Épisode 6 : Illusion
Partie 3
J’avais soupiré en regardant au-dessus de moi. Il y avait deux grands bâtiments à l’intérieur des locaux, et celui qui se trouvait juste devant moi était relativement nouveau et sophistiqué. C’était encore avant l’heure du déjeuner, mais il y avait un flux constant de ce qui semblait être des étudiants. Ils avaient l’air d’étudiants universitaires lorsqu’ils se promenaient en robes assorties. Le bâtiment à l’arrière était une construction plus imposante et avait un aspect approprié pour des sorciers. Avec le corbeau perché sur son toit, cela donnait une sensation un peu flippante qui m’empêchait de vouloir m’approcher trop près.
« Alors, dans quelle bâtisse vas-tu, Marie ? » demandai-je.
« Celle à l’arrière, bien sûr. Il existe de multiples installations royales de sorcellerie, construites dans le but d’utiliser le savoir. C’est un lieu d’étude parfait pour ceux qui ont la chance d’avoir une bonne lignée, et il ne diffère pas beaucoup du grand public jusqu’à ce que tu accèdes à la classe novice. C’est pourquoi ils n’ont pas de personnel, » répondit Marie.
Marie avait fait un geste avec son bâton de sorcière. Je pensais qu’elle m’avait expliqué que c’était fait à partir d’une crinière de licorne.
En y repensant, il n’était pas surprenant que ce soit une installation royale. Leur mission était de dévoiler les mystères du savoir ancien, c’est pourquoi il était dirigé par le royaume. Cela avait probablement été transformé en un centre de connaissances pour les nobles et autres pour des raisons financières. En même temps, cela avait permis de faire connaître les anciens donjons à de jeunes gens prometteurs, qui se distingueront peut-être plus tard en temps de guerre.
La route sur laquelle nous avions marché était bien entretenue, et j’avais l’impression qu’il y avait de l’argent qui jaillissait de tous les coins de rue.
L’elfe, dont la taille n’était pas très différente de la mienne, leva fièrement la tête et tourna ses yeux vers moi.
« Eh bien, j’ai séché un cours, mais je n’assiste pas aux cours pour le grand public à moins que je ne sois instructeur, » annonça Marie.
« Quoi !? Es-tu quelqu’un qui a de l’autorité, Marie ? » demandai-je.
« Je te l’ai déjà dit. Seules quelques rares personnes peuvent devenir des sorciers spirituels. Tu as tendance à m’écouter, mais je suppose que ces choses-là ne t’intéressent pas vraiment, » répondit Marie.
Elle s’était fait une fausse idée. Nous nous promenions toujours ensemble, alors je pensais que les sorciers avaient beaucoup de temps libre… mais je ne devrais probablement pas dire ça.
J’avais l’air d’avoir négligemment laissé mes pensées se manifester sur mon visage, et elle m’avait fait un regard suspicieux.
« Oh, c’est vrai ? Sache que je ne perdais pas mon temps à jouer. Comme preuve, je reçois un salaire, » annonça Marie.
Qu-Qu-Quoi !? Le choc sur mon visage était palpable. Alors, c’était donc ça…
J’étais un vagabond qui errait dans ce monde sans but et sans perspectives. Maintenant que j’y pense, mon aversion sérieuse pour le travail, même dans mes rêves, me donnait l’impression d’être une personne plutôt désespérante.
« Pff… Aaaaahahahaha ! » Mon visage devait avoir l’air plutôt drôle, parce que Marie riait tout en se serrant l’estomac.
« Hein… ? Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ? Toute ma vie est soudain devenue plutôt sombre…, » demandai-je.
« Hahahahahaha ! Je n’ai jamais vu ton visage avoir l’air aussi somnolent qu’avant ! Arrête, arrête donc ça ! Ne t’approche pas avec cette tête ! M-Mes côtés ! » s’exclama Marie.
Elle avait laissé tomber son précieux bâton sur le sol, et mon visage avait l’air de vouloir pleurer. Malheureusement pour moi, cela avait duré plusieurs minutes…
Marie avait fait signe d’au revoir alors qu’elle disparaissait vers la guilde des sorciers. Après son rapport, on se retrouvait et on irait voir la Magi-Drake qui nous attendait aux ruines. Puis j’escorterais les deux dames lors d’un voyage aux sources chaudes.
Mais avant ça, j’avais déjà pris ma décision et j’avais donc été jusqu’à la porte de la Guilde des Aventuriers. Comme elle me l’avait rappelé tout à l’heure, mon existence actuelle était incroyablement superficielle et insignifiante. J’étais un garçon qui pouvait être emporté par une petite rafale, mais c’était la vie que j’avais choisie.
La réceptionniste était une dame, et elle m’avait regardé avec une expression désintéressée. Ouais, ça m’avait semblé à peu près approprié.
« Bienvenue, gamin. Qu’est-ce que tu fais ici ? » demanda-t-elle.
« Je veux aller dans un donjon avec une jolie fille. J’ai besoin d’être classé pour le faire, alors j’espérais le faire ici, » répondis-je.
« Vraiment ? » demanda-t-elle avec le même ton désintéressé.
Oui, j’avais besoin d’être évalué là-bas. Cela m’aiderait à montrer mes compétences à la Guilde des Sorciers, et ils comprendraient que je serais capable d’agir comme garde du corps… Mais c’était la première fois que je visitais un tel établissement, et je n’avais aucune idée des résultats. C’était pour ça que je n’en avais rien dit à Marie. On s’était promis de ne pas garder de secrets, mais j’aimais mieux voir ça comme une surprise.
J’étais un peu anxieux alors que je remplissais le contrat, qui stipulait des choses effrayantes comme que je ne tienne pas de grief si je mourais ou si je me blessais. Puis je devais procéder à un test de combat rapproché environ une heure plus tard. Je devrais probablement corriger ma personnalité qui m’avait fait diriger mes pensées vers n’importe quelle demande donnée par une fille mignonne…
Avec ces pensées en tête, j’avais affronté l’homme qui semblait être une sorte d’instructeur. Nous étions dans une cour intérieure étonnamment spacieuse. Ce n’était pas comparable à la Guilde des Sorciers d’avant, mais le bâtiment était neuf et il semblait y avoir beaucoup de personnes ici.
J’avais levé les yeux de la cour à deux étages, et le soleil semblait être en train de descendre. En voyant ça, j’avais réalisé que je n’avais pas trop de temps devant moi. Je m’étais tourné vers l’homme devant moi.
« Jusqu’où allez-vous monter mon grade ? J’aimerais l’augmenter le plus haut possible, » déclarai-je.
« Haha, tu es un impatient. Même si je ne suis pas assez fort, il y a des pros à l’étage. Tu peux me défier sans crainte. Mais assure-toi de t’excuser auprès de moi en ayant imaginé que tu étais bien plus fort que moi, » déclara-t-il.
L’homme avait eu un sourire affable. Il semblait avoir la quarantaine et avait la peau foncée, les cheveux noirs et une barbe noire. Pourtant, il donnait une impression de propreté et semblait avoir un bon sens de la vertu. Il avait accepté un paiement que la plupart des enfants ne seraient pas en mesure de payer, alors il semblait qu’il allait me juger en fonction de ça.
Ainsi, j’avais décidé d’aller me donner en spectacle pour une fois. J’avais fait une erreur lors de mon dernier combat d’homme à homme, mais j’aimerais faire bon usage de mon image fantôme cette fois-ci.
J’avais demandé s’il avait une épée disponible qu’il pourrait me prêter avant le début du match, et il m’avait regardé comme si j’étais une sorte de dingue.
***
L’homme avait été un aventurier pendant plus de vingt ans, et avait accompli plus d’une centaine de missions au cours de sa carrière. Il avait tant accompli, mais, comme il l’avait admis librement, s’était dû à sa capacité à diriger ses compagnons plutôt qu’à un talent pur et simple au maniement de l’épée. Il était le leader fiable qui pouvait retourner le flux même dans des situations les plus désespérées en soutenant tout le monde autour de lui. Ayant vécu de cette façon, il avait été approché par la Guilde des Aventuriers au moment même où il était sur le point de prendre sa retraite.
Malgré une telle histoire, l’homme s’était réveillé et s’était retrouvé dans une grande confusion. Une serviette mouillée bloquait sa vision, et les spectateurs firent entendre leur voix avec une vive émotion.
… Avait-il été assommé au milieu d’une bataille ? Son expérience l’avait conduit à la mauvaise conclusion, et il s’était rapidement assis.
« Pops, reste à terre ! » s’exclama une voix plus loin de lui.
« Quoi !?? Qu’est-ce que tu es... Attends, c’est quoi ce bordel !? »
Dans son champ de vision se trouvait un jeune aventurier, comme ceux dont il s’était toujours occupé. Puis il s’était rendu compte qu’il portait des vêtements décontractés au lieu d’une armure, et s’était finalement souvenu de la situation dans laquelle il se trouvait.
Ceux qui se trouvaient autour de la cour intérieure regardaient par les fenêtres, et les voix excitées pouvaient être entendues tout autour d’eux. C’était comme un Colisée, alors qu’il aurait dû être juste un examen pour juger de son rang.
Tenant sa tête palpitante, il avait réussi à soulever le haut de son corps. Puis, il vit un homme debout au milieu de l’espace dégagé avec une épée dans sa main. Il rengaina son épée incurvée, puis se mit en position…
« Je crois rêver ! Pourquoi Brandish se bat-il ? »
« C’est le troisième ! C’est qui ce gamin, Pops !? » demanda une voix, mais l’homme ne comprenait toujours pas toute la situation. Après tout, d’après sa mémoire, il ne pouvait pas suivre les mouvements du garçon et il avait été battu sans pouvoir faire la moindre chose. On lui avait demandé de céder à plusieurs reprises, mais sa fierté d’adulte ne l’avait pas laissé faire, ce qui l’avait mis K.O..
La scène devant ses yeux lui avait fait se demander s’il rêvait encore. La bagarre se déroulait juste devant lui, mais il ne pouvait toujours pas voir les mouvements du garçon. Il semblait que le garçon se promenait droit jusqu’à la portée d’attaque du maître épéiste avant de recevoir une frappe de sa lame, mais il continuait à marcher comme si de rien n’était.
Non, ce n’était pas ça…
Il avait disparu comme de la fumée dans le vent, et lorsque l’épée de son adversaire avait à nouveau été gainée, le garçon se tenait là, l’air insouciant. Il n’avait pas bougé d’un pas de sa position initiale.
« Utilise-t-il une vraie épée ? Et… il utilise la Zone Mortelle !? »
« Le maître l’a prévenu qu’il pourrait finir par mourir ! Mais ce gosse est resté là à rire et a dit qu’il avait l’habitude ! »
Il ne pouvait pas le comprendre.
L’homme qu’on appelait « maître » était la troisième personne la plus compétente de la Guilde des Aventuriers. Il avait une personnalité minutieuse, qui se manifestait dans sa capacité à couper à travers les ennemis qui entraient dans son domaine en un clin d’œil. En raison du pouvoir destructeur absolu issu de son talent, ce n’était pas souvent qu’il le montrait en public. C’est ce qui expliquait la ferveur du public qui avait rempli la cour par ailleurs ordinaire.
« Tu te fous de moi ! » l’homme avait gémi alors qu’il était incapable de comprendre ce qu’il voyait.
Le garçon ne s’était pas éloigné d’un pas de là où il se tenait, mais il était soudain apparu du flanc de Brandish. Brandish avait hurlé comme une sorte d’oiseau et le frappa avec une attaque en croix.
L’homme regarda le garçon s’évanouir comme de la fumée en courant avec de sueur sur son visage, puis réapparaître par-derrière, sur le flanc opposé, et ainsi de suite.
Le fait de regarder un utilisateur d’illusions en pleine action était un spectacle assez particulier. Le bruit occasionnel du métal indiquait que le vrai était quelque part dans les illusions.
Le bruit des pas avait retenti, et le garçon qui se tenait debout à un certain endroit s’approcha lentement. Était-ce un rêve, ou un cauchemar… ?
L’expression de Brandish semblait indiquer qu’il se posait cette question, et ne pouvait que continuer à frapper tout ce qui entrait dans sa zone d’attaque et à repousser désespérément les attaques qu’on lui lançait. Sa vitesse de réaction semblait indiquer qu’il avait déjà renoncé à discerner s’il attaquait une illusion ou son adversaire.
Cependant, cela signifiait bien sûr qu’il s’était rapidement essoufflé.
Whoosh !
Brandish frappa vers une silhouette, mais cela l’avait seulement fait disparaître, et un grand sentiment de fatigue s’empara de lui. Au lieu de cela, son véritable adversaire était apparu par-derrière, et au moment où le garçon était entré dans son domaine d’attaque, il avait été submergé par une rafale de coups rapides.
Le garçon avait habilement bloqué trois coups d’épée dirigés contre lui dans les airs, et la foule avait oublié de respirer en les regardant avec admiration. Même cligner des yeux gênerait le spectacle devant eux.
« C’est impossible… A-t-il réussi à vaincre la Zone Mortelle ? »
Alors que l’homme qu’ils appelaient Pops marmonnait, le garçon avait détruit la zone mortelle en frappant son adversaire à l’épaule et les deux côtés de l’abdomen en une succession rapide de coups avec une précision parfaite. Il serait trop difficile de reprendre l’avantage à partir de là.
Après avoir vu Brandish se faire lentement repousser en prenant des coups sur tout son corps, il s’était soudainement réveillé. Il s’était alors levé dans un air agité et avait crié. « C’est assez ! Le match est terminé ! »
La Guilde de l’Aventurier avait laissé sortir des acclamations. Il pouvait enfin respirer à nouveau après avoir vu la bataille entre deux experts.
L’homme s’attendait à ce que le garçon soit arrogant vu qu’il était talentueux, mais il semblait assez poli pour saluer et remercier chacun de ses adversaires. Cela ne semblait pas un comportement typique pour un jeune garçon, mais cela semblait leur donner une impression favorable.
Le fait est qu’il y avait très peu de personnes compétentes et humbles. L’excitation du match avait duré plusieurs jours et avait fait l’objet de longues conversations dans la Guilde des Aventuriers.
À l’insu du garçon, au cours de ces conversations, on lui avait donné un autre nom : Le Spectre.
***
Une fille s’était déplacée en trottinant avec un léger jogging. Ses beaux cheveux raides ondulaient alors qu’elle courait avec son précieux bâton dans les bras, et sa beauté attirait les regards de ceux qui l’entouraient. Je suppose que les hommes ne pouvaient pas vraiment s’empêcher de se sentir heureux quand ils voyaient une jolie fille. Elle me rendait nerveux en la regardant courir ainsi, alors j’aurais préféré qu’elle marche à la place…
Notre point de rencontre était un parc situé près de la Guilde des Sorciers. Le soleil se couchait déjà, alors il ferait nuit quand nous serions arrivés aux ruines si nous ne nous dépêchions pas.
« Je suis désolée pour l’attente. Mon rapport a pris plus de temps que prévu, » déclara Marie.
« C’est bon, je viens aussi d’arriver. Allons chercher la Magi-Drake maintenant, » déclarai-je.
Marie avait souri joyeusement et elle lui déclara. « D’accord ! » Ses joues étaient rouges, probablement à cause de la longue course qu’elle avait faite pour arriver ici. Elle replaça ses cheveux en désordre et prit des bouffées d’air lentes et profondes pour stabiliser sa respiration.
« Oh… » Alors que nous marchions côte à côte, elle semblait remarquer quelque chose et me toucha l’épaule. « Ta chemise est effilochée à l’épaule. Tu as encore dû t’accrocher sur quelque chose. »
« Ah, tu as raison. Ce n’est pas bon… Je n’avais pas encore prévu d’acheter de nouveaux vêtements, » répondis-je.
« Ne t’inquiète pas, je peux arranger ça pour toi plus tard. Ou alors, veux-tu que je t’aide à choisir de nouveaux vêtements ? Celles-ci sont assez abîmées, alors on pourrait t’acheter quelque chose de tout nouveau, » déclara Marie.
Oof, je devrais refuser… J’avais dépensé tant d’argent lors de l’examen de classement tout à l’heure. J’avais essayé de changer de sujet, mais je n’étais pas très habitué à garder des secrets, alors elle m’avait regardé avec méfiance.
Oh ouais, j’avais réussi à gagner le Rang A pour le combat en mêlée, donc j’étais plutôt soulagé à ce sujet. J’avais besoin de battre des adversaires de rang supérieur si je voulais avancer davantage, mais c’était trop compliqué et trop tard pour en trouver un à ce stade. Cela devrait suffire à prouver mes compétences à la Guilde des Sorciers, et de toute façon, j’étais trop occupé avec le voyage à venir pour faire tout cela.
Même si c’était les pensées présentes dans ma tête, elles ressemblaient à des excuses…
Il ne me restait plus qu’une tâche à accomplir. Il me fallait trouver un tank pour notre groupe. C’était pour le dire franchement le plus difficile, sans aucune solution à laquelle je pouvais penser… Mais mes pensées avaient été rapidement interrompues par la fille qui me tirait sur la manche.
« Je suis tellement excitée pour le voyage au Japon ! Alors, dans quel genre d’endroit allons-nous ? Existe-t-il des plats délicieux ? Je n’ai pas fait beaucoup de voyages avant, » déclara Marie.
« Tu n’as plus qu’à attendre et voir. Mais oui, je suis sûr qu’il y aura plein de délicieux plats, » déclarai-je.
Elle s’était réjouie de ça, et nous avions marché ensemble alors qu’elle me tenait toujours par la manche. Nous étions de bonne humeur en prévision du voyage, ce qui expliquait probablement pourquoi aucun de nous n’avait remarqué ce qui se cachait derrière nous…
Merci pour le chapitre!