Genjitsushugisha no Oukokukaizouki – Tome 10 – Histoire bonus

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Histoire bonus : La plus heureuse des reines

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Histoire bonus : La plus heureuse des reines

Partie 1

C’était arrivé un jour où le couronnement et le mariage de Sire Souma avec ses futures épouses se rapprochaient.

« Cian, Kazuha. Grand-mère est là, » dis-je en jetant un coup d’œil dans leur berceau.

« Dawoo ? » demanda Cian.

« Ayee ! » cria Kazuha.

Alors que nos yeux s’étaient croisés, le visage de Cian s’était figé, les doigts encore dans sa bouche, tandis que Kazuha bougeait ses bras et ses jambes avec excitation.

C’était des réactions différentes, mais toutes les deux très appropriées pour des bébés, et si mignonnes. J’avais mis ma main sur ma joue et je les avais regardées, charmée.

« Oh, bonté divine, tes enfants sont mignons, » avais-je dit à ma fille.

« Mère…, » Liscia, qui était à côté de moi en train de plier les vêtements de bébé, avait parlé avec un sourire un peu ironique. « C’est vrai que ces deux-là sont mignons, mais c’est quoi cette histoire de “grand-mère” ? Tu n’es pas Excel, tu sais ? »

« Oh, où est le mal ? Je me sens vieille quand on m’appelle mamie, » déclarai-je.

Liscia avait donné naissance à Cian et Kazuha avant d’avoir vingt ans, et j’avais aussi donné naissance à Liscia à l’adolescence. C’est pour ça que j’étais encore proche de 40 ans.

(Note de l’auteur : L’année est un peu plus longue dans ce monde, donc d’après les estimations de la Terre, elle aurait légèrement dépassé.)

Je riais face à l’air exaspéré du visage de Liscia et je lui avais dit. « Dans vingt ans, tu sauras ce que je ressens, tu sais ? »

« Je préférerais ne pas y penser. » Avec un regard aigre, Liscia avait mis les vêtements pliés dans la commode.

On avait frappé à la porte et quand Liscia avait répondu, l’une des servantes, Carla, était entrée.

« Liscia. Le maître souhaite vous parler de votre robe pour la cérémonie, » déclara Carla.

« Souma me demande ? » Liscia m’avait regardée. « Désolée, Mère, peux-tu t’occuper des enfants un moment ? »

« Certainement, » avais-je souri. « Je ne voudrais pas que tu fasses attendre notre gendre. Prends soin de toi. »

Liscia avait souri et quitta la pièce.

Carla, qui avait ainsi pris sa place, salua et déclara. « Donnez-moi des ordres. »

Je lui avais répondu en souriant, puis j’étais retournée jeter un coup d’œil aux bébés dans leur berceau.

« C’est… comme un rêve, » me chuchotai-je si doucement que Carla ne pouvait pas entendre.

◇◇◇

J’avais douze ans quand j’avais commencé à bien comprendre ma magie.

Moi, née du roi d’Elfrieden et de sa troisième reine primaire, j’avais perdu ma mère à un jeune âge. J’avais été élevée par mon père m’adorant, et j’étais vraiment devenue en conséquence un petit garçon manqué.

J’étais malheureusement douée pour les arts martiaux et l’équitation, alors j’avais rejoint les gardes du château lors de promenades, et j’avais passé ma jeunesse couverte d’égratignures et de bleus constants.

Un jour, j’avais entendu dire qu’il y avait un cheval sauvage dans l’écurie qui n’était pas habitué aux gens, et je m’étais convaincue. « Je vais le casser ! »

Ignorant les tentatives de mes servantes pour m’arrêter, j’avais essayé de monter à cheval.

« … !! »

C’est là que c’était arrivé.

Soudain, des « souvenirs » beaucoup trop vifs étaient entrés dans ma tête.

De moi, montant imprudemment le cheval sauvage.

De moi, le calmant, malgré une certaine résistance.

Puis du cheval, se déchaînant dès que je m’étais emplie de suffisance, alors que j’avais baissé la garde.

De moi, jetée du cheval, la tête la première, tombant par terre.

Douleur intense, le sol semblant beaucoup trop proche, et une mare de mon propre sang qui se répandait.

Cette vision s’était répercutée dans ma tête, et j’avais eu une révélation.

C’était mes souvenirs. Les souvenirs d’un futur « moi » qui avait monté sur ce cheval.

« … Ne faisons pas ça, après tout, » avais-je chuchoté.

J’avais décidé de ne pas monter le cheval sauvage, j’étais retournée dans ma chambre au soulagement de mes servantes, et je m’étais couchée face contre terre sur mon lit moelleux.

Jusque-là, je ne savais pas quelle était ma magie.

C’était commun pour ceux qui avaient de la magie noire, qui était toute magie qui ne guérissait pas comme la magie de lumière, et qui n’appartenait pas aux quatre éléments : le feu, l’eau, la terre et le vent.

Parce que la magie noire en tant que catégorie était spéciale et qu’elle comprenait souvent des magies qui ne pouvaient être utilisées que par une seule personne, il n’était pas rare que cette personne ne comprenne pas très bien tout cela.

Cependant, après mon expérience de ce jour-là, j’avais bien compris la mienne.

« Le pouvoir de renvoyer des souvenirs à mon passé quand je suis en danger mortel. »

C’était ma magie personnelle.

C’était une capacité qui, face à une menace pour ma vie, m’avait permis d’exprimer des regrets tels que, j’aurais dû le faire à l’époque ou je n’aurais jamais dû le faire à moi-même, car je me tenais au point de départ qui avait mené à cet avenir.

Mon impression, après avoir reçu les souvenirs de ce futur « moi », était que c’était comme si j’avais moi-même pris cette décision, et que le temps était revenu de ce futur à l’époque où j’étais maintenant.

Cependant, j’avais aussi le sentiment que ce n’était pas mon propre avenir.

Après tout, je n’avais pas encore pris cette décision. C’était comme si on me montrait le résultat d’une entité identique à moi-même qui prenait la décision que j’allais prendre.

De plus, comme je devais faire face à une menace pour ma vie, c’était aussi une capacité que je ne pouvais utiliser qu’une seule fois dans ma vie. Parce qu’il y avait de fortes chances que la mort m’attende peu de temps après que j’ai envoyé les souvenirs.

Cela ressemblait à une révélation divine ou à un sixième sens quand j’étais à l’extrémité réceptrice, mais quand j’étais l’expéditrice, ce serait comme laisser un testament à mon passé.

Quand j’avais réalisé ça, cela m’avait fait frissonner.

C’était bien d’être le receveur. Mais quand j’avais pensé à être l’expéditrice, je n’avais ressenti que de la peur.

Il était également difficile d’expliquer ce pouvoir aux autres, et si je n’étais pas prudente, ils pourraient penser que j’étais devenue folle.

Je voulais savoir si je pouvais envoyer des souvenirs à d’autres personnes que moi-même, mais c’était une magie qui risquait ma vie, alors je ne pouvais pas la tester.

Incapable de parler de cette magie à qui que ce soit, j’étais devenue déprimée.

Chaque fois que je pensais recevoir plus de souvenirs de ma vie en péril, je ne pouvais pas être aussi téméraire et imprudente que je l’avais été auparavant.

Quand ceux qui m’entouraient avaient vu à quel point j’étais devenue une dame, ils m’avaient accueillie en disant. « Je sais qu’elle n’est que la fille de la troisième reine primaire, mais peut-être a-t-elle commencé à reconnaître son rôle de reine. »

Tout ce que j’avais pensé en réponse, c’est que vous n’avez aucune idée de ce que je suis en train de vivre.

« Soupir… »

Quand les choses étaient devenues comme ça, je ne pouvais pas rassembler la volonté de faire beaucoup de choses, et j’avais passé beaucoup de temps à regarder dans le vide.

Je passais mes journées à regarder par la fenêtre, à regarder les fleurs dans le jardin, etc.

Puis, un jour, c’était arrivé.

J’errais dans le jardin, étourdie, et j’avais entendu une voix.

« Hmm, je vois, je vois. »

J’avais sorti la tête de derrière une haie, et il y avait le vieux jardinier et un jeune noble qui parlait avec enthousiasme de quelque chose.

« C’est pourquoi il faut tailler les fleurs pendant cette saison, » disait le jardinier.

« Je vois, » dit le noble. « Tu m’apprends beaucoup là. »

Il semblait que le vieil homme au sécateur enseignait au jeune homme, qui semblait être un noble, le jardinage pendant qu’il travaillait. Le jeune homme était mieux vêtu et probablement d’un statut plus élevé que le vieil homme, mais il suivait avec enthousiasme les instructions du vieil homme.

Je m’étais approchée d’eux et j’avais observé cet homme.

Il avait probablement entre dix-huit et vingt ans, et il avait l’air un peu épuisé, ce qui le faisait paraître plus vieux que ses années. Son visage était moyen et manquait d’impact, et bien qu’il semblait gentil, il ne semblait pas capable d’évoluer dans le monde à l’avenir.

Se tapotant le bas du dos, le vieil homme déclara au jeune homme. « Est-ce tout ce que vous vouliez que je vous apprenne ? Est-ce que ça vous a aidé ? »

« Oui ! Merci pour ta tutelle », dit joyeusement le jeune homme.

On aurait dit qu’ils avaient fini leur conversation.

Le vieil homme était parti pour passer à sa prochaine tâche, et l’homme restant s’était assis. Sortant du papier et un stylo portable avec sa propre poche à encre, il avait commencé à écrire quelque chose.

Je m’étais approchée de l’homme et lui avais demandé. « Qu’est-ce que vous faites ? »

« Un instant, » dit-il, écrivant sans lever les yeux pour voir qui s’adressait à lui. « Je prends un résumé de ce que j’ai entendu… Hein !? »

Comme il s’était soudain rendu compte que quelqu’un lui parlait, il avait sursauté un peu. Il avait l’air un peu bête comme ça.

« Je suis désolée de vous appeler si soudainement, » avais-je dit.

« Oh, non, c’est bon… Attendez, Princesse Elisha !? » L’homme s’était vite relevé et s’était incliné devant moi aussi fort qu’il le pouvait. « C’était très impoli de ma part de ne pas avoir réalisé que je parlais à une princesse ! »

« C’est bon, » dis-je. « après tout, c’est moi qui me suis glissée vers vous. Mais, mis à part ça, que faites-vous ici ? »

L’homme posa une main sur sa tête en levant les yeux. « Eh bien, la vérité est que le jardinage est l’un de mes passe-temps. Quand j’ai vu ce beau jardin, j’ai voulu entendre ce que la personne qui l’entretient aurait à dire, et je lui ai demandé de m’enseigner certaines choses. »

« Jardiner… c’est ça ? Même si vous êtes un homme ? » demandai-je.

« Oh, vous voyez, mon domaine est dans les montagnes, au milieu de nulle part, mais nous avons beaucoup de terrain et une grande cour, alors j’ai commencé à jardiner. Il semble que je sois un peu maladroit, et je ne suis pas à la hauteur dans les activités martiales et politiques, mais, laissez-moi vous dire, quand il s’agit de jardinage, j’ai un peu confiance… Je plaisante, c’est tout, » déclara-t-il.

Après ça, l’homme avait laissé échapper un faible rire.

Il semblait si peu fiable.

Ma première impression, c’était qu’il n’avait pas tort et qu’il n’irait pas loin dans la vie.

« Hahahaha... Je suis bizarre, non ? Je le sais bien. » Il avait peut-être senti ce que je pensais, parce que l’homme l’avait dit avec un sourire ironique.

En voyant sa tristesse sur son visage, je m’étais sentie mal à l’aise. C’était peut-être parce que j’avais vu tous les gens du château avec des ambitions éblouissantes. J’avais pris l’habitude d’évaluer tous ceux que je rencontrais.

« Mais vous êtes bien comme ça, n’est-ce pas ? » avais-je dit sans en avoir l’intention. « Il y a beaucoup de chevaliers et de nobles qui s’enorgueillissent de leur habileté martiale, ou de leur habileté mentale. Avoir un noble décontracté comme vous dans les parages ne va pas rendre le pays meilleur ou pire. »

« Princesse…, » les yeux de l’homme s’étaient écarquillés.

Je lui avais souri. « Je pense que vous devriez être vous-même. Avec tous les intrigants de ce monde, je trouve réconfortant de savoir qu’il y a aussi des gens comme vous. »

« Vous êtes… trop aimable. » L’homme plaça sa main sur sa poitrine et inclina la tête.

Trois ans avaient passé, et j’ai eu quinze ans.

Mon père, le roi d’Elfrieden, était décédé.

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Partie 2

Afin de construire une nation capable de s’opposer à l’Empire du Gran Chaos sur la partie occidentale du continent, mon père avait mené des guerres pour étendre le territoire du pays. Il avait annexé un certain nombre de petites et moyennes nations au nord, creusé une grande partie du territoire de la Principauté d’Amidonia à l’ouest, et tenu des affrontements répétés avec la République de Turgis au sud et l’archipel du Dragon à Neuf Têtes dans la mer orientale.

Cette expansion rapide avait engendré des frictions, et notre pays en était venu à contenir les conquérants et les conquis, les pillards et les pillés, les tueurs et les tués, tous en même temps. Ces graines d’agitation avaient rapidement germé lorsque mon père était mort sans désigner d’héritier.

Qui deviendrait le prochain roi et hériterait du pays ?

Parce que le pays était devenu si grand, il y en avait beaucoup qui levaient la main.

Les luttes à l’intérieur de la maison royale s’entrelacèrent avec les intrigues des chevaliers et des nobles, et les étincelles s’amplifièrent.

Puis les graines de l’agitation avaient fini par germer.

« Si la Chambre se range de leur côté, elle se joindra à leur opposition. »

« Nous ne pourrons jamais pardonner à cette personne, donc nous ne nous joindrons pas à la faction qu’ils soutiennent. »

Ainsi, les échelons supérieurs de la société s’étaient divisés en camps, et ces camps en étaient venus à s’opposer les uns aux autres.

Ces étincelles étaient aussi tombées très vite sur moi.

« Choisir un fiancé, dit-on…, » murmurai-je.

J’avais regardé les portraits de prétendants entassés sur mon bureau et j’avais poussé un soupir.

J’étais la fille de la troisième reine primaire et j’avais plus d’une poignée de demi-frères et demi-sœurs qui étaient au-dessus de moi. J’étais environ dixième sur la ligne de succession au trône, et avec ma mère déjà décédée, et sans le soutien d’une famille, je n’aurais jamais dû être impliquée dans la crise successorale.

C’était la raison pour laquelle, au départ, j’avais été laissée sur la touche.

Toutefois, à mesure que le conflit s’était intensifié, un certain nombre de successeurs étaient morts dans des circonstances suspectes (très probablement assassinés par des requérants rivaux). Maintenant, je ne pouvais plus rester sans rien faire.

J’étais une fille insignifiante, sans soutien financier, mais j’avais quand même porté le sang de mon père, alors il y avait des gens autour de moi qui commençaient à penser qu’ils devraient m’amener dans leur camp pour le petit bénéfice que cela pourrait apporter. Ou peut-être qu’en pensant que… pour m’empêcher d’être emmenée par un autre camp, il vaudrait mieux qu’ils me suppriment.

C’est à cette époque que ma magie avait commencé à s’activer souvent.

J’étais sur le point de boire du thé, et j’avais alors vu une image de moi-même souffrir pour cela.

Je marchais sur un balcon, et je voyais l’image d’un lustre tomber.

Je voyageais en calèche, et je voyais une image de moi-même entourée d’hommes armés.

C’était sûrement des avertissements d’un futur « moi ».

Pour éviter que ces avenirs ne deviennent ma réalité, je ne boirais pas le thé, ou je prendrais une autre route, et je pourrais ainsi réussir à éviter cet avenir d’une façon ou d’une autre.

Mais il y avait des limites à la durée pendant laquelle cela suffirait. Aux yeux de ceux qui me regardaient éviter crise après crise, je devais paraître un peu bizarre. Il faudrait que je gagne mes propres soutiens, et rapidement.

C’est alors qu’on m’avait parlé d’un mariage arrangé.

En faisant un choix, il déciderait de ma faction et de mes bailleurs de fonds. En tant que membre de la famille royale, je m’étais depuis longtemps résignée à ne pas chercher à me marier par amour. Dans ma situation actuelle, je savais que je devais trouver un partenaire qui pourrait surmonter la crise de succession et survivre avec moi.

En y pensant, j’avais pris un des portraits, et puis…

« Eeeeek ! »

J’avais été frappée par une image intense de la mort.

Il n’y en avait pas qu’une : d’innombrables visions de ma mort fatale courraient à l’intérieur de ma tête.

C’était arrivé d’un coup, et à cause de ça, je m’étais évanouie.

Quand je m’étais réveillée, j’étais au lit.

Il semblait qu’une de mes servantes avait entendu mon cri, s’était précipitée à mon aide et s’était occupée de moi.

J’avais dit à la bonne à mes côtés. « Merci, ça va aller maintenant, » puis j’avais quitté ma chambre en pensant aux visions avec ma tête encore boueuse.

Ils venaient de nombreux avenirs dans lesquels « j’avais fait le mauvais choix ».

Un « moi » s’était fiancée à un homme d’une famille militaire accomplie.

Il était lui-même un guerrier impressionnant, et ses partisans étaient forts. J’espérais qu’un homme comme lui serait capable de me protéger.

Cependant, il avait profité de ses prouesses militaires, agissant d’une manière fière qui se distinguait et se faisant, il s’était fait plus d’ennemis. Dans le château, plein d’alliés et d’ennemis, ces actions lui avaient coûté la vie. À la fin, il avait été trompé avec une facilité surprenante, et tué avant même que « nous » puissions nous marier. Le souvenir s’était terminé par « moi » et ses serviteurs à la pointe de l’épée ennemie.

Un « moi » s’était fiancée à un homme qui était un excellent intrigant.

Il avait tramé des complots pour éliminer les membres des factions adverses. Cependant, il avait gagné le ressentiment de beaucoup de monde, perdu leur confiance, et finalement subi la trahison, tombant aux mains de ses propres compagnons.

Ce souvenir s’était terminé par le fait que « moi » avait été prise dans le même incident.

L’une d’elles s’était fiancée à un homme qui faisait partie de la plus grande faction à l’époque.

Cette faction comptait actuellement de nombreux membres et submergeait l’opposition, mais lorsque toutes les autres factions avaient disparu, elle se fracturait en raison d’une lutte de pouvoir interne, et cela se transformerait en un bourbier sans fin.

C’était peut-être l’avenir où il y avait eu le plus de sang versé.

Ce souvenir s’était terminé comme les autres.

Un « moi » avait tenté de fuir le conflit.

Si le résultat était le même, peu importe qui j’épousais, j’avais décidé de n’épouser personne et de me cacher. Cependant, pour quelqu’un comme moi, sans l’appui d’une famille, se cacher en ville était la seule option.

Dans un environnement sans la sécurité du château, j’avais été rapidement découverte, et à cause de l’atmosphère de suspicion, on avait supposé que je préparais quelque chose et que j’avais donc été considérée comme une menace.

Ce souvenir s’était effacé quand j’étais sur le point d’être éliminée parce que j’étais une fauteur de troubles.

Les choix de tous les autres « moi » n’avaient pas non plus conduit à un avenir brillant.

Même dans les futurs où je survivrais de justesse à la crise successorale, après tout le sang versé, le royaume d’Elfrieden ne pourrait pas s’unir. Les invasions qui avaient suivi, les attaques de monstres, les complots de nobles et les soulèvements populaires avaient tous contribué à affaiblir le royaume.

En fin de compte, les souvenirs de chaque « moi » semblaient s’achever avec l’incendie du château.

Une dizaine de ces visions m’avaient traversé l’esprit.

C’était comme si le temps était revenu sans cesse en arrière, mais je pouvais toujours dire que les souvenirs n’étaient pas les miens.

J’avais été forcée d’être témoin des résultats des choix que les « moi » qui n’étaient pas moi avaient faits.

En me souvenant de ces scènes, je m’étais précipitée dans les toilettes et j’avais vomi.

Quand mon estomac avait été vide, je m’étais effondrée impuissante sur place, appuyée contre le mur pour me soutenir.

« Je… ne peux plus faire ça. » C’était les mots qui s’étaient échappés de la bouche.

J’avais échoué dix fois.

Il se pouvait qu’on ne s’entende pas sur la question de savoir si ce chiffre était élevé ou faible, mais c’était plus que ce que je ne pouvais supporter.

Même si je recevais les souvenirs, je n’étais encore que moi-même.

Même si j’avais pris une décision, que j’avais échoué et que j’avais transmis mon expérience au « moi » suivant, cela ne voulait pas dire que je pouvais retourner dans le passé. Ce serait la fin pour le moi qui avait échoué.

Le prochain « moi », ou le « moi » après le prochain « moi », pourrait atteindre un avenir heureux.

Mais ce n’était pas moi.

Je ne pouvais devenir heureuse qu’ici, dans ce monde où j’étais. Si j’échouais, la mort m’attendait, comme elle l’avait fait pour tous les « moi » jusqu’ici.

Quand j’y avais pensé de cette façon, j’étais terrifiée à l’idée même de choisir.

C’était effrayant que les souvenirs que j’avais reçus aient été envoyés juste avant ma mort. J’avais été envoyée au bord de la mort encore et encore, sans savoir à quoi ressemblait la mort.

Pour faire une analogie, c’était comme s’il y avait une infinité de cordes suspendues devant mes yeux, l’une d’elles attachée à une épée suspendue au-dessus de ma tête, et je regardais les cordes se couper une par une. Je vivais dans la peur de l’épée qui allait finir par tomber et me tuer. Même s’il ne tombait pas cette fois, je ne pourrais jamais me détendre.

Je me sentais coincée, et je m’étais serré les genoux contre moi.

Non ! Je ne veux plus faire de choix !

Si rien de ce que j’avais fait ne marchait, je ne ferais rien.

Mon cœur avait été complètement brisé.

À partir de ce moment, j’avais passé encore plus de temps à regarder dans le vide.

J’errais dans un labyrinthe dans lequel je ne voyais aucune issue, et j’étais dans une impasse. Je n’avais pas la volonté de résister au destin, et j’attendais simplement la fin inévitable.

J’avais donc fait tout ce que je pouvais pour ne pas y penser, et je passais mon temps allongé au soleil.

Je pense qu’à ce moment-là, ma pensée était déjà celle d’une vieille femme.

Puis, un jour, quand j’avais choisi le jardin pour mes errances étourdies…

« S’il te plaît ! Je t’en supplie ! » cria la voix d’un homme.

« Je t’entends, mais je ne peux pas… »

Deux hommes parlaient.

Je sortis la tête de derrière la haie, me demandant de quoi il s’agissait, et je vis un homme d’une vingtaine d’années incliner la tête devant un jeune homme encore jeune (sa crinière était courte, donc il avait l’air jeune), un homme bête, un homme-lion.

L’homme bête avait l’air troublé. « Lève la tête, Albert. Il y a des choses que je ne peux pas faire, même pour toi. »

« S’il te plaît, fais quelque chose, Georg ! »

Georg… Oh ! Je m’en étais souvenue.

Cet homme-lion était Georg Carmine, le fils aîné de la Maison de Carmine, l’une des trois familles ducales qui contrôlaient l’armée, la marine et les forces aériennes de ce pays. Je me souvenais qu’il était venu au château avec son père, l’actuel chef de la maison, à l’époque où mon propre père était encore vivant et en bonne santé.

L’autre homme, Albert, d’un autre côté… Qui était-il ? Je le connaissais de quelque part, mais je ne savais plus où.

Il était encore jeune, mais son visage épuisé et sa barbe lui donnaient l’air plus vieux que ses années.

« S’il te plaît, Georg ! Laisse-moi au moins rencontrer ton père ! » Albert l’avait supplié.

« Je te le dis, je ne peux pas, » répondit Georg.

Ils se disputaient à propos de quelque chose, mais leur ton informel impliquait une amitié qui avait duré de nombreuses années.

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Partie 3

Albert avait une allure plus bureaucratique chez lui, et il était donc surprenant de le voir en bons termes avec quelqu’un de la Maison de Carmine, qui étaient les représentants des officiers militaires.

Georg avait commencé à tirer sur sa crinière. « Je te suis redevable, et je veux t’aider. Mais le duc de Carmine est mon père maintenant. Mon père et ses hommes suivent l’ordre de la duchesse Walter de ne pas s’impliquer dans la crise successorale. Si les trois branches de l’armée s’en mêlent, la crise se propagera à tout le pays. Chacun se charge de ses propres subalternes pour s’assurer que cela n’arrive pas. »

Il semblait que la demande d’Albert avait quelque chose à voir avec la crise actuelle et, bien que cela le peinait de le faire, Georg refusait tout ce qu’elle était.

Il était vrai que si les trois forces s’engageaient dans ce conflit, cela ne ferait qu’attiser le chaos.

J’avais pensé qu’il était évident que la duchesse Excel Walter, qui avait soutenu ce pays pendant de longues années, prendrait des mesures pour les garder sous contrôle. Et si la duchesse Walter s’y opposait fermement, son gendre, le duc Vargas, lui obéirait. Pendant ce temps, si les deux autres maisons étaient opposées, le duc Carmine devrait l’être aussi.

J’avais l’impression que la raison était du côté de Georg.

Cependant, Albert n’était pas prêt à reculer.

« Ce n’est pas une demande pour qu’il soutienne qui que ce soit ! Je veux juste qu’il protège quelqu’un pour qu’on ne fasse pas de mal à cette personne ! » déclara Albert.

« Et je te dis que cela pourrait être interprété comme une intervention ! » déclara Georg.

Georg pressa l’épaule d’Albert. C’était tout ce qu’il fallait pour le déséquilibrer, et l’homme avait fait quelques pas en arrière avant de tomber à genoux.

Voyant cela, Georg déclara avec pitié. « Au contraire, j’aimerais te demander de ne plus t’impliquer dans le conflit. Tu es un type bien. En tant qu’ami, je le sais. »

« Georg… »

« Mais tu es faible. Si faible que tu trébuches quand je te pousse un peu. Tu n’as pas le pouvoir de surmonter cette crise, et tu es trop faible pour en faire tomber d’autres. C’est pourquoi je te dis que si tu t’enfermes dans ton domaine montagneux, tu pourras rester en dehors de ça. »

Albert avait penché la tête en silence.

Georg posa une main sur son épaule et dit. « Alors, abandonne, Albert. »

« Georg… J’ai encore…, » Albert avait saisi le bras de la main que Georg avait posée sur son épaule. « Je veux toujours la sauver ! Je veux sauver Lady Elisha ! »

Moi !? Pourquoi !?

Pendant un moment, je n’avais pas compris ce qu’il avait dit. Il voulait me sauver ? Je ne savais pas qui il était, alors pourquoi était-il si désespéré ?

Heureusement, Georg avait demandé exactement la même chose que je voulais savoir. « Pourquoi aller si loin pour Lady Elisha ? »

« Parce qu’elle m’a dit : “Vous êtes bien comme ça”, » dit Albert d’une voix torturée. « Je suis un homme médiocre, avec moins de force, de sagesse, de richesse ou d’influence que quiconque. Je suis tellement ennuyeux que, si on me demande si j’ai une chose dont je peux être fière, c’est mon talent de jardinier. Mais elle m’a dit. “Vous êtes bien comme ça”. Elle a aussi dit. “Je pense que vous devriez être vous-même” et “Avec tous les intrigants de ce monde, je trouve réconfortant de savoir qu’il y a aussi des gens comme vous”. J’ai l’impression que ces mots m’ont sauvé ! »

C’est lui…

Je m’étais finalement souvenue de ce jour-là. Cet homme.

Celui que j’avais rencontré dans ce jardin et auquel j’avais parlé il y a quelques années était Albert. Et tout ça à cause de cette courte conversation, il voulait désespérément m’aider.

Quand j’avais appris ça, cela m’avait frappée avec force. J’avais oublié que nous avions même parlé, mais cette personne s’était souvenue d’un commentaire désinvolte que j’avais fait et essayait de me sauver.

En y repensant, j’avais réalisé que cet homme avait été dans les souvenirs que j’avais reçus des autres « moi », moi aussi. Quelle que soit la position dans laquelle j’étais, quelle que soit la personne dans laquelle je m’étais fiancée…

« Ce n’est pas le moment de se disputer ! »

« Ne pouvez-vous pas baisser vos armes et en parler ? »

« La maison royale sera détruite à ce rythme ! S’il vous plaît, réfléchissez ! »

Je l’avais vu visiter de nombreuses factions, essayant de leur faire de tels appels.

Bien sûr, personne n’écouterait un homme sans pouvoir, mais on l’avait laissé seul parce qu’il n’y avait aucune chance qu’il puisse devenir une menace. Même « moi », je n’avais pas fait attention à lui.

Mais il avait fait tout ça pour me protéger.

Comme il avait dû être bêtement insignifiant et ridiculement honnête.

En un rien de temps, des larmes coulèrent sur mes joues.

J’avais l’impression que mon cœur, figé par les souvenirs dont j’avais été témoin, commençait à fondre.

Quand j’essuyais mes larmes avec ma manche, Georg avait dit à Albert avec un regard peiner. « Je ne peux vraiment pas t’aider dans ma position actuelle. »

« Je vois. » Albert avait affaissé ses épaules. « Alors, c’est tout. »

Georg l’avait aidé à se relever. « Je veux que tu te souviennes de ça. Je m’engage à faire de mon mieux pour t’aider quand j’hériterai de la Maison de Carmine. Même au prix de ma vie. »

« Georg… »

« Alors, ne sois pas imprudent. Ne fais pas de moi un ingrat, » déclara Georg.

Une fois qu’il avait dit cela, Georg avait frappé Albert sur l’épaule et puis il était parti.

Albert, qu’on avait laissé derrière, se tenait là en silence, à le regarder jusqu’à ce qu’il soit parti.

J’avais attendu d’être sûre que mes propres larmes avaient séché, puis j’étais sortie de derrière la haie et j’avais marché vers Albert.

« Sire Albert, » déclarai-je.

« Hein !? Princesse !? Depuis combien de temps êtes-vous là !? » demanda Albert.

« Assez longtemps. » J’avais souri à l’homme surpris. « Merci de faire ça pour moi. »

« N-Non ! Je n’ai été d’aucune aide… À la fin, je n’ai même pas pu obtenir l’aide de mon ami Georg, » déclara Albert.

« Il n’y avait rien que vous auriez pu faire, » lui avais-je dit. « Mais mis à part cela, j’ai été surprise de vous voir parler avec Sire Georg de la Maison de Carmine d’une manière aussi amicale. Vous n’êtes pas très semblables. »

Albert mit la main derrière la tête et rit. « Nous avons appris à nous connaître grâce à nos parents, et nous sommes ensemble depuis notre enfance. »

« Je suis un peu intéressée, » dis-je. « Ah ! Devrions-nous nous asseoir quelque part ? »

C’était bizarre de rester là à parler, alors nous nous étions assis sur l’un des bancs dans le jardin.

« Maintenant que j’y pense, Sire Georg a mentionné qu’il vous devait quelque chose, » continuai-je. « De quoi s’agissait-il ? »

« Oh… Georg s’est installé ces jours-ci, mais c’était un petit morveux turbulent. Il a cassé le précieux vase de son père, il a coupé un arbre impressionnant dans le jardin en s’entraînant avec une épée et, bien que celle-ci ne soit pas entièrement de sa faute, il a frappé le fils d’un noble qui causait des problèmes en ville. »

Il semblait que Sire Georg avait été un enfant coriace typique dans sa jeunesse.

« Il était toujours puni par son père pour cela, alors Georg se réfugiait souvent chez nous. Je n’étais pas aussi actif que Georg, mais je n’avais pas le cran de me montrer aussi casse-coup, et j’étais un garçon calme, donc j’étais apprécié des adultes. J’ai arrangé les choses entre Georg et son père à plusieurs reprises. Il n’a pas toujours eu tort, après tout, » déclara Albert.

« Je vois…, » avais-je murmuré. « C’est pour ça qu’il vous est redevable, n’est-ce pas ? »

« Oui. Oh, parce que Georg est maladroit avec les mots, il y a eu aussi le temps où j’ai agi comme intermédiaire entre lui et sa fiancée. Il ne bronche jamais devant un ennemi, mais on peut voir la peur sur son visage quand il ne sait pas comment traiter une femme. J’ai aidé à m’assurer qu’il n’était pas mal compris à cause de ça, » déclara Albert.

« O-Oh… ? » J’avais été stupéfaite par ce côté inattendu de Georg.

Ce n’était peut-être pas à moi de le dire, puisque j’avais posé la question, et Georg aurait peut-être préféré que je ne sache pas. Toutefois… J’avais appris quelque chose en demandant.

Cet homme devant moi n’avait pas un visage public et un visage privé, il était exactement ce à quoi il ressemblait. J’avais été témoin de tant de haine et de laideur à travers les autres « moi » que cela ressemblait à une sorte de salut pour moi.

Cet homme n’essaierait d’éliminer personne.

Même si quelqu’un lui faisait du mal et que l’éliminer lui serait bénéfique, il ne pourrait pas se résoudre à le faire. C’était sa faiblesse et sa gentillesse. C’était disqualifiant en tant que dirigeant d’un pays, et c’était un réconfort pour moi en ce moment.

Cet homme ne serait certainement pas en mesure de surmonter la crise actuelle.

Cependant, si c’était un destin que je ne pouvais pas transcender de toute façon, ce ne serait pas mal de passer mes derniers jours à me détendre à ses côtés.

Je verrais sûrement moins de saleté que les « moi » jusqu’à présent. Parce que cet homme ne pouvait rien faire de mal.

Mais… pour faire ça, il fallait que je lui dise quelque chose.

S’il était avec moi, il serait pris dans l’agitation, et pourrait perdre la vie.

Ce serait malhonnête de s’accrocher à lui sans lui en dire autant.

Si, même après en avoir été informé, il me prenait toujours la main… Je…

« … Sire Albert, » dis-je doucement. « Il y a un jardin dans votre maison familiale, n’est-ce pas ? »

« Oh. Oui. Mais c’est beaucoup plus petit que les jardins du château, » dit Albert en me fixant du regard.

Je regardai Albert droit dans les yeux et je lui demandai. « M’emmèneriez-vous voir ces jardins ? »

Les yeux d’Albert s’ouvrirent en grand. « C’est… ! Non, je n’aimerais rien de plus que de vous les montrer, mais mon domaine et mon manoir ne sont pas faits pour inviter un membre de la maison royale à… »

« Je le sais bien. Je n’irais pas en princesse de la maison royale. » Albert n’avait pas l’air d’avoir compris où je voulais en venir, alors je lui avais dit clairement. « Je veux mettre de côté mon nom de famille et me marier dans le vôtre. »

« M... Mariage !? Voulez-vous m’épouser !? » s’exclama-t-il.

« Oui. Avez-vous peut-être déjà une femme, Sire Albert ? » demandai-je.

« Oh, non, je suis toujours célibataire…, » déclara Albert.

« Alors, c’est parfait, » déclarai-je.

« Attendez, ce n’est pas ce que je voulais dire ! Pourquoi est-ce si soudain ? » demanda Albert.

Avec un sourire effacé, j’avais dit à l’homme confus. « On me pousse actuellement à choisir un fiancé. Cependant, peu importe qui je vais épouser, tant que je serai dans le château, je serai prise dans le conflit. Voilà à quel point le sang royal est précieux. Utiliser les gens, et être utilisé… J’en ai trop subi. Je veux passer mes journées à me détendre avec quelqu’un comme vous, et le faire aussi longtemps que je le peux ! »

☆☆☆

Partie 4

Puis j’avais tendu la main à Albert.

« C’est ma volonté égoïsme. De votre point de vue, je suis une femme ennuyeuse qui pourrait vous entraîner dans le conflit simplement en étant à vos côtés. Malgré tout, si vous le permettez… Je veux… que vous preniez cette main. J’aimerais passer du temps à reposer mon cœur avec vous, le plus longtemps possible, » déclarai-je.

Mes paroles avaient fait déglutir Albert.

Je savais que je n’étais pas juste. J’avais réalisé que je profitais de sa gentillesse.

Pourtant, si je ne pouvais pas changer le destin qui me ruinerait, je voulais au moins quelqu’un comme Albert avec moi à la fin.

Maintenant que j’avais renoncé à résister, comme les autres « moi », c’était mon seul souhait.

Il y eut un court silence, puis Albert ouvrit lentement la bouche.

« J’ai toujours… voulu vous protéger. Pourtant, je n’ai pas l’intelligence de le faire, et je ne pourrais rien faire pour vous aider. Cela… me frustre, » déclara Albert.

J’étais restée silencieuse.

« C’est ce que je suis, mais si tout ce que vous voulez, c’est que je sois avec vous, je peux le faire. »

Puis Albert avait pris la main que je lui avais offerte.

« Je ne peux en aucun cas vous promettre que vous serez en sécurité si vous venez chez moi. Je doute que vous puissiez vivre dans la même splendeur qu’au château. Malgré cela, je travaillerai pour vous permettre de passer vos journées dans la paix et le calme. Si vous êtes d’accord pour m’avoir, alors s’il vous plaît, » déclara Albert.

« Merci… Albert, » dis-je.

C’est ainsi que j’avais choisi mon fiancé.

« C’est vraiment calme ici, n’est-ce pas ? »

Je regardais le paysage par la fenêtre pendant un voyage en calèche.

Le domaine d’Albert se trouvait à la campagne, autour d’un village agricole et laitier en montagne. Pendant que la voiture rebondissait le long de la route de campagne, nous étions passés devant des charrettes tirées par des bœufs.

Il y avait une scène pastorale, comme nulle part ailleurs dans le château, qui s’étendait devant moi.

« Je suis un peu excitée, » dis-je avec une anticipation palpable.

Albert avait souri ironiquement. « Je peux le voir. Bien que je ne sois pas sûr que nous ayons quoi que ce soit qui puisse vous divertir, princesse. »

« Albert ! » Je l’avais attrapé par la barbe et j’avais arraché quelques poils.

« Oui… ? Aïe ! »

« Tu vas être mon mari, alors laisses tomber le langage formel, et ne m’appelles pas “princesse”, » déclarai-je.

« D’accord, Elisha, » déclara Albert.

Albert hocha la tête à contrecœur en se frottant le menton. Le fait qu’il ne pouvait pas prendre une position ferme contre moi, même s’il avait environ cinq ans de plus que moi, venait d’une timidité innée. Cela dit, je commençais graduellement à voir cela comme faisant partie de ce qui le rendait mignon.

« Oh ! quelle jolie rivière, » dis-je, enchantée. « Tu crois qu’il y a du poisson dedans ? »

« Oui. Quand l’automne arrivera, ils seront bien grassouillets. Georg et moi y allions souvent pêcher quand nous étions enfants. Cependant, Georg s’ennuyait toujours vite et se mettait à les attraper à la main. »

« La pêche ! Ça a l’air sympa. Je n’ai jamais fait ça avant, alors, s’il te plaît, montre-le-moi, » déclarai-je.

« Bien sûr que je le ferai, » répondit Albert.

En regardant le paysage champêtre, qui ne semblait pas affecté par l’atmosphère meurtrière de la capitale, je ne discutais avec Albert de rien en particulier, en disant des choses comme : « Qu’est-ce que c’est ? » « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

C’était très amusant de simplement faire cela, et j’avais senti ma personnalité originale, plus active, revenir à moi.

Cela avait tenu le coup pendant un moment. Finalement, avant même que je m’en rende compte, nous étions arrivés au manoir d’Albert.

C’était petit pour un manoir de la noblesse, mais dans cette région, où il n’y avait pas d’autres bâtiments à proximité, il avait encore une certaine présence.

Lorsque nous avions franchi la petite porte d’un mur qui n’allait pas servir de défense contre beaucoup plus que des animaux sauvages, les jardins bien entretenus étaient apparus sous nos yeux. Ils n’étaient pas de la taille des jardins royaux, bien sûr, mais ils correspondaient bien à l’espace compact, et ils semblaient être de bon goût.

« Les jardins sont magnifiques…, » j’avais soupiré de satisfaction. « Est-ce toi qui as fait tout ça, Albert ? »

« Oui. J’ai fait ces jardins comme passe-temps, » déclara Albert.

« Ils sont incroyables. Bien joué, » déclarai-je.

« C’est embarrassant quand tu me félicites si facilement, » déclara Albert.

Albert riait timidement, mais je trouvais vraiment ses jardins merveilleux.

Nous nous étions assis sur une terrasse couverte entre les jardins et le manoir. Regardant vers les jardins ensoleillés depuis l’ombre, le contraste de la lumière et de l’ombre était très agréable.

« C’est l’endroit idéal pour se détendre, » lui avais-je dit.

« On peut se détendre autant que tu le veux. C’est le bon moment, veux-tu du thé ? » demanda-t-il.

J’avais hoché la tête, alors Albert avait demandé à l’un des domestiques de le préparer.

Lorsque nous buvions du thé ici, sur les sièges de cette terrasse, le temps semblait s’écouler à un rythme plus détendu.

« Whew… Je commence à avoir sommeil. » J’avais bâillé.

« C’est une journée chaude et ensoleillée, après tout. Tu dois aussi être fatiguée de voyager. C’est la situation idéale pour s’assoupir. C’est bon si tu vas dormir. Je te réveillerai quand le soleil se couchera, » déclara Albert.

« C’est un luxe de pouvoir utiliser notre temps comme ça, » déclarai-je.

Je l’avais accepté et c’est ce que j’avais fait.

Le joli jardin, l’atmosphère chaleureuse et le doux sourire d’Albert m’avaient donné l’impression que mon cœur et mon corps allaient fondre.

Cela faisait combien de temps que je ne m’étais pas sentie aussi à l’aise ?

Si je pouvais avoir un souhait, ce serait que ces bonnes journées durent le plus longtemps possible… En m’endormant, j’avais pensé à ça en m’endormant.

J’étais sûre que, quelque part, j’avais dû penser que c’était un souhait impossible. Cependant, contrairement à ce que j’espérais, ces journées de rêve s’étaient poursuivies.

Il semblerait que la lutte sanglante se soit poursuivie sans relâche dans la capitale, mais elle ne s’était jamais étendue à ce domaine.

J’avais appris cela plus tard, mais apparemment mon mariage avec Albert avait joué en ma faveur.

Albert était connu pour être médiocre et sans ambition.

Quand les factions m’avaient vue jeter mon nom de famille pour épouser un homme comme Albert, elles avaient dû me voir aussi manquer d’ambition. Ils auraient pu se dire : « Si elle a un si mauvais œil pour les hommes, cette petite fille ne vaut pas la peine qu’on s’inquiète d’elle. ».

Il y avait aussi l’amitié bien connue d’Albert avec Georg. S’ils agissaient négligemment contre quelqu’un ayant des liens avec la Maison de Carmine, ils auraient des ennuis si le duc de Carmine intervenait.

Il est possible que Georg ait fait en sorte que leur amitié se répande partout. C’est tout ce qu’il aurait pu faire pour aider son ami Albert.

C’est peut-être pour ces raisons que moi, qui avait démontré que j’étais peu menacée en épousant un homme médiocre, et contre lequel il était également difficile d’agir, j’étais laissée tranquille pour le moment.

Grâce à cela, j’avais pu passer mes journées à me détendre ici dans cette région.

À l’automne, nous étions allés pêcher.

« Là-bas… Compris ! J’en ai attrapé un, Albert ! » J’avais souri.

« Tu es douée dans tout ce que tu fais, Elisha. Je ne peux rien attraper, » déclara Albert.

D’habitude, j’aidais Albert dans son travail, mais les jours de congé, nous allions pêcher ensemble comme ça, ou pique-niquer dans les collines.

« Qu’est-ce qu’on fait le jour de congé suivant ? » lui avais-je demandé.

« Ce devrait être à peu près le moment de l’année où l’on peut cueillir des champignons dans les collines arrière. Veux-tu y aller ? » demanda-t-il.

« La chasse aux champignons ! Si nous arrivons à en prendre beaucoup, partageons avec tout le monde, » déclarai-je.

« Hmm. Je dois donner quelque chose à Johan le chasseur en échange du gibier, » déclara Albert.

Notre relation avec nos sujets était bonne. C’était un petit domaine, donc nous avions pu interagir avec les gens sans égard au statut. Quand on sortait comme ça, les gens n’hésitaient pas à nous appeler.

« Tant qu’on y est, pourquoi ne pas les rôtir dans le jardin ? » avais-je suggéré.

« Ha ha ha ha ha, il y a de l’idée, » dit-il en riant. « J’appellerai tous les habitants de la ville. »

Et donc, comme nous avions passé nos journées en paix, à un moment donné, j’avais cessé de penser que ma vie était prise pour cible. J’avais pu croire que demain serait un autre jour comme aujourd’hui.

Après avoir survécu à un hiver rigoureux, les animaux partirent à la recherche de compagnons au printemps. De la même manière, ma relation avec Albert s’était aussi approfondie.

C’était un style de vie de résignation, où je pensais que si je ne pouvais pas changer mon destin, je voulais au moins passer du temps à ses côtés. Mais à un moment donné, j’avais commencé à me sentir plus heureuse que les autres « moi » qui ne l’avaient pas choisi.

« Albert, » dis-je, « Je suis contente d’être venue ici. »

Albert me serra doucement dans ses bras autour des épaules.

Environ un an s’était écoulé depuis que j’avais déménagé dans cette région.

Des rumeurs dans le vent nous avaient indiqué que des incidents sanglants se produisaient fréquemment dans la capitale.

Quand je dis « rumeurs dans le vent », je faisais allusion au fait qu’il avait fallu beaucoup de temps pour que les nouvelles parviennent à un endroit si éloigné, et quand c’était arrivé, c’était par le bouche-à-oreille.

À ce moment-là, je m’en fichais de ce qui se passait dans la capitale.

Je n’avais aucune envie de revenir, et… Je n’en avais pas non plus besoin.

Par une belle journée de printemps, dans une petite chapelle de notre domaine, Albert et moi nous nous étions mariés et nous étions devenus mari et femme.

Par la suite, notre peuple, Georg, et un petit groupe d’amis avaient exprimé leurs meilleurs vœux.

« Félicitations, mon seigneur ! »

« Lady Elisha, vous êtes si jolie ! »

« Que vous soyez tous les deux heureux ! Que les bénédictions de la Mère Dragon soient sur vous ! »

C’était une chapelle comme on en trouve n’importe où, la robe était faite main par la mère d’Albert, et les invités venaient en portant ce qu’ils portaient tous les jours. Ce n’était pas différent d’un mariage entre gens du peuple.

Alors pourquoi mon cœur battait-il si fort ?

J’avais des souvenirs de cérémonies de mariage plus glamour, mais je pouvais dire que le moi que j’étais en ce moment était le « moi » le plus heureux que j’avais jamais vécu.

J’avais dit à mon nouveau mari, qui souriait timidement, « Albert. »

« Oui, Elisha ? »

« Le moi qui peut être ici, en t’aimant comme ça, est plus heureuse que n’importe quel autre “moi”, » déclarai-je.

Albert me fixa d’un regard vide.

C’était peut-être une drôle de façon de le dire. Cependant, c’était mes sentiments honnêtes, sans une once de contrevérité.

Albert tourna la tête vers moi, rit et dit. « Ça devrait être ma réplique. J’ai eu une princesse adorable et merveilleuse qui est venue épouser un homme sans perspectives comme moi. Peu importe à qui tu le demandes, ils diront que je suis le plus heureux de tous. »

« Oh, je ne dirais pas ça, » avais-je ri. « Je suis bien plus heureuse. »

« Non, non, je suis plus heureux. »

On s’était disputés comme ça, puis tous les deux avaient éclaté de rire à l’unisson.

« Nous sommes tous les deux si heureux, chéri, » dis-je en souriant.

« Oui. Nous sommes en effet, ma femme bien-aimée. »

Nous nous étions regardés et avions souri ensemble.

Après cela, un peu plus de temps s’était écoulé.

☆☆☆

Partie 5

Peu à peu, les nouvelles d’incidents dans la capitale avaient cessé de filtrer. La crise successorale s’était-elle enfin calmée ? … Ce n’est pas que ça m’importait beaucoup. Peu importe qui avait pris le trône, peu importe la faction gagnée, cela n’avait rien à voir avec nous.

En plus… J’avais quelque chose de plus important que ces bêtises.

Alors que je me détendais dans le salon avec Albert, j’avais trouvé la volonté de lui dire. « Chéri. »

« Qu’y a-t-il, Elisha ? » demanda Albert.

« On dirait qu’on a conçu un bébé, » déclarai-je. 

« … Hein ? » Le livre qu’il lisait tomba des mains d’Albert. Sa bouche était ouverte, avec un regard amusant sur son visage.

Pendant que je gloussais, Albert était revenu à la raison.

« Un bébé… Notre bébé !? » s’écria Albert.

« Oh, mon Dieu. Doutes-tu de ma fidélité, chéri ? »

« Pas du tout ! Je vois… Je vois ! »

Albert se leva vigoureusement et il me serra dans ses bras, puis, comme si cela ne suffisait pas, il me souleva dans les airs et se retourna. Honnêtement, il était trop excité.

« Je te remercie ! Merci, Elisha ! »

« Hee hee, tu prends un peu d’avance, » avais-je gloussé. « Ne me remercie pas tant qu’il n’est pas né sain et sauf. »

Dès qu’Albert s’était calmé, nous nous étions assis sur le canapé.

« Si c’est un garçon, j’espère qu’il sera énergique et courageux, comme sa mère, » dit-il.

« Hee hee. Si c’est une fille, j’espère qu’elle sera douce et calme, comme mon mari, » déclarai-je.

Nous avions parlé de l’avenir de notre enfant à naître.

Je pense que c’était le sommet de notre bonheur.

Puis c’était arrivé.

L’un des trois ducs, la duchesse Excel, était venue nous rendre visite.

« Dame Elisha, je suis venue vous demander d’hériter du trône du royaume d’Elfrieden, » dit la belle beauté aux cheveux bleus de la race des serpents de mer, puis s’agenouilla devant moi.

Pendant un instant, mon esprit était si vide que je ne pouvais pas dire ce qu’elle avait dit.

Pendant qu’Albert regardait avec inquiétude, j’arrivais à peine à parler.

« Le trône… vous dites ? » demandai-je.

Pourquoi maintenant, après tout ce temps… ? Pourquoi ce mot revenait-il sur le tapis ?

« Quoi qu’il en soit, s’il vous plaît, répondez. » Agissant en mon nom, Albert invita Excel à venir dans le salon.

Nous nous étions assis sur le canapé, et quand nous nous étions calmés tous les trois (principalement moi), Excel nous avait expliqué les événements qui avaient mené à ce point, et l’état actuel du pays.

D’après ce qu’elle nous avait dit, le conflit de succession s’était terminé par l’élimination de presque toute la famille royale. Bien que le chaos ait été limité à la capitale, les manœuvres visant à recruter des membres dans les factions et à les éloigner des autres, les trahisons, les intrigues et les tromperies s’étaient multipliées et beaucoup de sang avait été versé.

Cela avait engendré d’autres ressentiments, qui s’étaient traduits par d’interminables violences à répétition. Les prétendants étaient tous devenus méfiants et, dans de nombreux cas, les deux camps s’étaient entretués, ou avaient même tué des membres de leur propre camp.

Il était peut-être inévitable que cela mène à la quasi-élimination de la lignée royale.

Si ce n’était qu’une « quasi-élimination », c’était parce que j’avais survécu.

C’était la raison pour laquelle Excel était ici.

« Mais je me suis déjà mariée hors de la famille, et j’ai rejeté le nom Elfrieden, » avais-je essayé de protester.

Excel secoua la tête en silence. « La seule qui reste dans la lignée royale directe, c’est vous, Lady Elisha. Si quelqu’un à l’extérieur de la Maison d’Elfrieden se nommait roi, le chaos s’étendrait davantage. Les pays voisins comme l’Amidonia et Turgis font déjà des pas troublants. Pour réprimer le chaos, j’ai besoin que vous montiez sur le trône. »

« Mais… je… »

J’étais à court de mots, et Albert avait mis son bras autour de mon épaule.

« D’après ce que Georg m’a dit, les trois ducs ne s’impliqueront pas dans la question de savoir qui succède au trône, n’est-ce pas ? » demanda Albert.

« … Oui. C’était le cas, du moins avant. C’est parce que nous faisions tout ce que nous pouvions pour garder nos propres forces en ligne, afin de ne pas étendre le chaos. Cependant, à ce stade, Lady Elisha est la seule reine qui reste. Il ne peut y avoir de division maintenant. Alors les trois ducs et nos forces mettront nos vies en jeu pour protéger et servir Lady Elisha, » déclara Excel.

Quand elle avait dit cela, Excel s’était agenouillée sur le sol et avait appuyé sa tête contre le sol.

« Je sais que vous avez évité le conflit et que vous viviez heureuse ici. Je sais aussi que notre demande détruira cela. Cependant, si le pays tombe dans le chaos, les incendies ne tarderont pas à se propager dans cette région, » déclara Excel.

Je pouvais comprendre ce qu’Excel disait. Je l’avais compris, mais…

« Si je retourne au château, qu’arrivera-t-il à Albert et à cet enfant ? » J’avais mis ma main sur mon ventre qui n’était pas encore apparu.

Les yeux d’Excel s’étaient élargis. Elle n’avait pas l’air de savoir.

Elle inclina la tête encore une fois profondément.

« Je vous prie de m’excuser de vous déranger à un moment aussi important ! Bien sûr, l’enfant et son père emménageront tous les deux au château. Je jure que nous vous protégerons tous. En particulier, Georg, qui a assumé le manteau du duc de Carmine l’autre jour, est prêt à perdre sa propre vie pour vous. »

« Georg a pris la direction de la maison, n’est-ce pas… ? » Albert se le murmura à lui-même.

J’avais fermé les yeux en méditation pendant un certain temps.

… Aucun souvenir ne vient, hein ?

J’avais pensé qu’un futur « moi » pourrait renvoyer le résultat d’une décision que j’avais prise ici, mais il n’y avait aucun signe de cela. Est-ce que cela signifiait que cette décision ne serait pas fatale, ou si aucun autre « moi » n’était parvenu à ce point… ? Je ne pouvais pas en être sûre. Ce que je savais, c’est que je devais faire un choix.

Le choix que je devrais faire est…

J’avais réfléchi… puis j’avais regardé Albert.

« Chéri. Tu resteras avec moi, quel que soit mon choix ? » demandai-je.

Albert m’avait fait un grand signe de tête. « Bien sûr ! Nous sommes mari et femme, après tout. »

En entendant sa réponse, j’avais pris ma décision.

Le choix que j’avais fait, après avoir vu ce qu’étaient devenus tous les autres « moi » jusque-là, était…

« Très bien. Retournons au château, » déclarai-je.

« Ohh… ! » Excel pleurait de soulagement. « Vous avez ma gratitude, Votre Majesté. »

« Cependant…, » j’avais levé la main pour l’arrêter avant qu’elle ne puisse s’incliner à nouveau. « Une fois que j’aurai accédé au trône, je confierai tous mes droits de roi à mon mari, Albert. »

« Quoi !? Cela signifie… »

« Oui. Avec mon assentiment, Albert gouvernera le pays en tant que roi, » déclarai-je.

« M-Moi, gouverner le pays !? C’est impossible ! » Les yeux écarquillés par le choc, Albert secoua vigoureusement la tête.

… Désolée de t’avoir impliqué, Albert. Mais c’est une nécessité absolue.

« Avec tout le respect que je vous dois, je dois admettre que ce n’est pas possible, » déclara Excel. « D’abord, s’il n’est pas de la lignée royale Elfrieden, je doute que le peuple l’accepte. »

Cependant, ma détermination n’avait pas faibli.

« J’ai hérité du sang de la maison royale, tout comme cet enfant. Albert, qui est mon mari et le père de cet enfant, devrait pouvoir servir comme roi temporaire jusqu’à la prochaine génération, » déclarai-je.

« Non, mais… encore une fois, avec tout le respect que je vous dois, je ne peux imaginer qu’Albert ait les qualités requises pour être roi…, » déclara Excel.

Excel semblait peiné de me le dire, mais j’avais secoué la tête en silence.

« Duchesse Walter, la maison royale d’Elfrieden a versé trop de sang. C’est le résultat d’une vilaine violence fratricide. C’est ce que savent nos vassaux, et même les habitants de ce pays. La Maison Royale d’Elfrieden a perdu leur foi. Ai-je tort ? »

« Je… crois que c’est ce que vous dites. » Montrant une certaine hésitation, Excel avait finalement reconnu ce que je disais et avait hoché la tête.

« Même si je montais sur le trône maintenant, je ne pourrais pas réunir le pays, » lui dis-je. « Plus que tout, c’est à cause du sang royal que cela m’offre cette prétention au trône. Même si je montais sur le trône, le peuple se sentirait mal à l’aise, et ceux qui ont soutenu d’autres candidats dans la crise de la succession se sentiraient mal à l’aise. Je ne peux pas unir le pays en temps de crise. Parce que la maison royale a perdu son pouvoir, s’il y avait davantage de division entre nos vassaux, le pays serait vraiment fini. »

Excel m’écoutait silencieusement.

J’étais probablement convaincante. C’était parce que je l’avais vu à travers les yeux d’un futur « moi ».

Même si une faction avait survécu au conflit, le ressentiment qu’il donnerait naissance aurait des répercussions durables. Incapable de s’unir face à des crises comme les catastrophes naturelles, les attaques de monstres et les invasions étrangères, le château brûlerait.

Ce serait pareil, même avec moi en tant que reine.

« Je comprends ce que vous dites, mais… pourquoi faire roi Sire Albert ? » demanda Excel.

J’avais répondu directement à ses doutes évidents. « Parce qu’Albert sera un roi que personne ne déteste. »

« Un roi que personne ne déteste ? » répéta-t-elle.

« Oui. Si c’était un roi sage, cela plairait à nos fidèles vassaux, mais les corrompus le trouveraient restrictif et finiraient par le faire tomber. S’il était un roi puissant, il pourrait éliminer ces vassaux corrompus, mais je soupçonne que la maison royale manque actuellement de pouvoir. Si nous agissons avec négligence, cela mènera à de la résistance et à la guerre civile. Dans le cas contraire, si c’était un roi qui plaisait aux vassaux corrompus et repoussait les vassaux loyaux, le pays se ruinerait. »

Elle était silencieuse.

« Ce dont ce pays a besoin en ce moment, c’est d’un roi qui ne sera pas haï par des vassaux loyaux ou corrompus. Seul un chef que les fidèles serviteurs voudront aider, mais que les vassaux corrompus verront comme étant facile à manipuler, peut maintenir le pays en vie, » déclarai-je.

« … Et vous dites que c’est ainsi qu’est Sire Albert ? » dit-elle lentement.

« Oui. La raison pour laquelle je n’ai pas été prise dans le conflit doit être liée à sa personnalité. Il est incompétent et inoffensif. C’est pourquoi personne n’a prêté attention à nous, » déclarai-je.

Excel soupira et déclara. « Ce que vous décrivez est pratiquement une marionnette, n’est-ce pas ? »

« Oui. » J’avais hoché la tête. « Dans la situation actuelle, je ne crois pas que le pays puisse être maintenu par quelqu’un d’autre qu’un roi fantoche. Voilà à quel point les blessures de notre pays sont profondes. Nous avons besoin de temps pour qu’ils guérissent. »

J’avais regardé Excel droit dans les yeux.

« Même si nous ne pouvons pas éliminer les vassaux corrompus, si nous régnons en écoutant les fidèles, la situation ne devrait pas dégénérer trop facilement. Nous aurons le soutien loyal des trois ducs, n’est-ce pas ? »

« Oui, bien sûr, » déclara Excel.

« Alors, comme je l’ai dit, Albert est le roi le plus approprié pour ce pays en ce moment. Maintenons le statu quo, gagnons du temps pour que nos blessures guérissent et laissons à la prochaine génération le soin d’améliorer la situation. »

J’avais mis ma main sur mon ventre.

Excel avait affaissé ses épaules avec résignation. « Reporter sérieusement la reconstruction du pays à la prochaine génération ? »

J’avais un peu gloussé. « Pour un membre d’une race qui vit longtemps comme vous, ce n’est pas si long, n’est-ce pas ? »

« Je comprends, » dit-elle avec regret. « Très bien. Nous, les trois ducs, nous soutiendrons Lady Elisha et Sire Albert. J’aurais préféré laisser le trône à vous, qui pouvez penser aussi loin. »

« Il n’y a pas d’avenir là où cela arrive, » déclarai-je fermement à Excel, puis je m’étais tournée vers Albert. « Chéri, je suis désolée de te causer tous ces ennuis, mais, s’il te plaît, pour le bien de notre enfant, pourrais-je te demander de devenir le roi de ce pays ? »

Albert avait l’air d’être tombé dans un état de choc à un moment donné de la conversation, mais quand je lui avais pris la main et que je lui avais fait toucher mon ventre qui contenait notre enfant, il avait repris ses esprits.

☆☆☆

Partie 6

« H-Hmm… Je pense que le fardeau est trop lourd pour moi, mais si c’est pour toi et notre enfant, je devrai le faire. Mais je sens déjà une douleur dans mon estomac, » déclara Albert.

Le ton d’Albert le rendait moins fiable, mais il hocha la tête. 

La façon dont il ne pouvait pas dire non quand les autres comptaient sur lui était une faiblesse, mais c’était aussi une force qui empêchait les gens d’être cruels envers lui.

Ainsi, nous étions retournés au château, et Albert était devenu roi avec mon assentiment. 

Bien qu’il y ait eu une certaine résistance à l’idée, les trois ducs qui étaient responsables des trois forces nous avaient donné leur plein appui, et parce qu’Albert n’était pas moralisateur et n’écoutait les opinions de personne, il n’y avait pas d’étincelles majeures.

Le temps avait passé, et le pays ne s’était pas amélioré, mais il n’avait pas non plus beaucoup empiré. On pourrait dire qu’Albert faisait un excellent travail pour maintenir le statu quo.

Quant à moi, j’avais donné naissance à une fille peu de temps après mon retour dans la capitale. Albert avait donné à cette fille, qui pleurait avec beaucoup d’énergie, le nom de Liscia, reprenant le son général de son nom du mien.

Liscia avait grandi en douceur, sans aucune maladie grave, et avant que je m’en rende compte, elle était devenue la même sorte de princesse garçon manqué que j’étais autrefois.

« Si c’est une fille, j’espère qu’elle sera douce et calme, comme mon mari. »

Il me semblait que mon souhait de ce jour-là ne s’était pas réalisé.

Elle s’était attachée à Georg, qui venait lui rendre visite de temps en temps, et s’était intéressée à l’épée.

Quand elle était sortie jouer, elle avait reçu un nombre infini de coupures et d’ecchymoses, ce qui m’avait fait m’inquiéter pour elle en tant que mère, mais, eh bien, si elle grandissait en bonne santé, c’était suffisant pour moi.

Cependant, alors que nous passions nos jours paisibles, des événements inattendus comme l’apparition du Domaine du Seigneur-Démon, l’invasion d’un grand nombre de monstres et l’afflux de réfugiés des pays dévastés du Nord avaient provoqué le lent déclin du pays.

Jusqu’au jour où il avait été convoqué.

Au milieu du château en feu, je m’étais souvenue de tout ça.

La menace à ma vie m’avait-elle rappelé des souvenirs ?

Le héros invoqué d’un autre monde, Sire Souma Kazuya… Albert avait mal géré le traitement qu’il lui infligea.

Il en avait fait le Premier ministre pour que sa politique révolutionnaire puisse remettre le pays sur pied, mais il avait été incapable de le protéger contre la résistance des nobles et avait été forcé de le relever de son poste et de le chasser.

Le résultat fut que notre fidèle vassal qui le soutenait, Georg Carmine, était mort dans l’incendie de Randel, avec Sire Souma et notre fille, Liscia.

Maintenant, nous aussi, nous devions faire face à nos fins aux mains de plusieurs nobles effectuant une insurrection.

Les nobles avaient détesté Sire Souma, mais le peuple l’avait soutenu, et l’avoir chassé avait repoussé les gens loin de nous, nous laissant isolés sans soutien.

Si nous lui avions fait davantage confiance et que nous lui avions donné plus d’autorité, les choses auraient pu se passer différemment.

Cependant, y penser maintenant n’allait pas aider.

J’avais décidé que le moins que je pouvais faire était de confesser ma magie à Albert et de lui renvoyer « nos » souvenirs, à l’époque où nous avions rencontré Souma. Pour que « notre » passé ne soit jamais arrivé à ce futur.

C’était la première fois que j’envoyais les souvenirs d’une autre personne (c’était la première fois que j’envoyais mes propres souvenirs aussi), mais j’avais l’impression que cela avait marché. Je pouvais être sûre que le « moi » qui les recevait atteindrait un avenir différent. Peut-être même un monde dans lequel Liscia, Sire Souma et les autres n’auraient pas à mourir.

Quand j’y avais pensé, cela m’avait un peu allégé le cœur.

« Je suis désolé, Elisha, » Albert s’était excusé. « C’est à cause de ma folie. »

J’avais secoué la tête. « Non. J’ai eu plus qu’assez de bonheur. Te rencontrer, donner naissance à Liscia. Plus que tout autre “moi” passé, je peux dire avec fierté que j’étais heureuse, » déclarai-je.

Le fait que je faisais face à une crise dans ma vie et que je venais d’envoyer mes souvenirs dans le passé était la preuve que j’étais la première à avoir atteint ce point.

Cela signifiait que j’avais été la première à choisir Albert comme partenaire.

J’avais été la première à l’aimer, et la première à être aimé par lui.

J’avais aussi été la première à donner naissance à Liscia, et la première à connaître le bonheur de la vie familiale.

Même si le « moi » à qui j’avais envoyé mes souvenirs aurait un avenir plus merveilleux que le mien, rien de tout cela ne changerait. Ma vie était pleinement satisfaisante.

« Je suis contente de t’avoir rencontré ce jour-là, » lui avais-je dit.

« Elisha… »

Au milieu des flammes, nous nous étions embrassés.

◇◇◇

« Madame… Lady Elisha ! »

« Hein !? »

En entendant une voix, j’avais repris mes esprits et j’avais trouvé Carla qui me regardait d’un air vide.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda-t-elle. « Vous avez l’air dans la lune. »

« Non, je pensais à un autre “maintenant”, » répondis-je.

En regardant les visages de Cian et Kazuha, je m’étais remémoré des souvenirs que j’avais reçus ce jour-là.

Sur la base de nos souvenirs de ce jour-là, Albert avait été capable de donner le trône à notre gendre sans prendre la mauvaise décision. Le pays avait été reconstruit après le transfert du pouvoir, à tel point qu’il était en fait plus grand qu’avant, et nous pouvions maintenant regarder le visage de nos petits-enfants.

Si j’y pensais de cette façon, je devais remercier le « moi » qui m’avait envoyée ces souvenirs.

Je devais être la plus heureuse de tous les « moi » jusqu’ici.

« Maintenant que j’y pense, quand j’ai dit que j’irais ici pour aider et voir ces enfants d’abord, il a un peu fait la moue, » j’avais gloussé. « Il a dit que je n’étais pas juste. »

« Bien sûr qu’il le ferait. Sire Albert a été laissé tout seul dans son domaine, » déclara Carla.

« Quel grand-père ennuyeux vous avez, Cian, Kazuha. »

Pendant que je prononçais les noms des enfants, ils s’étaient tous les deux tournés et m’avaient regardée d’un air vide.

« Oh, mon Dieu, vous êtes tous les deux si mignons. J’aimerais pouvoir vous ramener au manoir comme ça, » déclarai-je.

« Si l’héritier du trône disparaît soudainement, il y aura un énorme tumulte, alors ne le faites pas, » avait dit Carla.

« Alors, je suppose que je vais devoir venir régulièrement. Environ deux fois par semaine, » déclarai-je.

« Si vous quittez la maison souvent, le Seigneur Albert ne boudera-t-il pas à nouveau ? » demanda Carla.

« Il peut venir avec moi, » dis-je. « Passer la nuit ici, ce serait bien aussi. »

« Si vous venez passer la nuit deux fois par semaine, vous serez au château plus de la moitié de la semaine, n’est-ce pas ? Je croyais que vous aviez quitté le château pour éviter de semer les graines de la querelle !? » déclara Carla.

C’était mignon la façon dont Carla sentait l’obligation de répondre à tout, alors j’avais ri.

Ohh… Je suis vraiment heureuse…

◇◇◇

Au milieu des flammes, alors que nous nous préparions à la fin, j’avais entendu deux voix résonner.

« Père ! Mère ! »

« Allez-vous bien tous les deux ? »

Quand j’avais levé les yeux, un jeune homme et une jeune femme s’étaient précipités à nos côtés.

Pourquoi ? Comment puis-je voir ces deux-là ? pensais-je, avec mon esprit étourdi. Ils étaient censés être morts.

Voyait-on des fantômes ? Ou, à l’approche de notre mort, étaient-ils venus nous emmener de l’autre côté ?

« Liscia ! Et Sire Souma ! » Albert avait l’air choqué et les appelait par leur nom.

Quand j’avais entendu ces mots, cela m’avait réveillée. Il n’y avait pas que moi, Albert pouvait aussi les voir.

Cela signifiait que ce que je voyais sous mes yeux était la réalité indéniable.

Liscia s’était précipitée de mon côté confus. « Dieu merci. Vous allez bien tous les deux. »

« Liscia, tu es vivante !? » m’étais-je exclamée. « J’étais sûre que tu étais morte… »

« Le duc Carmine nous a sortis de là, » dit Liscia avec une certaine douleur dans sa voix en me saisissant par la manche.

Il s’était avéré que pendant que Randel brûlait, Georg avait gagné du temps pour qu’ils puissent s’échapper tous les deux.

« Je veux que tu te souviennes de ça, » avait-il dit une fois. « Je m’engage à faire de mon mieux pour t’aider quand j’hériterai de la Maison de Carmine. Même au prix de ma vie. »

Sire Georg, vous avez tenu la promesse que vous avez faite ce jour-là, avais-je pensé avec gratitude. Vous avez risqué votre vie pour Sire Albert, et vous avez sauvé Liscia et Sire Souma.

J’avais fermé les yeux en pensée pendant un moment, puis j’avais demandé quelque chose qui me tracassait. « Mais comment êtes-vous arrivés ici ? Le château est encerclé et en feu. »

« Ahh… Ça nécessiterait quelques explications, alors gardons ça pour plus tard, » m’avait dit Sire Souma. « D’abord, on ferait mieux de partir d’ici. »

J’avais entendu le bruit de pas qui s’approchaient rapidement.

Une jolie petite fille mignonne, aux cheveux longs et noirs, aux bois plus grands que ceux d’Excel, et une queue de lézard noir sortant de ses fesses se précipita dans la pièce.

« C’est mauvais, Souma ! Le feu se propage rapidement. Il faut sortir d’ici, vite ! »

« Compris, Naden, » dit Sire Souma. « OK, vous deux, venez par ici. »

Sire Souma nous conduisit sur le balcon. Nous avions pu respirer un peu d’air frais, mais la fumée montante rendait difficile de voir la situation autour de nous. Cet endroit était aussi très haut dans le château, donc même si nous sortions, il n’y avait pas d’échappatoire d’ici.

Cependant, Sire Souma avait dit. « C’est bon, » en riant. « Très bien, on compte sur toi, Naden. »

« Bien reçu… Mais je préfère ne laisser personne d’autre que mon partenaire me monter, » déclara Naden.

Une fois qu’elle avait dit cela, la fille appelée Naden avait sauté par-dessus le bord du balcon.

C’est dangereux ! avais-je pensé, et j’avais essayé de la retenir, mais Liscia m’avait attrapée par le poignet et m’avait arrêtée.

« Pour résumer rapidement, » dit-elle. « Lorsque nous avons échappé à Randel, nous nous sommes déguisés en aventuriers et sommes partis pour l’Empire. Souma pensait que si nous allions dans l’Empire, qui voulait le héros invoqué, ils nous protégeraient, dans de bonnes conditions. »

« Puis, en chemin, nous avons rencontré un messager de la Chaîne de Montagnes de l’Étoile du Dragon. »

La Chaîne de Montagnes de l’Étoile du Dragon ? m’étais-je dit, ahurie. Le domaine indépendant des dragons, gouverné par la Mère Dragon ?

« Le messager m’a dit que la Mère Dragon, Lady Tiamat, voulait me rencontrer. Puis nous avons été invités à la Chaîne de Montagnes de l’Étoile du Dragon, et nous l’avons rencontrée là-bas. »

Pendant que je regardais, Naden grandissait, devenant une créature massive, longue et noire. Son visage ressemblait à celui d’un dragon, mais je n’avais aucune idée de la façon dont elle était.

Touchant le corps de la créature, Liscia avait ajouté, « C’est Naden Delal. Le dragon avec qui Souma a conclu un contrat. »

« Eh bien, il reste encore un peu de temps avant la Cérémonie du Contrat, donc ce n’est qu’un contrat provisoire pour l’instant, » ajouta Sire Souma, se grattant la joue.

Un dragon… ? Vraiment ?

« Bon sang ! Vous parlerez de tout ça plus tard, n’est-ce pas !? » J’avais entendu la voix de Naden résonner dans ma tête.

Cette créature… le dragon noir… parlait, alors est-ce que ça veut dire que ce dragon était vraiment Naden ?

« On dirait que la vue de mon corps fait que les soldats en bas font des histoires, » avait-elle ajouté.

« alors, on ferait mieux de se dépêcher, hein ? » dit Sire Souma. « OK, tout le monde, montez sur le dos de Naden ! Il n’y a rien pour nous attacher, donc tout le monde devra s’accrocher les uns aux autres, et ne pas lâcher prise ! »

En suivant les instructions de Sire Souma, nous étions montés sur le dos de Naden. Liscia s’accrochait à Sire Souma, Albert s’accrochait à Liscia, et je m’accrochais à Albert.

« OK, vas-y, Naden ! » ordonna Sire Souma.

« Bien reçu ! »

Puis, à l’instant d’après, Naden s’éleva dans le ciel.

Le château en flammes avait rétréci sous nos pieds. La capitale s’éloignait au loin.

« Sire Souma, où comptez-vous aller maintenant ? » demanda Albert.

« Nous nous dirigerons vers la Cité Lagune, et rejoindrons la Duchesse Walter, » répondit Sire Souma. « La Duchesse Walter annoncera la survie de Liscia et rassemblera l’armée actuellement dispersée. Ces officiers respectaient profondément feu le duc Carmine, et ils tiennent Liscia, qu’il aimait comme une fille, en haute estime. C’est pour cela qu’ils ont rompu les rangs quand ils ont appris qu’ils avaient péri tous les deux, mais quand ils apprendront que Liscia est toujours en vie, je crois qu’ils se rassembleront une fois de plus. La duchesse Walter et le duc Vargas soutiennent la famille royale, de sorte que les trois forces se réuniront. »

« Il n’y a pas que moi, » ajoute Liscia. « Ces nobles corrompus te haïssaient, Souma, mais tu avais le soutien du peuple. S’ils savent que tu es en vie, ça encouragera le peuple. »

Tous les deux n’avaient pas abandonné. J’avais senti quelque chose monter dans ma poitrine.

La passion de ces deux jeunes, que je croyais encore enfants, m’avait fait pleurer.

Je pouvais croire que l’avenir continuerait.

J’avais serré mes bras autour de la taille d’Albert.

Hé, « moi » à qui j’ai envoyé mes souvenirs.

On dirait que, même après avoir envoyé mes souvenirs, la vie continue.

Comme je le pensais, je suis vraiment la plus heureuse.

☆☆☆

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2 commentaires :

  1. Merci pour le chapitre !
    Quel retournement de situation !! C’est cool qu’on ait une vision de la Elisha d’avant !

  2. J’en ai les larmes aux yeux. Probablement le plus beau chapitre. Juste … merci.

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