminer avec la créature cédant au pouvoir de la civilisation humaine, les kaiju de mon pays étaient si forts qu’ils ne pouvaient pas être vaincus sans le pouvoir du géant de la lumière… et ils étaient aussi tristes. J’avais l’impression que pour eux, les kaiju étaient quelque chose qui « ne devait pas être vaincu ».
Parce qu’ils croyaient que les péchés de la civilisation ne pouvaient pas être effacés, mais… j’avais secoué la tête.
« Ce ne sont pas les gens de ce monde qui ont créé Ooyamizuchi. Ce n’est pas leur péché. C’est pourquoi je crois que nous pouvons le surmonter. »
Quand j’avais dit cela, Juna avait répondu « Oui » en souriant.
◇ ◇ ◇
Au-dessus de la mer, une forme montagneuse avait rampé sur l’île d’Ikatsuru. Sa tête présentait les caractéristiques d’un dragon et d’un dragon de mer, tandis que son dos était une coquille bivalve massive ressemblant à une palourde géante. En dessous, huit tentacules épais recouverts d’une carapace de crustacé se tortillaient comme ceux d’une pieuvre en glissant vers l’avant.
Ooyamizuchi.
C’était le kaiju (ou du moins c’est ainsi que Souma l’appelait) qui tourmentait les habitants de l’Archipel du Dragon à Neuf Têtes. Enveloppée dans la brume provenant de la coquille bivalve qu’il portait sur le dos, Ooyamizuchi avait traversé l’île en rampant sur de longs tentacules qui se tortillaient. En raison de son poids incroyable, il y avait des tremblements de terre chaque fois qu’un de ces tentacules touchait le sol. Ooyamizuchi avait été attirée sur cette île par l’odeur intense de l’appât laissé ici.
La créature s’avançait, fauchant au passage tout arbre qui lui faisait obstacle. Une fois qu’elle avait atteint à peu près le centre de l’île, Ooyamizuchi avait repéré l’appât — une montagne de poissons et de bétail qui avait été saignée. Il n’y avait pas eu de grandes créatures dans cette zone ces derniers temps, ce qui n’allait pas suffire à apaiser l’appétit d’Ooyamizuchi, mais c’était quand même un festin. Elle avait étendu la tête pour attraper la montagne de poissons. Puis, à l’aide des pinces à crustacés au bout de ses tentacules, elle avait lancé l’un des animaux dans sa bouche.
Elle avait mis un certain temps à se mouvoir jusque là en raison de la nature de son corps, mais il avait fallu moins de cinq minutes avant qu’elle n’ait consommé tout l’appât. Sa frénésie alimentaire terminée, Ooyamizuchi avait remarqué une présence qui s’approchait de l’île. De nombreuses « odeurs de sang » s’approchaient d’elle.
Ooyamizuchi ne pouvait pas savoir que c’était l’odeur du fer, mais elle pouvait dire instinctivement que ces choses étaient une menace pour elle. Effectuant un virage en grondant, Ooyamizuchi avait repris le chemin qu’elle avait pris, mais au moment où le kaiju avait atteint les hauts-fonds, les flottes de l’Union du Royaume et de l’Archipel avaient encerclé l’île d’Ikatsuru. Au milieu de cette flotte, le capitaine de l’Hiryuu, Castor, ne pouvait s’empêcher de pousser un soupir d’admiration en voyant à quel point Ooyamizuchi était gigantesque.
« Qu’est-ce que c’est que cette chose ? C’est plus que massif. »
« C’est vraiment le cas. Les rhinosaurus ont l’air petits et mignons en comparaison, » avait convenu son commandant en second sur un ton exaspéré. « Je frissonne à l’idée qu’il y ait une bête comme ça en mer. Il va falloir beaucoup de puissance navale pour s’en occuper. »
« Je comprends pourquoi mon seigneur et le Roi Dragon à neuf têtes ont voulu travailler ensemble. Je doute que la marine d’un pays ait déjà combattu une telle créature. »
« Tuer un monstre de cette taille, c’est l’essence même des légendes, » déclara son second avec le plus grand sérieux et Castor avait souri avec ironie.
« Des légendes, hein ? Eh bien, c’est une bonne chose. Ils vont raconter notre bataille pendant longtemps. »
« … Ils le feront certainement. Je préfère que ce ne soit pas avec nous comme perdants. »
« Naturellement. Être le commandant d’une armée vaincue une fois m’a suffi. Alors… on va gagner. »
Castor ajusta son chapeau de capitaine et donna l’ordre.
« C’est un message pour tous les navires ! L’opération pour tuer Ooyamizuchi commence maintenant ! »
merci pour le chapitre
Merci pour le chapitre.