Chapitre 30
« Maintenant que j’y pense, Sire Isengard, vous avez un neveu, n’est-ce pas ? »
« Et alors ? »
« La raison pour laquelle le monstre s’est attaqué à Son Altesse est qu’elle servait de jeune fille au temple gnostique de Barbena, un sanctuaire aquatique. Et si elle était passée à Barbena, c’était parce que votre neveu était tombé de son cheval. »
« Je me souviens aussi de ça. Il s’était évanoui et nous ne savions pas à quel point ses blessures étaient graves, alors nous avions décidé de nous arrêter à Barbena pour évaluer son état. »
« C’est un maladroit. Il a déjà démissionné de l’ordre de chevalier, et il est en rééducation dans notre territoire familial. »
Que ce soit vrai ou non, cela allait certainement nuire à la crédibilité de Ross.
Même Albert grinçait des dents, se demandant pourquoi Ross avait donné une explication aussi basique.
On ne lui avait pas parlé du tout de ce neveu avant le procès.
« Cependant, vous n’avez aucun moyen de prouver que le monstre s’en est pris à Son Altesse à Barbena, n’est-ce pas ? »
Puisque de toute façon c’était déjà ingérable, Mordred avait décidé de mettre toutes ses forces dans la bataille. Il persista à remettre en question le témoignage de Kurats.
« C’était un monstre aquatique. Si cela ne s’était pas produit à Barbena, cela signifiait que le monstre a été autorisé à pénétrer les défenses du palais royal, êtes-vous sûr de vouloir faire cette réclamation ? »
« Ah... ! »
Alors que la garde royale était chargée de la défense du palais royal, les mages de la cour royale étaient chargés de protéger le palais contre tout ce qui concernait les monstres et les attaques magiques.
En d’autres termes, si un monstre était réellement entré dans le palais royal, ce serait dû à l’incompétence des mages de la cour royale.
Mordred grinçait des dents comme s’il ressentait une pure haine.
« Mais vous n’avez toujours aucune preuve que c’est arrivé à Barbena ! » (Ross)
Dans l’espoir d’échapper aux soupçons, Ross pesta contre Kurats.
Parce que, même s’il parvenait à se faire passer pour innocent par manque de preuves, tous les soupçons posés sur lui ne seraient pas dissipés. Cette sorte d’innocence « technique » détruirait l’avenir de la famille Isengard.
« Alors, à vous écouter, on dirait que mon témoignage n’est pas une preuve suffisante ? »
« Évidemment ! Vous n’êtes qu’un roturier qui a gravi les échelons ! »
Sans se soucier de l’insulte de Ross, Kurats avait montré un large sourire.
« Alors je suppose que je vais devoir transformer toutes les personnes dans cette pièce en témoins. [Projection] ! »
Soudainement, avec une lumière éblouissante, une sphère de cinq mètres de large apparut au-dessus du sol de la salle.
Dans le palais royal, l’utilisation de la magie était très limitée. Le fait que Kurats ait pu utiliser son sort si facilement ici n’avait servi qu’à montrer à quel point il était vraiment anormal.
« Quelle impolitesse ! Où pensez-vous que vous êtes !? »
Alors que Mordred s’interrogeait sur le comportement de Kurats, il s’était rendu compte que l’attention de tous les autres était dirigée dans une autre direction.
« Vous autres, qu’est-ce que vous êtes... ? »
Mordred avala ses mots avant de pouvoir finir sa phrase.
Sur la sphère non identifiée était projetée une vue de dessus. Dans cette scène, on voyait Kurats et Ross se faisant face.
« Êtes-vous sûr ? Protéger ce type, c’est comme admettre que c’est vous qui avez planifié la tentative d’assassinat sur la princesse. »
« Humph ! Si je te tue et que je me débarrasse d’Oliveira, il n’y aura plus de preuves ! »
Quand il regarda l’image, le visage de Ross devint d’abord vert, puis d’un blanc pur.
Ses dents s’entrechoquaient de peur et ses pieds instables ne pouvaient l’empêcher de s’agenouiller.
Il était évident pour tous ceux qui regardaient la projection que ce qu’ils voyaient sur l’écran était bien réel.
Quand ils avaient vu l’image de Kurats soulevant la tortue rocheuse, les bouches de tous ceux qui étaient présents restèrent grandes ouvertes, comme si leurs mâchoires allaient se détacher.
Il y avait des nobles qui étaient même tombés sur leurs fesses en voyant la tortue sur la projection.
Et puis —.
« Tu avais de la valeur, mais je dois le faire maintenant, sans rancune ! »
« Guh ! »
La scène montrant Ross tuant son subordonné Oliveira avait laissé un sentiment de dégoût chez la plupart des spectateurs.
Le fait qu’il avait appelé cet homme son serviteur de confiance était révoltant.
Ayant été témoins de cet acte d’égoïsme extrême, les nobles qui regardaient la projection avaient déjà qualifié Ross de coupable.
« Il n’y a rien à admettre ici ! Rien ne prouve que cette projection soit réelle ! »
Mais certaines personnes n’avaient tout simplement pas la capacité de comprendre ce qu’il se passait.
Un seul regard sur l’apparence actuelle de Ross aurait dû suffire à clarifier la vérité, mais Mordred ne voulait pas donner raison à Kurats.
Reconnaître les faits reviendrait à reconnaître qu’en utilisant un type de magie que personne d’autre ne pouvait utiliser, Kurats avait réussi l’exploit de capturer l’homme qui avait tenté de tuer la princesse.
« Il a raison ! Ce n’est rien de plus qu’un faux habilement fait ! »
La vie de Ross était en jeu.
Il n’avait pas d’autre choix que de sauter sur l’opportunité que Mordred lui avait donnée.
Il serait certainement difficile d’argumenter contre Ross s’il insistait simplement sur le fait que les preuves n’avaient pas encore été approuvées.
« Au fait, Votre Majesté. »
« Oui ? »
Christopher montrait un sourire espiègle.
Ce sourire donnait l’impression qu’il avait anticipé ce que Kurats allait lui demander.
« Dans ces buissons à gauche, il y avait une personne âgée qui regardait l’altercation, n’est-ce pas l’une de vos connaissances ? »
« Vous réalisez qu’il sera vraiment gêné si vous continuez à l’appeler personne âgée, n’est-ce pas ? »
« Je n’y peux rien, il ressemble vraiment à une personne âgée sympathique. »
Après un court instant, Christopher éclata de rire.
Tenant son ventre, il n’arrêtait pas de rire à haute voix comme s’il ne pouvait plus se retenir.
« Guhahahahahahahahaha ! »
« « Votre Majesté ? » »
L’attention de tout le monde avait été captée par la réaction extrêmement étrange de Christopher.
C’était un moment critique, le moment où il serait décidé si Kurats devait être considéré comme un meurtrier ou si Ross devait être considéré comme responsable de la tentative d’assassinat sur la princesse.
Ce n’était absolument pas le bon moment pour éclater de rire.
« Pourriez-vous m’expliquer, Votre Majesté ? »
Le ton autoritaire du Premier ministre avait permis à Christopher d’apaiser enfin son accès de rire.
« Mes excuses, cela concerne l’homme à gauche de cette projection. »
À ce moment-là, Christopher prit une respiration et sourit.
« C’est un de mes subordonnés, un membre des “oreilles du roi”. »
Le choc apporté par ces mots fit tomber Ross à terre.
« Le rapport que j’ai reçu dudit subordonné concorde parfaitement avec la projection que nous a montrée le baron Gaura. Donc je vous garantis personnellement que cette projection est véridique. »
Le témoignage des « oreilles du roi » comptait comme preuve recevable.
Parce qu’ils avaient prêté le serment magique de ne jamais donner de faux témoignage ou de fausses preuves au roi.
Ce qui signifiait que Ross était bien le responsable de la tentative d’assassinat de la princesse, que c’était lui qui avait tiré les ficelles derrière l’enlèvement de son propre peuple, et c’était lui qui avait tué son subordonné.
« C’est une erreur... Ça doit être une erreur ! »
« ... Ce n’est pas le moment de trouver des excuses, c’est le moment pour vous de rencontrer votre bourreau. Emmenez-le loin d’ici. »
« IIIIIIIIIIIIIIIIIIIH ! »
Alors que deux chevaliers s’approchaient pour attraper et traîner le petit corps de Ross par les épaules, celui-ci poussa un cri misérable.
Cependant, Kurats n’avait pas montré l’envie d’arrêter sa projection.
« Qu’y a-t-il, baron Gaura ? Vous avez déjà gagné, vous pouvez l’arrêter. »
À ce moment-là, la scène projetée avait soudainement changé.
En regardant l’image, Albert avait été capable d’arrêter sa voix qui avait presque quitté sa bouche contre son gré, mais il n’avait pas été capable de se contrôler suffisamment pour empêcher son teint de pâlir.
Et ce n’était pas sans raison, car la projection montrait un messager de la famille d’Isengard ayant un regard désespéré sur son visage, se précipitant vers le manoir du marquis de Strasbourg.
« ... C’est gênant. J’ai certainement reçu la visite du messager, mais c’était seulement parce que le baron voulait me consulter au sujet d’un événement majeur qui s’était déjà produit sur son territoire. »
« Pardonnez mon manque de courtoisie. Après tout, le baron Isengard venait de s’enfuir vers son château, il avait dû dans la panique vous envoyer ce messager. »
« Je peux comprendre que vous puissiez de votre point de vue avoir des doutes. Pas besoin de s’excuser. »
Contrairement à ce qu’il disait, Albert était furieux en lui-même.
Il n’y avait aucune preuve réelle, mais il était probable que certaines des nombreuses personnes présentes dans cette salle allaient soupçonner qu’Albert avait soutenu Isengard.
Cela empêchera Albert, pendant un certain temps, de travailler dans un cadre public ou officiel.
En même temps, il devait prendre en considération le fait que les nobles qu’il avait pris à la faction de Lunaria pouvaient, à cause de cela, retourner dans le camp adverse.
Et tout cela avait été causé par un seul mage inconnu, qui n’était qu’un simple roturier quelques jours seulement avant ces événements.
Je n’oublierai pas cette honte ! Ne va pas penser que je te laisserai mourir facilement après ça ! pensa Albert.
Mais ce n’était pas la fin du piège sournois de Kurats.
« Alors, est-ce suffisant pour que vous reconnaissiez mes aptitudes magiques, même si ce n’est qu’un tout petit peu, chef des mages de la cour royale ? »
Mordred essaya bien de dire quelque chose, mais sa voix resta bloquée, comme s’il avait un corps étranger coincé dans sa gorge.
Il ne voulait pas l’approuver.
S’il l’avait pu, il aurait crié que tout ce que Kurats présentait ne valait rien.
Cependant, le roi lui-même avait certifié la preuve, la réfuter s’apparenterait à un suicide politique pour Mordred.
« Vous avez fait... un travail magnifique... cette fois. »
Il ajouta « cette fois » à sa phrase comme le dernier point d’ancrage auquel il pouvait s’accrocher.
Mais il croyait sincèrement que la disparition de la magie archaïque de Kurats n’aurait pas d’importance, même si elle s’était avérée utile cette fois-ci.
Parce que si de telles techniques douteuses se répandaient, tout l’ordre magique serait perdu.
C’était pourquoi Mordred s’était juré qu’il se débarrasserait de Kurats quoiqu’il arrive.
« Est-ce que ça veut dire que vous seriez prêt à douter un peu moins de ma magie et à avoir un peu plus confiance en elle à partir de maintenant ? », demanda Kurats, ayant naturellement vu ce qui se passait dans l’esprit de Mordred.
Du point de vue de la personnalité, Bernst et Kurats étaient assez semblables.
« Je vais y réfléchir. »
Tout en serrant les dents, Mordred réussit à peine à faire sortir ces mots. Il lui semblait impossible de dire simplement « je comprends ».
« En effet, c’était un travail magnifique, baron Gaura. Je vous donnerai une récompense plus tard, j’ai hâte d’y être. »
Avec cette déclaration de Christopher, qui semblait tout à fait satisfait, le procès de Kurats et Ross avait pris fin.
◆ ◆ ◆
Puisqu’il n’y avait pas de domestique travaillant pour lui, au lieu de recevoir un nouveau territoire, Kurats avait reçu une récompense de 10 000 pièces d’or.
Un roturier normal pourrait vivre toute une année avec seulement 20 pièces d’or. Ce fait était suffisant pour comprendre à quel point cette récompense était énorme.
Le roi avait apparemment voulu élever Kurats au rang de vicomte, mais comme on pouvait s’y attendre, il avait été arrêté par le Premier ministre.
Malgré ses réalisations, Kurats n’était qu’un roturier quelques jours auparavant. Si son rang était élevé à plusieurs reprises sur un intervalle de temps aussi court, cela aurait certainement été un scandale.
De plus, il ne pouvait pas obtenir le rang de vicomte avec le village de Gaura comme seul territoire.
Par conséquent, la récompense de cette fois-ci n’était qu’un bonus donné à Kurats en attendant qu’il forme un groupe de serviteurs et qu’il obtienne de nouveaux résultats.
« Wôw ! Ça fait un moment que je ne suis pas venue dans la capitale royale ! Comme on peut s’y attendre, c’est animé. »
Il n’y avait pas de comparaison entre un village rural comme Gaura et cette mégalopole actuelle.
C’était naturel pour Cornelia de s’exciter comme une paysanne.
Après tout, cela faisait une dizaine d’années qu’elle n’était pas venue dans la capitale royale.
Lorsqu’il regarda sa sœur habituellement calme agir de cette façon, les sourcils de Kurats s’étaient levés sans qu’il s’en rende compte.
{Elle est bien trop mignonne...}
{Je vois que tu es plus tordu que jamais. Tu devrais te dépêcher de l’embrasser.}
{Pas question. Pourquoi ne comprends-tu pas, toi, la personne âgée, qu’il y a plus dans la relation entre un homme et une femme que le sexe... ?}
{Tu veux continuer à ajouter des chapitres à ton histoire passée ? Tu le regretteras plus tard.}
Bernst connaissait beaucoup d’hommes qui s’étaient noyés sous le poids de l’idéal appelé amour.
Pour Bernst, il semblerait que Kurats se dirigeait simplement sur le même chemin que ces nombreux hommes.
{Il se saoule sur leurs propres déclarations de débutant, j’espère juste que je pourrais lui mettre le grappin dessus plus tard.}
« Regarde ! Il y a une voyante là-bas ! »
Dans la direction indiquée par Cornelia se trouvait la diseuse de bonne aventure de la dernière fois, qui souriait et regardait dans notre direction avec beaucoup d’intérêt.
Il était clair que ses yeux sous-entendaient quelque chose du genre :
« Amener une femme différente de la dernière fois, hein ? Cet homme est donc un coureur de jupons ! »
Bien que Kurats aurait préféré, si possible, ne pas interagir avec elle, il était trop tard, car Cornelia avait déjà commencé à courir comme une enfant vers la voyante.
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Merci pour le chapitre.
La voyante 😉 Merci pour le chap ^^