Kimi to Boku no Saigo no Senjo – Tome 9

***

Prologue : Bienvenue chez vous

« … »

Ses poignets et ses chevilles semblaient lui brûler, provoquant de la douleur. Elle tenta de se débattre, mais elle avait l’impression que tout son corps était immobilisé. La sensation de claustrophobie et la pression ramenèrent Sisbell à la raison.

« … Où est-ce que je me trouve ? »

Sa gorge était terriblement douloureuse et ses lèvres sèches, elle devait donc être partie depuis un moment.

« Où… suis-je… ? »

Elle ouvrit les yeux.

Sisbell Lou Nebulis IX était sur le dos. En raison des chaînes rouillées qui entravaient ses membres, elle pouvait à peine bouger.

La pièce était petite, vieille et sale. Le plafonnier s’était probablement cassé il y a des années, et la seule lumière, si l’on peut même l’appeler ainsi, venait d’entre les lattes des planches de bois qui bordaient les fenêtres fermées.

« … »

Des fissures décoraient les murs en béton et les coins étaient remplis de toiles d’araignées. Bien qu’elle n’ait pas pu apercevoir le sol depuis l’endroit où elle était attachée sur le lit, elle était certaine qu’il était recouvert d’une épaisse couche de poussière.

… Je ne peux pas croire qu’ils m’aient mise, moi, une princesse, dans un endroit aussi répugnant.

… Quelle effronterie !

Les choses lui revinrent peu à peu.

Elle était sûre d’avoir été dans l’État central de la Souveraineté jusqu’au moment où elle avait perdu connaissance. Hydra, l’une des familles royales, la gardait captive dans son fief lorsque la sorcière nommée Vichyssoise lui rendit visite.

+

« Je te garantis qu’il vivra tant que tu m’obéiras. Ton pouvoir astral est utile, après tout. »

« … Qu’avez-vous l’intention de me faire faire ? »

« Tu le sauras quand tu te réveilleras. »

+

C’est là que ses souvenirs s’étaient brusquement arrêtés. Et maintenant, elle était revenue à elle.

L’inquiétante proclamation de Vichyssoise prit de plus en plus d’ampleur dans sa poitrine.

… Pendant que j’étais inconsciente…

… ils m’ont emmenée dans un nouvel endroit ?

Que préparait Hydra ?

Apparemment, ils avaient des vues sur le pouvoir astral d’Illumination qui habitait Sisbell. Était-ce pour cela qu’on l’avait amenée dans cette pièce sinistre ?

« … Y a-t-il quelqu’un ? Je suis sûre que vous avez des caméras de surveillance cachées quelque part ici ! Et que vous pouvez m’entendre ! » s’étouffa-t-elle alors qu’elle était toujours allongée à plat ventre sur le lit. La poussière qui recouvrait la pièce lui faisait mal à la gorge, mais elle n’y prêta pas attention. « Si vous voulez m’amadouer, vous devriez au moins me préparer des quartiers un peu plus agréables. Et enlevez-moi ces entraves ! »

Mais même s’ils avaient préparé une chambre d’hôtel dans l’établissement le plus luxueux qu’ils aient pu trouver, il était hors de question que Sisbell se plie aux caprices d’Hydra.

« Vous m’écoutez ? »

+

« Oh là là. Il semble qu’il y ait eu un malentendu. »

+

Creak…

La porte s’ouvrit, accompagnée d’un bruit de métal rouillé qui s’entrechoquait. Une femme plus âgée que Sisbell entra.

« Enchantée de vous rencontrer. Et bienvenue chez vous », déclara-t-elle.

« … »

« Je suppose que vous êtes du genre timide. Vous hurliez à pleins poumons, mais vous vous êtes tue dès que je suis arrivée. »

Sisbell avait vu rouge.

Une femme aux cheveux roux qui semblaient ne pas avoir été coiffés depuis des années était apparue. Sa peau cendrée suggérait la malnutrition, et les cernes sous ses yeux trahissaient son insomnie. Elle portait une blouse blanche délavée qui la faisait passer à première vue pour un médecin ou un chercheur, mais…

… Qui est cette dame ?

… J’ai un mauvais pressentiment à son sujet. Rien qu’à voir la façon dont elle me regarde.

Les yeux de la femme étaient vides — les yeux d’un passant qui avait vu une boîte de conserve vide abandonnée dans la rue et qui avait continué à marcher.

« … J’ai beaucoup de questions à vous poser », dit Sisbell en la regardant fixement. « Vous êtes venue ici parce que vous avez répondu à ma demande, n’est-ce pas ? Alors pourriez-vous m’éclairer sur ce qui se passe ? »

« Allez-y. Mais ma réponse dépendra de mon humeur », répondit la femme.

« Où se trouve cet endroit ? » Sans attendre de réponse, Sisbell poursuit. « Qui êtes-vous ? Pourquoi me gardez-vous captive ici ? Combien de temps allez-vous encore le faire ? … Et surtout, pourquoi avez-vous dit “bienvenue chez vous” ? »

« Vous commencez avec une question tellement ambiguë », murmura la femme en blouse blanche en enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon noir. « Si vous voulez savoir le nom du pays dans lequel vous vous trouvez, c’est l’Empire. »

« … Qu’avez-vous dit ? »

La colère avait envahi Sisbell avant qu’elle ne ressente une poussée de peur.

L’Hydra, et Talisman, le chef de famille — cela signifiait-il qu’il l’avait livrée, elle, une princesse souveraine, à l’Empire entre tous les lieux possibles ?

« Si vous avez des questions au sujet de cette installation, nous en discuterons plus tard », poursuivit la femme.

« … Nous le ferons ? »

« C’est en rapport avec votre dernière question. Quant à votre deuxième question sur mon identité, je n’ai malheureusement pas l’intention de me présenter. »

Clac.

Le manteau de la femme se mit à flotter à mesure qu’elle s’approchait. Elle arriva à la hauteur des yeux de Sisbell, où la jeune fille était attachée au lit — non, encore plus près que cela. Leurs visages se touchèrent presque lorsque la femme se pencha pour la regarder.

« Un directeur de l’Institut Omen pour la recherche astrale… c’est ce que j’étais. »

« … ? »

« Mais je ne le suis plus. Maintenant, je suis Kelvina Sofita Elmos, analyste indépendante. Oh, mais je ne pense pas qu’il y ait vraiment quelque chose de physiquement féminin en moi. »

Elles étaient presque assez près l’une de l’autre pour que leurs nez se rencontrent. Quelque chose frôla la poitrine de Sisbell.

« Eek !? », s’écrie-t-elle.

« Pourquoi êtes-vous si surprise ? Tout ce que je fais, c’est vous examiner en ce moment. »

Lorsque Sisbell sentit le bout des doigts de la femme — le bout des doigts de la chercheuse nommée Kelvina — la tripoter, elle cria sans le vouloir.

« Arrêtez ! Espèce de brute… ! »

« Vous tenez vraiment de votre sœur. »

« Quoi ? »

« L’énergie de votre crête astrale est extrêmement faible », remarqua Kelvina. « J’avais pensé que les descendants de la Fondatrice émettraient tous une puissante énergie astrale, mais il semble que ce ne soit pas le cas pour vous ni pour Elletear. »

Elle se redressa.

Les mains posées sur la poitrine de Sisbell — ou, pour être plus précis, sur sa crête astrale — s’éloignèrent et reprirent négligemment leur place dans les poches de Kelvina.

« Pour répondre à votre troisième question, vous êtes ici en tant qu’échantillon de recherche. Je ne sais pas combien de temps vous resterez. Jusqu’à ce que je sois satisfaite, si je me risquais à deviner. »

« … »

Sisbell était restée sans voix.

Plus que la honte de se voir tripoter la poitrine ou d’être traitée comme un objet de recherche, c’est le nom invoqué par Kelvina qui horrifia vraiment Sisbell.

Elletear.

Pourquoi cette femme étrange avait-elle mentionné la première princesse de la famille Lou ?

« C’est le berceau des sorcières. J’ai cru comprendre que vous aviez vu Vichyssoise. C’est elle qui vous a amené ici. »

« … Des sorcières ? »

C’était le terme péjoratif utilisé par l’Empire pour désigner les mages astraux. Techniquement parlant, Sisbell était aussi une sorcière, et la plupart des citoyens vivant dans la souveraineté de Nebulis entraient dans cette catégorie. Cependant… ce que Kelvina entendait par sorcières était tout autre chose — un mage astral qui avait renoncé à son humanité. En d’autres termes, l’étoffe des fables — un monstre et un signe avant-coureur de désastre.

… Le berceau des sorcières.

… Ce n’est pas possible. Alors c’est comme ça que Vichyssoise a fini par ressembler à ça ?

Avait-elle été le résultat d’une expérimentation humaine barbare ? Et cela avait-il eu lieu dans l’Empire ?

« Vichyssoise a bien tourné, » poursuit Kelvina. »Elle a été le premier sujet stable que nous avons créé ici. »

« Aux mains des impériaux ? »

Sa rage l’emporta de loin sur sa peur d’être retenue en captivité.

« Vous traitez les mages astraux comme des sorcières et vous créez vous-mêmes des monstres ! »

« Cela s’applique également à votre sœur. »

« … Hein ? »

« Vous n’avez pas entendu ? Votre sœur Elletear était aussi ici, dans le Sarcophage d’Elza. Je suppose que la différence entre les deux est que son séjour était volontaire. Elle a fait tout le chemin depuis la Souveraineté pour subir l’opération qui lui permettra de devenir une sorcière. »

« … »

Elle ne comprenait pas.

Quoi ?

Que disait cet impérial ? La première princesse de la maison Lou, sa sœur Elletear, était venue de son plein gré dans l’Empire ?

« M-Mensonges ! »

« Croyez-moi ou ne me croyez pas. » Kelvina gratta ses cheveux roux ébouriffés et sourit faiblement. « Votre sœur était magnifique. »

Puis elle regarda le plafond sombre, fixant l’air, comme si elle se remémorait le passé.

« Normalement, je ne m’intéresse pas au corps humain, mais elle faisait exception à la règle », déclara-t-elle. « Elle était si captivante, sensuelle même. Sa forme nue n’était pas celle d’une déesse. Non, c’était celle d’un démon, d’un démon qui prend tous les hommes au piège… et même mes doigts tremblaient sous l’effet de l’excitation lorsque j’ai posé les yeux sur elle pour la première fois. »

« … Je ne veux rien entendre de tout cela. Je ne veux pas connaître vos goûts. »

« Mais elle faisait un très mauvais spécimen. »

« Quoi ? »

« Elle n’avait pas le niveau d’obéissance que je souhaitais. C’est pourquoi j’ai besoin d’une alternative. Un sang pur. Si je devais décrire mon idéal, ce serait quelqu’un de la même lignée qu’elle — ! »

Sa blouse blanche se souleva. À gauche et à droite de la chercheuse, des rangées de seringues contenant des produits chimiques faiblement lumineux.

« Oui, c’est vous, troisième princesse Sisbell. »

« Qu’est-ce que vous dites ? »

« C’est pourquoi j’ai déjà dit cela. Bienvenue à la maison. Je suis sûre que je pourrai obtenir des recherches de qualité sur les anticorps de quelqu’un de la même lignée qu’elle. Maintenant, quelle injection préférez-vous en premier ? »

+

Territoire impérial ? Le Sarcophage d’Elza.

Le cri de la princesse retentit dans le berceau des sorcières.

***

Chapitre 1 : Le paradis des sorcières

Partie 1

L’État central.

Une chambre d’hôtel au cœur de la métropole. Près du palais de Nebulis.

« Hein ? C’est bizarre. Où est-ce que je l’ai mis ? » demanda Néné. La membre de l’unité impériale 907 regarda sa valise grande ouverte et pencha la tête d’un air perplexe.

Néné Alkastone. Ses cheveux roux coiffés en une volumineuse queue de cheval, et ses grands yeux faisaient une forte impression. Elle arborait un sourire joyeux et amical. Bien qu’elle n’ait que quinze ans, ses membres longs et fins lui donnaient un air de maturité, comme un mannequin.

« J’ai beau les compter, il m’en manque toujours un… », murmura-t-elle.

« Qu’y a-t-il, Néné ? Qu’est-ce que tu cherches ? »

La commandante qui s’était approchée d’elle était Mismis. Contrairement à Néné, précoce, Mismis avait encore l’air d’une adolescente à vingt-deux ans, à cause de son visage de bébé.

« Nous devons partir bientôt », dit Mismis. « Nous devons retrouver Mlle Rin dans le hall de l’hôtel. »

« Attends, Commandante ! Laisse-moi juste un tout petit peu plus de temps pour le chercher ! »

« Qu’est-ce qui te manque ? »

« Ma serviette. » La réponse de Néné fut un objet étonnamment familier. « Je ne trouve pas une des serviettes que j’ai ramenées de l’Empire. »

« … Oh. Juste ça ? J’avais peur qu’il s’agisse de quelque chose d’important. » Mismis se fendit d’un sourire crispé. « J’étais persuadée que tu avais perdu tes sous-vêtements. Tout comme moi. »

« Commandante !? Attends, qu’est-ce que tu viens de dire ? »

« Oh, ce n’est rien. Tu ne devrais pas trop t’en inquiéter, Néné. Qu’y a-t-il de mal à laisser une serviette à l’hôtel ? »

« Hmm… », fredonna-t-elle.

« Était-elle spéciale ? »

« Pas vraiment, mais je l’ai fait moi-même. Et j’ai fait du très bon travail, alors c’était l’une de mes préférées. » Néné croisa les bras, l’air mal à l’aise. « Je suppose que c’est bon. Je n’ai qu’à en faire une nouvelle. Mais je me demande à quel point ça va brûler. »

« … À quel point ça va brûler ? » répéta Mismis.

« Oui. Avec une flambée de cette taille. » Néné sortit un briquet, qui produisit une flamme discrète lorsqu’elle l’alluma. « Si je la mets en contact avec ça, la serviette devrait créer une explosion géante. Je l’ai apportée de l’Empire parce qu’elle a assez de force pour réduire en miettes tout le hall de l’hôtel. Tu sais, pour l’autodéfense. »

« Néné, c’est plus destructeur que défensif ! » s’exclama Mismis.

« J’espère que personne ne l’a prise par mégarde… »

« Nous devons trouver cette chose maintenant ! C’est une urgence ! »

« Mais c’est justement ce que je n’ai pas réussi à faire », déplora Néné.

Ding-dong. La sonnette de leur suite retentit.

« Hé, patronne, Néné, il faut qu’on arrive vite au hall », déclara Jhin, le tireur d’élite aux cheveux argentés, en surgissant du couloir. Il portait un sac de voyage sur l’épaule gauche et un sac de golf dissimulant son fusil de sniper sur l’épaule droite.

Jhin montra une serviette qu’il tenait en main.

« Nous avons aussi trouvé cette chose sur le sol dans la chambre d’Iska et la mienne. C’est à toi, patronne ? »

« Uhhh ! » Néné désigna l’objet et s’écria. « C’est ça ! C’est ça ! C’est la mienne ! Oh, lors de la réunion de tout à l’heure, j’ai dû — ! »

« Quoi ? C’est la tienne ? Elle avait l’air bizarre et abîmée, alors j’ai pensé que c’était celui de la patronne. »

Jhin commença à vouloir donner la serviette à Néné…

… mais il se tourna plutôt vers le couloir.

« C’est sale, alors je vais la jeter. Ce truc peut aller dans la poubelle des combustibles, non ? »

« Tu ne peux pas la brûler ! »

« Mets-la avec les produits ininflammables ! »

Néné et Mismis se précipitèrent pour l’arrêter.

+++

Premier étage de l’hôtel. Entrée principale.

Une partie du hall d’entrée remplie de touristes et d’hommes d’affaires.

« … Sistia ? »

Iska ouvrit un œil et jeta un coup d’œil lorsqu’il entendit des bruits de pas derrière lui.

Là, dans un recoin près d’un pilier qui soutenait le plafond… se tenait une brune. Sistia, une mage astrale dotée du pouvoir astral d’Écho et servante de la maison Lou. Elle cligna des yeux, les yeux écarquillés par la surprise.

« … Comment avez-vous su que c’était moi ? N’étiez-vous pas détourné de moi ? »

« Vos pas m’ont mis la puce à l’oreille », expliqua Iska.

« Eh bien, je m’attendais à ce que vous disiez cela, mais je ne suis pas le seul serviteur de la Maison Lou qui pourrait s’approcher de vous, que vous puissiez m’entendre ou non. Pourquoi n’avez-vous pas pensé que c’était Nami, Yumilecia, Ashe ou Noel ? »

« Bien sûr, mais… » Iska se contenta d’un haussement d’épaules nonchalant en réponse à sa question, que n’importe qui dans sa position aurait posée. « Nous sommes ensemble dans cet hôtel depuis près d’une semaine. Je devais tôt ou tard mémoriser vos pas, que je le veuille ou non. »

« Vous voulez dire que vous avez mémorisé le son de nos cinq foulées ? »

« Ce n’est pas tant le son que le rythme. Je ne serais cependant pas en mesure de dire si vous avez commencé à accélérer le rythme. »

« Bizarre. »

« … Un peu plus de positivité serait appréciée. »

« En tant que serviteur de la maison Lou, je ne peux pas faire l’éloge d’un soldat impérial. »

Elle était vraiment implacable. D’un autre côté, c’était probablement ainsi que leur relation devait se dérouler, puisqu’il était inouï, voire sans précédent, que des soldats impériaux comme eux se trouvent ici, dans la souveraineté de Nebulis, le Paradis des sorcières.

« Alors, pour être clair, pouvez-vous vraiment vous permettre de dire “soldat impérial” au grand jour ? »

« J’étouffe bien sûr nos voix en utilisant mon pouvoir astral. Toute personne se trouvant à plus de cinq centimètres de nous ne pourrait rien entendre. »

Son pouvoir astral Écho pouvait aspirer les sons. Elle avait servi de détecteur à l’institut de recherche sur le pouvoir astral de l’Hydra, Neige et Soleil, lorsqu’ils étaient à la recherche de Sisbell.

« Nous avons reçu un message de Dame Rin. Bien que les préparatifs aient pris du temps, il semblerait que votre départ soit imminent. L’avion a également été arrangé, comme prévu. »

« Et vous ? »

« Nous, les serviteurs, retournerons à la planque une fois que vous aurez quitté l’hôtel. Il faudra attendre que la reconstruction de la villa soit terminée. »

« Compris. »

« Veuillez vous préoccuper davantage de la sécurité de Lady Sisbell que de la nôtre. »

À côté d’Iska, la brune s’appuyait tranquillement sur le pilier géant.

« Lady Sisbell a été emmenée en territoire impérial. Vous en êtes certain, n’est-ce pas ? »

« C’est tout ce que nous pouvons supposer. C’est notre seul et unique indice. »

Selon la princesse Mizerhyby, l’Hydra avait enlevé Sisbell. C’était leur objectif depuis le début.

+

« N’est-ce pas ce que recherche le sorcier ?

« Demandez-lui de le faire. Et demandez-lui comment il connaît le descendant grégorien. »

+

Mizerhyby Hydra Nebulis IX, la prochaine chef de famille. Iska avait réussi à lui voler une de ses boucles d’oreilles.

… Le descendant grégorien, hein.

… Je n’en ai jamais entendu parler, et il semble que Rin et Alice n’en aient jamais entendu parler non plus.

Il s’agissait probablement d’un mot de code d’Hydra. Bien qu’il fasse probablement référence à un complot visant à renverser la nation, leur priorité absolue pour le moment était de retrouver Sisbell.

« S’il vous plaît, assurez-vous de la ramener. » Sistia releva la tête et le fixa, son regard intense le transperçant pratiquement. « Vous m’avez dit une fois : “Si je ne peux pas le faire, vous pouvez prendre vous-même ma vie”. »

« Je ne me répète pas, » répondit-il.

« Ce ne sera pas nécessaire. Je suis seulement venue ici pour confirmer que vous l’avez bien dit. »

La jeune fille aux cheveux bruns se leva, puis poussa un long soupir, comme pour se soulager de quelque chose.

« Et prenez soin de Dame Rin. »

« Je pense qu’aucun d’entre nous n’a à s’inquiéter pour elle. »

« C’est vrai. Elle est forte. » Sistia se força à rire. « Dame Rin est plus qu’une simple assistante royale, elle détient des multitudes. Tout ce que je peux accomplir, ce sont des corvées, mais elle est membre de la Garde Astrale. Elle fait partie de l’élite, plus haut que je ne pourrais jamais aspirer, et elle a été choisie par Sa Majesté elle-même. Je n’aurais pas dû m’inquiéter. »

Sistia se retourna. Elle se fondit dans la foule des touristes qui marchaient dans le couloir, son dos en retrait disparaissant rapidement.

Iska était resté seul.

« … Je me demande si la capitaine Mismis et les autres ont déjà fini. »

Il porta le sac de golf en cachant ses épées astrales tout en regardant autour de lui.

+++

Le palais de Nebulis. Également connu sous le nom de forteresse planétaire.

Autrefois, d’innombrables puissances astrales s’étaient rassemblées et cristallisées pour créer la forteresse. Les flammes ordinaires ne pouvaient pas endommager les salles. Même si une bombe tombait dessus, le palais serait capable de se reconstituer en une seule nuit.

Et en effet, dans la flèche des étoiles, demeure de la famille Lou, il n’y avait pas une seule égratignure sur les murs extérieurs. Malgré l’incendie provoqué par le bombardement des forces impériales, les murs étaient déjà entièrement restaurés.

« Nous n’avons pas à nous inquiéter pour le palais royal ! Bien que la reine n’ait pas encore guéri, je m’assurerai de la soutenir de façon remarquable ! »

La flèche des étoiles.

Dans la boîte à bijoux des cloches, le cabinet privé de la princesse, Alice plaça sa main sur sa poitrine et déclara d’un ton retentissant : « Maintenant, Rin. »

« … » Sa servante resta silencieuse.

« Aujourd’hui, à la mi-journée, tu quitteras la Souveraineté. Tu le feras pour le bien de la Maison Lou, de la Souveraineté et de notre avenir. Tu dois infiltrer l’Empire ! »

 

 

« … Haaah. »

« Je compte sur toi, Rin. Personne d’autre ne serait capable de mener à bien une tâche aussi importante ! … Attends, qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es très pâle. »

« … Est-ce que cela semble être le cas ? Je suppose que oui. »

Rin était apathique. Toujours aussi pâle, Rin Vispose, l’assistante d’Alice, soupira. C’était d’ailleurs son dix-huitième soupir de la journée.

« … Lady Alice », implora Rin.

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda Alice.

« Ma famille a servi la famille royale de génération en génération. Mon père et son père se sont occupés successivement de la maison Lou. Et je t’ai servie, toi, la candidate la plus probable à la succession de la reine, que les gens considèrent déjà comme le monarque actuel, depuis que nous sommes enfants. »

« Oui, c’est exactement comme tu le dis. » Alice acquiesça sans hésiter. « Je suis la personne que je suis aujourd’hui grâce à toi. Je t’en suis vraiment reconnaissante. »

« Oui. Et mon désir de te servir était si grand que j’ai travaillé comme ton serviteur et me suis consacrée à l’entraînement pour devenir ton garde. »

Chaque membre de la famille Nebulis avait deux assistants. L’un servait de servante pour les activités quotidiennes. L’autre était un membre de la Garde astrale, une escorte qui protégeait la vie du membre de la famille. Seuls les mages astraux ayant suivi un entraînement rigoureux et passé des examens finaux administrés personnellement par le chef de famille pouvaient être nommés à ce poste.

Rin avait accompli ces deux rôles toute seule. En cela, elle était unique, une exception. Parmi les trois familles, les Lou, les Zoa et les Hydra, Rin était la seule servante à remplir les deux fonctions pour sa princesse.

« Je suis heureuse si tu es heureuse, Lady Alice », dit-elle. « Tant que je suis à tes côtés, je ne manque de rien. »

« Oui, nous avons un lien très fort. »

« Mais si je peux parler en mon nom propre ? »

« Oui, Rin ? »

« Pourquoi me fais-tu aller dans l’Empiiiire !? » s’écria la servante, vêtue d’un costume sombre qu’elle portait pour les sorties. C’est dans ce costume qu’elle se rendrait à l’Empire. « … Argh, je n’arrive pas à y croire. »

« Tu vas sauver Sisbell. Tu n’auras à le supporter qu’une semaine tout au plus. »

« J’en suis tout à fait consciente, mais… »

Les épaules de Rin s’affaissèrent. Alice saisit la main de son accompagnatrice, inhabituellement abattue, et hocha légèrement la tête.

« Ne sois pas si morose. Regarde. Tu peux garder ceci en sécurité. »

Elle plaça une boucle d’oreille à l’image d’un soleil dans la paume de Rin. Il s’agissait de la boucle d’oreille appartenant à la princesse Mizerhyby de l’ Hydra, qu’Iska avait volée au centre de recherche sur le pouvoir astral Neige et Soleil. Ils avaient appris qu’elle contenait une carte IC particulière.

« Iska a dit que la princesse appelait cela le Descendant Grégorien, n’est-ce pas ? »

« Oui. Et nous pensons qu’il s’agit d’un des secrets de l’Hydra. Il est fortement crypté, nous aurons besoin de spécialistes pour le décrypter en texte lisible. Les seules informations que nous avons pu voir sont… »

« Où ils emmènent Sisbell. C’est pourquoi je te le laisse. »

***

Partie 2

Elle se trouvait en dehors de la souveraineté. Sisbell, la troisième princesse Lou, avait été emmenée dans l’Empire. Il est tout à fait plausible que l’Hydra et les forces impériales soient liées.

… L’Empire veut une race pure, après tout.

… L’Hydra pourrait-elle demander une rançon à l’Empire en échange de Sisbell ?

Et cela ne s’arrêtait pas à sa sœur. Deux autres avaient disparu à la suite de l’invasion du palais par les forces impériales :

— Maison Lou, princesse aînée Elletear.

— Chef des Zoa, Growley.

Il n’y avait pas à s’y tromper. Selon toute vraisemblance, ces deux-là avaient été emmenés dans l’Empire, tout comme Sisbell.

« Il est impératif de renverser la vapeur. J’ai besoin que vous intériorisiez cela, Rin. »

« J’en suis profondément consciente. » Rin se renfrogna. « Nous devrions pouvoir découvrir les coupables de l’invasion du palais en utilisant le pouvoir astral d’Illumination de Lady Sisbell. Tu peux être sûre que je la sortirai de là. D’autant plus que nous avons besoin d’elle… pour dévoiler les plans d’Hydra. »

Rin se retourna et fit face à une fille qui avait observé son échange avec Alice depuis un coin du salon.

« Je compte sur vous pour rester aux côtés de Lady Alice pendant mon absence », lui dit Rin.

« Oui, madame… ! »

Elle avait à peu près l’âge de Sisbell.

Le visage de la petite fille portait encore les traces de l’enfance, et ses cheveux noirs avaient été coupés jusqu’aux épaules. Une faible lumière grise émanant d’une crête astrale, preuve de son statut de mage astral, brillait sur sa nuque.

Elle possède une crête astrale de type Silhouette, qui peut créer des doubles.

« J’ai des ordres de Sa Majesté. Dès que vous quitterez les côtés de Lady Alice, Mlle Rin, les Zoa et les Hydra en prendront note. Ils auront probablement des soupçons. »

« Je pense qu’ils comprendront d’ici une semaine. Mais je suis sûre qu’en maintenant vos pouvoirs astraux aussi longtemps, vous vous fatiguerez. »

« Pas du tout ! J’y mettrai tout ce que j’ai… ! »

La jeune fille s’inclina. Au même instant, des étincelles jaillirent. Sa forme commença à se défaire comme un fil alors qu’une autre fille se matérialisait à sa place — une fille aux cheveux bruns et aux traits acérés portant un uniforme de femme de ménage — une autre Rin.

« Lady Alice », dit-elle avec la voix de Rin. « Rin Vispose, voici ce que j’ai à t’offrir… Cela vous convient-il ? »

« Cela fonctionnera à merveille. » Alice fit un signe de tête ferme à la jeune fille qui s’était déguisée en Rin. « Ta voix a une intonation légèrement différente, mais je suis sûre que personne ne remarquera une distinction aussi subtile. Cela fonctionnera pendant une semaine. »

Cette fille était la secrétaire spéciale des Lou. Malgré son jeune âge, elle était le premier choix de la famille royale lorsqu’elle avait besoin d’une doublure. En général, elle remplaçait la reine, mais cette fois-ci, elle était chargée de remplacer secrètement Rin.

« Qu’en penses-tu, Rin ? Puisque c’est toi, après tout. »

« … »

La Rin en costume fixa la Rin en uniforme de ménage. La vraie regarda l’autre fille de la tête aux pieds à plusieurs reprises.

« Je ne vois aucun problème. Mais si je dois faire un commentaire, je crois que le vrai moi a des épaules un peu plus hautes, un nez plus marqué et, bien sûr, une poitrine un peu plus large. »

« … Euh, euh, » balbutia la jeune fille qui se faisait passer pour la préposée, incroyablement hésitante. Elle baissa le visage. « Mes pouvoirs astraux reproduisent la forme des autres… donc mes traits et ma corpulence sont exactement les mêmes que les vôtres, Mlle Rin. »

« … »

« Donc… c’est-à-dire, si vous êtes préoccupée par ma poitrine, alors… »

« Euh, euh… Arrêtez-vous là ! »

Qu’est-ce qu’elle est en train de faire ? Prédisant ce que le doppelgänger allait dire, Alice l’arrêta en l’appelant.

« Assez parlé de poitrines ! » s’exclama la princesse. « Veuillez vous abstenir de blesser davantage la fierté de Rin ! »

« Qu’entendez-vous par là, Lady Alice ? »

« Je lui fais déjà subir assez de détresse en l’envoyant à l’Empire ! Je n’accepterai pas qu’elle souffre encore plus ! Fais comme si le buste de Rin était plus gros que le tien ! »

« Ne vois-tu pas que cela va encore plus me blesser ? » s’exclama sa servante. « Je ne t’ai jamais demandé de faire cela ! »

« Voilà, voilà », dit Alice. Elle prit la main de son assistante au visage rouge pour lui serrer la main en guise d’adieu. « Lorsque tu reviendras de l’Empire, j’espère que l’expérience d’avoir surmonté une mission aussi terrible t’aura fait grandir dans ton corps et dans ton esprit. Surtout au niveau de la poitrine. »

« Je trouve cela absolument inutile ! » Rin serra sa valise dans ses bras et sortit en courant de la chambre de la princesse. « Mais bon, d’accord ! Dans ce cas, je ferai en sorte de revenir encore plus riche que toi, Lady Alice ! »

+++

Souveraineté des Nebulis. Quatrième État de Zahlfahlen.

Aéroport international de Zahl. L’aéroport le plus proche de l’État central.

« D’accord. J’ai essayé de garder le moral devant Lady Alice, mais maintenant que nous sommes sur le point d’embarquer dans l’avion, je me sens si déprimée… », murmura gravement Rin.

« Hein ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Pourquoi t’es-tu arrêtée tout d’un coup ? » Iska se retourna brusquement.

Rin était dans son tailleur parfaitement repassé, ses bagages à la main. Elle avait l’air d’une femme d’affaires en route pour un voyage d’affaires dans un autre pays.

« Nous sommes censés ne pas éveiller les soupçons à l’aéroport. C’est toi qui nous l’as dit, Rin. »

« … Iska. »

Rin lui lança un regard amer. La seule raison pour laquelle elle ne l’avait pas appelé épéiste impérial, sa manière habituelle de l’appeler, était qu’ils se trouvaient dans un aéroport souverain. Ils ne pouvaient pas risquer que quelqu’un les entende.

« Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens. Comment pourrais-tu comprendre l’agonie de quitter les côtés de Lady Alice, ainsi que le chagrin d’être forcé de mettre les pieds dans le territoire infâme d’une nation ennemie ? »

« Je — je pense que non, mais… »

En résumé, elle ne voulait pas aller dans l’Empire. Bien qu’il s’agisse du lieu de naissance d’Iska, Rin y voyait à la fois une superpuissance malveillante et le pionnier des termes péjoratifs de sorcière et de sorcier, qui désignaient les mages astraux.

« Tu comprends donc maintenant. »

Rin commença à marcher d’un pas mal assuré. Elle ne se dirigeait pas vers la porte d’embarquement de l’avion, mais plutôt vers la zone commerciale située derrière.

« Au moins, j’achèterai des souvenirs de ma patrie… des souvenirs de la Souveraineté. Oh, ils ont des biscuits de la Souveraineté avec les visages des anciennes reines dessus. J’ai toujours eu des doutes sur les personnes qui voudraient acheter ce genre de choses, mais aujourd’hui, même ces biscuits me semblent nostalgiques. Je suppose que j’en achèterai un. »

« Mais, euh, Rin. »

« Quoi ? »

« Nous nous rendons à l’Empire. Si tu apportes des biscuits de la Souveraineté là-bas, je suis presque sûr que tu auras l’air louche. »

« … » Elle s’arrêta net. Toujours agrippée à la petite boîte de biscuits, elle sentit ses épaules commencer à trembler. En plus de cela, son visage devint rouge. « Stupide ! »

« Wôw !? Attends, Rin, jeter des boîtes de souvenirs, c’est impoli ! »

« Tais-toi ! Tais-toi donc ! Tu devrais être reconnaissant que ce ne soit pas des couteaux ! »

Iska rattrapa les boîtes qu’elle avait lancées, puis les replaça sur l’étagère, en essayant d’éviter d’être vu par les employés du magasin.

« D’ailleurs, le voyage ne sera pas long », lui rappela-t-il.

« … Évidemment. Comme si je pouvais supporter d’être dans l’Empire pendant deux semaines entières ou, à Dieu ne plaise, trois. »

Il semblerait qu’elle l’ait finalement accepté. Sa respiration était régulière tandis qu’elle poursuivait sa route vers l’aéroport.

 

+++

C’est alors que la capitaine Mismis les rejoignit à son tour. Néné et Jhin étaient derrière elle.

« Oh, vous voilà ! Iska, Mlle Rin, dépêchez-vous », dit Mismis. « On dirait que l’embarquement a déjà commencé et que l’avion est sur le point de décoller ! »

« Il n’y a pas lieu de paniquer », répondit Rin sans ambages. « C’est juste après l’inspection des bagages. »

« Mais la file d’inspection est interminable ! Regardez là-bas », dit Néné. « Tous les autres clients de la classe économique font une queue énorme ! »

« Ce n’est pas là que nous allons. C’est plus loin. »

Rin ouvrit une porte réservée aux employés et se dirigea vers l’intérieur. C’est du moins ce qu’il semblerait…

Une fois l’entrée franchie, ils débouchèrent sur un couloir où il n’y avait pas un seul travailleur visible.

« C’est un passage pour la famille royale », expliqua Rin. « Nous pouvons passer l’inspection des bagages jusqu’à la porte d’embarquement. Ce couloir est spécifiquement utilisé par la famille Lou, nous n’avons donc pas à craindre que les Zoa ou les Hydra nous voient. »

« Quoi ? »

« C’est injuste ! »

« Il n’y a rien de fâcheux à cela. Si nous passions par la ligne normale, nous ne pourrions pas passer par l’inspection des bagages. Nous ferions une énorme scène rien qu’en frôlant le détecteur de métaux. »

La veste de Rin était garnie de couteaux tranchants, et son étui à cartes de visite contenait de minces outils d’assassinat en forme d’aiguilles.

« C’est évident. Sinon, je n’aurais jamais pu transporter mes armes dans l’avion. » Jhin acquiesça en prenant son sac de golf.

« Je suppose que cela s’applique à mes armes à feu, ainsi qu’à celles de la commandante », déclara Néné. « Et aux épées d’Iska. »

« … Mais tout n’est pas rose. » Rin regarda droit devant elle en marchant dans le couloir désert. « Lady Sisbell a dû être enlevée par la même méthode. Ses ravisseurs ont sûrement embarqué à bord d’un avion en empruntant le passage royal aussi effrontément que nous le faisons maintenant. »

Elle sortit de sa poche une boucle d’oreille à l’effigie d’un soleil. Si l’on se fiait aux fichiers confidentiels que la princesse Mizerhyby avait appelés le Descendant Grégorien — et si l’on croyait les informations supposées sur l’endroit où se trouvait Sisbell — Sisbell se trouvait déjà dans l’Empire.

« Iska. » Rin, qui était devant tout le monde, se tourna vers lui. « Le traité mondial contient des dispositions sur le traitement humain des prisonniers. La torture et l’expérimentation humaine sont interdites. La Souveraineté et l’Empire ont tous deux ratifié le document. Est-ce exact ? »

« … C’est le cas. »

Les traitements inhumains sont en effet interdits. Toutes les nations sans exception ont accepté les clauses mentionnées par Rin.

… Au moins pour les apparences.

… Ils n’ont accepté que pour des raisons politiques, afin que les autres pays ne les condamnent pas.

Mais dans les coulisses ?

L’Empire menait des expériences sur des sorcières capturées. La Souveraineté réduisait en esclavage des soldats impériaux détenus. Les deux semblent plausibles, mais il ne sait pas si l’un ou l’autre est réellement en cours.

L’unité 907 n’était qu’un groupe de fantassins au sein d’une entité beaucoup plus vaste, l’Empire. Qu’ils le veuillent ou non, le nombre de secrets qui leur étaient cachés dépassait largement ceux dont ils avaient connaissance.

« Je suis sûre que vous n’aimerez pas que je dise cela, mais je le dis quand même : Je ne crois pas que l’Empire respecterait les stipulations exigeant qu’ils traitent leurs prisonniers humainement. »

« … »

« Parce que la Souveraineté ne le fait pas non plus. » Rin pouvait dire cela maintenant, car la dame qu’elle servait n’était pas présente pour le moment. « La souveraine en titre a été qualifiée de modérée en comparaison, mais pour ce qui est du reste de la famille royale… Eh bien, vous avez vu l’Hydra. Ils sont du genre à oser comploter l’assassinat de la reine s’il le faut. Ils se saliront les mains par tous les moyens pour arriver à leurs fins. »

« Même quand il s’agit de Sisbell ? »

« C’est exactement ce que je dis. Nous arriverons trop tard s’ils lui font quelque chose. »

C’est pourquoi ils se dépêchaient. Ils n’avaient pas le temps de voyager en voiture ou en train de la souveraineté au territoire impérial, ce qui aurait pris plusieurs jours.

Torture, expérimentation humaine…

Ils ne pouvaient imaginer ce que l’Empire et la famille Hydra feraient d’un descendant de la Fondatrice, l’un des meilleurs échantillons de sorcières qu’ils pouvaient espérer.

« La bataille sera brève, mais décisive. »

La boucle d’oreille soleil disparut à nouveau dans la poche de Rin.

Puis elle déclara fermement : « Nous récupérerons Lady Sisbell d’ici une semaine et je la ramènerai à la maison. Tout sera alors terminé. »

 

 

+++

Cependant…

Son séjour dans l’Empire ne durera pas une semaine comme prévu.

Ni Iska ni Rin ne connaissaient l’avenir qui les attendait — un avenir lié à la discorde qui allait envelopper le monde.

***

Chapitre 2 : Le retour et une visite chez soi

Partie 1

Souveraineté des Nebulis. La Flèche des étoiles.

Le craquement sec de la faïence résonna dans le bureau d’Alice.

« Oh ? »

Elle se retourna pour identifier la source du bruit.

Alice vit une tasse de thé brisée et Rin, qui en ramassait les fragments.

« Je vais nettoyer ça tout de suite », dit-elle à Alice, en ramassant solennellement les tessons.

« Ne t’inquiète pas. Je sais que c’est la première fois que tu travailles comme femme de ménage. »

« … Je suis terriblement désolée. »

Elle parlait avec la voix de Rin. La jeune fille qui utilisait son pouvoir astral pour se déguiser en la servante d’Alice fit une petite révérence à la princesse. Elle n’était pas habituée à cela.

Jusqu’à présent, elle avait servi de doublure corporelle, agissant comme si elle était les membres les plus importants de la famille royale. Par le passé, elle s’était transformée en personnages éminents tels que des reines et des ministres. D’après ce qu’Alice pouvait voir, la jeune fille était surtout habituée à jouer ces rôles majestueux.

C’était la première fois qu’elle jouait le rôle d’une servante, et elle n’avait donc pas l’habitude d’attendre les nobles. La mésaventure qui avait résulté de la demande de thé d’Alice en était un excellent exemple.

… Je suis impressionnée par le fait qu’elle n’ait pas perdu son caractère même après avoir commis une erreur.

… Mais je suppose que le déguisement n’est que superficiel, hein.

En tant que préposée, Rin incarnait la perfection. Même si Alice n’avait pas connu les circonstances, elle aurait sans doute compris que la jeune fille était une impostrice en assistant à cette seule erreur.

« Quel âge as-tu déjà ? » demanda Alice.

« J’ai seize ans. Et j’aurai dix-sept ans cette année », répondit la jeune fille.

« Oh, je suis désolée », dit Alice. « Je ne parlais pas de Rin, mais de ton âge réel. »

« J’ai quinze ans. »

Elle était encore en âge d’aller à l’école. Sa véritable identité était celle d’une tendre jeune fille aux cheveux noirs, qui dégageait un air de timidité, bien loin de la Rin qu’elle était aujourd’hui.

… Elle doit s’efforcer d’agir comme une adulte dans le cadre de son travail.

… Je suis franchement impressionnée, mais…

Son apparence ne passerait pas face à des vétérans militaires rusés. Le Seigneur Masqué, de la maison Zoa, ou Talisman, le chef de la maison Hydra, se rendraient compte de quelque chose d’anormal d’un simple coup d’œil.

« La réunion a lieu l’après-midi, n’est-ce pas ? »

« Oui. Elle commence à une heure. »

Les réunions étaient désormais quotidiennes. Les forces impériales avaient envahi les frontières de la souveraineté et attaqué le palais. Le gouvernement n’avait pas encore décidé des représailles à appliquer face aux nombreux blessés et aux membres de la famille royale qui avaient été enlevés.

À l’heure actuelle, les familles régnantes étaient entrées dans un conflit d’opinion à trois niveaux :

Les Lou insistaient sur le fait qu’ils devaient se rallier à la reine pour restaurer le pays.

Les Zoa insistaient sur la nécessité de lancer une guerre totale contre l’Empire.

L’Hydra insistait sur le fait qu’on avait besoin d’une nouvelle reine et que le conclave était nécessaire.

Alice ne pouvait pas leur céder. Les Zoa n’hésiteraient pas à faire des victimes parmi leurs propres citoyens dans un véritable conflit entre l’Empire et la Souveraineté, tandis que les Hydra étaient les criminels mêmes qui avaient tenté de renverser le gouvernement.

« Je représenterai la famille Lou en tant que mandataire de la reine », dit Alice. « J’imagine que le Seigneur Masqué et Lord Talisman seront présents, n’est-ce pas ? »

« … Hum, Lady Alice. » La jeune fille, qui avait fini de nettoyer le sol, prit un air désolé. « Serait-il possible que j’attende ici ? »

« … »

Elle était intelligente.

Si la fille se trouvait dans le même espace que le Seigneur Masqué et Talisman, ils se rendraient compte à ses manières maladroites qu’elle était une doublure. Elle avait dû faire cette proposition après avoir compris que c’était ce qui préoccupait la princesse.

« Allons-y ensemble. » Alice donna une légère tape dans le dos de la jeune fille et lui adressa un sourire déterminé. « Si Rin n’est pas là comme d’habitude, ils risquent de penser qu’il y a quelque chose d’anormal, non ? »

« … M,— Mais… »

« La vraie Rin n’aurait jamais le cœur aussi fragile. »

« Oh ! »

« Aie confiance. Ton pouvoir astral est splendide, tu peux donc te présenter au grand jour sans crainte. »

« Oui, Lady Alice ! »

La jeune fille qui se faisait passer pour Rin acquiesça fermement. Tout en lui rendant son sourire, Alice jeta un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur. L’avion devrait arriver maintenant.

Bientôt, Rin sera dans l’Empire.

« … Iska ne rompra pas notre promesse. Fais-lui confiance, Rin. »

« Iska ? »

« N-Non, rien ! »

Lorsque la préposée à l’oreille fine l’interrogea, Alice fit un signe de la main, comme pour l’éloigner.

+++

Opuhna. État indépendant.

Entre l’Empire et la souveraineté de Nebulis se trouvaient plusieurs nations autonomes. Parmi elles, Opuhna, un pays situé à l’extrémité orientale de l’Empire.

Il s’agissait en quelque sorte d’un nexus. Aucune route aérienne ne reliait directement la souveraineté de Nebulis et l’Empire. Les avions s’arrêtaient plutôt à Opuhna, qui était indépendante. Au-delà, il fallait emprunter les autoroutes qui s’étendaient sur tout le continent et entrer dans l’Empire en voiture.

« … Il est déjà devant nous. »

La route s’étendait à l’horizon. Iska regardait devant lui depuis le siège passager de la grosse voiture en jetant un coup d’œil à la carte qu’il tenait dans ses mains. Bientôt, ils rencontreraient probablement un poste de contrôle impérial sur la route qu’ils empruntaient. S’ils pouvaient passer sans encombre, ils seraient dans l’Empire.

« Capitaine Mismis. » Il s’adressa à la femme assise sur le siège arrière. « Nous sommes presque au point de contrôle de la frontière impériale. Il ne nous reste plus qu’à leur montrer notre certificat d’enregistrement impérial et nos cartes d’identité des forces impériales, n’est-ce pas ? »

« Oui, je ne pense pas que nous ayons besoin de cacher qui nous sommes. Après tout, nous rentrons simplement chez nous. » La capitaine Mismis acquiesça, un pistolet paralysant à haute tension de qualité impériale posée sur ses genoux.

Un ressortissant d’un autre pays en possession d’une telle arme éveillerait les soupçons aux postes de contrôle frontaliers, mais un soldat impérial en possession d’une arme d’autodéfense serait à coup sûr accepté. Même le fusil de Jhin, qui avait été déguisé en fusil de chasse, pouvait être transporté ouvertement dans l’Empire sans problème. Il en allait de même pour les épées astrales d’Iska.

« Lorsque nous avons franchi la frontière souveraine, j’ai craint pour ma vie, mais nous pouvons nous détendre maintenant que nous passons le poste-frontière impérial », dit Jhin, comme s’il se souvenait. « Nous avons des choses à régler quand nous retournerons dans l’Empire, mais tout ce que nous faisons, c’est rentrer à la maison. Nous pouvons faire comme si nous revenions de faire du tourisme. La seule partie de cette histoire qui pourrait être une recette pour un désastre, c’est… »

Il jeta un coup d’œil. Du coin de l’œil, il aperçut Rin, assise juste à côté de lui, au bord de la banquette arrière. Elle était la seule à qui la conversation ne s’appliquait pas. Pour l’instant, elle était plongée dans la lecture d’un guide touristique sur l’Empire.

« … Je vois. Il s’agit donc d’une note impériale. Il ressemble exactement à ce qu’il y avait en cours d’histoire. » Elle tenait un billet de la Souveraineté dans sa main gauche, puis déploya un billet de l’Empire dans sa main droite et les compara. « Mm-hmm. Apparemment, on peut utiliser n’importe quelle monnaie courante dans l’Empire, mais quatre-vingt-dix-sept pour cent des citoyens optent pour les billets impériaux. Si j’utilise les billets ordinaires, on me soupçonnera de venir de l’étranger. Même si je parviens à entrer dans l’Empire, s’ils découvrent que je viens de la Souveraineté, tout sera inutile… Je vais donc devoir utiliser la monnaie impériale pour rester incognito… »

« Je suppose que tout dépend de sa capacité à se comporter correctement. » Jhin fit un geste vers Rin, qui fixait toujours le guide. « Cela nous facilitera la tâche si elle se comporte en touriste. En tant que sujet impérial, je ne sais pas ce que je ressentirai à l’idée d’être aux premières loges d’une espionne qui étudie pour se faufiler dans l’Empire. »

« C’est la même chose. » Rin fit la moue et se retourna. Bien qu’elle n’ait participé à aucune de leurs conversations jusqu’à ce moment-là, elle avait dû écouter distraitement. « Vous êtes tous venus à la villa de la famille Lou. Les serviteurs ont aussi été terriblement contrariés par cela. »

Elle faisait probablement référence aux jeunes femmes qui servaient la famille Lou : Yumilecia, Ashe, Noel, Sistia et Nami. Malgré leur jeunesse, elles étaient toutes des servantes de confiance de la maison Lou.

La force de leur loyauté n’a d’égale que leur haine de l’Empire.

« La venue de soldats impériaux dans la résidence était sans précédent. Normalement, les domestiques vous auraient immédiatement remis à la police militaire, ou auraient au moins mélangé de la boue à vos repas, ou vous auraient humilié en prenant des photos de vous avec des caméras cachées pendant que vous preniez votre bain. Elles auraient utilisé tous les stratagèmes possibles pour vous contrarier. »

« Bien sûr, nous nous attendions à ce que la chambre soit sur écoute. »

« Elles ne le feraient jamais. » Rin secoua la tête en direction de Jhin. « Lady Sisbell les surveillait de près. Elle a convoqué chacune des cinq servantes individuellement et les a réprimandées, leur disant que tout affront contre vous serait considéré comme un affront contre elle. »

« … Elle l’a fait ? »

« C’est ce que j’ai dit. Je n’irai pas jusqu’à vous pousser à vous considérer comme ayant une dette envers elle, mais j’espère que vous vous souviendrez de ce qu’elle a fait pour vous. »

Rin croisa les bras. Ou plutôt, elle se tourna vers la gauche, comme si elle se souvenait de quelque chose. « Maintenant, changement de sujet, capitaine Mismis. »

« Oui !? »

« … »

Rin pointa son épaule gauche. Lorsque le capitaine Mismis vit cela, elle plaça rapidement sa main sur sa propre épaule gauche — vers son écusson astral bleu verdâtre qui brillait. Bien sûr, la lumière était actuellement masquée par un autocollant.

« Je suis sûre que vous portez l’un des autocollants de la Souveraineté. Depuis combien de jours l’utilisez-vous ? »

« … Euh, environ cinq. »

« Et que faisiez-vous quand vous vous laviez ? »

« … Je crois que je l’ai laissé en place. »

« Vous devriez changer cela avant d’atteindre le point de contrôle impérial, juste au cas où. Si l’autocollant se détériore et qu’une quelconque quantité d’énergie astrale s’échappe, c’est vous qu’ils captureront. »

« Oui, madame ! »

« Et pendant que j’y suis, je pense que celui-ci correspondrait mieux à votre peau. »

Rin sortit un autocollant de sa poche de poitrine. Pour autant qu’Iska ait pu en juger, il était identique à celui que portait déjà la capitaine Mismis.

« Je suis sûre que vous utilisez l’un des autocollants que Lady Sisbell portait sur elle, mais sa peau n’a pas vu la lumière du jour. La vôtre est différente de la sienne. »

***

Partie 2

La peau de Sisbell était aussi blanche et claire que de la porcelaine.

Mais ce n’était pas le cas de Mismis. Ce que Rin voulait dire, c’est que Mismis avait besoin d’un autocollant qui refléterait l’exposition régulière au soleil qu’elle recevait pendant les séances d’entraînement des forces impériales.

« Voici l’un des miens. Il devrait mieux vous convenir. »

« Merci, Mlle Rin ! »

« Si vous êtes prise, tout sera inutile. C’est tout ce qu’il y a à faire. »

Elle était sèche. Bien que cela soit typique de Rin, elle n’était pas du genre à se contenter des faits…

« … »

« Qu’y a-t-il, épéiste impérial ? Pourquoi me regardes-tu ainsi ? »

Remarquant qu’Iska regardait fixement depuis le siège avant, Rin se renfrogna.

« Penses-tu qu’il s’agit d’un faux ? »

« Ce n’est pas ça », répondit Iska.

« Quoi, donc ? »

« … Je me disais que tu étais devenue plus amicale. »

« Qu’as-tu dit ? »

Elle se leva bruyamment…

… à l’intérieur de la voiture. Elle s’était penchée en avant avec une telle force qu’elle faillit se prendre la tête dans la lucarne.

« Toi — Qu’entends-tu par là ? Insinues-tu que vous m’avez conquise ? »

« Ce que je voulais dire était un compliment ! » Iska tenta de calmer rapidement Rin après qu’elle se soit mise en colère pour une raison insondable.

 

+++

L’Empire.

Poste de contrôle de la frontière est. Juridiction d’Altoria, tout à l’est.

La file de voitures et de bus attendant le contrôle de l’immigration s’étirait sur des centaines de mètres.

« Quoi ? Il y a beaucoup trop de trafic. Qu’est-ce qui se passe ? » s’écria aussitôt la capitaine Mismis. Elle se pencha par la fenêtre et regarda la file de voitures. « On se croirait à l’un des postes de contrôle de la capitale. Mais pourquoi un poste-frontière situé à la périphérie de l’Empire serait-il si encombré… ? »

« Est-ce que je peux regarder ? » Rin, qui s’était penchée par la fenêtre de l’autre côté de la voiture, regardait elle aussi d’un air dubitatif les files de voitures. « Les files d’attente sont-elles différentes de celles du temps de paix ? Dites-moi ce qui se passe, capitaine Mismis. »

« Ne me posez pas la question ! C’est juste que ça a l’air bizarrement occupé. »

« … Ne pensez-vous pas qu’ils ont découvert que je me faufilais à l’intérieur ? »

« N -non. Ils n’auraient pas pu ! »

Du coin de l’œil…

« Hé, commandante, ils font peut-être des contrôles corporels ? » Néné pointa du doigt les voitures alignées au poste-frontière. Les officiers de l’immigration appelaient un par un les passagers dans la zone d’inspection de sécurité.

« D’habitude, ne se contentent-ils pas d’examiner votre passeport et vos bagages et de vérifier l’énergie astrale ? On dirait qu’ils fouillent tout le monde en ce moment. Je pense que c’est ce qui cause les retards. »

« Ils ont dû améliorer les exigences en matière d’inspection », poursuivit Jhin. Il semblait s’être lassé d’observer le passage de la frontière et s’adossa à son siège. « Les forces impériales ont fait toute une histoire dans la Souveraineté et ont fini par capturer des pur-sang, alors ils doivent s’attendre à ce que la Souveraineté envoie des assassins en représailles. Bien sûr, ils vont renforcer la sécurité. »

« … Je trouve cela assez exaspérant. » Rin se renfrogna malgré son irritation. « Eh bien, c’est bon. Que la fouille et tout ce qu’ils ont en réserve commencent. Bien que je sois dégoûtée à l’idée que des mains impériales me touchent, si c’est ce que le sauvetage de Lady Sisbell exige, alors qu’il en soit ainsi. »

« Alors, Rin… »

« Qu’y a-t-il, épéiste impérial ? »

« Tu peux agir de la sorte avec nous, mais si tu deviens grincheuse simplement parce que quelqu’un est un impérial au poste de contrôle de l’immigration, tu vas éveiller les soupçons. Tu devrais au moins en tenir compte. »

« … » Rin s’était tue.

Était-elle en colère ? C’est du moins ce qu’Iska avait pensé, mais il fut immédiatement démenti.

« Merci beaucoup pour ta sollicitude, Monsieur Iska. » La jeune fille aux cheveux bruns lui adressa un sourire incroyablement charmant.

Et sa voix était aussi douce qu’une cloche.

« Ne t’inquiète pas pour moi. Moi, Rin Vispose, je sais comment me comporter correctement, comme je le fais en ce moment. Je jouerai le rôle d’une humble voyageuse. »

« … »

« Y a-t-il un problème, Monsieur Iska ? »

« Je me disais que je serais ravi si tu étais toujours aussi gentille. »

« Désolée, cela n’arrivera pas dans un million d’années. »

« Tu n’as même pas pris le temps d’y réfléchir ! »

« Oui, il est cent millions de fois plus intéressants pour moi de sourire à un rat de gouttière qu’à un impérial », répondit Rin avec un sourire charmeur.

« Cela te tuerait-il d’être plus poli lorsque tu parles avec nous ? »

Iska soupira devant Rin, qui n’avait pas cherché à cacher son animosité en s’adressant à lui.

 

+++

Une heure s’écoula.

« Et qui disait de ne pas s’inquiéter ? »

Le poste de contrôle frontalier, devant la zone d’inspection.

Dans un parking rempli de plus d’une centaine de voitures, Jhin, qui en avait assez de tourner au ralenti, croisa les bras. « Cela fait trente minutes que nous attendons depuis la fin de notre fouille, Iska. Je sais que les femmes mettent du temps à s’habiller, mais… Hé, Néné. Elle est entrée avec vous pour le contrôle, non ? »

« C’est vrai. Mais la commandante et moi étions prioritaires. »

Néné désigna une zone d’inspection de sécurité qui venait d’être créée. Bien que les hommes et les femmes soient traités séparément, Iska et les autres étaient prioritaires, car ils avaient présenté leur carte d’identité de la force impériale.

Rin, qui était la seule de leur groupe à être fouillée comme une civile ordinaire, se tenait dans la gigantesque file d’attente des femmes.

« C’est sûr que ça prend du temps. »

La capitaine Mismis n’était probablement pas consciente qu’elle se tenait l’épaule gauche.

Son emblème astral.

Des détecteurs d’énergie astrale étant utilisés dans tout l’Empire, il ne fait aucun doute que le poste de contrôle frontalier disposait également d’un radar performant.

« Même si son énergie astrale ne s’échappe pas… que se passera-t-il si l’autocollant commence à se décoller pendant l’examen physique et qu’elle est prise en flagrant délit ? »

« Si cela se produit, c’est fini. Il n’y a aucun moyen de la protéger. C’est ce qui a été convenu dès le départ. »

Bien que la réponse de Jhin ait semblé froide, il avait raison. Ils ne pouvaient pas être du côté de la Souveraineté. En fin de compte, ils rentraient simplement chez eux, dans l’Empire, et Rin s’était simplement jointe à eux par hasard. Si elle se faisait prendre, ils auraient les mains liées.

Mais encore une fois…

Même si Iska s’inquiétait pour elle, c’était la dure et froide vérité.

« Commandante, je vais aller la voir rapidement. Es-tu d’accord ? »

« Dans ce cas, j’irai aussi. Elle devrait être dans la file des femmes, après tout. »

 

+++

À ce moment-là, une jeune fille aux cheveux bruns sortit de la zone d’examen de sécurité.

« Mlle Rin ! Oh, je suis si heureuse… »

« Qu’est-ce qui ne va pas, capitaine Mismis ? »

« Vous avez mis un peu de temps, alors nous nous sommes inquiétés. »

« Il y avait tout simplement beaucoup de monde », répondit Rin. « L’examen lui-même s’est terminé en un rien de temps. C’était si facile que c’en était presque décevant. Les contrôles d’immigration sont essentiellement les mêmes, quel que soit l’endroit où l’on se rend. »

De toute évidence, elle s’était déshabillée pendant l’examen, car elle ne portait qu’une chemise et un pantalon lorsqu’elle s’approcha. Sa veste pendait sur ses épaules. Elle n’avait pas l’air de trouver leur inquiétude nécessaire.

« Qu’y a-t-il, épéiste impérial ? Pensais-tu que j’allais rater un simple examen ? »

« Pour être honnête, j’étais un peu inquiet. Tu prenais beaucoup de temps, alors j’ai pensé que le détecteur d’énergie astrale aurait pu t’attraper. »

« À ce stade ? Je l’ai caché avec un autocollant, évidemment. Il n’y a aucune chance que l’énergie astrale s’infiltre. »

« Nous parlions de ce que nous aurions fait si l’adhésif s’était décollé. Puisque l’examen implique un contact physique. »

« Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi une chose qui n’arrivera jamais te préoccupe-t-elle autant ? » Rin resta calme tout en reniflant. « Ils n’ont pas pu découvrir ma crête astrale avec un simple examen physique. »

« Vraiment ? »

« Bien sûr que non. Ils ne m’ont pas demandé d’enlever mes sous-vêtements, donc je n’avais pas peur qu’ils les découvrent. »

« Oh ? C’est du — Attends, tes sous-vêtements ? »

Elle acquiesça comme si c’était naturel. Soudain, Iska réalisa quelque chose d’incroyablement important.

On ne peut pas voir la crête astrale de Rin à moins qu’elle n’enlève ses sous-vêtements.

Cela signifie qu’il se trouve sur une partie de son corps qui est cachée par ses sous-vêtements.

En pratique, cela signifie qu’il doit être…

« Euh !? »

Néné et la capitaine Mismis, qui avaient fait la même constatation, avaient toutes deux ouvert de grands yeux.

« C’est sous la culotte !? Ce qui veut dire que votre crête astrale doit être… C’est là ? … Non, peut-être qu’il est là ! »

« Oh là là ! Tu ne peux pas, Commandante ! » s’exclama Néné. « Tu me fais ressentir une gêne rien qu’en le mentionnant ! »

La capitaine Mismis avait commencé à rougir, car son imagination s’était emballée. Néné était tellement gênée qu’elle se bouchait les oreilles.

Cependant…

Il y avait une fille qui était bien plus honteuse qu’aucune de ces deux-là ne pouvait l’être.

« … »

Bien qu’elle gardait un visage impassible, même les oreilles de Rin étaient devenues rouges. Pour tenter de retenir l’humiliation que lui procurait la révélation de son embarrassant secret, elle fixa ses pieds et serra les poings.

« Iskaaaaaaaa ! » hurla-t-elle. Elle était tellement mortifiée qu’elle se précipita sur lui alors que des larmes se formaient au coin de ses yeux. « Cette fois, je ne te pardonnerai pas ! »

« Pourquoi ça ? »

« Je n’arrive pas à croire que je t’ai révélé mon secret ! Tu… tu as posé cette question si innocemment, c’est là que vous vous êtes trompé. Mais qu’y a-t-il de mal à avoir une crête astrale sur les fesses ? »

« Les gens t’entendent ! »

L’emblème astral de Rin se trouvait sur son derrière.

Ne dis rien.

Après que Rin leur faisait jurer de garder son secret, Iska et son groupe franchirent le poste de contrôle impérial.

***

Partie 3

Le palais de Nebulis.

Le palais de la reine, entouré des flèches des étoiles, de la lune et du soleil.

La famille royale commença à entrer dans la salle polyvalente du château. Tous les chefs de maison étaient assis à la table ronde. Alice représentait la famille Lou au nom de la reine, qui avait été blessée.

À leurs côtés se tenaient leurs serviteurs. Avec les gardes royaux qui occupaient également la salle, il y avait probablement une cinquantaine de personnes au total. Il s’agissait d’un rassemblement de la noblesse, de ceux qui avaient le plus d’autorité au sein de la superpuissance, mais en tant que personne assistant à la cérémonie à la place de la reine, Alice voyait le spectacle d’un tout autre œil.

… Ces vieux renards rusés sont tous passés maîtres dans l’art de manipuler les conversations.

… Le simple fait d’être ici m’empêche de respirer.

Le thème de la réunion était la restauration de la souveraineté.

Les discussions duraient déjà depuis plusieurs jours. La haute société devait tout expliquer aux citoyens, que l’invasion impériale avait mis mal à l’aise, et surtout, elle devait délibérer sur le sauvetage des membres de la famille royale qui avaient été enlevés.

« … »

Tandis que son assistante à côté d’elle préparait un appareil d’enregistrement, Alice jeta un coup d’œil à Rin, ou plutôt à la jeune fille qui se faisait passer pour elle.

… Lorsqu’elle se tient tranquille, elle semble être le portrait craché de Rin.

… Tant qu’elle ne parle pas à tort et à travers pendant la conférence, ils ne devraient pas s’en apercevoir.

Mais alors qu’elle pensait cela…

« Alice, ma chère. »

« Oui !? »

Cette adresse provenait de trois sièges plus loin.

Lorsque le chef de l’Hydra, Talisman, l’appela par son nom, Alice se tourna immédiatement vers lui.

« Oh, mes excuses », dit-il. « On dirait que je vous ai fait peur. »

Vêtu d’un luxueux costume blanc, il lui adressa un sourire de gentleman. Elle était impressionnée qu’il ait le culot de lui parler, à elle, la fille de la reine, après avoir lui-même mené le complot d’assassinat contre sa mère.

« Je vois que vous portez de nouveaux habits royaux », fit-il remarquer.

« … Oh, oui. »

« Votre tenue précédente vous allait à ravir, mais il semble que vous l’ayez même surpassée. C’est splendide. Elle est à la hauteur de votre dignité, Alice. »

Si quelqu’un d’autre avait dit cette phrase, elle aurait répondu par un sourire pour le compliment.

En ce moment, Alice était la mandataire de la reine.

Jusqu’alors, elle portait des vêtements taillés pour une princesse. En revanche, la tenue qu’elle portait à présent avait été spécialement conçue pour son nouveau rôle. Bien qu’ils aient été confectionnés dans le même style que ses vêtements précédents, ses nouveaux habits arboraient des teintes rouges et bleues plus florissantes.

« Je suppose que cette réunion est l’occasion pour vous d’étrenner votre nouvelle tenue ? »

« Je vous suis très reconnaissant de vos paroles. Le concepteur a fini de l’assembler juste à temps pour la réunion. »

Elle mentait, bien sûr. Alice avait décidé d’étrenner sa nouvelle tenue ici, où étaient réunis les autres membres des familles royales des Zoa et de l’Hydra, pour leur montrer sa conviction d’agir en tant que mandataire de la reine.

Pour montrer qu’elle ne renoncera pas au trône de sa mère.

Bien sûr, Talisman avait dû lui-même s’en rendre compte.

« Si je puis me permettre, Lord Talisman, où est-elle ? » demanda Alice.

« Vous voulez dire Mizy ? » L’une des princesses manquait à l’appel. Talisman jeta un coup d’œil à la place vide et sourit faiblement. « C’est arrivé il y a quelques jours. Des intrus se sont introduits dans le complexe Neige et Soleil et — ! »

« Vous voulez dire Salinger, le sorcier ? »

« Oui, en effet. Si seulement nous avions pu le capturer. Mais il nous a échappé. J’ai chargé Mizerhyby de faire le ménage après l’incident. »

« … »

« C’est déjà bien. C’est l’heure. Je suis sûr que vous êtes tous occupés, alors commençons. » Talisman, le président de la réunion, frappa dans ses mains. Il jeta un coup d’œil autour de la table ronde. « Commençons par la suite du sujet d’hier, Monsieur le Ministre de la Défense. »

« Je vais donc commencer. » Un homme grand et costaud se leva. « L’invasion des forces impériales. En ce qui concerne cet incident, nous ne savons pas comment ils ont pu franchir la frontière de la souveraineté. Nous pensons qu’ils ont traversé l’épreuve astrale. »

« Tout comme les documents l’indiquaient. »

« Oui, il semblerait que certains membres des forces impériales se soient greffé des écussons astraux. Un soldat impérial portant un écusson astral sur le bras a été vu lors de la bataille qui s’est déroulée il y a quelques jours. »

Une crête astrale artificielle. Aucune des personnes présentes dans cette salle, y compris Alice, ne savait si les forces impériales avaient utilisé un nouveau type de technologie pour en synthétiser un.

… Non, une personne le fait.

… Le Seigneur Talisman devrait être au courant.

C’était vexant. Si seulement Alice pouvait dire ici et maintenant : « Vous avez des liens avec les forces impériales et vous êtes à l’origine de tout. » Quel soulagement cela lui apporterait !

Tant qu’ils n’auront pas retrouvé Sisbell, elle ne pourra pas prouver qu’il est l’architecte de tout cela.

« Bien qu’il soit répugnant de l’envisager, » poursuit le ministre de la Défense, « les forces impériales doivent en effet avoir développé une technologie astrale que la Souveraineté n’a pas encore acquise. J’ai beau être ministre de la défense, je dois dire que l’épreuve astrale n’est pas suffisante. »

« Proposez-vous de le remplacer par un contrôle du certificat de résidence ? » Talisman acquiesça sans passion.

« C’est ce dont nous avons discuté jusqu’à hier. S’il n’y a pas d’opinions divergentes, nous rédigerons un avis officiel aujourd’hui et commencerons à appliquer la résolution aux points de contrôle frontaliers à partir de demain midi. »

Il n’y avait pas eu d’objection.

« Alice, ma chère. »

Cette fois, c’était le Seigneur Masqué qui l’interpella depuis l’autre côté de la table ronde. Il la regardait tandis qu’elle ne parlait pas.

« En tant que mandataire de la reine, ou plutôt en tant que princesse des Lou, n’avez-vous pas un avis sur la question ? »

« … Aucun en particulier. » Elle s’efforça de rester calme et d’approuver froidement les autres membres du cabinet, refusant de révéler ce qu’elle avait réellement en tête. « Quant au point suivant de l’ordre du jour — ! »

« Ce sera l’affaire de la Révérende Fondatrice. »

« Tsk. » Alice déglutit involontairement lorsque le Seigneur Masqué répondit.

+

« Je voudrais réveiller notre vénérée fondatrice. »

+

C’est ce qu’avait proposé le Seigneur Masqué lors d’une réunion il y a quelques jours.

Il cherchait à se venger des forces impériales —

— à l’aide de la personne qui détenait plus d’autorité et de pouvoir astral que la reine elle-même. S’ils ressuscitaient le plus puissant et le plus ancien mage astral de l’histoire, une guerre se déclencherait, qui pourrait rayer l’Empire de la carte.

« … C’est exactement ce que Sa Majesté a déjà dit », répondit Alice, s’adressant non seulement au le Seigneur Masqué mais aussi aux membres du cabinet les plus proches de la famille Zoa et à toutes les personnes présentes dans la salle. « Nous n’envisagerons pas de réveiller la vénérable fondatrice. »

« Hmm. Je suppose que vous faites référence à ce qui s’est passé dans la ville neutre d’Ain. Je sais qu’elle a subi des dommages collatéraux lorsque la Révérende Fondatrice s’est réveillée dans le passé. »

« C’est exactement ce qui s’est passé », répondit Alice.

La Fondatrice était retournée à son sommeil. Elle était enfermée dans un cercueil de verre que seule la reine pouvait ouvrir.

« Si un mage astral nuit à un autre pays que l’Empire, » affirma Alice, « L’opinion publique penchera en faveur de l’Empire. Nous devons éviter cela à tout prix. »

Sorcières et sorciers.

Si cela devait se produire, le monde reviendrait à l’époque où il les craignait. Ils ne pouvaient pas permettre que cela se produise.

« Je ne donnerai la clé à personne. »

« Je le sais bien. La reine l’a, n’est-ce pas ? »

« Non, c’est moi. »

Soudain, l’atmosphère de l’endroit se modifia et se tendit d’une manière différente. Les regards se focalisèrent sur la clé dans la main d’Alice.

« La tentative d’assassinat de la reine il y a quelques jours a échoué, mais si quelqu’un attaquait à nouveau la reine et volait la clé, nous aurions une catastrophe sur les bras. C’est pourquoi je l’ai en ma possession. »

La clé du cercueil de la Fondatrice. Alice la rangea ostensiblement dans sa poche à la vue de tous.

« Bien que nous n’ayons pas encore découvert le cerveau de cette tentative, j’ai ceci à leur dire : Si vous voulez m’agresser, je vous en prie, soyez mes invités. »

S’ils voulaient l’obtenir, ils devraient se préparer à une bataille contre Aliceliese.

« Une stratégie judicieuse. Si j’avais été Sa Majesté, j’ose dire que j’aurais fait de même. » Le Seigneur Masqué frappa ses mains l’une contre l’autre. « Voilà qui est réglé. Nous vous confions la question de la vénérable fondatrice, Alice. La famille Zoa retire sa proposition. »

« Quoi ? »

« Pourquoi êtes-vous si surprise ? » Le Seigneur Masqué lui adressa un mince sourire. Derrière son masque de métal se cachait une expression impénétrable.

« Vous étiez vous-même contre le réveil de la Révérende Fondatrice », nota le Seigneur Masqué.

« … Eh bien, oui », répondit-elle.

Elle doutait de ses propres oreilles. Il était revenu si facilement sur son projet, et tout s’était terminé si rapidement, qu’Alice avait presque l’impression de s’être mal préparée à la situation.

« Êtes-vous sûr de n’avoir rien à ajouter, Seigneur Masqué ? »

« Bien sûr que non. Je m’engage devant tous ceux qui sont ici à ne pas le faire. »

C’était grotesque. Il y avait clairement quelque chose qui n’allait pas. Il s’était soumis trop facilement. Cet étrange malaise lui fit ressentir quelque chose à la limite de l’agitation.

« … Je vous suis reconnaissante d’avoir accepté », dit-elle, d’un ton dépité.

***

Chapitre 3 : Bienvenue dans l’utopie mécanique

Partie 1

Le territoire de la forteresse unifiée. L’Empire céleste.

Plus connu sous le nom d’Empire.

Grâce à sa civilisation hautement mécanisée, le pays avait atteint un niveau de gloire sans précédent. Cent ans auparavant, on le qualifiait déjà d’utopie mécanique.

À la suite de la rébellion de la fondatrice Nebulis, la capitale avait été réduite en cendres.

Cependant…

Yunmelngen, la capitale nommée d’après le Seigneur qui dirigeait l’Empire, était devenue une métropole d’acier. Désormais, la nation avait fait des progrès mécaniques afin de se préparer à la guerre finale contre les sorciers et les magiciens qui se profile à l’horizon.

Ou plutôt…

C’est probablement l’image que se faisait de l’Empire ceux qui ne l’avaient jamais visité.

« … Ce n’est pas ce qui est décrit. »

Une note d’irritation et d’agacement se glissait dans sa voix.

Ils roulaient sur l’autoroute dans un grand véhicule tandis que Rin répétait la même phrase qu’elle avait déjà dite plusieurs fois depuis la banquette arrière.

« Ce n’est pas ce qui est décrit. Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Réponds-moi, épéiste impérial. »

« Nous sommes bien dans l’Empire proprement dit. »

« Explique-moi ça ! » Rin montra la fenêtre grande ouverte. Au lieu d’une mer d’immeubles gris foncé, le paysage devant l’autoroute se composait de plaines vertes à perte de vue, de pâturages tranquilles. Elle montra des vaches qui broutaient tranquillement dans des champs baignés d’un chaud soleil.

« En quoi cette campagne est-elle l’Empire ? »

« C’est manifestement l’Empire. »

« Menteur. Tu te trompes si tu penses que je ne sais rien de ta nation. » Rin ne s’arrêta pas là. « Les routes impériales sont censées être mécanisées, de sorte qu’il suffit de monter sur une plate-forme pour être emporté vers sa destination. À la place des oiseaux, des avions sans pilote volent dans le ciel, surveillant les gens en bas. Toute personne suspecte est immédiatement abattue par des automates équipés de fusils à lunette… »

« Aucune de ces choses n’est vraie ! »

« Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? Où sont les bâtiments qui dominent l’Empire tels des montagnes ? »

« Ils sont… », commença Iska.

« C’est parce que nous sommes à la périphérie… enfin, je crois. »

Cela venait de la banquette arrière. La capitaine Mismis, assise à côté de Rin, répondit timidement : « Il y a beaucoup de grandes villes comme celle que vous décrivez, Mlle Rin, mais je suppose que l’on peut dire que la région où nous nous trouvons n’a pas changé. Il y règne probablement la même atmosphère qu’avant que l’Empire n’assimile les nations environnantes. »

Les pâturages s’étendaient à perte de vue. Depuis une heure qu’ils étaient dans la voiture, ils apercevaient que des routes ici et là, mais aucun gratte-ciel n’est en vue.

Territoire impérial. Juridiction d’Altoria, tout à l’est.

Ils se trouvaient près de la pointe orientale de l’Empire.

« En y réfléchissant, Jhin, Néné et moi sommes de la capitale impériale, mais tu es de l’est, n’est-ce pas, capitaine Mismis ? »

« C’est vrai. Mais je ne vivais pas aussi loin dans la campagne. »

« Mm-hmm. » Pendant ce temps, Rin, qui regardait distraitement le bétail au pâturage, fixait vers le cou de la capitaine Mismis. « … C’est donc comme ça qu’ils sont devenus aussi gros que ceux d’une vache. »

« Mlle Rin ! Où pensez-vous regarder en disant cela !? » En remarquant le regard de Rin, elle cacha sa poitrine avec ses mains.

« C’est logique ! »

« Maintenant toi, Néné !? » s’exclama Mismis.

« Vous ne faites pas la bonne comparaison. C’est sa tête qu’il faut considérer. Elle est plus insouciante et joyeuse que n’importe quelle vache. »

« Maintenant, Jhin !? … Tu es terrible, Iska ! Tu as parlé de mes origines pour que tout le monde se moque de moi !? »

« Pourquoi diable ferais-je cela ? »

Il s’agissait d’une accusation ridicule, qui plus était sans fondement.

Il devait prouver son innocence. Alors qu’il cherchait un moyen de le faire, quelqu’un l’interrompit.

« D’accord. C’est fini de plaisanter. » Rin, qui avait regardé par la fenêtre, soupira bruyamment en se laissant tomber dans son siège. « En d’autres termes, je ne me dirige pas vers une grande ville comme la capitale impériale. N’est-ce pas, capitaine Mismis ? »

« Non. Bien qu’il y ait de grandes villes entre les deux, bien sûr. »

« Pourquoi pas ? » demanda Rin. Sa question ne s’adressait pas aux membres de l’unité 907. Étant donné qu’elle regardait la boucle d’oreille solaire qu’elle tenait, elle se la posait probablement à elle-même.

« Nous ne pouvons que nous fier à ce signal… mais pourquoi n’ont-ils pas emmené Lady Sisbell dans une ville ? »

En effet.

Iska et les autres s’étaient éloignés de la capitale impériale pour se diriger vers la périphérie orientale, ce qui est loin de la réputation d’utopie mécanique de l’Empire.

« S’ils avaient fait de Lady Sisbell une prisonnière de guerre, ils l’auraient emmenée au quartier général impérial. Et le quartier général se trouve dans la ville. Est-ce exact ? »

« C’est exactement là où ils disent que c’est. Je n’en sais pas plus que toi », répondit Iska sans hésiter à Rin en le regardant. « L’assemblée impériale et le quartier général se trouvent tous deux dans la capitale impériale. Même le bureau principal de l’unique institut de recherche sur le pouvoir astral de l’Empire, Omen, s’y trouve également. »

Toute l’autorité était concentrée en un seul endroit. C’est ainsi que l’Empire avait été organisé. Iska devait faire attention à ne pas lui donner d’informations supplémentaires, mais tout cela était connu de tous dans le monde entier.

… Mais Rin a raison d’être sceptique.

… Sisbell est une sang pure. Le quartier général et l’assemblée impériale voulaient absolument en avoir une.

Iska supposait qu’elle aurait également été emmenée dans la capitale impériale.

Mais le signal avait été émis à l’extrême est de l’Empire, depuis les confins de son territoire, c’est-à-dire ici.

« Hé, Grand Frère Jhin, qu’en penses-tu ? »

Lorsque Néné s’adressa à lui depuis le siège du conducteur, le sniper leva la tête. « Hmm ? Veux-tu échanger ta place ? » demanda-t-il.

« Ce n’est pas cela. Je veux savoir pourquoi tu penses qu’ils ont emmené Miss Sisbell à la campagne plutôt que dans la capitale. »

« Cela ne fait pas partie de notre accord. » Jhin secoua la tête.

Il garda la tête appuyée sur sa main en se penchant sur la fenêtre.

« Nous retournons à la capitale. En chemin , nous ferons un détour par l’endroit où Sisbell est détenue. Après cela, ce n’est pas notre affaire, et nous n’interférons pas avec quoi que ce soit d’autre. Et nous ne sortirons pas non plus de notre trajet pour enquêter sur quoi que ce soit. »

« … Bon, oui, je le sais, mais… » Néné hésitait. Cela ne lui ressemblait pas.

« Nous sommes des soldats impériaux », dit-elle. « N’es-tu pas curieux ? En tant que membre de l’armée impériale ? Je veux dire, Mlle Sisbell est censée être de race pure — elle est super rare. S’ils l’emmenaient ailleurs que dans la capitale, ils ne pourraient pas en tirer le meilleur parti. »

« Non, je suis sûr qu’ils l’ont emmenée ici parce qu’ils veulent l’utiliser au maximum. »

« Quoi ? »

« … » Jhin jeta un coup d’œil sur sa gauche.

Ses yeux rencontrèrent ceux de Rin et son regard se planta dans le sien. Il poussa un grand soupir.

« … Oh, c’est vrai. Ce n’est que mon opinion, d’accord ? », déclara-t-il en préambule. « Il y avait donc ce type louche. Le chef de l’Hydra ou je ne sais quoi. »

Jhin leva les yeux vers le toit de la voiture. Il avait l’impression de se remémorer le visage de celui qui avait prétendu être Talisman, le chef de l’Hydra, lors de l’attaque de la villa des Lou.

« Il a des relations avec l’Empire, sans aucun doute. Mais même s’il les a, cela ne veut pas dire qu’il est la vraie personne que nous affrontons. »

« … Que veux-tu dire par là ? »

« Il a dû confier Sisbell à quelqu’un de l’Empire. Ne serait-il pas plausible que son partenaire ne fasse pas partie du quartier général ou de l’assemblée impériale ? Dans ce cas, ils l’auraient évidemment emmenée loin de la capitale impériale, dans un endroit comme celui-ci. »

« … » Rin s’était tue.

Jhin l’ignora et dirigea son regard vers la fenêtre.

« Je ne sais pas du tout avec qui il a pu passer ce marché. Mais on peut comprendre ce qu’ils veulent, non ? Néné avait raison sur le fond. Sisbell est un sang pur de grande valeur. Et comme elle l’est, quelqu’un veut se l’accaparer — sans que le QG ou l’assemblée impériale ne s’en aperçoivent. »

« … Et tu dis que nous nous dirigeons vers ces personnes ? »

« C’est plus que probable », se dit Jhin. « Je le répète : ce n’est pas notre affaire. Nous allons vous déposer là où ils ont emmené Sisbell, puis nous retournerons à la capitale. Nous n’avons pas l’intention de nous mêler de cette affaire. »

« Ça me va », répondit Rin très sérieusement.

Lorsqu’elle déclara cela, c’est Jhin qui la regarda.

« N’allez-vous pas dire que c’est plus pratique comme ça ? »

« … Qu’est-ce que c’est ? »

« La capitale impériale serait un enfer pour vous, vu que vous êtes de la Souveraineté et tout ça. Nous avons des détecteurs d’énergie astrale partout et beaucoup plus de policiers militaires. De plus, il y a tellement de Saints Disciples que vous vous heurteriez pratiquement à eux. »

« Quoi ? Quelle idiotie ! Pensez-vous que je suis soulagée que nous ne nous rendions pas à la capitale ? » Rin croisa dramatiquement les bras. « En fait, c’est une déception. J’étais prête à y mettre les pieds depuis qu’on m’avait ordonné de sauver Lady Sisbell. Mais maintenant que le moment est venu, nous nous dirigeons plutôt vers la campagne. »

« Vous avez l’air terriblement confiante. »

« Je n’exagère pas. Je parie que vous n’avez même pas commencé à réaliser l’expérience que j’ai. »

J’en ai assez d’être dans la voiture. Comme si elle essayait de le faire comprendre simplement par son ton ferme, Rin s’adressa au chauffeur. « Néné, ou qui que vous soyez, atteindrons-nous l’endroit aujourd’hui ? »

« Peut-être demain », répondit-elle. « Nous sommes presque arrivés à une grande ville, alors nous y passerons la nuit. Nous devons aussi bientôt recharger la voiture. »

« … Eh bien, peu importe », déclara Rin d’un ton désinvolte, presque effronté.

« J’ai cru que j’allais être choquée, mais c’est à ce moment-là que j’ai compris que nous nous dirigions vers la capitale et non vers la campagne impériale. »

***

Partie 2

Territoire impérial. Juridiction d’Altoria, à l’extrême est du pays.

Cité de Nata.

Les voyageurs qui empruntaient la route utilisaient cette ville comme halte pour la nuit. Tout comme Ain, elle regorgeait de charmantes structures historiques. Les touristes pouvaient y passer le temps loin de l’agitation de la ville.

En ce moment, cependant, il y a une personne qui était aux antipodes de la décontraction.

« Mlle Rin ! Vous êtes trop près de mon dos, et même si j’étais d’accord pour que vous vous accrochiez à mes épaules comme ça, vous serrez si fort que ça fait mal ! »

« … Je — Je ne peux pas m’en empêcher ! »

C’était un soir de semaine. L’unité 907 se distinguait de la foule. Ou plutôt, Rin se distinguait.

« Je dois le faire pour pouvoir surveiller. Veuillez coopérer avec moi, capitaine Mismis ! »

Bien que plus grande que Mismis, Rin s’était accrochée au dos de la femme et observait sans relâche son environnement. Elle faisait un pas, s’arrêtait, puis en faisait un autre avant de s’arrêter à nouveau. De plus, comme elle regardait ouvertement les commerçants et les touristes qui passaient, tout le monde mettait de plus en plus de distance entre eux et le groupe d’Iska.

« Je présume que tous les gens qui marchent sur cette route sont donc des sujets impériaux ? » demanda Rin. « Je ne peux permettre à aucun d’entre eux de connaître mon identité ! »

« Ils vont penser que vous êtes suspicieuse parce que vous êtes nerveuse ! »

« Hng !? Ils… s’éloignent de moi ? Qu’est-ce que cela signifie, Commandante ? »

« C’est parce que vous regardez fixement, Mlle Rin ! »

 

 

Pour une fois, c’est le capitaine Mismis qui se montrait taquin. Pour Iska et le reste de l’unité, cela n’avait pas de prix.

« Hé, Iska, Néné. » Jhin, qui était au bord de la route, leur fit signe de se rapprocher. « Venez par ici. Si on est près de ces deux-là, on va commencer à avoir l’air suspect. »

« Vraiment, Jhin !? » se plaignit Mismis.

« … Oh, c’est vrai. Et vous disiez qu’être à la campagne était une déception ? » Il soupira. « Si vous tremblez dans vos bottes dans la campagne, vous ne pourriez même pas marcher sur une route de la capitale. Vous auriez l’air tellement suspecte que la police militaire demanderait à vérifier votre identité sur-le-champ, et tout serait fini. »

« Jhin, elle est un peu comme ces chiots qui hurlent à gorge déployée dans une cage, mais qui se recroquevillent dès qu’on les laisse sortir… »

« Qu’est-ce que vous avez dit ? » Rin se renfrogna rapidement lorsqu’elle surprit Jhin et Néné en train de chuchoter l’un contre l’autre. « Est-ce que vous m’avez comparée à un petit chiot effrayé ? C’est absurde ! »

« Ne criez pas alors que vous êtes juste derrière moi ! »

« Guh… h-hey, tu es là ! » Rin regardait Iska. Elle avait promis plus tôt de ne pas l’appeler épéiste impérial en ville. « I-Isk… »

Mais pour une raison ou une autre, Rin avait du mal à prononcer son nom, même lorsqu’elle le fixait directement. Même un bon contact visuel avec lui s’avérait difficile, et son visage prenait une teinte rouge de plus en plus intense, comme si elle retenait sa respiration.

« … Je ressens une étrange résistance à l’idée de vous appeler par votre prénom en public », déclara-t-elle.

« Hein ? Pourquoi cela ? »

« Toi, avec les cheveux noirs ! »

« C’est encore pire ! » gémit Iska.

« Tais-toi. Je trouve simplement vexant de prononcer ton nom… » Rin expira. « Jusqu’où comptes-tu m’emmener dans cet endroit ? Nous avons presque parcouru la totalité de la rue principale. »

« Nous nous dirigeons vers le restaurant Row, un peu plus loin. D’après ce dépliant, ils recommandent — ! »

« Quoi !? … As-tu l’intention de me déshonorer en m’emmenant dans un endroit que personne ne trouve populaire !? Espèce de monstre ! »

« Pourrais-tu m’écouter ? » hurla Iska.

C’était inutile. Les épaules d’Iska s’affaissèrent lorsqu’il réalisa que la première excursion de Rin dans l’Empire la rendait trop anxieuse pour écouter.

 

+++

Ils se dirigèrent vers la terrasse du café Albireo, une chaîne qui comptait de nombreux établissements dans tout l’Empire. Il y en avait plusieurs dans la capitale impériale, et Iska s’y rendait souvent pour manger sur le pouce.

« C’est un restaurant intéressant. Ils se qualifient de cafés même si leur thé et leur café ne sont pas excellents, mais leurs ragoûts et leurs currys sont suffisamment bons pour compenser. J’y vais aussi souvent pour le déjeuner et — ! »

Ils se trouvaient à l’intérieur de l’établissement, qui était très fréquenté à l’heure du dîner.

À la table à six places, le capitaine Mismis ouvrit le menu avec une aisance familière. Elle le plaça de façon à ce que Rin puisse le voir de l’autre côté de la table.

« Ce sandwich à l’œuf est vraiment moelleux, et ils utilisent un bouillon de crevettes de première qualité pour donner au gratin un peu plus d’élan. Et ne me parlez pas des crêpes ! Et je n’oublie pas de mentionner qu’ils ne cuisinent qu’une fois la commande passée. »

« … »

« Le restaurant Row abrite certains des plus vieux restaurants de l’Empire, mais nous avons pensé qu’il serait plus facile pour vous de dîner ici, Mlle Rin. Je vous recommande également le soda à la crème. Ils ajoutent de la crème fouettée sur le dessus et… Mlle Rin ? »

Une rivière de sueur avait jailli sur le front de Rin sous les yeux de Mismis.

« … Ouf… Ouf… Reprends-toi, » murmura-t-elle pour elle-même.

Tout comme lorsqu’elle était sortie dans la rue principale, il semblait que Rin n’avait pas la capacité d’essuyer sa sueur dans ce restaurant. Elle était préoccupée par l’observation des mouvements des autres clients autour d’elle et du personnel de service plutôt que par le menu.

« Néné, ou qui que vous soyez, vous disiez que vous étiez douée pour les machines, n’est-ce pas ? » demanda Rin.

« Hmm ? Eh bien, on peut dire ça. »

« C’est quoi cette caméra de surveillance là-bas ? » murmura-t-elle subrepticement à l’oreille de Néné, en regardant la caméra au plafond. « Est-ce que l’Empire a une surveillance dans des restaurants comme celui-ci ? »

« C’est juste une caméra de sécurité normale. Je pense qu’elle est là pour dissuader les gens de les voler. »

« … Mais si… ? » Rin se plaça presque sous l’appareil et le fixa. « Êtes-vous sûre qu’il n’est pas là spécifiquement pour me surveiller ? Et si l’Empire avait eu vent de mon incursion, et qu’ils utilisaient les systèmes de poursuite qu’ils avaient déjà installés… ? »

« Vous réfléchissez trop ! Vous allez vous en sortir, alors calmez-vous ! »

« M-mais », commença à objecter Rin. Elle faiblit lorsque Néné commença à lui secouer les épaules. « Personnellement, je me sentirais beaucoup plus en sécurité si nous pouvions détruire cette chose… »

« Vous seriez arrêté pour destruction de propriété privée ! »

« Je — Je le serais ? »

« Vous n’avez pas à avoir peur d’être à découvert, Mlle Rin. Nous tiendrons notre promesse », lui assura Néné. « Aucun d’entre nous ne vous trahirait, d’accord ? Tenez, prenez le menu des entrées. »

« … Je vois. »

Elle regarda attentivement Néné, qui lui proposa un des menus. Rin acquiesça faiblement.

« C’est vrai. D’une certaine manière, je suis devenu trop sensible parce que je porte le poids d’une mission aussi lourde. Je dois agir de manière plus naturelle. »

« C’est vrai ! Agissez plus comme un touriste ! »

« Mm-hmm. » Rin semblait avoir enfin surmonté sa nervosité.

Ou plutôt, juste avant qu’elle ne puisse se détendre, elle entendit le claquement d’un pas inconnu derrière elle.

« Êtes-vous prêt à commander — ? »

« Je sens quelqu’un derrière moi ! » Rin bondit de son siège. « L’ennemi est-il enfin arrivé ? »

Iska n’eut même pas le temps de l’arrêter qu’elle décocha un coup de pied circulaire derrière elle.

Mince.

Le talon de Rin fit un bruit agréable en touchant directement la tête du serveur.

« Oh… »

L’homme qu’elle avait frappé portait un badge sur lequel était inscrit « superviseur des employés ».

« Oh, oh non ! J’ai bougé par réflexe ! »

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Iska rattrapa rapidement l’employé qui s’était effondré, à moitié inconscient.

« Néné, répare ça vite fait. »

« Uh-uh-huh ! Mais d’autres personnes autour de nous ont vu… »

« … Non, c’est bon. Le coup de pied était si rapide qu’ils n’ont pas pu le capter. On peut étouffer l’affaire ! » affirma Iska au moment où une autre serveuse arrivait de l’arrière dans ce qui devait être le pire moment de l’histoire.

« Oh, Manager, vous faites l’école buissonnière et vous vous asseyez à la place d’un client ? C’est vraiment injuste. »

« Non, non, il ne se passe rien ! Je — je le connais, et nous n’avons pas parlé depuis un moment, alors il s’est assis afin de rattraper le temps perdu… Euh, ah-ha-ha… » La capitaine Mismis détourna l’attention de la serveuse.

Jhin avait suivi le mouvement en répandant toute l’eau sur la table.

« De toute façon, nous n’avons plus d’eau. Pourrions-nous nous resservir ? »

« Oui, c’est vrai. Je l’apporte tout de suite. Manager, si vous continuez à vous absenter du travail pour ce genre de choses, je vous dénoncerai aux cadres. »

Elle sourit et s’en alla.

Comme Iska l’avait prévu, pour le meilleur ou pour le pire, il n’y avait apparemment pas eu de témoins.

« Ouf. D’une manière ou d’une autre, nous avons réussi à — ! »

« Ne baisse pas la garde, Iska. » Alors qu’il essuyait les sueurs froides qui l’avaient envahi, Rin, l’auteur des faits elle-même, le lui rappela. « Tant que je serai dans l’Empire, des événements imprévus comme celui qui vient de se produire continueront à se produire encore et encore. En fait, je suis certaine que je provoquerai un incident qui surpassera celui-ci. »

« Pourquoi es-tu positive à propos de quelque chose de si négatif ? »

« Prépare-toi à l’affronter ! »

« Pourquoi le fais-tu paraître suave ? »

Iska regarda Rin, le défi, le Manager inconscient, puis les autres membres de son unité derrière lui.

***

Partie 3

Ils avaient fini de dîner.

Tard dans la nuit, au douzième étage de l’hôtel.

Le couloir était silencieux. Dans la salle de réunion au bout du couloir, Iska sirotait un café en boîte.

« … Nous avons vraiment réussi à revenir dans l’Empire. »

Il jeta un coup d’œil au distributeur automatique dans lequel il avait acheté la boisson.

Le monnayeur acceptait la monnaie impériale. Il ne pouvait pas utiliser les monnaies de papier du reste du monde. C’est probablement parce que la machine était de fabrication impériale, destinée à n’être utilisée qu’au sein de l’Empire. Les journaux qu’elle contenait étaient également publiés par des sociétés impériales. Leurs articles comportaient tous des titres sur l’Empire, ce qui le rendait nostalgique.

S’il y a bien une chose qui ne semblait pas à sa place…

« … Rien à voir avec la capitale. »

Le paysage sur lequel donnait l’hôtel était bien loin des vues familières de la capitale impériale. Ici, à l’extrémité orientale de l’Empire, les bâtiments quasi-futuristes de la ville n’existaient pas.

Trois heures du matin.

La ville était déserte, ses habitants endormis. Même les couloirs de l’hôtel étaient vides, à l’exception d’Iska, qui montait la garde devant la chambre.

« … »

Il prit une nouvelle gorgée de la boîte de café.

Bien sûr, si Jhin avait été là, il aurait fait remarquer qu’Iska se comportait de manière inhabituelle. En général, il s’abstenait de prendre des stimulants volontairement, sauf s’il mangeait en compagnie d’autres personnes.

En d’autres termes, il était tellement épuisé mentalement et physiquement qu’il avait besoin d’une petite quantité de caféine.

… Mais j’étais juste allongé. Et j’ai échangé ma place de garde avec Jhin.

… Je n’arrive pas à croire que j’ai encore sommeil.

Il en connaissait la raison.

Maintenant qu’il était rentré chez lui, il avait inconsciemment baissé sa garde. Il y avait la fatigue qu’il avait endurée en se trouvant dans la souveraineté de Nebulis, une nation ennemie, et le fait d’être chez lui avait probablement dissipé toute la tension qu’il avait ressentie auparavant.

« En y pensant, même Jhin s’est endormi tout de suite sans lire, pour une fois. Je suppose que tout le monde ressent la même chose. »

Leur long voyage allait bientôt prendre fin, et ils avaient maintenant un objectif clair. Ils allaient emmener Rin à destination. Une fois cela fait, ils couperaient net les ponts avec la Souveraineté.

« J’étais inquiet au début, mais Rin s’est bien comportée. »

Les choses s’étaient déroulées sans incident après le dîner. Tout le tapage qu’elle avait fait pendant la journée l’avait probablement épuisée. Rin était devenue silencieuse après son arrivée à l’hôtel. Elle était probablement en train de dormir en ce moment même.

C’est du moins ce que pensait Iska.

Ka-chak. La porte de sa chambre s’ouvrit avec précaution devant lui.

« Iska… »

« Rin ? Je croyais que tu dormais… Pourquoi tes yeux sont-ils rouges ? »

Rin sortit la tête de la porte, d’un pas chancelant.

Alors qu’il était persuadé qu’elle dormait, elle portait toujours le même costume que tout à l’heure. De plus, elle était pâle de fatigue et ses yeux étaient injectés de sang, comme si elle était restée éveillée toute la nuit.

« Attends, tu ne dormais pas ? »

« … » Rin hocha fermement la tête en signe d’affirmation. « Je n’aurais pas dû prendre ma propre chambre. Dès que je me suis retrouvée seule dans cet hôtel impérial, j’ai eu de plus en plus l’impression d’être observée… »

« Tu es trop prudente ! »

« Nous sommes dans l’Empire. Il pourrait y avoir des mouchards et des caméras cachées partout dans mon logement… »

« Tu n’as pas à t’en inquiéter », lui assura Iska.

« … C’est bien cela. » La jeune fille brune et fatiguée lui fit signe d’approcher. « Malgré la honte que je ressens, je vais te dire ceci. Il y a une chose pour laquelle j’aimerais que tu m’aides… »

« Veux-tu que je fouille la pièce ? Pour m’assurer qu’il n’y a pas d’appareils suspects ? »

« Tu as deviné juste. »

« Nous avons eu des expériences similaires. Je l’ai fait au domaine. »

Il faisait référence à la villa de la famille Lou. L’expérience de la vérification de tout ce qui ressemblait à une caméra dans les logements de son unité était encore fraîche dans son esprit.

… À l’époque, Sisbell avait également déclaré qu’il n’y en avait pas.

… Je peux donc comprendre ce que ressent Rin.

« J’ai compris. Je peux au moins t’aider. »

Il se dirigea vers ses quartiers. Commençant par le salon, il constata qu’il était étonnamment propre. Encore une fois, c’était probablement parce qu’elle avait trop hésité à utiliser quoi que ce soit.

« Je ne vois aucun mécanisme suspect derrière les rideaux ou près des prises. Pas non plus de petits trous dans les murs. Tu vois, c’est comme je te l’avais dit. Une chambre d’hôtel tout ce qu’il y a de plus ordinaire. »

« … D’accord, j’ai compris. Je reconnais qu’il n’y a rien d’organisé ici. » Rin se détendit. « Je peux enfin l’utiliser. »

« Eh bien, c’est ce qui est important. Je vais reprendre mon tour de garde, puis… »

« Il y a aussi autre chose. »

« Hein ? »

« Nous partons à six heures du matin, n’est-ce pas ? C’est à peine à trois heures de route. »

Il avait déjà terminé l’inspection pour elle.

Rin sortit sa serviette de sa valise juste devant Iska qui la regardait, perplexe. Elle était assez grande pour envelopper tout son corps.

« Je suis l’assistante de Lady Alice. Pour servir la famille royale, je dois toujours veiller à mon hygiène. Cela signifie que je dois maintenir mon apparence personnelle. »

« Et que me demandes-tu exactement ? »

« … Pour ça. » Rin désigna la salle de bain. Ce n’était probablement que son imagination, mais elle était à la fois pâle et rouge. « J’ai des affaires à régler là-dedans. Tu comprends, je suppose ? »

« … Oui. Tu dis donc que je devrais me faire discret, n’est-ce pas ? »

« Tsk ! » Rin lui lança un regard noir.

Il pensait avoir été prévenant, mais il semblait que ce n’était pas ce qu’elle avait voulu. Elle serra la serviette dans ses mains.

« Alors, euh… allez ! Comment peux-tu ne pas comprendre ? »

« Comprendre quoi ? »

« Guuuh ! Franchement ! Je veux que tu surveilles mon logement pendant que je suis dans le bain. C’est ce que je veux dire ! » hurla Rin. « Évidemment, je suis sans défense là-dedans. Même si cet endroit n’est pas sur écoute, les forces impériales pourraient très bien se ruer sur une innocente comme moi. »

« Ce n’est pas possible ! »

« Je te demande cela au cas où. Jusqu’à ce que je termine mon bain, j’aimerais que tu surveilles la chambre et mes effets personnels. »

« … D’accord. Es-tu sérieuse ? »

« Bien entendu, je n’ai pas l’intention d’en parler à qui que ce soit d’autre. Nous pouvons garder cela entre nous. » Serrant toujours la serviette, Rin lui tourna le dos. C’est du moins ce qu’il pensait, jusqu’à ce qu’elle se retourne à moitié, comme si elle s’était souvenue de quelque chose. « Tu attends ici. Si tu touches à la porte de la salle de bains, je te traiterai comme l’animal que tu es pour le reste de ta vie. »

« Je ne l’ai jamais fait. »

« Tu n’as pas non plus le droit de renifler la vapeur qui s’échappe d’ici. »

« Me prends-tu pour un pervers ? »

« Quoi qu’il en soit, attends ici comme je te l’ai dit… Je te permettrai spécialement de prendre un peu du bon thé que j’ai apporté. Sers-toi une tasse. »

Rin se dirigea rapidement vers la salle de bain. Après son départ, il trouva le service à thé sur la table.

« … Elle a peut-être remarqué que je buvais du café. »

C’était essentiellement sa récompense pour avoir monté la garde. Elle se montrait prévenante à sa manière en lui offrant quelque chose de supérieur au grossier café qu’il avait siroté.

« Quand même, prendre du thé juste après du café en boîte… Mais je suppose qu’elle m’en voudrait si je n’en prends pas. Je vois. Donc le thé que j’ai apporté n’était pas appétissant, dirait-elle en me jetant un regard noir… »

Il en prit une tasse pour éviter qu’elle ne lui fasse des reproches.

Iska ouvrit le sachet de thé et remplit d’eau la bouilloire fournie avec la chambre, puis attendit.

Mince.

À ce moment-là, il entendit quelque chose de lourd tomber.

« … Qu’est-ce que c’était à l’instant ? »

C’était un bruit sourd. C’était peut-être son imagination, mais on aurait dit qu’il provenait de la salle de bain, où Rin s’était rendue.

« Rin ? J’ai entendu un fracas. »

Il ne reçut aucune réponse. Peut-être était-ce parce que la porte était fermée ou parce qu’elle ne l’entendait pas à cause du bruit de la douche qui coulait.

… Ce n’était pas non plus un bruit léger.

… Le son était lourd, comme des dizaines de kilos.

Elle lui avait demandé de monter la garde. Il ne pouvait donc pas ignorer ce qu’il avait entendu.

« Rin ? Hé, Rin ! »

S’approchant le plus possible de la porte de la salle de bains, Iska l’appela par son prénom. Il ne reçut aucune réponse.

Il pouvait entendre la douche au-delà de l’entrée, mais elle n’avait toujours pas réagi.

« Hey, Rin !? … Tu ne m’entends vraiment pas ? Écoute, dans cinq secondes, je vais ouvrir cette porte si je n’ai pas de réponse ! »

Les cinq secondes s’écoulèrent en un clin d’œil. Haletant, il posa la main sur la poignée de la porte.

La salle de bains.

Au-delà de la paroi de verre embrumée de chaleur et de vapeur, il distingue vaguement une fille qui tenait encore le pommeau de douche, affalée contre le mur.

« Rin !? … Est-ce que ça va ? » Il frappa sur la vitre et cria, mais elle restait affalée, face contre terre.

Était-elle inconsciente ?

« Ça suffit ! Tu n’as pas intérêt à te mettre en colère contre moi plus tard ! »

Il saisit l’une des serviettes de bain préparées et ouvrit la porte vitrée.

« Rin ! »

Au milieu de la vapeur blanche et brillante, elle était restée immobile sur le sol. Il enveloppa sa forme nue dans la serviette de bain et la souleva.

« … Euh… » La jeune fille trempée laissa échapper un soupir.

Elle avait probablement été prise de vertiges à cause de la fatigue et de la chaleur.

… Est-ce parce qu’elle est nerveuse depuis son arrivée dans l’Empire ? Mais cela fait à peine un jour.

… Dans ce cas, elle est probablement épuisée depuis bien avant.

En y repensant, Rin avait régulièrement été chargée de responsabilités depuis leur arrivée dans la Souveraineté. Elle avait été à la fois l’accompagnatrice et la gardienne d’Alice. Elle avait participé au plan d’infiltration de l’institut Neige et Soleil, et elle s’était arrangée pour que tout se déroule à la perfection. L’unité 907 n’était pas la seule à se sentir à l’étroit.

« Rin, je t’emmène dans le salon. »

Iska porta la jeune fille vêtue d’une serviette et la déposa sur le canapé.

***

Partie 4

Il faudrait qu’il la surveille après ça. S’il ne voyait pas d’amélioration, irait-il à l’infirmerie de l’hôtel ? Non, étant donné qu’elle n’était pas habillée, il y avait une petite, mais réelle chance qu’ils se rendent compte qu’elle était une sorcière.

« Il vaudrait mieux que la capitaine Mismis ou Néné la réveille. Elle trouverait sans doute ça bizarre si elle me voyait… »

« Uh, argh… »

La jeune fille aux cheveux bruns ouvrit faiblement les yeux.

« Rin !? Oh, c’est bien. Je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait faire. »

« … »

Rin se redressa de sa position horizontale.

Elle se regarda un moment, ainsi que la serviette de bain qui l’enveloppait. Puis elle se frotta l’arrière de la tête, qu’elle semblait s’être cognée.

« J’étais… »

Rin se leva du canapé. S’assurant qu’elle tenait bien la serviette de bain qui la couvrait à peine, elle écarta rapidement sa frange mouillée.

« … Je vois. » Elle acquiesça docilement. « C’était une erreur de ma part. Je n’arrive pas à croire que j’ai perdu connaissance en prenant mon bain. »

« Je suis heureux de m’en être rendu compte. Sais-tu pourquoi c’est arrivé ? Je pense que tu étais tellement fatiguée que — ! »

« Ne le dis pas. J’ai compris ce qui s’est passé. » Rin interrompit Iska, puis continua. « Voici comment les choses se sont déroulées : tu es tellement dépravé qu’une fois que tu as su que je me baignais, tu en as profité pour m’agresser brusquement par-derrière. »

« … T’agresser ? »

« Et puis tu m’as emmenée sur le canapé pour profiter de moi. »

« Attends ! Je pense qu’il y a un énorme malentendu — ! »

« Il n’y a rien eu de tel ! »

La jeune fille dégoulinante fit un grand pas en avant. Bien que la force de son mouvement ait exposé ses cuisses puissantes, elle était si furieuse qu’elle ne l’avait pas remarqué.

« Essaies-tu de prétendre que je me suis effondrée dans la baignoire, et de surcroît avec des vertiges ? … Je n’aurais jamais pu laisser une chose aussi embarrassante m’arriver ! »

« Tu sais exactement ce qui s’est passé ! »

« … Guh. Je n’arrive pas à y croire. »

Goutte à goutte. Une gouttelette d’eau tomba de la pointe de ses cheveux tandis que Rin serrait les dents.

« Pour qu’un Impérial parmi tous les autres aperçoive ma honte… alors que seul mon père m’a vue ainsi… et pour que ce même Impérial me déplace jusqu’ici… »

« Comme je l’ai dit, je devais le faire ! »

« J’en suis bien consciente. Je ne t’en veux pas. » Rin serra à nouveau les dents. Elle pressa sa main contre sa poitrine, cachée par la serviette. « Cependant, Iska, je dois te dire quelque chose d’important. »

« Qu’est-ce que… ? »

« Tu ne peux pas penser que ce que tu as vu est tout ce que je suis. Même si Lady Sisbell m’a dépassée, je la dépasserai sûrement un jour ! »

« Quoi ? »

« Je ne serai pas toujours aussi plate qu’une grande plaine. Un jour, j’atteindrai le même niveau que Lady Alice, et je serai alors aussi merveilleuse que Lady Elletear ! »

« … Puis-je partir maintenant ? »

« Oh, n’essaie pas de t’enfuir ! Si tu parles de mes seins, je ne te le pardonnerai jamais — ! »

Toujours vêtue de la serviette de bain, Rin poursuivit Iska. Il s’éloigna en sprintant loin de la jeune fille, qui l’invectivait avec une vigueur qui dépassait de loin toutes les invectives qu’elle avait pu faire jusqu’alors.

 

+++

Quelques heures plus tard.

Le matin de leur deuxième jour dans l’Empire.

« Attends, Iska. Il y a quelque chose que nous devons encore faire en ville. »

« Hmm ? »

« Veux-tu bien venir par ici ? »

Ils étaient juste devant l’hôtel. Alors qu’Iska se dirigeait vers le parking, Rin l’attira à l’écart en lui faisant signe.

« As-tu besoin de quelque chose ? » demanda-t-il.

« Par ici. Viens avec moi. »

Rin se dirigeait vers la rue commerçante. C’était la direction opposée au parking de l’hôtel.

« Tout le monde attend déjà sur le parking », lui dit-il. « Ne devrions-nous pas nous dépêcher d’aller jusqu’à Sisbell ? »

« Cela prendra quelques minutes tout au plus. »

Rin marchait vaillamment sur la route principale. Elle s’était un peu assagie par rapport à la veille, lorsqu’elle se cachait dans l’ombre de la capitaine Mismis. Alors qu’elle marchait aux côtés d’Iska, on aurait presque dit qu’il y avait de la force dans sa démarche.

« En fait, Rin, je sais que je ne le demande que maintenant, mais as-tu remis tes anciens vêtements ? »

« Les costumes sont trop rigides. Je suis beaucoup plus habitué à cette tenue. »

Elle avait repris son uniforme de femme de ménage. Cependant, il était légèrement différent des vêtements qu’Iska lui avait vus jusqu’à présent. En bref, on aurait dit qu’ils avaient été conçus pour la mobilité.

« J’ai opté pour cette tenue après m’être fait une idée de l’Empire. De sa mode, je veux dire. »

« Qu’entends-tu par là ? »

« Si je suis habillée comme une femme de ménage, personne ne me trouvera suspecte. Je ne ressemble probablement à rien d’autre qu’à une serveuse de café qui se promène dans la rue. »

En effet.

Elle avait dû s’en rendre compte à la suite de son expérience du dîner de la veille.

… Mais elle était pratiquement recroquevillée par le stress à ce moment-là.

… Je suppose qu’elle gardait un œil sur les choses qui comptaient dans les rues impériales.

Il supposait qu’il aurait dû s’attendre à cela de sa part, étant donné qu’elle ne se permettait jamais de commettre la moindre erreur. D’un autre côté, en tant que l’un des Impériaux observés, il avait des sentiments mitigés à ce sujet.

« Je ne suis pas la seule à avoir changé de vêtements. Lady Alice a également changé de garde-robe. »

« Elle l’a fait ? » Lorsque Rin le mentionna en passant, Iska s’arrêta involontairement dans son élan et répéta ce qu’elle avait dit. « Les vêtements d’Alice ? Veux-tu dire qu’elle porte quelque chose de différent de sa robe royale ? »

« … Oh non ! » Rin mit sa main sur sa bouche. Elle avait accidentellement laissé échapper quelque chose. Maintenant qu’Iska le savait, il ne pouvait pas en rester là.

« J’insiste sur le fait que cette information ne peut être transmise à personne d’autre », déclara Rin. « Même pas tes trois collègues. »

« Je ne leur dirais pas. Je ne le ferai pas, mais… »

Maintenant, il était curieux. Les vêtements royaux blancs qu’Aliceliese Lou Nebulis IX portait avaient été faits sur mesure pour elle. Mais maintenant, elle ne le portait plus ? Qu’est-ce qui l’avait poussée à faire cela ?

« Tu es intéressé ? Je ne te le dirai pas. Cela ne concerne que Lady Alice et la famille royale. Je ne peux rien révéler à un soldat impérial. »

« Je comprends. Je ne vais pas ouvrir une enquête à ce sujet. »

Rin aurait pu lui mentir de toute façon. Le fait qu’elle lui ait carrément dit qu’elle ne pouvait pas en parler avec un soldat impérial était le plus grand aveu qu’elle pouvait faire. Pour l’instant, il ne pouvait que spéculer.

… S’il s’agissait des forces impériales, changer d’uniforme aussi brusquement signifierait une énorme promotion.

… Mais est-ce que c’est ce qui est arrivé à Alice ? Qu’y a-t-il au-dessus d’une princesse ?

Le seul titre qui lui venait à l’esprit était celui de reine, mais il n’en était pas question. Ou peut-être y avait-il une autre raison à ce changement de tenue ?

« Hmm. »

« Ha-ha, je suppose que tu te creuses la tête pour trouver la solution ? » demanda Rin.

« … Je ne vois pas pourquoi elle changerait de vêtements. Quoi qu’il en soit, j’aimerais te poser une autre question. Où allons-nous ? »

Ils étaient déjà au cœur du quartier commerçant. Ils avaient laissé l’hôtel loin derrière eux. S’ils continuaient à marcher, ils auraient aussi largement dépassé le parking où les attendaient Jhin, Néné et la capitaine Mismis.

« Cela fera l’affaire. » Rin s’arrêta au milieu de l’artère principale. Il y avait, bien sûr, beaucoup de piétons. En plein milieu, elle sortit de son sac un appareil photo numérique haut de gamme.

« Oui, » dit-elle. « Je commencerai par ce bâtiment remarquable. »

Puis elle prit une photo. Elle prit photo sur photo des rues animées à l’extérieur de l’hôtel.

« Des souvenirs de mon passage ici », dit-elle à Iska. « Puisque je suis une touriste, après tout. »

« … C’est vrai. Je suppose que c’est le cas. »

C’est exactement ce que dirait un espion si, par exemple, la police militaire le prenait à part. Si elle prétendait être une touriste, elle devait naturellement avoir pris une ou deux photos de l’Empire.

« … Personnellement, je suis un peu mal à l’aise à l’idée que tu te livres à tes activités d’espionnage devant moi », commenta Iska.

« Il ne s’agit pas d’informations classifiées, je ne vois donc pas comment tu pourrais t’y opposer. Les photos que je prends ne diffèrent guère de celles que l’on trouve dans les guides de voyage impériaux publics. »

« Eh bien, je suppose que c’est bien le cas… »

« Hmph. Tu as beaucoup de raisons de te plaindre. Très bien, je vais alors prendre un autre type de photo. »

Rin soupira.

C’est du moins ce qu’il pensait. Au lieu de cela, elle posa sa main sur son épaule et le rapprocha d’elle. Elle tourna l’objectif de l’appareil photo vers eux, et…

« Uhhh !? »

« Ne te débats pas, car tu risques de faire perdre la mise au point. »

Elle avait pris un selfie d’eux deux. Une photo d’un jeune homme et d’une jeune femme dans la rue principale d’une ville touristique. La photo d’Iska était légèrement floue, car il avait bougé.

« … Cela peut paraître étrange de ma part, mais les gens vont se faire de fausses idées à partir de cette photo », lui avait-il dit.

« C’est une photo importante », insista Rin d’un ton tout à fait sérieux en vérifiant immédiatement le selfie qu’elles venaient de prendre. « Cela montre que je suis bien entrée dans l’Empire et que tu m’accompagnes comme promis. Cette photo me permettra de faire d’une pierre deux coups. »

« Attends, l’envoie-tu à Alice ? »

« Évidemment. » Rin haussa les épaules. « Je suis certaine que je lui cause beaucoup de soucis en ce moment. Après tout, elle a forcé son assistante la plus chère à se frayer seule un chemin en territoire ennemi. »

« … Seule ? Je pense que nous t’avons aussi beaucoup aidée. »

« Lorsque nous avons franchi le poste de contrôle impérial, » poursuit Rin, « Les trois véhicules militaires qui nous poursuivaient par l’arrière ont livré un combat dangereux. »

« Combien d’embellissements prévois-tu ? »

« Je vais rester raisonnable. »

Rin manipula rapidement l’appareil photo numérique, en appuyant sur une série de boutons compliqués qui ne se trouvaient sur aucun des modèles en vente.

« Voilà. J’ai fini de l’envoyer. Ne t’inquiète pas pour cela. Je lui ai envoyé notre selfie ensemble. Il n’y a pas la moindre information secrète de l’Empire dedans. »

« Une photo de mon visage ? Ça me fait un peu bizarre qu’Alice voie ça… »

« Qu’est-ce qu’il y a ? De quoi parles-tu ? Ce qui est important, c’est mon visage. »

Elle rangea son appareil photo dans son sac. Une fois son objectif atteint, elle regardea le ciel avec satisfaction.

« Je suis certain que Lady Alice sera heureuse de me savoir en sécurité. »

***

Partie 5

Le palais de Nebulis. La flèche des étoiles.

Chambre de la princesse.

« … C’est curieux, tu as l’air trop contente », murmura Alice, la tête appuyée sur ses mains et arborant une expression incroyablement étrange. Elle tenait un petit moniteur. Il affichait la scène d’une ville qu’elle ne reconnaissait pas. C’était l’une des photos que Rin avait prises des rues impériales. Cet aspect de la photo ne dérangeait pas Alice. Elle était, bien sûr, heureuse de voir Rin saine et sauve, et elle avait certainement gagné en courage après avoir appris les détails de leur poursuite de Sisbell.

« … Ngh. » Non, c’était le selfie de Rin et Iska qu’Alice regardait avec insistance. « Rin, n’es-tu pas un peu trop proche d’Iska ? »

Il y avait d’autres photos. Des scènes où ils marchaient ensemble. Des photos de lui en train de manger dans un café qu’elle avait pris en cachette à proximité.

Elle avait probablement agi de la sorte pour éviter que les autres ne s’aperçoivent de sa présence.

 

 

Alice l’avait compris. Elle comprenait très bien que c’était nécessaire de la part de son accompagnatrice.

« Argh ! Je ne cesse de le répéter, Rin. Iska est censé être à moi… »

Elle avait commencé à s’agiter. Elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter de ce qu’Iska faisait avec le sexe opposé sans elle, sa rivale.

… Après tout, c’est Rin.

… C’est comme ça. J’espère que cela ne se transformera pas dans une situation comme avec Sisbell.

Elle avait déjà ressenti quelque chose de similaire dans le passé.

À l’époque où Iska tenait la main de sa petite sœur.

À l’époque, sa sœur était venue le lui voler. Alice avait commencé à se sentir plutôt meurtrière à ce moment-là, alors cette situation était tolérable en comparaison.

« Mais tu sais quoi, Rin ? Tu ne peux pas te rapprocher d’Iska. Je ne peux pas le permettre. »

Alice secoua la tête devant le petit écran.

Rin n’avait pas entendu cela, bien sûr.

« Même si ce n’est pas ton intention. Tu es dans un pays lointain, dans l’Empire, ensemble, seuls. Si tu fais cela… »

Une scène avait surgi dans l’esprit d’Alice.

+

Comme si je pouvais te laisser seule. Je serai toujours à tes côtés.

Épéiste impérial… non, Iska. Es-tu sûr ? Es-tu certain de vouloir une femme comme moi… ?

+

Rin, qui tremblait d’angoisse à l’idée d’être dans l’Empire. Et Iska, qui la soutenait. Même si elle refusait sa gentillesse au début, Rin finirait par lui ouvrir son cœur, et la distance qui les séparait diminuerait.

« Mais alors… des sentiments interdits pourraient naître entre eux, dépassant même le fait qu’ils soient ennemis. Non, je suis certaine que ces sensations ont déjà germé ! »

Tous deux finiront par prendre une décision.

Ils s’enfuiront.

Au revoir, Alice, au revoir, Lady Alice, c’est tout ce qu’ils lui diront avant de partir vers une contrée éloignée de la Souveraineté et de l’Empire pour y vivre dans un repaire d’amour à deux.

« Quelle affaire sordide ! »

Alice rejeta l’écran en s’arrachant les cheveux.

« Une romance entre une personne de la Souveraineté et une personne de l’Empire. C’est grotesque ! Je ne peux pas le supporter ! »

Peut-être… ont-ils tous les deux progressé hors du cadre de la caméra ? C’est-à-dire qu’ils sont passés dans le monde des adultes.

« Peut-être… qu’ils se sont même embrassés… Oh, ahhh ! Non, non, non ! Je ne peux pas rester les bras croisés et laisser faire. Je dois dire à Rin qu’il lui est interdit de s’engager plus loin dans l’impudeur — ! »

« Qu’est-ce qui est interdit ? »

« Le jeu de l’oie ! »

Alice sursauta involontairement lorsque quelqu’un lui parla par-derrière. Lorsqu’elle se retourna prudemment, elle découvrit la reine en chemise de nuit.

« Alice, je ne peux pas tolérer que tu fasses un tel vacarme la nuit. Que ferions-nous si les gardes du hall l’entendaient ? »

« Je suis désolée, Mère ! »

Elle cacha rapidement le moniteur derrière son dos.

… C’était moins une. Elle ne sait pas pour Iska.

… Si elle me demandait qui est le garçon sur la photo, je serais dans une telle situation.

La reine commença à se peigner les cheveux avec les doigts pour les sécher. Elle venait de passer dans la salle de bains après le salon, dix minutes plus tôt. Il semblerait qu’elle soit déjà revenue du bain.

Compte tenu de la rapidité de la reine, Alice doutait qu’elle y ait passé suffisamment de temps.

« Mère, as-tu déjà fini ? »

« Les vieilles habitudes ont la vie dure. La salle de bains est exiguë et fermée, la visibilité est réduite à cause de la vapeur, et je n’étais pas armée. J’aurais été dans un sacré pétrin si j’avais été attaquée. »

« J’étais là, Mère. »

« Bien sûr. » La reine, rougie par le bain, sourit légèrement. « Mais en tant que mère, je préférerais ne pas t’imposer ce fardeau. Je me suis invitée dans ta suite tous les soirs, après tout. »

« C’est très bien. Je me sens à l’aise en sachant que tu es avec moi la nuit. »

Dormons ensemble pour les prochains jours. C’est ce qu’Alice avait proposé comme mesure défensive la veille au soir.

… Ma mère est toujours blessée.

… Et je n’ai pas non plus de Rin. C’est beaucoup mieux d’être ensemble la nuit.

Leurs pouvoirs astraux étaient également très compatibles. Bien que la glace d’Alice soit résistante aux balles et aux explosions, les murs qu’elle créait ne pouvaient pas empêcher les contaminants aériens tels que les gaz lacrymogènes ou la fumée. Le pouvoir astral Vent de la reine, en revanche, pouvait facilement balayer ce genre de choses.

« Mère, veux-tu boire quelque chose ? »

« Non, je vais bien. Nous devons nous lever tôt demain, alors je vais emprunter le lit maintenant, si tu le permets. »

« Je t’en prie. Je vais boire un verre de lait et je m’endormirai tout de suite. »

La reine se rendit au lit.

Alice observa les cheveux dorés de sa mère, si semblables aux siens, puis soupira de soulagement. Il semblait qu’elle n’ait pas remarqué le moniteur qu’Alice avait caché dans son dos.

« … Ouf. Il s’en est fallu de peu. »

Elle ouvrit le placard de son salon et y rangea le moniteur. C’était sa cachette préférée depuis des années. Seules Alice et Rin le savaient. D’ailleurs, elle avait un tout autre endroit où elle cachait des choses qu’elle voulait garder secrètes, même pour Rin.

Un endroit où son assistante ne resterait pas longtemps, même si elle y mettait les pieds. Et cet endroit était…

« Oh, qu’avons-nous là ? » La voix de la reine vint de la chambre d’Alice. « Alice, qu’est-ce que c’est ? »

« Qu’est-ce qui ne va pas, maman ? »

« Rien du tout. J’ai simplement redressé l’oreiller, puisqu’il était de travers, et j’ai trouvé ceci en dessous. »

La reine se tenait à côté du lit avec un écran portable à la main. Il était différent de celui qu’Alice avait caché dans le salon.

« … Oh — ! »

Oh non.

Avant qu’elle n’ait pu prononcer ces mots, Alice s’était précipitée pour s’arrêter.

Ce n’est pas bon. Ce moniteur contenait des images interdites. Même si personne n’était censé le savoir, la reine était la dernière personne qui devrait voir ça.

« M-Mère, c’est — ! »

« Hmm… Je crois que j’ai déjà vu ça. » Sa mère inclina l’écran d’un air perplexe. « Oh, c’est l’ordinateur qui enregistre les images de la caméra de sécurité de la planque. Tu l’avais donc, Alice. »

« N -non… hum… c’est… c’est un peu… »

« … ? »

« Mère ! » s’écria Alice, qui avait pris sa décision. « Je voulais l’utiliser ! Alors, s’il te plaît, donne… »

Elle arriva trop tard. Avant qu’Alice n’ait pu tendre la main, la reine avait déjà appuyé sur le bouton de lecture des images. Un garçon et une fille apparurent à l’écran. L’un d’eux était Rin. L’autre était Iska, mais la reine ne devait pas le connaître. Le problème avec les images qu’Alice regardait depuis peu tous les soirs était…

+

« Euh… Je prenais une douche… »

« Qu’est-ce que tu crois faire ? J’ai… dix-sept ans ! Une jeune fille ! Et tu es un exhibitionniste ! »

+

Les images avaient été prises il y a environ une semaine dans la planque des Lou.

Tandis que la reine regardait l’écran, la scène du garçon aux cheveux noirs, nu comme un mâle, se grava sans aucun doute dans sa rétine.

Son corps était mince, mais tonique. Ses cheveux étaient mouillés. Les gouttelettes qui s’échappaient des pointes de ses cheveux roulaient sur les muscles de son cou et scintillaient, lui donnant une impression de maturité douteuse.

« C’est ça !? » s’était exclamée la reine, surprise. Peut-être à cause de la soudaineté de l’événement, elle n’avait pas pu détacher ses yeux des images choquantes. « Alice, gardes-tu l’image d’un homme nu sous ton oreiller !? Qu’est-ce que cela signifie ? »

Le visage de la reine était légèrement rouge.

Je n’arrive pas à croire que ma fille puisse faire cela.

Comment a-t-elle pu filmer secrètement un homme nu ?

C’était la première fois que la mère d’Alice la regardait ainsi. C’était choquant.

« Ce n’est pas comme ça ! Attends, Mère… Euh, oui, c’est ça. C’est, euh… une information importante sur l’ennemi. Pour connaître l’ennemi — ! »

« Ce garçon est plus jeune que toi, n’est-ce pas ? »

« Ce n’est pas sur cela que tu dois te concentrer ! »

La déviation d’Alice était vaine. La reine avait les yeux rivés sur l’écran.

« Tu as fait déshabiller un garçon si tendre et… Ah non. Je suppose qu’un garçon de cet âge a une certaine beauté captivante, comme une grande fleur sur le point d’éclore. »

« … Quoi ? »

« Sa peau brûlée par le soleil reflète parfaitement l’aura d’un jeune homme dans la fleur de l’âge. Et la proéminence de ses muscles le long de son cou est magnifique. Et oh, ces mèches noires trempées. La façon dont les pointes de ses cheveux s’accrochent à son cou et s’agitent légèrement ne peut être qualifiée que de précieuse… »

« … Euh, Mère ? »

« Et pourtant ! » La reine releva la tête avec animation. Elle se retourna assez vigoureusement pour écraser sa fille. « Néanmoins, Alice ! Une princesse doit faire preuve d’un incroyable sang-froid. Je ne peux pas croire que tu fasses quelque chose d’aussi éhonté que de déshonorer ce garçon. Surtout, en tant que mère, j’aimerais que tu apprennes le charme d’un homme mûr ! »

« Mère ! Comme je l’ai dit, je ne me livre à aucune activité honteuse ! » rétorqua Alice, toute rouge. « J’observe l’ennemi. Je le regarde tous les soirs pour le voir nu… non, je veux dire, pour mieux le comprendre. Je ne renonce jamais à mon étude quotidienne de — ! »

« Quotidienne ! »

« Ce n’était pas la question ! »

Elle était trop lente.

Ce garçon aux cheveux noirs était un inconnu pour la reine. Elle ne pouvait que supposer que sa propre fille l’observait inconsciemment nuit après nuit.

« Je confisque ceci. »

« Noooooon ! »

« Oh… attends, Alice ? Arrête ça ! Lâche-moi ! »

Alice était fébrilement décidée à empêcher la reine d’emporter l’écran.

***

Intermission : Au centre de ce monde

Qui est l’autorité suprême de cet empire ?

Si vous posiez cette question à n’importe quel citoyen, impérial ou non, ils seraient tous d’accord : l’assemblée impériale.

Ce sont les puissants, les experts et les riches qui ont été choisis par l’ensemble de la nation. Les décisions de ces quelques législateurs triés sur le volet déterminaient tout dans l’Empire.

Cependant…

Tous les membres de l’assemblée impériale connaissaient une règle ultime non écrite : ils ne s’opposeraient jamais aux Huit Grands Apôtres, les huit personnes dotées de l’autorité suprême qui dirigent l’organe dirigeant.

Peu de citoyens de l’Empire ou d’ailleurs avaient appris qu’il s’agissait des personnes qui étaient véritablement à la tête de l’Empire. En fait, l’existence même des Huit Grands Apôtres était un secret. Seuls les membres de l’assemblée impériale et les soldats des forces impériales les connaissaient. C’est précisément ce qui faisait des Huit Grands Apôtres l’autorité suprême.

« Mais ce n’est pas du tout vrai. »

Clack… clack… Le bruit des talons durs résonna au moment où ils touchèrent le sol, superposé à sa voix.

« Je ne sais pas s’il faut appeler cela de la mystification ou de la folie. Les citoyens impériaux, les citoyens d’autres pays, les hauts fonctionnaires, et même l’assemblée impériale — aucun d’entre eux ne comprend. Non, peut-être ont-ils simplement oublié ? »

Une grande militaire à l’allure plutôt intelligente, portant des lunettes à monture noire, s’avança dans le couloir.

Risya In Empire.

Un génie qui, à seulement vingt-deux ans, s’était hissé au cinquième rang des Saints Disciples, la force militaire la plus puissante de l’Empire.

« Mais en réalité, tout le monde devrait être au courant. Du plus grand d’entre eux. »

Elle progressait dans le couloir baigné de vermillon.

+

« Seul le Seigneur se tient au sommet du monde. »

+

Le Seigneur, Yunmelngen.

Le symbole de l’Empire et le seul et unique maître que Risya servait. C’était lui qui dirigeait véritablement l’Empire. Et pourtant, le Seigneur n’avait pas bougé.

Il vivait reclus dans le bâtiment sans fenêtre appelé « siège de la tour du château ». Il n’exerçait jamais son autorité. C’est pourquoi le peuple avait temporairement oublié qui détenait l’autorité suprême.

« Ils sont tellement irréfléchis, après tout. Si le Seigneur n’avait pas exercé son autorité sur les Huit Grands Apôtres, l’Empire aurait déclenché une guerre totale avec la Souveraineté. »

Elle poursuivit son chemin dans le passage vitré jusqu’à l’étage le plus élevé des quatre bâtiments, le Paradis. Lorsqu’elle posa le pied à cet endroit, l’odeur âcre de l’herbe chatouilla le nez de Risya.

« Votre Excellence. »

 

 

« — »

Au-delà du rideau suspendu au plafond, l’ombre du Seigneur ondulait, comme éclairée par une bougie.

« J’ai une suggestion à faire. Pourquoi ne pas remplacer ces tatamis, ou quel que soit le nom qu’on leur donne, par un plancher en bois ? L’odeur de l’herbe est si forte que mon nez se plisse à cause de la puanteur. »

« Bien sûr. Nous prélèverons les fonds directement sur ton salaire. »

Le rideau s’ouvrit rapidement pour révéler…

+

… une bête argentée gloussant.

+

Tout le corps de la bête était recouvert d’une fourrure de renard. Cependant, son visage était un croisement entre celui d’un chat et celui d’une fille humaine… ou du moins, on pourrait l’assimiler à cela. Ses yeux étaient aussi grands que ceux d’un chaton, et ses traits feraient tomber n’importe quel humain amoureux au premier regard. Même les canines acérées qui pointaient au coin de la bouche de la bête étaient charmantes.

Cette même bête était assise sur une chaise, les jambes croisées, la tête appuyée sur sa main.

Un homme bête. Un être vivant qui n’existe que dans les contes de fées.

« Tu es en avance, Risya. »

« Eh bien, Votre Excellence, vous seriez tout aussi surpris si j’arrivais en retard. Vous me diriez que j’ai aggravé votre ennui de façon exponentielle. »

« Hmm ? Nous ne sommes pas si mesquin. » La voix du seigneur Yunmelngen était pleine d’entrain. « Alors, qu’est-ce qui t’amène ici ? »

« L’affaire qui vous concerne, Votre Excellence. »

« Et qu’est-ce que c’est ? »

« Il semblerait que le successeur de l’Acier noir soit de retour. Vous vous souvenez certainement que l’unité 907 a quitté l’Empire depuis un certain temps. Alors, où étaient-ils encore… ? »

Risya ouvrit un mémo papier. Elle jeta un coup d’œil sur la carte qui y était imprimée.

« Oui, il semblerait qu’ils se trouvent dans le district d’Altoria, à l’extrême est. Ils ont présenté leur carte d’identité militaire lors de leur passage au poste-frontière. »

Ils étaient loin de la capitale impériale. Leur retour prendrait plusieurs jours, même par la route la plus courte.

« … C’est un problème », se lamenta la bête aux cheveux argentés du haut de sa chaise. « Ces épées astrales sont précieuses, après tout. Il nous met dans l’embarras en les sortant à tout bout de champ. Nous supposons que Crow ne lui a jamais dit cela. »

« Crow… Oh, lui. Quel nom nostalgique ! »

Crossweil Nes Lebeaxgate.

À une époque, il avait été le chef des Saints Disciples, le bras droit du Seigneur.

« J’ai entendu dire qu’il était le professeur d’Iska, mais je me demande où il est et ce qu’il peut bien faire maintenant. Le vagabond. »

« Ce n’est pas le cas. Il peut faire ce qu’il veut. »

L’homme bête aux cheveux argentés bâilla profondément. Une rangée de dents acérées, manifestement inhumaines, sortait de sa bouche.

« Risya, appelle donc le successeur de l’Acier noir. »

« Oh. Cela doit donc signifier… »

« Il est temps. Nous allons l’instruire sur les épées astrales en commençant par la base, à la place de ce professeur maladroit. »

« En êtes-vous sûr ? »

Risya plisse les yeux derrière ses lunettes.

Les épées astrales. Qu’avaient pensé les soi-disant Astrals lorsqu’ils avaient forgé ces instruments ?

La vérité n’avait pas été dite à Iska. Au mieux, il saura seulement que son maître les lui avait légués dans des circonstances particulières.

« Je suis sûr que cela va donner des sueurs froides aux Huit Grands Apôtres. »

« Tel est mon but. Je pense qu’ils montreront leurs défauts si nous commençons à agir… Hwaaah. » L’homme bête bâilla à nouveau. « Oh, nous sommes resté éveillé pendant deux heures entières. Il est temps de se recoucher. »

« Oui, oui. Alors je vous réveillerai lorsque l’unité 907 sera de retour à la capitale impériale. Ils sont encore aux confins de l’Est d’Altoria, donc je suis sûre que cela prendra un certain temps. »

« … Risya, qu’est-ce que tu viens de dire ? »

« Excusez-moi ? »

Risya, qui s’était détournée du Seigneur, se retourna brusquement lorsqu’on lui adressa la parole.

Il était sous ses yeux.

Quand avait-il bougé ? La bête aux cheveux argentés qui était assise sur une chaise sur une plate-forme se tenait maintenant sur le tatami, le dos voûté comme un chat, et regardait Risya.

« Altoria ? L’extrême orient ? Tu as dit Altoria ? »

« Oui, c’est ce que je viens de dire — Oh. »

Le Seigneur arracha rapidement le papier de la main de Risya, aussi agilement qu’un renard ou un chat bondissant sur sa proie.

« … Altoria. »

« Qu’y a-t-il, Votre Excellence ? Je suis sûre que vous n’avez pas besoin de cette carte, vous devriez déjà en connaître le contenu. »

« J’ai changé d’avis. »

Le Seigneur Yunmelngen avait ri. L’homme bête froissa le papier entre ses mains humaines.

« Un nom mémorable. Risya, préparez-vous immédiatement. »

« Que voulez-vous dire par là ? »

« Nous irons. Vous et moi. »

« Quoi ? Attendez, s’il vous plaît, Votre Excellence ! J’ai une réunion importante avec le commandant du QG après cela. Et je dois me préparer pour une conférence de presse après cela ! »

« Oh ? “Seul le Seigneur se tient au sommet du monde”. Ce qui signifie que ma parole est absolue. N’est-ce pas toi qui as dit cela, Risya ? »

« … Vous avez donc écouté. »

Elle acquiesça à contrecœur tandis que l’homme bête l’entraînait avec lui.

Le Seigneur l’exaspérait vraiment.

***

Chapitre 4 : Un nom interdit et oublié

Partie 1

Territoire impérial. Juridiction d’Altoria, à l’extrême est.

Centre de l’extrémité orientale de l’Empire, la cité d’Altoria.

« S’agit-il d’une zone industrialisée ? »

« C’est ce que ça semble être. »

Jhin avait dit cela à Rin, qui murmurait en regardant par la fenêtre de la grande voiture.

« Il y a beaucoup de terres dans la campagne. La périphérie sert de pâturage pour les vaches laitières, et cette zone est apparemment utilisée pour l’industrie. C’est ici qu’ils collectent le minerai de fer de tout l’Empire. »

« … Il s’agit donc d’une opération militaire ? »

« Pourquoi une activité aussi imposante se trouverait-il ici ? Ils fabriquent des voitures et des avions, tout au plus. »

Des usines de fabrication parsemaient les vastes plaines verdoyantes. Des volutes de fumée blanche s’élevaient des cheminées après filtrage.

« Hé, Iska ? » La capitaine Mismis se pencha par la fenêtre de la voiture. « Je ne vois toujours pas l’endroit où Mlle Sisbell a été enlevée. »

« … Il ne faut pas croire qu’il y a quelque chose de louche là-dedans, duh. »

Ils ne voyaient qu’une grande usine après l’autre. Bien que tous les bâtiments soient assez grands pour cacher une seule personne, comme Jhin l’avait souligné, il s’agissait principalement d’usines d’avions et de voitures, qui plus est privées.

… Les ouvriers qui ne sont pas dans le coup dans les usines feraient un énorme remue-ménage s’ils découvraient Sisbell.

… Ils ne pourraient donc pas utiliser une installation à moins qu’elle n’ait des liens avec l’Hydra.

C’est probablement la raison pour laquelle Rin se sentait également dubitative.

Il aurait été plus facile pour eux d’emmener Sisbell dans un hôtel bon marché d’une ville isolée ou de la confiner dans un entrepôt loué plutôt que dans une zone industrielle comme celle-ci.

Pourquoi l’ont-ils amenée ici ?

« Peu importe. De toute façon, nous allons à l’endroit d’où vient le signal. Nous pourrons parler après. »

Rin tenait une boucle d’oreille représentant un soleil. Ils étaient venus ici en croyant que la transmission de la carte cachée à l’intérieur indiquait l’endroit où Sisbell était détenue. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.

« Les coordonnées sont proches. Vois-tu quelque chose de suspect, épéiste impérial ? »

« Non, pas du tout. » Iska était également très attentif. Comme l’avait fait remarquer Rin, quelle que soit la distance parcourue, les seuls bâtiments qui apparaissaient par intermittence dans la vaste plaine étaient des usines. « C’est toujours le même paysage. »

« Ouvre l’œil. Je suis sûre que tu pourrais voir à travers un mur de béton à l’œil nu. »

« De quoi parles-tu cette fois-ci… ? »

« Je parie que tu pourrais suivre l’odeur de Lady Sisbell si elle venait sous le vent. »

« Qu’est-ce que tu crois que je suis ? »

Il ouvrit la carte avec dépit.

« Un endroit suspect… », songea Iska. « Si nous pouvons dire que l’endroit est louche au premier coup d’œil, je pense que les habitants le verront aussi de cette façon. »

« Iska. » Néné, qui était à la place du conducteur, montra du doigt la route. « Les coordonnées indiquent l’endroit là-bas. »

Elle indiquait d’un geste un bâtiment de construction cloisonné par des murs de béton. Ils étaient encore trop loin pour voir clairement ce qui s’y passait.

« Néné, peux-tu faire une boucle autour du mur ? »

« Tu as compris, commandante. Ils nous suspecteront si je ralentis, alors je garde la même vitesse. »

Ils s’étaient dirigés vers l’usine où les coordonnées semblaient les mener. À l’approche de la voiture, le paysage se dessina.

« Hé, qu’est-ce qui se passe ici… ? » Jhin se pencha en avant. « Ce n’est pas une usine de fabrication. Ce ne sont que des ruines. »

Le mur miteux avait été battu par le vent et la pluie pendant des années, le laissant en ruine. Le bosquet d’herbes sauvages avait atteint une taille supérieure à celle d’Iska, bloquant l’entrée du domaine.

Ce qui restait de l’usine et le mur de béton qui l’entourait étaient délabrés. Aucune lumière ne brillait à l’intérieur des vitres brisées du bâtiment, et il ne semblait pas qu’il y ait de l’électricité ou de l’eau courante. Comme Jhin l’avait annoncé, il semblait que toute production avait cessé, ne laissant que des ruines.

« … On dirait qu’il est hanté », fit remarquer la capitaine Mismis.

« … Hanté ? Je m’inquiéterais plutôt des rats qui infestent probablement l’endroit, commandante. Je parie qu’il y a une tonne de toiles d’araignées au plafond. Je ne sais pas gérer ce genre de choses… », répondit Néné.

L’endroit semblait désert. Si Sisbell était enfermée ici, ils pouvaient comprendre pourquoi personne ne l’avait repérée.

Cependant…

Est-ce vraiment là qu’elle est détenue ?

… S’ils avaient Sisbell, il y aurait eu des soldats en faction et des caméras de sécurité.

… Mais je ne vois rien de tel.

Peut-être avaient-ils renoncé aux gardes pour bien faire croire que l’endroit était abandonné et tromper d’éventuels poursuivants. Mais une telle stratégie était trop risquée pour l’Hydra. Les chances qu’ils n’affectent pas quelqu’un à la surveillance de Sisbell étaient minces, voire nulles.

Ce n’était peut-être pas l’endroit ? Alors qu’Iska hésitait à exprimer ses doutes, quelqu’un d’autre le fit pour lui.

« Maintenant que j’y pense, c’est inutile. » Rin, qui était restée silencieuse jusqu’alors, ouvrit soudain la portière de la voiture… alors qu’elle roulait encore sur la route. « Néné, ou qui que vous soyez, arrêtez la voiture. S’il n’y a pas de surveillance, vous devriez pouvoir vous garer près du mur sans problème. »

« Wôw !? Attendez une seconde, Mlle Rin. Je vais m’arrêter — calmez-vous ! »

Le véhicule s’arrêta brusquement. Au même instant, Rin en sortit d’un bond. Elle fixa intensément l’usine délabrée depuis un trou géant dans le mur de béton.

« Je ne vois aucune indication de caméras de surveillance. S’il y en avait eu, nous aurions pu être sûrs que c’était là. Dans ce cas, le seul moyen de le savoir est de pénétrer dans l’enceinte… Alors, Commandante. »

« Oui, oui ? »

Rin haussa les épaules en direction de la capitaine Mismis, qui fixait elle aussi l’usine.

« Qu’est-ce qu’on fait dans cette situation ? » demanda Rin.

« … Que voulez-vous dire ? »

« Notre accord était que vous m’emmeniez à l’endroit où se trouve Lady Sisbell. Nous avons convenu de ne pas interférer l’un avec l’autre par la suite, mais comme vous pouvez le voir, il n’y a aucune preuve de la présence de Lady Sisbell ici. »

« … Oh. Vous avez raison. » La capitaine Mismis croisa les bras. Elle regarda dans le vide pendant un moment, comme si elle était en train de réfléchir. « Vous voulez donc dire que vous aimeriez que nous fouillions cette usine ? Hum, hmm… Je n’en suis pas si sûre… »

« Nous allons faire un échange supplémentaire. Je vous donnerai également quelque chose de valeur. »

Rin sortit des auto-adhésifs de couleur chair du sac à main qu’elle avait laissé dans la voiture. Ils provenaient probablement de la même réserve qu’elle avait donnée au capitaine Mismis lors du passage du poste de contrôle impérial. Il y en avait cinq au total.

Elle les enfonça dans la poitrine de Mismis.

« Vous avez peut-être tous les autocollants que j’ai sur moi. Je suis sûre que vous en avez de Lady Sisbell, mais comme je vous l’ai dit la veille, ils ne correspondront pas à votre teint. »

« Euh… ! »

« Je suis sûre que vous n’avez aucun scrupule. »

« Commandante ! Iska, Jhin, par ici ! » appela quelqu’un à distance. Néné, qui avait suivi le mur et s’était éloignée, leur fit signe de s’approcher.

« Il y a quelque chose d’anormal dans ce bâtiment », leur dit-elle. « Pourrions-nous avoir le temps de le fouiller ? Ne serait-ce qu’une heure ? »

« Qu’est-ce qui te prend, Néné… ? »

« Ceci », répondit-elle.

C’était le gigantesque mur de béton qui entourait le terrain. Néné désigna les doubles portes qui semblaient être l’entrée. À côté d’elles, un panneau en métal gravé indiquait : +

+

INSTITUT OMEN POUR LA RECHERCHE ASTRALE, BRANCHE ALTORIA.

+

"Hein ? Est-ce là où nous sommes ?" Iska n’en croyait pas ses yeux.

Omen, collectif de génies. Dans l’Empire, où la recherche sur le pouvoir astral était taboue, seule cette organisation était officiellement autorisée à mener ses recherches. Et si cet endroit portait ce nom, cela signifiait…

« Il s’agissait donc au départ d’un centre de recherche, et non d’une usine… »

S’il s’agissait d’un établissement d’Omen, c’était l’un des plus grands secrets du pays. Seules les personnes liées à l’organisation avaient le droit d’y mettre les pieds. Même Iska, un soldat impérial, n’avait jamais pénétré dans un bâtiment d’Omen.

« … Ngh. C’est vrai, mais… », marmonna Néné. Elle regarda entre l’enseigne rouillée et le terrain quasiment en ruine. « Je suis curieuse. Commandante, j’aimerais explorer un peu cet endroit ! »

« Excuse-moi ? Attends, Néné ! Tu ne peux pas entrer dans la propriété d’Omen. Les portes d’entrée sont fermées ! »

« Par ici. »

Néné désigna le mur. Des années d’exposition aux éléments l’avaient usé et le béton s’était effrité. Il y avait même un trou assez grand pour qu’Iska et Jhin puissent y entrer.

« Nous entrons… Hmm. Je pense que je peux passer. Mlle Rin devrait pouvoir passer, et Iska et Jhin sont tous les deux minces, donc tu devrais aussi pouvoir », dit Néné. « Je pense que si quelqu’un reste coincé, ce sera la commandante, vu ses seins et son derrière. »

« Qu’est-ce que tu sous-entends, Néné ? »

« Allez, patron ! Tu nous retardes. »

« Ne me pousse pas, Jhin ! »

La commandante, Jhin et Rin étaient passés par le trou à la suite de Néné.

« Toi aussi, Iska ! »

« D’accord, j’arrive. »

Il regarda à nouveau autour de lui. La voiture était dans l’ombre du mur. Même les quelques véhicules qui passaient sur la route ne faisaient pas mine de s’approcher d’eux. Une fois qu’il s’en fut assuré, Iska sauta à son tour par l’ouverture.

De l’autre côté se trouve une branche de l’Institut Omen pour la recherche astrale.

Iska trouva les terrains abandonnés encore plus silencieux qu’ils ne semblaient l’être de l’extérieur du mur.

Le site était envahi par la végétation. Une seule voiture désaffectée se trouvait sur le parking, ses pneus dégonflés. Dans une partie de la zone, des tas d’équipements méconnaissables étaient empilés dans la zone des ordures.

« Uhhh… cet endroit semble vraiment effrayant. Il est vraiment délabré… »

« Le centre de recherche lui-même est extraordinaire, commandante. »

***

Partie 2

Il s’agissait d’un établissement de trois étages. Même de loin, ils pouvaient voir que les vitres étaient toutes brisées. De près, les fissures du béton ressemblaient à des toiles d’araignée. De la mousse et des insectes noirs non identifiés rampaient le long des murs, conférant à l’endroit une aura inquiétante.

« Hmm… »

L’un d’entre eux leva des yeux brillants.

« Néné, as-tu trouvé quelque chose ? »

« Non, rien. » Elle secoua la tête, ses longs cheveux roux s’agitant dans sa queue de cheval. « C’est en fait très intéressant qu’il n’y ait rien ici. »

« Hein ? »

« Pas la moindre trace d’énergie astrale. »

Clonk. Néné frappa du poing sur le mur de béton.

« S’il s’agit d’un ancien institut de recherche sur l’énergie astrale, ce serait un problème si de l’énergie astrale s’échappait, n’est-ce pas ? Il devrait donc y avoir des détecteurs d’énergie astrale à l’extérieur du bâtiment et à l’intérieur des murs. C’est bizarre qu’il n’y en ait pas. »

« Ne penses-tu pas qu’ils les ont enlevés à la fermeture, Néné ? »

« J’y ai pensé, mais… » Elle désigna le parking et le local à poubelles. « Ils ont laissé une voiture et leurs machines. Je doute qu’ils enlèvent soigneusement les détecteurs et laissent tout le reste. »

« Oh… c’est vrai. »

« Aussi, Mlle Rin, puis-je vous poser une question ? » Ensuite, Néné fit un geste vers le mur de l’édifice. « Les instituts de recherche sur le pouvoir astral devraient avoir un conduit pour pomper l’énergie astrale depuis le sol, non ? Avec un filtre un peu spécialisé dessus. »

« Euh !? Comment avez-vous… !? »

« J’en ai vu un à l’institut Neige et Soleil. »

« … »

C’est au tour de Rin de se taire.

« Ils traitent probablement l’énergie astrale qu’ils pompent du sol à l’extérieur d’une manière ou d’une autre, n’est-ce pas ? Ils ne sélectionnent que l’énergie qu’ils veulent étudier, puis l’acheminent dans le bâtiment. C’est pourquoi je suis convaincue que les murs devraient être équipés du même type de tuyaux. »

« … C’est tout à fait exact. » De manière inattendue, un sourire crispé se dessina sur le visage de Rin. « L’énergie astrale qui jaillit d’un vortex n’est jamais d’un seul type. Il faudrait un classificateur pour les trier… Je ne peux pas entrer dans les détails, mais j’avais les mêmes réserves. »

« Je le savais. »

« Mm-hmm. Je reconnais que c’est impoli, mais je dois dire que je vous ai sous-estimée, Néné. Il ne m’est jamais venu à l’esprit que vous auriez pu être aussi observatrice de l’institut Neige et Soleil… » Rin croisa les bras et se tourna vers Mismis. « Voilà, commandante. »

« Quoi ? Euh, euh… Oh, j’ai compris, c’est bon. Même moi, je comprends. »

« Ce laboratoire de recherche est une imposture. Ils l’ont probablement créé pour qu’il ressemble à un institut de recherche sur le pouvoir astral. »

« Pourquoi m’avoir devancé, Jhin ? » s’exclama Mismis.

« Le soleil se couche. Allez, on y va, patron. » Il avait une mallette sur l’épaule. Jhin sortit le fusil de précision qui y était rangé et jeta la mallette sur le côté. « Nous devons agir comme des soldats impériaux de temps en temps. »

« Quoi ? Cela signifie que… »

« S’il s’agit d’un laboratoire de recherche illégal, il s’agit d’une violation indéniable de la loi. Ce n’est pas comme si je pouvais garder le silence en tant que soldat impérial. »

Oui. À ce moment-là, la situation avait complètement basculé pour l’unité 907.

… S’il s’était agi d’un laboratoire impérial, nous n’aurions pas pu intervenir.

… Mais s’il s’agit d’un centre de recherche illégal, les circonstances sont complètement inversées. En tant que membres de l’armée impériale, nous sommes obligés d’intervenir.

Ils avaient désormais une raison de monter à bord. Au lieu de récupérer Sisbell, leur objectif était d’enquêter sur ceux qui avaient construit illégalement le laboratoire.

« C’est comme ça. » Il fit un clin d’œil à Rin, qui se tenait silencieusement à l’écart. « Changement de plan. Nous venons avec vous. »

« Comme vous voulez. » Rin se fendit le cou. « J’ai accumulé beaucoup de stress ces derniers jours. Puisqu’il ne s’agit pas d’une installation impériale, vous ne verrez pas d’inconvénient à ce que je me défoule un peu, n’est-ce pas ? »

 

+++

L’Empire. Visgehten, capitale du quatrième État.

C’est là qu’avait été conservé le seul et unique vortex « non enterré » de l’Empire.

Le pouvoir astral était à l’origine tabou. Bien que les forces impériales aient détruit tous les vortex découverts par l’Empire, dans cette province, l’un d’entre eux avait été scrupuleusement préservé sous les auspices d’Omen, collectif de génies.

Toutes les informations relatives au pouvoir astral qui existaient dans l’Empire se trouvaient ici.

« Bonjour, Sans Nom. Comment allez-vous aujourd’hui ? »

« Vous m’avez posé la question il y a trois heures. »

« Alors il semblerait que vous soyez conscient. Après tout, cela fait trois heures que nous inspectons votre bras dans cette salle privée spécialisée dans les pouvoirs astraux. »

La salle d’examen était remplie d’une lumière blanche bleutée. Une voix jubilatoire et des bruits de pas résonnaient sur les carreaux opalins de la pièce.

« Michaela, la carte, si vous pouviez ? »

« Chef Newton. »

« Qu’est-ce qu’il y a ? »

« Vous l’avez déjà en main. »

« Oh là là ! Il semble que vous ayez raison. J’étais tellement perdu dans mes pensées que je l’avais oubliée. Comme lorsqu’on cherche ses lunettes alors qu’elles sont sur le visage. »

Lorsque la femme médecin en tenue de bureau le fit remarquer, le chef moustachu avait souri d’un air maussade.

Saint Disciple du dixième siège et chef du laboratoire, Sire Karosos Newton.

Son surnom était le « chercheur le plus malade ». Les épaules et les membres de l’homme semblaient vouloir craquer à la moindre brise. Ils trahissaient le fait qu’il était une exception, un civil parmi les membres de la plus grande force militaire du monde, les Saints Disciples.

Il fit un signe de la main à son collègue, assis sur un lit.

« Donc. Je repose la question. Comment vous sentez-vous, Sans Nom ? »

« … »

L’apparence de l’autre homme avait quelque chose d’inhabituel. Il était vêtu d’un costume gris foncé de la tête aux pieds. Son visage était caché, et il était peu probable que quelqu’un puisse même poser un stéthoscope sur sa poitrine. Il n’avait pas du tout l’air d’un patient en train d’être examiné.

« … Mes blessures sont douloureuses. »

Sans nom. Le huitième siège des Saints Disciples tenta de lever son bras droit musclé et exposé. Il ne bougea pas d’un pouce. Il souleva légèrement son épaule, mais ce fut tout ce qu’il put faire. Manipuler ses mains ou ses doigts lui était impossible.

« Lors du plan pour capturer la reine, Growley, un vieil homme qui dirige la maison Zoa, m’a inondé de pouvoir astral, et voilà le résultat. Combien de fois dois-je expliquer ? »

Son membre droit était couvert d’ecchymoses d’un violet profond.

Bien qu’elles ressemblaient à des brûlures, elles étaient en réalité les symptômes d’une maladie astrale corrosive produite par la puissance astrale du Vice.

+

« Je suis Growley, le chef des Zoa. Et si nous faisions le bilan de vos péchés ? »

« Il s’agit d’avatars. Vous êtes déjà coupable d’un crime. Ce crime est devenu votre punition. »

+

Sans Nom n’avait toujours pas réalisé l’étendue de la puissance astrale, même à la fin de l’incident. L’énergie astrale s’était matérialisée sous la forme de bêtes avatars qu’il avait affrontées, mais lorsqu’elles l’avaient attaqué, son bras droit s’était immobilisé. C’est tout ce qu’il savait.

« La maladie du pouvoir astral se décline en un nombre infini de variétés, après tout. » Le chef Newton regarda le tableau, sa voix s’élevant au fur et à mesure qu’il le lisait, comme s’il prenait plaisir à le faire. « Vous avez combattu un sang pur, n’est-ce pas ? Il n’y a pas grand-chose à faire si les connaissances de l’Empire sur les maladies liées au pouvoir astral et la façon de les traiter ne fonctionnent pas dans ce cas. Cela montre à quel point le monstre que vous avez affronté était terrible. »

« Assez de bavardages. »

Le Saint Disciple du huitième siège jeta un coup d’œil au chercheur.

« Qu’adviendra-t-il de mon bras ? Va-t-il pourrir à ce rythme ? »

« Peut-être. Ou peut-être pas. La méthode la plus rapide serait de vous couper l’épaule droite et de la remplacer par un membre artificiel comme le gauche. »

« Ça marche pour moi. »

C’était aussi simple que cela. Alors que Saint Disciple les incitait à lui couper le membre, Michaela frissonna et pâlit. N’était-il pas au moins hésitant ? Ce n’était pas n’importe quel bras. C’était le bras du plus grand assassin de l’Empire. Il valait plus que l’une des épées les plus précieuses de la nation. Pourquoi n’avait-il pas peur de le perdre ?

« Il n’y a pas de raison de se précipiter. » Le chef Newton jeta le tableau et haussa les épaules. « D’après votre rapport, la puissance astrale du Vice, ou quel que soit son nom, a tremblé face à la grenade anti-pouvoir astral, n’est-ce pas ? Dans ce cas, il y a de fortes chances que nous puissions l’éliminer. »

« – »

« Nous avons des ressources que la puissance astrale n’aime pas. Le minerai que nous avons collecté dans la région hautement contaminée de Katalisk est particulièrement intéressant, car nous pouvons le dissoudre pour en faire un médicament. Michaela, veuillez prendre des dispositions immédiatement. Variez la concentration et essayez de prélever le plus d’échantillons possible. »

« J’entends des frissons dans votre voix. »

Le Saint Disciple soupira.

***

Partie 3

Pour ce scientifique émacié, même sa maladie du pouvoir astral n’était rien d’autre qu’une précieuse recherche. Il était dépourvu de la fierté qu’éprouvent les médecins à guérir leurs patients.

« Vous pouvez utiliser mon corps comme échantillon, mais ne pensez pas que je vous laisserai jouer avec moi sans conséquences si vous n’êtes pas capable de me guérir à la fin. »

« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous guérir. Je n’ai jamais traité à la légère un patient atteint d’une maladie liée au pouvoir astral. » Le chef Newton se tourna vers le médecin derrière lui et lui fit un clin d’œil. « N’est-ce pas, Michaela ? »

« C’était effrayant. »

« Apparemment, l’astuce pour faire un clin d’œil, c’est de s’entraîner. Ceci mis à part, je me considère comme un chercheur exceptionnel, malgré les apparences. Cependant, je ne nie pas qu’il existe des cas incroyablement rares de ceux que l’on appellerait des savants fous dans le monde. »

« Maintenant que vous en parlez… »

Il avait ri d’un grognement sourd. Assis sur le lit, les épaules de Sans Nom frémissaient d’hilarité.

« J’en connais une. Une certaine personne qui a été prise sous l’aile d’un autre, mais qui a secrètement poursuivi des recherches qui dépassaient même la morale d’Omen. Quelqu’un qui a commencé à faire des expériences sur les humains. Apparemment, elle était elle-même une très bonne scientifique folle. »

« … » Le chef Newton devint silencieux. Il caressa sa barbe bien-aimée tandis que son visage, inhabituellement pour lui, s’assombrissait lorsque Sans Nom le souligna. « … Tout ce que je peux dire, c’est que c’était une déception. Oui, c’est ce qu’elle était. »

« Quel est son nom ? »

« Kelvina. Elle avait le potentiel pour devenir la meilleure chercheuse sur les maladies liées au pouvoir astral ici à Omen. Elle était exceptionnelle en matière d’expérimentation, c’est certain. » Le chef Newton leva les yeux au plafond. « Mais elle n’avait aucune morale et dépassait les bornes en se laissant aller à sa curiosité intellectuelle. Elle est allée jusqu’à transformer sa propre maison en laboratoire pour pouvoir mener des expériences humaines sans sourciller. Quand je suis arrivé, il était trop tard… »

« N’a-t-elle pas été arrêtée pour trahison ? »

« Elle s’est échappée. »

« … Quoi ? »

Une légère appréhension s’insinua dans la voix de Sans Nom. Le Saint Disciple, qui n’avait pas bronché à l’idée de se faire couper un membre, avait changé d’avis lorsque le chef Newton avait révélé cela.

« Voulez-vous dire qu’elle s’est échappée de la Potence Divine ? »

« Je suppose que oui. »

« … »

C’était la prison la plus strictement surveillée de l’Empire, qui ne contenait que les plus grands sorciers et sorcières, ainsi que les traîtres impériaux.

« Fugitive Zero. Je crois que c’est le surnom accrocheur qu’ils lui ont donné. Peut-être que le neuvième siège qui la gardait a fait une erreur ? »

« Ce n’était pas une erreur de Statulle. Et si je peux me permettre d’ajouter une chose, je doute fort qu’elle se soit échappée grâce à ses propres capacités. »

« … Vous pensez qu’il y a une taupe ? »

« C’est très probable. Et il doit s’agir de quelqu’un qui a une certaine influence sur les hautes sphères des forces impériales. »

Il soupira. L’homme en blouse blanche expira très, très profondément.

« Vous vous souvenez de ceci ? Il y a environ un an, un de nos collègues, un ancien Saint Disciple, a fait sortir un sorcier de prison. Son nom était, hum… Michaela ? »

« C’était Iska. »

« C’est vrai. Mais la situation est différente de ce qui s’est passé à l’époque. Pour commencer, Iska n’a pas fait irruption dans la Potence Divine, et surtout, il a été rattrapé après. »

Même un Saint Disciple n’aurait pas été capable d’accomplir cet exploit. Qu’il soit possible de désactiver temporairement le système de sécurité de l’Empire et d’organiser un cambriolage, l’auteur de l’infraction finirait par être appréhendé.

« Cependant, ils n’ont toujours pas trouvé la personne qui a fait évader Kelvina. Comment ont-ils ouvert les serrures de la potence divine ? Comment l’ont-ils fait sortir… ? »

« Ou, mieux encore, pourquoi l’ont-ils fait sortir ? »

« Telle est la question. Je n’ai toujours pas de réponse à la question de savoir pourquoi ils voudraient libérer une femme aussi dangereuse qu’elle. Il semble que nous nous soyons éloignés de la conversation initiale. » Le chef Newton leva les yeux vers l’horloge murale et se gratta l’arrière de la tête. « Prenons des dispositions pour le traitement. Je reviendrai dans sept heures la prochaine fois. Veillez à vous reposer d’ici là. »

« Compris. »

« Gardez à l’esprit que les patients vivent plus longtemps lorsqu’ils suivent les prescriptions de leur médecin. Maintenant, je vous dis au revoir. »

Sa blouse blanche se retourna lorsqu’il quitta la salle d’examen.

Dans le couloir…

« … Alors, Kelvina », murmura-t-il d’une voix si étouffée que même la femme qui marchait à ses côtés n’aurait pu l’entendre. « Kelvina Sofita Elmos. Quel nom répugnant ! »

 

+++

Territoire impérial. Lieu de naissance des sorcières.

+

Une petite pièce poussiéreuse.

Le plafond était couvert de toiles d’araignées. Des insectes inconnus sortaient des fissures du béton.

« … »

« Ne me regardez pas comme ça, Princesse Sisbell. Je ne suis pas douée pour le ménage. Voici à quoi ressemble normalement ma chambre. » La chercheuse — une femme aux cheveux roux — avait ri d’un air amusé. « Ou bien voulez-vous dire que vous n’êtes pas d’accord avec la façon dont j’ai reçu une princesse ? Voulez-vous que je me dépêche de vous enlever vos chaînes ? »

« Non. » Toujours ligotée sur le lit poussiéreux, Sisbell jeta un regard à la femme qui la regardait de haut.

La peau de la chercheuse était cendrée, comme si elle était sous-alimentée. Elle avait des poches sous les yeux à cause du manque de sommeil. Bien qu’elle ait l’air incroyablement malade, ses yeux s’illuminèrent lorsqu’elle regarde le visage de Sisbell.

« … Kelvina, ou quel que soit votre nom. Ce sont vos yeux. Je n’apprécie pas la façon dont vous me regardez de haut. »

« Ha-ha. Quelle adorable sorcière vous êtes. »

Kelvina Sofita Elmos. L’étrange femme rabaissa la blouse blanche qu’elle portait pour dévoiler des rangées de seringues le long du mur.

« Hng ! »

« Oh, mais vous avez pleuré et crié la première fois que vous les avez vus. Arrêtez, arrêtez ! avez-vous dit. Avez-vous vraiment si peur des aiguilles ? »

« … Oui. Je m’en souviens très bien. » Sisbell se mordit la lèvre depuis l’endroit où elle était encore allongée. Elle avait du mal à retenir sa peur et son humiliation. « Parce que vous avez aspiré les larmes que je versais à l’aide d’une seringue et que vous avez appelé cela un précieux fluide corporel de sorcière. Cela m’a fait frémir. »

Sisbell n’avait pas ressenti d’animosité ou d’hostilité de la part de la femme. C’était la première fois qu’elle en faisait l’expérience — la peur de se heurter à la curiosité sans bornes de quelqu’un.

… Pour elle, les sorcières ne sont que des échantillons de recherche.

… C’est la première fois que je rencontre un impérial aussi peu humain.

La discrimination de l’Empire à l’égard des sorcières la dégoûtait, mais cette femme allait plus loin. Elle était possédée par des désirs d’une nature inconnue.

« Ne vous inquiétez pas. Nous n’utiliserons pas les agents contenus dans ces seringues avant un certain temps. » Kelvina caressa affectueusement l’un des instruments, d’une manière encore plus douce que lorsqu’elle avait examiné Sisbell. « Il est encore temps d’être patient. Votre donneur a dit que je ne devais pas poser la main sur vous. Votre pouvoir astral semble très précieux. »

« … Votre donateur est-il Lord Talisman ? »

« Oh, vous le saviez ? Oui, c’était bien ce sorcier. »

Elle n’avait même pas essayé de cacher qui était derrière tout ça. Et même s’il était son coconspirateur, elle l’avait quand même qualifié de sorcier.

« Méprisez-vous à ce point la souveraineté ? »

« Hmm ? Non, pas le moins du monde », dit Kelvina. « Je ne déteste pas du tout la souveraineté de Nebulis. »

Elle ébouriffa ses cheveux d’un rouge terne. Elle n’était pas maquillée.

« Contrairement aux gens du quartier général impérial, je ne veux pas exterminer les sorciers et les sorcières. Ce serait du gâchis. Vous êtes tous des échantillons de recherche bien trop précieux pour cela. »

« … Vous ne nous considérez donc pas comme des êtres humains ? »

« En tant qu’être humain ? Comment classeriez-vous cela ? »

« Quoi ? »

« Il n’y a que deux types de choses dans ce monde : les échantillons de recherche et tout le reste. Je me fiche de savoir si vous êtes humain. »

Kelvina fixa directement le visage de Sisbell. Ses lèvres pâles formèrent quelque chose qui ressemblait à un léger sourire.

« Vous, les sorcières, êtes dans la première catégorie, et les impériaux qui se promènent sont dans le second. Vous devriez donc être heureuse. Dans mon monde, vous avez de la valeur. »

« … »

Kelvina la regarda dans les yeux. Leurs nez se touchaient presque. Sisbell ferma silencieusement les yeux devant ce savant fou qui la reluquait sans même cligner des yeux.

Sisbell ne voulait pas la voir. Elle avait assez vu le visage de cette femme en gros plan.

« … Vous êtes une aberration », siffla Sisbell.

« Très bien », répondit la femme.

« Hein ! »

Elle sentit quelque chose sur sa poitrine. Les yeux toujours fermés, Sisbell tenta de résister aux caresses. Techniquement, c’était son écusson astral que Kelvina touchait.

« C’est ainsi que m’appellent tous ceux qui envient mon génie. Omen, le quartier général impérial, ils le disent tous. Vous vous trompez. N’est-ce pas amusant ? En fin de compte, les seules personnes qui connaissaient ma véritable valeur étaient les Huit Grands Apôtres. »

« Quoi ? »

« … Oh, j’en ai trop dit. Il ne faut pas faire ça. Je n’ai parlé à personne d’autre qu’à moi-même depuis un certain temps. Je suis pratiquement ivre de conversation. »

La princesse ouvrit les yeux. Kelvina s’était couvert la bouche d’un air presque enfantin. Même si Sisbell était curieuse de connaître les Huit Grands Apôtres, dans cette situation, il serait sans doute vain de s’en enquérir.

« Quel est votre objectif ? » demanda-t-elle à la place.

« Mon objectif ? Rien d’autre que de découvrir la vérité de ce monde par la recherche. Car je suis une scientifique. »

C’était un but tellement respectable qu’il paraissait presque inattendu. Mais toutes les présomptions de Sisbell avaient été rapidement balayées par ce que la femme déclara ensuite.

« Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les profondeurs de la planète. »

Sisbell inspira brusquement.

« Princesse Sisbell, savez-vous ce qui s’y trouve ? »

« … ? » Elle s’était interrompue lorsqu’on l’interrogea.

Les profondeurs de la planète ? Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle que soit la profondeur à laquelle on creuse, la seule chose que l’on trouve dans les strates les plus basses de la terre, c’est de la roche.

Cependant…

Sisbell se souvint du visage de Talisman, le chef de l’Hydra. Elle était certaine que l’homme qui s’était introduit dans la villa des Lou avait dit quelque chose dans ce sens…

+

« Nous avons besoin de la puissance de l’Empire pour atteindre le cœur de la planète. »

« Joignons nos mains, Sisbell. Le pouvoir astral qui est en vous peut révéler les secrets de cette planète. J’aimerais que vous travailliez pour moi à l’avenir. »

+

« … C’est une chose que j’aimerais également savoir. »

Elle serra les dents.

Sisbell cria à la chercheuse qui la regardait de haut : « Le noyau de cette planète ? Qu’est-ce que vous cachez ? »

***

Chapitre 5 : Le tabou de la planète

Partie 1

L’Institut Omen pour la recherche astrale. Un faux bâtiment.

Les herbes des champs avaient poussé jusqu’à devenir une forêt et la peinture des murs s’était écaillée à cause de l’exposition à la météo. Peut-être les lieux avaient-ils été abandonnés depuis longtemps. Ou peut-être son aspect délabré était-il le fruit d’une volonté délibérée. Jusqu’à ce qu’ils pénètrent dans le laboratoire, ils ne pouvaient en être sûrs.

« … C’est bien sûr fermé à clé. » Jhin donna un coup de pied dans l’entrée principale.

Sans électricité pour alimenter les capteurs infrarouges des portes, l’entrée n’était pratiquement qu’un amas d’acier. Ils allaient avoir beaucoup de mal à forcer l’ouverture des portes par la seule force des hommes.

« Ouvrir les portes d’entrée est pourtant le moyen le plus simple d’entrer. Néné, n’aurais-tu pas une bombe sur toi ? Une bombe déguisée en boucle d’oreille, par exemple ? »

« Non, je l’ai laissé à la maison. »

« Attends, tu as vraiment quelque chose comme ça ? Non, ce n’est pas grave. On dirait que c’est à toi de jouer, Iska. Peux-tu les ouvrir ? »

« … Je ne pense pas que je ne puisse pas les couper, mais… »

Iska regarda les portes incroyablement lourdes de haut en bas, puis posa la main sur la poignée de son épée astrale. Un seul coup ne suffirait pas. Mais en les frappant deux ou trois fois, il parviendrait sans doute à créer une petite ouverture.

« Attendez. Je vais le faire. »

Cela venait de derrière lui. Rin était recroquevillée et passait le bout de ses doigts dans la terre.

« Vous avez juste besoin que je la réduise en miettes, oui ? C’est simple. »

Le sol se gonfla. La terre, qui avait pris un état visqueux, se rassembla comme si elle avait une volonté, se modelant en une forme gigantesque alors que Rin posait un genou devant elle. Un golem émergea.

« Maintenant, golem, il faut l’écraser. »

« Attendez une seconde ! »

Au moment où Iska et les autres parvinrent à s’enfuir, le golem avança son poing gigantesque, faisant sauter les portes d’entrée du bâtiment sans laisser de traces.

« Vous avez failli nous mettre sous les décombres ! »

« Vous avez été trop lent pour dégager de la zone… Hmph. Je ne peux pas dire que je ne m’y attendais pas, mais il semble que l’intérieur soit dans le même état de délabrement. »

Elle regarda la poussière tourbillonnante et se renfrogna.

Le couloir était pratiquement noir. Le peu d’éclairage présent provenait de la lumière du soleil qui avait réussi à passer à travers les fenêtres à volets. S’ils étaient venus ici de nuit, il aurait été hors de question d’explorer cet endroit.

« Je commence. Vous pouvez me suivre. »

« Qu’allez-vous faire de ce golem ? Il ne faut pas que cette chose géante vienne avec nous, elle nous gênerait. »

« Il attendra ici. Et… » En réponse à Jhin, Rin sembla se souvenir de quelque chose. Elle se dirigea vers l’endroit où elle s’était tenue, puis posa à nouveau sa main sur le sol. « Je vais demander à un golem de surveiller l’entrée pour s’assurer que personne ne nous suivra. Plus un autre. Je suppose que je vais lui donner un bouclier, juste pour être sûre. »

Le sol se tordit. Au lieu d’un golem, les pouvoirs astraux de Rin donnèrent naissance à une poupée de la taille de Jhin. Bien qu’elle soit plus petite et plus mince que le golem, la chose n’en était que plus rapide. C’était un soldat de terre.

« Marche un pas derrière moi. »

Après avoir reçu l’ordre, la poupée suivit consciencieusement Rin dans le bâtiment.

Dès qu’ils mirent les pieds dans le laboratoire, Néné et la capitaine Mismis se renfrognèrent. La puanteur de la rouille, de la saleté et de la moisissure les assaillait.

« … Ahem… Argh, Néné, ça va ? »

« Argh. J’ai l’impression que mon nez va tomber. Ça sent très mauvais ici. J’aurais dû prendre un masque avec moi. »

Chaque fois qu’ils faisaient un pas en avant, la poussière s’élevait autour d’eux. Elle était aussi épaisse qu’un tapis. Ils ne pouvaient pas deviner combien de décennies il avait fallu pour qu’une couche aussi épaisse s’accumule.

« D’après la poussière, il ne semble pas qu’ils aient simplement fait en sorte que cet endroit ait l’air abandonné. Les lumières sont aussi complètement éteintes. »

Jhin sortit un appareil de communication. Il régla la luminosité au maximum et l’utilisa à la place d’une lampe de poche pour éclairer le sol.

« Oh, Jhin. Puis-je tenir l’appareil de communication. »

« Hmm ? »

« Tu ne pourras pas utiliser ton arme si tu tiens cela. Je peux porter la mienne d’une seule main, mais tu as un fusil de sniper. »

« Tu n’as pas intérêt à trébucher et à le faire tomber. »

« Je ne le ferais pas ! … Mais il fait vraiment sombre ici. Même une maison hantée dans un parc d’attractions ne serait pas aussi mal éclairée. »

La capitaine Mismis avait alors saisi l’appareil de communication de Jhin.

Le sol était gris à cause de la poussière. Au plafond, plusieurs tubes suivaient les murs et s’étiraient vers l’arrière.

« Alors ces tuyaux d’énergie astrale dont tu as parlé tout à l’heure, Néné —, » commença à dire Mismis.

« Ceux-ci sont complètement différents. On dirait que c’est pour la ventilation », répondit Rin. Elle continua à pénétrer dans le vaste bâtiment, le soldat de terre toujours derrière elle. « J’ai été trop rapide. J’aurais dû préparer une douzaine de poupées pour un édifice aussi grand. J’aurais pu simplifier notre enquête en leur ordonnant de se promener. »

Rin fit claquer sa langue. Les mages astraux de terre avaient quelques défauts. Contrairement aux pouvoirs astraux de neige, de glace et de flamme, qui pouvaient être créés à partir de l’air, le pouvoir astral de terre pouvait tout au plus manipuler le sol. Comme il n’y avait pas de terre dans le bâtiment, elle ne pourrait pas fabriquer d’autres poupées.

« Ainsi soit-il. Vous pouvez continuer à explorer le premier étage. Je vais y retourner et — ! »

« Attends, Rin. »

« Qu’y a-t-il, épéiste impérial ? »

« La poussière s’arrête. »

« Quoi — !? »

Lorsqu’Iska déclara cela, les yeux de Rin s’écarquillèrent. Elle se retourna comme une toupie pour observer leur environnement. Si la crasse n’avait pas entièrement disparu, l’épaisse couche de poussière qui recouvrait le sol avait bel et bien disparu.

« Depuis quand ? »

« Depuis que nous avons pris le dernier virage. Cela s’est éteint progressivement, je ne l’ai pas vu tout de suite. »

Ils regardèrent plus loin.

« Si le sol est aussi propre, c’est la preuve que quelqu’un s’est promené ici assez souvent, non ? »

« … Il semblerait que ce soit le cas. »

Rin se remit en marche, gardant ses pas aussi légers que possible, comme si elle suivait une proie.

Il y avait une lueur. Rin plissa les yeux lorsqu’elle vit la lumière qui jaillissait d’un couloir à quatre voies.

« Il semble qu’ils se soient finalement trahis. Bien qu’ils aient conçu cet endroit pour qu’il ait l’air abandonné, il semble qu’ils aient de l’électricité dans les profondeurs. »

Il devait s’agir des lampes du plafond. Rin avança lentement dans le couloir faiblement éclairé vers la source de l’illumination.

Clack… clack…

Ils entendirent des pas au coin de la rue.

Qui était-ce ?

Il y eut un bruit de pas. Quelqu’un s’approchait d’Iska et des autres en se cachant dans les ombres du couloir.

« Je vais le capturer. »

Rin fouilla dans sa jupe. Elle sortit un petit couteau de l’endroit où elle rangeait je ne sais combien d’armes d’assassinat.

« S’il n’y en a qu’un, je m’en occupe. S’il y en a deux, la poupée m’aidera. Au-delà de trois, je devrai compter sur vous. »

Puis elle s’était tue.

Iska et les autres en firent autant. Ils ne répondirent ni par oui ni par non, se contentant de hocher la tête pour ne pas être entendus.

Rin se pencha en avant pour pouvoir sauter à tout moment. Derrière elle, l’unité 907 se tenait prête à intervenir en renfort.

Les pas se rapprochèrent.

Clack, clack… Le son résonnait tandis que les bruits de pas s’intensifiaient. Qui que ce soit, il était sur le point d’atteindre le carrefour à quatre voies. Ils virent les pointes des chaussures de quelqu’un au coin du chemin. À ce moment-là, Rin tendit la main vers les chevilles de la personne, les saisit et les souleva.

« Je l’ai attrapé ! »

« Yeek ! » hurla un homme hystérique en tombant à la renverse. Rin l’enjamba avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit et approcha le tranchant de sa lame nue de son cou.

« … Eek !? Qu’est-ce qui se passe ? Qui êtes-vous ? »

« Chut. »

Tout en pressant le couteau contre son cou, Rin le regarda froidement.

L’homme n’avait qu’une dizaine d’années et portait des vêtements civils. Même si Rin était probablement plus jeune que lui, avec son couteau sous la gorge et son ton menaçant, elle était bien plus expérimentée que lui.

« Suivez mes ordres. Premièrement, il est interdit de contacter vos compagnons. »

« C-Compagnons !? »

« Ensuite, les armes. Les personnes qui se trouvent derrière moi vont maintenant vous confisquer vos armes. Ne résistez pas. »

« Je n’en ai pas ! »

« Je vois. Vous ne vous y conformerez donc pas ? »

« N -non ! En fait, je… n’ai rien fait ! Des compagnons ? Je n’en ai pas, et je n’ai pas l’air de m’énerver. Il suffit de regarder pour s’en rendre compte ! »

« … »

Toujours à califourchon sur le torse de l’homme, Rin jeta un coup d’œil à sa tenue civile.

Il portait une chemise fine et un jean. Elle n’aurait même pas besoin de le faire se déshabiller. Il ne pouvait cacher d’armes ou de lames dans cet accoutrement.

« Il semble que vous soyez vraiment désarmé. »

« Comme je l’ai dit — ! »

« Hey. »

Jhin s’agenouilla et se pencha sur l’homme, qui était toujours allongé face contre terre. Il lui présenta sa carte d’identité militaire.

« Nous sommes des forces impériales. Nous vous mettons temporairement en état d’arrestation. »

« Les forces impériakes !? Que faites-vous ici… !? »

« Nous recherchons un logement. »

« … Qu’avez-vous dit ? »

« Nous recherchons une femme dans cet endroit. C’est une fille d’une dizaine d’années avec de longs cheveux blonds-roses comme des fraises. Quelqu’un vous vient-il à l’esprit ? »

« Je n’ai jamais vu quelqu’un comme elle ! »

Il regarda Jhin et Rin avec crainte, puis Iska et la capitaine Mismis. Il n’avait pas l’air de jouer la comédie. Il avait vraiment l’air d’un civil déconcerté que les forces impériales l’interrogent.

« Question différente. » Rin s’interpose à nouveau. « Vous comprenez que cet établissement a été fermé, n’est-ce pas ? »

« Quoi ? »

« … Eh bien, si vous feignez l’ignorance… »

« Je ne sais rien ! Attendez, vous me confondez avec quelqu’un d’autre. Je ne sais pas. Je ne suis qu’un intermittent ! »

Un travailleur à temps partiel ? Lorsque l’homme déclara cela, Iska et les autres se turent et se renfrognèrent.

… Il ne sait même pas que cet endroit a été abandonné ?

… Mais les portes d’entrée étaient fermées.

Que se passe-t-il ?

« Je savais que cet endroit avait l’air désert. Mais c’est tout ce que je sais. Tout ce qu’on m’a demandé, c’est de nettoyer le premier étage et de transférer les médicaments une fois par semaine… »

« Quels médicaments ? »

« Comme je l’ai dit, je ne — Aïe !? »

« Faites preuve de plus de discernement dans les mots que vous utilisez, Impérial. »

***

Partie 2

Elle érafla une fine couche de sa peau, faisant légèrement glisser le tranchant de son couteau sur son cou. L’homme entravé cria.

« Comprenez-vous qui est le responsable ici ? »

« … »

« Et votre réponse ? », insista-t-elle.

« Je suis désolé… » Le travailleur à temps partiel était devenu pâle et trembla. « Comme je l’ai dit, quelqu’un m’a embauché. Tout ce que je fais, c’est changer les bouteilles et les flacons vides dans cet endroit sinistre ! »

« Qui vous a engagé ? »

« Une femme rousse. Je ne sais pas comment elle s’appelle… Elle était grande pour une femme et parlait un peu comme un homme… mais je ne lui parle que lorsqu’elle me paie. »

« Vous dites que vous ne savez rien ? »

« … Oui. »

« … »

Il n’en savait rien.

Rin jeta un regard noir à l’homme qui continuait d’insister et grinça des molaires d’irritation. Il ne savait pas où se trouvait Sisbell. Ce type n’était personne. Un simple habitant.

« J’ai compris. Dans ce cas, montrez-nous où vous transférez les médicaments. Après cela, nous en aurons fini avec vous. »

« Allez-vous me laisser partir ? »

« Seulement si vous suivez les ordres. Levez-vous. »

Rin avait sorti un fil d’acier. Elle y attacha les poignets de l’homme comme des menottes et lui enfonça son couteau dans le dos.

« Aïe ! »

« Commencez à marcher en avant. Si vous vous arrêtez, je poignarde. Si vous criez, je poignarde. Si vous faites quoi que ce soit que je trouve suspect, je poignarde. Et si je me sens irritée, il se peut que je vous étripe juste pour le plaisir. »

« C’est ridicule ! »

« Conduisez-nous à la femme si vous voulez vivre. »

« … Tout de suite. »

L’homme se mit à marcher rapidement.

Ils avancèrent dans le couloir éclairé vers une porte légèrement entrouverte qui menait à une pharmacie.

« C’est donc ici que vous travaillez ? »

« … Oui, oui. Une fois par mois, une tonne de ces étranges caisses métalliques est livrée, et je les stocke ici. L’air conditionné ne fonctionne que dans cette pièce. »

Des caisses métalliques étaient alignées sur les murs de la zone.

Elles étaient toutes bien fermées.

… Je me demande ce qu’il y a à l’intérieur. Elles ne sont pas étiquetées.

… Je pourrais peut-être découper le couvercle et jeter un coup d’œil ? Non, cela prendrait trop de temps.

Iska estima qu’il y avait plus de deux cents caisses ici. Il y avait un moyen plus rapide de le faire que de les vérifier tous.

« Rin. »

« Je sais. Nous pouvons simplement demander à la femme rousse ce qu’il y a dans tous ces conteneurs. Et où se trouve Lady Sisbell. Hé, vous. »

« Oui !? »

« Nous en savons assez sur les livraisons de médicament. Montrez-nous où se trouve la femme qui vous a engagé. »

« Ici ! C’est ici que nous nous rencontrons ! »

« Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que vous — ? Tsk. »

Elle n’avait pas pu terminer sa phrase. Rin s’arrêta de parler à mi-chemin et ferma la bouche.

C’était sous ses pieds. Là où elle se tenait, Rin pouvait distinguer des lignes à peine plus larges qu’un cheveu dans le sol.

« Une porte cachée ! »

Il s’agissait d’une entrée souterraine. L’établissement était grand. S’ils n’avaient pas obtenu de l’homme qu’il parle de l’endroit, ils n’auraient jamais pu le trouver.

« Donnez-nous la clé. »

« Je ne l’ai pas. Je ne l’ouvre pas. Lorsque nous sommes censés transférer la marchandise, elle la détache du sous-sol. »

« Je vois. »

Toc… Rin donna un coup de doigt dans le dos de l’homme.

Elle lui disait de déguerpir.

« Nous en avons fini avec vous. Vous êtes libre de faire ce que vous voulez. »

« … Hein ? Hum, mes mains sont toujours liées. »

« Vous pouvez aller chercher de l’aide tant que vous voulez à l’extérieur du bâtiment. Il y a une chance que vous nous trahissiez, donc je n’ai pas l’intention de vous libérer les mains. Ou — »

« Je suis désolé ! »

L’homme ne s’était même pas retourné et s’était élancé dans le couloir faiblement éclairé.

« Poursuivons nos recherches. Des objections, capitaine Mismis ? »

« N -non… mais je me demande comment nous allons ouvrir cette porte. »

« C’est à cela que cela sert. »

La poupée de terre éclata.

La motte de terre à forme humaine se transforma doucement en minuscules particules de sable, se faufilant dans les crevasses incroyablement fines du sol.

Kreak — Le bruit sourd d’un métal que l’on déforme avait retenti sous le plancher. Immédiatement après, la porte cachée qui avait été fermée hermétiquement s’ouvrit comme si un ressort se détendait.

« Wôw ! C’est génial ! » Les yeux de Néné brillèrent. « Mademoiselle Rin, comment avez-vous fait cela tout à l’heure ? »

« J’ai demandé à la poupée d’entrer dans le trou de la serrure et de la détruire. J’aurais dû abandonner s’il s’agissait d’un mécanisme de cadenas à mot de passe, mais une simple serrure à cylindre est assez facile à briser. »

« … Le pouvoir astral est vraiment utile. »

« Je n’en sais rien. La seule raison pour laquelle ça a marché, c’est que j’ai le pouvoir astral de la Terre. La plupart des pouvoirs astraux sont des flammes, du vent ou de la neige, et ils s’invoquent eux-mêmes. Mes pouvoirs, en revanche, sont des pouvoirs de manipulation qui ne peuvent que tirer parti d’un sol préexistant. En d’autres termes, de tels détails — ! »

Elle s’arrêta brusquement. Rin reprit ses esprits en voyant que Néné avait commencé à écrire des notes.

« … Oubliez cela. J’en ai assez dit sur moi. »

« Mlle Rin, faites-vous partie de ces personnes qui se taisent habituellement, mais qui ne peuvent s’arrêter de parler une fois qu’elles ont commencé à parler ? »

« Taisez-vous ! Il faut y aller ! »

Guidant la poupée de terre qui s’était reformée, Rin lui indiqua les escaliers cachés.

Ils se dirigèrent vers le bas. Après avoir fait une douzaine de pas, une lumière différente commença à filtrer. Elle était d’une couleur azur pâle. En se servant de cette lumière, qui avait presque la teinte de la mer bleue, comme point de repère, ils arrivèrent au fond du passage. Et devant eux…

« … Qu’est-ce que c’est ? »

« Huh !? Qu’est-ce que — !? »

Un avertissement marqua les voix de Rin et de la capitaine Mismis.

La lumière qui remplissait l’endroit était…

+

… une énergie astrale éblouissante.

+

Elle n’avait pas brillé depuis le plafond.

Un four géant était installé dans la grande salle où ils étaient arrivés. Une faible lumière bleu-vert s’échappait de la fournaise comme s’il s’agissait de vapeur.

« Incroyable… Est-ce que tout cela vient d’un réacteur d’énergie astrale ? »

Rin recula d’un pas devant la lumière presque divine et brillante qui s’offrait à elle, presque comme si elle était submergée.

« Je croyais qu’il n’y avait pas de tuyaux de séparation de l’énergie astrale. Ils n’ont pas pu l’extraire d’un vortex sans la soumettre à un processus de conversion… Iska ! » Elle mit ses mains en poings et l’interrogea. « Qu’est-ce que cela signifie ? Je croyais que les recherches sur le pouvoir astral étaient interdites dans l’Empire ? C’est ridicule… Qu’est-ce que cette machine ? Même la Souveraineté n’a pas encore la technologie pour exploiter l’énergie directement à partir d’un vortex ! »

« Penses-tu vraiment que j’étais au courant ? »

« Guh. »

« … Pour être franc, cela m’a même surpris. »

Ce n’est pas comme si Iska avait été inactif sans raison. Il n’avait tout simplement pas pu dire quoi que ce soit. Ce n’était qu’un bâtiment apparemment abandonné où Sisbell était détenue. Il n’avait pas pensé que c’était plus important que cela.

… Mais quel est cet endroit ?

… Que se passe-t-il avec ces machines ?

La salle était baignée d’une lumière fantastique, une illumination astrale s’échappant de vingt fourneaux. Chacun d’entre eux avait une teinte légèrement différente.

Il y avait des flammes, de l’eau et du vent. Combien de types de puissance astrale avaient-ils rassemblé ici ?

« Jhin. »

« Ne me demandez pas. »

Pour une fois — ce qui est très rare — le jeune homme aux cheveux argentés se renfrogna avec dépit.

« Ils se sont donné la peine de faire croire que cet endroit était abandonné, puis ils ont caché le sous-sol. Ce n’est vraiment pas de la recherche impériale à tout crin… »

« L’armée n’est-elle donc pas impliquée ? »

« Ça, je ne peux pas le dire. Des subalternes comme nous ne sauraient pas si c’est un secret national ou si cela n’a jamais eu de rapport avec les forces en premier lieu, mais… ce n’est pas possible que quelqu’un ait monté ça tout seul juste pour s’amuser. Quelqu’un d’important doit être derrière tout ça. »

Interdiction de la recherche sur le pouvoir astral.

Si ce que Rin avait dit était vrai, alors cette installation était encore plus avancée que celles de la Souveraineté.

… Les forces impériales ne sont pas impliquées. Je veux le croire.

… Je dois dire que personne ne m’a jamais parlé de cet endroit quand je suis devenu un Saint Disciple !

De qui s’agit-il au juste ? Qui se cache dans ce laboratoire caché, et quelles sont ses recherches ?

« Hé, patron. Juste pour clarifier les choses, étais-tu au courant de quelque chose ? » demanda Néné à Mismis.

« M-moi !? Je n’en avais aucune idée. Néné, as-tu une idée de ce qu’est ce four ? » répondit-elle.

« … Je n’en sais rien. » Néné secoua volontiers la tête. « Je pense que c’est une zone super dangereuse. Je ne pense pas que de simples soldats impériaux comme nous auraient dû y mettre les pieds. »

« En fait, je pense que c’est logique. » Un sourire audacieux se dessina sur les lèvres de Rin. Elle s’avança à grandes enjambées dans le hall, dépassant les fourneaux qui gémissaient. « Je me demandais pourquoi ils avaient amené Lady Sisbell dans ces ruines, mais maintenant, c’est logique. C’est l’endroit idéal pour enfermer un mage astral capturé. »

Le sous-sol était chaud et humide.

C’était presque un sauna. Tout comme le sol noir de l’étage supérieur, le hall avait également une faible visibilité, mais cette fois-ci, c’était à cause de la vapeur présente dans l’air.

« Rin, je ne pense pas avoir besoin de te le dire, mais soit prudente. Ce n’est pas un établissement ordinaire. »

« Tu es pénible, épéiste impérial. Penses-tu que je ne serais pas vigilante ? »

Rin jeta son couteau de côté.

Puis elle sortit un poignard pliant des plis de sa jupe et le saisit. Ce n’était pas le genre d’arme que l’on utilise pour un interrogatoire. Non, c’était une arme d’assassinat que l’on pouvait brandir au combat pour mutiler et tuer avec facilité.

« … Qui êtes-vous ? »

Rin s’arrêta net. Il y avait une silhouette au-delà du brouillard. Mais elle ne bougeait pas le moins du monde. Rin était sûre que sa voix aurait porté jusqu’à cette personne.

« … Sont-ils négligents ? Ils devraient se méfier des intrus. » Sa voix était froide. Elle prépara sa dague et bondit.

« Merveilleux ! Je ne sais pas qui vous êtes, mais je vais vous embrocher ! » s’écria-t-elle.

« Attends, Rin ! C’est moi ! »

« Lady Sisbell !? »

Rin s’arrêta rapidement. Iska, Jhin, Néné et la capitaine Mismis firent de même. Mais lorsqu’ils posèrent les yeux sur la jeune fille, ils ne purent croire à ce qu’ils voyaient. Ils ne s’attendaient pas du tout à voir une telle chose.

 

C’était Sisbell, cloué dans un fauteuil roulant.

***

Partie 3

Même si elle essayait de lutter contre la peur, celle-ci se lisait sur son charmant visage, même au milieu du brouillard. Ses traits animés étaient légèrement rougis par l’excitation, et surtout, ils ne pouvaient se tromper sur la beauté de ses séduisants cheveux blond fraise. C’était Sisbell en chair et en os.

« Rin ! » s’écria la princesse. « Vite, détachez-moi, s’il vous plaît ! Kelvina courut plus loin ! »

« … Kelvina ? »

« La femme qui me retient prisonnière. Elle m’a dit qu’elle avait quelque chose à me montrer et m’a fait venir. Mais quand vous êtes arrivés, elle s’est enfuie plus loin ! »

« Vite ! »

Rin se précipita. Elle coupa une à une les cordes qui relient Sisbell à la chaise roulante, puis finit par couper les liens aux mains de Sisbell.

« Vous êtes indemne ? » Rin sembla se calmer en regardant Sisbell se relever. « C’est une bonne chose. Cet endroit est encore entouré de mystère, mais Lady Alice et Sa Majesté seront toutes deux soulagées. Vous avez eu beaucoup de chance, Lady Sisbell. D’autant plus que c’est moi qui ai été envoyée pour vous. Veillez à en être reconnaissante. »

« Iska ! »

« Oui, soyez reconnaissante envers Iska… Attendez ? »

Elle passa devant Rin. Pour une raison ou une autre, la petite fille courut aussi vite qu’elle le put vers Iska. Des larmes avaient commencé à perler dans ses yeux.

« Oh, j’ai cru en toi ! Je n’ai pas eu tort de te choisir. Tu es le gardien parfait ! »

« Euh… attends !? »

Sisbell l’attrapa et ne le lâcha plus. Elle enroula ses bras autour de son dos et le serra, enfouissant son visage contre sa poitrine. En fait, il avait l’impression qu’elle poussait intentionnellement sa poitrine contre la sienne.

« J’étais si, si anxieuse. Oh, comme j’ai désiré la compagnie des autres. J’étais si seule… ! »

« Euh, euh, Sisbell ? »

« Ne me quitte plus jamais. Reste avec moi toute le reste de ma vie ! »

« Le reste de ta vie ? »

« Oh, est-ce que Jhin est là aussi ? »

Toujours accrochée à Iska, Sisbell se tourna vers le jeune homme aux cheveux argentés.

« Je me sens aussi un peu reconnaissante envers vous. Oui, pour vous récompenser, je vous ajouterai à ma garde personnelle à partir d’aujourd’hui ! »

« Non merci », répondit-il.

« C’est le plus grand honneur que l’on puisse avoir », insista Sisbell.

« Cela signifie simplement que personne ne veut le faire. »

« Qu’est-ce que vous essayez d’insinuer ? Aussi important que je sois, je — ! »

Il semblerait qu’elle ne s’en soit pas rendu compte. Alors qu’elle invitait avec enthousiasme les deux hommes à entrer dans sa garde, les femmes lui jetaient des regards incroyablement désabusés.

« … J’ai vécu tellement de choses. » Néné soupira.

« … Je veux juste rentrer chez moi. »

« … Oui. Peut-être que je vais faire comme si je ne l’avais jamais trouvée et repartir. »

Elles hésitaient à la secourir. Et la prochaine cible des regards des femmes était…

« … Je crois que je suis un peu déçue par Iska », déclara Néné.

« … Il m’a laissé tomber », reconnut Mismis.

« … Épéiste impérial, je vais en informer Lady Alice, il faut donc se préparer. »

« Il y a eu un énorme malentendu ! »

À côté de lui, Jhin tira sans art sur les cheveux de Sisbell et lui déclara d’un ton exaspéré : « Hé, restez donc tranquille. »

« Aïe !? Qu’est-ce que vous croyez faire ? Comment pouvez-vous être aussi grossier que de tirer sur les cheveux d’une fille — ? »

« Nous devons poursuivre la personne qui est derrière tout cela. »

« Ngh. J’en suis consciente… mais avons-nous vraiment besoin de le faire ? J’ai eu très peur. »

Elle se retourna. Sisbell plongea son regard dans la brume, tandis qu’elle se renfrognait.

 

 

« Rin, par ici. »

« Lady Sisbell, savez-vous où cette femme s’est enfuie ? » demanda Rin.

« Non. Tout ce qu’elle a fait, c’est m’emmener ici. Elle m’a dit qu’elle voulait me montrer quelque chose et m’a attachée dans le fauteuil roulant… mais maintenant que j’y regarde à deux fois, cet établissement est monstrueusement grand. »

La princesse regarda les fourneaux qui dégageaient de la vapeur et de la lumière. Ses beaux yeux étaient sombres.

« Cela libère tellement d’énergie astrale. Il doit y avoir un grand vortex souterrain ici. Ou peut-être plusieurs vortex interconnectés. »

« Mais, Lady Sisbell, c’est l’Empire. »

« L’Empire a aussi des vortex. Iska, te souviens-tu de ce qui s’est passé il y a un an ? »

« Quoi ? »

« Je suppose que je ne te l’ai toujours pas dit », dit Sisbell. Les cheveux de la princesse flottèrent tandis qu’elle se retournait lentement. Elle prit un air amer en parlant. « La raison pour laquelle j’ai quitté la souveraineté pour me précipiter dans l’Empire lorsque tu m’as sauvée. »

« … Oh. »

Maintenant qu’elle l’avait souligné, c’était la première fois qu’il s’en rendait compte.

L’incident de l’évasion des sorcières de l’année précédente. Lorsqu’il avait libéré la sorcière emprisonnée, il était convaincu qu’il s’agissait d’une prisonnière de guerre des champs de bataille.

… Mais elle ne pouvait pas l’être.

… Sisbell est une princesse, elle n’aurait donc pas dû se rendre sur le champ de bataille, compte tenu de son pouvoir astral.

Elle n’était pas comme Alice, la sorcière de la calamité glaciale.

Sisbell, qui n’avait pas la capacité de se battre, ne serait pas allée à la guerre.

« Il y a un an, j’ai secrètement tenté d’entrer dans l’Empire sans le dire à personne. Mais un soldat impérial m’a surprise et j’ai été arrêtée… »

Elle se remit à marcher. Une gigantesque fournaise apparut au coin de son œil, la dominant de toute sa hauteur.

« Je voulais me pencher sur les vortex de l’Empire. Je cherchais des fours exactement comme ceux-ci. »

« Euh !? Attendez, Lady Sisbell, qu’est-ce que vous voulez dire par là ? »

« Ce que je veux dire, c’est que — ! »

Craquement.

La pointe de sa chaussure brisa une vitre sur le sol.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Sisbell leva la tête. Quelque chose s’était matérialisé dans le brouillard blanc devant elle, mais ce n’était pas un four.

« … Un réservoir d’eau ? »

Le réservoir était fait de vitres transparentes. Longue et fine, elle était assez grande pour contenir une personne. Elle ressemblait presque à une éprouvette, bien qu’elle soit plusieurs centaines de fois plus grande que celles utilisées dans les expériences scientifiques.

« Rin, qu’est-ce que c’est ? »

« Je n’en suis pas sûre moi-même. Il semblerait qu’elle se soit brisée il y a longtemps. »

Elle avait été brisée de l’intérieur, comme si quelque chose en avait sauté. Le verre sur lequel Sisbell avait marché devait être un éclat restant.

« Rin, il y a quelque chose d’écrit sur le réservoir. Peux-tu le lire ? »

« … »

Elle s’était efforcée de regarder où Sisbell pointait du doigt.

« … Il semble qu’il soit écrit “Sujet E”, pour autant que je puisse en juger. »

+

« C’est le nom du sujet Elletear. »

+

Ils entendirent des éclats de verre. Quelqu’un avait marché sur plusieurs tessons.

« Il semble que vous ayez trouvé quelque chose de très bien, Princesse Sisbell. C’est exactement le réservoir d’eau que je voulais vous montrer. Cela m’évite d’avoir à vous expliquer. »

Une femme entra en titubant dans le brouillard. Ses cheveux roux étaient en désordre, comme s’ils n’avaient pas été peignés depuis des années. Elle avait l’air mince et faible, presque maladive sous le manteau blanc délavé qui couvrait ses épaules.

… Mais qu’est-ce que c’est ?

… Je ressens quelque chose d’inquiétant venant d’elle.

Ils n’avaient aucune idée de qui elle était. Même Iska avait inconsciemment porté ses mains à ses épées astrales.

« Kelvina ! »

« Il semble que vous ayez retenu mon nom, Princesse Sisbell. Malheureusement, il n’y a aucun intérêt à le connaître. Pas comparé au nom de la sorcière qui se trouvait dans ce réservoir. »

La chercheuse se grata l’arrière du crâne et releva la tête. Elle regarda le réservoir, qui était fissuré en son centre.

« Votre sœur était là. La première princesse Elletear Lou Nebulis IX. »

« Arrêtez de parler ! » hurla la troisième princesse Sisbell en montrant les dents. « … Encore cette blague… Que voulez-vous dire ? Que ma propre sœur se porterait volontaire pour être retenue captive sous terre dans l’Empire ? Ce n’est pas possible ! »

« Ce sujet est venu à l’Empire de son plein gré pour devenir une expérience. C’était il y a deux ans. »

« … Arrêtez ! »

« Par conséquent, elle était la première personne de race pure que l’Empire a acquise. Cependant, son pouvoir astral était ridiculement faible. C’était la sorcière la plus pitoyable que j’aie rencontrée, inutile pour la recherche. »

« Je vous ai dit de vous taire ! »

+

« C’est du moins ce que je pensais à l’époque. »

+

La chercheuse aux cheveux roux haussa les épaules en signe de résignation.

Elle se força à sourire.

« Ce fut la plus grande erreur de ma vie. J’ai mal jugé. Qui l’aurait su ? Qui en effet ? »

« … Qu’est-ce que vous dites ? »

« Je vous le dis depuis le début, Princesse Sisbell. C’est le berceau des sorcières. Et c’est ici que j’ai enquêté sur la vérité de cette planète. »

Ses longs cheveux roux flottaient. La scientifique folle Kelvina continua, chantant pratiquement sa prochaine déclaration. « Elle est en passe de devenir une véritable sorcière. Un être que personne sur cette planète ne pourra arrêter. »

***

Intermission : Plus grande que la joie des désirs de l’homme

« Nous avons convoqué la sorcière Elletear. »

L’assemblée impériale — l’organe suprême de l’Empire, qui possédait le plus grand territoire du monde — était en train de voter.

« Levez le visage, Elletear. Cela fait deux ans que vous n’êtes pas venu dans l’Empire. Comment vous sentez-vous après un retour si tardif ? »

« Une chance inouïe. »

Ses deux mains étaient entravées. La sorcière au visage de déesse, Elletear, leva les yeux avec une grande attention.

Elletear Lou Nebulis IX.

Ses cheveux flottants étaient d’une magnifique nuance d’émeraude teintée d’or. Son beau visage était si doux et si charmant qu’il semblait fantastique. Elle pouvait faire capituler un roi d’un simple regard furtif et d’un sourire. Si sa beauté absolue pouvait être qualifiée de magique, personne d’autre qu’elle ne pouvait être surnommée sorcière.

« Je suis heureux de vous rencontrer, Huit Grands Apôtres. »

Elle se trouvait dans la vaste salle parlementaire, debout sur une estrade en son centre, et regardait tour à tour les huit hommes et femmes qui la composaient.

Les huit grands apôtres. Ces huit personnes étaient les plus hauts responsables de l’assemblée impériale, ses dirigeants. Seuls les contours flous de leurs visages étaient visibles sur les moniteurs installés le long du mur.

« Vous avez bien fait de nous revenir. »

« Kelvina a été incroyablement déçue par votre départ soudain. »

« Ha-ha. Je suis vraiment désolée. »

Les mains toujours liées devant elle, Elletear les porta à une joue et sourit.

Elle avait l’air nostalgique en parlant. « J’étais convaincue qu’on s’occuperait de moi, la chef Kelvina recueillait les données de mon corps astral et se grattait la tête jour après jour. Elle prétendait que mon taux de compatibilité était trop élevé. »

« … Vous vous souvenez ? »

« … Les rapports indiquent que vous avez perdu le sens de vous-même pendant cette période. »

« J’ai eu des accès de lucidité. J’étais proche de la rupture, mais d’une certaine manière, j’ai réussi à lui faire prendre goût à moi. »

« … Je vois. »

Les huit Grands Apôtres se turent.

Si d’autres membres de l’assemblée impériale avaient assisté à la scène, ils seraient sans aucun doute restés sans voix. Il était impossible de mesurer à quel point les Huit Grands Apôtres se méfiaient d’une seule sorcière.

« C’est pourquoi » fit remarquer Elletear en rompant le silence, « Je me suis échappée avant que l’on ne se débarrasse de moi comme d’un sujet incontrôlable. Mais maintenant que j’y pense, je me suis trompée. Les Huit Grands Apôtres n’auraient jamais donné un tel ordre, bien sûr. »

« Oui, en effet. »

« Tout le monde peut faire des erreurs. Nous n’aurions jamais pris une telle décision après qu’une fière princesse comme vous ait demandé à devenir un sujet de son plein gré. »

« Oui. J’ai été assez impolie d’avoir supposé cela. »

Elle était si élégante qu’elle en était glaçante. La princesse de la souveraineté de Nebulis s’inclina.

« C’est ma faute. »

« Relevez la tête. Vous n’êtes pas un simple roturier. »

« Mais il y a quelque chose que nous devons vous demander. »

« Nous ne disposons que des données de votre corps astral datant d’il y a deux ans. Nous pensons que la substance a progressé dans l’ensemble de votre corps depuis cette date. »

« Bien sûr. »

La sorcière aux cheveux émeraude posa le bout de ses doigts sur sa poitrine généreuse.

« Elle me fait trembler à sa manière. Mais de plus en plus… je me sens à l’aise pour l’intégrer. La sensation qu’il fait son chemin dans mon corps est merveilleuse. »

« – »

« – »

« Je n’ai plus peur de rien. »

Ses doigts se crispèrent.

On aurait dit qu’elle tenait un gros fruit en étau. Par-dessus ses vêtements royaux, elle enfonçait ses doigts dans sa chair, serrant ses seins débordants.

+

« J’ai l’impression d’avoir enfin atteint le point où je pourrai bientôt changer le monde. »

+

Le silence.

Un silence profond et retentissant suivit sa déclaration, dans lequel même le bruit de la poussière dans l’air semblait perceptible.

« Nous vous poserons à nouveau la question. »

« Elletear, quel est votre objectif ? »

« … » La sorcière expire lentement. « Mon objectif ? Je n’ai pas changé le moins du monde. »

Elle retira ses mains de sa poitrine. En regardant ces huit autorités suprêmes, ses yeux semblaient appartenir à une personne différente de celle qu’elle était quelques secondes auparavant. Ils étaient empreints d’une grande dignité.

« Je veux réformer la souveraineté. Actuellement, seuls ceux qui sont nés dans la famille royale sont bénis, tandis que les mages astraux faibles sont opprimés. Je souhaite en faire un paradis dépourvu de ces qualités. »

La souveraineté de Nebulis, telle qu’elle se présentait aujourd’hui, était un faux paradis. Seuls ceux qui étaient nés avec de puissants pouvoirs astraux étaient vénérés. Depuis le moment où elles ont pu percevoir le monde, les deuxième et troisième princesses ont été louées par les gardiens. Kissing des Zoa et Mizerhyby de l’ Hydra l’avaient probablement aussi été. C’étaient des sangs purs, dotés de pouvoirs astraux dignes de la prochaine reine.

Autrement dit, personne d’autre dans la Souveraineté ne serait jamais sous les feux de la rampe. La nation était restée inchangée depuis sa fondation, la Première Princesse Elletear n’avait pas sa place dans ce système.

« Mon pouvoir astral est la Voix. Tout ce qu’elle peut faire, c’est imiter les tons d’une autre personne. Un tour de passe-passe, un acte digne d’un bar. C’est ainsi qu’on l’appelle. »

Elletear avait été mortifiée. Mais elle n’avait jamais montré ses larmes à personne, se contentant de pleurer le soir dans son lit.

— Même si j’ai poussé mes capacités au maximum.

— Et j’ai travaillé plus dur que n’importe qui dans mes études et dans l’étiquette pour faire une reine convenable.

Mais personne ne l’avait reconnu. Au contraire, elle avait été la cible de moqueries continuelles, uniquement parce que ses pouvoirs astraux étaient faibles.

« Comme vous le savez, ils ont dit que je n’avais pas le droit d’être reine. Depuis l’enfance, beaucoup ont dit que je n’atteindrais jamais cette position. »

« C’est tout à fait exact. »

« La valeur du pouvoir astral que l’on possède détermine la valeur d’une personne. C’est la Souveraineté. »

« L’Empire n’est pas la nation la plus discriminatoire à l’égard des sorciers. Nous nous souvenons que vous avez dit cela de la souveraineté de Nebulis il y a deux ans. »

C’est pourquoi.

C’est pourquoi la première princesse s’était rendue dans l’Empire. Elle avait offert son propre corps, le corps d’une personne de race pure, pour qu’il devienne le sujet des recherches secrètes menées par les huit grands apôtres.

« D’où mon désir de devenir une vraie sorcière. »

« Et qu’est-ce qu’une vraie sorcière ? »

« La sorcière ultime, absolue et singulière — la dernière au monde. »

La princesse sorcière regarda les huit grands apôtres. La princesse qui avait vécu comme la plus faible des sangs purs parla de son rêve.

« Pour la souveraineté, je serai devenue une sorcière de la calamité. La reine me considérera probablement comme une fille stupide, tandis que mes deux sœurs se moqueront de moi comme de la sœur qui a perdu la tête. »

« Et vous êtes d’accord avec cela ? »

« Oui. »

« Même au détriment de votre beauté de déesse ? »

« Vous pourriez facilement savourer n’importe quel homme dans le monde avec ce corps qui est le vôtre. Ne ressentez-vous pas ces désirs humains ? »

« … Ah-ha. »

La sorcière était plus mûre qu’elle n’aurait dû l’être pour ses vingt ans. Pour la première fois, elle afficha un sourire malicieux qui correspondait à son âge.

« Beaucoup croient à tort qu’à cause de mon corps, mais malgré mon apparence, je ne suis qu’une jeune fille innocente dans l’âme. Hédonisme ? Le plaisir ? Je n’en sais rien. »

« Et cela ne vous intéresse pas ? »

« J’ai déjà abandonné les joies de l’humanité. »

« Magnifique. »

Des applaudissements lui parvinrent d’en haut. Les moniteurs au-dessus d’Elletear résonnaient d’une adoration sans faille tandis qu’elle les contemplait.

« Quelle belle détermination ! »

« Selon toute vraisemblance, nous travaillerons à nouveau ensemble. Nos objectifs sont les mêmes. »

« Oui, car ce que nous cherchons, c’est le cœur de cette planète. »

Une nouvelle pluie d’applaudissements s’abattit sur la tête de la sorcière.

« Elletear, nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue dans l’Empire. »

« Nous allons vous préparer une chambre. Veuillez le suivre. »

Elletear se retourna.

Quand est-il apparu ?

Un chevalier roux était venu se poster à la sortie de la salle d’assemblée. Le Saint Disciple du premier siège, le Chevalier « Flash », Joheim. Elle ne pouvait pas l’oublier. Elle avait encore les traces d’une blessure lorsque sa longue épée lui avait transpercé la poitrine. Mais elle disparaîtrait probablement dans quelques jours.

« Me guiderez-vous ? »

« … »

« Alors je compte sur vous. »

Le Saint Disciple du premier siège se retourna.

Venez avec moi. Bien qu’il ne l’ait pas dit à haute voix, Elletear se remit à suivre. Elle tourna le dos aux huit grands apôtres.

« D’abord, mon lieu de naissance. Et après, je peux changer l’Empire », murmura la sorcière entre ses lèvres voluptueuses.

***

Chapitre 6 : Chérubin

Partie 1

Territoire impérial. District d’Altoria, à l’extrême Est.

Un lieu isolé, loin à l’est de la capitale impériale. Une installation souterraine.

« Vous êtes béni. Vous avez vu Elletear, deux ans plus tard, n’est-ce pas ? »

Un réservoir d’eau brisé. La chercheuse qui leva les yeux vers une étiquette gravée des mots « Sujet E » n’avait pas cherché à cacher la joie dans sa voix.

« Vichyssoise a servi de bon exemple. Après tout, un sujet qui a fini de fusionner avec la puissance astrale montrera, sans exception, des signes de déviation par rapport à la physiologie humaine. Et Elletear ? »

Elle jeta un coup d’œil à Sisbell, puis à Rin, puis aux membres de l’unité 907, tout en parlant rapidement.

« Avait-elle encore l’air humaine à l’extérieur ? Quelle est la couleur de sa peau ? Ses yeux ? A-t-elle des crocs ? Oh, ou peut-être deux têtes — ? »

Un coup de feu.

Cela traversa la brume qui emplissait la vaste salle et frôla la joue de Kelvina.

Un puits de sang…

Le rouge suinta lentement de sa joue blessée.

« Qui a demandé le talk-show ? »

Le sniper aux cheveux argentés pointa la bouche du canon de son arme sur elle. Ils étaient à une dizaine de mètres. Jhin pouvait probablement viser Kelvina à un cheveu près.

« Nous sommes de vrais membres des forces impériales. Nous enquêtons sur des soupçons d’infraction à la loi impériale. »

« Oui, je suppose que vous êtes des soldats impériaux. » La chercheuse les regarda avec une apparente surprise. « Je me serais attendue à ce que les assassins de la Souveraineté viennent chercher Sisbell. »

« Oui, je ne sais rien d’eux… Par contre, je connais la sorcière Vichyssoise. Est-ce vous qui l’avez rendue telle qu’elle est ? »

« C’était un sujet très agréable. Son taux de résonance n’était ni trop élevé ni trop bas. »

« Qu’est-ce que vous dites ? »

+

« Le cauchemar de cette planète. »

+

« Hein ? »

« La chose que les Astrals vénéraient et qu’ils appelaient la Grande Calamité Planétaire. Semblable au pouvoir astral, mais différent. Si je devais faire une comparaison, je la comparerais à un papillon de nuit vénéneux parmi dix milliards de papillons. Prenez cette mite pour un joli papillon, et vous n’en serez que plus malheureux. »

« … »

« Très rarement, cela s’élèvera du cœur de la planète à travers un vortex. Lorsqu’il se manifeste, nous l’appelons le Grand Contact, et nous en extrayons l’énergie pour l’amener ici à — ! »

« Cela suffit. Vous perdez du temps. » Jhin lui coupa la parole. Il jeta un coup d’œil aux gigantesques fours qui bordaient la grande salle, puis à la cuve cassée. « Au fond, il s’agissait d’une expérimentation humaine. C’est ce que vous faisiez. »

« J’effectue des tests sur les corps astraux. »

« Je me moque de la façon dont vous l’interprétez. Patronne, Néné. »

Alors qu’elles préparaient toutes deux leurs pistolets paralysants à haute tension, Jhin fit un signe du menton à un four situé derrière lui.

« Prenez des photos comme preuve tant que c’est possible. Nous en avons besoin, ainsi que de témoins. Elle doit avoir des gens capturés ici pour les utiliser comme sujets d’expérience. Trouvez-les et libérez-les. »

« Vous n’en trouverez pas. » Kelvina n’essuya même pas le sang sur sa joue en secouant la tête. « Je veux des sujets de race pure. Je crains que ce soit très difficile à trouver dans l’Empire. C’est pourquoi l’offre de l’Hydra était si précieuse et pourquoi j’ai dansé de joie quand Elletear s’est proposée. Et aussi pourquoi… ? » Elle se retourna, puis pointa un doigt rugueux en raison de l’exposition aux produits chimiques vers la princesse aux cheveux blond-rose comme fraise. « Je ne vous laisserai pas vous échapper. »

« Eep !? »

Les yeux fous de Kelvina scintillèrent lorsqu’ils se fixèrent sur Sisbell. Lorsqu’elle sentit ce regard la transpercer, Sisbell recula inconsciemment d’un pas.

« Votre corps est inestimable. Ce sera un plaisir de — ! »

Un coup de feu. Lorsque le deuxième retentit dans le hall, la chercheuse chancela.

Elle avait touché sa joue gauche. Cette fois, la balle de Jhin s’enfonça un peu plus profondément dans Kelvina.

« Ne répondez qu’à la question. »

« … »

Goutte à goutte. La scientifique folle garda le silence en regardant le sang qui maculait le sol.

« … »

« Nous n’allons pas suivre vos fantasmes débiles, alors laissez-nous vous capturer gentiment et tranquillement. Nous préviendrons le QG et vous confierons à la base la plus proche. »

« Voilà qui va poser problème. » Le savant fou regardait toujours le sol. « Les choses que nous développons ici sont délicates. Quelqu’un doit surveiller les valeurs des appareils, et l’endroit doit être maintenu à une température et à une concentration chimique spécifiques à tout moment. Si je ne suis pas là, tout sera inutile. »

« Cela me semble parfait. » Jhin était sérieux. « Nous vous arrêtons et nous détruisons cette installation effrayante. C’est comme faire d’une pierre deux coups. »

« … C’est moi qui devrais le dire. »

Depuis quand l’avait-elle sorti ? Kelvina tenait un petit appareil qui tenait parfaitement dans sa main. Il s’agissait d’une télécommande dotée d’un seul bouton.

« Une unité impériale sera une excellente utilisation pour cette expérience. Vous êtes arrivé au bon moment. »

« Hey, vous feriez mieux de ne pas bouger — ! »

« Vous arrivez trop tard. »

Jhin n’avait même pas eu le temps de tirer. Au moment où le doigt de la savante folle toucha le bouton, des gémissements s’échappèrent des fours du hall.

Klunk.

Comme des feux d’artifice, les couvercles en verre des fours éclatèrent.

De la vapeur s’en échappa. Puis de l’énergie astrale en jaillit de leurs récipients, éclairant la salle comme s’ils étaient en plein jour.

« Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est que cette lumière… !? »

Ils se couvrirent les yeux avec leurs mains, mais la lumière était encore trop forte. La lueur astrale était si étrangement puissante qu’ils ne pouvaient pas la fixer directement. Face à cela, Iska sentit un frisson froid lui parcourir l’échine.

« Ce n’est pas possible… »

Il avait déjà vu cela auparavant.

Il était sûr d’avoir déjà vu cette énergie astrale. Et il n’avait pas été le seul. Dans l’État indépendant d’Alsamira, Néné et Sisbell l’avaient également constaté à ses côtés.

+

« Iska. Il doit bien y avoir quelque chose dans la machinerie là-dedans ! »

« Objet ! Que cachez-vous à l’intérieur de vous ? »

+

C’était la même lumière qui avait jailli de la machine à chasser les sorcières qui s’était attaquée à Sisbell, l’Objet. À l’époque, la chose qui se cachait dans le soldat mécanisé devait être…

« Debout, bêtes de Katalisk. »

Sur l’ordre de Kelvina, les fours éclatèrent. Des corps lumineux indistincts s’en échappèrent. Ils avaient des silhouettes humanoïdes et scintillaient en violet, une lumière semblable à de l’énergie astrale s’en échappait.

« … C’est la même chose qu’à l’époque ! » Lorsque Sisbell vit les choses ressemblant à de la puissance astrale au-dessus de sa tête, sa voix se brisa. « Iska, c’est le monstre qui était dans l’Objet ! »

« … C’est ce qu’il me semble aussi. »

Iska prépara son épée astrale noire et inspira.

Il n’aurait jamais pensé que cela arriverait. Jamais il n’aurait pensé découvrir le mystère de ce soldat mécanique non identifié dans un endroit comme celui-ci.

« C’est donc vous qui avez fabriqué ces choses, Kelvina ? »

« Oh, vous les connaissez ? »

La savante folle rousse plissa un sourcil.

« Pour l’instant, leur nom est Bêtes de Katalisk. Comme vous pouvez le constater, il s’agit de pouvoirs astraux artificiels. Ils serviront d’énergie de nouvelle génération pour les armes des forces impériales. Pour ma part, je les appelle mes animaux de compagnie. »

« … Des animaux ? »

« Oui, à bien y penser, je me souviens que les huit Grands Apôtres m’ont fourni un appareil dans lequel j’ai pu charger l’un d’entre eux. Si vous en avez été témoin, vous avez vécu une expérience très précieuse. »

… Elle dit qu’elle les voit comme ses animaux de compagnie ?

… Cette chose n’est ni mignonne ni câline !

L’une des bêtes de Katalisk avait attaqué Sisbell et failli détruire un pays entier. Il ne put s’empêcher de ressentir un frisson en réalisant que ces choses avaient été produites en masse.

« Je comprends maintenant. »

Il entendit quelqu’un donner un coup de pied à l’avant du sol. Rin tenait une dague et se dirigeait directement vers Kelvina sans même jeter un coup d’œil à l’animal au-dessus d’elle.

« S’occuper d’abord de vous sera plus rapide. »

« Explose. »

« Rin, à terre ! »

Iska lui saisit le bras par-derrière et l’obligea à se mettre à terre.

Il s’agissait d’un ordre d’autodestruction.

Il y eut une fusée éclairante.

Le familier au-dessus d’eux gonfla et éclata immédiatement en une boule de flammes violettes.

« … Mais vous ! »

Rin se leva d’un air indigné. Kelvina avait déjà disparu.

Elle avait glissé dans la brume. Son manteau flottant disparut plus loin dans le hall.

« Sisbell, il faut sortir tant qu’il est encore temps ! Les autres puissances astrales artificielles pourraient se mettre en mouvement. »

Les braises de l’explosion s’envolèrent tandis qu’Iska se retournait. Il fit face à la femme qui se tenait là, stupéfaite.

« Commandant, tu sais comment sortir d’ici. Emmène aussi Néné et Jhin. Une fois échappés, envoie un message à l’unité impériale la plus proche ! »

« Attends, Iska ! Qu’en est-il de toi ? »

« Je ne peux pas laisser cette femme en liberté. »

« Mais… ! »

« Allons-y. » Jhin avait saisi l’épaule de Sisbell.

Il fixa la vapeur qui s’échappait encore des fours. « Cela ne sert à rien si on n’en sort pas vivant. Pourquoi pensez-vous que nous sommes venus jusqu’ici ? »

« … Argh. »

La princesse se mordit la lèvre.

Puis elle se mit immédiatement à courir, ses cheveux blond-rose comme la fraise ondulant au fur et à mesure qu’elle avançait.

« Iska, tu n’as pas le droit de mourir tant que tu n’es pas devenu mon garde ! Jhin, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour m’emmener jusqu’à la sortie ! »

Elle fonça dans le brouillard. Iska n’avait même pas pu la regarder partir. Il se tourna dans la direction opposée, vers l’endroit où Kelvina s’était échappée.

Il se mit à sprinter. À ses côtés courait une certaine brune.

« Rin ? »

« Si je te laisse seul, Lady Sisbell me grondera plus tard. »

Les fours gémissaient et tremblaient. En passant devant, l’accompagnatrice d’Alice ajouta : « Et aussi… Je ne veux pas l’admettre, mais il est clair que la première princesse est liée à l’Empire. Tout comme l’Hydra, c’est une traîtresse à notre pays. »

« … »

« Je dois en faire part à la reine. Et aussi à Lady Alice, bien sûr. »

Il y en avait au moins deux qui conspiraient avec l’Empire.

Ils avaient plus ou moins supposé que c’était le cas depuis qu’ils étaient dans la Souveraineté.

+

« Il y avait deux personnes derrière le coup d’État. Elletear et vous, celui qui a invité les forces impériales ici. »

+

C’est Jhin qui l’avait vu.

Le chef de la maison Hydra, Talisman, l’avait presque confirmé à la villa des Lou.

… C’est terrible pour Rin et Alice.

… Que quelqu’un de leur propre famille soit responsable de la tentative d’assassinat de la reine.

Les soldats impériaux n’avaient rien à y voir. Il avait beau se le rappeler, il imaginait toujours Alice dans un état déplorable. En même temps, il frissonna.

+

« Ancien Saint Disciple Iska. Voulez-vous devenir mon subordonné ? »

« Je veux réduire l’actuelle Nebulis en miettes. Je veux la renverser loin de ses racines. »

+

Elle lui avait tout raconté. C’était tellement illogique qu’il s’était convaincu qu’il s’agissait d’une blague.

… Cela s’est passé à la villa des Lou.

… Nous étions seuls ensemble, mais une personne normale pourrait-elle vraiment le déclarer aussi ouvertement ?

Il n’en voyait pas l’intérêt. Que voulait la première princesse Elletear ? Qu’y avait-il de si intéressant pour qu’elle rejoigne l’Empire et offre son corps pour qu’il subisse un processus effroyable afin de devenir une sorcière ?

« La voilà ! »

Iska se retourna lorsque Rin dit cela. Passant par un couloir dans lequel le hall menait, ils s’enfoncèrent à la suite de la chercheuse rousse. Au moment où elle franchissait les portes mécanisées, celles-ci se refermèrent.

« Elle a l’intention de s’enfermer à l’intérieur !? Ouvre-la à l’arrache ! »

La poupée de terre bondit, calant ses doigts dans l’entrée qui se refermait avant d’ouvrir la porte de force. Iska et Rin sautèrent toutes deux par l’ouverture.

Il y avait une autre grande salle. Devant eux, ils virent un four plus grand que les autres. Elle était probablement deux fois plus grande que la douzaine de machines qui se trouvaient dans l’autre salle. Une lumière astrale turbulente et rugissante s’en échappait.

Et plus loin de ce four…

« Nous vous avons coincée. »

Rin se rapprochait de Kelvina, qui leur tournait le dos.

« Vous ne faites pas de recherche sur les pouvoirs astraux. Ce que vous faites est un blasphème pour les pouvoirs astraux. »

« … »

« J’aimerais pouvoir vous emmener dans la Souveraineté, mais au moins, je vous ferai payer pour les crimes que vous avez commis contre Lady Elletear. »

« – »

+

« Connaissez-vous un oiseau appelé bec-croisé — un iska dans notre langue ? »

+

La savante folle se retourna.

Sa blouse blanche lui colle encore à la peau.

« C’est un tout petit oiseau. Personne ne lui accorderait la moindre attention s’il passait à côté de lui. Mais cet oiseau a une particularité très inhabituelle : ses becs supérieur et inférieur ne sont pas assortis. C’est pour cette raison que de nombreux contes populaires parlent de l’iska et de son bec dépareillé. On raconte qu’il a arraché une lance qui avait entaillé un sage ou qu’il a arrêté la flèche d’un démon. »

Les yeux de Kelvina.

Ils étaient tournés vers Iska.

« Vos épées astrales lui ressemblent beaucoup, ancien Saint Disciple Iska. Noirs et blancs. Même leurs longueurs sont différentes. Elles ne correspondent pas du tout. Elles ressemblent à un bec d’iska. »

« … Que voulez-vous dire ? »

« Elles ont une histoire secrète. Ces épées astrales. »

B-bmp.

Était-ce le son des battements de cœur d’un monstre gigantesque ? L’espace d’un instant, Iska faillit le croire, car la salle tremblait étrangement sous l’effet d’une palpitation.

Ce son provenait de la poitrine de Kelvina.

B-bmp, b-bmp…, c’était reparti.

« Je suis une impériale. Je dois savoir que je ne suis pas née avec un pouvoir astral. Il faut du temps pour forcer quelqu’un à devenir un sorcier. D’après ma troisième tentative, il faut six minutes et vingt-neuf secondes pour atteindre la stabilité. »

Un hurlement retentit dans toute la zone. Des flammes violettes jaillirent de la scientifique folle et engloutirent tout son corps.

« Quoi — !? » Les yeux de Rin s’écarquillent. « Iska, c’est la même chose que Vichyssoise… »

« Recule, Rin ! »

Ils s’éloignèrent tous deux d’un bond. Un brasier violet avait jailli du sol où ils se trouvaient et l’engloutit.

« Ah, je vois. Vous avez donc déjà combattu Vichyssoise. »

Au-delà des flammes, ce qui était autrefois la chercheuse astrale Kelvina Sofita Elmos commença à se transformer.

+

Le mutant de l’étoile maléfique, l’Ange de Katalisk.

+

Les vêtements qu’elle portait s’étaient envolés. Ses cheveux roux se raidirent sous leurs yeux, et son corps devint à moitié transparent, comme du verre trouble.

… Elle est la même que Vichyssoise.

… Non. Si c’est le cas, pourquoi ces épines sur son dos ?

Au fur et à mesure que Kelvina se transformait, des choses noires commencèrent à sortir de sa colonne vertébrale. Ces fines excroissances, semblables à des aiguilles, grandissaient régulièrement jusqu’à former ce qui ressemblait à des ailes déformées.

« Pas une sorcière, mais un ange malveillant… »

L’ancien être humain déploya ses ailes.

« J’ai poursuivi mes recherches en utilisant la même opération que celle effectuée sur Vichyssoise. Après avoir modifié la concentration de l’agent, voici le résultat. Bien que le coût du rejet soit plus élevé. »

On aurait dit qu’elle les reluquait. L’ange malveillant Kelvina regarda le couple qui l’avait suivie depuis le hall.

« L’ère du pouvoir astral va bientôt prendre fin. Avec l’aube d’un nouveau pouvoir. »

***

Partie 2

Un laboratoire anonyme.

Dans le sous-sol du bâtiment qu’elle ne connaissait que sous le nom de Berceau des Sorcières, elle continuait à sprinter à perdre haleine.

« Mlle Sisbell, par ici ! »

« Oui, je vois ! »

En réponse à Néné qui lui faisait signe de venir, Sisbell monta en courant les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée.

« Mlle Sisbell, y a-t-il une porte cachée quelque part ? Comme une sortie de secours pour sortir !? »

« … Je ne me souviens pas. Mais puisqu’ils m’ont gardé sous terre, je pense qu’il doit y avoir un moyen direct de sortir d’ici. »

La pharmacie.

Sisbell se mordit la lèvre en jetant un coup d’œil à la pièce inconnue.

Elle était inconsciente. Elle ne savait pas où elle était. Même maintenant, en courant après Néné et la capitaine Mismis, elle avait l’impression d’errer dans un labyrinthe.

« Je suppose que tout ce que nous pouvons faire, c’est reprendre le chemin que nous avons emprunté. Je ne me sens pas très à l’aise à l’idée de courir à nouveau sur ce sol sombre. »

« Jhin, hum… ça ne fait pas longtemps qu’on s’est rencontrés, tout compte fait, mais… » Sisbell ne tourna la tête que vers le tireur d’élite, qui se tenait à l’arrière. « Merci. Vous l’avez abattue pour moi, n’est-ce pas ? »

« Pourquoi me remerciez-vous ? »

« … Ce n’est pas grave. Je suis sûre que vous avez compris, alors je n’en parlerai plus. »

C’est le timing de son tir qui avait été déterminant.

Elle ne pouvait pas croire que ce n’était pas intentionnel de sa part.

+

« Pourquoi pas Elletear ? »

« A-t-elle encore l’air humaine à l’extérieur ? Quelle est la couleur de sa peau ? Ses yeux ? A-t-elle des crocs ? Oh, ou peut-être deux têtes ? »

+

Kelvina avait traité sa sœur comme un monstre.

Sur le moment, Sisbell avait dû paraître terriblement furieuse, mais la balle de Jhin avait fait taire Kelvina.

« Je suis soulagée. Mais cela aurait été encore mieux si elle ne s’en était pas tirée avec une simple éraflure à la joue. Si seulement elle avait reçu un tir en plein visage. »

« C’est le travail d’Iska. Pas le mien. Aussi, continuez à courir. »

« Oui, je sais ! »

Elle suivait Néné et la capitaine Mismis aussi vite qu’elle le pouvait. Aucune lumière ne provenait du plafond. Sous ses yeux, le duo disparaissait dans l’obscurité.

« Où êtes-vous, capitaine Mismis ? Mlle Néné ! »

« Mlle Sisbell, par ici ! » La voix de Néné résonnait contre les murs. C’est tout ce que Sisbell pouvait faire dans ce labyrinthe noir. Le sol était déjà sombre, et au moindre obstacle, elle risquait de trébucher. « Argh, ça suffit… Je n’ai pas le choix. »

Sisbell porta la main à son col. Elle le déboutonna, dévoilant sa poitrine — son écusson astral. Il y avait une faible lueur. Cette lumière, semblable à celle d’une allumette, valait mieux que l’obscurité totale.

« … Même moi, je suis consciente que ma lumière astrale n’est guère utile. »

« Cela me semble pratique. »

« J’ai l’impression d’être un générateur électrique humain, alors je n’aime pas ça. Par ailleurs, Jhin s’abstient de regarder fixement. Ce n’est pas très gentleman de jeter un coup d’œil à la poitrine d’une fille. »

« Y a-t-il même quelque chose à regarder ? »

« Il y a… Mghf !? »

« Chut ! » Jhin l’avait attrapée par-derrière. Il avait placé une main sur sa bouche.

Peut-être n’aurait-elle pas dû crier ? C’est du moins ce qui lui traversa l’esprit. Jhin, quant à lui, était figé sur place, fixant la pharmacie.

« … Cette lumière. »

Ils apercevaient une intense luminescence violette. Au moment où Sisbell le remarqua, la porte de la pharmacie s’ouvrit et elle s’effondra sous l’effet d’une explosion. Quelque chose d’humanoïde et de spectral sortit des flammes. C’était l’une des puissances astrales artificielles, un monstre.

« Aurait-il pu me suivre… !? »

« Courez ! »

Elle n’avait pas besoin qu’il le lui dise. Avant que Jhin ne puisse crier, Sisbell avait déjà commencé à s’enfuir aussi vite qu’elle le pouvait dans le couloir sombre.

 

+++

« Je ne m’intéresse pas aux humains. Mais vous êtes spécial, ancien Saint Disciple Iska. »

+

La salle était remplie d’une faible lumière astrale.

La chose autrefois humaine, à présent à moitié transparente comme du verre, s’éleva lentement. On aurait dit un ange vil, libéré des entraves de la pesanteur.

« Je voulais avoir un surhomme comme un Saint Disciple parmi mes sujets. J’ai supplié les Huit Grands Apôtres de m’en donner un. Et comme par hasard, il semblerait que je puisse moi-même en obtenir un. »

Les huit grands apôtres. Iska se renfrogna intérieurement en entendant ces mots. À cet instant, deux sensations l’envahirent. Il était à la fois choqué par les auteurs du crime et certain qu’il s’agissait bien d’eux. Ces deux sentiments opposés s’entrechoquaient et tourbillonnaient dans sa poitrine.

… Cette recherche troublante. Je savais que quelqu’un d’important devait être derrière tout ça.

… Mais les huit grands apôtres entre toutes les personnes possibles !

Même le quartier général impérial n’était probablement pas au courant. Ils étaient entrés en contact avec les ténèbres les plus dangereuses de l’Empire.

« C’est pourquoi — »

« C’est vrai qu’on parle beaucoup au combat. » Il entendit quelqu’un sauter du sol. L’ange malveillant Kelvina ne l’avait même pas remarqué. Rin, qui se tenait à côté d’Iska, s’était glissée derrière la femme.

« Je vais arracher ces ailes grotesques. »

Elle se déplaça comme un léopard, bondissant du sol à près de trois mètres dans les airs avant d’abattre les deux grandes dagues qu’elle tenait.

Klink.

Un son sourd.

Suivi par le fracas de deux dagues qui résonna dans tout l’endroit.

« Mais ce sont des lames précieuses de la famille royale ! »

« Je suis à peu près aussi solide que la forteresse planétaire. Même un tir de char d’assaut ne me briserait pas. »

Les ailes de Kelvina se mirent à frétiller. Elles n’étaient pas composées de panaches, mais plutôt d’un nombre incalculable de protubérances issues de son corps. Chacune d’entre elles s’était mise à briller. On aurait dit un canon d’une mitraillette géante sur le point de faire feu.

La luminescence commença à converger. Des dizaines de lumières s’étaient rassemblées en une seule et avaient éclairé la salle comme s’il était midi.

« Rin, ne laisse pas cette lueur t’atteindre ! »

« Vue nocturne. »

L’ange malveillant la fit jaillir de ses ailes — la même décharge d’énergie astrale ultime que celle de l’Objet. La ceinture de lumière émit un son strident en brûlant l’air et en fonçant sur Rin.

« Rin ! »

« Pousse-moi d’un coup de pied ! »

Rin, qui était coincée en l’air, fut frappée par le soldat de terre qui avait bondi en même temps que la luminescence… Il toucha le rayon et s’évapora.

« Vous avez détruit ma poupée ? »

Rin pâlit lorsque la lumière qui l’avait à peine effleurée se mit à fondre à travers le sol. Elle toucha même le mur du fond et créa une grande explosion.

« Guh !? » Rin atterrit alors que le vent de l’explosion la frappa.

« Vous ne m’intéressez pas, sorcière. »

Des dizaines de lumières brûlaient le long de l’autre aile. Elles convergèrent à nouveau et éclairèrent la salle de rayons aussi puissants que le soleil.

« Pensez-vous que je vous laisserais faire ? »

L’éclair se coupa à mi-chemin. Iska avait abattu son épée noire après avoir sauté devant Rin.

« Vous avez coupé la lumière ? »

« J’ai vu cette attaque faite par l’Objet. Je m’en souviens, que cela me plaise ou non. »

Des sueurs froides roulaient dans son dos. Il fit de son mieux pour qu’elle ne se rende pas compte que son bras droit était paralysé, tout en lançant à l’ange malveillant le regard le plus naturel possible.

… Ce que j’ai fait tout à l’heure était imprudent.

… Passer à travers ce rayon n’était rien de moins qu’un miracle. Et ce n’est pas comme si je savais que je réussirais.

Dans ce cas, Iska ne pouvait pas compter sur ses compétences. Mais s’il n’avait pas pris de risque, Rin aurait été rayée de la carte.

« Je suppose que j’aurais dû m’y attendre, mais vous avez eu tort de sauver la sorcière. » L’ange malveillant Kelvina se moqua. « Vous ne pouvez plus bouger votre bras droit. Je suis sûre que la douleur de tenir cette épée est atroce. »

« … Tsk. »

« Mon énergie astrale adhère à votre bras droit. Lorsque vous avez tranché la lueur, elle a effleuré votre main droite, oui ? »

Du sang coulait de la main droite d’Iska. Comme si elle prenait le temps de l’observer, les yeux de l’ange malveillant se rétrécirent.

« Pourtant, vos épées astrales sont vraiment magnifiques. Si vous parvenez à couper mon énergie astrale, il est même possible qu’elles soient utilisées pour la destruction de la planète. »

« … De quoi parlez-vous ? »

« J’ai un grand esprit de recherche. »

L’ange malveillant tendit les bras en l’air. C’était comme si elle l’obligeait à offrir la lame.

« J’ai de plus en plus soif de cette épée. J’ai entendu dire que c’était l’instrument ultime, forgé par les Astrals eux-mêmes. »

« Taisez-vous, monstre. »

« Hmm ? »

Cela venait d’un coin de la vaste salle. La jeune fille, qui avait été projetée par l’énergie astrale, se releva. Rin fonça droit sur l’ange malveillant Kelvina, toujours en l’air. Même du point de vue d’Iska, sa charge était absurde.

« Tu ne peux pas ! Ne l’approche pas, Rin ! »

C’était trop négligé.

Elle venait de briser sa dague sans faire la moindre égratignure à l’ange malveillant. Surtout, elle ne pouvait pas utiliser son pouvoir astral. Il n’y avait pas de terre à contrôler.

« Vous êtes donc désespéré. » Kelvina semblait déçue. « C’est pitoyable pour une sorcière de terre. Si on lui enlève la terre à manipuler, elle n’a plus aucun pouvoir. Je suis sûre que ce soldat était votre dernier pion. »

»… «

« Que pensez-vous accomplir avec votre poing ? Arghhhhh !? »

L’ange malveillant Kelvina chancela. Une fille humaine bien plus petite qu’elle l’avait frappée en plein vol et l’avait envoyée valdinguer. Elle ne l’avait pas vu venir.

Kelvina étant une masse d’énergie astrale, aucune personne saine d’esprit n’aurait pu penser qu’un simple poing humain pourrait l’atteindre. Cela aurait dû être le cas, mais elle avait quand même été frappée.

« Vous disiez ? »

Rin s’était retournée après l’atterrissage.

Comme pour montrer son poing droit, elle le leva vers le monstre dans les airs. Celui-ci était recouvert de terre.

« L’énergie astrale joue contre vous. Cela facilite les choses. J’ai formé une sphère de terre autour de mon poing en utilisant l’énergie astrale et j’ai frappé aussi fort que j’ai pu. »

« … »

Une petite fissure s’était formée sur la joue de l’ange. Elle ne semblait pas particulièrement douloureuse, mais le coup avait suffi à montrer la menace que représentait Rin en tant que mage astral.

« Sorcière de terre. Était-ce votre pouvoir astral ? »

« N’est-ce pas évident ? »

« … Mais vous n’aviez pas de terre à utiliser. »

« C’est ici. »

Craquement.

Sous les pieds de Rin, une fiole remplie de terre était brisée.

« Les mages astraux de la terre sont impuissants sans leur élément ? Nous le savons depuis une centaine d’années. Depuis des générations et des générations avant moi. »

La savante folle impériale l’avait sous-estimée. Elle avait sous-estimé la sagesse et la ténacité des mages astraux qui avaient mené une guerre pendant plus de cent ans.

« Il est évident que je ne viendrais pas ici les mains vides. »

Elle remonta sa jupe.

Ce faisant, exposant audacieusement ses cuisses pâles, elle dévoila des dizaines de bouteilles en verre remplies de terre qui tapissaient le dessous de sa tenue.

Ceux-ci produisaient un ensemble de sons presque magnifiques alors qu’ils s’écrasaient et se brisaient au pied de Rin, l’un après l’autre. Cela captiva l’ange malveillant. C’était élégant — une sorte d’art, presque un tour de passe-passe.

« Un pot contient environ cinquante grammes. Cela ne fait qu’un peu plus de deux livres de terre provenant de vingt bouteilles. »

La terre se souleva.

***

Partie 3

Au contact de l’énergie astrale de la mage astrale de terre Rin Vispose, elle prit forme dans la paume de sa main, se transformant en dagues de terre.

« Parfait pour vous arracher les ailes. »

« … C’est adorable. »

Kelvina regardait la scène comme si elle était captivée. Le monstre inhumain fixait la jeune fille en dessous d’elle.

« Je n’avais pas beaucoup d’estime pour vous, mais il semblerait que vous soyez un diamant brut, sorcière. Si vous êtes un assassin venu sauver la princesse, peut-être faites-vous partie des gardes astraux qui protègent exclusivement la famille royale ? »

« Je n’ai pas envie de répondre. »

« J’ai tout le temps de me pencher sur la question. Ce n’est pas un obstacle. »

Les yeux de Rin étaient sans émotion, comme le sable d’un désert. La jeune fille, qui ne cachait pas son animosité, redressa ses lèvres en un sourire tandis qu’elle regardait l’ange inhumain avec de plus en plus d’hilarité.

« Une autre sorcière de qualité en plus de la Princesse Sisbell. »

« Je vous l’ai dit. »

Les pas de Rin résonnèrent bruyamment dans le hall alors qu’elle bondissait du sol. C’était presque explosif.

« Une lame faite à partir de la terre. »

« Venez, flammes astrales. »

Les voix de la sorcière et de l’ange malveillant se superposèrent. L’air explosa dans un grondement. Des flammes violettes aussi chaudes que le soleil jaillirent de tout le corps de Kelvina. Rin ne s’arrêta pas et réduisit la distance qui les séparait aussi vite qu’elle le pouvait.

« Ceinture d’astéroïdes violets. »

Le brasier tourbillonnait, se transformant en une boule de feu capable d’engloutir Rin.

« Tsk. » Rin fit claquer sa langue devant le brasier qui s’étendait devant elle. L’instant d’après, la jeune fille prit de la vitesse. Déchirant le surplus de tissu de sa jupe, qui était assez longue pour atteindre le sol, elle la transforma en une minijupe qui dévoilait ses cuisses.

« Est-ce ta tenue de combat ? »

« Penses-tu que je porte ça parce que c’est mon goût ? »

Elle se pencha, frôlant le sol pour se faufiler entre les flammes, et arriva juste devant les yeux de Kelvina. Rin visa le centre de sa poitrine et y planta sa dague. Même Iska s’en rendit à peine compte.

L’ange avait disparu.

Sans aucun avertissement.

La lame de Rin fendit l’air. Le monstre n’était plus là.

« C’est la raison… »

« … Impossible !? »

« La raison pour laquelle je me suis appelé un ange. »

L’ange malveillant était au-dessus de la tête de Rin.

Comment s’est-elle placée là ?

Même Iska, qui avait regardé de loin, frémit après avoir tout vu du début à la fin. Ce n’était pas qu’il ne l’avait pas vue bouger. Il n’avait pas pu le percevoir.

… Il n’y avait aucun son ni aucune indication. Pas même une brise.

… Elle est apparue aussi soudainement qu’elle avait disparu. Se téléporte-t-elle comme on peut le faire avec le pouvoir astral ?

Mais c’était différent du pouvoir astral de téléportation.

Ce mouvement ne pouvait pas être produit par un mage astral. C’était un phénomène de puissance astrale qui transcendait les lois de la physique.

Elle était d’un ordre supérieur à celui que l’humanité ne pourrait jamais atteindre. Iska comprenait maintenant pourquoi Kelvina s’était qualifiée d’ange — un être d’allégorie divine.

« Un seul pour commencer. »

« Guh !? »

Elle abattit ses ailes déformées sur la tête de Rin.

Elles tombèrent comme une guillotine. Les dagues de Rin revinrent en terre en un instant et se reconstituèrent en bouclier.

Elle bloqua les ailes.

« Je vois que c’est très rapide à reconstituer. Voilà qui devient intéressant », dit presque affectueusement l’ange malveillant. D’un coup d’aile, elle appuya légèrement sur le bouclier que tenait Rin. « Vous pouvez toujours être utile à la recherche même si vos os et votre chair sont légèrement écrasés. Ne craignez donc pas que je vous écrase. »

« … Monstre… » Rin serra les dents en maintenant le bouclier en place. Elle avait beau pousser de toutes ses forces, le bouclier ne bougeait pas, comme si elle se heurtait à un mur d’acier.

« Vous êtes un démon… Jusqu’où devez-vous vous éloigner de l’humanité avant d’être satisfaite ? »

« Ah, des louanges. »

« … Je vois. Dans ce cas, je vous considérerai comme une humaine. Il n’y a plus de retenue. »

Le bouclier de terre éclata. La terre, qui s’était transformée en fouet dans les mains de Rin, s’enroula autour de l’aile de Kelvina.

« Vous ne pouvez pas bouger si je vous attrape. »

« Quoi ? »

« Attrape-la, Iska ! » hurla Rin. Mais avant même qu’elle ne crie, Iska avait déjà foncé droit sur l’ange malveillant. Il pouvait la couper avec l’épée astrale. Ils avaient eu la preuve qu’il pouvait le faire lors de la bataille contre Vichyssoise.

« Tsk. » Pour la première fois, Kelvina montra des signes de désarroi. Bien que ses ailes soient toujours prises dans les liens de terre, elle se retourna et lança sa main en direction d’Iska.

« Bien que je répugne à perdre un échantillon précieux… transformez-vous en cendres. »

Les flammes astrales enragées jaillirent.

La boule de feu se divisa en un nombre incalculable de braises et s’éleva dans les airs, avant de s’abattre sur Iska comme une pluie soudaine.

« Votre bras droit — Quoi ? »

Il coupa la plainte de Kelvina et continua simplement à avancer. Iska jaugea la trajectoire de la boule de feu qui teintait la salle de violet tout en brandissant son épée astrale.

« Ha ! »

Il coupa le brasier astral qui pleuvait devant lui, puis trancha la boule de feu qui lui arrivait ensuite. Iska esquiva ensuite les flammes qui lui arrivaient dessus et trancha celles qui le suivaient sur le sol derrière lui avec une précision quasi parfaite.

Il faisait tout cela avec l’épée astrale noire dans sa main gauche.

… Je le savais.

… Vous n’avez pas changé à l’intérieur, Kelvina !

Bien qu’elle se soit transformée en quelque chose qui le transcende, au fond d’elle-même, elle pensait et agissait toujours comme une chercheuse.

Tous les Disciples Saints pouvaient utiliser l’une ou l’autre main comme s’il s’agissait de leur main dominante. À force d’entraînement, il avait développé des compétences qu’aucune personne ordinaire ne pouvait imaginer.

C’était la dernière étape.

Le dernier pas avant que son épée ne soit à distance de frappe de Kelvina.

« Beau. »

Son sourire était inhumain.

« Les Saint Disciples sont vraiment magnifiques. Votre technique de combat est comparable à celle d’un dieu de la guerre. Même si vous vous fiez à votre intuition, vous avez le jugement nécessaire pour assurer votre survie. Vous êtes vraiment un soldat surhumain. »

« … Qu’est-ce que vous… ? »

« Mais vous n’êtes rien comparé à un ange. »

Son corps tout entier scintilla. Ce n’était pas la même chose que lorsqu’elle débordait de flammes astrales. Sa forme transparente, semblable à un bijou, scintillait comme une perle, puis explosa.

Elle éclata en milliers de petites particules de lumière et se fondit dans l’air.

… Elle a explosé !?

… Elle s’est autodétruite !? Non, c’est trop faible pour ça.

Il s’attendait à ce qu’une explosion aussi puissante pulvérise toute la salle. Un sentiment d’effroi l’envahit.

… Ce qui s’était traduit par un cri de Rin.

« Iska, derrière toi ! »

Qu’est-ce que c’est ?

Il n’avait même pas eu le temps de se poser la question. Rin ouvrit de grands yeux en criant. À ce moment-là, une chose était plus claire que tout : il pouvait sentir la menace de mort s’approcher de lui depuis le ciel.

Un flash.

Alors qu’Iska se jetait au loin, il sentit une grande quantité d’énergie astrale lui frôler le cou.

Une fraction de seconde.

S’il avait hésité à sauter, il aurait eu la tête tranchée.

« Bravo pour votre rapidité d’esprit, sorcière de terre. »

Iska se retourna. Là-haut, il vit d’innombrables milliers de perles de lumière s’unir. Elles se transformèrent en un ange qui battait de ses ailes malformées.

« Vous pensiez pouvoir utiliser votre pouvoir astral de terre pour me retenir afin que je ne puisse pas utiliser mon saut ? C’est tout à fait exact. Puisqu’il y a de l’énergie astrale dans la terre que vous contrôlez, c’est le seul piège qui pourrait capturer ma forme physique. »

Kelvina s’était parfaitement reformée. Après s’être transformée en particules de lumière et avoir complètement disparu, elle s’était reformée derrière Iska. Mais jusqu’à ce que Rin crie, il ne l’avait pas sentie le moins du monde.

… Je le savais.

… Sa téléportation n’a aucun secret et peut être effectuée instantanément. Elle dépasse les cinq sens humains !

C’était une première.

C’était la première fois que quelqu’un le surprenait aussi facilement par-derrière.

« C’est malheureux, n’est-ce pas, sorcière ? Les déficiences de cette terre que vous manipulez. L’énergie astrale que vous avez pu mettre dans seulement mille grammes de terre n’a pas suffi à me lier. »

« … Huh ! » Rin se renfrogna.

À ce moment-là, Iska et Rin comprirent ce qui distinguait vraiment ce monstre des autres.

Ce n’était pas la même chose que d’affronter un humain.

Et elle n’était pas une machine comme l’Objet.

Ils se battaient contre la puissance astrale elle-même. C’est de cela qu’il s’agissait.

« Quelle belle tête vous faites, sorcière. Et vous aussi, ancien Saint Disciple Iska. Vous semblez avoir compris. Les capacités humaines n’égaleront jamais celles d’un ange. Ce n’est pas une question de différence de niveau. Il y a une disparité dans notre potentiel. »

L’ange malveillant Kelvina ouvrit les bras. Une lumière astrale inquiétante jaillit des nombreuses protubérances qui composent ses ailes.

… Et puis elle disparut.

Sans bruit ni trace.

« Bon sang. D’où viendra-t-elle ensuite… ? »

« Je suis derrière vous, sorcière. »

Le son était sourd.

Iska n’avait même pas eu le temps de crier. La jeune fille s’envola dans les airs comme une feuille de papier, emportée par les ailes de Kelvina.

« Rin ! »

« … Argh… »

Son dos s’était écrasé sur le sol en béton. Son corps tout entier se convulsa et elle tenta de crier, mais rien ne sortit.

« Rin ! »

Iska s’avança brusquement.

Il changea de direction.

Il courut tout droit vers le monstre qui avait soufflé Rin.

« Vous l’abandonnez donc ? Comme il sied à un impérial d’abandonner une sorcière — ! »

« Neuf secondes. »

« Hein !? »

« C’est le temps qui s’écoule entre ce que vous appelez un saut. Est-ce que je me trompe ? »

Elle pouvait invoquer sa téléportation imperceptible pendant neuf secondes. Une fois qu’elle l’avait fait, il est peu probable que quelqu’un puisse percevoir son approche.

… La prochaine fois qu’elle l’utilisera, même moi je ne pourrai pas l’esquiver.

… C’est ma seule chance !

Il n’avait pas le temps de se précipiter vers Rin. Il devait en finir dans les neuf secondes qui lui restaient.

« Mais il ne vous reste que cinq secondes. »

Elle ricana — le ricanement d’une chose qui avait renoncé à son humanité.

« Pensez-vous pouvoir me capturer ? »

« Pas moi. »

Il s’avança sans hésiter. Saisissant l’épée astrale dans sa main gauche, Iska se dirigea vers l’ange malveillant qui s’élevait près du plafond.

« Mais Rin. »

Krish.

Une fissure s’ouvrit dans le mur juste à côté de Kelvina.

+

Un golem de terre bondit, brisant le mur.

+

Il attaqua.

Il coinça les bras de l’ange aérien derrière son dos. Il ne fallut qu’une seconde pour que le tout soit fait.

« Un golem !? »

Kelvina ne s’attendait pas à tout cela.

La sorcière était inconsciente. Le golem n’aurait pas dû pouvoir bouger sans ses ordres. Et d’ailleurs, depuis quand un objet aussi grand qu’un golem — ?

« Depuis le début », déclara Iska.

Il saisissait toujours l’épée dans sa main gauche. Iska bondit sur le monstre.

« Ce golem attendait à l’extérieur du bâtiment depuis tout ce temps. »

« Huh !? »

« Tant qu’elle a de la terre, elle peut tout faire. Dès que la bataille a commencé, Rin a demandé au golem de descendre sous terre. »

Puis elle l’avait fait se tenir derrière le mur. Il avait attendu le moment où l’ange malveillant Kelvina s’était approché suffisamment pour pouvoir franchir le mur et la prendre par surprise.

… L’intervalle de temps est de neuf secondes.

… Nous n’étions pas en train de la vaincre pendant ce temps. Tout ce que nous devions faire était de l’attraper.

Dans le filet du golem.

Tout ce qu’il avait à faire, c’était de la forcer à tomber dans le piège.

« Impossible. »

Les yeux de la savante folle s’écarquillèrent. Elle l’avait enfin réalisé. Afin de s’assurer d’avoir les neuf secondes avant d’utiliser son saut invincible, elle avait sauté loin d’Iska alors qu’il se rapprochait.

Et c’était un échec et mat.

***

Partie 4

En fuyant Iska, elle était tombée dans le piège du golem qui attendait derrière le mur.

Neuf secondes s’étaient écoulées.

L’ange malveillant n’avait pas pu utiliser sa téléportation, son atout.

La vaste énergie astrale du golem de terre qui s’accrochait à elle l’empêchait d’invoquer son pouvoir.

« J’ai un conseil à vous donner. D’un impérial à un autre. »

« … Impossible. »

« Il ne faut pas sous-estimer la ténacité d’un mage astral. C’est la première chose que l’on apprend dans les forces impériales. »

Un éclair de la lame noire.

De sa main gauche, Iska abattit son épée et trancha les ailes de Kelvina.

« … Ah ! »

Elles tombèrent.

Kelvina avait perdu le contrôle maintenant que ses ailes avaient disparu. Le golem maintenait toujours son corps entier sous contrôle…

+

… elle traversa le couvercle en verre du four et plongea dans celui-ci.

+

Rugissement !

L’énergie astrale avait alors jailli du four.

Et pas seulement de l’un d’entre eux. La fournaise voisine de celle dans laquelle Kelvina était tombée entra elle aussi en éruption féroce, comme un volcan, et commença à émettre une lumière intense.

« … Ça résonne… !? »

Rin leva le visage tandis que l’endroit tremblait.

« … Les forces astrales qui y sont enfermées essaient… de s’échapper… »

Il n’y avait pas que des êtres humains.

Il y avait aussi des pouvoirs astraux retenus contre leur gré dans le laboratoire interdit — et ils avaient été libérés.

 

+++

Le sarcophage d’Elza. Lieu de naissance des sorcières.

Premier niveau hors sol. Façade est.

Les voix de l’unité 907 résonnaient sur le sol sans lumière où toutes les fenêtres avaient été scellées.

« Mlle Sisbell, vite ! »

« Grand Frère Jhin, qu’en est-il de ton arme ? »

« Inutile. On ne peut pas les blesser avec des armes à feu. Les balles les transpercent… Il suffit de courir ! »

Elle n’avait aucune idée de la direction qu’ils prenaient. Sisbell se fia aux voix de Néné et de la capitaine Mismis devant elles, tandis que Jhin la poussait en avant par-derrière. Elle continua à sprinter aussi vite qu’elle le pouvait.

« Jhin ! Ne pouvez-vous pas faire quelque chose à ce sujet… ? »

« Je viens d’essayer. Comment puis-je tirer sur un monstre quand les balles le traversent ? Le meilleur moyen de s’en sortir est de courir. »

« … Attendez, ce son. »

Skreeeeee.

Le cri était comme du verre que l’on racle. Sisbell se retourna et découvrit que le mur de béton juste devant elle scintillait en violet et fondait comme de la boue.

« Est-ce derrière le mur !? Ont-ils pris de l’avance sur nous ? »

« Baissez-vous ! »

« … Ah ! »

Le jeune homme aux cheveux argentés la poussa vers le bas.

Sisbell tomba au sol et regarda le mur de béton s’ouvrir sous l’effet d’une formidable explosion, aussi facilement que quelqu’un tranchant du papier. Un épais nuage de poussière s’éleva du mur. Elle vit apparaître, derrière la fumée, la silhouette d’une énergie astrale humanoïde. Elle était rayonnante et inquiétante, comme un fantôme.

« … Pouvoir astral artificiel ! »

C’était l’un des monstres qui émettaient une lumière semblable au pouvoir astral. Il avait dû être libéré de la salle de recherche souterraine et les avait suivis jusqu’ici. Les armes étant inutiles contre lui, tout ce qu’ils pouvaient faire, c’était le fuir.

« Par ici ! Par ici, Mlle Sisbell, Jhin ! » La capitaine Mismis leur fait signe de venir depuis le fond du couloir.

Jusqu’où avaient-ils déjà couru ? Son côté l’élançait à force de sprinter, ce qu’elle faisait rarement, mais elle devait continuer si elle voulait vivre.

… Il n’y a toujours aucun signe d’Iska et de Rin, alors qu’ils sont censés nous rejoindre ici.

… Comment se déroule leur combat contre cette savante folle ?

Elle se cacha dans les ombres du hall.

« Haah… tsk… ah… »

« Mlle Sisbell, vous allez bien ? »

« Oui, oui… »

Sa poitrine palpitait tellement qu’elle avait l’impression qu’elle allait éclater. Le simple fait de répondre à Néné lui prenait tout ce qu’elle avait.

… Mais nous en avons tiré quelque chose.

… On sait enfin ce qu’est la sorcière Vichyssoise et ce qu’il y avait au cœur de l’Objet.

Quelqu’un avait effectué des recherches interdites.

Les monstres qui venaient l’attaquer. Maintenant qu’elle savait qu’ils étaient le fruit d’expériences impériales, elle devait trouver un moyen de le dire à la reine.

D’autre part, il y avait un nouveau mystère.

Elle devait découvrir ce qu’est « cette » chose dont la savante folle n’avait cessé de parler.

+

« La chose que les Astrals vénéraient et qu’ils appelaient la Grande Calamité Planétaire. Semblable au pouvoir astral, mais différent… »

« Très rarement, il s’élèvera du noyau de la planète à travers un vortex. »

+

Les Astrals ? La grande calamité planétaire ?

Qu’est-ce que c’était ? Même Sisbell, qui avait écouté les conversations au sein de la souveraineté de Nebulis grâce à son pouvoir astral d’illumination, n’avait jamais entendu ces mots auparavant.

+

« … Je vous ai trouvé. »

Cela venait d’en dessous d’elle.

Dès que Sisbell entendit le murmure qui ressemblait presque à une malédiction répugnante, tout son corps trembla.

Elle sentit quelque chose frôler sa cheville.

À l’instant où elle s’en rendit compte, quelque chose lui agrippa la cheville avec une force insondable. Une forme humanoïde aux faibles lueurs, qui ressemblait à un fantôme, émergeait du sol poussiéreux. Seule sa tête dépassait du sol.

… Mais !?

… Est-il monté directement du laboratoire souterrain à travers le sol jusqu’ici ?

Elle s’était fait prendre.

Dès qu’elle s’en était rendu compte, il était trop tard.

« Miss Sisbell !? »

« Bon sang ! Laissez-la partir ! »

Les balles de Jhin et le pistolet paralysant de Néné n’y suffiraient pas. La puissance astrale artificielle, dont la tête et le bras étaient les seules choses visibles au-dessus du sol en béton, se mit à briller de plus en plus fort en maintenant sa prise sur sa cheville.

« Forme de vie integra. »

« Huh !? »

Sisbell se souvient du désastre cramoisi qu’elle avait vu dans l’État indépendant.

Un éclair de luminescence ultime qui avait tout brûlé. Si une telle chose se déchaînait ici, même s’ils n’étaient pas directement touchés, la vague de chaleur emporterait tous les êtres humains de la région sans laisser de traces.

« … Ça suffit ! Vous pouvez tous me laisser derrière vous ! », hurla-t-elle.

Même elle n’avait pas compris pourquoi elle avait crié cela maintenant, à la dernière minute.

Les Impériaux étaient censés être des ennemis. Pour elle, leurs vies ne valaient même pas un emballage de chewing-gum. Ils étaient tout au plus de précieux otages. C’est ce qu’on avait appris à une princesse de la souveraineté de Nebulis comme elle pendant de longues années. Elle le croyait encore aujourd’hui. L’ancien Saint Disciple qui avait de la valeur en tant que garde était le seul à être spécial.

Elle ne se souciait pas des trois autres membres de l’unité… ou du moins c’est ce qu’elle pensait.

« Vous en avez assez fait ! Vous n’avez donc pas à… ! »

La lumière inquiétante s’accumula.

Il dégageait une luminescence destructrice qui allait tout réduire en poussière.

+

Sew sia lukia Sec amuy. Sera lu E lukia Ses qelno — Je vous montrerai mes souvenirs, pour que vous me montriez l’avenir.

+

L’énergie astrale jaillissait des fours souterrains.

Des dizaines, non, des centaines de faibles lumières scintillantes détruisirent la forme de vie integra qui venait d’être tirée. La lueur des pouvoirs astraux balaya le pouvoir astral artificiel lui-même.

« … Hein ? »

Sisbell ne pouvait même pas imaginer ce qui s’était passé. Elle n’avait aucun moyen de savoir qu’à ce moment précis, dans la salle souterraine, Iska et Rin avaient détruit les fours.

« … Je suis… sauvée… ? »

Sisbell leva les yeux, interloqués. La lumière astrale qui avait traversé le toit et jailli laissait derrière elle un arc-en-ciel scintillant avant de disparaître dans le ciel bleu.

 

+++

Du feu, de la lumière et un grondement qui fit trembler les profondeurs de la terre.

+

On se serait cru à l’intérieur d’un vortex. L’énergie astrale expansive tourbillonnait, semblant presque divine dans la salle souterraine. Un courant d’air brillant et coloré l’enveloppait.

« … Vous !? » hurla Iska sans réfléchir.

L’ange malveillant Kelvina, qui était tombé dans le four écrasé, s’en était sorti en rampant, même après avoir perdu ses ailes.

Cependant…

Ce qu’Iska avait du mal à croire, ce n’était pas que son adversaire se soit relevé.

« Votre corps… »

« Qu’est-ce que c’est ? Rien de tout cela n’est inattendu. »

Lorsque Kelvina sortit de la fournaise, il remarqua que des fissures s’étaient formées sur toute sa surface transparente, semblable à une pierre précieuse.

Malgré le fait qu’elle était un être transcendantal, imperméable à de nombreuses lois de la physique, son corps avait commencé à s’effriter sous le flot d’énergie astrale.

Comme un château de sable emporté par le vent.

« L’élément des anges malveillants et des sorcières ne peut coexister avec le pouvoir astral de cette planète. C’est comme l’eau et le feu. Alors quand il est exposé à une grande quantité d’énergie astrale… voilà le résultat. Mon corps la rejette… »

« … »

« L’énergie astrale n’a pas d’effets négatifs sur les humains, mais elle est comme un poison pour moi. »

Fwoom…

La fournaise qui créait des tremblements s’arrêta aussi brusquement qu’une corde que l’on coupe. L’ancienne humaine haussa les épaules, l’air amusé.

« C’est pourquoi j’ai au moins pris soin de ne pas endommager les fours. Vous vous êtes bien battu. Je n’arrive pas à croire que vous m’ayez laissé tomber dans l’un d’entre eux. »

« … Eh bien… »

Iska n’avait pas essayé de faire cela. Il voulait juste l’amener au golem. C’était tout ce qu’il avait essayé de faire.

« C’était une coïncidence. »

« … Je déteste ce mot plus que tout autre. Non seulement il n’est pas scientifique et dépend de facteurs extérieurs, mais il n’a aucune élégance. »

Les commissures des lèvres de la savante folle se retroussèrent. Elle semblait plutôt amusée.

« Au minimum, je pense que vous auriez dû dire la même chose qu’Elletear. C’est la volonté de la planète. Que pensez-vous de quelque chose de poétique comme ça ? »

« … Elletear. »

« Je déteste le mot coïncidence, mais la planète a bel et bien une volonté. Comme vous pouvez le constater. »

Alors que son corps se désagrégeait comme du sable, l’ange malveillant Kelvina tourna son cou vers le haut, c’était la seule partie qu’elle pouvait encore bouger. Elle contempla le flot de lumières tourbillonnantes.

Rouge, bleu, vert, blanc et jaune.

L’énergie astrale qui scintillait comme un mirage tourbillonnait. Bien que la savante folle l’ait qualifiée de « poison », cette vision semblait la réconforter.

« J’entends le chant des puissances astrales. “Un air divin conféré par dix milliards d’étoiles.” »

« Quoi ? »

« C’est ce qu’elle m’a dit. Qu’elle avait acquis la capacité de l’entendre. Je n’ai pas pu l’entendre, mais j’ai pensé que si je pouvais atteindre le cœur de la planète, même moi — c’est ce que j’ai cru, au moins… »

Elle expira une longue et profonde bouffée d’air. Les vestiges de l’époque où elle avait été humaine.

« Hé, Nazariel. Je n’ai pas pu atteindre le cœur de la planète… la ville aux dix milliards d’étoiles, Leinenheib. Mais si cela fait aussi partie de la grande volonté, alors qu’il en est ainsi. »

« Euh !? Attendez, Kelvina ! »

« Si les caprices de la planète le permettent, j’espère que nous nous reverrons. »

Il y eut un rugissement.

Le corps émietté de l’ange fut englouti dans des flammes astrales violettes. C’était arrivé si soudainement qu’Iska n’avait pas eu le temps de crier.

+

« Car je suis un papillon de nuit grotesque. Je ne serai jamais compatible avec un beau papillon. »

+

La savante folle qui était entrée en contact avec le tabou disparut dans la lueur du brasier.

***

Chapitre 7 : Au-dessus du ciel, au-dessous du ciel, précieux pour nous seuls

À plus de trois kilomètres sous terre. Dans la capitale impériale.

On ne pouvait y accéder que par un gigantesque ascenseur installé dans la base centrale de la capitale impériale, qui menait à l’organe d’autorité le plus important de l’Empire : l’assemblée impériale.

L’heure de la fermeture approchait.

La salle remplie de centaines de législateurs était actuellement silencieuse. À l’exception des huit personnes qui dirigeaient l’assemblée.

« Le signal de Kelvina a cessé d’être transmis. »

« Et la princesse sorcière Sisbell s’est échappée. Nous avons donc perdu un précieux sang pur. De plus, les animaux de compagnie et les documents de recherche pris dans la vague d’énergie astrale ont également été perdus… »

Les moniteurs situés le long du mur émettaient l’un après l’autre des soupirs d’abattement. Des soupirs que les huit Grands Apôtres n’avaient pas connus depuis cent ans.

« Le successeur de l’Acier Noir. Je suppose que nous lui avons donné trop de liberté. »

« C’est l’élève de Crossweil. Je ne pensais pas que nous pourrions le contrôler facilement, mais il a certainement dépassé nos calculs. »

« Oui. Nous aurions dû simplement lui ordonner de capturer la sorcière de la calamité glaciale et en finir. »

L’incident de l’évasion de la sorcière, il y a un an.

Tout avait commencé lorsqu’ils avaient cru pouvoir utiliser l’ancien Saint Disciple Iska, qui purgeait encore une peine.

+

« Nous allons vous faire faire quelque chose que vous devriez faire. »

« Capturez la sorcière de la calamité glaciale. »

+

Pourquoi lui avaient-ils demandé de l’arrêter ?

Ils n’avaient pas l’intention de l’utiliser comme otage. Ce n’était pas pour éliminer une menace pour les forces impériales. Ils l’avaient fait parce qu’ils avaient besoin d’elle pour l’une des expériences de Kelvina.

« La fille aînée était trop dangereuse pour être utilisée comme sujet. La troisième fille a été emprisonnée il y a un an… »

« Si nous avions pu capturer la deuxième fille de race pure, Aliceliese, à la place, nous n’aurions eu aucun scrupule à l’utiliser comme nouveau sujet, cependant… »

Si les choses s’étaient passées différemment…

Si Iska avait gagné son premier combat contre la sorcière de la calamité glaciale dans la forêt de Nelka, ils auraient pu l’envoyer au berceau des sorcières en tant que nouveau sujet.

« Le successeur de l’Acier noir en sait trop. »

« Que faire des trois autres membres de l’unité 907 ? »

« L’éliminer devrait suffire. Si toute l’unité disparaît, même le quartier général impérial pourrait commencer à agir. »

« Alors il faut faire vite. Avant que le Seigneur ne s’en aperçoive. »

Des applaudissements avaient retenti.

Alors que la salle d’assemblée devint silencieuse, une nouvelle proposition avait été approuvée à l’insu des autres membres de l’assemblée.

« Nous allons exécuter l’ancien Saint Disciple Iska. »

 

+++

Lieu de naissance des sorcières.

Les yeux de Sisbell brillaient lorsque les deux individus franchirent la porte de l’institut de recherche sur le pouvoir astral.

« Iska ! Et Rin ! Vous êtes tous les deux en sécurité ! »

« Il s’en est fallu de peu. Je n’ai aucune idée de ce qui se serait passé si Rin n’avait pas été là. »

« … Il en va de même pour toi. »

Rin s’était levée tandis qu’Iska la faisait descendre.

Elle fit la moue et semblait plutôt fâchée.

« Je n’arrive pas à croire que tu t’en sois sorti pratiquement indemne alors que j’ai été la seule à avoir reçu des coups… Aïe. »

« Rin !? »

« … Non, je m’excuse, Lady Sisbell. Il n’y a rien qui cloche chez moi. »

« Mais tu as l’air de souffrir terriblement. »

« Je me ferai soigner plus tard. »

Rin se redressa devant Sisbell. Le côté gauche de son visage était bleu et enflé, et ses vêtements avaient été tranchés de l’épaule au côté. Il était facile de voir qu’elle souffrait.

« Nous sommes également heureux que vous soyez tous sains et saufs », déclara Iska.

« Non, je suis heureuse que tu sois en sécurité, Iska. Nous n’avons fait que courir… Oh, mais il y a eu cette étrange chose fantomatique qui nous a surpris en sortant. »

« Nous échangerons nos histoires plus tard. Partons d’ici. »

Jhin souleva son étui à fusil sur son épaule et fit un signe du regard vers le toit des ruines.

Il y avait des trous de différentes tailles, laissés dans le sillage de l’énergie astrale qui avait surgi du sous-sol.

« Vu toute la lumière astrale qui a jailli, il y aura un ou deux témoins à l’extérieur. S’ils nous aperçoivent, ils penseront que nous sommes suspects. Il faut se dépêcher au moins à arriver au-delà du mur. »

« A -Attendez ! On fait encore de la course à pied !? »

Jhin, la commandante, et Néné s’étaient mis à sprinter aussi vite qu’ils le pouvaient. Sisbell essayait elle aussi de courir le plus vite possible pour ne pas être distancée. Mais au moment où elle leva la jambe pour s’élancer…

+

… un mince filet de lumière était apparu à l’improviste.

+

C’était plus fin qu’un cheveu. La corde incandescente, qui semblait assez fine pour se fondre dans l’atmosphère, se dirigea vers le cou de Sisbell comme s’il s’agissait d’une proie.

La princesse elle-même n’avait pas réalisé qu’elle était visée.

Iska, qui surveillait ses propres compagnons, avait été un peu trop lent.

Une seule personne avait pu réagir.

Cette personne était une certaine servante de la Souveraineté dont les yeux n’avaient jamais quitté Sisbell.

« Lady Sisbell ! »

« Quoi !? … Rin !? »

La princesse cria.

Rin, qui avait sauté sur elle, fut happée par le fil de lumière qui avait surgi de nulle part. On aurait dit un fil d’une toile d’araignée. Alors qu’il enserrait les bras et les jambes de Rin, plusieurs autres fils apparurent pour l’immobiliser.

« Quoi ? »

« Qu’est-ce que… ? Mlle Rin !? C’est ! »

Jhin, Néné et la capitaine Mismis remarquèrent la situation derrière eux. Avant qu’ils ne puissent tous les trois agir, Iska avait dégainé son épée astrale noire.

« Rin, ne bouge pas ! Je vais — ! »

+

« Très bien, Isk. C’est toi qui ne dois pas bouger, compris ? »

+

Ses pieds s’immobilisèrent, comme s’il était gelé.

Ce n’est pas qu’il ait obéi à l’ordre. Au contraire, il s’était arrêté dans son élan, surpris par l’ouverture d’une porte et par la personne inattendue qui en était sortie.

« … Pourquoi… ? »

« Hmm ? Pourquoi quoi, Isk ? »

« … Pourquoi… êtes-vous ici ? »

Sous ses lunettes à monture noire, l’officier des forces impériales à l’allure intelligente sourit malicieusement.

Risya In Empire.

Le Saint Disciple du cinquième siège et l’officier d’état-major du Seigneur.

« Risya ! »

« Yoo-hoo, Mismis. Cela fait un moment. Comment vas-tu ? »

Risya fit un signe de la main à Mismis, dont la voix s’était brisée sous l’effet de la surprise. Elle utilisa son autre main pour ramener Rin, qui avait été prise dans des fils astraux.

« R-Risya, cette lumière n’est pas… »

« Oh, tu veux dire ceci ? Oui, c’est le pouvoir astral. Mais assurez-vous de le garder secret pour les autres membres de la force impériale. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Aussi, Isk. »

La Sainte Disciple avait de nouveau tourné son regard vers lui, ses yeux perspicaces étant déjà fixés sur l’épée noire qu’il tenait à portée de main.

« Combien de temps vas-tu garder cela dehors ? Veux-tu bien rengainer cette lame ? »

« … »

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« … Je le ferai. Mais expliquez-moi ce qui se passe. »

Il remit l’arme dans son fourreau. Rin était toujours ligotée et immobilisée. Derrière lui, il sentait Sisbell collée à son dos, tremblant de façon incontrôlée.

… Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais c’est grave.

… L’unité 907 a été repérée avec deux sorcières.

Et par un saint disciple en plus.

C’était une trahison. Ils seraient probablement exécutés. Rin et Sisbell aussi. Cela, ou bien ils pourraient même faire face à un destin pire que la mort.

« Je vais être franc. Allez-vous nous abattre ? »

« Quelle bonne question, Isk ! Tu sais donc exactement à quoi vous en tenir. Il semble que tu n’aies pas complètement abandonné ton devoir de soldat impérial. »

« … »

« Je vais donc te répondre. Isk, c’est l’Empire. Je n’ai pas le pouvoir d’en décider. Qu’un soldat impérial vive ou meure — ! »

Risya leva les yeux au ciel.

Une autre porte de lumière s’ouvrit au-dessus de sa tête.

+

« — ne peut être décidée que par le Seigneur Yunmelngen. »

+

Une bête aux cheveux argentés sauta de la porte de lumière. Faisant des sauts périlleux comme un chat, elle atterrit légèrement à côté de Risya.

« Était-ce une bonne introduction, Votre Excellence ? »

« Tu peux faire ce que tu veux. La façon dont tu me présentes ne m’intéresse pas. »

La bête se tenait sur deux pattes.

« Elle parle !? »

« Vous pensiez que seuls les humains étaient capables de parler ? … Oh. Nous supposons qu’en formulant les choses de cette façon, vous allez provoquer des malentendus. Eh bien, nous supposons que cela ne nous dérange pas. »

La bête avait souri à Mismis. Bien qu’il ait la splendide fourrure d’un renard, son visage se situait entre celui d’un humain et celui d’un chat. Et si ses yeux avaient le charme d’un enfant, ils étaient aussi étrangement troublants.

Un renard ? Un chat ?

Quel genre de bête était-ce ?

« … Hey, Miss Saint Disciple. » Jhin, très délibérément, regarda entre Risya et la bête à côté d’elle. « Arrêtez avec vos blagues. »

« Hmm ? Quelle est la blague, Jhin-Jhin ? »

« Son Excellence est un homme corpulent avec une barbe. Il vient une fois par an à la base impériale. »

« Oui, c’est une doublure. Le neuvième, historiquement, en fait. »

« … Qu’avez-vous dit ? » Jhin fut décontenancé. « Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous dites que c’est un faux !? »

« C’est vrai. Je veux dire, regardez comment le Seigneur actuel est minuscule. Les civils feraient un scandale s’ils le découvraient. » Risya acquiesça facilement. « Le vrai Seigneur se tient à côté de moi. »

« … »

« Oh, vous ne me croyez toujours pas ? »

« … Bien sûr que non. » Jhin accepta pleinement son regard en disant cela. « Cet animal parlant m’a surpris, mais ce que vous dites est impossible… Nous n’avons pas rejoint les forces impériales pour servir une quelconque créature. »

« Dans ce cas, pourquoi pensez-vous avoir rejoint le groupe ? » demanda la bête aux cheveux argentés. Il y avait de l’intelligence dans leurs yeux. Et une lueur de crocs dans la bouche. « Si vous pensez qu’un officier d’état-major et un Saint Disciple servent quelqu’un d’autre que le Seigneur Yunmelngen, veuillez nous éclairer sur l’identité de cette personne. »

« … Euh. »

« Vous pouvez donc considérer cela comme un honneur. Nous nous montrons rarement, après tout. »

Aucun d’entre eux n’avait rien à dire. Même Rin, qui luttait contre les fils astraux dans lesquels elle était prise, était consternée et distraite en écoutant la bête. Iska ne pouvait empêcher ses jambes de trembler sur place.

… Cette bête est-elle censée être le Seigneur ?

… C’est ridicule. Comment peut-on nous demander de croire cela ?

Son esprit rationnel refuse de l’accepter.

Cependant, l’aura de la bête avait quelque chose de particulier, quelque chose d’étrangement intimidant. Même s’ils n’allaient pas se battre, Iska sentait quelque chose rayonner de la créature qui était encore plus grande que l’aura d’un pur-sang. C’était presque comme celle de la Fondatrice.

« Ah, tu es donc Iska. »

Un sourire atteignit les yeux du Seigneur, qui se rétrécirent en forme de croissant de lune.

« Tu es le successeur de Crossweil ? Tu as les épées astrales, donc tu dois l’être. »

« … Pourquoi connaissez-vous mon maître ? »

« Nous le connaissons mieux que toi. Oui, nous sommes venu discuter. »

Pat.

La bête posa une main sur la tête de Rin.

« Eh bien, vous êtes petite ! »

« Oh, quelle sorcière fougueuse ! Cela faisait longtemps qu’aucun humain n’avait essayé de nous mordre. Il semblerait que vous soyez divertissante. Eh bien, nous en sommes ravi. Rentrons à la maison, Risya. »

« Quoi ? Déjà ? Nous n’étions pas censés visiter cette installation ? »

« Le neuvième siège peut le faire. Notre priorité est de jouer avec cette sorcière. Voyez. »

Le Seigneur attrapa le cou de Rin. Au moment où il fit cela, il tourna finalement son regard vers l’avant.

« Troisième princesse Sisbell. »

« Comment savez-vous qui je suis ? »

« Discutons dans la capitale impériale. Cela vous concerne également. »

Puis ils disparurent…

… à travers la porte de lumière, avec Risya et Rin derrière lui.

+

« Nous attendrons, Successeur de l’Acier Noir. Parlons des sujets qui détermineront le sort de la planète. »

 

***

Épilogue : Le pays où tout a commencé

Quelques jours plus tôt.

+

L’une des deux superpuissances mondiales.

Au centre de la souveraineté de Nebulis, également connue sous le nom de Paradis des sorcières, se trouvaient plusieurs instituts de recherche de renommée mondiale qui excellaient dans l’ingénierie de la puissance astrale.

L’institut scientifique de l’Hydra et le centre de recherche sur l’ingénierie du pouvoir astral : La neige et le soleil.

Un établissement géré par l’une des trois familles royales.

Ils avaient créé ce laboratoire pour étudier les méthodes permettant de déclencher une quatrième révolution énergétique en utilisant l’énergie astrale qui jaillissait du noyau de la planète à la place de l’électricité et du gaz.

Un bosquet d’arbres à quelques centaines de mètres de l’établissement.

« Mizerhyby Hydra Nebulis IX… Je vois. Il est évident que le chef de la maison vous confie l’institut Neige et Soleil. Votre pouvoir astral est glorieux, bien adapté à un pur-sang. »

Le bel homme aux cheveux blancs repoussa grossièrement sa frange.

Il avait des sourcils imposants et un visage profond. Son assurance, son apparence, son allure virile et son comportement faisaient de lui le portrait craché d’un acteur de théâtre de premier ordre.

Et cet homme était…

« Combien de temps comptes-tu dormir ? » demanda-t-il d’une voix teintée d’exaspération en s’adressant au vieux monsieur à terre. « Shuvalts, te crois-tu autorisé à faire le sénile après t’être chargé de l’éducation de Mira ? »

« … Je ne suis pas le serviteur de Sa Majesté… Pour l’instant… Je suis le servant de sa fille. »

Il se leva en titubant. Ses yeux étaient profondément enfoncés, tout comme ses joues. Mais il était normal qu’il ait cet air-là. Il avait été enlevé par l’Hydra et emprisonné pendant un bon moment dans le sous-sol de l’institut.

Il s’agissait de l’accompagnateur de la troisième princesse, Shuvalts.

Le fait qu’il puisse encore se tenir debout à force de volonté malgré son état de fatigue faisait de lui le seul et unique accompagnateur de Sisbell.

« … Salinger. Cela fait trente longues années… vous êtes un scélérat. »

Il se stabilisa sur le tronc d’un arbre. Il était à bout de souffle, mais ses yeux ne montraient aucune hésitation lorsqu’il fixait le sorcier.

« Vous… m’avez libéré… »

« Juste pour les embêter », déclara l’homme alors que le sorcier transcendantal répondait avec un visage impassible. « Je voulais donner du fil à retordre à l’Hydra. Je me fiche de savoir pourquoi tu as été piégé dans l’institut, mais je suis sûr que perdre leur prisonnier va faire mal. »

Cela devrait distraire l’Hydra.

Il s’agissait d’une décision insignifiante.

« … »

« Quoi ? Si tu peux me jeter un regard noir, alors tu devrais te rendre au palais le plus vite possible. Les assassins de l’Hydra viendront bientôt rôder dans ces bois. »

« Salinger, vous… »

Les épaules du vieil homme s’affaissèrent au fur et à mesure qu’il respirait. Après avoir été le professeur de la reine Mirabella, il était aujourd’hui l’assistant de la princesse Sisbell.

« Pensez-vous que j’oublierais ? Vous avez essayé d’attaquer Sa Majesté à d’innombrables reprises. »

« Tu as raison. »

« … Vous vous êtes donc enfui pour attenter à nouveau à sa vie ? »

« Quoi ? Ta sénilité a-t-elle atteint ton cerveau ? » L’homme aux cheveux blancs et à la carrure robuste poussa un grand soupir. « Pourquoi penses-tu que je ferais une fixation sur elle ? C’est dérisoire. Et si tu arrêtais de débiter ces sottises et me disais quelque chose d’utile ? »

« Hein ? »

« Que prépare l’Hydra ? » Le sorcier fixa les yeux de l’assistant. « Je cherchais le secret dont la princesse Mizerhyby a été chargée, mais malheureusement, je ne l’ai jamais trouvé. Mais tu as dû en entendre parler, puisque tu étais son otage. »

« … J’ai le regret de vous informer que je n’ai appris qu’une seule information. »

« Eh bien, il n’y a rien à faire. »

« L’Hydra est de connivence avec l’Empire. Soit en partageant des forces militaires, soit en partageant des recherches sur le pouvoir astral. Peut-être les deux. »

« Quoi ? »

L’Adonis aux cheveux blancs s’était tu. Croisant les bras, il détourna le regard de son aîné, comme s’il s’en désintéressait, et fixa l’air. Il se renfrogna.

« Bizarre. Je doute que les forces impériales s’allient à ce point avec l’Hydra. Dans ce cas… »

Il tourna le dos à l’homme âgé et commença à marcher.

« C’est donc Yunmelngen. Ou peut-être y en a-t-il encore d’autres dans l’Empire. »

 

+++

Territoire impérial. Juridiction d’Altoria, à l’extrême Est.

Lieu de naissance des sorcières.

« … Je vais à la capitale impériale ! » La voix de Sisbell brisa le silence qui planait sur eux comme un nuage sombre. On aurait dit qu’elle cherchait à se motiver. « Je ne peux pas affronter Alice si je retourne à la Souveraineté et que je sacrifie Rin au passage. Je dois donc retourner à la capitale impériale et la ramener ! »

« Par vous-même ? »

« Avec votre aide à tous, bien sûr ! »

« … Vous n’avez aucun scrupule à nous entraîner dans cette galère. » Jhin laissa échapper un soupir qu’il avait retenu. Il croisa le regard sévère de la jeune fille en parlant, semblant quelque peu résigné. « Son Excellence nous a convoqués elle-même. Si nous n’y allons pas, nous serons tous recherchés pour trahison… et si nous le faisons docilement, ils nous emprisonneront. »

« À ce propos… » Iska suivit Jhin à contrecœur. « J’étais préparé à cela depuis le début. Je pensais que nous pourrions tous être exécutés. »

Rin et Sisbell étaient toutes deux des sorcières. L’unité 907 les avait invitées à entrer dans l’Empire, mais le Seigneur et son officier d’état-major venaient de l’apprendre.

… Et ils nous ont demandé de venir dans la capitale.

… Cela revient à nous dire de baisser les bras et d’accepter notre mort. C’est forcément ce qu’ils pensent.

Mais plus le temps passait, plus les idées d’Iska sur la question commençaient à changer.

« Je sais que c’est juste moi qui essaie d’être optimiste, mais… »

« Eh bien, il n’y a plus rien à faire. »

« Nous pouvons fuir l’Empire immédiatement. Au fond, je pense que le Seigneur n’a peut-être pas envisagé que nous fassions défection. Nous pourrions aller dans une ville neutre ou n’importe où. »

Ils étaient accompagnés de la princesse Sisbell. À l’heure actuelle, il leur était possible de faire défection au profit de la Souveraineté.

« Le Seigneur nous a délibérément quittés et a disparu. S’il voulait vraiment nous exécuter, n’aurait-il pas envoyé les forces impériales à nos trousses ? »

« … » Jhin se renfrogna.

« Et s’ils n’avaient pas l’intention de nous mettre à mort et qu’ils voulaient en fait que nous retournions à la capitale exactement comme ils l’ont dit ? »

« … Je pense aussi que c’est ça ! » La capitaine Mismis, qui était restée silencieuse jusqu’alors, leva la main. « Je n’ai aucune idée de ce que le Seigneur peut bien penser, mais quelque chose me turlupine. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

« Le visage de Risya. » Il y avait quelque chose de ferme dans l’expression de la commandante lorsqu’elle avait dit cela — quelque chose comme de la conviction. « Je ne pense pas qu’elle ait eu l’air si en colère… Je veux dire, réfléchissez-y. Risya a encore plus de liens avec la Souveraineté que nous — elle utilisait en fait le pouvoir astral ! C’est à armes égales ! »

« Mais il y a toujours une chance qu’ils essaient de nous faire taire à la dernière minute. »

« … C’est vrai, mais ce n’est pas ce qu’il semblerait, d’après l’expression du visage de Risya ! » La capitaine Mismis se retourna. Elle regarda Néné et hocha la tête comme pour l’exhorter. « Qu’en penses-tu, Néné ? »

« … Je pense que je ferai ce que tout le monde fait, que ce soit faire défection ou aller à la capitale. Mais si nous changeons de camp, je pense que mes parents s’inquiéteront. » Néné poussa un gros soupir. « Et je ne le dis que maintenant, mais je crois que je suis encore ébranlée d’avoir vu le Seigneur comme ça. »

« Je suis d’accord, Néné ! » ajouta Mismis. « J’étais moi aussi déconcertée… Iska, n’as-tu pas rencontré le Seigneur lorsque tu es devenu un Saint Disciple ? »

« Je ne voyais pas son visage. Il y avait un mince rideau entre nous lorsque j’étais en audience avec lui. »

Iska n’avait pas de réponse. En fait, il était peut-être plus choqué que n’importe qui d’autre.

… Les Saints Disciples existent pour servir le Seigneur en tant que soldats.

… Je n’arrive pas à croire que j’ai risqué ma vie pour protéger un tel monstre.

Il en allait de même pour les recherches sur le pouvoir astral menées par l’Empire. L’amour et la confiance qu’il portait à sa patrie semblaient sur le point de s’effondrer.

« Non, en fait, je peux voir cela se produire. Si c’est le Seigneur Yunmelngen. »

« Hein ? »

Tous s’étaient retournés. Ils regardèrent Sisbell, qui semblait résolu.

« Tout le monde, souvenez-vous de Kelvina de tout à l’heure. Elle a dit que c’était elle qui avait rendu Vichyssoise comme ça. Et vous avez vu de vos propres yeux comment elle s’est transformée en monstre. »

« … Miss Sisbell », dit Néné en hésitant. « Êtes-vous en train de dire que le Seigneur est comme elle ? Pensez-vous qu’il est possible que l’exposition à l’énergie astrale l’ait transformé en cela ? »

« Réfléchissez-y. » Sisbell se retourna. Elle regarda le ciel occidental lointain.

+

« Le premier endroit au monde où le pouvoir astral s’est manifesté a été l’Empire. »

+

Il y a un siècle…

La découverte du premier vortex du monde avait été à l’origine de tous les sorciers et sorcières. Elle avait également entraîné la naissance de la fondatrice, Nebulis.

« Mais si la Vénérée Fondatrice n’était pas la seule ? Et si le Seigneur Yunmelngen avait lui aussi été inondé d’énergie astrale il y a cent ans ? »

Cela expliquerait son apparence physique. Et cela mettrait en lumière les recherches de Kelvina — peut-être étaient-ils en train de créer un deuxième ou un troisième Seigneur, ou essayaient-ils de trouver un moyen de redonner au Seigneur sa forme originelle.

« Iska, cela nous concerne aussi. »

« Quoi ? »

« La raison pour laquelle je suis arrivée à cette hypothèse tout de suite et pour laquelle je me suis faufilée dans l’Empire il y a un an, c’était pour faire des recherches sur ce sujet. »

« … Qu’as-tu dit ? »

« J’étais simplement curieuse. Je n’avais pas l’intention de faire quoi que ce soit à l’Empire. Je voulais juste connaître la vérité sur ce qui s’est passé il y a un siècle. »

Tout avait commencé dans la capitale, cent ans auparavant. Des sorcières et des sorciers avaient été créés, et la souveraineté de Nebulis était née de la supernation qu’était l’Empire à l’époque. Tout ce qui s’était passé jusqu’à présent remontait à cet endroit.

« J’ai été empêchée de réaliser mon plan à l’époque. Immédiatement après avoir posé le pied dans l’Empire, j’ai été arrêtée et emprisonnée. Et tu m’as sauvée après cela, Iska, mais… mais je pense que maintenant je peux le faire. Non, il n’y a pas d’autre moment pour le faire que maintenant ! »

Elle secoua ses cheveux brillants et resserra son expression.

Sisbell Lou Nebulis IX. La sorcière qui possédait le pouvoir astral Illumination, capable de voir le passé, porta la main à sa poitrine.

« Les événements qui se sont déroulés il y a un siècle. Je n’imagine pas que la poussée d’énergie astrale dans la capitale ait pu être une simple coïncidence. Mais pourquoi cela s’est-il produit dans la capitale impériale ? Je suis sûre que ce lieu recèle d’autres secrets. »

S’ils se rendaient à la capitale…

Tant qu’ils disposaient du pouvoir astral de Sisbell, ils pouvaient recréer une scène de ce qui s’était passé il y a un siècle.

« Alors, comme je vous l’ai demandé dès le départ, je veux me rendre dans la capitale. Nous y avons été invités par le Seigneur lui-même, après tout. »

Elle porta la main à sa poitrine. La princesse de la souveraineté de Nebulis semblait presque chanter en déclarant…

+

« D’abord, nous sauverons Rin. Et ensuite, nous découvrirons le plus vieux mystère du monde. »

***

Illustrations

Fin du tome.

***

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