Bienvenue au Japon, Mademoiselle l’Elfe – Tome 3 – Chapitre 6 – Partie 7

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Chapitre 6 : Traîner à Aomori

Partie 7

J’avais mis mon pyjama et j’étais retourné dans le couloir pour trouver une elfe qui traînait proche de la véranda. Son corps élancé donnait une étrange impression de fugacité, mais elle faisait aussi ressortir un air maternel en caressant doucement la chatte noire. Quand je les avais vues, je m’étais retrouvé immobile pour une raison inconnue. C’était presque comme si elle allait s’évanouir dans les airs si je lui parlais. Sa peau pâle était encore plus accentuée sous le clair de lune, et ses cheveux qui pendaient droit au sol étaient blancs comme de la soie. Je n’y pensais pas beaucoup quand j’étais plus jeune, mais la véranda à la campagne était pleine de merveilles. Il y avait de la verdure tout autour de nous, et les bâtiments en bois semblaient ne faire qu’un avec la nature environnante. La vue de Mariabelle dans ce décor nostalgique m’avait fait considérer le charme fantasque du Japon dont j’ignorais l’existence. J’avais entendu son verre cliqueter et j’avais finalement retrouvé ma voix.

« … As-tu eu du jus de pomme ? »

« Oui, ton grand-père m’en a donné tout à l’heure. Héhé, je ne m’attendais pas à en profiter après mon bain. C’est aigre-doux et très délicieux. » Elle avait fait un geste pour que je la rejoigne. J’étais un peu soulagé de constater qu’elle m’avait accepté sans disparaître. Je m’étais assis à côté d’elle, comme elle l’avait suggéré, puis j’avais évoqué une idée.

« C’est une belle nuit. Veux-tu faire un tour avec moi ? » demandai-je.

« Cela semble merveilleux. Mais je pensais t’inviter une fois que tu serais venu. » Elle avait souri de façon charmante et j’avais senti mon cœur battre la chamade.

J’avais tendu la main, et elle avait pris la mienne, ses doigts se glissant entre les miens. Puis, nous avions commencé à marcher lentement le long du chemin dans la nuit. Il y avait un peu de vent cette nuit-là. Le bruit des feuilles qui bruissaient au-dessus de nos têtes était assez rafraîchissant. Le clair de lune ne nous avait pas tout à fait atteints dans les bois, et le chemin de terre durcie était un peu difficile à parcourir. Cependant, il semblait que ce n’était pas un problème pour l’elfe qui m’accompagnait. Elle avait tapé du doigt une pointe de lumière flottante qui ressemblait à une petite luciole. Après deux tapes, la faible illumination s’était étendue, ce qui avait permis de voir plus facilement où nous mettions les pieds. Je m’étais retourné pour la trouver souriante fièrement, et elle m’avait fait un sourire satisfait lorsque j’avais tendu la main vers elle.

« Je ne pense pas que les gens remarqueront si je garde la lumière aussi basse, » déclara Marie.

« Pouvoir contrôler les esprits de lumière est vraiment pratique, hein ? » déclarai-je.

La jeune fille était en quelque sorte devenue capable de contrôler les esprits, même au Japon, et elle avait appris le japonais, une langue dont on disait qu’elle était l’une des plus difficiles à apprendre au monde. Son comportement habituel lui donnait un air presque juvénile, alors je trouvais toujours cet écart surprenant. Marie avait ainsi révélé une autre facette de sa personnalité alors qu’elle était entourée d’arbres. Elle avait un air mythique, ou plutôt, une vivacité tranquille, comme un cerf que l’on rencontrerait au milieu de la nuit.

« Ah, la nuit est si calme et si belle. Je voulais te remercier de m’avoir emmenée, » déclara Marie.

« J’avais peur que tu t’ennuies dans la campagne. Une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’est que Wridra se joigne à nous. » La chatte noire m’avait griffé le tibia, comme pour protester. Ses yeux brillaient plus fort que ceux de l’elfe la nuit, et elle miaulait en s’accrochant à mon pantalon.

« Il n’y a aucune chance que je m’ennuie. Je n’arrive pas à croire tout ce que j’ai déjà vécu après une seule journée en étant ici, » déclara Marie.

« Nous avons profité longtemps de ce hot pot. J’espère que vous l’avez aimé toutes les deux, » déclarai-je.

« Oui, c’était incroyable. Je n’ai jamais mangé quelque chose avec une telle profondeur de goût. Je suis sûre que je m’en souviendrai chaque fois que j’entendrai le mot “Aomori” à partir de maintenant. » J’avais entendu la chatte miauler dans l’obscurité afin de faire une affirmation. J’étais heureux de savoir qu’elles avaient profité au maximum du plat.

« Alors, peut-être qu’on pourrait le faire dans le donjon. Ça nous réchaufferait, et ça ne prend pas beaucoup de temps pour se préparer. » J’avais dit cela sans réfléchir et j’avais senti une traction sur mon bras. Il semblait que j’avais été tiré en réponse par Marie quand elle s’était arrêtée de marcher. J’avais réalisé que l’elfe et la chatte me regardaient toutes les deux avec des étincelles dans les yeux.

« Oh, oh, ça a l’air génial ! Nous devrions le faire. Nous pouvons faire entrer le goût d’Aomori dans le donjon. » La chatte miaulait avec insistance pour tenter de me convaincre de le faire. Marie avait de son côté un air mystique et féerique jusqu’à il y a une seconde, et voir son expression désespérée me laissa abasourdi. Tout ce que j’avais pu faire, c’est d’acquiescer.

« Alors, ramenons le hot pot japonais là-bas, » déclarai-je.

« Superrrr ! Héhé, j’ai davantage de raisons de me réjouir dans le donjon maintenant, » Marie se tourna vers le chat avec excitation, et Wridra bondit dans ses bras comme si elle avait attendu. Elles s’étaient tenues ainsi sur la route dans la nuit, ce qui était… un spectacle un peu étrange.

« Mon grand-père est aussi mon professeur de cuisine. Je reproduirai sa saveur quand je le ferai, » déclarai-je.

« Ce n’est pas étonnant. J’ai senti qu’il y avait quelque chose en lui qui me faisait penser à toi. Surtout qu’il est si distant, mais semble en savoir tellement. » Je ne savais pas que j’étais comme mon grand-père. J’avais l’impression qu’elle me disait que je semblais plus âgé que mon âge réel, alors je n’étais pas sûr de ce que je ressentais.

Le bruissement des feuilles avait cessé, et il n’y avait plus d’arbres qui nous couvraient. Une fois que nous avions traversé les bois, nous avions trouvé un sentier qui s’étendait devant nous. Nous avions levé les yeux, puis nous avions élevé la voix en raison de la surprise. Une couverture d’étoiles qui n’auraient jamais pu être vues dans la ville scintillait dans le ciel, nous remplissant d’un sentiment de libération qui ne ressemblait pas à ce que nous avions ressenti pendant la journée. Nous avions laissé échapper un soupir fasciné. C’était comme si nous étions les seuls dans la nuit. Il y avait un sentiment de solitude, mais en même temps, j’avais pris conscience de la personne dont je tenais la main. C’est peut-être pour cela que… lorsqu’elle parla, c’était comme si sa voix venait de beaucoup plus près que d’habitude.

« À plus tard, esprits de lumière. » Les faibles lumières avaient disparu, rendant les étoiles encore plus brillantes. Il n’y avait pas une seule lumière de ville autour de nous après avoir marché vers le flanc de la montagne pendant un certain temps, et elle avait dit. « Je me demande si la nuit a toujours ressemblé à cela. »

« Ah, tu veux dire dans le monde des rêves. Qui sait ? Peut-être que cela ressemblait à cela il y a longtemps, » répondis-je.

Je m’étais souvenu du jour où j’étais entré pour la première fois dans un ancien donjon. Une œuvre d’art représentant un conte de la mythologie ancienne utilisait la même couleur noire marine que le ciel nocturne au-dessus de nous. Nous ne savions rien de cette époque, mais une chose que je savais, c’est qu’il devait être très difficile de vivre ces moments sans personne à vos côtés, comme je le faisais maintenant. Je savais que si je lâchais sa main, je ressentirais la même chose qu’eux. La seule d’entre nous à connaître cette époque était la Magi-Drake, et elle était restée silencieuse. Je ne pouvais même pas la distinguer dans l’obscurité, à cause de la couleur de sa fourrure. J’avais de nouveau entendu le bruit des arbres qui bruissèrent, le son qui revenait enfin dans le monde.

 

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Le panneau de fusuma s’était ouvert avec un glissement. Nous n’avions pas été surpris par la literie disposée sur le sol, côte à côte, et nous avions rampé dedans comme si de rien n’était. La literie sentait la lumière du soleil et était plus dure que celle sur laquelle nous dormions habituellement, mais j’étais sûr qu’elle serait confortable pour la nuit. J’avais tiré l’autre oreiller plus près de moi, et l’elfe s’était glissée dans mes bras. La chatte noire avait tourné en rond, comme si elle délibérait pour savoir où se coucher, puis elle avait repéré l’espace entre Marie et moi et s’y était installée.

« Tout ce chemin était assez fatigant. Allons nous reposer, » déclara Marie.

« Oui, allons-y. La nuit était si calme dehors, je n’entendais que vos voix, » répondis-je.

Nous avions entendu un miaulement sous la couverture, et nous avions tous les deux ri. Elle avait naturellement posé sa jambe sur la mienne, s’était blottie contre mon cou, puis avait poussé un soupir satisfait. La faible odeur aigre-douce provenait probablement du bain aux pommes qu’elle avait pris plus tôt. Mes paupières étaient devenues lourdes alors que je captais l’odeur. Notre respiration était devenue régulière, la conscience commençant à s’évanouir. Nous avions mis le pied dans nos rêves comme si nous étions en train de couler dans l’eau.

Quelque temps plus tard, des bruits de pas avaient retenti dans le couloir. Les vieilles planches grinçaient à chaque pas, et le propriétaire de la maison plaça sa main sur la porte coulissante.

« Êtes-vous toujours éveillés ? »

Le vieil homme avait l’intention de demander à quelle heure les visiteurs prévoyaient de se réveiller, mais ses rides s’étaient creusées lorsqu’il avait fait glisser la porte. Dans la salle de silence, il y avait une couverture couvrant un assez grand renflement. Puis, le monticule s’était lentement aplati devant ses yeux. Il ne restait plus que la chaleur de la literie, mais le vieil homme ne fit que sourire doucement.

« Hehe... Allez vous amuser, » murmura-t-il.

Il avait fait glisser le fusuma pour le refermer, et des bruits de pas avaient de nouveau retenti dans le vieux couloir. Une fois qu’il était parti, le silence était total, comme si le monde était couvert de neige.

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2 commentaires :

  1. merci pour le chapitre

  2. amateur_d_aeroplanes

    Tiens donc, le papė est au courant de quelque chose 🙂

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