Épisode 2 : La fille normale autoproclamée retourne à la civilisation
Partie 3
L’après-midi suivant, Ristia et Nanami arrivèrent à un endroit où une ville entourée de murs de pierre était visible au loin.
« Lady Ristia. La ville que vous voyez là-bas est celle où je vis, Sistania ! » Nanami était ravie. Au début, elle donnait l’impression d’être une fille docile et introvertie, mais au cours des deux derniers jours, elle était devenue beaucoup plus exubérante. Elle ne l’adorait pas en tant que Grande Sœur, mais l’adorait comme un ange, ce qui était une source de mécontentement pour Ristia… mais Nanami ne s’en rendait pas vraiment compte.
Je suis contente qu’elle m’adore, mais ce n’est pas censé être comme ça ! pensa Ristia incapable de s’empêcher de se lamenter sur sa situation.
En tout cas, les deux filles avaient réussi à atteindre l’entrée de la ville. C’est alors qu’un homme plus âgé, habillé comme un chevalier effectuant des contrôles auprès des visiteurs, s’approcha d’elles.
« Bienvenue à Sistania, jeune fille. Qu’est-ce qui vous amène dans cette ville ? » demanda le garde.
« Sauver des personnes ! » répondit Ristia.
« … Pardon ? » Le soldat avait l’air abasourdi par la réponse sans hésitation de Ristia.
« Comme je l’ai dit, je suis ici pour sauver les enfants dans le besoin, » déclara Ristia.
« Êtes-vous… sérieusement en train de dire ça ? » demanda le soldat.
« Lady Ristia est un ange ! » déclara Nanami.
« Ange ? Qu’est-ce que… attends, Nanami ? Ma parole, tu es en sécurité ! » s’exclama l’homme en courant vers Nanami.
« Ooh, c’est vraiment toi, Nanami. Dieu merci. Tu étais donc en sécurité. Tout le monde était inquiet, car l’équipe de reconnaissance n’est pas revenue le jour prévue ! » Nanami s’était mordu les lèvres et avait baissé la tête en regrettant. Le soldat avait fait une expression emplie de doute en réponse au changement d’attitude de Nanami. « En parlant de ça, où sont les autres membres ? »
« … Tout le monde a été tué, » les mots de Nanami lui avaient coupé le souffle, mais son expression s’était vite tendue pour se préparer à la suite.
« … Que s’est-il passé ? » demanda le garde.
« Des monstres vivaient dans ce donjon. Un par un, tout le monde a été éliminé. La seule raison pour laquelle je suis en vie, c’est grâce à Lady Ristia, » déclara Nanami.
« “Lady Ristia” ? Je ne suis pas sûr de ce que tu veux dire par là, mais je suis content que tu sois en vie. Je vais contacter la guilde, alors reste ici, d’accord ? » déclara le soldat avant de courir quelque part. Ristia le regarda faire, pointant son regard vers les rues visibles de l’autre côté de la porte. Le long de la rue principale, il y avait des bâtiments de pierre empilés. Même par rapport aux humains de la génération de Ristia, ils n’avaient pas fait beaucoup de progrès. En fait, on aurait dit qu’ils avaient régressé. Cependant, l’échelle de la ville était beaucoup plus grande que n’importe quelle ville que Ristia connaissait.
« Cette ville est vraiment immense ~, » déclara Ristia.
« Croyez-le ou non, mais elle n’est pas très grande comparée à beaucoup d’autres villes, » répondit Nanami.
« Wowie, je vois que les humains ont vraiment augmenté en nombre. Combien de personnes vivent dans cette ville ? » demanda Ristia.
« J’ai entendu parler de vingt à trente mille, » répondit Nanami.
« C’est sûr que c’est beaucoup pour moi ~. » Même si la durée de vie humaine était d’un siècle, ils produiraient deux à trois cents personnes par génération. La moitié d’entre elles sont peut-être des filles, mais d’après mes calculs, cela signifie qu’il y a facilement un millier de candidates pour être ma petite sœur dans cette ville ! se dit Ristia. En même temps, elle avait formulé un plan pour se trouver une petite sœur dans cette ville.
« Nanami, j’ai une requête, » déclara Ristia.
« S’il vous plaît, laissez-moi faire, » déclara Nanami.
« Oui, mais je ne t’ai encore rien dit. Ce n’est pas bon d’accepter une demande quand on ne sait même pas ce qu’on va te demander, » déclara Ristia.
« Ce n’est pas un problème, madame, » déclara Nanami.
« C’est un problème…, » Ristia poussa un léger soupir.
Ne pas demander à Nanami de devenir sa petite sœur était la bonne option. À ce rythme, si elle avait prétendu être sa petite sœur par obligation, la situation aurait été irrécupérable. Au lieu de cela, elle avait prévu de ne pas précipiter sa relation avec Nanami, de prendre son temps et d’établir petit à petit des liens entre elles.
« Alors, que voulez-vous que je fasse pour votre demande ? » demanda Nanami.
« Ma demande concerne mon identité. J’aimerais que tu gardes ça secret autant que possible, » répondit Ristia.
« Mais pourquoi !? Vous me demandez de cacher le fait que vous êtes un ange pour tout le monde, Lady Ristia !? » elle n’avait pas pu s’empêcher de crier. Ristia fut déconcertée par la réaction de Nanami.
« Je suis sûre que tu le sais déjà, mais je ne suis pas un ange, OK ? Mais là n’est pas la question. Ce que je veux que tu gardes secret, c’est que je suis un Sang Véritable. Je veux vivre comme une fille normale. » En faisant savoir à Nanami qu’elle était un Sang Véritable, elle avait effrayé la jeune fille et avait fait promettre à Ristia de ne pas faire d’elle une parente. Ristia considérait cela comme un échec, c’est pourquoi elle voulait se comporter comme une fille normale — une fille normale, humaine — en veillant à ce que sa véritable identité soit gardée secrète jusqu’à ce qu’elle établisse une relation de confiance.
« Vous voulez vivre comme une fille normale, Madame… ? » demanda-t-elle, presque comme si elle voulait savoir si c’était possible.
« Je suis peut-être un Sang Véritable, mais je ne suis qu’une fille normale, alors ça ira si tu ne dis rien, Nanami, » déclara Ristia.
« Je pense que vous devriez réaliser un peu à quel point vous êtes puissante, Lady Ristia, » déclara Nanami avec un visage déçu, faisant baisser les épaules de Ristia.
« Tu penses que ça… ne marchera pas ? » Elle avait demandé ça avec tristesse, la beauté qui en résulta suffit à captiver Nanami, bien qu’elle soit du même sexe.
« Non, ça va marcher ! Je garderai votre secret avec chaque fibre de mon être ! » déclara Nanami.
« … Vraiment ? » demanda Ristia.
« S’il vous plaît, laissez-moi m’en occuper ! » déclara Nanami.
« Oh, super ! Je t’en remercie ! » Ristia avait souri innocemment, alors que les sentiments remplissaient le cœur de Nanami. Malheureusement, il n’y avait personne pour intervenir et lui dire qu’elle n’allait pas faire une Grande Sœur avec le genre d’attitude qu’elle avait en tête. L’homme plus âgé qui était parti il n’y a pas si longtemps était revenu auprès de Ristia qui était maintenant de bonne humeur.
« Désolé pour l’attente. La guilde va faire venir un envoyé, donc il devrait être là pour vous escorter bientôt, » le soldat avait informé Nanami avant de tourner son attention de nouveau vers Ristia. « Alors, c’est vous qui avez sauvé la vie de Nanami, petite dame ? »
« Euh, eh bien…, » déclara Ristia.
« C’est ma sauveuse, Lady Ristia ! » Nanami avait affirmé cela avec emphase.
« … Eh bien, c’est comme vous l’avez entendue, » confirma Ristia avec un sourire ironique.
« Je vois. Alors, je vous remercie aussi. Je suis reconnaissant que vous ayez sauvé la vie de Nanami, » déclara le garde.
« Hm-mm, n’y pensez plus. Je voulais aider en la sauvant, alors je l’ai fait, c’est tout, » déclara Ristia, cette fois avec un sourire plus pur et plus innocent. L’homme regarda ce sourire innocent et s’exclama avec adoration.
« … On dirait que votre présence ici pour sauver des enfants n’est pas un mensonge. Êtes-vous par hasard une sorte de sainte femme en pèlerinage, ou quelque chose comme ça ? » demanda le garde.
« Pas du tout. Je suis juste une fille normale. Mais je dis la vérité quand je dis que je veux aider les enfants ! » déclara Ristia.
« Hmm… Je ne comprends pas très bien ce qui se passe, mais vous n’avez pas l’air mal disposé. Dans ce cas, je vous délivrerai votre plaque d’identité, » déclara le garde.
« “Plaque d’identité” ? » demanda Ristia.
« Oui, on vérifie tous les jours s’il y a des personnes suspectes ici. Les plaques d’identité servent de preuve que vous êtes bien passé par ici pour un contrôle, » expliqua le garde.
« Oh ? Vous faites ça ? » La famille des Sangs Véritables était si peu nombreuse qu’il n’était pas exagéré de dire qu’elle connaissait chaque membre. C’est pourquoi, comme il était naturel qu’ils n’aient pas mis en place un tel système, Ristia avait trouvé que ce concept nouveau avait un sens.
« Je vais imprimer votre nom et votre profession sur un document, alors pourriez-vous me dire ce que c’est ? » demanda le garde.
« Je m’appelle Ristia Granshes. Mon métier est… Une fille normale ? » répondit Ristia.
« … Hmm. Eh bien, je suppose que ça va marcher, » le soldat avait inscrit son nom et son occupation sur une petite plaque à l’aide d’un objet magique. « Et ça devrait… faire l’affaire. Les frais d’inscription sont d’une pièce d’argent. »
« Par “pièce d’argent”… vous voulez dire de l’argent, exact ? » demanda Ristia.
« C’est exact, mais… Je suppose que vous n’en avez pas ? » demanda le garde.
« Euh, eh bien… Ouais, » répondit Ristia.
Le soldat avait l’air surpris. Une pièce d’argent n’était en aucun cas un prix élevé. L’histoire aurait été différente si c’était un enfant, mais il était difficile d’imaginer qu’un voyageur, et encore moins une jeune fille comme celle-ci seraient sans le sou.
« Lady Ristia, je paierai pour vous ! » déclara Nanami, offrant d’aider Ristia. Cependant, Ristia elle-même semblait troublée. C’était ainsi parce qu’en tant que Grande Sœur respectable, elle ne pouvait pas se permettre d’être gâtée par l’une de candidates pour être sa petite sœur.
« Dites, Monsieur ? Au lieu d’argent, je peux… vous donner autre chose ? » demanda Ristia.
« Quelque chose d’autre ? Eh bien, vous avez apparemment sauvé la vie de Nanami. Si vous avez quelque chose d’équivalent à une pièce d’argent, alors je serais prêt à le prendre. Mais… qu’est-ce que vous proposez ? » demanda le garde.
« Euh, eh bien… Qu’est-ce que vous pensez de ça ? » Ristia avait sorti une sacoche en cuir de sa boîte à objets.
« Hm ? Où est-ce que vous venez de sortir ça… ? Attendez, oubliez ça, vous avez un sacré sac, » déclara le garde.
« Hm-mm, ce n’est pas un sac à main, il y a un catalyseur utilisé pour les objets magiques ~, » de l’intérieur, elle avait sorti une petite pierre d’un noir de jais. Elle avait été taillée avec dix-sept côtés, ce qu’on appelle une « coupe simple ». C’était, comme son nom l’indique, simple — mais à la fois très délicate selon les normes de ce monde.
« Attendez une seconde, Lady Ristia ? » demanda Nanami avec timidité, tirant sur l’ourlet de la robe de Ristia. Cependant, ne voulant pas être gâtée par sa future petite sœur, Ristia avait coupé la parole à Nanami avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit. « Désolée, ça devra attendre. » Elle avait ensuite remis la pierre noire au soldat.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est très joli, mais est-ce une sorte de pierre précieuse ? » demanda le garde.
« C’est une pierre que j’ai moi-même faite, » déclara Ristia.
« Oh ho… Alors vous l’avez fait, Petite Mademoiselle ? » demanda le garde.
S’il y avait eu des aristocrates, ils auraient été captivés par la beauté de la pierre. Et s’il y avait des sorciers, ils seraient stupéfaits par les niveaux de mana que contient la pierre. En fait… Nanami, elle-même, une sorcière en herbe s’était déjà trouvée abasourdie. Pour le meilleur ou pour le pire, le soldat ne l’avait reconnu que comme une jolie pierre.
« Alors allez-vous payer le péage avec cette pierre ? » demanda le garde.
« Ouaip. Oh, est-ce… d’accord ? » demanda Ristia.
« Hmm… Je ne vois pas de problème. Je ne sais pas vraiment à quel point il est précieux, mais je suis sûr qu’il ne vaut pas moins qu’une pièce d’argent. J’en ferai un pendentif et je le donnerai à ma femme, » chuchota le soldat en le regardant d’un air aimable.
« … Monsieur, avez-vous une femme ? » demanda Ristia.
« Bien sûr que si. Une femme et une fille, » déclara le garde.
« Une… fille ? Juste une seule ? N’en avez-vous pas pour une seconde ? » demanda Ristia.
« … Ce serait bien si on pouvait. Ma femme n’est pas en très bon état, vous voyez, » déclara le garde.
« Elle est malade ou quoi ? » demanda Ristia.
« Oui, quelque chose comme ça…, » déclara le garde.
« Oh, je vois. D’accord. Attendez une seconde, » déclara Ristia.
Elle avait sorti des objets de sa boîte à objets et jeta un sort de magie du sixième niveau — le plus haut niveau de magie que l’on puisse utiliser sans cercle magique ou incantation. Les yeux de Nanami et du soldat se dirigèrent vers la main de Ristia, où les matériaux changèrent de forme sous leurs yeux et se transformèrent en pendentif avec une pierre magique noire.
« Eheh, d’accord. Votre pendentif est terminé ~, » déclare Ristia.
« Attendez une seconde. Tout à l’heure, qu’est-ce que vous avez fait… ? » demanda le garde.
« Oh, c’est juste ma gâterie ~ c’est enchanté afin d’améliorer l’état de votre femme, donc une fois qu’elle ira mieux, assurez-vous de tout faire pour avoir ce deuxième enfant, OK ~ ? » déclara Ristia.
« Jeune Mademoiselle, je… Je vous remercie ! Tenez, prenez ça en gage de ma gratitude. » Le soldat lui avait tenu le poignet, lui faisant ouvrir la paume. À l’intérieur, il avait déposé deux pièces d’argent.
« Mais…, » déclara Ristia.
« Je vous invite, mademoiselle. Cela vous permettra au moins de passer une nuit dans une auberge, » déclara le garde.
« Merci, Monsieur ~ ! » Ristia le remercia d’un sourire pur et simple.
« Nanami ne mentait pas quand elle a dit que vous étiez un ange, » déclara le garde.
« Bien que je sois juste une fille normale ~ ! » répondit Ristia.
« D’accord, d’accord. J’ai compris. Alors, mademoiselle la “fille normale”, j’ai une faveur à vous demander, » déclara le garde.
« Hm ? Oui ~ ~ ? » demanda Ristia.
« Pendant votre séjour dans cette ville, je souhaiterais que vous deveniez amie avec ma fille si jamais vous avez l’occasion de la rencontrer. Elle veut une sœur depuis un moment, » déclara le garde.
« … !! Oh, oui, oui, oui ! C’est réciproque ! » Super ! Une candidate pour ma mignonne petite sœur ~ pensa Ristia avec un sourire d’une oreille à l’autre.
« Très bien, je suis sûr que vous vous entendrez bien, » déclara le garde.
« OK. Merci, Monsieur ~, » le soldat avait regardé les deux filles qui avaient franchi la porte d’entrée de la ville.
Merci pour le chapitre!