Chapitre 119
« Bandes d’idiots inutiles ! »
Albert, observa avec colère la bataille à une distance raisonnable, claqua son verre sur le sol lorsqu’il réalisa que son armée avait perdu sans avoir pu faire la moindre chose.
Il pensait que les chances de gagner étaient minces.
Mais il espérait toujours que ses hommes seraient capables de faire quelque chose pour y remédier.
Après tout, jusqu’à présent, ils avaient toujours réussi à faire de ses ordres une réalité à tout prix.
Il n’est pas exagéré de dire que son succès dans le passé était dû à ses remarquables subordonnés.
Mais maintenant qu’ils avaient échoué, le château n’était plus en sécurité.
Tous les serviteurs à l’intérieur criaient et couraient en panique, essayant de s’échapper comme s’ils étaient infectés par la peur d’Albert.
Ils auraient dû s’enfuir avant que l’armée des Bashtar ne puisse entrer dans l’enceinte du château.
« Hé, vous ! Ne vous avisez pas de vous échapper de votre propre chef ! Apportez-moi tout l’argent que vous pourrez trouver au Trésor ! »
En réponse aux paroles d’Albert, dix des quelques serviteurs encore présents se précipitèrent au Trésor.
« Envoyez un messager au seigneur de Bashtar ! Il est temps de suivre le plan ! »
Après l’avoir dit à son majordome de confiance, Albert se précipita dans une des salles de l’arrière du château.
Là, il trouva sa femme, Felbell, aussi resplendissante que d’habitude.
C’était rassurant.
Non pas qu’Albert se soit particulièrement inquiété de son bien-être, mais elle était censée être un hommage à Heimdall, l’empereur d’Asgard, garantissant à Albert une position correcte dans le royaume de Jormungand
En d’autres termes, Felbell était son ticket d’entrée pour un avenir sûr.
« Dépêche-toi, Felbell ! On s’en va ! »
Après s’être précipité dans la chambre de Felbell, Albert resta sans voix.
Il remarqua que Felbell, qui l’attendait, portait une robe luxueuse, semblable à une robe de mariée, ainsi qu’un charmant maquillage.
« Pourquoi t’habiller ainsi pour t’échapper ? »
« C’est plus que stupide », dit Albert comme s’il crachait ses mots.
Les femmes aiment généralement se déguiser, mais il y a un temps et un lieu pour tout.
Ne savait-elle pas à quel point la situation actuelle était dangereuse ?
« S’il te plaît, change aussi de vêtements, mon cher. Le chef de la prestigieuse famille de Strasbourg ne peut pas se déshonorer dans ses derniers instants. »
« Que dis-tu, Felbell ? »
Et bien qu’il ait pu comprendre ses mots par déduction, ses émotions ne lui permettaient pas de comprendre.
Albert ne voulait pas mourir.
Peu importe la honte qu’il devait subir, il visait toujours sa survie et son rétablissement.
Pour cela, même offrir sa propre femme en cadeau n’était pas un problème.
Par conséquent, il ne voulait pas que Felbell ait des pensées étranges dans sa tête.
« Ne sois pas téméraire. Il n’a pas encore été décidé que nous avons perdu. »
« La situation ne pourrait pas être plus claire ! Tu as manifestement été vaincu ! S’il te plaît, ne détourne pas tes yeux de la réalité ! »
Les serviteurs d’Albert et leurs familles s’enfuyaient, et son peuple était sous la terreur des pillards.
Pendant ce temps, l’armée de Bashtar s’approchait lentement et régulièrement des quelques soldats qui avaient durci leur détermination.
C’était la scène cruelle et typique d’un château qui s’écroulait, comme il apparaissait souvent dans le monde entier au cours de l’histoire.
De plus, Strasbourg était tombée lors d’un conflit interne.
Si le chef de famille et sa femme ne se donnaient même pas la peine de sauver les apparences, le nom de Strasbourg porterait à coup sûr un stigmate de déshonneur pendant mille ans.
« Tais-toi ! Je n’ai pas perdu ! Un imbécile s’est mis en travers de mon chemin, je dois donc rester caché pour l’instant ! Ne crois-tu plus en ton propre mari ? »
« Si tu es vraiment mon mari, alors partageons ces derniers moments ensemble. »
Albert avait-il toujours été un homme si petit et si chétif ?
Il n’avait jamais fait preuve d’une telle bêtise lorsque Felbell l’avait rencontré.
Il était toujours éloquent. C’était le genre d’homme qui savait comment attirer l’attention des gens. En plus de la grande puissance économique de la maison de Strasbourg, il était rapidement devenu le chef d’une faction importante de la cour royale.
Il y avait beaucoup à attendre de lui à l’avenir, et on avait même dit un jour qu’il deviendrait certainement le prochain Premier ministre.
Felbell avait l’impression que même son père, le roi, s’était montré très attentif envers Albert.
Il s’y connaissait bien en finances et excellait dans les négociations. Il était également si doué avec les femmes qu’il avait même réussi à faire en sorte que la fille protégée du roi tombe amoureuse de lui.
Peut-être n’avait-il été, dès le début, qu’un homme bon parce qu’il avait été placé dans une position sûre avec un bon entourage.
Mais il était noble jusqu’au bout. Dès qu’il avait été confronté à l’adversité et au danger, il avait révélé son incroyable folie.
Felbell avait appris dans ses cours d’histoire que de telles personnes apparaissaient de temps en temps.
En d’autres termes, cet aspect de lui était toujours là, mais je ne l’ai jamais vu.
C’était un grand homme en temps normal. Il aurait été trop demander à Felbell, qui n’avait aucune expérience avec un homme à l’époque, de voir à travers lui.
Mais elle avait quand même senti qu’il était naturel pour elle d’accepter son destin, que c’était sa responsabilité.
Et, malgré tout, elle aimait encore suffisamment Albert pour vouloir partager ce destin avec lui.
Jusqu’à présent, elle l’aimait vraiment.
« Non, je ne veux pas ! Comment pourrais-je mourir ici ? ! Je ne suis pas le genre d’homme qui finira comme ça ! »
« C’est fini. Arrête cette lutte déplaisante. »
« Non, ce n’est pas fini ! C’est vrai, je t’ai toujours toi ! »
En regardant la folie dans les yeux d’Albert, Felbell réalisa que ses derniers sentiments amoureux se refroidissaient.
D’une part, elle sentait que les mots d’Albert n’avaient rien d’inattendu, d’autre part, elle ne voulait pas croire qu’ils pouvaient être vrais.
Elle avait entendu des rumeurs selon lesquelles Heimdall rassemblait les princesses des royaumes qu’il occupait, les forçant à vivre dans la débauche.
Si Albert ne pouvait rien apporter à Asgard, et qu’il leur était donc redevable, l’empereur lui demanderait sûrement de livrer Felbell.
Et même si le royaume de Jormungand pouvait gagner contre Asgard, Albert serait éliminé tandis que Felbell serait contrainte de rester confinée dans un monastère.
Quoi qu’il en soit, le moment de leur séparation arrivait. Cela, elle le savait.
Cependant, il y avait une différence d’implication entre le fait qu’ils soient séparés par d’autres et le fait qu’Albert la force à s’éloigner de lui-même.
Cela signifiait qu’en fin de compte, elle n’était rien de plus aux yeux d’Albert qu’un outil lui permettant de gravir les échelons de la hiérarchie.
Tout ce que Felbell avait fait, de la pureté qu’elle lui avait donnée à l’amour qu’elle lui avait juré toute sa vie, était le fruit de sentiments unilatéraux.
Cette pensée était bien confirmée par le regard narcissique et répugnant de l’homme qui se trouvait devant elle.
« Je n’ai aucunement intention de devenir la propriété de Heimdall. Je préfère de loin mourir ici, avec ma dignité, que de devenir le jouet de quelqu’un. »
« N’importe quoi ! Vas-tu abandonner ton mari ? ! »
« Et un mari qui abandonne sa femme est en quelque sorte mieux ? »
Albert tressaillit sous le regard froid de Felbell.
Il était sûr que, jusqu’à présent, Felbell était vraiment amoureuse de lui, qu’elle lui était dévouée.
« Ne m’aimes-tu plus ? »
Quelle valeur aurait-elle s’il ne pouvait pas être le chef de la cour royale ?
Quelle valeur aurait son existence s’il ne pouvait pas être au centre des aristocrates et avoir l’influence nécessaire pour faire bouger tout le royaume ?
Est-ce pour cette raison que sa propre femme essayait de l’abandonner ? Parce que sa position était trop basse maintenant ?
Toutes ces pensées étaient le fruit des illusions égocentriques d’Albert.
Parce qu’il méprisait l’idée de tomber si bas, il sentait que tous les autres ressentiraient le même mépris à son égard pour cette même raison.
« Je t’aime. Alors s’il te plaît, laisse-moi mourir comme une femme amoureuse. »
Une fois de plus, Felbell lui tendit la main, espérant qu’ils pourraient tous deux quitter ce monde ensemble en tant qu’amants.
Le seul désir de Felbell était qu’ils puissent le faire ensemble et être unis dans la mort.
« Non ! NON ! NON ! Tu ne vas pas mourir de ton propre chef, et moi non plus ! Je ne le permettrai pas ! Tu devras m’aider ! »
Mais Albert avait perçu cela comme un abandon par la dernière personne sur laquelle il pouvait compter.
Pourquoi ? Pourquoi le monde doit-il me tester ainsi ?
Alors qu’il était né dans une famille prestigieuse, lui qui avait conquis le cœur de Felbell, aurait dû être destiné à la gloire.
Comment était-il tombé si misérablement bas ?
C’était à cause de cet homme. Tout cela avait commencé le jour où Lunaria avait été sauvé par ce roturier.
Quoi qu’il en soit, Albert ne pouvait absolument pas reconnaître la gloire de cet homme.
Il allait provoquer la ruine de Kurats, même si cela signifiait qu’Asgard allait tout lui prendre.
Quant à ce qui arriverait à Felbell au cours du processus, cela ne le concernait pas.
En ce moment, pour lui, tout ce qui n’allait pas dans son sens était son ennemi.
« Arrête de tourner autour du pot et allons-y ! Je ne vais pas laisser cet homme faire ce qu’il veut de ce royaume ! »
Albert renonça à essayer de persuader Felbell et alla s’emparer de son bras svelte par la force.
Mais à ce moment, un flash traversa soudainement sa vision.
Il ressentit une sensation de chaleur, comme une brûlure, venant de sa main droite.
Ce n’était que lorsque des gouttes de sang tombèrent sur le tapis que son cerveau réalisa qu’il avait été lacéré par Felbell.
Impossible.
Felbell, la Felbell qui n’avait pas eu d’autre choix que de se faire porter comme une poupée tout au long de sa vie, ne ferait jamais une telle chose.
Albert, qui ne savait ni reconnaître ni s’opposer à l’adversité, n’avait aucune idée de la façon dont il percevait cette situation inattendue.
Tout ce qu’il pouvait en déduire était que Felbell essayait de le tuer pour qu’elle puisse utiliser ce fait plus tard pour aller vers l’ennemi et plaider pour sa vie.
« Espèce de garce ! Ton ancienne vie te manque tellement que tu es prête à me vendre à l’ennemi ! »
« Je suis attristée que mes sentiments ne puissent même plus t’atteindre… »
Felbell n’avait pas peur de mourir.
Malgré le désespoir de la situation actuelle, tout ce qu’elle espérait, c’était qu’elle et Albert puissent faire le vœu de mourir ensemble et de redevenir un couple s’il y avait une vie après la mort.
Même si Albert pouvait survivre à la situation actuelle, tout ce qui l’attendait était un véritable enfer.
L’empire n’était pas connu pour bien traiter les perdants. En premier lieu, même s’ils avaient réussi, il était douteux qu’ils les aient acceptés.
Au pire, il ne serait pas étonnant qu’Albert soit tailladé sur place pour avoir été une nuisance incompétente une fois qu’il aura réussi à s’échapper à Asgard.
Dans cette situation, Felbell ne serait plus que la prostituée de Heimdall.
Elle ne pourrait pas avoir de regrets devant un tel avenir.
« Mettons fin à nos vies. Au moins, notre honneur sera préservé. »
Felbell tenait un poignard que son père lui avait donné à un très jeune âge pour se protéger.
Elle va me tuer.
Comme s’il oubliait tout ce qu’il venait d’essayer de faire, Albert s’était livré à une colère irrationnelle.
Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir.
Que dois-je faire alors ?
Oui !
Je devrais la tuer avant qu’elle ne me tue !
L’idée de donner Felbell à Heimdall avait complètement disparu de la tête d’Albert.
« Traître ! Vous êtes tous des traîtres ! »
Avec des larmes et un nez qui coule, Albert sortit misérablement une épée.
Sa capacité de réflexion avait été fortement émoussée, mais son instinct seul lui permettait de dire qu’il était dans un état pitoyable.
Personne ne pouvait plus le sauver.
BOOM !
Un grand bruit retentit, comme si quelque chose d’énorme venait de bouger.
L’armée de Bashtar avait enfin franchi les portes et envahi le château.
Albert n’avait plus de temps à perdre. Il devait s’enfuir immédiatement.
Malgré cela, il posa une dernière fois la même question à Felbell, en gardant un espoir qu’il ne pouvait absolument pas laisser s’échapper.
« Es-tu sûre que tu ne veux pas venir avec moi ? »
« Je préférerais de loin mourir. »
Felbell répondit instantanément, sans la moindre hésitation, alimentant Albert d’une haine insupportable.
C’était précisément parce qu’elle avait été obéissante et lui avait apporté la gloire qu’il ne pouvait lui pardonner de ne pas avoir fait ce qu’il voulait.
« Meurs donc. »
« Toi aussi. »
Albert et Felbell essayèrent tous deux de s’entretuer au mieux de leurs capacités.
Cependant, non seulement il y avait une différence de portée entre une épée et un poignard, mais Albert, en tant qu’homme, était aussi plus fort et plus rapide.
Après que leurs lames se soient heurtées à deux reprises, Felbell fut temporairement paralysée, ne pouvant même plus balancer son poignard.
« Qu’est-ce que c’est ? Y a-t-il un problème ? Tu fais un spectacle honteux. »
« Je dirais qu’il est bien plus honteux pour un homme de se vanter de battre une femme, non ? »
« Comment oses-tu ! C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! »
Furieux, Albert leva son épée au-dessus de sa tête.
Felbell accepta le fait qu’elle ne pourrait pas l’éviter, se résignant à sa mort prochaine.
Je suis désolé… Pardonne-moi de ne pas avoir pu t’arrêter.
Toutes ces années, Felbell s’était laissé entraîner et n’avait pas réussi à contrôler les ambitions d’Albert.
S’il s’était contenté d’être une figure importante du pays et rien de plus, Albert n’aurait en aucun cas été un homme incompétent.
Si elle n’avait pas été une princesse, mais une dame noble moyenne, auraient-ils pu connaître un bonheur plus simple ?
Felbell sourit en se moquant d’elle-même.
Comme si quelqu’un d’aussi ambitieux qu’Albert allait jamais vraiment baisser les yeux sur une femme comme moi si ce n’était pour mon statut.
Ressentant une douleur brûlante dans la poitrine, Felbell ferma lentement les yeux.
merci pour le chapitre